PHILIP GLASS - Numilog
Transcript of PHILIP GLASS - Numilog
AUTANT EN EMPORTELE TORRENT
Dans la boĂźte oĂč je bosse, on ne choisit pas sa sonnerie de tĂ©lĂ©phone. Avant, les tests psychotech-niques des sous-traitants en ressources humaines vĂ©rifiaient si votre tempĂ©rament collait Ă celui de lâentreprise. Aujourdâhui câest la personnalitĂ© de la firme qui est sans cesse modifiĂ©e en fonction des utilisateurs, ce mot vide qui fĂ©dĂšre mollement ex-clients, employĂ©s, consommateurs, cadres et managers. VoilĂ pour lâaplatissement lexical e-votĂ© il y a six mois Ă 32% par les petits investisseurs de IGV.com. International Global Village, mon employeur.
CrĂŽa crĂŽa, tchiiiitchiiip. CrĂŽa crĂŽa, tchiiiitchiiip.
Lâajustement constant aux utilisateurs, câest le credo du marketing social et citoyen auquel ma boite adhĂšre de maniĂšre trĂšs concrĂšte : Ă 65 dĂ©cibels, au doux son de croassements et pĂ©piements dĂ©naturĂ©s. Câest bien parce que cette sonnerie a Ă©tĂ© tĂ©lĂ©chargĂ©e 65 402 fois la semaine derniĂšre que lâentreprise lâa uploadĂ©e sans prĂ©venir sur les portables de tous les employĂ©s, pardon, « utilisateurs opĂ©rateurs ». Et ça nâarrĂȘte pas : les messages qui dĂ©ferlent, signalĂ©s par ce concert animal free-jazz, sont du mĂȘme ordre:
« Ton statut a changĂ©. Quâest-ce qui se passe ? »
Un seul Ćil ouvert, jâessaie de me connecter Ă mon compte IGV pour vĂ©rifier mon statut social. Sur lâĂ©cran de mon iPhone, un austĂšre message bleu sur fond blanc mâannonce « Erreur. Lâutilisateur nâexiste pas». Mon second Ćil sâouvre. Jâappuie frĂ©nĂ©tiquement du doigt sur lâĂ©cran tactile qui finit par me demander de prouver que je suis un humain : je dois suivre le contour dâun genre de test de Rorschach (aujourdâhui en forme de tĂȘte de clown) tout en rĂ©citant le poĂšme de Verlaine qui dĂ©file en arriĂšre-fond. JâaccĂšde enfin aux paramĂštres de mon profil, pour constater que lâindice de mon statut social a en effet dramatiquement baissĂ©. Pourtant, aucun des paramĂštres rĂ©els sur lesquels il est calculĂ© nâa bougĂ© : nombre de contacts enregistrĂ©s, types de produits commandĂ©s, services rendus Ă la communautĂ©âŠ
Pas de panique, il doit y avoir un bug. Câest pas que je sois inquiet, mais il faut que je trouve une solution. Un statut aussi Ă©loignĂ© du score mĂ©dian signifie, en gros, que jâai Ă©tĂ© virĂ©. Je suis tentĂ© dâappeler mon supĂ©rieur direct mais, dâune part, il est 6h du matin, dâautre part, tout mon rĂ©seau professionnel a Ă©tĂ© automatiquement supprimĂ© du rĂ©pertoire. Une visite au syndicat de modĂ©-ration sâimpose.
Le vĂ©ritable drame de la situation, câest que mon abonnement gold aux Transports PersonnalisĂ©s vient dâĂȘtre bloquĂ©. En fait, tous mes abonnements le sont : mobilitĂ©, musique, shopping, tĂ©lĂ©vision. Me voilĂ revenu Ă lâoffre par dĂ©faut, gratuite, celle â horreur - proposĂ©e par le service public, ce qui Ă©quivaut Ă goĂ»ter Ă tout sans en profiter. Je fouille un peu pour me familiariser avec lâinterface des transports en commun: connexion au Doodle qui super-vise les horaires collaboratifs en temps rĂ©el. Si un minimum de six personnes demandent que le bus passe dans le quartier dans le quart dâheure qui vient, il y a des chances pour quâil arrive juste en bas de chez moi. Avec Ă peine trois connexions ce matin, câest ratĂ©. LâarrĂȘt collectif le plus proche est Ă des plombes, va falloir marcher. Comme prĂ©vu, ma base de donnĂ©es musicale â celle qui est conçue pour coller trĂšs prĂ©cisĂ©ment Ă mes goĂ»ts, mĂȘme ceux que jâignore encore â est inaccessible. Reste le top 100 suĂ©dois, « Ă©coutĂ© par 125 526 personnes en ce moment ». Au bout de trois titres, jâĂ©prouve finalement une certaine reconnaissance envers lâoffre gratuite : chaque chanson est automatiquement coupĂ©e aprĂšs une minute.
CRĂA CRĂA, TCHIIIITCHIIIP. CRĂA CRĂA, TCHIIIITCHIIIP
PAR GRĂGORY MEURANT& ELEA VON PICNIC
THEN CAME THE LAST DAYS
OF MAYLâAMOUR
ET UNE PARTIE Ă TROISPAR PIERRE MIKAĂLOFF
Puis, avec les derniers jours de mai, vint Catherine.
Je lâavais beaucoup regardĂ©e au cours de lâhiver, la prenant pour un garçon. Si câĂ©tait une fille, me di-
sais-je, elle serait la girlfriend parfaite. Fine comme Keith Richards, sombre comme Johnny Thunders,
écorchée et craintive comme⊠Peu importe comme qui finalement. Elle traßnait alors avec un fils de
bonne famille qui jouait du jazz chaque vendredi, sous lâĂ©gide dâun prof de lettres vaguement beat.
Je pensais donc quâil sâagissait dâun couple de garçons. De toute façon, il avait lâair beaucoup moins
dangereux quâelle avec son Burberryâs. Et puis, ils nâont plus traĂźnĂ© ensemble. Enfin, elle, je ne lâai plus
trop vue. Dans un lycĂ©e qui compte un gros millier dâĂ©lĂšves, il arrive de ne pas croiser pas certains
visages pendant plusieurs semaines. Un jour que jâĂ©tais assis dans le grand hall Ă cĂŽtĂ©
du rĂ©fectoire, elle avait fait sa rĂ©apparition. Pas de doute, câĂ©tait bien ma direction quâelle prenait. Elle
fonçait droit sur moi. Avant que jâai pu rĂ©alisĂ© ce qui mâarrivait, elle Ă©tait en train de me parler. Putain, oui, elle me parlait ! Sa voix Ă©tait incroyablement
douce en me demandant cette cigarette que je nâavais pas. Je ne me doutais pas quâune fille pouvait
avoir cette voix. Ou plutĂŽt : câest ainsi que les filles parlaient dans mes rĂȘves les plus fous, mais je ne savais pas que ça existait dans la rĂ©alitĂ©. Comme
je nâavais pas de cigarettes, que je ne trouvais rien Ă dire de plus quâun stupide « DĂ©solĂ©, je nâen ai
pas⊠» et quâelle semblait avoir Ă©puisĂ© ses rĂ©serves dâaudace, elle avait disparu.
DÚs lors, bizarrement, on a plus cessé de se croiser. Et plus besoin de prétextes idiots pour se parler.
On restait simplement ensemble, Ă se regarder, Ă deviser et Ă oublier de manger. Ce genre de choses.
Fatalement, on avait Ă©voquĂ© le « guitariste de jazz ». Dâun mot, elle lâavait taillĂ© en piĂšce : « Ce puceau, il nâĂ©tait bon quâĂ mal jouer du jazz. Incapable de
te sortir un riff saignant ! » Catherine était bien la femme de ma vie.
Il lui arrivait aussi de jouer Ă un jeu bien particulier quand elle prenait le bus avec moi. Un jour, par un chaud dĂ©but dâaprĂšs-midi, alors que nous retournions au lycĂ©e et quâelle chantonnait Then came the last days of may, du Blue Ăster Cult, elle avait remarquĂ© que le chauffeur ressemblait Ă Eric Bloom. CâĂ©tait un peu vrai, chevelure frisĂ©e assez longue et Ray Ban fumĂ©es⊠Elle mâavait dit : « Comme câest facile ! Je suis en train de fixer ce connard Ă travers son rĂ©troviseur depuis cinq bonnes minutes. Au dĂ©but il nâa rien remarquĂ©, mais depuis quâil a saisi mon regard, il ne surveille plus la route que par intermittence, je suis sĂ»re que si je continue, il va finir par envoyer son bus et ses quarante passagers dans le dĂ©cor. Amusant, non ? »
On ne se quittait plus. Catherine Ă©tait trĂšs fiĂšre de lâinfluence nĂ©faste quâelle prĂ©tendait avWir sur moi. Elle jubilait tandis que ma Telecaster restait dĂ©sespĂ©rĂ©ment dans son Ă©tui. Elle me provoquait en prĂ©disant que bientĂŽt je serais incapable dâaligner trois notes sur une guitare. Et elle avait raison, je ne pratiquais plus. Je commençais Ă mâen inquiĂ©ter. Elle savourait sa victoire sans modestie aucune, jâĂ©tais sur le point de devenir sa chose et je nâavais pas assez de volontĂ© pour lâĂ©viter. De temps en temps, je mâĂ©ner-vais, je la foutais dehors en lui disant : « Il faut que je joue maintenant ! » Et cela me faisait terriblement mal de la voir partir. Nos jeux nâĂ©taient pas si drĂŽles que ça, tout compte fait.Un aprĂšs-midi, on avait Ă©tĂ© chez elle. Son pĂšre Ă©tait un ancien contrebassiste devenu Ă©norme et alcoolique. Son instrument Ă©tait appuyĂ© contre un mur dans le petit vestibule de leur appartement. Il ne devait plus en jouer beaucoup. Il avait dâautres occupations : vider des litres de mauvais vin et traiter sa fille de salope. On sâĂ©tait assis autour de la table pour partager son dĂ©jeuner et il devisait aimablement avec moi, me parlant de Gainsbourg quâil avait accompagnĂ© jadis, etc. Ca se passait pas si mal. Jusquâau moment oĂč il Ă©tait entrĂ© dans une fureur incontrĂŽlable. Et toute sa rage Ă©tait dirigĂ©e
sâest dĂ©roulĂ© un jour dont jâai oubliĂ© le nom et la date. Un matin. Jâai Ă©tĂ© rĂ©veillĂ© par lâurgence. Ma mĂšre me secouait comme la fois oĂč un voisin sâĂ©tait fait sauter avec le gaz. Il Ă©tait barbu et brun dans mes souvenirs. Il vivait quelques Ă©tages plus haut, je crois, un peu plus sur la droite de la barre. Cette nuit-lĂ , nous avions cru quâun avion sâĂ©tait Ă©crasĂ© sur notre citĂ© en briques rouges. A cause de la puissance de la dĂ©tonation. Ce ne pouvait ĂȘtre que cela. Je crois que sa femme lâavait quittĂ©. Tous les habitants Ă©taient sortis en pyjama dehors. Ils attendaient au pied des immeubles et regardaient les flammes aux fenĂȘtres. Cette fois-ci, ce fut une explosion silencieuse. Elle eut lieu dans la tĂȘte dans mon pĂšre. CâĂ©tait un matin. Cela avait dĂ» rĂ©veiller ma mĂšre. Cette annĂ©e-lĂ , je dormais encore dans le canapĂ©-lit du salon, je nâavais toujours pas de chambre. Nous vivions au sixiĂšme Ă©tage dâun immeuble avec vue sur lâA4. Et plus loin, sur la Seine et de lâautre cĂŽtĂ©, Ivry. Ce qui avait explosĂ© en mon pĂšre lâavait rendu gogol, il bavait je crois. Mes souvenirs sont imprĂ©cis sauf la puissance du sentiment de panique. LâinĂ©luctable a le visage de lâĂ©vidence. Il a cette façon de vous remplir toutes les veines et conduits dâun mĂȘme liquide primordial. Mon pĂšre ne pouvait pas parler, il Ă©tait allongĂ© dans le lit comme pĂ©trifiĂ©. Avec un rictus indĂ©chiffrable sur le visage. Puis, pendant quâune ambulance devait se prĂ©cipiter vers notre citĂ© en briques rouges, il est peu Ă peu revenu Ă lui. Il mâa parlĂ©. TrĂšs difficilement. Dâabord, je ne le compris pas. Comme sâil bĂ©gayait. Je devais Ă©normĂ©ment pleurer ou ĂȘtre figĂ© par la terreur. Il nâa prononcĂ© quâune seule phrase intelligible, je crois. Des choses quâon dit quand on sait que lâon va mourir dans quelques instants. Et quâon ne rĂ©pĂšte pas, plus de vingt-cinq ans aprĂšs, mĂȘme quand on dĂ©crit la scĂšne en question pour une revue. Je ne me souviens pas de lâarrivĂ©e des secours. Je ne revois quâune seule autre chose : moi en train de courir en bas de la citĂ© en briques rouges, passant devant les ateliers, pleurant et tentant sans doute pour la premiĂšre fois de mâadresser Ă la personne qui plane au-dessus de toutes les citĂ©s, moi qui, dĂ©jĂ , ne croyais pas en son existence, je lui adressai une priĂšre, pour que cette personne, mĂȘme si elle nâexistait pas, sauvĂąt mon pĂšre. Je courrais vers une autre citĂ© en briques rouges, situĂ©e en contrebas, plus prĂšs de lâautoroute, celle oĂč vivait ma grand-mĂšre. La mĂšre de mon pĂšre. Ma mĂšre Ă moi mâavait laissĂ© seul la rejoindre.
Signe que câĂ©tait bien la fin.
Quelques jours plus tard, les mĂ©decins trouvĂšrent dans la tĂȘte de mon pĂšre un autre vaisseau prĂȘt Ă exploser. DiffĂ©rent de celui qui nous avait rĂ©veillĂ©s ce matin-lĂ . Le premier avait servi de sentinelle violente, le second conclurait lâaffaire. Pour empĂȘcher la prochaine dĂ©tonation, ils trĂ©panĂšrent mon pĂšre. Dans lâimmense hĂŽpital de la PitiĂ©-SalpĂ©triĂšre prĂšs de la gare dâAusterlitz. Prendre ce petit vaisseau et lâentourer dâun clip protecteur. Je crois que le chirurgien sâappelait le Dr Philippon, Ă moins que ce fut le professeur de neurologie. Un mot nouveau pour moi. AprĂšs, mon pĂšre dĂ»t subir des artĂ©riographies, un examen qui consiste Ă envoyer de lâiode dans les vaisseaux du cou et du cerveau pour mieux les radiographier. Un peu comme quand le Professeur, Dr Cornelius et Carol Hines, font couler de lâadamantium dans les os de Logan pour en faire Wolverine dans « lâArme X », la bande-dessinĂ©e de Barry Windsor-Smith.
Câest du moinsce dont je me souviens.
Mon pĂšre devait avoir Ă peu prĂšs mon Ăąge quand cela sâest rompu en lui. Je le revis plus tard dans le jardin du Luxembourg prĂšs dâune statue. Il portait un bonnet. Et dessous, il avait la tĂȘte rasĂ©e, sa boĂźte crĂąnienne Ă©tait bosselĂ©e, creusĂ©e et parcouruedâune longue cicatrice. Certains disent que ce genre de dĂ©tonation est hĂ©rĂ©ditaire. Ainsi, il y a peut-ĂȘtre un autre vaisseau qui bat la chamade lĂ -hautdans ma tĂȘte.
Si tant est quâil y soit et quâil sâapprĂȘte Ă me faire hara-kiri, il nâaura pas rĂ©ussi Ă empĂȘcher que je parle ici pour la premiĂšre fois de la premiĂšre rupture de ma vie.
MY OWN PRIVATE SEPTEMBER THE 11THRĂCIT DâUN VAISSEAU ROUGE ĂCARLATE
PAR ARNAUD SAGNARD
LâĂ©vĂ©nement
SOMMAIRE
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On dit que beaucoup dâenfants ont Ă©tĂ© conçus pendant la grande coupure dâĂ©lectricitĂ© de 2012, quand la lumiĂšre nâest vraiment revenue quâau bout de deux semaines. Câest en tout cas vrai pour Krystal, ma fille, quâon a conçue avec sa mĂšre la derniĂšre nuit de la panne. Ă lâĂ©poque on vivait encore prĂšs de chez mes parents, Ă Soubazac dans le Gers, dans une petite ferme retapĂ©e oĂč câĂ©tait tout le temps le squat avec la Play, la Wii et Warcraft. Caroline avait fini son Ă©cole de coiffure et commençait Ă bosser comme stagiaire dans un salon. Moi je vendais des fringues sur les marchĂ©s avec mon oncle, et surtout je faisais pousser de la ganja. Krystal est nĂ©e dans les odeurs de beu, pas quâon lâait voulue, mais Caro avait oubliĂ© de prendre la pilule. AprĂšs il y a eu lâhiver â jâai finalement passĂ© le niveau 800 de la Guilde de Paladins et jâai pu accĂ©der au Monde suivant.
Quand lâautoroute Ă TrĂšs Haut DĂ©bit est passĂ©e par Soubazac, on a pas tardĂ© Ă rouler double et Ă permuter vers Los Angeles Californie, dans le luxe et la dĂ©cadence, Ă foutre le ouaille Ă Beverly Hills et Wisteria Lane sur des grooves gangsta mĂ©tal. On a eu les premiĂšres playlists de mix intelligent, avec le truc cognitif, karaokĂ© Ă la demande â on a eu les Mondes tamagotchi japonais, directement jouables sur tĂ©lĂ©phone â Supermario les courses de kart intĂ©grĂ©es sur Facebook dans les forums de jeux sur Windows Live â câĂ©tait incroyable. Jâai regardĂ© toutes les premiĂšres sĂ©ries interactives avec Caro, mĂȘme celles de romance Ă deux balles - câĂ©tait hallucinant la façon dont on avait vraiment lâimpression que les gens du film te parlaient Ă toi.
Et quand on a tapĂ© la discute avec Michel Drucker en 4D dans lâĂ©mission aprĂšs sa mort, et quâon lâa fait bugger Ă force de dire des conneries, je te dis pas la barre de rire.
Je sais pas trop comment câest arrivĂ©, mais Ă un moment mon oncle est mort et on sâest retrouvĂ©s dans la merde. Caro faisait du mi-temps pour pas trop lĂącher la petite, et quelques coupes Ă domicile, mais ça suffisait pas pour tout payer, la bouffe, les couches, lâessence pour quâelle aille au salon qui Ă©tait Ă 16 kilomĂštres. Et puis Krystal Ă©tait tout le temps malade, mes parents mâont dit on en a marre, on est trop vieux pour vos conneries, et câest vrai que mes parents commençaient Ă fatiguer, avec leur Ă©cran gĂ©ant, leurs charentaises, jamais contents de rien, tristes français de souche, cons et pauvres. Ensuite on est venu me faire chier pour les plantations et la revente â il y a eu une histoire de dĂ©lation, les gendarmes sont venus. CâĂ©tait
I.R.L.(2010-2020)IN REAL LIFE PAR ALEX D. JESTAIRE
ALEX D. JESTAIRE EST ADAPTATEUR DE DOUBLAGES POUR LE CINĂMA, MAIS ON LE CONNAĂT SURTOUT COMME AUTEUR AU STYLE DĂPOUILLĂ-DĂCAPĂ AYANT ACCOUCHĂ DU PAVĂ DâANTICIPATION SOCIALE « TOURVILLE » EN 2007.
ILLUSTRATION : POCHEP
Tout ça remonte Ă loin, prĂšs de 30 ans, et la mĂ©-moire nâest pas infaillible, câest en partie quelque chose que nous construisons. Je ne peux donc ĂȘtre sĂ»r que ce que je dis lĂ est conforme aux choses telles quâelles se sont passĂ©es.
A ma sortie dâhĂŽpital jâessayais juste de mettre en forme les idĂ©es que jâavais accumulĂ©es durant ce sĂ©jour. Jâavais passĂ© presquâun an sans autre chose Ă faire que rester au lit et Ă©couter ce qui se passait dans ma tĂȘte. Au bout dâun moment jâavais fini par visualiser un ensemble. Ăa devait reprĂ©senter quarante minutes de musique. Je ne pouvais pas retenir plus. Je mâĂ©tais dit que ça pourrait faire un album. JâĂ©tais donc content de pouvoir me remettre au travail. Mon ambition Ă©tait des plus modestes : trouver le moyen de continuer Ă faire de la musique alors que je ne pouvais plus ĂȘtre batteur. A lâhĂŽpital, dĂšs que jâavais repris conscience, je lâavais dit aux musiciens « Je crois que vais rester lĂ un moment. Je ne vais pas pouvoir continuer Matching Mole. » La vie de groupe, les tournĂ©es, tout ça pour moi câĂ©tait fini. En un sens câĂ©tait libĂ©rateur, mais câĂ©tait une libertĂ© effrayante. Sans les musiciens de talent qui mâavaient accompagnĂ©, je nâĂ©tais pas sĂ»r de pouvoir refaire un disque.
