Post on 10-Sep-2018
ENRICHISSEMENT DU VOCABULAIRE
EN CLASSE DE FRANÇAIS
Propositions d’exercices mobilisateurs
pour le premier degré
Travail de fin d’études présenté en
vue de l’obtention du grade de
Bachelier-Agrégé de l’Enseignement
secondaire inférieur, sous-section
français – français langue étrangère
Travail de fin d’études réalisé
par
NICOLAS DUYMS
Promoteur
LORENZO CAMPOLINI
Année académique 2016-2017
ENRICHISSEMENT DU VOCABULAIRE
EN CLASSE DE FRANÇAIS
Propositions d’exercices mobilisateurs
pour le premier degré
Travail de fin d’études présenté en
vue de l’obtention du grade de
Bachelier-Agrégé de l’Enseignement
secondaire inférieur, sous-section
français – français langue étrangère
Travail de fin d’études réalisé par
NICOLAS DUYMS
Promoteur
LORENZO CAMPOLINI
Année académique 2016-2017
1
Remerciements
Je tiens à écrire toute ma gratitude à
monsieur Lorenzo Campolini. Il a été un
promoteur à la longanimité sans pareille et
à la sagacité toujours utile. À la vérité,
tout au long de ces études, il a sauvegardé,
voire exalté, mon fétichisme des mots et
ma dilection pour la langue française.
Par ces lignes, je remercie également
ma mère pour ses petites attentions
quotidiennes, son soutien indéfectible et
son amour inextinguible.
Mes ultimes remerciements vont aux
maîtres de mon dernier stage, madame
Anne Verbaert et monsieur Jérôme
Marchand, sans lesquels il m’eût été
impossible de développer des exercices
propres à faire brouter dans les gais
pacages du lexique fleuri leurs élèves, des
lettrés en herbe.
2
3
Table des matières
Remerciements ......................................................................................................... 1
Introduction .............................................................................................................. 5
I. Exploration du cadre belge ................................................................................. 8
1) Le contexte belge de l’enseignement du vocabulaire.................................... 8
2) Quelles connaissances viser ? ...................................................................... 9
3) Comment convaincre les élèves de l’intérêt du vocabulaire ? ..................... 10
II. Mise en pratique et exercices conçus ............................................................. 12
1) Le contexte et les contraintes du stage ....................................................... 12
2) Les principes structurants des exercices ..................................................... 12
3) Les exercices et la synthèse distribués ....................................................... 13
a) Notule liminaire ..................................................................................... 13
b) Comparaisons et métaphores .................................................................. 13
c) Expressions idiomatiques en rapport avec les animaux ........................... 15
d) Choix d’un verbe plus spécifique ........................................................... 17
e) Apporter des précisions au moyen d’un participe passé .......................... 18
f) Accords des couleurs ............................................................................. 19
g) Créer une insulte idiolectale pour un personnage.................................... 20
h) Synthèse sur la description dans une nouvelle ........................................ 22
4) La réception des exercices par la classe ..................................................... 24
5) Analyse des évaluations formatives ........................................................... 27
6) L’intégration tout au long de l’année d’exercices lexicaux ......................... 29
a) Notule liminaire ..................................................................................... 29
b) Énigme .................................................................................................. 29
c) Déconstruction d’un mot et découverte du sens par appariement de mots
contenant un même suffixe ............................................................................... 30
d) Un parcours ou une séquence axée sur la « dracologie » ........................ 31
4
e) Création de son propre juron .................................................................. 32
f) Francisons un mème Internet ................................................................. 33
g) Derrière chaque grand homme se cache une femme qui l'aime ou pas .... 34
III. Conclusion .................................................................................................... 36
IV. Sources ......................................................................................................... 38
5
Introduction
Depuis toujours, j’ai été fasciné par les mots. De même que les briques et les
longrines constituent en majeure partie les bâtiments, les mots sont le constituant
principal de la langue, cet édifice en perpétuelle mutation, qui n’est jamais aussi solide
que quand il menace ruine sous le poids de ses magnifiques non-sens structurels, quand
les syllabes se marient dans un joyeux chambard et quand les orthographes deviennent
torses ainsi que protéiformes.
Ces briques sont plus fondamentales que le ciment qui les lie, autrement dit la
grammaire. Elles donnent la forme et la couleur du français. Elles rendent
esthétiquement audible et identifiable une langue qui autrement ne serait qu’un langage
machine sans aucune saveur.
L’esthétique linguistique des mots est, on l’aura aisément compris, l’élément moteur
qui m’a fait entamer des études de professeur de français. Et cet attrait, je veux le rendre
manifeste aux yeux des autres, en particulier des élèves. C’est pourquoi j’ai choisi de
mener à bien un T.F.É. sur l’enseignement du lexique.
Ma question de recherche est, partant, « Comment rendre les apprentissages lexicaux
passionnants à découvrir ? ».
Il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs, comme dit le proverbe et, pourtant,
c’est ce que semble faire cette question. Ne faudrait-il pas mettre au jour les causes
assignables de la baisse de connaissances avant de partir en croisade contre elle ? Il est
vrai que c’eût paru plus sensé de tâter le terrain, de recueillir des informations… mais
cette façon d’agir n’eût pas convenu à l’homme d’action, tapi au fond de moi, qui
apprend au rude contact des réalités linguistiques plus que par les livres. En sus, les
contraintes en termes de pages qu’impose le T.F.É. m’empêchent de dissoudre ce
questionnement légitimement premier. Devant cette aporie, j’en suis venu à penser qu’il
faudrait bien avancer plutôt que de rester immobile à attendre que mon âme d’aventurier
ait changé. J’ai dès lors dirigé mes maigres talents vers ce que je fais de mieux :
l’invention et l’expérimentation.
Ma question désormais gravée à même mon dictionnaire de poche, mon viatique
préféré, j’ai pu me lancer dans la création de mon outil ou plutôt tenter de marier ce
processus prométhéen à la dynamique d’un stage dans l’enseignement général.
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Le stage qui m’a finalement permis de débonder ma folie lexicale a pris place au
Collège du Christ-Roi d’Ottignies. Le bon niveau des élèves m’autorisait peu ou prou à
déchaîner mon désir de rendre accessibles les pinacles de la langue…
Bien que débarrassé de la nécessité séminale de déterminer les causes du problème,
étançonné par un stage et alimenté de passion, ce T.F.É. ne pourra être considéré, pour
de multiples raisons, comme un travail exhaustif ou impeccable quant à ce qu’il
abordera.
Malgré cette remarque, d’aucuns pourraient juger ce T.F.É. grotesque ou inane. À
ceux-là, je n’adresserai que ces mots : mon travail est peut-être congénitalement mal
conçu mais a au moins l’audace d’être plus ou moins pionnier : le champ de la
didactique qu’il investit gaiement semble peu attractif pour les didacticiens.
Pour ceux dont la curiosité a été attisée par ces lignes introductives, il me faut encore
rendre plus ardent leur désir. Un bref aperçu du travail semble donc requis.
Quelque cinq pages font office de mise en bouche théorique, ce qui est peu, mais
suffisant eu égard aux visées pratiques auxquelles je me limite. Y seront explorés, à des
degrés divers, le contexte belge de l’enseignement du lexique, le type de matière qu’il
me semble souhaitable de donner aux élèves et les moyens de mobiliser ces mêmes
élèves lors d’exercices impliquant beaucoup de mots inconnus.
L’essentiel du travail succède à cette première partie, puisque viennent alors les
pages traitant de la mise en pratique. Le lecteur y trouvera principalement des exercices,
que j’espère originaux. Un compte rendu du succès des exercices testés en stage et une
analyse d’interrogations centrée sur le lexique s’offrent également à sa vue.
Enfin, comme la tradition l’exige, une conclusion vient clore ce T.F.É. de didactique.
La feuille de route étant tracée, j’invite maintenant quiconque lit ces lignes à tourner
la page...
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I. Exploration du cadre belge
1) Le contexte belge de l’enseignement du vocabulaire
De tout temps, le vocabulaire a revêtu une importance capitale dans l’éducation des
enfants, que ce soit dans l’approfondissement de la langue maternelle ou dans
l’apprentissage d’un nouvel idiome. Il suffit de penser aux cours de deuxième et
troisième langues, que vécurent les élèves du siècle passé et du tout début de celui-ci.
Ces cours reposaient sur des listes de vocabulaire et des règles de grammaire à
mémoriser. Les résultats de cette manière d’enseigner la langue ont été mitigés : chaque
lecteur pourra trouver dans son entourage un ami qui n’a retenu d’eux que des bribes de
savoirs et qui, partant, fait montre d’une inaptitude plus ou moins totale à soutenir une
conversation contenant plus que des lieux communs et des tournures basiques.
