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CONSTITUTION, PRIVATISATIONS ET POUVOIRS SPÉCIAUX : UN DÉBAT OUBLIÉ Dimitri Yernault CRISP | Courrier hebdomadaire du CRISP 2001/24-25 - n° 1729-1730 pages 5 à 57 ISSN 0008-9664 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-courrier-hebdomadaire-du-crisp-2001-24-page-5.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Yernault Dimitri, « Constitution, privatisations et pouvoirs spéciaux : un débat oublié », Courrier hebdomadaire du CRISP, 2001/24-25 n° 1729-1730, p. 5-57. DOI : 10.3917/cris.1729.0005 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour CRISP. © CRISP. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université d'Orléans - - 194.167.30.125 - 29/01/2015 17h11. © CRISP Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université d'Orléans - - 194.167.30.125 - 29/01/2015 17h11. © CRISP

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  • CONSTITUTION, PRIVATISATIONS ET POUVOIRS SPCIAUX : UNDBAT OUBLI

    Dimitri Yernault

    CRISP | Courrier hebdomadaire du CRISP

    2001/24-25 - n 1729-1730pages 5 57

    ISSN 0008-9664

    Article disponible en ligne l'adresse:--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    http://www.cairn.info/revue-courrier-hebdomadaire-du-crisp-2001-24-page-5.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Pour citer cet article :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Yernault Dimitri, Constitution, privatisations et pouvoirs spciaux : un dbat oubli , Courrier hebdomadaire du CRISP, 2001/24-25 n 1729-1730, p. 5-57. DOI : 10.3917/cris.1729.0005--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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  • Courrier hebdomadaire

    n 1729-1730 2001

    Constitution, privatisations et pouvoirs spciaux : un dbat oubli

    Dimitri Yernault

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  • Table des matires

    INTRODUCTION 5

    LABSENCE DENCADREMENT JURIDIQUE SPCIFIQUE DES PRIVATISATIONS 9

    DE LA SPCIALIT DES SERVICES PUBLICS LA SPCIALIT DES PRIVATISATIONS 9 UNE PLURALIT DES DEGRS DE PRIVATISATION RVLE PAR LA PRATIQUE 11

    APERU CHRONOLOGIQUE DES PRIVATISATIONS 13 LA LGISLATURE 1985-1987 : UNE PREMIRE TENTATIVE AVORTE DE PRIVATISATION 13 LA LGISLATURE 1988-1991 : LULTIME TENTATIVE DE RENFORCER LE SECTEUR PUBLIC 14 LA LGISLATURE 1991-1995 : LE DBUT DES PRIVATISATIONS 17 LA LGISLATURE 1995 1999 : LA POURSUITE DES PRIVATISATIONS 19 LA LGISLATURE ACTUELLE : UNE COALITION INDITE CONTINUANT PRIVATISER 23

    LA LGALIT DES POUVOIRS OCTROYS AU GOUVERNEMENT POUR PRIVATISER 26

    LES DLGATIONS DE COMPTENCES SUR LORGANISATION DU SECTEUR PUBLIC 26 LES POUVOIRS SPCIAUX, HABILITATION AU GOUVERNEMENT DE FAIRE LA LOI 28 LPINEUX PROBLME DE LA CONFIRMATION LGISLATIVE DES PRIVATISATIONS 34 LA PRATIQUE DSORDONNE DES CONFIRMATIONS 38

    LUTILIT PUBLIQUE DU TRANSFERT DACTIVITS ET DACTIFS PUBLICS AU SECTEUR PRIV 44

    LA PROPORTIONNALIT DU PRIX DE CESSION DES ACTIFS PUBLICS 49

    LE RESPECT DE LGALIT LORS DE LA PRIVATISATION 52

    CONCLUSIONS 55

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  • 5

    Introduction

    La constitutionnalit de loctroi de pouvoirs spciaux, soit une dlgation de comptences du pouvoir lgislatif au profit du seul gouvernement, nest-elle plus quune question rhtorique ? Certains constitutionnalistes le pensent 1. Pourtant, une question dactualit telle que la nouvelle restructuration de Belgacom permet dentrouvrir un dossier constitutionnel et donc forcment politique longtemps enfoui. La passe darmes, dbut juillet 2001, ne dura que quelques jours mais le grand public fut enfin en mesure de savoir que la privatisation de cette socit anonyme de droit public serait opre laide de pouvoirs spciaux malgr la contestation par le Conseil dtat de certaines conditions de leur octroi et la dngation par le gouver-nement de ce quil y aurait recours. En juillet 1999, la coalition librale-socialiste-cologiste a conclu un accord de gouvernement dans lequel a rorganisation du sec-teur public fdral occupe une place importante : sauvetage de la Sabena, rforme de la SNCB, annonce de la privatisation de La Poste, achvement de privatisations dj entames (Belgacom, Office central de crdit hypothcaire, etc.), etc. Le fait que plu-sieurs dossiers dampleur doivent tre traits en mme temps, les proccupations pour lavenir du personnel des entreprises concernes ou encore les rebondissements incessants des ngociations au sein de la majorit expliquent sans doute un relatif regain dintrt pour lavenir du secteur public.

    Or, jusquici, la rorganisation du secteur public, et en particulier les privatisa-tions, programmes depuis 1987, effectivement entames en 1993, poursuivies jusquen 2001, ont rarement donn lieu dimportants dbats parlementaires ou des campagnes de presse acharnes. On sen tonnera dautant plus avec le recul que, ce qui na t que trop rarement soulev, bon nombre de privatisations et de restructu-rations furent menes laide de pouvoirs spciaux qui, lorsquils furent utiliss, de manire certes systmatique au cours des annes 1980, donnrent lieu des dbats violents. Depuis, lusage des pouvoirs spciaux sest banalis, spcialement en ce qui concerne les privatisations, puisquil apparat que tous les types de coalitions au pou-voir les ont utiliss. Mthode presque gnralise de lgifrer en matire socio-co-nomique de 1981 1987 (sous les coalitions CVP-PRL-PVV-PSC), mthode surtout circonscrite la restructuration du secteur public de 1993 1999 (sous les coalitions CVP-PS-SP-PSC), le recours aux pouvoirs spciaux reste une mthode usite de ma-nire discrte depuis 1999 (coalition VLD-PS-Fdration PRL FDF MCC-SP-colo-Agalev).

    Mais par-del le recours aux pouvoirs spciaux en vue de les finaliser, les privati-sations posent des questions de constitutionnalit parfois dautant plus aigus que, au contraire dautres systmes juridiques, le droit public belge organise de manire trs lapidaire les mcanismes de linterventionnisme conomique public. Les privatisa- 1 F. DELPRE, Le droit constitutionnel de la Belgique, Bruxelles et Paris, Bruylant et LGDJ, 2000, p. 772.

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  • Constitution, privatisations et pouvoirs spciaux : un dbat oubli CRISP/CH 1729-1730

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    tions ont t peu tudies en droit belge. Elles le furent encore moins laune du droit constitutionnel. Faute, ce jour, de contrle juridictionnel sur les dispositions lgales et rglementaires relatives aux privatisations, seuls les avis, non obligatoires, remis par la section de lgislation du Conseil dtat sur les projets qui mnent llaboration de ces dispositions permettent dapprhender les limitations constitu-tionnelles qui peuvent tre apportes aux privatisations, tant dans leur principe que dans leurs modalits 2. Ces avis, rendus au fil de restructurations diverses du secteur public, montrent que labsence de principes dordre constitutionnel spcifiquement applicables aux privatisations ne signifie nullement quelles puissent se drouler en contrarit avec la Constitution.

    Il est vrai quil nexiste pas de modle unique de privatisation 3, ce qui accrot la complexit dune analyse globale. Pas plus que nexistent de par le monde des mod-les uniformes de dispositions constitutionnelles qui limiteraient de la mme manire les dcisions et les oprations de privatisation. On rencontre des limitations substan-tielles comme linterdiction de privatiser certaines activits ou le respect de droits fondamentaux, notamment celui des travailleurs de garder dans le secteur priv les mmes avantages que ceux dtenus avant la privatisation. La plus importante limita-tion procdurale, quasiment gnralise celle-l, tient dans la comptence de principe que la plupart des droits constitutionnels reconnaissent au pouvoir lgislatif pour organiser le secteur public et donc pour privatiser 4.

    La Belgique ne disposant pas dune constitution conomique 5, les expriences trangres menes en matire de nationalisations et de privatisations permettent nanmoins de dgager lexistence de principes dordre constitutionnel laune des-quels la validit des privatisations belges peut tre apprcie, faute de protection sp-cifique de la proprit publique par la Constitution 6. En effet, le droit compar indi-que que le contrle de constitutionnalit, voire de conformit la Convention euro-penne des droits de lhomme, portant sur les nationalisations et sur les privatisations sopre de manire relativement semblable dans les pays europens, selon les quatre principes essentiels que sont la lgalit (Qui peut privatiser et comment ?), lutilit

    2 La Cour darbitrage na pas encore eu se prononcer sur une privatisation en tant que telle. Il est

    nanmoins rendu compte plus loin de sa jurisprudence relative certains principes constitutionnels gnraux.

    3 J. ROBERT, Le droit et les privatisations Prsentation gnrale des problmes , in Aspects juridiques des privatisations, Strasbourg, Conseil de lEurope, 1993, p. 42.

    4 D. FELDMAN et F. CAMPBELL, Constitutional Limitations on Privatisation , rapport gnral au 15me Congrs international de droit compar, Bristol, juillet 1998, non publi.