Jâavais toujours fait partie dâun groupe. A mes dĂ©buts, dans les annĂ©es 60, avec un groupe local, nous reprenions des standards de pop, de country et de rythmânâblues pour faire danser les gens dans les bars. Jâessayais de chanter ça en y mettant ma patte. Des mecs comme Joe Cocker et Rod Stewart excellaient Ă ce jeu-lĂ . Sâapproprier lâaccent amĂ©ricain et les voix viriles de Sam Cook et de Ray Charles, câĂ©tait vraiment leur truc. Moi pas. Jâavais un timbre trop androgyne et jâaimais trop les voix de femmes comme celles de Dionne Warwick et du label Motown. Il fallait que je trouve ma propre façon de chanter et de faire de la musique. Les alĂ©as de ma vie mâont poussĂ© dans ce sens. Aujourdâhui ma musique nâest ni rock ni vraiment jazz et jâutilise ma voix comme un instrument. Ăa ne veut pas dire que la voix est un instrument comme les autres. La voix nâest pas un instrument comme les autres. Câest un instrument plus limitĂ© que les autres, mais câest le seul que tout le monde entende et que tout le monde sache jouer. A notre naissance, via notre mĂšre, câest mĂȘme notre contact privilĂ©giĂ© avec le monde. Tout ça en fait un instrument spĂ©cifique, qui implique certaines attentes et certaines responsabilitĂ©s.
Je ne me suis jamais considĂ©rĂ© comme un chanteur mais peu de temps avant mon accident, jâavais com-mencĂ© Ă dĂ©velopper ma propre idĂ©e de ce que je devais chanter. Ăa impliquait que je me mette au clavier et que je me considĂšre comme un compositeur-arrangeur malgrĂ© mes maigres compĂ©tences techniques. Avant de faire Ă©ventuellement appel Ă dâautres musiciens, je devais pouvoir retranscrire seul les atmosphĂšres que jâavais en tĂȘte. A lâĂ©poque je mâĂ©tais remis Ă composer, je travaillais sur le matĂ©riel censĂ© nourrir le troisiĂšme album de Matching Mole, jâavais des bouts, des liens entre les morceaux. Je frĂ©quentais Alfie depuis peu. Elle me disait quâelle aimait ce que je jouais depuis dix ans, mais quâelle trouvait ça trop dense, trop crispĂ©. Pour elle, jâavais tout Ă gagner Ă ralentir le tempo, simplifier les structures. Aller vers lâespace, vers la lumiĂšre. Elle mâavait offert un petit clavier. Câest la base du son de Rock Bottom. De mon cĂŽtĂ©, je mâĂ©tais lancĂ© dans des improvisations vocales avec des amis comme Gary Windo. Ce genre de chant se retrouve sur le disque.
Peu importe ce qui a Ă©tĂ© fait avant ou aprĂšs lâaccident. Peu importe que je sois en train de jouer du clavier Ă Venise auprĂšs dâAlfie ou clouĂ© sur mon lit dâhĂŽpital Ă rĂ©flĂ©chir et rĂȘver.
Lâalbum se situe sur un autre plan. Je ne dis pas que lâaccident nây est pour rien. En un sens, jâai eu de la chance dâĂȘtre allĂ© Ă lâhĂŽpital. Pendant prĂšs dâun an je nâavais eu aucune responsabilitĂ©. Je nâavais pas eu Ă chercher de travail, Ă me faire Ă manger, Ă payer de loyer. Ne pouvant plus marcher, je nâavais rien dâautre Ă faire quâĂ rester au lit et Ă©couter ce qui se passait dans ma tĂȘte. Curieusement, il y avait un piano dans la salle des visites. Elle Ă©tait constamment vide parce quâen toute logique les visiteurs restaient dans la chambre de leurs proches. Mais câest lĂ que jâai composĂ© tous les passages de piano de Rock Bottom. Les paroles, elles, ont autant Ă©tĂ© Ă©crites avant quâaprĂšs lâacci-dent. Elles nâen dĂ©coulent pas. Souvent les mots nây ont dâailleurs aucun sens prĂ©cis. Je me suis juste projetĂ© dans lâespace que jâavais en tĂȘte, jâai chantĂ© et câest ce qui est sorti.
Le 1er juin 1973, lâesprit chantant des cymbales de Soft Machine et de Matching Mole fait une chute de quatre Ă©tages qui le laisse paraplĂ©gique ad vitam. Six mois avant câĂ©tait un amant transi vĂ©nitien ; un an plus tard ce sera lâauteur du monument progressif Rock Bottom.
ROCKBOTTOM LâESPACE DU DEDANS PAR ROBERT WYATT PROPOS RECUEILLIS PAR SYLVAIN FESSON, AVEC LâAIDE DE BERTRAND BURGALAT
CHEESEBURGERLâESTHĂTIQUE DU MOUVEMENTPAR LITTLE JOHNNY JET
Notre Ă©poque est une chrysalide qui Ă©volue, et maintenant que tout le monde baigne dans le pessimisme, jâai plus de plus en plus de plaisir Ă ĂȘtre 100% le contraire. La crise passera, la sociĂ©tĂ© se transforme Ă la vitesse de lâhumain, nous sommes dĂ©jĂ en gestation de la nouvelle. LâĂ©conomie qui sâĂ©croule ? Câest merveilleux,
Je fais confiance Ă lâĂȘtre humain, parce que je mâobserve, parce que je suis plein de bons sentiments, et que les rĂ©actions humaines comme la gĂ©nĂ©rositĂ©, la crĂ©ativitĂ©, lâamour, tout ce qui donnent espoir⊠tout cela existe. Pourquoi ne pas y croire ? Jâai dĂ©passĂ© lâart de lâabsurde, et cette histoire de fin de siĂšcle en malaise me semble totalement artificielle. Le temps est une notion crĂ©e par lâhomme, mais le temps nâexiste pas en dehors de nos consciences.
Lâhomme vit dans un dĂ©veloppement continuel, et les mouvements de contestation tels que le futurisme, tout en Ă©tant incontournables, restent marginaux et terriblement fasciste. Le futurisme reste un mouvement qui chante la guerre, tellement stupide que ses fondateurs partirent se faire tuer Ă la guerre ! Comme toutes les rĂ©volutions ont Ă©chouĂ©, il y a un changement collectif qui sâopĂšre en nous, nous nous dirigerons vers une communication mondiale et le mouvement collectif. Internet, le tĂ©lĂ©phone portable, toutes ces choses nouvelles datent du 21° siĂšcle, ce ne sont que des prolongements de notre dĂ©veloppement, nos mutations.
SURE REALISM
COMMENTDĂPASSER LE FUTURPAR ALEJANDRO JODOROWSKY
Etre positif au 21Ăšme siĂšcle, câest lâĂ©tat de rĂ©bellion avancĂ©.La vulgaritĂ©, dans le monde actuel, câest ĂȘtre nĂ©gatif.
Comme ma recherche de lâIncal voilĂ quarante ans, le livre portable, la tĂ©lĂ©pathie, et les nouveaux jeux vidĂ©os sauront guider vers lâillumination, Dieu appelle ces technologies les « impensables », le chemin vers la conscience universelle. Lâunivers est une entitĂ© qui pense, et nous, humains, avons Ă©tĂ© programmĂ© pour dĂ©velopper les techniques, les intĂ©grer Ă notre fonctionnement. Lâindividu est mortel, lâhumanitĂ© lui survit, et ces renouveaux, ne sont pas lâannonce dâun nouveau futur. Comme lâacte de psychomagie que je pratique, ce nâest pas dire la vĂ©ritĂ©, câest un art, pas un travail. Il aide les gens Ă se rĂ©aliser, les pousser vers leurs rĂ©alisations. Le guide va toujours devant, moi je pousse vers la rĂ©alisation.
Je ne vois pas le futur, je ne donne pas de conseils, ma voix câest de proposer des options. Lâesprit doit ĂȘtre dans un premier degrĂ© androgyne, puis dĂ©passer cette Ă©tape, atteindre le niveau de la conscience pure, Mais il ne faut pas confondre les corps, lâesprit est androgyne, mais le physique, lui, doit rester masculin ou fĂ©minin. Une sociĂ©tĂ© de transsexuels et dâandrogynes nâa pas dâavenir, alors que lâunivers, dans un sens, possĂšde paradoxalement une conscience qui dĂ©passe le problĂšme de la reproduction.
Comme le karatĂ©, la conscience a des degrĂ©s, des dĂ©veloppements majeurs de la technique reprĂ©sentĂ©s par des niveaux Ă dĂ©passer. Quand on arrive au sommet de la conscience, tout disparaĂźt, la sexualitĂ© avec. La pornographie, par exemple, nâest quâune partie de la relation humaine, ce nâest pas une relation complĂšte.
Lâapocalypse de St Jean nâest pas nĂ©gative, elle donnera Ă lâĂȘtre humain lâimmortalitĂ©. Il faut comprendre lâapocalypse comme lâarbre qui donnera lâimmortalitĂ© aux hommes, comme la rĂ©solution de la genĂšse biblique. Adam et Eve mangent les fruits de lâarbre de la connaissance, ils connaitront la mort, lâapocalypse est donc une mutation vers lâĂ©ternel, câest lâautre versant. Dans une Ă©poque religieuse, la musique suit, dans une Ă©poque rationnelle, la musique se joue sur sept notes, quand lâĂ©poque est spirituelle, on va vers du soufi, dans une Ă©poque sans valeurs, câest le disco, quand lâhumanitĂ© est angoissĂ©e, câest la musique actuelle, technologique.
La musique, les chansons, sont le reflet des Ă©poques, et lâĂ©tat de conscience de lâhomme lâamĂšnera simplement Ă dâautres musiques, le retour au divin dans le sens de conscience.
A travers les nouvelles technologies, nous devenons simultanément des méta-humains et des méta-idiots. La technologie offre tout cela à la fois. Les vrais mutants sauront contrÎler les débordements technologiques.
Lâavenir de lâhumanitĂ©, câest lâinteractivitĂ© artistique.
Pouvoir crĂ©er grĂące aux machines des musiques qui lui sont propres, chanter parfaitement lâopĂ©ra et « ĂȘtre » Edith Piaf Ă travers les machines. Il y aura des salons silencieux et 100.000 personnes danseront Ă leurs propres rythmes, sur leurs propres mĂ©lodies, dans le grand silence collectif. Câest la notion de public qui disparaitra, et si lâartiste ne peut mourir, il se rĂ©invente. Tout le monde sera artiste, et les gens se regrouperont par famille. Câest cela lâavenir ; un sentiment extrĂȘmement positif.
Alejandro Jodorowsky est essayiste, rĂ©alisateur, acteur, scĂ©nariste, poĂšte, auteur de bande dessinĂ©e, disciple dumime Marceau et expert en psychomagie. Quatre-vingts ans, dont cinquante de carriĂšre au compteur, et il reste lâun des piliers de la science-fiction du XXiĂšme siĂšcle. Vi-sion-naire.
PROPOS RECUEILLIS PAR BESTER L.
ARCHIPELDans les années 80, le rock alternatif était à la province, ce
que le zouk est aux ßles. Une bande-son, un folklore. « Le monde est une vraie porcherie/ Les hommes se comportent
comme des porcs ! », bienvenue à Vesoul, Laval, Montpellier, Roubaix, Carpentras⊠Aloha !
Dans lâarchipel de Saint-Ătienne, il Ă©tait hors de question de contourner les BĂ©ruriers Noirs, Ludwig Von 88, Parkinson Square, Washington Dead Cats, OTH,
les Sheriffs, Mano Negra, Los Carayos, Les Rats ou les Garçons Bouchers⊠Et, finalement, tant mieux. Sans eux, nous Ă©tions bons pour Uzeb Ă la MJC, des groupes de quarantenaires du cru, les tĂȘtes dâaffiches de la variĂ©tĂ© « qualitĂ©
France » ou, pire que tout, les troupes de théùtre.
Les groupes alternatifs montaient des labels avec une volontĂ© dâacier, Ă©cumaient le moindre coin de France pour se faire entendre. Cet acharnement Ă©tait leur
force et leur immense mĂ©rite. Aujourdâhui, le Velvet et Coltrane sâĂ©coutent Ă 15 ans et il est de bon ton de railler cette scĂšne. Mais chaque adolescent provincial
des 80âs le sait bien, au fond : il a une dette envers ces groupes. On peut tordre le nez et lever le petit doigt en se remĂ©morant les salles dĂ©gueulasses, les sonos de
bal, les stands anarchistes, les bandes de punks à chiens et les Doc Martens basses mais tout cela a sauvé pas mal de nuits. RéguliÚrement, une baston concluait la
soirĂ©e. On revenait sourds, on avait eu les foies, merci mon DieuâŠCâĂ©tait aussi une pĂ©riode un peu schizophrĂšne. Les playlists du jour ne
correspondaient pas forcĂ©ment Ă celles de la nuit. Tomber en arrĂȘt Ă lâĂ©coute de The world wonât listen des Smiths, le faire tourner des heures durant avant dâaller voir Les Rats le soir mĂȘme nĂ©cessitait une maĂźtrise certaine du grand Ă©cart. Il ne
fallait pas y penser plus que ça et, de toute façon, Morrissey semblait Ă©prouver quelques difficultĂ©s Ă situer Saint-Ătienne sur une carte. Et puis Les Rats ne
lisaient peut-ĂȘtre pas Oscar Wilde avec un bouquet de fleurs dans les fesses mais ils ne jouaient pas Ă lâĂ©conomie. GlaĂŻeuls contre glaviots ? CâĂ©tait tranchĂ©.
Mieux vaut un vendredi soir dans une salle de concert quâĂ la table familiale. Non ?
MOELLONS- Parabellum joue samedi, on se retrouve devant ?- Ils sont avec qui ? - Je sais pas, on verra.
Vers 1988, lâenthousiasme sâĂ©moussait. Revoir Parabellum pour la cinquiĂšme ou sixiĂšme fois, forcĂ©ment⊠Mais le permis de conduire Ă©tait encore loin et les boĂźtes de nuits ne constituaient mĂȘme pas une option (« je te jure, ils passent U2, ils dansent sur cette merde ! Ils lĂšvent les bras et tout⊠»). Alors, Parabellum, one more time, pourquoi pas ?
A tout seigneur, tout honneur, ils jouaient en dernier. Il fallait donc sâenvoyer dâabord 45 minutes de percussions africaines, accompagnĂ©es de danses tribales. Insupportables, mĂȘme Ă©coutĂ©es de lâextĂ©rieur, Ă travers les couches de bĂ©ton. Il faisait beau, la fin dâaprĂšs-midi sâĂ©tirait et le soleil descendait derriĂšre un panneau de basket. « Panier » a murmurĂ© Jean-François, une fois le soir tombĂ©, en essayant de retenir la bouffĂ©e du jointencore quelques secondes.
- Ces trous du cul de percus de merde ont jouĂ© de jour, mĂȘme pas eu lâidĂ©e dâattendre⊠Vraiment de gros nazes. - Câest qui aprĂšs ?- Les Thugs.
Je connaissais. Un certain Sylvain mâavait passĂ© un maxi, intitulĂ© Dirty white race et mĂȘme un album Ă la pochette rouge et jaune. Jâavais rapidement classĂ© ça dans la catĂ©gorie « hardcore », sans doute parce que câĂ©tait lâappartenance officielle du Sylvain en question. Il devait ranger les disques que je lui prĂȘtais dans la case « pop, trop mĂ©lodique, un peu pĂ©dĂ© » puisque je dĂ©fendais les Smiths en public.
- Bon on va voir ce que ça donne ? Ca ne peut pas ĂȘtre pire. Nous avons regagnĂ© la salle en montrant le coup de tampon sur nos poignets Ă un type au crĂąne rasĂ©, en grande discussion sur le « straight edge » avec un punk en fauteuil roulant. Un vendredi soir, un de plus. Il allait pourtant ĂȘtre le dernier de son espĂšce.
Ce concert a fait voler en Ă©clats quatre ou cinq ans â sans doute beaucoup plus, en rĂ©alitĂ© â dâhabitudes, de prudence, de fainĂ©antise prĂ©coce. Les Thugs nâĂ©taient pas du tout impressionnants au moment de monter sur scĂšne, en t-shirts et mĂȘme pour lâun dâentre eux en bas de survĂȘtement je crois. Aujourdâhui, ce dĂ©tail me fait lâeffet dâune ruse pour bĂ©nĂ©ficier de lâeffet de surprise.
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ET MAINTENANTUNE BD DĂCALĂEET LĂGĂREMENTCORROSIVEPOUR REPOSERVOS YEUXPAR DAV GUEDIN
LA GUERRE TIĂDE
NEW-YORK, BERLIN, ENGHIEN-LES-BAINS⊠OU LA GUERRE DES TRONCHĂS.PAR GUY-MICHEL THOR
Ancien blouson noir des sixties reconverti « hippie par dĂ©pit », Guy-Michel Thor reste un acteur incontournable de lâunderground français. En cinquante ans, lâessayiste rockânâroll a rencontrĂ© les plus grands, de Ringo Ă Johnny en passant « par Grace Jones (« croisĂ©e par hasard ») et lâandrogyne Marie France (« baisĂ© pas rasĂ©e »). Depuis son bunker dâEnghien-les-Bains, Guy-Michel analyse le monde tel quâil nâest plus.
5En fixant les vinyles posés au sol du parquet flottant,
soixante-deux ans aprÚs ma naissance, je sens bien que quelque chose a déconné. Faut pas croire pourtant,
passĂ© un certain Ăąge, on sâhabitue presque Ă tout. Le mariage, la calvitie, les mauvaises rĂ©Ă©ditions des Stones (et Charden hein), bobonne qui veut plus parce quâelle met plus de tampon, Johnny en chaise roulanteâŠ
Ce matin lĂ , en me grattant lâentrejambe, je suis retombĂ© sur mon fils Brandon. Par hasard hein ; passĂ© un certain Ăąge on cherche aussi Ă Ă©viter sa descendance. Yâavait son futal descendu jusquâaux genoux (la mode, moi jây comprends plus rien depuis la fin du perfecto, ceux de mon ami Mourousi), le tĂ©lĂ©phone qui fait haut-parleur et ses albums de fiottes jouĂ©s par trois garçons coiffeurs de seconde zone.
« Comment ça sâappelle ce truc-lĂ , ouais lĂ , le truc avec des guitares de tarlouze pas branchĂ©es et la voix de canard passĂ©e au 220V. SOAN, tu dis ? »
Faire du sport, manger des lĂ©gumes, boire de lâeau minĂ©rale. Aller voir mamie Ă lâhospice, regarder les remakes dâĂ©missions dĂ©jĂ ringardes dans les annĂ©es 1980 prĂ©sentĂ©es par des types qui ont ratĂ© leur vocation de VRP. Sâaffaler dans son canapĂ© rose saumon achetĂ© chez La FoirâFouille un dimanche de pluie, Ă©couter les gouttes rĂ©sonner contre la vitre en rythme sur le dernier des cĂ©dĂ©s des EnfoirĂ©s. Perdre ses pupilles dans le reflet dâune vie sans relief. Sâen griller une, et envier les volutes de fumĂ©e qui sâenvolent, libres dans lâair.
ArrĂȘte de rĂȘvasser, Philippe. Ta tĂ©lĂ©, ta femme et ton chat persan tâaccusent du regard. Tâavais raccrochĂ© depuis un quart de siĂšcle. Les Camel et les dents jaunes, câest rien quâun vestige de ta jeunesse. Quand, au lycĂ©e, ton prof de philo vous encourageait Ă suivre ses thĂ©ories au son des cigarettes quâon allume. Barbu et imbu, maoĂŻste et individualiste, fumiste et hĂ©doniste ; le seul instant de bravoure de ce pauvre connard câĂ©tait dâavoir osĂ© â quand ses hormones se sont affolĂ©es et ses neurones lâont dĂ©mangĂ© â Ă prendre la parole en amphi un jour de mai, une annĂ©e en huit. Il pensait changer les hommes en leur enseignant la libertĂ©, mais câĂ©tait sans compter quâil passait aprĂšs Dylan (lâautre chevelu lĂ , qui raconte des trucs pas clairs, tu tâes ressorti Blood On The Tracks lors du dernier bouchon sur le pĂ©riphâ). A la libertĂ© en microsillon, tâavais rajoutĂ© le style. Parce que tous mariaient les tiges blanches incandescentes aux Wayfarers, aux Richelieu, aux regards hallucinĂ©s typiques des Mods. Tâas fait les 400 coups avant dâaller travailler chez Truffaut, tâas tentĂ© de ressembler Ă Keith Richards avant dâimiter Lecanuet, tâas mĂȘme rĂ©citĂ© les paroles dâInitials B.B. Ă ton premier flirt.
Et puis tâas rencontrĂ© Sylvianne.