A alors germé l’idée, en Europe, d’améliorer l’enseignement linguistique. À cet effet,
le Conseil de l’Europe a fait paraître le C.E.C.R. (sigle de Cadre Européen Commun de
Référence), une grille d’évaluation de la maîtrise linguistique1. Elle se base sur la
méthode actionnelle qui part du postulat qu’une langue est avant tout un moyen
d’expression et non un amas de règles ou de vocabulaire : un locuteur doit savoir parler
et comprendre son interlocuteur, même inexactement, plutôt que connaître l’ensemble
de son dictionnaire et ne pas être capable, en contexte, d’élaborer une phrase ou de
passer outre l’accent de cet interlocuteur2.
La méthode actionnelle a influencé les programmes de l’enseignement. Ces derniers
mettent fort en exergue la finalité de communication de la langue et prônent un usage
limité des listes de vocabulaire et des exercices de grammaire. Même les évaluations en
ont été modifiées puisqu’il est désormais prohibé d’évaluer (de façon certificative)
isolément les pierres angulaires de la langue (orthographe, orthoépie, syntaxe,
conjugaison, vocabulaire…) à travers, par exemple, des dictées ou des définitions de
mots à compléter.
Cependant, une inertie chez les professeurs bénéficie à l’ancien système
d’enseignement. Cette inertie, loin de n’être issue que d’une inclination conservatrice ou
1 Conseil de l’Europe, « Les outils du Conseil de l’Europe en classe de langue. Cadre européen commun
et Portfolios », [PDF en ligne] https://rm.coe.int/168069ce6d, pp. 37-47. 2 Ibid., pp. 21-25.
9
oisive, fait que nombre de professeurs enseignent encore selon la méthode ancienne
inspirée de l’enseignement des langues mortes. La bonne réponse est, à mes yeux, à
chercher entre les deux tendances : du vocabulaire oui, même littéraire, mais pas sans
raison et à outrance. Mais comment faire correspondre ce besoin en mots nouveaux et
les exigences programmatiques ?
2) Quelles connaissances viser ?
Selon moi, le C.E.C.R. appliqué à l’enseignement d’une langue maternelle devrait
montrer, à la fin de la scolarité obligatoire en Belgique, une maîtrise minimale C 1 dans
les compétences de compréhension (orale ou écrite) et d’expression (orale ou écrite).
Dans la réalité, nombreux sont les professeurs à constater que ce niveau C 1 n’est pas
atteint dans toutes les compétences, notamment pour ce qui est de l’écrit. En écartant la
grammaire parfois erratique des élèves, ils constatent que la méconnaissance lexicale
joue un rôle majeur dans l’incapacité à produire une expression claire ou profonde.
Les premières années des secondaires, celles dévolues aux A.E.S.I., sont consacrées
à un enseignement du français plus ludique que pratique : le programme du premier
degré incite à travailler des contes et de la littérature jeunesse, tandis que le deuxième
degré constitue une interface entre le premier degré de l’innocence et du français joyeux
et le troisième degré du français de la maturité et des œuvres philosophiques.
Pour donner un bagage lexical suffisant, il convient par conséquent de se concentrer
sur le français de l’imaginaire et des réalités lexicales méconnues de la vie de tous les
jours, bref, un français plus littéraire ou technique qu’autre chose. Il s’agit surtout de
privilégier des champs lexicaux avec lesquels les élèves entrent trop peu souvent en
contact, même s’il faut raison garder.
L’enrichissement du vocabulaire des élèves passera aussi par l’interdisciplinarité. Il
est insane qu’un professeur de français reste dans son petit monde, qu’il n’ouvre pas son
cours sur ceux de ses collègues, car le cours de français doit être considéré comme un
pivot autour duquel s’articulent les autres disciplines.
Arrêter un objectif de nombre de mots à connaître est peu souhaitable, parce que ce
serait mettre de côté le niveau de départ des classes ou des élèves pris individuellement.
Il faut voir chaque mot retenu de façon pérenne comme un bien potentiellement
valorisable. Qu’importe que tel élève n’en retienne que deux parmi dix, ce qui compte
10
c’est qu’il ait plus de cordes à son arc pour propulser la flèche de sa pensée. Qu’importe
aussi la nature de la corde : qu’elle serve à envoyer des flèches de Parthe ou à construire
une expression sur des fulgurances, cette corde, ce mot, a intrinsèquement une valeur.
Seule la finalité esthétique doit entrer en ligne de compte.
3) Comment convaincre les élèves de l’intérêt du
vocabulaire ?
Comme toujours, il se trouvera des élèves dont le désir ardent d’apprendre est
inextinguible. Ils ne constituent malheureusement pas l’ossature des groupes classes,
tant s’en faut. La majorité des élèves sont au mieux indifférents ; au pire, hostiles à la
matière. C’est en partant, entre autres, de ce constat que les programmes sont entrés
dans une logique actionnelle de l’apprentissage : mettre en lumière la finalité dans la vie
courante du cours de français est censé emporter l’adhésion des élèves.
Concernant les mots pris seuls, cela relève, au premier abord, de la gageure
d’expliciter aux élèves les avantages découlant de la connaissance de mots rares.
Pourtant, ils sont nombreux. En voici trois :
L’originalité
La massification de l’enseignement, combinée à un accès toujours plus élargi à la
culture et à l’information, a eu pour effet d’augmenter plus que sensiblement la
production culturelle mondiale. Comme on pouvait s’y attendre, l’augmentation a plus
été quantitative que qualitative. Dans certains cas, la qualité générale a parfois même
périclité.
Prenons l’exemple de la musique : la production musicale de langue française a
considérablement grossi, mais la qualité des textes de ses figures de proue en a pris un
coup. Il faut écrire que les bons auteurs existent toujours, bien que leur production ait
été marginalisée économiquement et honorifiquement. De nos jours, les chanteurs qui
vendent le plus sont des rappeurs et les chanteurs de variété qui, lorsqu’ils tentent de
s’élever par leurs textes, ne se risquent que peu à perdre leur public en employant des
mots que d’aucuns croient sortis du formol lexicographique. Les textes chantés
atteignent dès lors, à qui mieux mieux, une pauvreté lexicale affligeante.
11
Il m’est incompréhensible que les auteurs ne glanent pas plus de mots littéraires pour
faire rimer leurs chansons, d’autant plus que la compréhension du mot, et du texte, n’a
jamais été un facteur limitant des ventes de l’industrie musicale. Il suffit d’écouter la
radio pour s’en convaincre : les musiques en langue anglaise ont clairement la cote dans
leur programmation, quoique les auditeurs ne comprennent pas une large part des
chants.
On peut donc en induire que les musiques actuelles sont plus écoutées pour leurs
sonorités que pour leur contenu, la forme primant le fond dans la tête de beaucoup. Rien
n’empêche les audacieux auteurs à venir piocher des vocables dans des pans oubliés de
dictionnaires. Et ces auteurs ne sont autres que les futures générations d’apprenants,
d’où l’impérieuse nécessité de fournir à ces artistes en devenir une provende de mots
aux consonances et origines mystérieuses. Ils pourront ainsi se démarquer par leur
originalité au sein de cet univers subissant une déperdition lexicale importante.
L’opportunité économique
Il serait utile de souligner l’intérêt économique d’une connaissance lexicale étendue.
En effet, la réussite dans de nombreux domaines dépend d’un vocabulaire riche. Dans
les domaines techniques ou scientifiques, un travailleur se doit de posséder le lexique de
sa profession pour paraître un tant soit peu crédible. Dans les branches professionnelles
culturelles ou rattachées d’une façon ou d’une autre aux sciences humaines, la capacité
à bien s’exprimer – qui implique l’usage adéquat et massif d’un vocabulaire autrement
plus recherché que celui de la rue – est indubitablement un critère de sélection pour
évaluer les postulants presque toujours trop nombreux pour le nombre de postes à
pourvoir. Pour reprendre le contexte précédemment traité de la musique, il faut noter
qu’un savoir lexical d’importance mène rarement au vedettariat, mais permet de
s’imposer dans des niches musicales, à l’instar du créneau de l’histoire celtique dominé
par le groupe Manau ou de celui des mots ou des acceptions peu communs occupé, entre
autres, par le groupe Matmatah.