    5 savoir un corps de rgles constitutionnelles rgissant spcifiquement les relations entre ltat et les activits conomiques. Lexpression est emprunte H. RABAULT, La Constitution conomi-que de la France , Rev. Fr. Dr. Const. 2000, p. 707.

    6 Le contraste est flagrant si on considre le cas voisin de la France depuis que la dcision du Conseil constitutionnel n 86-207 DC des 25-26 juin 1986, AJDA , 1986, p. 579, note J. RIVERO, a estim que certains services publics constitutionnels ne pouvaient faire lobjet de privatisation, dune part, et que les privatisations devaient donner lieu au versement dun prix adquat, la pro-prit publique tant protge comme la proprit prive par larticle 17 de la Dclaration des Droits de lHomme et du Citoyen, dautre part. Plus rcemment : J.-Ph. COLSON, Droit public cono-mique, 3me d., Paris, Librairie gnrale de droit et de jurisprudence, 2001, pp. 63-64 ; D. LINOTTE et R. ROMI, Servives publics et droit public conomique, 4me d., Paris, Litec, 2001, p. 200 ; PH. YOLKA, La proprit publique lments pour une thorie, Paris, Librairie gnrale de droit et de jurisprudence, 1997, pp. 570-574.

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    publique (Toute activit est-elle lgitimement privatisable ?), la proportionnalit (Comment doit tre calcul le prix de cession ?) et lgalit (Les candidats-acqureurs sont-ils traits de la mme manire ? Lentreprise privatise est-elle bien soumise aux rgles de concurrence ?) 7.

    La place que peuvent occuper ces quatre principes en droit belge, en ce qui concerne la protection de la proprit publique, varie dun cas lautre. En effet, seuls deux dentre eux sont expressment formuls par la Constitution. Il sagit dabord du principe dgalit et de non-discrimination port de manire gnrale par les articles 10 et 11 de la Constitution, de telle sorte quil peut tre invoqu dans tous les domaines, en ce compris les privatisations. Le principe de lgalit est port pour sa part par larticle 33 de la Constitution qui dispose que Tous les pouvoirs manent de la Nation. Ils sont exercs de la manire tablie par la Constitution. Quant aux principes dutilit publique et de proportionnalit, ceux-ci sont explicitement consacrs par la Constitution mais uniquement en son article 16 relatif la protection de la proprit prive et aux conditions dans lesquelles il peut tre procd des expropriations par les autorits publiques. A priori, il y a donc diffrence dans le fondement constitu-tionnel de ces principes, direct quoique gnral en ce qui concerne lgalit et la lga-lit, indirect tout au plus en ce qui concerne lutilit publique et la proportionnalit en admettant que la proprit publique soit protge linstar de la proprit prive , dune part, et carence quant une protection spcifique de la proprit publique, dautre part. Ceci pourrait mener conclure htivement, dautant plus que la question de la constitutionnalit des privatisations a t peu tudie en Belgique, que les prin-cipes de lgalit, dutilit publique, de proportionnalit et dgalit ne peuvent faire lobjet que dune application plus ou moins marginale.

    y regarder de plus prs, il nen est toutefois rien : tant les conditions formelles dans lesquelles les privatisations sont menes que les conditions de fond quelles doi-vent thoriquement rencontrer ont t, au moins partiellement, apprcies par la section de lgislation du Conseil dtat laune de principes fort semblables. Labsence de cadre juridique spcifique aux privatisations, notamment critique par la Cour des comptes, ainsi que de toute dfinition juridique de celles-ci explique lexistence de bon nombre des questions de constitutionnalit partiellement irrsolues (premire partie). Aprs la prsentation chronologique des privatisations (deuxime partie), demeurent en effet largement ouvertes plusieurs interrogations. Nimporte quelle autorit peut-elle privatiser? Les dlgations de pouvoirs et de comptences, comme les pouvoirs spciaux, consenties des organes excutifs sont-elles constitu-tionnelles (troisime partie) ? Tous les services et actifs publics sont-ils privatisables sans blesser le principe dutilit publique (quatrime partie)? Nimporte-t-il pas dinstaurer un contrle sur le prix de vente (cinquime partie) ? Les privatisations ne mnent-elles pas parfois rompre avec le principe dgalit (sixime partie) ? Un 7 Sur les nationalisations, cf. P. BON, Les nationalisations dans la jurisprudence constitutionnelle

    de lEurope de lOuest , Rev. Fr. Dr. Const., 1994, pp. 17-57. Sur les privatisations : F. GLCKL, La privatisation : le droit de proprit et la jurisprudence de la Cour europenne des droits de lhomme , in Les aspects juridiques des privatisations, op. cit ., pp. 43-51 ; J.-F. FLAUSS, Les mutations de proprit dans les pays dEurope centrale et orientale lpreuve de larticle premier du Proto-cole additionnel , in La mise en oeuvre interne de la Convention europenne des droits de lhomme, Bruxelles, ditions du Jeune Barreau, 1994, pp. 225-232.

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    examen sommaire des oprations de privatisation montre quelles limites constitu-tionnelles sont censes les affecter.

    Il est certain que les privatisations sont souvent peu ou prou conscutives aux politiques europennes de privatisation, le droit communautaire simposant aux tats membres de lUnion europenne. Conscient que le processus dlaboration du droit national se transforme sous linfluence de ce facteur, notre intrt se portera cepen-dant ici uniquement sur la manire dont le droit constitutionnel belge rglemente ou non ce type doprations.

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  • 9

    Labsence dencadrement juridique spcifique des privatisations

    De la spcialit des services publics la spcialit des privatisations

    Moins de deux dcennies aprs leur incursion sur la scne politique, les privati-sations ont dores et dj considrablement boulevers la physionomie du secteur public conomique, en particulier celle des institutions publiques de crdit et des services publics dits de rseaux (transports, communications et nergie). Jusquil y a peu, lorganisation des services publics tait marque par la distinction cardinale entre service public organique et service public fonctionnel ou matriel , que lon devait en Belgique Andr Buttgenbach : Lorganisme public est tout organisme cr par les pou-voirs publics, plac sous leur haute direction, dont ils fixent et modifient souverainement les statuts et dont ils sont matres de la suppression. Lorganisme public correspond, en ce sens, ce que nous avons appel le service public organique. Il se diffrencie de la gestion prive des services publics ou du service public matriel en ce sens que, dans le premier cas non seulement lactivit exerce par lorganisme mais lorganisme lui-mme ont un caractre public, tandis que dans le second, seule lactivit exerce a un caractre public et, ce titre, est rglemente souverainement par les pouvoirs publics, tandis que lorganisme qui exploite cette activit conserve un caractre priv, reste un orga -nisme priv. 8

    Ce que lon appelle communment le secteur public conomique a toujours t protiforme en Belgique. Le Conseil dtat a ainsi relev lors de la privatisation de la Caisse nationale du crdit professionnel (CNCP) que les comptences, lorganisation et le fonctionnement des organismes dintrt public ne sont pas rgis par une lgislation uniforme ou gn-rale. Chacun deux est issu dune loi particulire qui lui a attribu une personnalit juridique propre et en a dfini les rgles particulires dorganisation. Cette spcialit rsulte de la diversit des missions de service public qui sont confies ces organismes 9. Cet parpillement de lorganisation juridique du secteur public rsulte de lattitude pragmatique du monde politique lgard des activits conomiques menes par les pouvoirs publics 10. La crise cono-mique et la rgionalisation de pans importants de la politique conomique ont achev

    8 A. BUTTGENBACH, Rflexions sur le statut des organismes parastataux et des entreprises publi-

    ques en Belgique , Seconds mlanges dconomie politique et sociale offerts Edgard Milhaud, Lige, CIRIEC, 1960, pp. 185-186.

    9 Avis du 4 dcembre 1996 sur un projet darrt royal modifiant, en ce qui concerne la CNCP, la loi du 17 juin 1991 portant organisation du secteur public de crdit , Moniteur belge, 31 dcembre 1996, d.3.

    10 Cf. par exemple G. VAN TEMSCHE, Les paradoxes de ltat. Ltat face lconomie de march. 19 me et 20me sicles, Bruxelles, Labor, 1997, spc. pp. 59 et 63.