JAUNE POUMONLE GRAND TABAC SCHISME PAR VIC VEGA
31Ian F. Svenonious (nom masculin dâorigine amĂ©ricaine, Washington D.C.) : Chanteur des Nation of Ulysses dĂšs 1988, puis auteur et animateur tĂ©lĂ© placide, le Svenonious porte bien le costume, nâaime pas lâAmĂ©rique capitaliste et reste un maillon fiable dans lâhistoire du post-punk sĂ©cessionniste.
Jacques Now1853-2019
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crĂdIts, (de)LUXe INTĂRIeUR NumĂro ILuxe INtĂrIeur est uNe revue dIgItaLe pILotĂe par Le sIte
GoNzaI.com et ĂdItĂe par Le dIabLe vauvert.
GonzaĂŻ, 11 rue Duvergier 75019 Paris, [email protected] Au Diable Vauvert, Route de la Laune 30600 Gallician, [email protected]
Directeur de publication : Bester LangsRĂ©dacteur en chef : Hilaire PicaultConception graphique et direction artistique :Terreur Graphique & JĂŒĂŒlMaquette : Terreur Graphique
Rédacteurs :Benoit Bidoret, Bester L., Syd Charlus,Colocho, Sylvain Fesson, Dav Guedin, Stéphane Guinet, Johnny Jet, Grégory Meurant, Ursula Michel, Guy-Michel Thor, Pierre Mikaïloff, Hilaire Picault, Loic H. Rechi, Arnaud Sagnard, Clément Sakri, Marjolaine Sirieix, Serlach, Vernon, Vic Vega, Eléa Von Picnic.
Ont contribué à ce numéro :
Alejandro Jodorowsky, Robert WyattRemerciements :Bertrand Burgalat, Dieu, Google©, Marion Mazauric, Charles Recoursé, Louise Rossignol, Nicolas Ungemuth
Garanti sans encre ni papier, ce numĂ©ro nâest techniquement pas je-table sur la voie publique.Les articles publiĂ©s nâengagent que la responsabilitĂ© de leurs auteurs, tous droits de reproduction rĂ©servĂ©s, mais nous partageons leurs opinions et vous demandons dâessuyer vos pieds avant dâentrer.
Pour toute réclamation, insulte ou
Dans « GonzaĂŻ », on voit bien dâoĂč vient la premiĂšre partie du mot (de gonzo, genre journalistique subjectif et speedĂ© crĂ©Ă© par Hunter S. Thompson). Mais la terminaison vient-elle de banzai (pour le cĂŽtĂ© rentre-dedans) ou de bonsaĂŻ (la devise du site : «Seul le dĂ©tail compte») ? (TĂ©lĂ©rama, novembre 2008)
A lâorigine, GonzaĂŻ est un site internet tournĂ© vers les
cultures de demain et celles « cultes » devenues depuis intemporelles. Brandissant depuis mars 2007 le parti-pris comme un dogme rĂ©dactionnel, GonzaĂŻ sâinspire du gonzo journalism (H. S. Thompson, Lester Bangs, Bukowski, etc) et sâaffirme comme un prescripteur en matiĂšre de tout et nâimporte quoi (rock, pop, littĂ©rature, art et ses diffĂ©rents mouvements). PersuadĂ©s quâon nâattrape pas les mouches
avec du vinaigre, Bester Langs, Little Johnny Jet, Syd Charlus (fondateurs du site) sâinterpellent par des noms
Ă©trange(r)s et fĂ©dĂšrent depuis une frange dâauteurs fiers et plus ou moins jeunes (Hilaire Picault, Pierre MikaĂŻloff, Arnaud Sagnard, Sylvain Fesson, etc) pour monter ensemble ce qui reste aujourdâhui lâun des seuls sites tout autant rĂ©actionnaire que musical, subjectif et littĂ©raire. Toutes les semaines, une horde de fans maniaque des journaux Ă la papa sâescriment con-tre ces auteurs aux pseudos « pompĂ©s
et prĂ©tentieux» lorsque dâautres vieux briscards sâĂ©merveillent « des prou-esses rĂ©alisĂ©es avec presque rien ».
Aujourdâhui reconnu par les mĂ©dias dits « traditionnels » (Technikart, Le Mouv, TĂ©lĂ©rama, Magic, Le Monde, LibĂ©ra-tion, Elle, etc), GonzaĂŻ a su prouver quâil existait non seule-ment un public pour le journalisme subjectif et pointu mais Ă©galement quâil nâĂ©tait pas nĂ©cessaire de poster des vidĂ©os de chiens unijambistes dans des caddies et autres inter-views fleuves de gens ratĂ©s pour susciter lâĂ©motion digitale.
Conçue par le « clan » GonzaĂŻ comme un bras dâhonneur Ă tout et nâimporte quoi, Luxe IntĂ©rieur contient en son nom lâessence mĂȘme de ce que
doit ĂȘtre une revue ; peu de discours mais beaucoup de sujets, tous rĂ©unis autour dâune thĂ©matique semestrielle. Disponible gratuitement en digitale sur www.luxe-interieur.com,
la revue Ă©ditĂ©e au Diable Vauvert propose de rendre intemporels des sujets accessibles Ă
tous mais pas Ă nâimporte qui. DĂ©pourvue de papier, la revue permet de perdurer et de ne plus ĂȘtre seulement lue par une poignĂ©e de lecteurs. Faisant fi des « maquettes Ă©purĂ©es et du ton corrosif lĂ©gĂšrement gratte-poil », Luxe IntĂ©rieur reste une occasion de ne plus seulement Ă©voquer le Culte mais de toucher enfin au SacrĂ©. Seul, face Ă son Ă©cran lumineux. Dans ce PDF teaser sobrement intitulĂ© (de)Luxe IntĂ©rieur,
vous pourrez ainsi trouver une compilation des meilleurs textes illustrant le post-prĂ©sent, un mot compliquĂ© illustrant lâincapacitĂ© de lâhomme moderne Ă penser la rupture autrement quâavec des mots de yuppie en manque de lexique. Bref. Le post-prĂ©sent, un thĂšme qui vous va si bien au teint, vu par une tripotĂ©e dâauteurs pour la majeure partie non publiĂ©e qui ne trinquent pas au ralenti au CafĂ© de Flore mais utilisent quand mĂȘme des citations en italique (souvent incomprĂ©hen-sibles) pour introduire leurs pensĂ©es. Et quây trouver, dans ce
premier numéro ? En ouverture, un excel-
lent essai - plutĂŽt bĂąclĂ© si vous voulez mon avis - de Guy-Michel Thor sur la guerre tiĂšde vue dâEnghien-les-Bains, entre le Solex et la bombe H. Plus loin, un tĂ©moign-age exclusif de Robert Wyatt sur la genĂšse de « Rock Bottom » racontant son passage Ă lâhorizontal aprĂšs une nuit trop arrosĂ©e. Pas mal. Plus loin, on trouve les prophĂ©ties futuristes dâAlejandro Jodorowsky (trĂšs connu chez les plus de quinze ans) en-chainĂ©es avec une Ă©chappĂ©e romanesque Ă
St Etienne pour revivre lâapogĂ©e des Thugs en concert. Pour faire une pause dans ce PDF qui donne mal aux yeux (surtout chez les plus de quinze ans), une incomprĂ©hen-sible BD qui crayonne lâincroyable histoire
dâamour entre un ours nu et un Davy Crockett complĂštement gay. TrĂšs drĂŽle. Suivront, dans le dernier virage, un flashback pas trĂšs clair (mais la fin est bien quand mĂȘme) sur le Guinness book des records comme mĂštre-Ă©talon de lâhomme invincible, puis un essai jaune poumon contre les non-fumeurs qui
reste lâune des piĂšces maitresses de cette magnifique revue. En clĂŽture, parce que câest dĂ©jĂ presque la fin, un dossier histoire trĂšs Google Books © sur Ian Svenonious (rassurez-vous, vous nâĂȘtes pas le seul Ă ne pas connaĂźtre cet homme) et enfin lâhistoire touchante dâune rupture dâanĂ©vrisme
Luxe IntĂ©rieur est une revue digitale Ă©ditĂ©e par le Diable Vauvert dont le premier numĂ©ro a pour thĂ©matique le post-prĂ©sent, un concept flou oĂč sâentrechoquent rockânâroll, art de la rupture et liquidation des stocks. Comme chez GonzaĂŻ, Luxe IntĂ©rieur câest lâart de connaĂźtre beaucoup sur peu de choses. Car dans un monde globalisant et rĂ©ducteur, seul le dĂ©tail compte.
PrĂ©sentation critique du premier numĂ©ro deLuxe IntĂ©rieur Ă lâadresse du journaliste en mal
dâinspiration pour son article dithyrambique.Par Bester Langs
Disponible gratuitement en avril 2010 sur www.luxe-interieur.com, la revue pilotée par le collectif Gonzaï donne la parole à Robert Wyatt, Alejandro Jodorowsky, Alex D.
GonzaĂŻ Au DiableVauvert
&
Entre les dĂ©sastres industriels de Vaulx-en-Velin et le parfum chimique de Feyzin, la bien nommĂ©e bourgade de Saint-Romain-au-Mont-dâOr ne se trouve pas sur toutes les cartes au trĂ©sor. En zoomant sur ce point du nul part, on dĂ©cĂšle pourtant trĂšs clairement la croix qui cache un butin: marquĂ©e dâun X par son fondateur Thierry Ehrmann, la Maison du Chaos, est ici belle comme un bouton de pus au milieu du paysage.
A lâentrĂ©e du village, on est dâabord frappĂ© par la concentration quasi record de citoyens assujettis Ă lâI.S.F. ceux dont on devine les berlines sportives parquĂ©es dans les garages luxueux. Vision idyllique dâun pays oĂč les trottoirs sont toujours propres, les serre-tĂȘtes de jeunes cathos bien sous tous rapports. Saint-Romain-au-Mont-dâOr, câest dâabord un exemple pour le sain futur de nos jolies petites tĂȘtes blondes. Un modĂšle pour saluer une rĂ©ussite bien de chez nous, dĂ©nichez une mine dâor chabrolienne, sortir quelques joyaux façonnĂ©s pour lâĂ©lite nationale qui porte le pull nouĂ© sur les Ă©paules.
Seulement prudence. A la simple Ă©vocation de Thierry Ehrmann, la star locale, le village aux allures dâAmerican Beauty version bocage est sujette aux tremblements. Ca hoquĂšte au pays des jacquards et du Lacoste, et on les comprend : Salamandre, Artprice, 12 kangourous, Minitel rose, loi Malraux, Voie sĂšche, 11 Septembre, machine Ă sous, Ă©changisme, 999, indignation, franc-maçon, procĂšs, boites de nuit, secte, satanisme, banque de donnĂ©es, borderline biennale, Ă©sotĂ©risme, Rolls Royce bĂ©tonnĂ©e, chapelle protestante, Hummer, plasticien, bourgeois, Opus Dei, mĂ©galo, musculation, millionnaire fou, viol architectural, camĂ©ras, surveillance, RĂ©publique du chaos et encore et encore⊠bienvenue Ă la Demeure du Chaos, debout depuis 1999.Une fois le nom lĂąchĂ©, le clichĂ© du village du bonheur Ă la française se transforme en son nĂ©gatif. Une musique an-goissante jaillit comme dans une reconstitution poubelle des Ă©missions judiciaires de la TNT, la voix off est monocorde, le ton tragique, les enfants se rĂ©fugient derriĂšre les jambes de leurs mĂšres, les mĂ©dias braquent leurs camĂ©ras, la thĂ©orie du complot prend forme, la maladie revient sur les poules et le fruit de la discorde pourrit ce jardin dâEden aux allures dâimage dâĂpinal. SĂ»r que le petit village ne pourra dĂ©sormais plus concourir pour le bourg le mieux fleuri de France, la tĂąche noire de Rorschach est lĂ , machiavĂ©lique.
LA MAISON DU CHAOS THIERRY EHRMANN : DU DĂSORDRE, AVANT TOUTE CHOSE.PAR SERLACH
DENNIS HOPEDARK SIDES OF A MOON PAR LOĂC H. RECHI
Trente piges. Trente pour devenir multi-million-naire. Dans un monde qui dĂ©fait aussi rapidement les hommes et les fortunes quâun atelier de production chinois Ă©labore une paire de pompes, trente annĂ©es constituent un espace-temps bien long. Mais en devenant multi-millionnaire en com-mercialisant la Lune, oui, ce bout de caillasse, la notion de temporalitĂ© devient soudainement vaine. Car au delĂ du crĂ©dit financier tout relatif, Dennis Hope restera assurĂ©ment comme le premier. Le premier Ă avoir Ă avoir entubĂ© la Terre entiĂšre grĂące un concept simplement lunaire.
Accrochez vos ceintures, ce conte nâest pas une fiction. Dennis Hope est un enfant des sixties. Comme tout bon rejeton du hippisme, la contestation constitue une marque indĂ©lĂ©bile de sa conception de lâeugĂ©nisme, un marqueur de son Ă©poque. LĂ oĂč certains de ses camarades, habitĂ©s par une volontĂ© de changer le monde, prennent le parti dâattaquer lâestablishment de front, Dennis Hope dĂ©cide de se farcir les institutions en attaquant Ă revers, sâingĂ©niant Ă trouver la faille juridique plutĂŽt que physique. Pas autant par idĂ©ologie que par cupiditĂ©, car Dennis a dĂ©jĂ
une idĂ©e derriĂšre la tĂȘte. Et un peu dâespoir aussi, cela va sans dire.Pourtant, son fascinant dĂ©lire mĂ©galomaniaque aurait dĂ» tourner au fiasco. Dennis Hope â dont il est difficile de croire quâil puisse sâagir de son vrai patronyme â aurait alors terminĂ© sa vie dans une ferme texane Ă bĂȘcher des grains de sable. CâĂ©tait sans compter sur son astre de fortune. Car des mecs connus â probablement autant intriguĂ©s par la dĂ©marche dâun illuminĂ© que blindĂ©s de blĂ© â allaient le suivre et investir dans son affaire. Des mecs connus rĂ©pondant aux noms de Ronald Reagan, Jimmy Carter ou John Travolta. Lâaffaire dĂ©collerait bientĂŽt et Hope en profiterait pour donner une dimension supplĂ©mentaire Ă ce qui commençait Ă ressembler Ă son oeuvre.
«En 2001, jâavais environ 163 000 emails de clients et nous avons commencĂ© Ă nous demander com-ment nous pourrions protĂ©ger ces terrains que nous vendions aux gens. La rĂ©ponse fut de crĂ©Ă©r une rĂ©publique dĂ©mocratique, le Gouvernement Galactique. Nous avons passĂ© trois annĂ©es Ă rĂ©diger une constitution. Une fois terminĂ©e, elle fut mise en ligne, Ă la disposition de nos 3,7 millions de propriĂ©taires en mars 2004 et sa ratification fut
plĂ©biscitĂ©e Ă hauteur de 99,9% des votes. Depuis, jâai passĂ© la majoritĂ© de mon temps Ă sceller des alliances avec les autres gouvernements de cette planĂšte.»
Personnage farfelu mais dotĂ© dâune foi invĂ©tĂ©rĂ©e dans son projet, Dennis Hope est depuis devenu un inĂ©narrable businessman, intĂ©grant Ă mer-veille le potentiel Ă©nergĂ©tique infini et de lâHĂ©lium 3, une source dâĂ©nergie quasiment inexistante sur Terre. La Lune en abriterait des millions de tonnes dans ses sous-sols, une vingtaine suffirait Ă assurer les besoins Ă©nergĂ©tiques dâun pays comme les Etats-Unis pendant une annĂ©e entiĂšre. RĂȘvant tout Ă coup non plus de petits millions mais plus de gros milliards, Hope â vraisemblablement perdu pour le monde des vivants â se rĂ©vĂ©la tout Ă coup ĂȘtre le digne hĂ©ritier idĂ©ologique dâun Ray Bradbury.
«En se basant sur les tests thĂ©oriques et techniques que nous avons rĂ©alisĂ©, je suis en mesure de vous annoncer que nous avons brevetĂ© un vaisseau qui nous permettra de rejoindre la Lune en une trentaine de minutes. Nous avons dĂ©sormais comme grande ambition de coloniser la Lune en construisant une ville pyramide de trois kilomĂštres de long de large et de hauteur. Cette pyramide abritera exactement le mĂȘme genre dâinfrastructures que lâon peut trouver dans une ville terrestre tout en bĂ©nĂ©ficiant des protections nĂ©cessaires contre les radiations du soleil et autres contraintes inhĂ©rentes Ă la lune. Nous planifions de commencer Ă bĂątir dĂšs fin 2011 ce qui deviendra de facto la premiĂšre ville lunaire. Nous pensons dans la foulĂ©e ĂȘtre capables de proposer des allers-retours entre la Terre et la Lune pour un prix aux alentours
de 15 000 dollars.»A lâĂ©couter disserter, la conduite de Hope serait guidĂ©e avant tout par un souci profondĂ©ment humaniste, une volontĂ© de crĂ©er un nouvel ordre mondial. Les humains y seraient des ĂȘtres heureux, habitĂ©s par des sentiments honorables, loin des querelles guerriĂšres et vellĂ©itaires qui ont toujours fait le sel et le poivre de notre espĂšce. Son obsession pour ses terres, sa Lune, et surtout lâhĂ©lium 3 pourrait pourtant bien causer sa perte.
«DĂ©sormais, lâexploitation des ressources de la Lune ne pourra se faire sans un accord prĂ©alable nĂ©gociĂ© entre nos deux nations. Sâils choisissaient de ne pas conclure cet accord dâexploitation, ceux-ci ne doivent pas rester sans ignorer que nous possĂ©dons dĂ©jĂ les moyens techniques de dĂ©truire nâimporte quel vaisseau sâapprochant de nos planĂštes.»
«Nos deux nations»? Dennis Hope me parle ici de la Chine, qui envisage trĂšs sĂ©rieusement aussi de forer la surface Lune pour ramener de lâHĂ©lium 3 sur Terre. Pas la trace dâun sentiment anti-chinois, car Hope dans son esprit clair comme de lâeau de Mars, envisage rĂ©ellement de dĂ©foncer la gueule de tout ceux qui tenteraient dâexploiter les ressources de la Lune. On aimerait y croire. Parce quâĂȘtre le mec qui dĂ©clencherait la premiĂšre guerre lunaire, ça aurait quand mĂȘme vachement
«On Ă©tait en 1980, je venais juste de divorcer, jâĂ©tais complĂštement fauchĂ©. Je me suis rappelĂ© dâun cours de sciences politiques Ă la fac en 1968 durant duquel on avait Ă©tudiĂ© le TraitĂ© de lâEspace de lâONU signĂ© une annĂ©e auparavant. Un truc en rapport avec lâarticle II avait interpellĂ© mon attention. Cet article stipulait que les Etats nâavaient pas le droit de clamer la souverainetĂ© ou dâoccuper la Lune ou nâimporte quel autre corps cĂ©leste, ce qui signifiait quâils ne pouvaient pas possĂ©der de terrains, crĂ©er de lois. En dâautres mots, ils nâavaient aucun pouvoir. Jâai donc dĂ©cidĂ© de revendiquer la possession de la Lune et les autres planĂštes.»
Aujourdâhui, le journalisme dâinvestigation est simplement devenu un plĂ©onasme apparent. Pas de vague, juste du consensus. Pas dâen-quĂȘte, juste du suivisme. Pas de traitement, juste de la mĂ©diatisation. La presse a rendu les armes ? Quâimporte, elle les aura peut-ĂȘtre vendues, aussi, qui sâen soucie ? Ecrire que les comptes dâexploitation des rĂ©dactions sont dans le rouge, voilĂ donc une autre Ă©vidence. La dĂ©gringolade des tirages (800 000 lecteurs en moins entre 1997 et 2003 selon lâEuroPQN) a depuis obligĂ© la presse Ă pactiser avec les annonceurs. Les grands industriels comme LagardĂšre (liste trop longue), Rothschild (pour LibĂ©ration) Dassault (pour le Figaro) ou encore Arnault (pour les Echos) sont dĂ©sormais les nouveaux patrons de rĂ©daction. Soumise aux diktats de rentabilitĂ© de ses nouveaux diktats, la presse modifie ses contenus pour survivre, ne pas dĂ©plaire. Et lâEtat, philanthrope patentĂ©, offre 282 millions dâeuros sous forme de subventions. Evidemment, pas de contrepartie, ni de renvoi dâascenseur. Tout le monde sait bien que lâon peut mordre sans honte la main nourriciĂšre. Le lecteur sait mais ne dit rien. Les journa-listes non plus. Qui sâen offusque ?
Combien de couleuvres faut-il avaler pour pouvoir ĂȘtre nommĂ© responsable dâune rubrique, ou pire, rĂ©dacteur en chef ?