Une amélioration des opérations cognitives de compréhension
Avoir déjà en tête les mots d’un texte permet l’économie de la consultation d’un
dictionnaire (ce qui représente, au passage, une économie énergétique si le dictionnaire
est numérique). Plus généralement, compulser un référentiel linguistique, quand cela est
rendu possible par un processus de mise en pause de l’œuvre culturelle
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intellectuellement en cours de traitement, est une perte de temps et une extraction
violente de la diégèse ou de l’exposé, gage d’un amenuisement du plaisir de lire ou
d’écouter. L’ignorance lexicale massive enclenche en quelque sorte un cercle vicieux
sur le plan cognitif : forcé de chercher une signification ou de se contenter d’une
compréhension parcellaire, l’auditeur ou le lecteur peut perdre le goût de ce genre
d’œuvre et, par le manque de contact avec un lexique riche, aggraver son déficit lexical
et laisser se détériorer ses capacités cognitives.
II. Mise en pratique et exercices conçus
1) Le contexte et les contraintes du stage
Mon stage s’est déroulé au Collège du Christ-Roi d’Ottignies qui propose un
enseignement général de transition. J’ai fait mon possible pour obtenir des classes de
deuxième et de troisième années. En fin de compte, j’en ai obtenu une de deuxième et
deux de troisième. En discutant avec mes maîtres de stage, il s’est avéré que j’aurais eu
des difficultés à introduire du vocabulaire dans le parcours des troisièmes, le public
auquel je destinais a priori mes exercices. Le maître de stage qui me confiait la classe
de deuxième a eu la gentillesse de donner toute licence de choisir le parcours, parmi
ceux restants, qui faciliterait l’inclusion d’exercices sur le lexique. J’ai donc opté pour
un parcours sur la nouvelle et, plus précisément, pour la séquence sur la description.
2) Les principes structurants des exercices
Il convient de prendre note que l’ordre des exercices, éventuellement accompagnés
d’une synthèse ou regroupés par thématique, n’a pas réellement d’importance. S’il
paraît évident de réaliser d’abord l’exercice sur les comparaisons et les métaphores
avant celui sur les comparaisons animalières, les autres exercices ne sont pas forcément
intrinsèquement liés.
Ces exercices ont été créés comme des moments de pause dans le parcours. La
matière qu’ils contiennent ne doit pas particulièrement être évaluée, que ce soit
formativement ou certificativement au travers d’une tâche complexe, pour ne pas
alourdir l’apprentissage en rendant obligatoire la mémorisation des procédés
linguistiques vus.
13
Ce qui distingue ces exercices de ceux sur lesquels un professeur est accoutumé à
tomber, c’est l’imbrication massive de termes particuliers, inusités ou techniques. Leur
présence n’était pas motivée par mon désir que les élèves les retinssent tous. Quand bien
même ils n’en auraient retenu qu’une poignée, je serai déjà heureux de leur avoir
simplement fait découvrir d’autres mots, de les avoir familiarisés avec ceux-ci. Une
véritable victoire pédagogique gîtait dans la mémorisation importante et/ou la restitution
de ces mots dans une tâche complexe.
3) Les exercices et la synthèse distribués
a) Notule liminaire
Par souci d’écologie, j’ai préféré ne mettre que les correctifs des exercices. Les
cadres contiennent donc les divers correctifs des documents distribués en classe. Les
caractères gras ont trait aux réponses, hormis dans la synthèse, où aucune réponse
n’était attendue.
b) Comparaisons et métaphores
La comparaison est un proto-trope à partir duquel les tropes peuvent être ciselés3.
C’est le procédé linguistique le plus répandu et le plus simple pour insuffler de la poésie
dans un texte. Le trope le plus commun qui en dérive est la métaphore et ses propres
tropes dérivés que sont la catachrèse et l’allégorie. L’on parle de catachrèse quand « le
détournement de sens est rendu obligatoire parce que le terme propre n’existe pas
[…] »4, alors qu’il est question d’allégorie lorsque «Le détournement de sens est fait
avec insistance […] »5. Des ramifications partent encore de l’allégorie, mais je n’en
traiterai pas dans ce T.F.É., de peur de paraître byzantin.
Ces deux figures de style sont aussi indispensables à une personne en accès de poésie
que ne l’est un antihistaminique pour un allergique en crise. Cependant, pour contenter
au mieux l’esthète des mots, il est préférable d’employer des comparaisons et
métaphores singulières et originales. Ce contentement peut naître du recours à des
termes inusités ou techniques. C’est pourquoi j’ai imbriqué dans les phrases permettant
3 A. DULIÈRE, Les secrets de la langue française, p. 148. 4 Ibid., p. 164. 5 Ibid., p. 165.
14
de distinguer les deux figures, une multitude de mots indubitablement bizarres pour les
élèves.
Opère un tri entre les comparaisons et les métaphores en mettant un C à côté des
phrases qui contiennent une comparaison et un M à côté des phrases construites
autour d’une métaphore.
Cette apparition éthérée m’effraye à peine plus qu’un lapin revenant. C
Ces caryatides sont aussi belles que de vraies gravures de mode. C et M
Tu es la flamme qui embrase l’amadou de mon âme. M
Il fut tel le tonnerre : bruyant mais inoffensif. C
Nous nous efforçâmes de rester immobiles comme des pierres de galgal. C
Si nous nous étions croisés plus tôt, tu eusses été Roméo et moi, Juliette. M
Les méthodes de ces spadassins m’apparaissent étrangement similaires. C
La voûte azuréenne se pare de son écume moutonneuse et se retrouve tiquetée de
points mouvants. M
Cette attraction te terrifiera en t’enfermant dans ce qui ressemble aux entrailles de la
Terre peuplées de créatures d’une hideur encore jamais vue. C et M
Pareillement à ce béotien d’Éleuthère, Gustavine n’a pas su répondre correctement à
cette question. C
Synthèse sur les comparaisons et métaphores
■ La comparaison est une figure de style : on part d'un exemple offrant une
ressemblance avec l'élément décrit et on essaye de montrer une correspondance. Dans
toute comparaison, on distingue deux termes reliés par une conjonction, un adjectif,
un adverbe ou un verbe (comme, semblable à, pareillement à, comparer quelqu'un à
quelque chose, etc.). Le mot qui relie le plus souvent les deux termes est comme.
Exemples
Tu es aussi décidé que l'âne de Buridan.
15
Les ouvriers s'activent comme des abeilles dans une ruche.
■ La métaphore est une comparaison où l'élément reliant les deux termes est absent
ou supprimé. L'analogie est donc plus suggérée que montrée. Elle est aussi plus
naturelle, moins lourde.
Exemples
Les pulsations du moteur ont commencé une fois la clef tournée.
Un torrent de larmes coulait sur ses joues.
c) Expressions idiomatiques en rapport avec les animaux
C’est un truisme d’écrire que la logique pédagogique standard dispose le professeur à
la répétition. Dans la réalité, il est souvent ardu de revoir ou de refaire des exercices
avec les élèves un nombre suffisant de fois pour que l’apprentissage sédimente dans
leurs neurones. Avec cet exercice, je sacrifie à cette logique en ce que, sous des aspects
d’exercice lexical au thème attrayant, se cache une répétition de l’exercice sur les
comparaisons et métaphores (point B de ce sous-chapitre).
Cet exercice met en valeur les connaissances des apprenants, car ces comparaisons
figées et populaires sont forcément presque toutes connues. Le rappel de l’existence de
ces syntagmes sert de fondation à la deuxième partie de l’exercice, qui vise à étendre
avec un adjectif le champ lexical propre à chaque animal. La troisième partie travaille
l’emploi métaphorique de ces mêmes adjectifs.
À partir du nom d’un animal, trouve une expression idiomatique basée sur une
comparaison en « comme ».
1) Escargot : avancer comme un escargot
2) Loir : dormir comme un loir
3) Pie : être bavard comme une pie
4) Coq : être comme un coq en pâte / être fier comme un coq
5) Agneau : être doux comme un agneau
16
6) Pinson : être gai comme un pinson
7) Cochon : être gras comme un cochon
8) Poisson : être heureux comme un poisson dans l’eau
9) Pou : être fier comme un pou (ici synonyme de coq) / être moche comme un
pou
10) Chien : être malade comme un chien
11) Singe : être malin comme un singe
12) Carpe : être muet comme une carpe
13) Taupe : être myope comme une taupe
14) Ver : être nu comme un ver
15) Renard : être rusé comme un renard
16) Mule : être têtu comme une mule
17) Rat : s’ennuyer comme un rat mort
18) Oiseau : manger comme un oiseau
Relie chaque adjectif au nom d’animal correspondant.