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    de rendre plus complexe le droit public conomique 11. Multitude de textes, politi-ques contradictoires, conflits de comptences, approfondissement des rformes ins-titutionnelles, etc. ne pouvaient favoriser une approche globale et intgre du secteur conomique public 12. Il nest ds lors gure tonnant que les premiers commenta-teurs des privatisations ont relev le caractre fragmentaire de leur cadre juridique : En Belgique, les bases juridiques de la privatisation sont assez rduites ; il nexiste pas de texte constitutionnel et les dispositions lgislatives sont sommaires. 13

    Ce constat demeure, plusieurs annes aprs, la marque du droit belge applicable aux privatisations. Cest prcisment de l que dcoulent les objections de constitu-tionnalit qui peuvent leur tre adresses. En effet, si le recul permet de mieux pro-cder une analyse globale des privatisations intervenues en Belgique, le svre r-quisitoire formul en 1995 par le 152me Cahier dobservations de la Cour des comp-tes garde toute son actualit : Dans la plupart des pays o le processus de privatisation a t enclench, il sest appuy sur un ensemble lgislatif, voire constitutionnel, homogne. Les parlements y ont adopt des lois ou des codes de privatisation, contenant non seulement les autorisations de cessions dactifs mais aussi un certain nombre de lignes directrices concernant le programme, les m-thodes dvaluation, les techniques de vente, la slection des acqureurs, les contraintes quils ont respecter, les modalits de paiement, etc. (...). En Belgique, la cession des actifs de ltat sest opre en dehors de ce type dencadrement global prtabli. Sans ngliger limportance des facteurs de nature diverse qui sont la base de ce mouvement de privatisation, il est vrai que, dans notre pays, les imp-ratifs dordre budgtaire, et notamment la proccupation de rpondre au plus tt aux exigences d-coulant du Trait de Maastricht, ont t dterminants dans la dcision et la programmation des cessions dactifs. Cest ce qui explique quen Belgique, la restructuration et la privatisation se sont appuyes le plus souvent sur des dispositions particulires insres dans des lois portant des disposi-tions fiscales, sociales et diverses. Dans bien des cas, ces dispositions accordaient des pouvoirs sp-ciaux lui permettant, par arrts dlibrs en Conseil des ministres, dabroger, de complter, de modifier et de remplacer les dispositions lgales applicables aux entreprises publiques autonomes et aux institutions publiques de crdit. En dautres termes, le Parlement a dlgu lExcutif le soin dlaborer et de mettre en uvre les programmes de cessions dactifs sans que cette dlgation saccompagne explicitement de normes prcises dfinissant les mthodes suivre et les objectifs at-teindre. Par ailleurs, lExcutif ne sest vu imposer aucune obligation quant la ncessit de remettre un rapport sur les cessions ralises ou la procdure, aux dlais et aux formes que devrait respecter un tel rapport. Dans un tel contexte, on comprend que le gouvernement sest toujours rserv le pou-voir du dernier mot dans lapprobation des oprations de cessions dactifs. 14

    11 E. LENTZEN et A. V INCENT , Groupes dentreprises publics et privs , Courrier hebdomadaire,

    CRISP, 1989, n 1248-1249 ; J.-M. VAN BOL, Politique conomique et pouvoir rgional, Louvain-la-Neuve, Ciaco, 1982.

    12 En ce sens galement, P. NIHOUL et B. LOMBAERT, Belgique , in R. ANDERSEN et D. DEOM (dir.), Droit administratif et subsidiarit, Bruxelles, Bruylant, 2000, p. 60 et les rfrences cites.

    13 R. ANDERSEN et D. PHILIPPE, Les privatisations , DAOR 1993, p. 59. Comme lindiquent ces auteurs, ce nest que par ladoption de la loi du 22 juillet 1993 portant des dispositions fiscales et financires que le gouvernement sest dot des moyens lgaux ncessaires pour mener bien son programme de privatisation . Il sera vu infra que cette loi aux consquences importantes, en particulier parce quelle a servi de pr-cdent bon nombre de textes ultrieurs, est cependant loin de constituer le cadre de rfrence qui manque encore aux privatisations belges.

    14 152me Cahier de la Cour des comptes, Chambre, Doc. parl., (SO 1995-1996), fasc. 1er, pp. 39-40.

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    Une pluralit des degrs de privatisation rvle par la pratique

    Lexemple de lorganisation des tlcommunications illustre bien le pragmatisme politique voqu plus haut. Tous les rgimes possibles auront exist en 120 ans : monopole priv, concessions de ltat, monopole public, essai avort de cration dun holding public avec filiales capitaux privs pour le financement des infra-structures, tentative ultime dancrage public, consolidation stratgique, mise en concurrence ventuelle de la prestation du service universel, et probable privatisation au-del de la majorit du capital de Belgacom aprs le rcent chec dune tentative de fusion avec KPN 15.

    Aux diverses formes de privatisations qui vont de ladoption de nouveaux modes de gestion la cession dactifs, de la drgulation au dmantlement des monopoles publics, en passant par la concession 16, correspondent plusieurs degrs 17.

    Le premier degr, celui de la privatisation au sens le plus large, est dj ancien : il sagit du recours la concession de service public une entreprises prive. Sy appa -rentent le recours trs frquent aux modes dorganisation des socits prvus par le droit commercial ou ladoption plus tardive mais de plus en plus systmatique de mthodes de gestion en vigueur dans le secteur priv. Relvent de la mme logique linstauration dans les entreprises publiques dinstitutions comme le contrat de ges-tion et le plan dentreprise, ainsi que, plus rcemment, la pntration des principes du gouvernement dentreprise 18.

    Les trois autres degrs conduisent des privatisations au sens restreint. Ne fai-sant pas plus lobjet dune quelconque dfinition juridique, ils se caractrisent nan-moins par le transfert en tout ou en partie dactifs ou dactivits publics au secteur

    15 Sur lexemple des tlcommunications, cf. notamment D. DE CROMBRUGGHE et Y. POULLET,

    La rglementation des tlcommunications en Belgique , APT, 1986, pp. 187-215 ; F. DEHOUSSE et D. GILLEROT, La rglementation belge des tlcommunications de 1876 1996 , Courrier hebdomadaire, CRISP, 1997, n 1552-1553 ; B. VAN DER HERTEN et P. VERHOEST, Tweehonderd jaar privatiseringsdebat in Belgi - Historische reflectie over het wel en wee van de Belgische (tele)communicatiebedrijven , Res Publica, 1993, n1, pp. 73-93. galement, P. VERHOEST, Openbare telecommunicatie (1798-1998), Bruxelles, VUB Press, 2000.

    16 Cf. parmi beaucoup dautres : J.-F. ESCARMELLE, Drglementation Privatisation : la situation en Europe , in G. BOUCHARD dir., La rforme administrative dans les pays francophones, Moncton et Louvain-la-Neuve, ditions dAcadie et Academia, 1991, pp. 130-131 ; Y. POULLET, Lentreprise publique a-t-elle un avenir ? , in Le droit des affaires en volution, n 4, Bruxelles, Bruylant, 1993, p. 69 ; J. TOUSCOZ, Les privatisations dans les pays de lOuest , Droit et pratique du commerce interna-tional, 1994, p. 117.

    17 Est propose ici, en ladaptant sensiblement, la classification de K. LEUS , Een klassiek bes-tuursrechtelijke benadering van het verschijnsel verzelfstandiging van openbare diensten : naar een nieuw evenwicht tussen autonomie en centrale sturing , in Liber Amicorum G. Baeteman , Deurne, Kluwer et Story-Scientia, 1997, pp. 589-590. Sont ici exclues les entreprises prives pr-existantes bnficiant de participations publiques sous la forme de capitaux pour ne traiter que des organismes crs un moment donn par les pouvoirs publics.

    18 Cf. ainsi la loi du 7 mai 1999 sur le Palais des Beaux-Arts. Quant La Poste, Belgocontrol et la SNCB, elles demeurent, en novembre 2001, dtenues intgralement par ltat mais devraient connatre dimportantes rformes structurelles , lextension des mthodes de gestion prives nayant pas encore men privatisation au sens restreint.

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    priv. Le deuxime degr de privatisation implique un transfert dactifs ou une aug-mentation de capital, aux termes desquels ltat conserve au moins la moiti du ca-pital et des voix dans les organes de gestion et donc la prminence dans la dcision (Belgacom et BIAC, socit gestionnaire de laroport de Bruxelles-National, pour linstant) 19. Le troisime degr caractrise une forme de privatisation qui a donn lieu transfert dactifs ou augmentation de capital mais aux termes desquels ltat ne dtient plus quune minorit du capital ou a gard un pouvoir de contrle, notam-ment par la cration dactions spcifiques (Distrigaz) 20. Le quatrime degr corres-pond enfin au transfert total dactifs publics (institutions publiques de crdit) ou aux cas dans lesquels lautorit a abandonn tout pouvoir de contrle sur lentreprise privatise, ce quillustre le dmantlement complet de la plupart des anciennes ban-ques publiques vises dans la version originelle de la loi de 1991 sur les institutions publiques de crdit 21. Seules seront exposes ici les privatisations impliquant des cessions dactifs publics vers le secteur priv.

    Une telle distinction entre les diffrents paliers de privatisation ne prend son sens qu la lumire de lexprience. De thorique, cette distinction que le droit positif belge na jamais dfinie est devenue pratique. Labsence de dfinition juridique, de lgislation cadre, de procdure uniforme, voire de philosophie gnrale, caractrisent les privatisations belges, tout autant empreintes de pragmatisme que les priodes daccroissement de linterventionnisme public dans les activits conomiques. Ces caractristiques sont mme des constantes puisque, quel que soit le type de coalition au pouvoir, chaque formation politique dmocratique, flamande ou francophone, a dsormais particip des majorits fdrales qui ont procd des privatisations menes au coup par coup.

    19 K. LEUS, Een klassiek bestuursrechtelijke benadering van het verschijnsel verzelfstandiging van

    openbare diensten : naar een nieuw evenwicht tussen autonomie en centrale sturing , op. cit ., p. 610, considre que lorsque des tches dautorit sont accomplies et que demeure un contrle public, ces personnes juridiques doivent toujours tre qualifies comme tant de droit public. Cette qualification peut entraner dimportantes consquences : R. ERGEC et H. DELWAIDE, Les entre-prises publiques peuvent-elles tre dclares en faillite? , JT, 1995, p. 715.

    20 la suite de la privatisation de la Socit nationale dinvestissement, ltat a conserv, pour des raisons de stratgie nationale en matire dapprovisionnement nergtique, une action privilgie dans les filiales de celles-ci : Distrigaz (arrt royal du 10 juin 1994), Synatom (arrt royal du 17 mai 1994) et la Socit Nationale de transport par canalisations (arrt royal du 10 juin 1994) (tous trois publis au Moniteur belge, 28 juin 1994). Afin dviter une condamnation devant la Cour de Justice CE, un arrt royal du 5 dcembre 2000 a fix prcisment les conditions dexercice des droits spciaux attachs ces actions spcifiques (Moniteur belge, 20 dcembre 2000).