Dans ce marasme de silence et dâautocensure, rares sont les plumes Ă encore oser mouiller lâencre. Exception confirmant la rĂšgle, le rĂ©dacteur en chef dâun hebdo du Mercredi, Claude Angelli rĂ©siste Ă lâancienne, vieux war-rior dâune autre Ă©poque Ă la tĂȘte dâun Canard plus dĂ©chaĂźnĂ© que jamais. Avec des sources qui abreuvent sa mare, le Canard EnchaĂźnĂ© dis-tille chaque semaine le off des arriĂšre-cours,
les cuisines dâun monde politico-financier omnipotent. Alors que la presse gĂ©nĂ©raliste entame sa dĂ©gĂ©nĂ©rescence annoncĂ©e, normal que le lecteur se tourne vers dâautres pourvoyeurs dâhistoires, forcĂ©ment gratuites. Quitte Ă lire la chronique des chiens Ă©crasĂ©s, autant que ça ne coĂ»te pas un centime. « En temps de crise, Ă©conomisez », câest la presse qui le dit, qui saurait la contredire ?
Le monde tourne Ă lâenvers. Les journalistes qui ne veulent pas distraire mais informer (ils ne peuvent quand mĂȘme pas tous bosser au Canard !) se tournent vers lâĂ©dition. PlutĂŽt que du papier journal, du papier livre.
Embouteillages au rayon essais. On lit des journalistes en sortant dâune librairie et des Ă©crivains en sâĂ©loignant du kiosque. BHL squatte les pages des quotidiens, libĂ©rant des espaces dâĂ©tagĂšres pour Denis Robert. Vases communicants entre presse et littĂ©rature, il fallait y penser. Pourtant, subsistent quelques professionnels, dĂ©ontologie et Ă©thique sous le bras. Loin de Lundi Investigations, Paul Moreira a crĂ©e sa propre agence : PremiĂšres Lignes. Il enquĂȘte sur lâargent occidental qui coule Ă flot sur lâAfghanistan, signe des livres sur Les nouvelles Censures dans les mĂ©dias (Robert Laffont 2007). RĂ©percussions publiques ? Ca fait pschitt⊠Pire : Denis Robert, le poil Ă gratter du Luxembourg, dĂ©monte un systĂšme de « blanchiment » (ah tiens, je mâautocensureâŠ) sensĂ© alarmer les juges. Mission rĂ©ussie : Denis Robert subit procĂšs Ă rĂ©pĂ©tition, perquisitions, cassation. Toute lâarmada judiciaire contre un seul homme, mĂȘme journaliste, cela fait beaucoup. Rencon-trĂ© au fond de son refuge (prĂšs dâun cimetiĂšre, un signe ?) il explique : « on ne peut isoler la question du journalisme et de la justice. Câest parce que la justice nâest plus indĂ©pendante que nous [les journalistes] sommes attaquĂ©s de la sorte ». Justice sous financĂ©e, dĂ©pendante du pouvoir exĂ©cutif (hĂ©rĂ©sie rĂ©publicaine qui devrait faire bondir tout citoyen),
1915-2001 :CI-GĂTNOTRE
REGRETTĂEINVESTIGATION
Investigation (nom fĂ©minin) : dĂ©signe la capacitĂ© Ă chercher la vĂ©ritĂ©. Recherche minutieuse qui prend la forme dâune enquĂȘte. Les grands journaux nationaux ont troquĂ© lâinvestigation contre des pactes de collusion avec lâindustrie.
Journalisme (nom masculin) : fonction de celui qui creuse les apparences, qui porte son attention lĂ oĂč personne ne regarde, qui lutte contre le consensus. Il est loin le temps oĂč le grand reporter Albert Londres dĂ©crivait de lâintĂ©rieur le rĂ©gime soviĂ©tique naissant de LĂ©nine et rendait compte des conditions dâemprisonnement Ă Cayenne.
A bas les définitions.
Chez Matin Bonsoir, lâinformation nâa pas de prix. Câest mĂȘme pour ça quâon la donne. Câest la punchline du journal, depuis sa crĂ©ation, affichĂ©e en gros sur tous les murs porteurs de lâimmeuble rachetĂ© en urgence dans la banlieue parisienne. «Pendant que les crĂšve-la-dalle de la presse payante pensent encore quâon peut faire un journal sans publi-rĂ©dacâ pour Haribobo, nous, chez Matin Bonsoir, on rĂ©volutionne le journalisme». Ca les avait dâabord faire sourire, Sylvie et Mathilde, mais aprĂšs le speech de bienvenue du directeur, il avait bien fallu se mettre au travail. Bah oui, mettre en branle un journal neutre, faut dire que ça demande beaucoup de temps quand on a le Q.I. dâune pintade et lâambition dâun Albert Londres. Cahier des charges et esprit Matin Bonsoir oblige, la maxime dâAlbert («Le journalisme, câest porter la plume dans la plaie») sâĂ©tait rapidement transformĂ©e en pub allĂ©gĂ©e pour cicatriser les angoisses du lecteur. Mais pas de jugement, câest dĂ©jĂ lâheure de prĂ©parer le sommaire du lendemain: - « Pfiou... trop crevant câmĂ©tier» souffle Sylvie. - « Bah oui, et câest que lundi matin» rĂ©pond Françoise.
- Heureusement quâon est payĂ©es comme les mecs maintenant. Comme quoi mai 68 a eu du bon, dans le fond. - « Ah ça... câest pas faux.
Collées comme deux bonbons, Sylvie et Françoise ont désormais les dents longues avec du petit four coincé entre les dents. Et plus question de se laisser
UNE JOURNĂE CHEZ MATIN BONSOIR PAR BESTER L.
Soirées showcase, pots de départ ou réunions
dâanciens Ă©tudiants avec des «demi-grosses de la Presse
Quotidienne RĂ©gionale», elles le rĂ©pĂštent Ă qui veut lâentendre: Sylvie et Mathilde sont JOUR-
NA-LISTES. Aspirées par la nouvelle presse gratuite
et fraßchement embauchées par Matin Bonsoir, Sylvie et Mathilde tutoient leur
rĂȘve au quotidien: Informer gratuitement le peuple,
devancer lâactualitĂ© avec de lâinfo objective et de grandes
photos pour faire rĂȘver les «connards du mĂ©tro de 8h du mat». Professionnalisme
aidant, Sylvie et Mathilde sont toujours les premiÚres arrivées à la cantine.
dicter des choix par un directeur marketing qui «aurait mĂȘme pas fait Bac+3». Lâavenir il est droit devant mais il doit partir Ă lâimpression à «17H grand maxâ sinon aprĂšs câest trop tard».
- Bon alors, on met quoi pour la couvâ, demain, Françoise? - Jâsais pas, jâai pas encore allumĂ© Google.
- Tâes con Françoise, faut quâon se magne. Ce midi câest pizza Ă la cafetâ. - Ce serait pas mal de titrer sur la mort de Super Nanny non? TOUT LE MONDE EN PARLE ! Hier soir avec Jean-Marc on a regardĂ© les rediffusions, yâavait mĂȘme lâĂ©pisode oĂč elle avait foutu sous lâeau froide le gamin qui voulait foutre un balai dans le cul de sa mĂšre. Trop touchant quoi.- « Pas bĂȘte, on pourrait mĂȘme titrer «Super Nanny: Nounou quitte pas», un truc dans le genre.- Ah ça... câest pas faux. Quelle icĂŽne quand mĂȘme.
Le cafĂ© finit de couler, un avion passe dans le ciel et un ange dans la salle de rĂ©union. Mince, impossible dâouvrir sur Super Nanny, Matin Bonsoir nâest plus sous contrat avec M6 depuis que la chaĂźne refuse de payer lâachat des couvâ. Vite, un dĂ©caâ et une clope au menthol, lâinformation nâattend pas:
Comme Ă la grande Ă©poque de la presse intraitable et prĂ©sente sur tous les fronts, Sylvie Ă©ponge le sien Ă la recherche dâune idĂ©e. AĂŻe, impossible dâouvrir sur un portrait de ministre, dejĂ deux semaines que Matin Bonsoir cire les pompes ministĂ©rielles avec du portrait et des dossiers dĂ©tournĂ©s. A force, ça risquerait de se voir.
- Tu sais Françoise.. des fois je regrette de pas gagner trois fois plus que les journalistes du Monde, eux au moins ils peuvent Ă©crire ce quâils veulent... DĂšs fois jâme dis que tout ces publi-rĂ©dac de merde sur Le Coq Sportif, BricomarchĂ© ou EDF, ça ne remplacera jamais la vĂ©ritable investigation de terrain, les mains dans la boue ... - Nan mais attend tâes sĂ©rieuse lĂ ? - Mais non Françoise, je dĂ©conne, ah ah ah! Tu crois
quâils partent aux Maldives deux fois par an tout ces culs-serrĂ©s?
Sylvie et Françoise rient de bon cĆur sur le coin de bureau du septiĂšme Ă©tage. A dĂ©faut dâavoir des bagages,
Sylvie et Françoise possĂšdent quand mĂȘme une trousse Ă idĂ©es. Logique, chez Matin Bonsoir, yâa toujours du monde au balcon; lâinfo elle-mĂȘme y est pigeonnante.
- Tâas vu le biopic sur Gainsbourg? Tout le monde mâa dit que câĂ©tait vachement Ă©mouvant et que lâacteur, mince, câest quoi dĂ©jĂ son nom, Ă©tait vachement ressemblant. Comme le sosie de lâoriginal.
- En plus parait quâil y avait beaucoup de monde Ă la projection presse. Et puis Gainsbourg, tout le monde connaĂźt en plus, câest vachement actuel. Elle fumait pas Super Nanny, par hasard? Nan parce que sinon on pouvait faire un encart sur ... - Attend, ta gueule! Je vois le titre dâici: «Gainsbourg, une vie sans filtres». Pas mal non? - Jâai pas compris. Mais il se finit comment le film au fait? - Jâsais pas moi, tu crois que jâai le temps de voir les films? Bon allez, contacte la production du film, quâils nous faxent un dossier de presse. AprĂšs tu demandes au service marketing de faire son boulot, zâauront quâĂ Ă©crire un questions/rĂ©ponses avec Joan machin et on botte Charlotte en album de la semaine, pas grave si elle chante comme un autiste en sourdine. En plus câest trĂšs «valeurs de droite» tout ça, le jeune immigrĂ© qui rĂ©ussit tout seul pour sâĂ©lever au rang dâicĂŽne, la moche qui chantonne avec un amĂ©ricain, on va pĂ©ter les scores Françoise, ça sent bon lâaugmentation! Pense bien Ă ressortir le portrait dâEric Besson en page 3, ça fera kiffer les actionnaires. Putain, passe moi une menthol, jâsuis crevĂ©e lĂ . - Ah ça... câest pas faux. On va manger maintenant?
Bienvenue dans la nouvelle presse qui lave plus blanc que blanc, usine Ă rĂȘves pour les gens qui se lĂšvent tĂŽt : Une accroche sur un film kleenex sans intĂ©rĂȘts, une news sur le nouveau Meetic pour les couples en manque dâadultĂšre, des doubles-pages qui narrent la vie dâentreprises partenaires... Chez Matin Bonsoir, câest la loterie du dĂ©sespoir. Quâon gratte un ticket ou quâon lise des pages vierges, difficile de dire qui est le grand perdant. Mais tout cela nâa pas dâimportance. Chez Matin Bonsoir, cela fait dĂ©jĂ longtemps que lâinformation nâa plus de prix. Câest mĂȘme pour cela quâon la vend gratuite.
UNE DĂCLARATION DâINDĂPENDANCE DU CYBERESPACE
PAR JOHN PERRY BARLOW
HOTPLACES ! BE THEREOR BE SQUARE,BAROMĂTRE DES VILLES OĂ IL FAU-DRA ĂTRE EN 2109.
PAR B. BIDORET / HILAIRE PICAULT
13°La Mecque (Arabie Saoudite): LâĂ©troitesse, la transparence sans nuditĂ© de la peau : le Burqatichism ne pouvait trouver son refuge que dans les crĂ©ations ahurissantes de la Mecque. Sa fashion-week est Ă prĂ©sent le haut lieu de la mode pour tous les stylistes en vue. Plein feu sur les rayons ultravoilĂ©s.
20° Le PĂ©riphĂ©rique (France) :Dans le but de restreindre les Ă©missions de gaz Ă effets de serre, la circulation des vĂ©hi-cules individuels a Ă©tĂ© restreinte. De 1h Ă 5h du matin le pĂ©riph nâest plus quâune aurĂ©ole dĂ©serte, lâafter idĂ©al pour choper, toper ou errer. La pĂ©riphĂ©rique-party est devenu le repĂšre des nĂ©o-yuppies: tous les dix mĂštres, des cercles dâinconnus papillonnent entre feux de joie et balades Ă pleine vitesse contre les glissiĂšres de sĂ©curitĂ©. Ahhh Parisiennes
24° Le Vatican (Vatican) : LâEglise a bien dĂ» se rĂ©nover et son premier Cyber-Pape a pris ses fonctions en lâan 2100 en organisant dâimmenses soirĂ©es prosĂ©lytes au Saint-siĂšge. Aux âS.S. White Nightsâ, les jeunes catholiques viennent prier comme des forcenĂ©s au milieu dâapparitions holographiques de la Sainte Vierge. Attention Ă la crise de foi.
25° JĂ©rusalem (IsraĂ«l) :GrĂące Ă la grande rĂ©conciliation israĂ©lo-palestinienne en 2051 et lâinondation de Stockholm pour cause de Gulfstream dĂ©faillant, JĂ©rusalem est devenu le nouveau lieu de remise du Nobel de la paix. Elle abrite Ă cette occasion le festival âPro-fĂȘteâ, rĂ©servĂ© Ă tous les nĂ©o-hippies en mal dâamour et de spiritualitĂ©. Gaza nâen dĂ©bande pas.
37°Pyongyang (CorĂ©e du Nord) : Le miracle corĂ©en ! Depuis la chute de la dictature en 2032, Pyon-Yang est enfin prĂȘte Ă accueillir les dĂ©localisations chinoises en travaillant pour une misĂšre. La CorĂ©e du Nord est alors devenue le creuset de toute une gĂ©nĂ©ration de techniciens-bidouilleurs Ă lâorigine de la SiliDrone Valley, scĂšne Ă©lectro minimaliste rĂ©volutionnaire sur rĂ©seaux sociaux. Quand lâAsie mute, les baffles dĂ©gustent. A essayer une fois : la tibetan transe-goa !
39°Barrow (Alaska) :Les allumĂ©s de la nature se rejoignent tous au bord de lâAlaska, au-dessus du cercle polaire. Le trip ultime ? Amener un max de Bankise â une drogue de synthĂšse mĂ©langeant cocaĂŻne et azote liquide â et se laisser dĂ©river sur les morceaux de glace qui se dĂ©tachent jusquâĂ la fonte. Plus excitant que les vacances de Mr N. Hulot ! Ma friandise câest Mister freeeeeeeeze.
42°La mer Caspienne (Iran/ Russie) :Avec lâassĂšchement des nappes de pĂ©trole, les plates-formes Offshores dorĂ©-navant obsolĂštes se sont transformĂ©es en squats. HĂŽtes dâun underground pirate, leursâOffshore sessionsâ clandestines sont devenues le lieu privilĂ©giĂ© des expĂ©rimentations post-liquidStone rock. People like you just fuel my fire !
46°Khartoum (Soudan) :Pour dĂ©couvrir le mĂ©lange ChĆurs de lâArmĂ©e rouge/garage-rock des fjords, rendez-vous Ă la Cave Blanche de Khartoum. Si le rĂ©chauffement climatique a engendrĂ© la grande migration du continent Africain, personne nâavait prĂ©vu le contre-exode massif de blondinets russes et scandinaves indisposĂ©s par la noirceur du nouveau monde. Depuis, ils cohabitent plus ou moins bien avec les locaux, leur apport monĂ©taire a permis de rĂ©nover la plupart des infrastructures. Pour Ă©chapper Ă la chaleur infernale, les suĂ©dois ont mĂȘme creusĂ© cette excitante citĂ© souterraine en dĂ©dale de galeries, niche de vĂ©ritables renouveaux artistiques pour les albinos. Câest ici que la subculture (under)gronde.
52°Chichen Itza (Mexique): Lâeffondrement de lâĂ©conomie comme de tout service public a permis la dĂ©pĂ©nalisation de la non-assistance Ă personne en danger. La bonne nouvelle ? Lâancien temple Maya est redevenu le lieu de fĂȘtes orgiaques dĂ©mentielles oĂč les dĂ©sespĂ©rĂ©s de la Terre viennent sâachever au suicide collectif. Tumeur
18° VerticalHattan (U.S.A.) : AprĂšs la destruction du second World Trade Center, plus beau et plus haut, le jeu de âqui a la plus grandeâ a vu la victoire provisoire des kamikazes. Manhattan sous lâeau et New-York en cendres, il ne restait quâune solution. La reconstruire en une seule tour, un bloc par Ă©tage, sur le New-Jersey. I <3 V-H.
Alex Turner & The Arctic MonkeysThe definite Domino Years
On pourrait sâĂ©tonner de la parution de cette long-box moins de deux ans aprĂšs la rĂ©Ă©dition des trois premiers albums du kid de Sheffield en 320kbps et du Singles Pack Ă noĂ«l dernier, mais la justification de ce remaster tient Ă un seul nom : Jarvis Cocker. Lâancien dĂ©tracteur, qui avait officiellement cĂ©dĂ© sa place de chief conductor officiel du Grand Manchester Or-chestra au jeune maestro simiesque, offre ici un dĂ©poussiĂ©rage classieux. Toutes les pistes ont Ă©tĂ© re-mixĂ©es en parant de zĂ©ro, rendant enfin honneur aux prises de dĂ©mos de 2005 et rajoutant une ribambelle de vidĂ©os (2 DVD, dont le Glastonbury 2007) et de collaborations et reprises (ce qui bien souvent hĂ©las signifie se coltiner lâaffreux Miles Kane).
David BowieComplete Discography
LâintĂ©grale en version orginale, 320kbps, 2 flash memory et 10 VOD, chez Universal, tout est dit. Câest triste Ă avouer, mais voilĂ dix-sept ans quâon a pas pressĂ© quelque chose de bien sur sa majestĂ© Bowie. L âhorrible Thin White MTV Duke (MTV, 192kbps), la collection Stage!!! (Sony, 320kbps), lâinsultant David Bowie MultiChanges (The Whale Records, 160kbps â sic !)... Aucune des compilations de cette dĂ©cennie ne sera parvenu Ă convaincre de son talent ceux qui ne lâont pas connu avant son mutisme. Sans fiertĂ©, persistons : câest encore le vĂ©tuste Berliner Glass Nacht (DifferAnt, 320kbps, 2.1) qui mĂ©rite le plus sa place au dessus de votre media-station ; les soirs oĂč dancing ne rime pas forcĂ©-ment avec machine, câest encore ces cuivres cocainĂ©s lĂ qui font le plus dâeffet.
QueenInnuendo Quelquâun de toquĂ© chez Parlophone voulait rĂ©Ă©diter du Queen et on se demande bien qui lâa laissĂ© faire. Les albums avaient Ă©tĂ© remasterisĂ©s en 2009 avec tous les bonus pas encore ren-tabilisĂ©s en single, et les versions 320kbps trainent toujours dans les toplists de nâimporte quel Digital Media Store. Les visuels en .tiff HQ (4 Go) et les clips joints nây font rien : on connait tout ça depuis longtemps. En mĂȘme temps, justement, y a t-il une seule gĂ©nĂ©ration qui nâa pas Ă©coutĂ© les orchestrations opera-(hard)rock ? Dâun coup la lumiĂšre se fait : oui, il vaut mieux ressortir Queen que lâintĂ©grale de Muse ou Mars Volta, de Soundgarden ou Pearl Jam, de Deep Purple ou Dio⊠et la liste sâallonge chaque jour. Comme ma femme.
Franz FerdinandTake Me Out (Gold edition)
Au dĂ©but des annĂ©es 2000, une poignĂ©e dâĂ©cossais rĂ©ussissaient le miracle de joindre les deux bouts de ce que tout le monde attendait : le retour des guitares et le faire-danser-quand-mĂȘme. Dix ans avant son remariage avec la diva Santogold, Alex Kapra-nos se retrouvait dĂ©jĂ sur toutes les couvertures, mondialement reconnu et saluĂ©. Et Ă lâĂ©coute du premier album rĂ©Ă©ditĂ© (Domino, 320kbps, 7.1), il est temps de se demander pourquoi. Le conseil du chef: lui donner le nom de tous ceux qui ont un jour fait de la musique pour saisir une opportunitĂ© extra-musicale : Duran Duran, Eurythmics, Indochine... Parce que chatouiller une fille qui pleure câest le plan drague le plus mi-nable qui soit. Conchions la facilitĂ©.