Gallinacé cochon
Aviaire singe
Porcin coq
Vulpin renard
Simien oiseau
Reprends les expressions idiomatiques comportant le nom d’un des animaux de
l’exercice précédent et adapte-les en remplaçant ces noms par leur équivalent
adjectival.
1) Il a la fierté gallinacée.
2) Il fait montre d’un appétit aviaire.
3) Son taux de graisse est porcin.
4) Il fait preuve d’une ruse vulpine.
5) Sa malignité a des traits simiens.
17
d) Choix d’un verbe plus spécifique
Ce genre d’exercice est très commun, mais on y rencontre rarement un lexique pareil.
L’hétéroclisme des vocables permet d’explorer différents champs lexicaux.
Change le verbe pour éviter les verbes « (y) avoir », « être », « faire » et « dire ». Il est
possible que d’autres éléments que le verbe soient modifiés.
- Elle a été gentille jusqu’à son adolescence.
Elle est restée gentille jusqu’à son adolescence.
- Il avait l’apparence d’un punk à chien.
Il ressemblait à un punk à chien.
- Vous fîtes attention à votre environnement.
Vous portâtes attention à votre environnement.
- La veille, il dit, en criant, des insanités et des injures.
La veille, il cria (ou vomit) des insanités et des injures.
- Il fait un bout de chemin avec elle.
Il parcourt un bout de chemin avec elle.
- Il dit à voix basse qu’il est enclin à la mélancolie.
Il murmure qu’il incline à la mélancolie.
- Il a une jolie hutte.
Il possède une jolie hutte.
- Ce fut pour eux une peine de dissimuler leur indigence.
Ils peinèrent à dissimuler leur indigence.
- Il y a dans son sac beaucoup de bucht (belgicisme pour camelote).
Son sac contient beaucoup de bucht.
18
e) Apporter des précisions au moyen d’un participe passé
Les expansions du nom sont souvent travaillées en classe de français, mais rarement
sous l’angle des participes passés, qui offre en plus la possibilité d’ajouter nombre de
compléments de l’adjectif tous plus recherchés les uns que les autres.
À l’aide d’un participe passé et des mots contextuels ci-dessous, crée un syntagme qui
décrit l’effet d’une condition de vie sur une partie du corps.
- Dents et cigarette : dents jaunies par la consommation de tabac / dentition
déchaussée à cause du tabagisme…
- Musculature et exercice physique : musculature développée par
l’haltérophilie / muscles rendus saillants par l’exercice quotidien…
- Yeux et manque de sommeil : yeux injectés de sang / yeux cernés de bistre /
sclérotique rougie…
- Peau et exposition modérée au soleil : peau hâlée / peau bronzée par les
chauds rayons de l’été…
- Peau et vie de marin : épiderme devenu calleux à force d’être exposé aux
injures du temps / cuir épaissi par la constante exposition aux éléments…
- Ongle et onychophagie : ongles ravagés par l’onychophagie / ongles
inélégamment raccourcis par les dents de leur propriétaire…
- Peau et vieillesse : peau ridée / entrelacs de sillons creusés à même la peau
par le temps…
- Corpulence et consommation de mangeaille : corps engraissé par la
malbouffe / rondeurs provoquées par des visites trop fréquentes à la
friterie du coin…
- Yeux et alcool : yeux perdus dans le vague / sclérotiques jaunies par un
ictère…
19
- Drogue injectable et bras : avant-bras parsemé de piqûres / bras couvert de
petites ecchymoses…
f) Accords des couleurs
S’il est une matière qui permet de développer les connaissances lexicales des élèves,
c’est l’accord des couleurs. Quand on pense que la majorité de celles-ci tirent
directement leur nom de minéraux, de plantes ou d’éléments animés ou inanimés de la
vie quotidienne, il serait dommage de ne pas exhumer des dictionnaires le trésor oublié
des mots qui sont à la fois adjectif et nom, couleur et objet concret, d’autant plus qu’il
est aisé de faire coup double : l’accord des couleurs gagne en clarté à mesure que le
lexique des coloris est défloré, l’orthographe s’améliore de conserve avec la maîtrise
des vocables.
En dessous de chaque syntagme, donne ta justification de l’accord réalisé (ou des
accords réalisés).
- Une houppelande cyclamen
« Cyclamen » est le nom d’une plante, ce qui rend cet adjectif invariable.
- Des murs mauves
« Mauve » est le nom d’une plante, mais l’usage en a fait un adjectif.
- Des ponceaux ponceau
« Ponceau » est un synonyme de coquelicot, qui est devenu un adjectif invariable.
- Les aplats améthyste sur ce dessin
« Améthyste » est le nom d’une pierre précieuse violette, qui est devenu un
adjectif invariable.
- Un extraterrestre à la peau bleue
« Bleu » est un adjectif : il s’accorde donc.
- Les tresses vert clair de cette chanteuse
« Vert clair » est un adjectif de couleur composé d’une couleur et d’une nuance :
ce type de construction est invariable.
- Les dépôts anthracite laissés par le processus
L’adjectif « anthracite » renvoie à une matière réelle : l’invariabilité est de mise.
20
- Un coussin aux motifs zinzolins et rose bonbon
« Zinzolin » est un adjectif et « rose bonbon » est un adjectif composé invariable.
- Deux assiettes smaragdine et rubis
On est ici en présence d’un accord distributif. « Smaragdin » est un adjectif alors
que « rubis » est un nom employé comme adjectif, ce qui entraîne l’invariabilité.
- Des joues érubescentes
« Érubescent » est un simple adjectif.
- Des taches fuligineuses
« Fuligineux » est un simple adjectif.
- Des iris opalins
« Opalin » est un simple adjectif.
Synthèse sur les adjectifs de couleurs
Les adjectifs de couleurs sont variables, comme la grande majorité des adjectifs, pour
peu qu’ils ne renvoient pas directement à une matière ou une chose du monde réel. Les
dérivés adjectivaux de ces matières ou choses sont eux variables (exemples : opalin
pour opale, orangé pour orange ou crémeux pour crème).
Il existe des exceptions à cette règle. Les plus communes peuvent se retenir à partir du
sigle suivant : É.F.M.P.R. (Écarlate, Fauve, Mauve, Pourpre et Rose). Ces adjectifs de
couleur sont devenus variables.
Il convient de noter que les adjectifs de couleur composés d’une couleur et d’une
nuance sont systématiquement invariables. De même, tout adjectif de couleur composé
d’une couleur suivie d’un nom non introduit par une préposition est invariable
(exemple : vert bouteille ou rouge sang).
g) Créer une insulte idiolectale pour un personnage
Comme je l’ai mentionné plus haut, ce qui m’intéresse au premier chef est d’étoffer,
renforcer et blinder le vocabulaire des apprenants afin qu’ils poétisent leurs façons de
vivre, de s’exprimer et de penser. Cet exercice pousse encore plus loin ma logique
initiale, parce qu’il est basé sur la beauté graphique, sur le caractère impressif (au sens
stylistique) des voyelles et sur l’incompréhension primaire des termes proposés. En
21
effet, les élèves doivent choisir un terme par colonne, sans en connaître le sens. Par la
suite, chacun devra chercher la définition des mots élus. Pour s’assurer de la recherche,
le professeur peut demander aux élèves de prendre en charge une mini-présentation dans
laquelle chaque élève dit pourquoi il a opté pour tels termes, s’il nourrira son idiolecte
de cette injure ou s’il la réservera à celui de son personnage… Le professeur peut aussi
imposer d’inclure dans une production finale (par exemple, un dialogue romanesque où
l’insulte est proférée) un passage expliquant les termes constitutifs (introduit par
exemple par « autrement dit »).
Relie un nom à un adjectif et note ensuite la combinaison sur les pointillés (attention :
il faudra parfois accorder l’adjectif).
Espèce de fils/fille de ...............................................................................................................
ruffian • • cacographe
paltoquet • • pouacre
jean-foutre • • pusillanime
gouape • • breneux
escarpe • • tératologique
vadrouille • • goitreux
arsouille • • salace
jocrisse • • putrescent
aigrefin • • insane
rombière • • valétudinaire
batteur d'estrade • • dartreux
reître • • tricard
sycophante • • roué
ribaud • • étique
cagot • • catarrheux
hère • • guenilleux
zoïle • • narcoleptique
cuistre • • braque
bélître • • peccable
galapiat • • cacochyme
22
h) Synthèse sur la description dans une nouvelle
La synthèse ci-dessous a été distribuée durant la dernière semaine de stage. Elle
reprend les principaux points de matière abordés dans ma séquence sur la description. Je
la reproduis ici pour que le lecteur puisse se rendre compte qu’il est possible de charger
un texte en mots rares, de sorte que les élèves y soient confrontés au moins une fois
dans leur scolarité. Pour ne pas handicaper les élèves qui ne s’intéressaient pas à ces
mots, les termes baroques n’ont été disséminés que dans les exemples et jamais dans les
explications théoriques qui détaillaient en fait ce à quoi ils devaient prêter attention dans
une évaluation à venir.