    21 Dans son avis prcit du 4 dcembre 1996 sur la CNCP, la section de lgislation du Conseil dtat a relev ceci : Il ne suffit pas de changer ltiquette pour faire dune socit de droit public une authentique socit de droit priv. Encore faut-il que la socit en cause conserve sa libert daction comme cest le cas des autres socits commerciales de droit priv et que les actionnaires puissent dcider de lavenir de la socit, ft-ce au prix dune mo-dification de lobjet social. In casu, subsistaient des rgles dorganisation spcifique et surtout un pou-voir administratif dagrment.

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    Aperu chronologique des privatisations

    La lgislature 1985-1987 : une premire tentative avorte de privatisation

    Entre 1981 et 1987, les gouvernement nationaux Martens-Gol qui se sont succ-ds (coalition CVP-PRL-PVV-PSC) ont t investis de pouvoirs spciaux avec une ampleur jamais gale. lordre du jour de laccord de gouvernement du 24 novem-bre 1985, les privatisations ont pour la premire fois t dcides lors du conclave budgtaire dit de Val Duchesse au printemps 1987, aprs que la dcision du gouver-nement de ne plus participer aux augmentations de capital des entreprises publiques et des institutions publiques de crdit 22. Les privatisations qui jusque-l navaient gure droit de cit en Belgique 23, taient en effet peu prconises en raison du ca-ractre mixte marqu de la proprit de nombreuses entreprises 24, avant que la d-ferlante du discours nolibral anglo-saxon natteigne les rivages de la politique belge 25.

    Le 10 aot 1987, le Conseil des ministres approuvait la note labore par le co-mit ministriel ad hoc pour les entreprises publiques. Il sagissait l de la premire tentative dlaboration dune politique structurelle de privatisation 26. Cinq objectifs furent mis en avant :

    22 Notamment E. HEYLEN, Autonomie et responsabilit des entreprises publiques , La Revue

    Politique, 1987, n 3, pp. 5-34 ; Rapport du 23 juin 1987 du Groupe de travail Harmonisation des conditions de fonctionnement des institutions de crdit , Bull. Doc. Min. Fin., 1988, n5, pp. 5-23. La volont de privatiser tait partiellement prpare par une priode de dsinvestissement sans prcdent dans le secteur des quipements collectifs : A. DRUMAUX, Privatisations = moins dtat ?, Bruxelles, ditions de lULB, 1988.

    23 F. DELPRE, Les privatisations en Belgique , Annuaire europen dadministration publique, 1988, p. 22.

    24 D. DEOM, Les entreprises du secteur public en Belgique , in G. TIMSIT dir., Les entreprises du secteur public dans les pays membres de la Communaut europenne, Paris, LGDJ, 1988, pp. 36-37 : Lextension du secteur public conomique sest, trs gnralement, opre sans empitements forcs sur lactivit co-nomique prive et, ds lors, sans joutes idologiques aigus. Dautre part, le secteur public lui-mme nest pas imper-mable aux capitaux privs. Les organismes dconomie mixte en constituent depuis toujours une part importante, tant au niveau local que pour les institutions relevant de ltat.

    25 J.-F. ESCARMELLE et L. HUJOEL, Privatization and regulation. Its implementation in Belgium , in. T. THIEMEYER et G. QUADEN eds., The Privatization of Public Enterprises. An European Debate, Annals of Public, Social and Cooperative Economy , 1986, pp. 117-137.

    26 Certaines privatisations avaient dj t mises en uvre, comme le passage de 95 54,4 % de la part de ltat dans le capital de la Sabena en 1982, mais elles ne sinscrivaient pas encore dans une politique gnrale. Sur ces prmices : A. DRUMAUX, La privatisation dans le secteur des quipe-ments collectifs , Courrier hebdomadaire, CRISP, n 1136, 1986.

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    augmenter court terme leur efficacit en amliorant leur gestion et les adapter moyen terme aux progrs technologiques, dans la perspective de la ralisation du march intrieur europen de 1992 ;

    stabiliser leurs relations avec les pouvoirs publics en assurant leurs missions de service public et en assouplissant les contraintes administratives ;

    rduire le solde net financer du Trsor ; favoriser lactionnariat populaire ; rduire les distorsions de concurrence au profit ou au prjudice des entreprises

    publiques.

    La rforme devait obir plus particulirement trois axes :

    la conclusion de protocoles de gestion entre ltat et les entreprises publiques leur assurant une autonomie plus importante ;

    lallgement de leffort financier public en attirant des moyens privs par ouver-ture de capital ;

    la ralisation de certains actifs.

    taient principalement viss les services publics de transport et de communica-tion, lesquels devaient tre regroups au sein dune catgorie spcifique, dite E , dans la loi du 16 mars 1954 relative aux organismes dintrt public. Ces entreprises publi-ques, linstar des institutions publiques de crdit, auraient t habilites faire appel des capitaux privs. Pour ces deux catgories dorganismes, le nombre de personnes prives devait tre limit, une partie du capital devait tre rserve aux travailleurs, une autre aux petits porteurs, et enfin, en cas de participation prive au capital, la participation des pouvoirs publics devait en tout tat de cause rester suprieure 50% 27.

    La lgislature 1988-1991 : lultime tentative de renforcer le secteur public

    Ce cadre resta lettre morte en raison de la chute du gouvernement lautomne 1987. Le renversement dalliances vit linstallation en mai 1988 dune majorit CVP-PS-PSC-SP-VU. La prsence des partis sociaux-chrtiens constituait llment de continuit qui expliquait linscription dans laccord de gouvernement de la rforme des entreprises publiques alors que les partis socialistes prconisaient une autonomie de gestion accrue mais galement la prservation du service public de communication et de transport. Le compromis vitant la privatisation au sens strict par cession dactifs au secteur priv est pass par une privatisation partielle au sens large des mthodes de gestion, notamment par le recours au procd des contrats de gestion et des plans dentreprise, tout en prservant les missions sociales de service public des entreprises publiques concernes. Le financement public devait cependant tre exclu pour la couverture des activits commerciales exerces en concurrence l o le lgis- 27 Cette note du comit ministriel ad hoc pour les entreprises publiques du 10 aot 1987 nest,

    notre connaissance, pas publie.

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    lateur a estim que le monopole public ne se justifiait plus 28. Lappel aux capitaux privs ntait prvu quen dernier ressort, alors que la note de 1987 le prvoyait sys-tmatique, ltat devant en tout tat de cause conserver la majorit dans le capital et dans les organes de gestion 29. Dans le mme temps, les partis de la majorit saccordrent sur la refonte en profondeur du secteur public du crdit par le regrou-pement des institutions bancaires publiques au sein de deux holdings 30. La rorgani-sation du secteur conomique public fdral a men ladoption de la loi du 21 mars 1991 portant rformes de certaines entreprises publiques conomiques 31 ci-aprs la loi EPA 32 et la loi du 17 juin 1991 portant organisation du secteur public du crdit et harmonisation du contrle et des conditions de fonctionnement des tablissements de crdit 33 ci-aprs la loi IPC 34.

    Mais la loi IPC na jamais dploy lentiret de ses effets. Au moment de la co-ordination des textes lgaux sur les banques publiques en 1996, elle avait dj t modifie plus dune quinzaine de fois 35, alors quelle prvoyait originellement la constitution de deux ples. Lun autour du Crdit communal de Belgique (CCB), regroupant galement la Socit nationale de crdit lindustrie (SNCI) et lOffice central de crdit hypothcaire (OCCH), lautre autour de la Caisse gnrale dpargne et de retraite (CGER), regroupant aussi la Caisse nationale de crdit professionnel (CNCP) et lInstitut national de crdit agricole (INCA). Un conseil gnral institu auprs du ministre des Finances devait assurer la coordination des deux holdings. La dspcialisation des institutions publiques de crdit ainsi que leur soumission au contrle prudentiel, linstar des banques prives, ainsi qu celui de la Commission bancaire et de lOffice de contrle des assurances, constituaient dautres axes impor-tants de la rforme 36. Au terme de larticle 3 de la loi IPC, ltat devait au minimum dtenir 50 % de la CGER-Holding, un mme seuil minimal obligatoire de participa -tion tant impos dans les banques la composant. Quant au CCB-Holding, les pou-voirs locaux, qui avaient prsid sa cration en 1860, devaient galement en dtenir au moins 50 % selon larticle 121 de la loi IPC, charge pour le holding de dtenir, soit seul, soit avec les pouvoirs locaux et dautres organismes publics dpendant de ltat, galement au moins 50 % des actions dans les institutions de crdit de son 28 Sur la gense de laccord de 1988: D. NUCHELMANS et G. PAGANO, Les entreprises publiques

    autonomes , Courrier hebdomadaire, CRISP, n 1321-1322, 1991. 29 Ce qui quivaut certes une privatisation potentielle, vu la possibilit douverture aux capitaux

    privs, mais en prservant le pouvoir de contrle public par la structure de lactionnariat ainsi l-galement fixe. Cf. PH. QUERTAINMONT, Les objectifs de la loi du 21 mars 1991 : du desserre-ment de ltreinte tatique lmergence de nouveaux critres de gestion des entreprises publi-ques , in Les entreprises publiques autonomes. La nouvelle loi du 21 mars 1991, Bruxelles, Bruylant, 1991, p. 67. Sur les raisons qui ont pouss llaboration dune loi spcifique plutt qu la cration dune catgorie spcifique dans la loi de 1954 sur certains organismes dintrt public : P. VERKAEREN, Tendances rcentes en matire de contrle de certains organismes dintrt pu-blic , Ann. Dr. Louv. , 1991, pp. 67-91.