Damon Albarn Live at the Apollo
On a beau se repasser les albums de Gorillaz chaque Ă©tĂ© au camping, il reste que lâĂ©lectronique vieillit mal. LâĂ©volution permanente des progiciel de studio affadit complĂštement chaque dĂ©cennie dâenre-gistrements, et Damon Albarn est le mieux placĂ© pour le savoir. Le live at the Apollo (Food/EMI, avec une bĂ©dĂ© de Hewlett comme dâhabitude), pris en pleine tournĂ©e Damon Albarn Brass Band, crĂšve les oreilles avec ces 190 pistes mixĂ©es par titre en moyenne. Et si votre media-station nâest pas Ă©quipĂ©e du son 5.1 autant dire que vous allez esquin-ter vos tweeter et puis câest tout. Les chants maliens, la mideastern-dance, le world balkanic avec six titres issus des albums en collaboration avec Brian Eno, et quelques reprises de Blur (Alex James tenant encore la basse cette annĂ©e-lĂ ) : tout y passe. On frĂŽle lâindigestion quant ce nâest pas la tourista.
Special Delivery(compilation)
AprĂšs le Fuzz me in the arse du mois dernier rĂ©unissant lâintĂ©gralitĂ© du Seattle Sound (Sub-pop, 160kbps) la mode des compilations des prĂ©tendus âmouvementsâ se propage aux anglais (sans toutefois la remas-terisation par Albini). Il nây a bien que les labels qui voient des scĂšnes dans chaque garage. Cette compilation-lĂ (Rough Trade / EMI, 320kbps + 2DVD) sur lâĆuvre sĂ©minal de Peter Doherty et Carl Barat et des groupes qui leur sont plus ou moins liĂ©s (des Libertines aux Reve-rends en passant par les âShambles, The Call, et les DPT). En baille trĂšs vite en se demandant ce que les Kinks et Phil May ont fait pour mĂ©riter ça. A ranger dans le mĂȘme rĂ©-pertoire que Supersonic Oasis avant de passer Ă autre chose.
RĂ(Ă)DITIONS,SANS COMPROMISArctic Monkeys
SPECIALDELIVERY
QueenInnuendo
Soins palliatifs du show business, le disque nâest pas mort, mais dur dur de faire du blĂ© quand tous les champs ont dĂ©jĂ Ă©tĂ© fauchĂ©s. Voici un aperçu de ce que sera la page rĂ©Ă©dition quand la sortie standard consistera en un gros fichier de 65 Mo, covers en jpg comprises.
Coldplay Viva Coldplay / Blue Room
En 2010 tout le monde attendait dĂ©jĂ la fin (an-noncĂ©e) du fairtrade-rock band. Le rĂšgne des pĂ©dales de reverb nâavait que trop durĂ© et une fois les milliers de dollars rendus en tickets de concert Ă une industrie en difficultĂ©, chacun Ă©tait
parti monter son projet solo. Avec le succĂšs que lâon (ne) sait (que trop). Ătrangement les coffrets et rĂ©Ă©ditions habituelles (avec leur lot de duo/reprise/remix) ont mis du temps Ă sortir. ConsĂ©quence probables des rĂ©ticences du groupe lui-mĂȘme dont on connait les prises de position (lâĂ©norme R.E.M.otivated avait eu les mĂȘmes difficultĂ©s). Autant Viva Coldplay (Parlophone, 320kbps, son 5.1) ne fait que prolonger la liste des bidouilleries inutiles de lâĂ©poque visĂ©e (dont un do-cumentaire 55mn sur leur combat vu par Bono ! A mourir), autant le chĂ©tif Blue Room (Rosetti recordings, 192kbps) brille par sa sympathie. Une vingtaine de titres faisant re-monter ce que Coldplay fut sur ses premiers enregistrements (dĂ©mos de Parachutes et des EP, plus les EP eux-mĂȘmes) qui donnerait presque envie dâimaginer ce que le groupe serait devenu sâil nâavait pas trouvĂ© major Ă son (grand) pied...
Arcade Fire The
Arcade Fire
LâintĂ©rĂȘt de la rĂ©Ă©dition câest de permettre de rattraper le wagon quâon a ratĂ© Ă lâĂ©poque parce quâon avait les yeux ailleurs. Il y eu ce groupe de canadiens qui jouaient
une sorte de du folk Ă la Talking Heads Ă douze mains â et autant de tĂȘtes parce quâil y avait une chorale. Ils enregis-trĂšrent deux albums avant de disparaitre dans le tourbillon de guitares en bois et chemises Ă carreau du moment. Ils faisaient les gros titres, avaient vendu du disque de 2004 Ă 2010, et certains dâentre vous sâen souviennent peut ĂȘtre.
Ce pack (Rough Trade/Merge, 320kbps, 3.1) contient la totalitĂ© des enregistrements dont deux lives et honnĂȘtement on se
Get my money back25 Cents invente le tube rembour-sable (voir conditions). Get ripped or try dying est téléchargeable sur le site de la C.P.A.M.
Bad Karma PoliceSuite au suicide collectif des membres de Radiohead aprĂšs la perte de leur disque dur 458 teraoctets, leurs 45 managers annoncent une prochaine mise aux enchĂšres de collectors et inĂ©dits (enchĂšres dĂ©butant Ă 45⏠le titre). La police a dĂ©clarĂ© : « Thom Yorke avait un sourire sur le visage ». Sa veuve envisage de porter plainte contre les forces de lâordre pour calomnie posthume.
Fat ClubLe crĂȘpage de chignon entre Warp et Ipecac autour du DVD de Bonnie Tyler-Durden traĂźne depuis la grĂšve du syndicat des avocats du showbu-siness rĂ©clamant toujours 1% des droits voisins. En cause, la question concernant les bonus âcoiffureâ qui devrait initialement ĂȘtre tĂ©lĂ©char-geables sĂ©parĂ©ment pour 2,50âŹ. Une baston semble se dessiner pour rĂ©soudre le problĂšme. Rappelez-vous : « No shirt, no shoes ».
Le poids des ansEniĂšme projet de nouvel album pour les Pixies. La derniĂšre tentative avait avortĂ© parce que Franck Black ne passait plus les portes des studios. Ce coup-ci, le groupe envisage dâins-taller un studio directement chez lui. Ne reste plus quâĂ convaincre Kim Deal. Certaines choses ne changent jamais.
ENNUYEUSE-LETTEREN VITE EN BREF, QUELQUES FLASH EXPRESS DE LA PRESSE DU FUTUR
Too too U2Le design du nouvel I-Phone aux couleurs de U2 sera dĂ©signĂ© par So Me, le manipulateur dâimage de Ed Banger Records. Et 0,1 % sera renversĂ© aux victimes irlandaises du botox frelatĂ© chinois.
Derby Crashed Diffusion dâune belle rĂ©trospective de Marc Bolan pour la sortie du coffret dâarchives finalement titrĂ© âJuras-Sickâ (Neil Young dĂ©tenant les droits du terme Archives) ce weekend, au salon du MIDEM. DĂ©claration de Hunter S. Thompson Jr prĂ©sent ce soir lĂ : « Jây comprendrais jamais rien aux courses de bagnole ».
Bof PeopleMadonna 2.0 annonce quâelle va adopter Pascal NĂšgre. Lâavocat de Courtney Love et de Stuart D. Price a dâores et dĂ©jĂ indiquĂ© que ces derniers exigeait la primautĂ© de lâoffre nataliste. Qui a dit « vache Ă lait » ?
Poil au sonSuite Ă son partenariat exclusif avec Gilette, le dernier album du prophĂšte du bĂ©ton aztĂšque Kou-dlam ne sera disponible que sur la plateforme Razorâs Edge, unique-ment Ă©coutable via rasoir-Pod et tondeuses avec lecteur MP3 intĂ©-grĂ©. Les fans de la premiĂšre heure hurlent Ă la trahison. Lâartiste, sur son overblog, leur a rĂ©pondu : « La fin du monde tardant Ă arriver, je prĂ©pare ma retraite. Et je vous emmerde ». Au poil.
CĆur de rockerLe remix collector E-Mule dâI Will Survive par GrĂ©gory Lemarchal sera dans les numĂ©ri-bacs juste avant noĂ«l. Le featuring de Grand Corps Malade reste Ă confirmer.
Ćuvre au noir Les discours de Barack Obama rejoignent le catalogue PNL (PascalNĂšgreLibrary) aux cĂŽtĂ©s des entretiens Madoff/ Mick Taylor, My taylor is rich, et des allocutions radio-pĂ©nitenciaires de StĂ©phane Guillon (Folsom Prison broom). Carla Bruni-Sarkozy a Ă©voquĂ© un possible featuring sur son prochain single.
Duo Ă©carlateGringo Starr et Barry Write vien-nent de terminer lâenregistrement du Write album. Version collector livrĂ©e avec un tacos et un porte-clĂ© bibiphoque.
Optique : 2000La rĂ©Ă©dition du premier Amadou & Mariam (encodage de luxe), fait un carton et sâenvole sur I-Thunes. « On a rien vu venir » ont sobrement dĂ©clarĂ© les intĂ©ressĂ©s.
I & MaillesAprĂšs son acquisition de la cĂ©lĂšbre marque de cornichons, EMI continue les dĂ©penses, annonçant le rachat des exten-sions dâimages tiff et jpg : les millons de royalties Ă rĂ©cupĂ©rer sur la vente de toutes les pochettes tĂ©lĂ©chargĂ©es. Starbucks Coffee â dĂ©jĂ possesseur du .midi â a immĂ©diatement lancĂ© une O.P.A. sur le bitmap.
e-Mule Variations Pour la deuxiĂšme fois cette annĂ©e, Tom Waits a encore changĂ© de label, se retrouvant dans celui, plus petit, de Trent Reznor. Comme David Byrne, il poursuit sa course Ă lâindĂ©pendance qui lâavait contraint a quittĂ© McCartney Ltd devenue « trop puissante » aprĂšs le succĂšs de son single (vendu Ă 106 exemplaires).
PAR VERNON & HILAIRE PICAULT
Arles, 21 dĂ©cembre 2008, silence proche du larsen, aprĂšs beaucoup de bruit pour rien. Le tirage de rideau sonore sur des annĂ©es 2000 se referme sur un constat : il nây a pas pire sourd que celui qui ne peut plus entendre.
Presque mort. La tĂȘte Ă cĂŽtĂ© des enceintes. Autour, une foule informe sâagite, se tord et a lâair de jouir. Ca va faire une heure que Simian Mobile Disco joue, ils en sont au climax : basses Ă©normes, beat marteau et aiguĂ«s en lianes sâenroulant tout autour, sâadressant direct au systĂšme nerveux. Les bras sont en lâair, soulevĂ©s, avec ou sans ecstasy, avec ou sans alcool, avec ou sans un deuxiĂšme paquet de cigarettes. LâarmĂ©e est blanche, elle tient Ă faire savoir que la sueur coule Ă flot et quâelle possĂšde une bonne raison de sâĂ©chapper de tous ces corps en transe. UNE BONNE RAISON. Trouvez moi une seule bonne raison.
Je rĂȘvais de dieux intouchables, Ă©lancĂ©s, fiers et vertueux, et jâai trouvĂ© des corps vautrĂ©s dans des canapĂ©s, piochant mollement dans un paquet de chips. La bouteille de Clan Campbell sur la table comme cerise sur le gĂąteau empoisonnĂ© ; jâavais lâair fin en Blanche Neige du rock effarouchĂ©e face aux sept nains et leurs barbes de trois jours, la main dans le caleçon et une haleine de poney en fin de carriĂšre.
Au lieu de ça : Ă©couter le vide se dĂ©verser par paquets de watts, toutes les quatre mesures. Au lieu de ça : faire la fĂȘte.Au lieu de ça : mon plus gros virement bancaire jamais effectuĂ© pour une once de surprise.
AccoudĂ© au bar. Une biĂšre XXL dans la main, mes oreilles cherchent un silence qui nâexiste pas. Jâattrape une cigarette, hĂ©site Ă la manger et puis je me fais une raison ; je lâallume. Un individu sâapproche du bar pour commander, me reconnaĂźt, tend la main, jâhĂ©site⊠aucune bonne raison ne me vient⊠« Ca joue, hein ! Câest du bon son, non ? ». Je hausse les sourcils dâun air impressionnĂ© en guise de rĂ©ponse, mâempĂȘchant de lui rĂ©pondre quâil parle Ă un hologramme et que lui aussi mâa tout lâair dâen ĂȘtre un. La tentation de lui passer le bras au travers du corps me vient, pour lui prouver que jâai raison : des images de Blade Runner me reviennent (replican, pas replican ?), des images de David Lynch me reviennent (yâa t-il quelquâun dans la piĂšce, pourquoi ai-je si peur ?), des images de Georges Romero (quoi de plus effrayant quâun zombie ? Quâun MORT VIVANT ?) et pour finir des images de Fear and Loathing in Las Vegas (ne rien comprendre, voilĂ qui fait froid dans le dos), je rehausse les sourcils, je le salue, je mâen vais. Sur la route, je renverse la moitiĂ© de ma biĂšre en essayant dâavoir lâair cool de celui qui peut boire et marcher en mĂȘme temps.
En vĂ©ritĂ©, le rock nâĂ©tait pas un trĂšs bon ami. Les 00âs, un long festival rempli de couleurs criardes, de sons prĂ©machĂ©s, de cris de joie pour rien, de tickets boisson, de rires Ă©touffĂ©s sous les lignes de coke. 00âs, dieu que ta jeunesse sâest mis la tĂȘte ! Moi, tout ce que jâaurais voulu, câest me faire encore avoir. Comme une bonne blague
dont on nâa pas vu la chute arriver.
Au lieu de ça : fluokids, slim trop petit. Au lieu de ça : cynisme et caisse enregistreuse.Au lieu de ça : de lâhĂ©donisme discount.
Je danse. Je danse comme un dĂ©ratĂ©. Je transpire. A peine si je frĂŽle les gens autour de moi. Pour quelques instants, DJ machin me tient dans le creux de sa main, je pense boule Ă facettes, baskets trouĂ©es, mouvement de foule, fantĂŽme chevauchant une comĂšte de smarties, je pense dĂ©hanchĂ©, Ă©lectricitĂ©, dĂ©esse Ă©lectricitĂ©, la seule lâunique, je pense rock, rock et encore rock, je pense câest toujours marrant ces mecs qui hurlent quâils ne sont pas furieux, je pense colĂšre, colĂšre et beautĂ© mĂ©lange explosif Ă se damner je pense câest quoi lâĂąme, je pense mais quâest ce quâil fout ce mec lĂ -bas avec ses lunettes de soleil alors quâil est presque 4h du matin, je pense « bouge bouge bouge », je pense absolu, infini, je pense « ĂŽ temps suspend
ton vol » je pense crie, hurle, saute Ă deux mĂštres de haut, je pense Ă dĂ©chire tes vĂȘtements, je pense
aux litres de whisky, je pense quelle belle grimace, je pense agencement, design et
architecture musicale, je pense « cha-cun sa danse et merde à dieu ». Je
cherche une seule bonne raison et puis je ne pense plus.
Bienheureux les simples dâesprit. Seule concession
sociologique : avoir 30 ans dans les années 2000, ça ne ressemblait plus à un riff définitif. PlutÎt à une
prod-studio hyper léchée avec deux couinements sur le refrain
pour faire comme si. Jennifer cherchait son rouge Ă lĂšvres sous la
console⊠Mais ne cherchez pas de Lipstick traces. Il nây en a pas. Il nây en
a plus. Le vernis a tout supplanté. On nous a rebattu les oreilles avec les ambiances fin de
siÚcle. Mais personne ne nous avait prévenu : les débuts qui suivent sont en creux.
La suite ? Voir plus haut. La suite ? Du business plan en binaire.La suite ? Vomir et vomir encore. La suite ? Un Crash pas Ideal du tout.
Jâavais rĂȘvĂ© cicatrice, on me parlait mercurochrome. Quelque chose nâallait pas. Nâallait pas du tout. Concert : 1h30, montre en main. Le kilo de paillette ? Hors de prix. Penser Ă parler du light show. Penser Ă rĂ©cupĂ©rer les titres des morceaux. Penser Ă recoller les morceaux. Penser par morceaux. Puzzle rock inachevable ou trĂšs moche une fois accrochĂ© au mur. Coller un poster Ă la place ? Non
mais vous plaisantez.
Aujourdâhui, il y a des tableaux, sur mes murs. Je dis ça sans snobisme aucun. Croyez moi. Je ne sais pas mentir. Et jâai admirĂ© ceux qui savaient le faire : mensonges parpaings dans les gencives, mensonges hurlements au vocoder, mensonges attitudes, mensonges papier glacĂ©, mensonges no concession. Dâailleurs, tant quâon y est, Phil Anselmo est un type formidable. Pantera, ça vaut Shellac. Si, si.
La bite Ă la main, le verre coincĂ© dans ma bouche, je regarde tout autour de moi, du haut de cette pissotiĂšre gĂ©ante. LĂ -bas, une jeune fille maigre en treillis tape un rail de quelque chose, juste Ă cĂŽtĂ© de moi, un Ă©chalas Ă casquette de travers secoue mollement son bidule, plus loin, un groupe de trois ou quatre trĂšs jeunes gens ont lâair de bien se marrer, Ă cĂŽtĂ© dâeux, une mini-enclave Ă bobos se passent et se repassent un tĂ©lĂ©phone portable, il semble y avoir un problĂšme TECHNIQUE, ça ne marche pas.
Alors donc, quelque chose a changĂ©. Ah ça oui. Quelque chose sâest cassĂ©. Quelque chose a rompu. Quelque chose a dit « the dream is over ».
Premier rĂ©flexe ? Ne pas Ă©couter. Ne pas prĂȘter lâoreille aux milliers de chuchoteurs de la perversitĂ© sâinvitant en microsillons MP3isĂ©s dans nos salons. Second rĂ©flexe ? Crier au gĂ©nie trop vite, fabriquer des statues en carton qui sâeffondreront Ă la premiĂšre pluie. Le troisiĂšme? Observer une plage de silence. Observer un temps mort. Reprendre sa respiration. Ensuite⊠le temps des hĂ©sitations, la tentation de renoncer, celle dâinsulter le gars du S.A.V. qui ne rĂ©pond jamais, dĂ©poser des RE-CLAMATIONS de-ci de lĂ (euh, des blogs, par exemple), se renseigner sur le camp dâen face (euh, le paradis, par exemple), vaciller, quoi.
Dans la nuit du 20 au 21 dĂ©cembre 2008, mon pĂšre mâa envoyĂ© une douloureuse piqĂ»re de rappel : la vie est trop courte pour baisser son pantalon. Putain de 00âs.
Presque mort. Les doigts dans la mayonnaise. Quelle blague ! Je ferme les yeux. La frite trouve tant bien que mal son chemin jusquâĂ ma bouche, lâenvie de vomir est en train de passer, celle de chialer, un peu moins. Dans cinq minutes, je quitte le festival, un taxi vient me prendre sur le bord de la route, je lui souffle lâadresse, lui demande sâil peut Ă©teindre la radio, ce quâil fait. Alors je colle mon front contre la vitre et je regarde dĂ©filer les lumiĂšres de la ville, ce qui est un lamentable clichĂ© pour dire que jâai lâĂąme qui se tord mais comme câest vrai, je serai Ă moitiĂ© pardonnĂ©. Pour lâinstant, je mange une frite molle dĂ©goulinante de mayonnaise.
00âSCONCESSION« MEMORY OF A FESTIVAL »
LAMUSIQUEACTUELLEPOURLES NULSPAR TERREUR GRAPHIQUE & DAMPREMY JACK
DEUX POINGS : ZĂROTroisiĂšme client
aujourdâhui. Et Oracular
Spectacular vient de sâachever
dans ses oreilles. Une aprĂšs-midi
consternante. Deux heures que derriĂšre
la surface vide du revĂȘtement plaxĂ©
imitation hĂȘtre, Jeremy sâemmerde.
PAR BILLY HP
Un pouce routinier enclenche Coldplay mais sâattarde sur lâiPhone. Des violons synthĂ©tiques dĂ©collent lourdement. Des oies sauvages gavĂ©es de farine enrichie en protĂ©ines. Marre...
Au dĂ©but câĂ©tait plutĂŽt sympa dâavoir enfin du temps libre pour rĂ©pondre Ă ses mails et lire les blogs quâil ne prenait jamais le temps de suivre. Ensuite il sâĂ©tait mis Ă regarder des trucs idiots, des pages quâon lui forwardait, les vidĂ©os Ă la con, les piĂšces jointes. Puis les Powerpoint aussi, avec leur musique niaise coupĂ©e au dĂ©but, mute, mais maintenant quâil Ă©tait seul dans le maga-
sin il pouvait mettre le son, cela ne changeait rien. Cela ne changeait rien.
Viva la vida, mon cul... Vide la vida plutĂŽt.
Vinrent alors les vidéos. Toutes. Celles des blogs, des clips, puis les vidéos qui font du buzz, les trucs dont tout le monde parle. Puis des pornos. Des multiples équivalents salaces de youtube, plus ou moins crade, plus ou moins amateurs. Plus ou moins pratiques à utiliser aussi. Parfois il
galĂ©rait tellement Ă comprendre leur navigation quâil quittait le site avant dâavoir vu le moindre tĂ©ton.
Ce client Ă©tait revenu comme tous les autres pour dire que, finalement, il souhaitait repousser son achat,
stopper la commande.