La chose décrite
Une description peut concerner un personnage, un objet, un lieu, une atmosphère…
Tout peut être décrit.
La longueur
Le texte descriptif peut être court ou long, faire plusieurs paragraphes ou seulement
quelques lignes. La description se divise parfois en parties dispersées dans la nouvelle,
ce qui peut amener un dévoilement progressif des caractéristiques de la chose décrite et
une longueur totale d’une certaine importance.
Le point de vue
En fonction de la narration, il sera celui du narrateur ou d’un personnage, des deux en
même temps lorsque l’un se confond avec l’autre.
Le degré d’objectivité dépend du choix de l’auteur. Par exemple, il n’est pas interdit de
rédiger une description subjective en prenant la plume d’un narrateur extradiégétique
(qui n’est pas acteur de l’histoire).
La teneur
Une description consiste à apprendre au lecteur des informations concernant une chose
ou un personnage. Il s’agit en fait de lister diverses spécificités, très souvent regroupées
23
dans le texte selon leurs champs lexicaux.
Exemple de champs lexicaux : celui du visage et celui des habits.
Exemple de regroupements : Hippolyte possède un visage mafflu au centre duquel
trône un nez aquilin surmonté par deux yeux bridés. [Passage au champ lexical suivant]
Il porte une redingote d’une bien belle facture sous laquelle se trouve un gilet orange
fluo, qui jure avec son short pain brûlé.
L’organisation
Il existe divers principes d’organisation d’une description. Cette dernière peut aller des
détails à l’ensemble, du visible à l’invisible, du haut vers le bas… Elle peut aussi n’être
qu’une liste de caractéristiques, plus ou moins regroupées par champs lexicaux.
L’usage des temps
Les temps de conjugaison des parties descriptives se calquent sur ceux du texte narratif.
Par exemple, si la narration repose sur le présent, le temps principal de la description
est le présent de l’indicatif. Les textes romanesques étant habituellement écrits au
passé, l’imparfait de l’indicatif est le temps principal le plus commun. Il convient de ne
pas oublier les rapports chronologiques entre les phrases et la concordance des temps.
Exemple : Anastasie avait vécu durant de nombreuses années à Bruxelles, où elle avait
exercé son métier de technologue en imagerie médicale. Pour peu qu’il n’eût pas
draché, elle y avait pratiqué sur son temps libre la course à pied. Elle était maintenant
la championne belge de marathon. Elle parcourait d’ailleurs le monde pour participer
aux différentes compétitions d’athlétisme. Lors des Jeux olympiques de 3020, elle
monta sur la troisième marche du podium.
Reprise de l’information et variation des tournures
En règle générale, il vaut mieux tout mettre en œuvre pour ne pas réutiliser un même
nom ou un même verbe (les verbes être et avoir ne sont pas concernés lorsqu’ils
remplissent la fonction d’auxiliaire). Dans le cas particulier des verbes, le procédé de
l’énumération supprime la répétition des verbes.
24
Exemple : Le monstre était imposant, hideux et menaçant. Il avait une peau
écailleuse, une crinière fauve et huit pattes. Plusieurs parties de son corps pouvaient
en outre s’avérer mortelles, dont une masse caudale, une langue protractile et des
tentacules venimeux. [Les énumérations sont en gras.]
Pour éviter de répéter le nom de la chose ou du personnage décrit, il convient d’utiliser
des synonymes et des pronoms appropriés. Dans la plupart des cas, ces pronoms
revêtiront la troisième personne (il, ils, lui, elle…).
Exemple : Le dernier film d’horreur réalisé par Marie-Louise Slasheuse est un digne
représentant du genre. Bien que ce long-métrage ait bénéficié d’une distribution
confidentielle, il a attiré les foules, qu’il terrorise et émerveille. Les critiques
l’encensent et en recommandent l’étude dans les écoles de cinéma. [Les pronoms sont
indiqués en gras et un soulignement montre un synonyme.]
Autre procédé intéressant, l’usage des déterminants possessifs permet de varier les
tournures de phrases et de changer le sujet grammatical, ce qui facilite l’emploi
d’autres verbes qu’être et avoir.
Exemple : Le chien d’Henriette disposait de traits génétiques originaux et donc très
intrigants pour les biologistes. Son pelage flavescent devenait par endroits souris. L’iris
de ses yeux mêlait des stries fraise et vert-de-gris. Ses tissus osseux étaient bien plus
solides que chez les autres chiens… En d’autres mots, il détonnait dans l’univers canin.
[Les déterminants possessifs sont en gras.]
4) La réception des exercices par la classe
Me conformant à la méthode du Pratiquer – Analyser – Réinvestir, j’ai dans un
premier temps proposé un ensemble de textes descriptifs aux élèves. Ils en analysaient
la structure et en isolaient les constituants et structures. L’un de ces constituants était
évidemment les mots littéraires ou inconnus des élèves. Le lexique s’est donc d’abord
exploré par la lecture de textes à la difficulté lexicale allant croissant. L’essor de la
difficulté a été jusqu’à un texte adressé soi-disant aux adolescents, mais dont la
concentration en mots faisant difficulté était rédhibitoire pour un tel public. Ont été lues
25
la trente-cinquième page du roman Onze ! de Xavier Deutsch et une partie de la trente-
sixième. Le texte ci-dessous en est la retranscription.
Le Flamand est un être simple. Il a les pieds dans la glèbe et les oreilles dans les
étoiles. C’est un gars d’une pièce et d’une seule. Sa place est à la tête d’un cheval de
labour, dans un champ de pommes de terre. Le roi lui dirait de venir, il répondrait qu’il
termine d’abord ses quatre-vingts sillons. Buté, cubique, il raisonne par semaines et par
saisons. Le sol lui importe. Il voit peu, son regard s’arrête aux bornes de sa commune.
S’il lui faut un jour prendre les armes, il les prend, nécessité fait loi. Il garde une vieille
dent contre les Espagnols et contre les Français, le temps ne compte pas, la bataille des
Éperons d’or et Philippe II semblent dater pour lui des années 30. Il n’a rien contre les
Italiens. Il aime la bière d’orge. Il possède un poêle de fonte.
S’il a les mains et les yeux tout occupés de sa terre, son âme en revanche entend les
étoiles. Car le Flamand est mystique, à sa façon. Il élève, sans les comprendre lui-
même tout à fait, des petites combinaisons noirâtres qui le relient aux esprits. Il ignore
quels noms portent ces entités, quels sont leurs contours, et de quelle rengaine elles
ressortissent. Le Flamand est un homme attaché sans comprendre à quoi ni pourquoi. Il
érige des milliers de chapelles, des couvents, il cloue des écharpes dans le tronc des
chênes antiques et confie ses arthrites à des statues de Vierge aussi bien qu’à des
rebouteuses qui s’adressent à ses maux dans un vieux patois, bâtard de francique et de
bas-latin. Il adhère au sens du vent, il obtempère aux pythies, conserve dans les
bibliothèques paroissiales des vies de saints, des Imitations de Jésus-Christ, des visions
de sœur Hadewijch. Et L’éloge de la folie, d’Érasme : il ne le lit pas, mais ça le rassure
de le posséder.
Le Flamand est un saule : il tient à sa rive de ruisseau, il ne voyage pas, il boit ce
qu’il faut, et la plaine est si plate qu’il reçoit dans la tête chaque jour tous les vents de
l’Europe du Nord-Ouest.
Un terrain de football, à ses yeux, n’est rien de moins qu’un demi-hectare de sol
flamand : les Français ne l’ont pas eu, les Espagnols ne l’ont pas eu, les Hollandais ne
l’ont pas eu. Il va falloir que les Milanais viennent le chercher.
© Onze ! de Xavier Deutsch, éditions Mijade, pp. 35-36.
26
Les mots inconnus par tous les élèves ou par un très grand nombre d’entre eux dans
cet extrait étaient : glèbe, éperon, poêle (le moyen de chauffage), mystique, ressortir
(avec l’acception « avoir trait »), arthrite, rebouteuse, francique et obtempérer. J’ai été
frappé par le fait qu’ils relient leur difficulté à comprendre le texte à la présence
relativement importante de mots rarement rencontrés dans les médias culturels qui sont
les leurs, alors que, pour moi, leur incompréhension devait plus à la structure du texte et
aux affleurements multiples de références à l’histoire de la Belgique.