    30 Rapport du 18 janvier 1989 au ministre des Finances de la Commission dexperts sur Les stratgies davenir des institutions publiques de crdit 1992, Bull. Doc. Min. Fin., 1989, n2, p. 15.

    31 Moniteur belge, 27 mars 1991. 32 EPA entreprises publiques autonomes. 33 Moniteur belge,9 juillet 1991. 34 IPC institutions publiques de crdit. 35 Cf. ltude trs complte de CH. LEJEUNE, La rforme des institutions publiques de crdit. Le

    cheminement dune privatisation , DAOR, 1996, pp. 9-59. 36 Pour plus de dtails, J. MODEN, La rforme des institutions publiques de crdit , Courrier hebdo-

    madaire, CRISP, n 1341, 1991.

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    groupe. Toutes ces socits, les deux holdings comme leurs composantes, devaient tre transformes en socits anonymes de droit public (article 191 de la loi IPC) et auraient pos des actes rputs commerciaux. Toutefois, les filiales de droit public devaient, dans le cadre de leurs missions spciales, conclure des protocoles de gestion avec ltat (articles 204 et suivants) sur les conditions dexcution de ces missions confies par ou en vertu de la loi. Mais la loi IPC, destine garantir lancrage public du secteur du crdit, se rvla rapidement inadapte, retarde par une nouvelle crise politique ayant report ladoption de ses arrts dexcution, battue en brche par le refus du CCB de rentrer dans les structures prvues et par laggravation de ltat des finances publiques 37. La loi IPC nexiste dailleurs plus en tant que telle puisque un arrt royal du 24 dcembre 1996 a coordonn les dispositions lgales parses qui rgissent encore les banques anciennement publiques et les participations que dtient encore dans certaines la Socit fdrale de participations (SFP) qui a succd dans ce rle la CGER-Holding lors de la privatisation de la CGER 38.

    La loi EPA existe toujours et reste dapplication. Mais elle a galement connu son lot de modifications au fil du temps. Son architecture est diffrente puisquelle souvre par la possibilit de transformation de certains organismes dintrt public en entreprises publiques autonomes afin que ces organismes disposent dune autonomie de gestion dans un secteur industriel ou commercial donn, aprs passation dun contrat de gestion avec ltat (article premier de la loi EPA). Au contraire du rgime initialement projet pour les IPC, directement transformes en socits anonymes de droit public, les articles 37 42 de la loi EPA nrigent cette possibilit quen facult, encore que la transformation en socit anonyme de droit public ait la particularit de devoir tre dcide par le conseil dadministration de lentreprise concerne, dcision soumise la seule approbation du gouvernement. Ltat devait dabord se voir attribuer, dans le texte originel de 1991, la totalit des actions ; il devait en conserver au moins 50%, ne pouvant en cder, pour le surplus, qu dautres autorits publiques quun arrt royal devait dsigner. Lentre de capitaux privs dans les filiales des EPA ntait autorise quen cas daugmentation de capital, ltat et autres autorits publiques devant en tout tat de cause conserver la proprit dau moins 50% du total des actions, dune part, et 75% des voix dans les organes de gestion, dautre part. En 1992, aprs passation des contrats de gestion rgissant lexercice des missions de service public, la Rgie des tlphones et tlgraphes rebaptise Belgacom, la Rgie des postes rebaptise La Poste et la Socit nationale des chemins de fer belges furent transformes en entreprises publiques autonomes 39.

    37 Le Crdit communal a, de son ct en 1996, procd une alliance par participations croises au

    sein dun holding Dexia avec le Crdit Local de France (J. MODEN, La restructuration du Crdit Communal , Courrier hebdomadaire, CRISP, n1539, 1996).

    38 La coordination rsulte dun arrt royal (publi au Moniteur belge, 31 dcembre 1996) reposant sur les habilitations donnes au Roi en 1995.

    39 Belgacom (Moniteur belge, 4 septembre 1992), La Poste (Moniteur belge, 1er octobre 1992) et la SNCB (Moniteur belge, 14 octobre 1992) sont devenues EPA la passation du contrat de gestion. La Rgie des voies ariennes (RVA) pouvait faire usage de cette facult mais elle ncessita dautres restructu-rations rgles par la loi du 19 dcembre 1997 visant rationaliser la gestion de laroport de Bruxelles-National avant daccder au statut dEPA (cf. infra). Cf. D. DEOM, Les contraintes de droit public qui psent sur les entreprises publiques autonomes , in Les entreprises publiques autonomes. La nouvelle loi du 21 mars 1991, op. cit ., p. 149, sur la nature et la porte du contrat de gestion.

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    Les hypothses de rentre de capitaux privs taient donc thoriquement fort li-mites par les lois IPC et EPA de 1991, puisque les pouvoirs publics devaient rester majoritaires tant en termes dactionnariat que de contrle. Quel que fut le sort qui leur fut rserv par la suite, la mutation pour les modes de gestion des services pu-blics en Belgique tait dj profonde. En effet, les missions de service public, rduites au fil de la libralisation des secteurs dactivits concerns, font depuis lors lobjet du contrat ou protocole de gestion tandis que lautonomie est pleine et entire pour la conduite des activits commerciales, industrielles et financires menes en concur-rence avec les autres oprateurs conomiques 40.

    La lgislature 1991-1995 : le dbut des privatisations

    La mise en place de la majorit CVP-PS-PSC-SP en 1992 fut loccasion du franchissement du pas vers les privatisations proprement dites, assainissement des finances publiques et prparation lUnion conomique et montaire prvue par le Trait de Maastricht obligeaient 41, ce qui acclra la remise sur lcheveau des lois EPA et IPC peine confectionnes.

    La premire tape fut larrt royal du 8 octobre 1992 qui institua auprs du mi-nistre des Finances la Commission dvaluation des actifs de ltat. Son prambule insistait sur lattente dimportantes recettes non fiscales ds lanne budgtaire 1993. La cration de la Commission revenait ainsi dj remettre en cause les rformes de 1991 42. La Commission doit soumettre lapprobation du ministre des Finances la liste des actifs de ltat susceptibles dtre vendus et rendre un avis sur le prix que dcide le Conseil des ministres, celui-ci ne pouvant descendre en-dessous de la valeur minimale quelle a fixe en fonction de critres de rfrence quelle dtermine. On doit dores et dj noter que procdures et critres dvaluation gnraux nont jamais t fixs ni par le gouvernement, ni par la Commission.

    Larticle unique de la loi du 30 mars 1992 avait par ailleurs intgralement soumis la Sabena aux lois coordonnes sur les socits commerciales, supprimant par l son statut public et la transformant en simple entreprise prive participation publique dont ltat peut se dsengager tout moment 43.

    40 P.-P. VAN GEHUCHTEN, Le concept de service public en droit belge , in L. GRARD e.a. (dir.),

    Vers un service public europen, Paris, A.SPE, 1996, p. 35. Ce qui, daprs lexpression de PH. QUERTAINMONT, Les entreprises publiques autonomes- Un bilan de lapplication de la loi du 21 mars 1991 , RDCB, 1996, pp. 501-512, les situe aux confins du droit administratif et du droit priv.

    41 PH. QUERTAINMONT, Droit administratif de lconomie, 3me d., Bruxelles, Story-Scientia, 2000, p. 239. 42 Moniteur belge, 24 octobre 1992. Cf. aussi les commentaires de CH. LEJEUNE, La rforme des

    institutions publiques de crdit. Le cheminement dune privatisation , op. cit ., p. 44. 43 Moniteur belge, 2 avril 1992. Cf. G. SERVAIS, La restru cturation de la Sabena , Courrier hebdoma-

    daire, CRISP, n 1387, 1993. Lalliance avec Air France ayant chou, cest Swissair qui est entre dans le capital de la socit en 1995, ltat belge restant majoritaire mais confiant la gestion de lentreprise lactionnaire priv. La faillite de la Sabena a t prononce le 7 novembre 2001.

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    Ensuite, la loi du 22 juillet 1993 portant dispositions sociales et diverses, modifie par la loi du 21 dcembre 1994 portant des dispositions sociales et diverses 44 et par la loi du 20 dcembre 1995 45, a habilit le Roi cder les participations de ltat dans la Socit nationale de crdit lindustrie (SNCI), lOffice central de crdit hypothcaire (OCCH et la Socit nationale dinvestissement (SNI), dune part (article 98), et prescrire la CGER-Holding et la SNI de cder leurs participations dans diverses socits, dautre part (article 99). Le Roi pouvait cette fin modifier lordonnancement lgislatif en vigueur. Divers garde-fous taient prvus : expiration de ces pouvoirs le 31 juillet 1994, rapport au Roi et consultation du Conseil dtat sur les arrts ncessaires pour modifier, complter, abroger, remplacer les disposi-tions lgales en vigueur ou y droger, les arrts royaux devant de surcrot tre com-muniqus sans dlai aux chambres lgislatives (article 101). Cela revenait malgr tout confrer au Roi, en fait sinon en droit, les pleins pouvoirs en matire de privatisa-tions 46. Ces pouvoirs excdaient largement les lois dhabilitation ordinaires et sapparentant nouveau aux pouvoirs spciaux, ce qui posait une fois de plus la question de la conformit la Constitution de ce type de procd. On reviendra sur labsence de toute procdure de confirmation ultrieure par le Parlement des arrts pris sur cette habilitation. En dpit de lavis de la section de lgislation du Conseil dtat qui estimait que le projet de loi revenait bien accorder les pouvoirs spciaux, le gouvernement sest born le nier devant le Parlement. Mais le terme de pouvoirs spciaux fut pourtant bel et bien expressment employ dans le rapport au Roi pr-cdant larrt royal du 29 septembre 1993 modifiant la loi IPC 47, une fois pass le cap de la discussion parlementaire.