Jeremy lui avait fait le mĂȘme speech quâĂ chaque fois, quâon ne remboursait pas des arrhes, quâil comprenait, que câĂ©tait comme ça, que câĂ©tait dur pour tout le monde ces jours-ci, tout ça. Mais en moins motivĂ©, comme si Ă force de rĂ©pĂ©ter il nây croyait plus lui mĂȘme. De toute façon, câĂ©tait le commercial qui allait encore en prendre plein la gueule, si ses clients se rĂ©tractaient. Lui il sâen foutait. DĂ©jĂ quâils nâĂ©taient plus beaucoup et quâon leur foutait une pression de dingue.
Tout cela tournait Ă la routine. Une fois, il avait failli se faire chopper Ă sâastiquer sous son bureau par un fournisseur. Il reconnaissait Ă lâoreille le bruit des diffĂ©rentes voitures entrant sur le parking en gravier, maintenant quâil y en avait de moins en moins souvent. Il savait dire si câĂ©tait un des trois commerciaux, son boss, ou les estafettes des livreurs. Pantalon Dockers ouvert, slip tirĂ© sur le cĂŽtĂ©, un rouleau de sopalin fauchĂ© dans la rĂ©serve dressĂ© sur le bureau, avec ces minettes sans traits ni poils qui sâagitent sur lâĂ©cran. Celle-lĂ , aux joues duvetĂ©es et lĂšvres rose pĂ©tale, pliĂ©e en deux pour ĂŽter son jeans taille-basse, les genoux comprimant sa poitrine et le ballet des pieds qui papillonnent en lâair, ça lâexcitait. Ainsi que la courbe parfaite de son sexe et lâĂ©pilation de ses aisselles. Mais quand mĂȘme il sâemmerdait et sâastiquait molle-ment. La nouvelle MĂ©gane du fournisseur Ă©tait trĂšs silencieuse, et Jeremy ne lâavait remarquĂ© au travers de la vitrine quâaprĂšs le grincement de la porte automatique. Juste le temps de refermer son froc, en priant pour ne pas avoir les joues en feu. Dâailleurs il ne sâĂ©tait pas levĂ© pour accueillir le reprĂ©sentant, au cas oĂč la gaule aurait dĂ©formĂ© son pantalon.
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Jacques Now1853-2019
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crĂdIts, (de)LUXe INTĂRIeUR NumĂro ILuxe INtĂrIeur est uNe revue dIgItaLe pILotĂe par Le sIte
GoNzaI.com et ĂdItĂe par Le dIabLe vauvert.
GonzaĂŻ, 11 rue Duvergier 75019 Paris, [email protected] Au Diable Vauvert, Route de la Laune 30600 Gallician, [email protected]
Directeur de publication : Bester LangsRĂ©dacteur en chef : Hilaire PicaultConception graphique et direction artistique :Terreur Graphique & JĂŒĂŒlMaquette : Terreur Graphique
Rédacteurs :Benoit Bidoret, Bester L., Syd Charlus,Colocho, Sylvain Fesson, Dav Guedin, Sté-phane Guinet, Johnny Jet, Grégory Meurant, Ursula Michel, Guy-Michel Thor, Pierre Mikaïloff, Hilaire Picault, Loic H. Rechi, Arnaud Sagnard, Clément Sakri, Marjolaine Sirieix, Serlach, Vernon, Vic Vega, Eléa Von Picnic, Alex Jestaire, Pochep, Terreur Graphique, Marjolaine Sirieix.
Ont contribué à ce numéro :Alejandro Jodorowsky, Robert Wyatt
Remerciements :Bertrand Burgalat, Dieu, Google©, Marion Mazauric, Charles Recoursé, Louise Rossi-gnol, Nicolas Ungemuth
Garanti sans encre ni papier, ce numĂ©ro nâest techniquement pas je-table sur la voie publique.Les articles publiĂ©s nâengagent que la res-ponsabilitĂ© de leurs auteurs, tous droits de reproduction rĂ©servĂ©s, mais nous partageons leurs opinions et vous demandons dâessuyer vos pieds avant dâentrer.
Pour toute réclamation, insulte ou demande de remboursement, merci
PHILIP GLASS ART OF GLASS, WHEN TALK IS CHEAP PHILIP GLASS ART OF GLASS, WHEN TALK IS CHEAP PHILIP GLASS ART OF GLASS, WHEN TALK IS CHEAPPAR BESTER L.
De Throbbing Gristle Ă Pierre Henry en passant par le Metal Machine Music de Lourd Reed, lâavant-garde est un mot qui rĂ©sume souvent Ă lui seul un siĂšcle dâesbroufes musicales. Au milieu du royaume des apĂŽtres, un dieu : Philip Glass, compositeur de la musique minimale. Pour les siĂšcles des siĂšcles.
Quoiquâingrat et atroce, lâenfance reste un bel Ăąge. On y dĂ©couvre le rythme des mots, le poids du silence et les prĂ©misses dâune grande musique qui jamais ne sâarrĂȘte, dĂšs lors quâon est en mesure de parler, de rĂ©pĂ©ter. Longtemps dâailleurs, Ă la nuit tombĂ©e, mon passe-temps fut invariablement le mĂȘme, huilĂ© comme un rituel mĂ©canique : seul dans le noir, choisir un mot, le rĂ©pĂ©ter machinalement jusquâĂ sâen user la salive, le rĂ©pĂ©ter jusquâĂ le broyer sur la gencive, le rĂ©pĂ©ter jusquâĂ le vider de son sens. Puisquâil nâen reste que lâessence : un son. Un jeu dâenfant me direz-vous, universel mĂȘme, quâon retrouvera plus tard sur son chemin. Sous dâautres formes, en dâautres nuits. JusquâĂ Philip Glass.«Lâavant-garde». Ecrit ainsi, vous pouvez ĂȘtre sĂ»r que lâexpression a de grandes chances de faire fuir les passants. Les enfants aussi. Si ce mot nâĂ©tait pas devenu, lui aussi, un terme galvaudĂ© sous le poids des langues, sĂ»rement Philip Glass aurait-il pu se rĂ©sumer Ă cela. On aurait ainsi pu faire lâimpasse sur lâincroyable destin du grand compositeur amĂ©ricain nĂ© en 1937, un homme ayant rencontrĂ© le DalaĂŻ-Lama et Ravi Shankar Ă mĂȘme pas quarante ans, compagnon de route de Patti Smith, Allen Ginsberg, Brian Eno, et pourtant si mĂ©connu du grand public. DĂ©finir sa musique minimaliste et rĂ©pĂ©titive, son influence musicale sur les soixante derniĂšres annĂ©es Ă©coulĂ©es, la puissance de ses compositions quasi pastorales, sâavĂšre de fait impossible. RĂ©sumer Philip Glass avec des mots ? Autant parler de la mĂ©lodie des vagues qui sâĂ©crasent sur le sable, de ces roulis qui avancent sur la mer sans encombre. DiscrĂšte parce que puissante, minimale parce que contemplative, lâĆuvre de Glass reste encore un secret bien gardĂ©. DivisĂ©e en son sein par la Seine, Rouen a ce soir des couleurs de ville aquatique. La pluie sâabat lentement sur les piĂ©tons ; ici comme ailleurs, rares sont ceux qui connaissent son existence. Pourtant Philip Glass est lĂ pour trois soirs, dĂ©barquĂ© des States pour y jouer ses Ćuvres les plus connues, de Piano Solo Ă Music in Twelve Parts, son «zĂ©nith» de quatre heures composĂ© Ă lâaube des seventies, mais surtout reconnu sur le tard. La postĂ©ritĂ©, câest surtout une question de patience, alors Glass enchaĂźne dĂ©sormais les tours du monde et les rĂ©citals en best-of. MĂȘme Ă Rouen. Et maintenant que son style piano-violon est pompĂ© partout, des musiques publicitaires aux bandes originales de films, le compositeur Ă tĂȘte de savant fou sâexporte, surprise, beaucoup plus facilement. Câest aussi ça la musique minimale, avoir trente ans dâavance et devoir patienter. Lâexact contraire, finalement, dâune destinĂ©e de rockeur.
Sous la bruine de lâautomne rouennais, la fĂȘte foraine bat son plein sur le bord de Seine. Enfants, parents et caissiĂšres, les visages se mĂ©langent comme des notes sur une partition, Ă peine troublĂ©s par la valse des autos-tamponneuses, le regard fixe sur les attractions. Jâai tout potassĂ©, tout rĂ©visĂ© avant la rencontre, mais la barbapapa peine Ă mâĂ©gayer ; interviewer Glass Ă©quivaut Ă demander audience au tout puissant. Et rĂ©sumer la vie dâun vieil homme Ă quelques questions â dont on connaĂźt souvent les rĂ©ponses Ă lâavance, comme dans pareille situation - relĂšve du bachotage monomaniaque, celui quâon pensait rĂ©servĂ© Ă dâautres. Lui parler de son initiation Ă la «grande musique» aux cotĂ©s de Nadia Boulanger, elle qui «éduqua» Michel Legrand, Quincy Jones ou Gershwin ? Trop facile. Les dĂ©buts du jeune Glass Ă New-York en 1968 avec Music in the Shape of a Square, ses partitions tellement longues quâelles obligent les musiciens Ă se dĂ©placer pour suivre la mesure ? Trop Ă©vident ! Son chemin de croix en tant que plombier puis taxi, pour payer les factures ? Trop pittoresque, allons... A bien y rĂ©flĂ©chir, la seule vĂ©ritĂ© qui tienne encore sous la bruine, câest une phrase de Glass, figĂ©e dans lâespace, lĂąchĂ©e en 1982 au journaliste en mal de questions : « I consider myself as a working musician, more than an avant-garde (mu-sician) ». La messe est dĂ©jĂ dite. Car lâĆuvre de Glass est une dĂ©rive en perpĂ©tuel mouvement, Ă placer entre la rigueur chaleureuse de Bach et lâexcentricitĂ© glacĂ©e de Kraftwerk. Pour qui sonne le glas(s) ? En remontant les trottoirs dĂ©pouillĂ©s de Rouen, la question mâobsĂšde. Par quel miracle, quelle alchimie, des monuments tels que Mad rush parviennent encore Ă sâĂ©riger comme des blocs indĂ©passables. Des messes pour le temps prĂ©sent, sans mots, sans paroles, qui continuent elles aussi dâavancer. Nul doute quâil emportera ce secret dans sa tombe, sĂ»rement rejoint par dâautres, laissant lâĂ©cole du minimalisme amĂ©ricain sans descendance. Parce quâaujourdâhui, comme le dit Pascal Comelade, « la musique instrumentale nâest pas entendue », que le mouvement rĂ©pĂ©titif initiĂ© par Glass, Terry Riley ou Steve Reich ressemble dĂ©sormais Ă une manufacture sur le point de fermer ses portes. Lorsquâils Ă©teindront la lumiĂšre, ces gĂ©ants de lâinfiniment petit laisseront tout de mĂȘme derriĂšre eux quelques partitions, le souvenir dâune nuit dâautomne, dâune poignĂ©e de main, qui en disent plus long que les meilleurs rĂ©cits. Et mon interview avec Philip Glass, alors ? Rien que je ne savais dĂ©jĂ . Fermez les yeux, Ă©coutez, vous verrez ; Glass works.
ILLUSTRATION : MARJOLAINE SIRIEIX
Roy Sullivan, garde forestier amĂ©ricain, a Ă©tĂ© frappĂ© par la foudre Ă sept reprises entre 1942 et 1972. Sâil a perdu Ă chaque dĂ©charge cĂ©leste quelques membres et couches dâĂ©piderme, se pelant peu Ă peu tel un oignon humain, Roy a nĂ©anmoins Ă©chappĂ© Ă la mort Ă chaque coup. Mais plus que tout, Roy est devenu un exemple, un ĂȘtre INCROYABLE rĂ©vĂ©lĂ© par sa malchance. De la fĂȘlure «approved by Guinness» viendra lâhumanité⊠Il mĂ©rite bien cette belle entrĂ©e dans le classement du Guiness World Records. Bravo, on lâapplaudit bien fort !
Des chiens qui font du skate, des portables qui convertissent le maĂŻs en pop corn : lâincroyable est devenu banal, se dissimulant Ă tous les coins de fenĂȘtre Youtube. Heureusement, il existe encore un livre balayant dâun coup sec toutes ces pignolades numĂ©riques : Le Guinness Book des Records, LE GUIDE DE LâEXTRAORDINAIRE. Je vois des sceptiques dans lâassistance, pas de problĂšme, lâobjet est accompagnĂ© dâun sympathique argumentaire : 55 annĂ©es Ă recenser les exploits aux quatre coins du monde, en Ă peu prĂšs 40 000 notices attestant dâun Guinness World Record (GWR), et ce pour 3 millions de lecteurs avertis. OK les gars ? Vous en dâmandez encore?
CĂŽtĂ© contenu, le livre parvient encore Ă tenir en haleine le plus difficile des curieux puisquâil donne accĂšs Ă un univers, euh, totalement remarquable, oscillant entre Jeune et Jolie et Modes et Travaux. Entre le record du plus grand poil de barbe de femme (27,9cm tout de mĂȘme) et celui de la plus grande pizza du monde. Dans un monde oĂč tout se calcule, le tĂ©ton-objectif pointant toujours plus vers le risque zĂ©ro, lâinsolite et le hasard ont cependant Ă©tĂ© priĂ©s de plier bagage au fil des Ă©ditions du Guinness. Suivant la tendance sociĂ©tale, les performances se sont ainsi fragmentĂ©es en de multiples variantes, abusivement hĂ©tĂ©roclites. Prends ça dans ta gueule, la fĂȘlure «approved by Guinness»...
Pour comprendre, quoi de mieux quâune grande question existentielle : qui est lâhommele plus fort du monde ?
Guinness nâest pas une biĂšre. Câest le whoâs who des anonymes qui repoussent encore et
toujours les limites de lâabsurde. Parce quâun homme de 2m30 est parfois moins important
que la plus grosse paire de seins du monde, le Guinness Book of World Records sâĂ©rige en Barnum des temps modernes, aux monstres
chaque jour plus effrayants.
GUINNESS
BOOKDESREC
ORDSTOUJOURS PLUS HAUT, TOUJOURS PLUS FORT, TOUJOURS PLUS VAIN !
PAR CLĂMENT SAKRI
Le livre dit : tout dĂ©pend de la puissance de votre membre⊠Car en effet, le record de « poids soulevĂ© » se dĂ©cline sous plusieurs formes : par la barbe, par le cou, par lâauriculaire, par lâoreille, les orbites et la tĂȘte, alouette [1]. Sans compter les monomaniaques des dents : les Ă©diteurs du Guinness essaient mĂȘme de nous refourguer une camelote similaire sous plusieurs formes. Deux notices-doublons « record de poids soulevĂ© avec les dents » sont ainsi prĂ©sentes Ă la page 93 et 96 de lâĂ©dition 2009 ! Des performances qui peuvent ĂȘtre confrontĂ©es au « sprint de 10m le plus rapide avec une table et une charge portĂ©es avec la bouche [2] » ainsi quâau « record de bancs portĂ©s avec les dents ».
Quelle est la performance la plus louable ? Un frigo est-il plus dur Ă soulever quâune table ? Est-ce la mĂąchoire qui porte ou les dents ? Se fout-on de notre gueule ? Un juge Guinness, dans son costard flambant neuf, vous rĂ©pondra que non, il nâest pas question de « record de poids soulevĂ© avec les dents », mais du « record de nombre de bancs soulevĂ©s avec les dents ». Certes...
A ce compte-lĂ , la mise en abime proposĂ©e par le Guinness se rĂ©vĂšle vertigineuse, quitte Ă nous faire bouffer du mot « record » Ă toutes les sauces. Et câest ainsi quâentre en scĂšne Ashrita Furman, lâhomme au plus grand nombre de records du Records Guinness ! Non content du record de la plus longue distance parcourue en pogo-stick[3], du plus grand nombre de verres tenus en Ă©quilibre sur le menton, du plus grand nombre de marelles en 24 heures et de lâascension la plus rapide de la tour CN (Ă Toronto, haute de 553,33 mĂštres) en pogo-stick (encore), il dĂ©tient 183 records GWR, dont 76 toujours inĂ©galĂ©s.
Bon sang⊠Il a raison ! La rupture opĂ©rĂ©e par le Guinness dans les annĂ©es 2000 doit perdurer et aller plus loin. La spĂ©cialisation croissante de la dĂ©funte rubrique Insolite laisse entrevoir la dĂ©mocratisation de la devise « Toujours plus loin, toujours plus haut, toujours plus fort ». Les portes de la perception sâouvrent ainsi, avec notamment lâĂ©ventualitĂ© de cross-overs toujours plus nombreux. Les DJâs et la salade niçoise ont montrĂ© la voie : lâavenir se trouve dans la fusion des genres.
Ă grands renforts de complĂ©ments grammaticaux â et une fois sautĂ©e la limite posĂ©e par le S.E.X.E. â le Guinness Book pourrait bientĂŽt compter les performances suivantes : - La plus longue barbe du plus gros porteur du virus du Sida - Le paraplĂ©gique le plus rapide en fauteuil en cabrant sur 100 mĂštres - La plus grosse rĂ©duction mammaire pour une mĂ©nopausĂ©e - Le nain lançant le plus de frigos en une minute- Le poids le plus lourd soulevĂ© avec les dents en sautant en pogo-stick- Le plus de ballons de foot Ă©clatĂ©s par un marteau-piqueur - Le cercueil le plus gros jamais fabriquĂ© par des aveugles - ...
Cette liste est tout bonnement dĂ©mocratique, quantifiable, pas dangereuse pour un sou et rĂ©pond aux critĂšres posĂ©s par la vĂ©nĂ©rable institution britannique⊠De quoi guider le peuple vers les horizons les plus rĂ©jouissants : suivant ce principe « un record pour tous », chaque ĂȘtre sur Terre pourra inscrire son nom dans une notice du Guinness Book des Records. Noirs ou blancs, valides ou invalides, hommes ou femmes, riches ou pauvres, jeunes ou vieux, Ă roulettes ou en pogo stick.Immortels, nous serons immortels, tels 300 Spartiates dĂ©glinguant des milliers de Perses, plongeant avec allĂ©gresse dans un puits sans fond de gloire warholienneâŠ
Et ce puits sâappelle
[1] En marseillais dans le texte : signifie « avoir peur »⊠[2] Et toujours pas de portĂ© par le phallus... Plus globalement, Guinness rejette toute allusion aux « membres » reproducteurs, y compris dans la section « Poils et cheveux ». A la page 26 de lâĂ©dition 2009, il y a bien la plus grande lunette astronomique qui sâĂ©rigĂ© fiĂšrement tel un gros pĂ©nis bionique, mais bon⊠[3] On le voit sur la photo, la charge est en fait une femme : cette notice est donc un brin misogyne. [4] Une sorte de pompe Ă vĂ©lo sur ressort, permettant de sauter tel un vif kangourou.
[1] En marseillais dans le texte : signifie « avoir peur »⊠[2] Et toujours pas de portĂ© par le phallus... Plus globalement, Guinness rejette toute allusion aux « membres » reproducteurs, y compris dans la section « Poils et cheveux ». A la page 26 de lâĂ©dition 2009, il y a bien la plus grande lunette astronomique qui sâĂ©rigĂ© fiĂšrement tel un gros pĂ©nis bionique, mais bon⊠[3] On le voit sur la photo, la charge est en fait une femme : cette notice est donc un brin misogyne. [4] Une sorte de pompe Ă vĂ©lo sur ressort, permettant de sauter tel un vif kangourou.
Et PogoStickMan sâen rĂ©jouit : « Bizarre ? Pour vous peut-ĂȘtre. Mais pour moi, ça dĂ©montre bien les capacitĂ©s illimitĂ©es de
LA GUERRE TIĂDE
NEW-YORK, BERLIN, ENGHIEN-LES-BAINS⊠OU LA GUERRE DES TRONCHĂS.PAR GUY-MICHEL THOR
Ancien blouson noir des sixties reconverti « hippie par dĂ©pit », Guy-Michel Thor reste un acteur incontournable de lâunderground français. En cinquante ans, lâessayiste rockânâroll a rencontrĂ© les plus grands, de Ringo Ă Johnny en passant « par Grace Jones (« croisĂ©e par hasard ») et lâandrogyne Marie France (« baisĂ© pas rasĂ©e »). Depuis son bunker dâEnghien-les-Bains, Guy-Michel analyse le monde tel quâil nâest plus.
5En fixant les vinyles posés au sol du parquet flottant,
soixante-deux ans aprÚs ma naissance, je sens bien que quelque chose a déconné. Faut pas croire pourtant,
passĂ© un certain Ăąge, on sâhabitue presque Ă tout. Le mariage, la calvitie, les mauvaises rĂ©Ă©ditions des Stones (et Charden hein), bobonne qui veut plus parce quâelle met plus de tampon, Johnny en chaise roulanteâŠ
Ce matin lĂ , en me grattant lâentrejambe, je suis retombĂ© sur mon fils Brandon. Par hasard hein ; passĂ© un certain Ăąge on cherche aussi Ă Ă©viter sa descendance. Yâavait son futal descendu jusquâaux genoux (la mode, moi jây comprends plus rien depuis la fin du perfecto, ceux de mon ami Mourousi), le tĂ©lĂ©phone qui fait haut-parleur et ses albums de fiottes jouĂ©s par trois garçons coiffeurs de seconde zone.