Il a été étonnant de constater que les élèves connaissaient la signification du mot
« pythie », grâce à leur cours de grec, et qu’en même temps, ils ignoraient le sens du
mot « esgourde » que j’ai employé oralement juste avant la lecture de ce texte. J’en ai
induit que leur connaissance lexicale s’enrichissait principalement par l’école,
puisqu’un mot populaire (d’origine argotique) comme « esgourde » était insu.
En règle générale, j’ai constaté que les apprenants focalisaient leur attention sur la
compréhension de mots isolés, plutôt que sur le sens général. Quand je me suis enquis
de leur lecture individuelle de la synthèse, lecture donnée en devoir, bien peu parmi
ceux qui l’avaient parcourue ont su distinguer l’essentiel (l’explication explosée de ce
qu’est une description) de l’accessoire (les excentricités lexicales parsemées dans les
exemples), ce qui s’est traduit par des « j’ai rien compris, M’sieur » assez nombreux. Je
remarque donc que des lectures entraînant la capacité à discriminer la substantifique
moelle d’un texte de ses fioritures doivent être plus souvent proposées au public
scolaire. Ces lectures sont d’autant plus primordiales que l’école dans laquelle j’ai
enseigné est réputée pour son exigence : la compréhension à la lecture eût été encore
plus problématique dans d’autres écoles, celles à discrimination positive entre autres.
Regroupés à la fin du syllabus sous le titre « Exercices pour améliorer son style », les
exercices lexicaux apportaient de la variété entre l’analyse des différents textes. Ils
étaient plébiscités par les élèves. Ceux-ci voulaient réaliser qui les exercices au thème
animal, qui la création d’une insulte…
Les circonstances du stage ont fait que la majorité de ces exercices sont passés à la
trappe, par manque de temps (je n’avais que douze heures avec cette classe, auxquelles
s’ajoutaient trois heures données par mon maître de stage) et par nécessité de travailler
en priorité l’emploi des modes et temps verbaux. Cependant, les exercices qui ont tout
de même été effectués n’ont pas été décevants.
27
L’exercice sur les comparaisons et les métaphores (voir pages 15 et 16) s’est déroulé
comme prévu : les élèves ne connaissaient pas les mots « littéraires », mais ont quand
même réussi à faire sans trop de peine la distinction entre les comparaisons et les
métaphores. L’objectif de sensibilisation à certains mots est atteint.
5) Analyse des évaluations formatives
Les élèves ont eu à rédiger deux textes décrivant des personnages robotiques. Le
premier test s’est déroulé trop tôt durant le stage : je n’avais pas encore fait faire assez
d’exercices lexicaux. Cette évaluation n’a pas pour autant été dénuée d’intérêt, puisque
j’ai remarqué que beaucoup d’apprenants (plus de la moitié) rédigeaient une description
martiale d’un personnage qui, à première vue, n’affichait aucun signe belliqueux ou
objet guerrier. Pour preuve, voici le personnage que je leur demandais de décrire :
© L’Éventail
28
La seconde évaluation formative a été organisée en fin de stage et le personnage à
décrire était celui-ci :
J’ai pris le temps de parcourir les vingt copies et plusieurs constats m’ont surpris :
- Les élèves se concentraient beaucoup sur l’aspect animal de la machine ;
- Ils utilisaient souvent naturellement le champ lexical attaché à la bête qu’ils
s’imaginaient ;
- La majorité des élèves (onze sur vingt) ont décrit un robot renard ;
- Les autres ont vu un chien (cinq élèves), un loup (un élève), un croisement de
chien et de chat (un élève), tandis que deux n’ont fait que décrire un animal
indéfini (l’un d’eux a qualifié de « fonnix » la créature – est-ce une déformation
de « fennec » ?) ;
- Une seule élève a utilisé l’adjectif « vulpin », appris durant l’heure précédant
celle de l’interrogation ;
- La présence d’adjectifs de couleurs était clairement plus marquée que dans leur
première rédaction : cinq élèves ont utilisé « saphir » (mot enseigné à l’oral deux
jours avant l’interrogation) et deux, rubis (présent dans l’exercice sur l’accord
des couleurs) ;
- Presque tous, à des degrés divers, ont complété une couleur basique avec une
nuance (bleu pur, jaune canari, vert pomme) ;
- La classe a peu recouru aux comparaisons et aux métaphores : je n’ai compté
qu’une demi-douzaine de comparaisons (seulement une était une comparaison
figée et elle n’était pas en rapport avec les comparaisons animalières vues en
cours) et une seule véritable métaphore (« ce cerbère gardait l’entrée […] »).
© Izzymedrano (image du site Deviant Art)
29
En fin de compte, j’en conclus, pour ce qui est du groupe, que les élèves n’ont pas
retenu grand-chose de ce qui a été vu lors des première et deuxième semaines de
cours, à savoir la matière des comparaisons et des métaphores (ces deux semaines
étaient séparées de la dernière par une semaine de conseils de classe). De plus, les
couleurs étaient parfaitement maîtrisées (probablement parce que j’avais expliqué
cette matière au début de la dernière semaine). Enfin, les expressions idiomatiques
animalières n’ont pas eu les faveurs des neurones de la classe.
6) L’intégration tout au long de l’année d’exercices lexicaux
a) Notule liminaire
Sont encadrés dans ce sous-chapitre les moyens de développer les connaissances
lexicales des élèves tout au long de l’année. Les propositions vont du petit exercice de
dix minutes à un ou plusieurs parcours étalés sur quelques mois.
b) Énigme
Rien de tel que des énigmes pour ajouter un caractère ludique aux cours de français.
Selon moi, le secret d’une bonne énigme didactique est dans un premier temps de
trouver un nom ou un adjectif qui participe du lexique basique. Ensuite, il faut la corser
en y incorporant pléthore de mots « compliqués » ayant une relation sémique forte, qui
constitueront les indices, qu’on associe avec un éventail de mots compliqués à
expliquer. Bien conscient que l’accumulation de termes « barbares » puisse rebuter des
adolescents, je contrebalance cette lourdeur par la petitesse du texte. Je tiens à souligner
que cette activité est préférentiellement réalisée à l’oral, car l’oralisation évite l’écueil
du recopiage, lassant pour les élèves, de définitions compliquées. La répétition de
l’énigme tout au long de l’année pallie le manque d’écrits. Le but de ces répétitions
n’est pas de résoudre à nouveau l’énigme, mais bien de se souvenir des termes exacts ou
de la signification des mots constituant les indices. Pour le lecteur avide de mettre à
l’épreuve son acuité lexicale, je mets la solution et la « traduction » des indices en-
dessous du cadre contenant l’énigme.
30
Je suis une couleur dont l'étymon grec a servi dans le domaine médical à former les
mots « méléna », « mélanome » et « mélancolie ». À son tour, « mélancolie » a
engendré, grâce à un calque linguistique vers le latin, un mot sémantiquement
équivalent qui a donné, en français, le mot atrabilaire. Procèdent de moi moult mots,
dont un verbe dépréciatif et deux noms communs, l'un signifiant « travailleur de
l'ombre de la littérature », l'autre « métier historique décrié qui s'inscrivait dans un
triangle ». Ma forme adjectivale s'associe bien volontiers pour former des collocations
avec les mots « trou », « magie », « regard », « nuit », « chambre » ou encore « point ».
La solution est « la couleur noire » ou « le noir ». Les explications doivent dans un
premier temps ne pas contenir un mot appartenant au champ sémantique de « noir »,
pour doucement devenir plus exacte. Voici un exemple d’explications finales: « mel- »
est une racine proto-indo-européenne6 (le proto-indo-européen étant la langue à
l’origine du français) passée en grec ancien et rattachée à l’idée de saleté, de noirceur (le
méléna est le fait d’avoir des fèces noirâtres, le mélanome est un cancer dermatologique
souvent de couleur sombre, la mélancolie désigne primitivement un liquide organique
noir) ; le verbe dépréciatif est dénigrer ; un travailleur de l’ombre de la littérature se
nomme nègre (mot qui vient de noir en latin) ; le métier historique dont il est question
est celui de négrier.
c) Déconstruction d’un mot et découverte du sens
par appariement de mots contenant un même suffixe
Parmi les exercices communs, la décomposition en racines et en affixes tient une
place de choix dans les méthodes d’enseignement du lexique. Cependant, les élèves
décomposent en grande majorité des mots composés d’une racine et d’un affixe. Loin de
rejeter ces décompositions simples, je suggère de donner, dans un second temps et à
l’oral, des mots plus complexes. Dans l’idée que le cours de français ne doit pas
s’interdire de parler des autres cours, j’ai pioché l’exemple suivant dans le lexique des
sciences, qui est un réservoir quasiment insondable de ce type de mots.