    En 1994 fut en outre entam le processus de consolidation stratgique de Belgacom par son ouverture au capital priv 48. Pour ce faire, la loi du 12 dcembre 1994 dut modifier la loi EPA et la loi IPC, la premire pour autoriser le Roi la ces- 44 Moniteur belge, 23 dcembre 1994. Ses articles 167 172 prorogent et tendent les comptences du

    Roi en ce qui concerne les cessions dactifs. Son pouvoir est confirm pour modifier les disposi-tions lgislatives sur la dnomination, la cration, lorganisation, les missions, le fonctionnement, le financement, le contrle, la dissolution et la liquidation des institutions vises dans la loi de privati-sation de 1993 ; son pouvoir est tendu de surcrot aux socits dont ltat a transfr pralable-ment ses participations, soit des entreprises publiques autres que les institutions publiques de cr-dit dj vises, la CGER-Holding transforme pour la cause en Socit fdrale de participations (SFP) par arrt royal du 7 avril 1995 (Moniteur belge,. 29 avril 1995).

    45 Moniteur belge, 23 dcembre, 1995. Ses articles 33 43 devaient nouveau proroger les pouvoirs du Roi pour mener bien la privatisation de lOCCH, de lINCA et de la CNCP ainsi que crer un r-gime de rglement des conflits dintrts pour les administrateurs. Et surtout, et enfin, imposer au ministre des Finances de prsenter au Parlement un rapport final sur la cession des institutions fi-nancires.

    46 CH. LEJEUNE, La rforme des institutions publiques de crdit. Le cheminement dune privatisa-tion , op. cit ., p. 50.

    47 Moniteur belge, 1er octobre 1993, 2me d., lequel procda la premire privatisation dampleur puis-que la CGER-Holding a cd ses participations dans la CGER-Banque et la CGER-Assurance au groupe priv belgo-nerlandais Fortis. Dans un premier temps, tat et Fortis dtenaient chacun 49,9%, les 0,2% restant tant dtenus par les deux filiales ; mais le prsident du holding, dsign par le conseil dadministration parmi les administrateurs reprsentant le partenaire priv, avait voix prpondrante en cas de partage, de telle sorte que la privatisation du contrle tait bel et bien ef-fective et dpassait la seule cession dactifs. Par la suite, la participation publique est tombe 25,1%.

    48 Cessions dactifs, consolidation stratgique,... autant deuphmismes employs pour viter le terme de privatisation qui effraye une part importante des syndicats et partis de gauche.

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    sion du capital de la nouvelle socit anonyme de droit public concurrence de 50% moins une action, ce qui laissait ltat majoritaire mais en faisant sauter le verrou des 75% des voix dans les organes de gestion ; la seconde pour permettre le por-tage des actions par la CGER-Holding 49.

    La lgislature 1995 1999 : la poursuite des privatisations

    En 1996, la majorit CVP-PS-PSC-SP, reconduite en 1995, devait finaliser lentre dans lUnion conomique et montaire europenne. Le gouvernement de-manda nouveau de trs larges habilitations dont lexacte porte fut controverse. Il refusait de voir des pouvoirs spciaux dans les habilitations obtenues aux termes de trois lois votes le 26 juillet 1996 : la premire portant modernisation de la scurit sociale et assurant la viabilit des rgimes lgaux de pension ; la deuxime relative la promotion de lemploi et la sauvegarde prventive de la comptitivit ; et la troisime visant raliser les conditions budgtaires de la participation de la Belgique lUnion conomique et montaire euro-penne, ci-aprs loi UEM, qui retiendra ici seule lattention 50. Ce refus de prsenter lopinion publique de nouvelles mesures daustrit comme fondes sur des pouvoirs spciaux explique lemploi par le gouvernement du terme de loi-cadre qui ne se retrouve pas dans leur intitul mais dans les justifications exposes au Parlement.

    La loi UEM octroyait pourtant nouveau au Roi le pouvoir dabroger, compl-ter, modifier ou remplacer les dispositions lgales en vigueur dans les conditions quelle a dtermines 51, tant en matire fiscale que sociale. Son article 3, 1er, habili-tait le Roi entirement rorganiser les organismes dintrt public et cder, ou faire cder par la SFP, des actifs mobiliers et immobiliers. En ce qui concerne les cessions dactifs, le gouvernement ne pouvait toutefois porter atteinte la loi EPA. Malgr cette considrable extension des comptences et pouvoirs du gouvernement fdral en matire de restructuration du secteur public, le bilan de lapplication de la loi UEM fut pourtant, dans ce domaine, moins tendu que ce que daucuns pou-vaient initialement craindre.

    49 Moniteur belge, 22 dcembre 1994, lequel publie galement larrt royal du 16 dcembre 1994 portant

    transformation de Belgacom en socit anonyme de droit public et en fixant les statuts, larrt royal du 16 d-cembre 1994 portant dsignation de la CGER-Holding en tant quautorit publique susceptible dacqurir des droits relatifs aux actions de Belgacom et larrt royal du 19 dcembre 1994 relatif lemprunt contracter sous la garantie de ltat par la CGER-Holding.

    50 Ces trois lois ont t publies au Moniteur belg e, 1er aot 1996. 51 Les arrts, dlibrer en Conseil des ministres, ne pouvaient porter prjudice la loi sur la mo-

    dernisation de la scurit sociale, ni aux revenus des plus faibles, et devaient rpartir les efforts demands la population en fonction des diffrents types de revenus de manire prserver les catgories sociales plus faibles. Ils devaient encore garantir un service public efficace et efficient ainsi que renforcer une politique active pour lemploi par diminution des charges pesant sur le tra-vail compense par un financement alternatif de la scurit sociale. Lhabilitation expirait le 31 aot 1997 et si cette date les arrts avaient t confirms par la loi, seule une loi pouvait encore les modifier ou les abroger.

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    Il faut aussi dire que la privatisation du secteur public du crdit tait dj bien entame et que celle de la SNI tait acheve 52. Le bilan des trois lois du 26 juillet 1996 est considrable mais relativement limit en ce qui concerne les services publics si lon examine plus particulirement dans les quatre lois qui ont confirm en 1997 les arrts royaux pris sur les habilitations octroyes en 1996 les arrts pris en vertu de larticle 3, 1er, 6 et 7 de la loi UEM 53.

    La modernisation des entreprises publiques fdrales rgies par la loi EPA a toutefois t poursuivie durant cette priode, notamment par la rsolution du pro-blme du financement du TGV en vue de permettre le dveloppement de la SNCB 54.

    Une loi du 19 dcembre 1997 visant rationaliser la gestion de laroport de Bruxelles-National a renationalis partiellement la socit de gestion du terminal arien, en indemnisant due concurrence les actionnaires privs qui avaient pralablement marqu leur accord 55. Cette opration complexe fut galement mene par voie de pouvoirs qualifis de spciaux par le Conseil dtat, le gouvernement refusant tou-

    52 Pour une premire synthse, cf. A. VINCENT, Entreprises et holdings publics fdraux. Restruc-

    turations et privatisations 1992-1995 , Courrier hebdomadaire, CRISP, n 1488-1489, 1995. 53 La loi du 13 juin 1997 (Moniteur belge, 19 juin 1997) a ainsi confirm un arrt du 18 octobre 1996

    qui a adapt le statut de la Banque nationale de Belgique, un arrt du 18 novembre 1996 qui a r-organis la Rgie des btiments, un arrt du 19 dcembre 1996 sur la restructuration dj voque du Crdit communal et un arrt du 19 dcembre 1996 qui a supprim le Fonds daide au redres-sement financier des communes. La loi du 26 juin 1997 (Moniteur belge, 28 juin 1997) a pour sa part confirm deux arrts du 18 fvrier 1997 qui ont procd la dissolution de la Rgie des trans-ports maritimes et au reclassement de son personnel. Deux lois du 12 dcembre 1997 (Moniteur belge, 18 dcembre 1997) emportent galement dimportantes confirmations, seule la seconde concernant larticle 3, 1er, 6 et 7de la loi UEM : un arrt du 3 avril 1997 avait transfr cer-tains agents de Belgacom lautorit fdrale, un arrt du 30 mai 1997 avait modernis les ins-truments publics de soutien financier lexportation, un arrt du 18 juin 1997 avait instaur un rgime de cong pralable retraite pour certains statutaires de la mme entreprise publique, un arrt du 15 juillet 1997 avait procd la consolidation des actifs financiers des administrations publiques, un arrt du 19 aot 1997 avait nouveau modifi la loi IPC et enfin, un arrt de la mme date avait cr un Service dinformation scientifique et technique gestion spare. Aucune privatisation nouvelle nest dnombrer parmi ces mesures.