« Comment ça sâappelle ce truc-lĂ , ouais lĂ , le truc avec des guitares de tarlouze pas branchĂ©es et la voix de canard passĂ©e au 220V. SOAN, tu dis ? »
PPDA annonçait la chute du communisme et Guy-Michel poussait fort pour ouvrir les portes dâun autre paradis, ah ah ah ! Cette nuit-lĂ , je lâavais limĂ© trĂšs fort la dĂ©mocratie, câĂ©tait une ex-groupie de TĂ©lĂ©phone devenue fan de Goldman sur le tard. LĂ aussi, jâaurais pourtant dĂ» me mĂ©fier, tous les signes Ă©taient au rouge, moi y compris. « On lâappellera comment sâil y a un accident ? Jâai oubliĂ© ma pilule » avait-elle criĂ©, sur la face B de Lou, en sueur. « Ce sera Brandon, en lâhonneur des amĂ©ricains », avais-je rĂ©pondu lâair trĂšs solennel, mi-sĂ©rieux mi-vidĂ© par tant dâĂ©motions.
How do you think it feels / when youâre speeding and lonely, come here baby / How do you think it feels / when all you can say is if only
(How do you think it feels, in Berlin)
Alors, aprĂšs Berlin, quoi ? Mon espoir sâĂ©tait simplement perdu au fond dâune impasse, dâun vagin, appelez ça comme vous voulez, ce serait la fin des doctrines, le dĂ©but des idĂ©es au logis : On aurait des enfants, des Ă©crans plus plats que nos femmes et des implants pour frimer dans les galeries marchandes en Ă©coutant U2. Ca rappelait la guerre, câĂ©tait dĂ©jà ça de gagnĂ©, pour nous les rĂ©formĂ©s du rockânâroll.
Comme tous les vieux empapaoutĂ©s de 68, jâai tout connu. De loin, bien sĂ»r. A chaque Ă©poque ou presque, des riffs, des filles et des guerres, parfois mĂȘme tout Ă la fois. Et sans payer. Oh bien sĂ»r, je vous lis dâici : « Quâest-ce quâil vient nous bassiner le vieux Guy-Michel, avec ses histoires dâanciens combattants et son bol de RicorĂ© qui refroidit ? ». Bande de jeunes cons, vous ĂȘtes tous des Brandon en puissance, dĂ©pourvus de combats et dâennemis. Pourtant, jusquâĂ votre naissance, la guerre câĂ©tait comme la moustache : honteuse, plus personne nâen voulait mais on la voyait partout. CâĂ©tait surtout lâassurance des lendemains meilleurs. Pendant trente ans, tout sâĂ©tait enchaĂźnĂ© aussi facilement quâune cystite Ă Woodstock, on y avait cru dur comme barre de fer Ă nos rĂ©volutions :
On avait vĂ©cu lâaprĂšs-guerre, VLAM, les dĂ©buts du rockânâroll, la crise de Cuba en 1962, HOP, le dĂ©but des Beatles, la guerre du Viet-Nam, ZWIM, câĂ©tait les Who Ă lâIsle de Wight (pour les copains, moi jâĂ©tais malade. Naturisme + Guy-Michel = bronchite aigĂŒe). Quoi, le choc pĂ©trolier de 1973 ? Ca donnait les New York Dolls pardi ! Pour les nostalgiques de la premiĂšre guerre en Afghanistan en 78 (contre les soviets, bang bang !), restaient les dĂ©buts du Disco et pour les autres⊠le punk. Les annĂ©es 80. Silence ou presque, dĂ©jĂ plus difficile de trouver une bataille, câĂ©tait le tressautement des fusils, plus personne nây croyait vraiment et Bowie jouait hĂ©las du synthĂ© pendant que je « libĂ©rais » les derniĂšres groupies du Palace. JusquâĂ ce maudit soir de 1989⊠Vous connaissez la fuite.
Mes derniers jeans trouĂ©s, ils datent de la derniĂšre vraie guerre, en 1991. Enfin, si seulement⊠Les dĂ©buts du grunge plutĂŽt, pour une poignĂ©e dâirakiens sans piste de dance, foi de Guy-Michel, avant le silence radio. La suite, vous la connaissez mieux que moi. Les annĂ©es du vide, vos annĂ©es zĂ©ro, un Boeing qui sâĂ©crase sur un malentendu, des remakes dâaffrontements qui nâexistent pas dans des pays dĂ©jĂ visitĂ©s et une tripotĂ©e de lopettes en jeans serrĂ©s avec une cuillĂšre dâargent coincĂ©e au fond du gosier. Alors ouais, une bonne guerre⊠Mais quâon ne parle plus jamais de tempĂ©rature. Souvent le soir, quand bobonne et Brandon sont au pieu, il mâarrive parfois de me relever pour remettre un vinyle sur la chaine, remettre quelques instants encore le doux son de la guerre froide sur les enceintes. Vingt ans plus tard, je comprends enfin, foi de rockeur, que le monde ne fut plus jamais pareil aprĂšs la chute du mur. Et surtout plus un seul bon album de Lou Reed. VoilĂ , en fait, la fin de la guerre froide, ça se rĂ©sume Ă cela :
plus jamais un seul disque potablede cette grosse feignasse
de Lou Reed.
Caught between the twisted stars the plotted lines the faulty map / that brought Columbus to New York / Betwixt between the East and west he calls / on her wearing a leather vest.(Romeo Had Juliet, in New York)
BAM. MĂȘme pas dix heures du matin et voilĂ Brandon avec sa premiĂšre trempe de la journĂ©e, direction les jupes plissĂ©es de sa vieille fripĂ©e. De mon temps au moins, ça cravachait Ă la ceinture, ça partait faire son service militaire, ça partait en
Indochine pour faire la... Bordel ! Jâavais tout compris dâun coup. « Les jeunes dâaujourdâhui, il leur manque surtout une bonne guerre », comme disait dĂ©jĂ mes vieux. Tout ça pour dire quâaprĂšs la torgnole au morveux, jâai repris un Temesta, le LSD des anciens yĂ©yĂ©s. Pour tout oublier.
NâempĂȘche. On pourra vous enfoncer toutes les bondieuseries du monde au fond du rectum, le meilleur ami de lâHomme, câest le vinyle. Plus prĂ©cis quâune femme, moins encombrant quâun chien, ça fait remonter le souvenir plus vite quâun album photo. Le gamin, on lâavait conçu en 1989, Ă la chute du Mur de Berlin, en Ă©coutant Lou Reed, justement. Cette fois-ci câĂ©tait New-York, comme un signe, dĂ©jĂ , que le monde avait changĂ©. Je me souviens trĂšs bien, on en avait parlĂ© avec les potes au studio de Bagnolet : « Incroyable le retour du LouLou hein, son meilleur album depuis Street Hassle ».
On lâavait mĂȘme passĂ© Ă notre gala de province pour la reformation de notre groupe, les Saint-Etienne Dolls. Bref. Cette soirĂ©e lĂ , le vinyle tournait en boucle, câĂ©tait dĂ©jĂ ma derniĂšre soirĂ©e dâhomme libre :
« Tiens prend-toi ça entre les jambes, tu la sens ma libertĂ© au fond de tes reins ? Et lĂ , tu lâaimes mon monde rĂ©unifiĂ© ? ».
Notre Ă©poque est une chrysalide qui Ă©volue, et maintenant que tout le monde baigne dans le pessimisme, jâai plus de plus en plus de plaisir Ă ĂȘtre 100% le contraire. La crise passera, la sociĂ©tĂ© se transforme Ă la vitesse de lâhumain, nous sommes dĂ©jĂ en gestation de la nouvelle. LâĂ©conomie qui sâĂ©croule ? Câest merveilleux,
Je fais confiance Ă lâĂȘtre humain, parce que je mâobserve, parce que je suis plein de bons sentiments, et que les rĂ©actions humaines comme la gĂ©nĂ©rositĂ©, la crĂ©ativitĂ©, lâamour, tout ce qui donnent espoir⊠tout cela existe. Pourquoi ne pas y croire ? Jâai dĂ©passĂ© lâart de lâabsurde, et cette histoire de fin de siĂšcle en malaise me semble totalement artificielle. Le temps est une notion crĂ©e par lâhomme, mais le temps nâexiste pas en dehors de nos consciences.
Lâhomme vit dans un dĂ©veloppement continuel, et les mouvements de contestation tels que le futurisme, tout en Ă©tant incontournables, restent marginaux et terriblement fasciste. Le futurisme reste un mouvement qui chante la guerre, tellement stupide que ses fondateurs partirent se faire tuer Ă la guerre ! Comme toutes les rĂ©volutions ont Ă©chouĂ©, il y a un changement collectif qui sâopĂšre en nous, nous nous dirigerons vers une communication mondiale et le mouvement collectif. Internet, le tĂ©lĂ©phone portable, toutes ces choses nouvelles datent du 21° siĂšcle, ce ne sont que des prolongements de notre dĂ©veloppement, nos mutations.
SURE REALISM
COMMENTDĂPASSER LE FUTURPAR ALEJANDRO JODOROWSKY
Etre positif au 21Ăšme siĂšcle, câest lâĂ©tat de rĂ©bellion avancĂ©.La vulgaritĂ©, dans le monde actuel, câest ĂȘtre nĂ©gatif.
Comme ma recherche de lâIncal voilĂ quarante ans, le livre portable, la tĂ©lĂ©pathie, et les nouveaux jeux vidĂ©os sauront guider vers lâillumination, Dieu appelle ces technologies les « impensables », le chemin vers la conscience universelle. Lâunivers est une entitĂ© qui pense, et nous, humains, avons Ă©tĂ© programmĂ© pour dĂ©velopper les techniques, les intĂ©grer Ă notre fonctionnement. Lâindividu est mortel, lâhumanitĂ© lui survit, et ces renouveaux, ne sont pas lâannonce dâun nouveau futur. Comme lâacte de psychomagie que je pratique, ce nâest pas dire la vĂ©ritĂ©, câest un art, pas un travail. Il aide les gens Ă se rĂ©aliser, les pousser vers leurs rĂ©alisations. Le guide va toujours devant, moi je pousse vers la rĂ©alisation.
Je ne vois pas le futur, je ne donne pas de conseils, ma voix câest de proposer des options. Lâesprit doit ĂȘtre dans un premier degrĂ© androgyne, puis dĂ©passer cette Ă©tape, atteindre le niveau de la conscience pure, Mais il ne faut pas confondre les corps, lâesprit est androgyne, mais le physique, lui, doit rester masculin ou fĂ©minin. Une sociĂ©tĂ© de transsexuels et dâandrogynes nâa pas dâavenir, alors que lâunivers, dans un sens, possĂšde paradoxalement une conscience qui dĂ©passe le problĂšme de la reproduction.
Comme le karatĂ©, la conscience a des degrĂ©s, des dĂ©veloppements majeurs de la technique reprĂ©sentĂ©s par des niveaux Ă dĂ©passer. Quand on arrive au sommet de la conscience, tout disparaĂźt, la sexualitĂ© avec. La pornographie, par exemple, nâest quâune partie de la relation humaine, ce nâest pas une relation complĂšte.
Lâapocalypse de St Jean nâest pas nĂ©gative, elle donnera Ă lâĂȘtre humain lâimmortalitĂ©. Il faut comprendre lâapocalypse comme lâarbre qui donnera lâimmortalitĂ© aux hommes, comme la rĂ©solution de la genĂšse biblique. Adam et Eve mangent les fruits de lâarbre de la connaissance, ils connaitront la mort, lâapocalypse est donc une mutation vers lâĂ©ternel, câest lâautre versant. Dans une Ă©poque religieuse, la musique suit, dans une Ă©poque rationnelle, la musique se joue sur sept notes, quand lâĂ©poque est spirituelle, on va vers du soufi, dans une Ă©poque sans valeurs, câest le disco, quand lâhumanitĂ© est angoissĂ©e, câest la musique actuelle, technologique.
La musique, les chansons, sont le reflet des Ă©poques, et lâĂ©tat de conscience de lâhomme lâamĂšnera simplement Ă dâautres musiques, le retour au divin dans le sens de conscience.
A travers les nouvelles technologies, nous devenons simultanément des méta-humains et des méta-idiots. La technologie offre tout cela à la fois. Les vrais mutants sauront contrÎler les débordements technologiques.
Lâavenir de lâhumanitĂ©, câest lâinteractivitĂ© artistique.
Pouvoir crĂ©er grĂące aux machines des musiques qui lui sont propres, chanter parfaitement lâopĂ©ra et « ĂȘtre » Edith Piaf Ă travers les machines. Il y aura des salons silencieux et 100.000 personnes danseront Ă leurs propres rythmes, sur leurs propres mĂ©lodies, dans le grand silence collectif. Câest la notion de public qui disparaitra, et si lâartiste ne peut mourir, il se rĂ©invente. Tout le monde sera artiste, et les gens se regrouperont par famille. Câest cela lâavenir ; un sentiment extrĂȘmement positif.
Alejandro Jodorowsky est essayiste, rĂ©alisateur, acteur, scĂ©nariste, poĂšte, auteur de bande dessinĂ©e, disciple dumime Marceau et expert en psychomagie. Quatre-vingts ans, dont cinquante de carriĂšre au compteur, et il reste lâun des piliers de la science-fiction du XXiĂšme siĂšcle. Vi-sion-naire.
PROPOS RECUEILLIS PAR BESTER L.
Tout ça remonte Ă loin, prĂšs de 30 ans, et la mĂ©-moire nâest pas infaillible, câest en partie quelque chose que nous construisons. Je ne peux donc ĂȘtre sĂ»r que ce que je dis lĂ est conforme aux choses telles quâelles se sont passĂ©es.
A ma sortie dâhĂŽpital jâessayais juste de mettre en forme les idĂ©es que jâavais accumulĂ©es durant ce sĂ©jour. Jâavais passĂ© presquâun an sans autre chose Ă faire que rester au lit et Ă©couter ce qui se passait dans ma tĂȘte. Au bout dâun moment jâavais fini par visualiser un ensemble. Ăa devait reprĂ©senter quarante minutes de musique. Je ne pouvais pas retenir plus. Je mâĂ©tais dit que ça pourrait faire un album. JâĂ©tais donc content de pouvoir me remettre au travail. Mon ambition Ă©tait des plus modestes : trouver le moyen de continuer Ă faire de la musique alors que je ne pouvais plus ĂȘtre batteur. A lâhĂŽpital, dĂšs que jâavais repris conscience, je lâavais dit aux musiciens « Je crois que vais rester lĂ un moment. Je ne vais pas pouvoir continuer Matching Mole. » La vie de groupe, les tournĂ©es, tout ça pour moi câĂ©tait fini. En un sens câĂ©tait libĂ©rateur, mais câĂ©tait une libertĂ© effrayante. Sans les musiciens de talent qui mâavaient accompagnĂ©, je nâĂ©tais pas sĂ»r de pouvoir refaire un disque.
Jâavais toujours fait partie dâun groupe. A mes dĂ©buts, dans les annĂ©es 60, avec un groupe local, nous reprenions des standards de pop, de country et de rythmânâblues pour faire danser les gens dans les bars. Jâessayais de chanter ça en y mettant ma patte. Des mecs comme Joe Cocker et Rod Stewart excellaient Ă ce jeu-lĂ . Sâappro-prier lâaccent amĂ©ricain et les voix viriles de Sam Cook et de Ray Charles, câĂ©tait vraiment leur truc. Moi pas. Jâavais un timbre trop androgyne et jâaimais trop les voix de femmes comme celles de Dionne Warwick et du label Motown. Il fallait que je trouve ma propre façon de chan-ter et de faire de la musique. Les alĂ©as de ma vie mâont poussĂ© dans ce sens. Au-jourdâhui ma musique nâest ni rock ni vraiment jazz et jâutilise ma voix comme un instrument. Ăa ne veut pas dire que la voix est un instrument comme les autres. La voix nâest pas un instrument comme les autres. Câest un instrument plus limitĂ© que les autres, mais câest le seul que tout le monde entende et que tout le monde sache jouer. A notre naissance, via notre mĂšre, câest mĂȘme notre contact privilĂ©giĂ© avec le monde. Tout ça en fait un instrument spĂ©cifique, qui implique certaines attentes et certaines responsabilitĂ©s.
Je ne me suis jamais considĂ©rĂ© comme un chanteur mais peu de temps avant mon accident, jâavais commencĂ© Ă dĂ©velopper ma propre idĂ©e de ce que je devais chanter. Ăa impliquait que je me mette au clavier et que je me considĂšre comme un compositeur-arrangeur malgrĂ© mes maigres compĂ©tences techniques. Avant de faire Ă©ventuellement appel Ă dâautres musiciens, je devais pou-voir retranscrire seul les atmosphĂšres que jâavais en tĂȘte. A lâĂ©poque je mâĂ©tais remis Ă composer, je travaillais sur le matĂ©riel censĂ© nourrir le troisiĂšme album de Matching Mole, jâavais des bouts, des liens entre les morceaux. Je frĂ©quentais Alfie depuis peu. Elle me disait quâelle aimait ce que je jouais depuis dix ans, mais quâelle trouvait ça trop dense, trop crispĂ©. Pour elle, jâavais tout Ă gagner Ă ralentir le tempo, simplifier les structures. Aller vers lâes-pace, vers la lumiĂšre. Elle mâavait offert un petit clavier. Câest la base du son de Rock Bottom. De mon cĂŽtĂ©, je mâĂ©tais lancĂ© dans des improvisations vocales avec des amis comme Gary Windo. Ce genre de chant se retrouve sur le disque.
Peu importe ce qui a Ă©tĂ© fait avant ou aprĂšs lâaccident. Peu importe que je sois en train de jouer du clavier Ă Venise auprĂšs dâAlfie ou clouĂ© sur mon lit dâhĂŽpital Ă rĂ©flĂ©chir et rĂȘver.
Lâalbum se situe sur un autre plan. Je ne dis pas que lâaccident nây est pour rien. En un sens, jâai eu de la chance dâĂȘtre allĂ© Ă lâhĂŽpital. Pendant prĂšs dâun an je nâavais eu aucune responsabilitĂ©. Je nâavais pas eu Ă chercher de travail, Ă me faire Ă manger, Ă payer de loyer. Ne pouvant plus marcher, je nâavais rien dâautre Ă faire quâĂ rester au lit et Ă©couter ce qui se passait dans ma tĂȘte. Curieusement, il y avait un piano dans la salle des visites. Elle Ă©tait constamment vide parce quâen toute logique les vi-siteurs restaient dans la chambre de leurs proches. Mais câest lĂ que jâai composĂ© tous les passages de piano de Rock Bottom. Les paroles, elles, ont au-tant Ă©tĂ© Ă©crites avant quâaprĂšs lâaccident. Elles nâen dĂ©coulent pas. Souvent les mots nây ont dâailleurs aucun sens prĂ©cis. Je me suis juste projetĂ© dans lâespace que jâavais en tĂȘte, jâai chantĂ© et câest ce qui est sorti.
Le 1er juin 1973, lâesprit chantant des cymbales de Soft Machine et de Matching Mole fait une chute de quatre Ă©tages qui le laisse paraplĂ©gique ad vitam. Six mois avant câĂ©tait un amant transi vĂ©nitien ; un an plus tard ce sera lâauteur du monument progressif Rock Bottom.
ROCKBOTTOM LâESPACE DU DEDANS PAR ROBERT WYATT PROPOS RECUEILLIS PAR SYLVAIN FESSON, AVEC LâAIDE DE BERTRAND BURGALAT
A lâĂ©poque de sa sortie Alfie lâignorait ; elle ne savait mĂȘme pas que Sea Song parlait dâelle. Elle pensait que ça parlait de choses plus abstraites. En un sens câĂ©tait vrai, mais câĂ©tait surtout une description dâelle et de ce que ça signifie de vivre avec une femme. Câest un immense privilĂšge. Leur sang est liĂ© avec la lune et la mer. Comme elles, elles ont des cycles qui les affec-tent. Ce nâest pas un scoop de le dire. Dâailleurs beau-coup de clichĂ©s ont dĂ©jĂ Ă©tĂ© Ă©crits Ă ce sujet. Mais Sea Song en remettait une couche ! Tout ça pour dire que ce nâest pas parce quâon aime quelquâun au point de former cet animal quâon appelle « un couple » quâon sait tout de lui. Notre partenaire peut traverser des choses dont on nâa pas idĂ©e, ne serait-ce parce quâelle a son propre espace, ses pensĂ©es. Câest quelque chose quâil ne faut pas lâoublier.