6 Centre de recherche en linguistique de l’université du Texas à Austin, « Indo-European Lexicon.
Pokorny Master PIE Etyma », [en ligne] https://lrc.la.utexas.edu/lex/master (page consultée le 27 mai
2017).
31
Cholécystokinine
Cholé- : bile (appariement possible : colère, choléra, mélancolie, etc.), -cysto- :
réservoir (appariement possible : cystite, etc.), -kin- : mouvement (appariement
possible : cinéma, cinétique, cinématique, etc.) et -ine : suffixe marquant la substance
chimique.
C'est donc une hormone qui déclenche un mouvement dans la vésicule biliaire.
Autrement dit, il y a un écoulement de bile dans l'intestin.
Le lecteur attentif pourra constater que l’élément « cholé-» permet de reparler de
« mélancolie » du point b de ce sous-chapitre. Cet épissage des exercices par la présence
simultanée de termes ayant les mêmes origines étymologiques favorise certainement la
remembrance des exercices précédents.
d) Un parcours ou une séquence axée sur la « dracologie »
Je propose ici bien plus qu’un exercice, même si, de prime abord, je ne fournis que le
contexte suivant :
Il est un cénobite respecté auprès de qui maints héros et héroïnes cherchent une
bénédiction et des conseils avant d'aller pourfendre d'immondes bêtes. Aujourd'hui,
un(e) aspirant(e)-saint(e) sauroctone heurte à la porte de votre monastère troglodyte. Il
dit ne pas savoir dans quelle région se trouvent les dragons les plus féroces, les plus
hideux, les plus monstrueux. En fait, il avoue ne jamais en avoir aperçu. Pour que la
première équipée de l'aspirant(e) ne soit pas la dernière, le cénobite charge ses jeunes
disciples de compulser tous les ouvrages de la bibliothèque, d'enquêter sur le terrain et
de prier le dieu Norispailtefordzemonsteur. Ces équipes de disciples se mettent donc au
travail. Aussi est désignée une équipe par biome atteignable depuis les grottes
monacales, puisque les caractéristiques des dragons dépendent de leur biome.
Il existe, sinon une infinité, du moins une multitude de façons d'utiliser ce contexte
pour explorer le lexique. Le professeur peut proposer d'écrire une fiche zoologique d'un
dragon de la toundra, de la taïga, de la steppe... (de n'importe quel biome). Il chargerait
plusieurs groupes d'élèves (les disciples) de rédiger ses fiches. Ces fiches pourraient
32
présenter, selon l'importance du travail, l'habitat de tel dragon, les spécificités de celui-
ci, les moyens de le terrasser... Cette recherche peut permettre de faire usage de types et
genres de textes : narratifs (une bonne mise en pratique serait la rédaction de l'histoire
d'un dragon célèbre), les textes argumentés et/ou épistolaires (un échange épistolaire et
éristique sur la nécessité de garder vivants certains dragons pour le bien de
l'écosystème), enquête journalistique (rapport sur les dernières déprédations de la bête
dans un hameau), etc.
Le fait qu'il y ait plusieurs fiches à produire va engendrer une émulation entre les
différents groupes de rédaction. Les participants de ce petit concours « qui créera le
dragon le plus sensationnel ? » seront en grande partie départagés par l'emploi de mots
que le professeur de français (et ses collègues d’autres disciplines dans le cadre d’un
travail interdisciplinaire) juge peu communs.
On le comprend : la philosophie de cet outil est d’immerger les élèves dans un
contexte constant, qui ne changera pas d’une activité à l’autre et qui, par son aspect
fantastique, exhorte les élèves à utiliser un maximum de vocabulaire (en rapport avec
les sciences du vivant).
e) Création de son propre juron
Il s'agit de demander aux élèves de chercher dans un lexique spécialisé ou littéraire
un adjectif et un nom qui, une fois accolés, deviennent un syntagme au sens oxymorique
ou fâcheux. Il suffit d'introduire ce syntagme à l'aide de « Nom d'un(e) » pour obtenir
un juron. On peut prolonger cette construction au moyen d'un complément
circonstanciel.
Pour explorer différents lexiques et aider les élèves, il faut leur conseiller de piocher
des mots dans le lexique d'une de leurs passions ou de l'un des métiers des membres de
leur famille.
Plusieurs suites peuvent s'envisager. Il serait, par exemple, possible de transformer
l'explication du syntagme en exposé oral court pour développer les compétences
d'oralité. On pourrait aussi « imposer » aux élèves, quand ils sont interrogés par le
professeur alors qu'ils ne lèvent pas le doigt, d'exprimer leur « irritation » par un juron
de leur création. Le professeur ajouterait à ses interrogations un bonus dont les points
peuvent être acquis en donnant la définition d'un mot préalablement relevé par le
33
professeur lors d'un de ces questionnements d'élève. Les élèves méritants auraient dès
lors l'occasion de relever les mots du juron, de chercher leur sens et de les retenir pour
la prochaine interrogation.
Voici des exemples de constructions : Nom d'une haridelle replète ! / Nom d'une
espingole déchargée (en plein abordage) !
Le professeur peut faire évoluer l’exercice en demandant de remplacer l'adjectif par
un complément du nom introduit par « sans » (exemple : Nom d'un cerveau sans
circonvolutions !).
f) Francisons un mème Internet
Un mème Internet est un élément ou phénomène culturel (ou une variation de celui-
ci) connaissant un succès certain sur Internet. La chercheuse en communication Limor
Shifman définit les mèmes Internet comme « un groupe d’éléments digitaux partageant
des caractéristiques communes de contenu, de formes et/ou d’idées, éléments qui ont
chacun été créés dans le respect d’une idée première et qui sont propagées, imités et/ou
transformés sur Internet par de nombreux internautes. »7
Les mèmes font partie de la culture populaire des jeunes et, comme tout élément
culturel, méritent d’être décortiqués au cours de français. En théorie, travailler un même
est mobilisateur.
Le tableau contient un mème franglais accompagné de la réponse idéale que le
professeur peut donner aux élèves. Idéalement, ce sont les élèves qui doivent découvrir
le moyen de franciser le mème. Ce mème et son exercice afférent sont parfaits s’il reste
dix minutes et que le professeur a terminé ce qu’il avait prévu sans avoir le temps de
débuter une nouvelle matière. C’est typiquement un petit exercice oral en grand groupe
de délassement avant la sonnerie.
Le mème à franciser est « Merci, Captain Obvious ».
Il semble évident que « merci » est français et ne nécessite pas d'explication.
Quoiqu'il sonne encore français, l'orthographe du mot « Captain » ne ferait hésiter que
7 Traduction libre de « […]a group of digital items sharing common characteristics of content, form,
and/or stance, which were created with awareness of each other, and were circulated, imitated, and/or
transformed via the Internet by many users.» dans L. SHIFMAN, Memes in Digital Culture, p. 41.
34
peu de monde quant à son origine. « Obvious » finit de nous convaincre que la langue
de l'Albion (sous la forme de son avatar américain) a colonisé les esprits des jeunes
internautes francophones. Ce mot est un adjectif signifiant « évident ». Ce qui veut dire
que la phrase traduite entièrement et littéralement est « Merci, Capitaine Évident » ;
plus gracieusement, on obtient « Merci, Capitaine de l'Évidence ».
On comprend qu'en ces temps d'« américanolâtrie », les emprunts à l'anglais se
multiplient mais il est peu expiable linguistiquement parlant de reprendre une
expression que n'importe quel grammairien ou traducteur doit abhorrer. Il faut rappeler
qu'en français, le mot « lapalissade » et le groupe de mots « vérité de La Palice »
traduisent la même pensée, même si se perd l'ironie que l'expression franglaise
comporte.
g) Derrière chaque grand homme se cache une femme qui l'aime
ou pas
Il me semble que le cours de français ne se soucie guère des noms propres. Je ne
sache pas qu’un professeur de français doive abandonner leur étude… Pourtant, Dieu
sait qu’ils ont un intérêt. Je pense principalement à tous les noms célèbres de la Grèce
antique – que ce soit de divinités ou d’êtres mortels, de lieux réels ou intangibles – et à
ceux plus modernes de personnages littéraires renommés. Tous ces noms propres sont
quelquefois, au prix de menues transformations, devenus des noms communs pleins de
saveur étymologique, du décadent « sybarite » au lanugineux « panurgisme », en
passant par l’aqueux « pactole ».