    54 Cf. la loi du 17 mars 1997 relative au financement du projet TGV qui se caractrise par la complexit du montage mis en place et les arrts du 13 avril 1997 sur le calendrier dinvestissement et les pre-miers statuts de la Financire TGV, laquelle entre dans le capital de la SNCB pour financer les in-frastructures ncessaires, son capital tant dtenu par la SFP et la SNCB, lesquelles avec les auto-rits publiques relevant de ltat doivent en tout temps dtenir plus de 50% des droits de vote (Moniteur belge, 16 avril 1997). galement larrt royal du 20 mai 1997 portant approbation du protocole de gestion entre ltat, la Financire TGV, la SNCB et la SFP (Moniteur belge, 29 mai 1997) et larrt royal du 10 novembre 1997 approuvant certaines modifications aux statuts de la SNCB (Moniteur belge, 15 novembre 1997).

    55 La transformation de la RVA en Belgocontrol, entreprise publique autonome, et de BATC en BIAC, socit anonyme de droit public avec rtablissement provisoire de la majorit publique ( sa cration par arrt du 10 dcembre 1987 (Moniteur belge, 11 dcembre 1987, et ce suite larrt de pouvoirs spciaux du 1er aot 1986), la majorit tait compose dactionnaires privs), ne doivent pas occulter que la privatisation et la mise en bourse de cette dernire demeure lobjectif de cette rforme en vue de laquelle le Roi sest vu octroyer les pouvoirs spciaux en 1997 (F. VANDRIESSCHE, De Belgische openbare luchtvaartstructuren en de hervorming van de Regie der Luchtwegen en BATC , CDPRK, 1999, pp. 46-61). Lintention du gouvernement arc-en-ciel est de privatiser BIAC mme sil ne sest pas encore dot des moyens lgaux ncessaires (La Libre Belgique 29 aot 2001).

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    jours cette terminologie 56. Les arrts pris sur lhabilitation firent, quoi quil en soit, lobjet de confirmation lgislative 57. La complexit dcoule de ce quinitialement BIAC tait une socit capitaux majoritairement privs, la loi de 1997 ayant opr le passage de la majorit au secteur public avant que larrt du 2 avril 1998 58 nait r-introduit la possibilit dune baisse en-dessous de 50 % de la part directe de ltat. La loi de confirmation de cet arrt, adopte le 9 juillet 1998, a clairement indiqu quune partie du capital pourrait tre introduite en bourse 59.

    On retiendra galement la loi du 19 dcembre 1997 modifiant, nouveau, la loi EPA afin dadapter le cadre rglementaire aux obligations en matire de libre concur-rence et dharmonisation sur le march des tlcommunications dcoulant des dci-sions de lUnion europenne 60. Cette nouvelle loi a toutefois laiss inchange la structure dactionnariat de Belgacom 61. Elle marqua une nouvelle volution pour le droit des services publics en rduisant fortement les missions de service public de Belgacom (article 58 de la loi EPA), en limitant la porte du contrat de gestion aux seules missions dintrt gnral (article 86ter de la loi EPA : collaboration la d-fense civile, avec les services durgence, mise disposition de connexions internet gratuites dans les hpitaux, coles et bibliothques publics, etc.) et en consacrant lgalement les missions de service universel (articles 84 86 : accs sur tout le terri-toire un tarif raisonnable au rseau public fixe de base de tlphonie vocale et de tlfax, appels durgence gratuits, service de renseignements, annuaires, accs aux plus dfavoriss, etc.). Or, le nouvel article 83, 2, de la loi EPA prvoit la possibilit que dautres oprateurs fournissent galement le service universel.

    Dsormais, mme une mission relevant du service public au sens fonctionnel du terme, un service public minimum en fait, jusque-l rserve un service public, au sens cette fois organique, peut faire lobjet de la concurrence en tant preste par des oprateurs privs 62.

    56 Cf. infra. Cf. les arrts du 19 aot 1998 fixant le prix minimum pour la cession par les autorits publiques

    dactions de la socit anonyme de droit public BIAC (Moniteur belge, 25 aot 1998), deux du 25 aot 1998 portant approbation des contrats de gestion de BIAC et de la RVA -Belgocontrol, deux de la mme date clas-sant BIAC et Belgocontrol parmi les entreprises publiques autonomes (Moniteur belge, 1er septembre 1998), du 24 septembre 1998 portant augmentation du capital de BIAC (Moniteur belge, 30 septembre 1998). Adde larrt du 2 juin 1999 approuvant les modifications des statuts de BIAC (Moniteur belge, 7 juillet 1999).

    57 Par exemple par larticle 22 de la loi du 3 mai 1999 portant des dispositions budgtaires et diverses (Moni-teur belge, 4 mai 1999).

    58 Moniteur belge, 11 avril 1998. 59 Moniteur belge, 31 juillet 1998. 60 Moniteur belge, 30 dcembre 1997. 61 Ltat en dtient toujours 50% plus une action, lautre moiti ayant t cde au consortium

    Ameritech International-Tele Danmark-Singapore Telecommunications (arrt royal du 19 d-cembre 1995 autorisant ltat cder des actions de Belgacom, Moniteur belge, 11 juin 1996).

    62 Le contrat de gestion entre ltat et Belgacom, approuv par arrt royal du 22 juin 1998 (Moniteur belge, 18 juillet 1998), est effectivement nettement plus court que prcdemment.

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    Larrt royal du 21 dcembre 1998 a quant lui constitu la dernire tape de la privatisation de la CGER 63 puisquil a confi la SFP le soin de vendre les derniers 25% du capital que ne dtenait pas encore le groupe priv Fortis 64. Larrt se fon-dait sur la loi du 19 aot 1998 qui avait, elle aussi, octroy des pouvoirs spciaux en raison de lexpiration de ceux accords auparavant 65. Cette dernire na pas instaur de confirmation lgislative et na, selon lhabitude adopte depuis 1993 propos des institutions de crdit participations publiques, prvu quun rapport effectuer par le ministre des Finances devant la Chambre. Le Conseil dtat a soulign cet gard que ce rapport ne permettait en rien dinflchir a posteriori les options du gouverne-ment 66. De 1993 1998, la privatisation de la CGER a donc t systmatiquement conduite laide de pouvoirs spciaux 67.

    Une loi du 23 avril 1999 a prpar lventuelle cession par la SFP de ses actions dans lOCCH 68 aprs labrogation, par la loi du 16 mars 1998, de larrt de pouvoirs spciaux de 1935 qui lavait institu 69. La privatisation de lOCCH savre compli-que puisque les lois de 1993, 1994 et 1995 la permettaient dj. Un appel doffre international de reprise est rest lettre morte, ce qui a justifi le vote de la loi de 1999 ainsi que ladoption le 3 juin 1999 dun arrt en priode o les chambres taient dissoutes 70.

    63 Pris en vertu de larticle 99 de la loi du 22 juillet 1993 de privatisation (qui avait permis une premire

    cession de 50 %), modifie par la loi du 20 dcembre 1995, un arrt royal du 18 juillet 1997 avait prescrit la SFP de cder nouveau 24,7 % de la CGER-Banque et de la CGER-Assurances (Mo-niteur belge, 29 juillet 1997). Pour une fois, lavis de la Commission dvaluation des actifs de ltat tait requis. Un arrt du 19 aot 1997, pris lui sur base de larticle 3, 1er, 6 et 7, de la loi UEM du 26 juillet 1996, sest charg de modifier la loi coordonne du 24 dcembre 1996 (Moniteur belge, 26 aot 1997), de telle sorte que lon peut conclure que deux lois dhabilitation ayant octroy des pouvoirs spciaux se sont tlescopes en loccurrence.

    64 Moniteur belge, 31 dcembre 1998, d. 2. 65 Moniteur belge, 26 septembre 1998. 66 Avis du 30 avril 1998 sur lavant-projet de loi relative lventuelle cession par la SFP de ses actions de

    CGER-Banque et de CGER-Assurances, Chambre, Doc. parl., 1567/1 (SO 1997-1998), p. 8. 67 Le recours aux pouvoirs nouveau qualifis de spciaux par le Conseil dtat, alors que ceux-ci

    sont thoriquement rservs aux circonstances exceptionnelles ou de crise, se justifiait-il vraiment, en particulier en 1998, alors que le groupe Fortis dtenait depuis 1993 un droit de premption conclu avec la S.F.P. et quil ntait gure douteux quil ne se portt pas acqureur des derniers 25,1 % ? Ceci rsulte peut-tre dune certaine culture de lhabitude. Toujours est-il quun arrt royal du 23 mars 1999 a parachev luvre en modifiant les diverses dispositions lgales qui rgis-saient encore spcifiquement la CGER (Moniteur belge, 30 mars 1999).

    68 Erratum publi au Moniteur belge, 11 septembre 1999, d. 2. 69 Moniteur belge, 26 juin 1998. Le fait que des services publics ont t crs par voie de pouvoirs

    spciaux bat en brche lassertion selon laquelle leur rgime organique serait une matire rserve au pouvoir lgislatif (infra). On notera pour la petite histoire que lexpos des motifs du projet de loi est rdig de manire telle, en loccurrence comme un rapport au Roi prcdant un arrt de pouvoirs spciaux, quil ne fait aucun doute que le gouvernement entendait au dpart faire usage de la loi UEM plutt que de proposer au Parlement une loi (Chambre, Doc. parl., 1293/1 (SO 1997-1998)).

    70 Cf. le rapport au Roi prcdant lAR du 3 juin 1999, Moniteur belge, 31 juillet 1999.

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    Dautres possibilits de privatisations furent galement rendues possibles sous cette lgislature comme celle du Palais des Beaux-Arts 71. Seront aussi abordes plus loin la constitution du Centre europen de recherche des enfants disparus, la trans-formation de lAdministration gnrale de la coopration au dveloppement en Coo-pration technique belge et la cration du rseau ASTRID regroupant les communi-cations des services de scurit.