Concernant cet exercice, mon choix de noms propres s’est porté sur l’ennéade des
Muses, parce que ces déités inspirent quantité d’exercices lexicaux. Rien que leur nom
générique a donné « musée ». Chacune est également gardienne et promotrice d’un
champ lexical de la culture. Et leur mère (Mnémosyne) est la déesse d’une capacité
indéniablement propice à l’étude lexicale : la mémoire…
La mémoire reçoit d’ailleurs une béquille grâce à un moyen mnémotechnique
acronymique. Par les noms ainsi retenus, les élèves disposent déjà de neuf moyens très
utiles pour rendre magnifiquement aériens leurs propos.
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Invente une phrase ou une suite de phrases où apparaît le nom d'une Muse (aide-toi du
tableau ci-dessous). Cette phrase doit signifier que tu es peu compétent(e) dans un
domaine en particulier (pas forcément scolaire) ou être une formule pour conter
fleurette. Évite les verbes comme « aimer ou détester ».
Exemple : Je n'ai jamais été bon en déclamation. Il faut que je trouve un moyen d'attirer
le regard de Polymnie...
Acronyme
mnémotechnique ou
comment la mère retient
ses filles
Nom complet Domaine
C Calliope poésie épique et éloquence
É Érato poésie lyrique
T Terpsichore danse
T Thalie comédie
E Euterpe musique
M Melpomène tragédie
P Polymnie poésie et discours en
général
U Uranie astronomie
C Clio histoire
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III. Conclusion
Même si ce travail a été long et éprouvant, je ne peux m’empêcher d’écrire que sa
rédaction a été plaisante, car mon amour pour les termes bizarres, que j’évoquais dans
l’introduction, s’est réveillé au fur et à mesure que les pages se noircissaient de mots
rares, ces pierres de carrières lointaines et anciennes, que je tente de faire intégrer
massivement à l’édifice de la langue.
D’ailleurs, ai-je réussi à faire entrer les élèves de mon école de stage dans la belle
maison linguistique que je leur ai bâtie ? Veulent-ils habiter la langue poétique que je
leur ai proposée ?
La réponse est plutôt positive : les rares activités lexicales que les impondérables du
stage ont laissé s’épanouir ont été des réussites pour ce qui est de la motivation des
élèves. Les résultats aux interrogations sont plus mitigés : la débauche lexicale attendue
n’a pas eu lieu, les élèves se contentant en général d’utiliser du vocabulaire basique,
alors que leur imagination était seulement bridée par l’image du personnage à décrire. Il
faut toutefois souligner que certains élèves se démarquaient dans ces interrogations par
l’emploi d’un vocabulaire riche.
Il convient de prendre de la hauteur par rapport à ce constat de réussite. Celui-ci n’est
en effet pas très signifiant, pour quelques raisons.
Tout d’abord, n’avoir qu’une classe dans laquelle mettre à l’épreuve les outils créés
obère toute tentative de généralisation. Il est évident qu’il aurait été difficile d’obtenir
trois classes d’une même année quand on sait les contraintes et les vicissitudes propres
aux stages, mais avoir deux classes d’une même année auraient pu être un départ
méthodologique plus satisfaisant et envisageable.
Un autre problème est posé par la situation socio-culturelle des élèves que j’ai eus en
classe : il est clair que le Collège du Christ-Roi accueille majoritairement des enfants de
familles avec des capitaux sociaux et culturels élevés, ce qui implique que les élèves
étaient censément prédisposés à apprécier des exercices du type de ceux que j’ai testés.
Enfin, l’obligation de voir une matière supplémentaire (la description dans la
nouvelle) m’a empêché de rendre manifestes les synergies entre les exercices distribués.
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Bref, la situation n’était pas idéale mais a accouché d’une première expérimentation
aux résultats encourageants.
En écartant la mise à l’essai des exercices dans les classes, si je ne devais me pencher
que sur leur quintessence, j’écrirais qu’ils relèvent tous d’une philosophie pédagogique
qui a pour essence l’anticonformisme et le plaisir d’inciter à découvrir et, parfois, de
faire sourire. Autrement dit, la richesse lexicale contenue dans les exercices ruissèle
jusque dans le cerveau des élèves par des moyens peu conventionnels, pour ne pas dire
« fun ». Il est indubitable que cet aspect est un attrait aux yeux des adolescents
d’aujourd’hui, accoutumés à l’infotainment et à la culture web (centrée autour de
l’ironie – il suffit de penser au mème « Merci, Captain Obvious » – et de l’humour).
En réunissant les divers constats que j’ai dressés dans cette conclusion, je peux
affirmer que la branche « distrayante » de l’étude du lexique constitue un gisement de
découvertes pédagogiquement exploitables. Il serait dès lors ennuyeux, pour la science
didactique, de ne pas creuser davantage le sujet, ce à quoi je n’ai pu m’adonner, par
manque de temps et de place.
Les futurs mineurs du lexique pourront choisir de développer les exercices que j’ai
inventés. Ils pourront également en rédiger eux-mêmes. Il est aussi possible qu’il forge
de nouveaux mots à partir des racines étymologiques diverses.
À côté de ces mineurs, d’autres pourraient amender mon étude : deux régents
pourraient s’associer pour ne produire qu’un T.F.É. unique, ce qui permettrait de tester
de manière plus rigoureuse et approfondie mes outils didactiques dans plusieurs classes
d’une même année simultanément.
Moult futurs se profilent pour mon T.F.É. : j’espère juste qu’il ne tombera pas dans
l’oubli...
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IV. Sources
Ouvrages didactiques
- DE ROECK B. (coord.), Texto troisième, Éd. Érasme, Namur, 2004.
- BASSANI F. (coord.), Français Voie active 2, septième réimpression, Van In,
Louvain-la-Neuve – Wommelgem, 2009.
Ouvrages romanesques
- DEUTSCH X., Onze !, troisième édition, Éd. Mijade, Namur, 2015.
Sources dématérialisées
- Centre de recherche en linguistique de l’université du Texas à Austin, « Indo-
European Lexicon. Pokorny Master PIE Etyma », [en ligne]
https://lrc.la.utexas.edu/lex/master (page consultée le 27 mai 2017).
- Conseil de l’Europe, « Les outils du Conseil de l’Europe en classe de langue.
Cadre européen commun et Portfolios », [PDF en ligne]
https://rm.coe.int/168069ce6d, pp. 37-47.
Sources scientifiques
- DULIÈRE A., Les secrets de la langue française, Éd. André Delcourt, Lausanne,
1988.
- GROSSMANN F., PAVEAU M.-A. et PETIT G. (coordinateurs), Didactique du
lexique : langue, cognition, discours, ELLUG, Grenoble, 2005.
- SHIFMAN L., Memes in Digital Culture, the Massachussetts Institute of
Technology (MIT) Press, Cambridge (Massachussetts), 2014.
- VANCOMELBEKE P., Enseigner le vocabulaire, Nathan, Paris, 2004.
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Ce Travail de Fin d’Études (T.F.É.) se propose de répondre concrètement à la
question « Comment rendre les apprentissages lexicaux passionnants à découvrir ? ».
Dans un premier temps, il déploie une partie plus théorique qui traite du contexte
belge de l’enseignement du lexique, du type de matière qu’il semble souhaitable de
donner aux élèves et des moyens de mobiliser ces mêmes élèves lors d’exercices
impliquant beaucoup de mots inconnus.
Les exercices conçus sont rassemblés dans la deuxième partie. Ils présentent la
particularité d’être novateurs à plus d’un titre.
Leur pertinence a été évaluée lors d’un stage de quatre semaines au Collège du
Christ-Roi d’Ottignies, dans une classe de deuxième année secondaire.
Les élèves de cette classe ont été confrontés à des textes parfois abstrus (à leur
niveau) pour ce qui est de la compréhension du lexique. En ce qui concerne la
compétence d’expression, ils ont rédigé les descriptions de deux robots anthropomorphe
et zoomorphe.
Il ressort de cette expérience lexicale que les élèves manquent de vocables animaliers
et qu’ils sont ouverts aux exercices pour améliorer leur vocabulaire général, pour peu
que ces exercices revêtent un aspect ludique immédiat et que les termes compliqués
jouent un rôle adventice. La séquence étudiée avec les élèves se rapportant aux
nouvelles, le lexique vu a été celui de la description de personnages.
Des pistes d’approfondissement ou de prolongement de ce T.F.É. sont détaillées dans
la conclusion.