    La lgislature actuelle : une coalition indite continuant privatiser

    La coalition VLD-PRL-PS-SP-colo-Agalev arrive aux affaires en 1999 a bou-levers la donne politique en relguant dans lopposition les partis sociaux-chrtiens au pouvoir depuis 1958 ans et en consacrant la premire participation gouverne-mentale de partis cologistes. Cette coalition indite a repris son compte des proc-dures inities sous la prcdente majorit. Ainsi, des arrts royaux du 10 octobre 2000 ont pris certaines mesures ayant trait au personnel de la Commission dvaluation des actifs de ltat dont on peut conclure quelle est toujours appele fonctionner 72.

    On relve aussi que le gouvernement actuel a adopt le 31 dcembre 1999 un ar-rt royal permettant la SFP de cder les actions quelle dtient dans lOCCH et ce, en vertu de la loi du 23 avril 1999, vote sous la coalition prcdente. Le rapport au Roi qui introduit larrt rappelle que le Roi a t investi pour ce faire de pouvoirs spciaux 73. On remarquera que si la majorit gouvernementale a chang, les mtho-des de privatisation demeurent discrtement. linstar de la privatisation des autres institutions publiques de crdit, en particulier celle de la CGER, il faut bien constater que larticle 6 de la loi se borne prvoir un rapport du ministre des Finances la Chambre sur les ventuelles cessions dactifs sans quaucune confirmation lgislative ne soit requise 74.

    71 La loi du 7 mai 1999 a transform le Palais des Beaux-Arts en socit anonyme de droit public

    finalit sociale, ltat devant dtenir au moins 50 % des actions et des droits de vote, la valeur de cession du restant devant tre dtermine par arrt royal dlibr en Conseil des ministres (Moni-teur belge, 20 aot 1999). remarquer que cette loi est, exceptionnellement, issue dune proposition parlementaire. Quant aux difficults lies la capitalisation de cette institution : avis du 31 mars 1999 sur une proposition de loi relative aux institutions culturelles fdrales, Chambre, Doc. parl., (SO 1998-1999), 50/6-1995 (SE).

    72 Moniteur belge, 28 octobre 2000. 73 Arrt royal du 31 dcembre 1999 modifiant, en ce qui concerne lOffice central de Crdit hypo-

    thcaire, la loi coordonne du 24 dcembre 1996 portant organisation du secteur public du crdit et de la dtention des participations du secteur public dans certaines socits financires de droit priv , Moniteur belge, 11 janvier 2000. La transformation de lOCCH en socit de droit priv ne doit tre effective qu partir du moment o un actionnaire priv aura acquis au moins 25,1 % des droits de vote.

    74 Lavis rendu galement le 31 dcembre 1999 par la section de lgislation na mis aucune remar-que. On peut toutefois se demander sil est sain quun arrt de pouvoirs spciaux permette de facto au gouvernement de procder la privatisation au-del de la priode dhabilitation qui expirait ce jour-l. En outre, larrt trouve son fondement dans la loi du 23 avril 1999 qui a donc octroy des pouvoirs spciaux au-del de la lgislature en cours lors de son vote, ce que le Conseil dtat avait vertement critiqu propos de la loi du 19 dcembre 1997 visant rationaliser la gestion de laroport de Bruxelles-National.

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    Par ailleurs, mme sil ne sagissait pas dune privatisation mais bien de la cra-tion dun nouvel organisme public, la porte des pouvoirs confrs au Roi aux termes de la loi du 4 fvrier 2000 - qui a cr lAgence fdrale pour la scurit de la chane alimentaire a t largement dbattue la Chambre 75. Larticle 5 de cette loi habilite le Roi, par arrts dlibrs en Conseil des ministres, abroger, complter, modifier, remplacer et coordonner une quinzaine de lois en lui assignant certains objectifs ; larticle 14 a confr ces pouvoirs pour une dure dun an, les arrts devant tre confirms dans les dix-huit mois. Le gouvernement, ayant tenu compte des observa-tions du Conseil dtat 76, a notablement revu son projet dans lequel lexpos des motifs voyait une loi-cadre et lopposition des pouvoirs spciaux, mme si la section de lgislation sest abstenue demployer cette fois-l lun ou lautre des vocables 77.

    La loi du 10 aot 2001 relative Belgacom 78 sinscrit dans une toute autre pers-pective que celle de la continuation de procdures inities par un gouvernement pr-cdent. Cette fois, cest bel et bien un dossier propre la coalition arc-en-ciel qui est trait laide de pouvoirs spciaux. Lchec des ngociations sur la fusion avec le groupe KPN, lancien oprateur public nerlandais de tlcommunications, pose cependant la question de savoir si les pouvoirs, une fois de plus appels spciaux par la section de lgislation du Conseil dtat, a priori uniquement accords pour conclure une fusion, pourront tre utiliss dans une autre perspective en vue dune ventuelle cession simple de tout ou partie du capital toujours majoritairement public 79.

    Huit annes de privatisations auxquelles ont particip toutes les trois familles po-litiques vocation gouvernementale montrent quun des lments du dbat est dabord dordre terminologique. Cet lment essentiel nest pas seulement de nature politique. En effet, selon quune habilitation permettant au Roi de modifier lordonnancement lgislatif est qualifie ou non de pouvoirs spciaux, les exigences constitutionnelles ne sont pas les mmes. La plupart du temps, le Conseil dtat a vu des pouvoirs spciaux dans les autorisations donnes au Roi dorganiser des privati-sations alors que les gouvernements successifs parlent dessein de lois-cadre ou pr-frent systmatiquement ne procder aucune qualification. Un autre lment essen-tiel, moins mis en avant par le Conseil dtat, rsulte du constat que certaines opra -

    75 Moniteur belge, 18 fvrier 2000. 76 Avis du 19 aot 1999 sur lavant-projet de loi relatif la cration de lAgence fdrale pour la

    scurit alimentaire, Chambre, Doc. parl., 50 0232/001, p. 23 : Pour rester conforme lensemble des r-gles constitutionnelles qui rgissent les rapports entre le pouvoir lgislatif et le pouvoir excutif, il faut que, comme en lespce, il y ait des circonstances exceptionnelles qui au demeurant dlimitent la priode au cours de laquelle ces pouvoirs peuvent tre attribus , que lattribution au Roi de tels pouvoirs soit limite dans le temps et que les pou-voirs confrs au Roi soient prcisment dfinis, tant en ce qui concerne les finalits et les objectifs quen ce qui concerne les matires dans lesquelles des mesures peuvent tre prises, et que soit indique la porte prcise des mesures que le Roi est habilit prendre. En outre, il va de soi que la loi dhabilitation ne peut en aucun cas enfreindre les normes supranationales et internationales, ni le partage des comptences entre ltat fdral, les Communauts et les Rgions () .

    77 Cf. lintervention dun dput CVP relate dans le rapport du 13 dcembre 1999 de Mmes BURGEON et SCHAUVILIEGE, Chambre, Doc. parl., 50 0232/004, pp. 14-15.

    78 Moniteur belge, 25 aot 2001, d. 2. Cf. infra pour plus de dtails. Fin octobre 2001, la Chambre a approuv le projet de loi modifiant la loi EPA (Chambre, Doc. parl, 50 1422) qui doit marquer laboutissement de plusieurs mois de palabres sur la rforme de la S.N.C.B. sans consentir de lar-ges dlgations au gouvernement.

    79 Cette question est pertinemment pose par le supplment Eco du Soir du 8 septembre 2001.

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    tions de restructuration du secteur public fdral ont donn lieu leur confirmation par le Parlement alors que dautres, en particulier la privatisation des banques publi-ques, absolument pas. Ceci renvoie au respect du principe constitutionnel de lgalit, qui suppose quune autorit publique nexerce ses pouvoirs et comptences que dans le respect de la Constitution.

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    La lgalit des pouvoirs octroys au gouvernement pour privatiser

    Les dlgations de comptences sur lorganisation du secteur public

    Le fondement de lordre constitutionnel belge est le principe de la souverainet nationale, propos duquel le professeur Jacques Velu enseignait : De ce que les pou-voirs ont pour titulaire la nation et ne peuvent tre exercs que de la manire tablie par la Constitution, il se dduit notamment que ces pouvoirs sont inalinables et intransmissibles : les organes que la Constitution dsigne pour les exercer ne peuvent les subdlguer. Cette interdiction de subdlgation na cependant pas pour effet dimposer aux organes constitutionnels dexercer eux-mmes toutes les fonctions qui relvent de leurs attributions respectives : compte tenu de la diversifica-tion et de la complexit croissantes des tches de la puissance publique, cette prohibition doit sinterprter comme ne se rapportant qu ce qui est de lessence mme du pouvoir et non ce qui nen est que la partie accessoire. 80 La dlgation de pouvoir sapprcie au cas par cas, en fonction des circonstances, de la priode considre, de la matire en cause 81, ce qui suppose que la dlgation soit prcisment circonscrite 82. Mais, de manire plus fon-damentale, on peut se demander si larticle 33, alina 2, de la Constitution ne consa-cre pas la prminence de ltat de droit plutt que le seul principe de la souverainet nationale 83. Dans une acception large, le principe de lgalit est donc celui de ltat de droit, celui de la soumission des gouvernants au droit et du principe corollaire de lindisponibilit des comptences dvolues