Pour la pochette de Rock Bottom, Alfie â qui rĂ©a-lise seule lâartwork de mes disques â voulait quelque chose de sobre pour prendre le contre-pied de tous ces disques psychĂ©dĂ©liques et colorĂ©s qui envahissaient les bacs Ă lâĂ©poque. Elle sâĂ©tait mise en tĂȘte de faire une image nostalgique, Ă©voquer ces souvenirs issus de lâenfance qui incarnent une certaine conception du bonheur, de lâinnocence, ce genre de choses archaĂŻques qui restent dans lâinconscient collectif. Le dessin du Steam Ship en est une par exemple. Câest un gros bateau Ă vapeur, ça ne se fait plus aujourdâhui.
Alfie a eu lâidĂ©e de deux enfants qui jouent sur la plage, dâune fille et dâun garçon qui passent un moment comme ça, isolĂ©s.
Elle a aussi dessinĂ© des reproductions de dessins de flore sous-marine. Elle avait trouvĂ© ça dans de vieux livres de sciences naturelles. CâĂ©tait des ouvrages
Pendant la fin de lâenregistrement â qui a surtout eu lieu au studio The Manor de Richard Branson â Mike Oldfield Ă©tait souvent lĂ . Le gros son Ă base de gui-tares et de claviers de la derniĂšre partie du disque, câest son idĂ©e. Je nây avais pas pensĂ© car je ne suis pas portĂ© sur instruments Ă©lectriques, je prĂ©fĂšre les acoustiques. Câest en partie pour ça que jâĂ©coute peu de rock. Aujourdâhui je nâĂ©coute quasiment pas de musique chantĂ©e.
Le chant quâon entend sur le dernier morceau du disque est dâIvor Cutler, un poĂšte Ă©cossais qui venait nous voir jouer presque tous les week-ends du temps de Matching Mole, et qui montait souvent sur scĂšne pour rĂ©citer ses poĂšmes sur fond dâharmonium. Sa participation Ă Rock Bottom est un hasard. Il avait une voix trĂšs particuliĂšre. Je ne mâĂ©tais pas prĂ©occupĂ© de savoir si la mienne convenait au texte que jâavais Ă©cris, je lui ai demandĂ© de le lire et comme ça rendait bien jâai laissĂ© sa voix. Du coup je nây chante rien, mais ce nâest pas grave. Je me fichais que ce soit ma voix ou pas, je voulais juste retrouver le son que jâavais en tĂȘte. Le transport. Je ne pense pas mâen ĂȘtre Ă©loignĂ©. Enfin je dis ça, je nâai vraiment su ce qui mâhabitait que le jour oĂč jâai commencĂ© lâenregistrement avec les musiciens.
Il y a environ deux ans sur son album intitulĂ© The Bairns, le groupe folk de Rachel Unthank, The Winter-set, a repris Sea Song. Leur version est plus sobre que la mienne, mais trĂšs belle. Quand je lâai entendue je me suis souvenu que câĂ©tait plus ça que jâavais ini-tialement en tĂȘte. Le solo de la pianiste est vraiment trĂšs proche de ce que je souhaitais atteindre. Le mien est complĂštement parti ailleurs une fois que je lâai enregistrĂ©. Lâimprovisation vocale de la fin, les sons bizarres, la production de Nick Mason, tout ça sâest ra-joutĂ© en studio, mais si Rock Bottom avait dĂ» ĂȘtre un vrai album solo, Sea Song aurait plutĂŽt sonnĂ© comme ce quâen a fait Rachel Unthank.
Sea Song est la premiĂšre plagede Rock Bottom.
T.S. Eliot a dit une belle chose. Il a dit que ses lec-teurs comprennent sans doute mieux ses poĂšmes que lui-mĂȘme. Je vois trĂšs bien ce quâil veut dire : quand jâĂ©coute de la musique, par exemple celle de Duke Ellington ou de Charles Mingus, je sais parfaitement ce quâelle signifie pour moi, mais je nâai aucun moyen de dire si câest ce que le type avait en tĂȘte. Ce que lâar-tiste vise et ce que les gens voient dans son Ćuvre sont deux choses diffĂ©rentes. De toute façon je ne crois pas que la musique parle de tristesse ou de bonheur, de so-leil ou de ciel gris. Câest comme se dire « De quoi parle une fleur ? » Penser la musique en ces termes peut donc dĂ©tourner de sa vraie nature, de ce quâelle a Ă offrir. Je pense que ma musique Ă©chappe Ă ces critĂšres mĂ©tĂ©orologiques simplistes. Nos Ă©tats dâĂąmes aussi. Ils sont plus complexes. Alors bien sĂ»r, parfois ils se radi-calisent, câest notamment le cas lorsque nous sommes dĂ©primĂ©s. Mais moi, quand je le suis je nâarrive Ă rien. Si je finis un morceau et quâil se retrouve sur disque, ça veut donc dire que je me sentais plutĂŽt bien quand je lâai Ă©crit et confiant quand je suis sorti de studio.
Une fois que jâai eu toute la matiĂšre â six morceaux et pas un de plus si mes souvenirs sont bons â jâai voulu accueillir dâautres couleurs.
Sur certains morceaux je ne me sentais par exemple pas capable de jouer telles parties de basse, et encore moins de la trompette. Et, autant sur certains mor-ceaux je pouvais me contenter de mes propres per-cussions, autant sur dâautres je voyais bien que jâavais besoin dâun autre batteur. Pendant lâenregistrement, jâai donc fait appel Ă des musiciens en fonction des be-soins spĂ©cifiques de chaque chanson. CâĂ©tait la bonne mĂ©thode de travail. Jâai tour Ă tour sollicitĂ© les ser-vices de Gary Windo Ă la clarinette et au sax tĂ©nor, de Montgezi Feza aux trompettes, dâHugh Hopper et de Richard Sinclair Ă la basse et de Laurie Allan Ă la bat-terie. Dâautres contributions sont plus accidentelles, notamment celle Mike Oldfield et dâIvor Cutler.
datant des dĂ©buts de la rĂ©volution industrielle. Ils parlaient dâun monde oĂč la nature avait plus de place dans la vie des gens, oĂč la photographie nâexistait pas encore. Ils montraient donc de beaux dessins dâoiseaux, dâarbres, de plantes. On en achetait plein. Surtout ceux qui parlaient de dĂ©couverte de la vie sous-marine. Les gens rĂȘvent souvent de voyage dans lâespace, de rencontres extraterrestres, mais en un sens pour nous cette vie sous-marine a toujours Ă©tĂ© plus fascinante. Cette autre forme de vie, on est sĂ»r quâelle existe. Au fond des mers de notre planĂšte vivent vraiment des ĂȘtres qui nâont plus rien de com-mun avec les poissons et tous les autres animaux que nous connaissons. On ne peut juste pas la voir ! Enfin maintenant on peut car nos instruments ont atteint ces zones de pressions mortelles et ramener des pho-tos, mais ça reste du domaine de lâincroyable.
Cette vie sous-marine mâa toujours Ă©voquĂ© ces autres mondes quâon a en tĂȘte et qui resurgissent parfois lorsquâon crĂ©e. Ce nâest quâune mĂ©taphore mais la vie vient des ocĂ©ans. Nous sommes que des crĂ©atures aquatiques qui tentent de vivre sur terre. Je crois que câest ce genre de livres qui mâa donnĂ© lâidĂ©e dâappeler ce disque Rock Bottom.
Je ne pensais pas que cet album aurait un pu-blic. Quand je lâai fini, comme Ă chaque fois que je fini un disque, je me suis dit « Ăa y est, la source sâest tarie, je suis cuit ». JâĂ©tais donc heureux que les gens lâaiment. En France, on mâa mĂȘme dĂ©cernĂ© un prix spĂ©cial, le Prix Charles Cros que je suis allĂ© recevoir Ă Paris. Ăa mâa rĂ©confortĂ© de voir quâon acceptait ma nouvelle façon de travailler.
Un jour, des annĂ©es aprĂšs sa sortie, Rock Bot-tom a Ă©tĂ© rĂ©Ă©ditĂ©. Alfie a alors pensĂ© que lâartwork nâĂ©tait plus en phase avec lâĂ©poque. Elle a eu une nouvelle idĂ©e. Elle a fait une peinture trĂšs colorĂ©e qui met lâaccent sur les enfants quâon voyait dans lâar-riĂšre plan de la premiĂšre pochette. Je crois que lâidĂ©e lui a inconsciemment Ă©tĂ© soufflĂ©e par la rĂ©vĂ©lation du sens de Sea Song. Quelque part, cette femme et cet homme qui rejoignent la flore sous-marine, câest nous.
ARCHIPELDans les années 80, le rock alternatif était à la province, ce
que le zouk est aux ßles. Une bande-son, un folklore. « Le monde est une vraie porcherie/ Les hommes se comportent
comme des porcs ! », bienvenue à Vesoul, Laval, Montpellier, Roubaix, Carpentras⊠Aloha !
Dans lâarchipel de Saint-Ătienne, il Ă©tait hors de question de contourner les BĂ©ruriers Noirs, Ludwig Von 88, Parkinson Square, Washington Dead Cats, OTH,
les Sheriffs, Mano Negra, Los Carayos, Les Rats ou les Garçons Bouchers⊠Et, finalement, tant mieux. Sans eux, nous Ă©tions bons pour Uzeb Ă la MJC, des groupes de quarantenaires du cru, les tĂȘtes dâaffiches de la variĂ©tĂ© « qualitĂ©
France » ou, pire que tout, les troupes de théùtre.
Les groupes alternatifs montaient des labels avec une volontĂ© dâacier, Ă©cumaient le moindre coin de France pour se faire entendre. Cet acharnement Ă©tait leur
force et leur immense mĂ©rite. Aujourdâhui, le Velvet et Coltrane sâĂ©coutent Ă 15 ans et il est de bon ton de railler cette scĂšne. Mais chaque adolescent provincial
des 80âs le sait bien, au fond : il a une dette envers ces groupes. On peut tordre le nez et lever le petit doigt en se remĂ©morant les salles dĂ©gueulasses, les sonos de
bal, les stands anarchistes, les bandes de punks à chiens et les Doc Martens basses mais tout cela a sauvé pas mal de nuits. RéguliÚrement, une baston concluait la
soirĂ©e. On revenait sourds, on avait eu les foies, merci mon DieuâŠCâĂ©tait aussi une pĂ©riode un peu schizophrĂšne. Les playlists du jour ne
correspondaient pas forcĂ©ment Ă celles de la nuit. Tomber en arrĂȘt Ă lâĂ©coute de The world wonât listen des Smiths, le faire tourner des heures durant avant dâaller voir Les Rats le soir mĂȘme nĂ©cessitait une maĂźtrise certaine du grand Ă©cart. Il ne
fallait pas y penser plus que ça et, de toute façon, Morrissey semblait Ă©prouver quelques difficultĂ©s Ă situer Saint-Ătienne sur une carte. Et puis Les Rats ne
lisaient peut-ĂȘtre pas Oscar Wilde avec un bouquet de fleurs dans les fesses mais ils ne jouaient pas Ă lâĂ©conomie. GlaĂŻeuls contre glaviots ? CâĂ©tait tranchĂ©.
Mieux vaut un vendredi soir dans une salle de concert quâĂ la table familiale. Non ?
MOELLONS- Parabellum joue samedi, on se retrouve devant ?- Ils sont avec qui ? - Je sais pas, on verra.
Vers 1988, lâenthousiasme sâĂ©moussait. Revoir Parabellum pour la cinquiĂšme ou sixiĂšme fois, forcĂ©ment⊠Mais le permis de conduire Ă©tait encore loin et les boĂźtes de nuits ne constituaient mĂȘme pas une option (« je te jure, ils passent U2, ils dansent sur cette merde ! Ils lĂšvent les bras et tout⊠»). Alors, Parabellum, one more time, pourquoi pas ?
A tout seigneur, tout honneur, ils jouaient en dernier. Il fallait donc sâenvoyer dâabord 45 minutes de percussions africaines, accompagnĂ©es de danses tribales. Insupportables, mĂȘme Ă©coutĂ©es de lâextĂ©rieur, Ă travers les couches de bĂ©ton. Il faisait beau, la fin dâaprĂšs-midi sâĂ©tirait et le soleil descendait derriĂšre un panneau de basket. « Panier » a murmurĂ© Jean-François, une fois le soir tombĂ©, en essayant de retenir la bouffĂ©e du jointencore quelques secondes.
- Ces trous du cul de percus de merde ont jouĂ© de jour, mĂȘme pas eu lâidĂ©e dâattendre⊠Vraiment de gros nazes. - Câest qui aprĂšs ?- Les Thugs.
Je connaissais. Un certain Sylvain mâavait passĂ© un maxi, intitulĂ© Dirty white race et mĂȘme un album Ă la pochette rouge et jaune. Jâavais rapidement classĂ© ça dans la catĂ©gorie « hardcore », sans doute parce que câĂ©tait lâappartenance officielle du Sylvain en question. Il devait ranger les disques que je lui prĂȘtais dans la case « pop, trop mĂ©lodique, un peu pĂ©dĂ© » puisque je dĂ©fendais les Smiths en public.
- Bon on va voir ce que ça donne ? Ca ne peut pas ĂȘtre pire. Nous avons regagnĂ© la salle en montrant le coup de tampon sur nos poignets Ă un type au crĂąne rasĂ©, en grande discussion sur le « straight edge » avec un punk en fauteuil roulant. Un vendredi soir, un de plus. Il allait pourtant ĂȘtre le dernier de son espĂšce.
Ce concert a fait voler en Ă©clats quatre ou cinq ans â sans doute beaucoup plus, en rĂ©alitĂ© â dâhabitudes, de prudence, de fainĂ©antise prĂ©coce. Les Thugs nâĂ©taient pas du tout impressionnants au moment de monter sur scĂšne, en t-shirts et mĂȘme pour lâun dâentre eux en bas de survĂȘtement je crois. Aujourdâhui, ce dĂ©tail me fait lâeffet dâune ruse pour bĂ©nĂ©ficier de lâeffet de surprise.
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PAR
SYD
CHAR
LUS
Le premier accord, la premiĂšre seconde a tout balayĂ©. Un bloc, un rĂ©acteur dâavion, que sais-je⊠aucune comparaison ne rendrait justice aux son des Thugs sur scĂšne. Je me souviens tout de mĂȘme avoir pensĂ© Ă une muraille de moellons, grise, dure, rĂȘche qui surgissait devant moi et sâĂ©levait avec le morceau. Et le plus beau, câest que lâon entendait tout dans cette dĂ©flagration, mĂȘme les fameux choeurs noyĂ©s dans la rĂ©verb. Plus vite, plus fort, mieux. Un style, un vrai, de ceux que lâon ne peut approcher quâen les imitant grossiĂšrement. JâĂ©tais un peu Ă©tonnĂ© dâentendre ce son dans ma ville dâenfance comme sâil ne convenait pas au climat, un orage inattendu, « yâa plus de saison, on ne sait plus comment sâhabiller, on vient pour un Parabellum des familles et voila ce qui nous tombe dessus. »
A la fin du premier morceau, le « Bonsoir, on sâappelle les Thugs et on vient dâAngers » de rigueur, puis le titre du suivant. Et de nouveau, la raclĂ©e, Ă fond. Leur musique Ă©tait tellement radicale, Ă part, quâelle sonnait forcĂ©ment comme un point final. Il fallait abandonner quelques excĂ©dents de bagages pour suivre ces types.
Quand Schultz, le chanteur de Parabellum, est arrivĂ© plus tard sur scĂšne, jâai vu quâil Ă©tait ĂągĂ©. Pour la premiĂšre fois en six concerts, jâai rĂ©alisĂ© que nous nâĂ©tions pas nĂ©s la mĂȘme annĂ©e, pas du tout. Il a dĂ» dire quelques mots sympathiques que jâai trouvĂ©s dĂ©placĂ©s, vaguement gĂȘnants, comme pour un oncle avec un verre de trop dans le nez. Quand le groupe a attaquĂ©, je tapais du pied deux fois plus vite que leur tempo, encore au rythme des Thugs. Lâimpression dâĂ©couter un bĂšgue, de patienter poliment pour que ça sorte. Leurs guitares Ă©voquaient dĂ©sormais Status Quo, plus lâombre dâun doute. Un Status Quo bĂšgue...
Les grandes ruptures « de sociĂ©tĂ© » ne sont connues quâĂ posteriori, recousues dans le bon ordre par des historiens officiels. Les seules « rĂ©volutions » que lâon peut comprendre dans lâinstant sont personnelles, circonscrites Ă un crĂąne et une existence. Je venais de vivre, tout Ă fait consciemment, en direct, les yeux grands ouverts, un changement dâĂ©poque, une rupture tectonique. Ce sĂ©isme nâavait vrombi que sous mes semelles de Converse mais je nâen avais pas manquĂ© une miette. Je savais quâil y aurait un aprĂšs diffĂ©rent, des lendemains autres, jâĂ©tais une manif Ă©tudiante Ă moi tout seul, sans affiche ni slogan, simplement accompagnĂ© dâun mur de guitare dans la tĂȘte. Aujourdâhui encore, je pense quâil ne peut rien arriver de mieux Ă un jeune type. Les foules sont bonnes pour se dĂ©fouler ou se fondre, certainement pas pour prendre une dĂ©cision et tenter de sây tenir. Militants, engagĂ©s, Les Thugs dĂ©testeraient sans doute cette morale individualiste. Mais on ne contrĂŽle pas les ravages des sĂ©ismes que lâon dĂ©clenche. Quand Parabellum a attaquĂ© le deuxiĂšme morceau, jâĂ©tais parti.
GRANDâRUE 1 â Monter absolument un groupe. Quoiquâil arrive. Sortir une dĂ©mo le plus vite possible. Faire des concerts aussi. 2 â Chanter en anglais. Ce nâest pas un problĂšme, les Thugs le font.3 â Acheter, Ă©couter encore plus de disques. ProblĂšmes de budget Ă rĂ©gler. PossibilitĂ© de vendre les Supertramp de ma sĆur et mes Parabellum.3bis â Accepter sâil le faut ce job dâĂ©tĂ© de merde. »
Saint-Ătienne est une ville pratique pour qui veut rĂ©flĂ©chir en marchant. La « grandârue », une interminable avenue, rythmĂ©e par les stations de tramway, relie les deux extrĂ©mitĂ©s de la ville sans le moindre virage. Pour les grandes dĂ©cisions, les mises Ă plat et les soirs de tabula rasa, on descend gĂ©nĂ©ralement la totalitĂ© de la rue sans mĂȘme sâen rendre compte.
4 â ArrĂȘter ces conneries de dilemme pop/pas pop, typique des alternos. MĂ©lodie avant tout.5 â Ne plus aller voir les concerts de groupe que lâon aime plus, simplement par habitude. Se dĂ©merder autrement. RĂ©pĂ©ter Ă la place.6 â En finir avec ce complexe de lunettes. Voir chanteur des Thugs.6bis â Ne plus sâexcuser pour tout et rien. En finir avec la modestie obligatoire. »
CâĂ©tait bon de dĂ©valer la « grandârue » pour autre chose quâun problĂšmede fille. Je ne chĂŽmais pas, il y avait du pain sur la planche et pas mal de temps dĂ©jĂ perdu. Allez ! Au pas de charge, au rythme des Thugs. Jâai dĂ» ensuite les voir une dizaine de fois sur scĂšne, attendant Ă chaque fois
quâils dĂ©vastent Little Veraâs song, ce titre qui me flanque le frisson simplement en lâĂ©crivant. Un soir, Ă Londres, ils ont mis une dĂ©culottĂ©e Ă Sonic Youth. Les new-yorkais vĂ©nĂ©rĂ©s ont vĂ©cu quelques minutes dans la peau de Parabellum.
7 â Quoiquâil arrive, ne pas moisir ici. Lyon, dans un premier temps. Paris, aprĂšs ? A voir.7bis â LâĂ©chec, le seul impardonnable, ce serait de rester et de revoir un concert de Parabellum. »
Pour tirer les choses au clair, Paris est tout de mĂȘme moins bien fichue que Saint-Ătienne et son artĂšre rectiligne. Mais qui vient ici pour rĂ©flĂ©chir ? On attend au contraire que cette ville tranche et dĂ©cide. Les sous-prĂ©fectures ne manquent pas pour se forger patiemment une opinion sur le monde avant de fumer la pipe. Paris a toujours eu le dernier mot sans tenir compte de mes principes, sans jamais Ă©couter mes peurs venues des lotissements de province, cette pondĂ©ration innĂ©e que la classe moyenne transmet comme un patrimoine immobilier.
Le concert parisien de lâultime tournĂ©e des Thugs, la der des ders, vient de se terminer. Les lumiĂšres se rallument sur les anciens combattants de lâalternatif et quelques fans de noisy-pop, dâindie-rock dĂ©garnis. Le boulevard sâapprĂȘte Ă nous aspirer pour dissoudre 15 ans dâhistoire avec les Thugs, passer Ă autre chose.
Ils Ă©taient bons, encore. Ils ont mĂȘme jouĂ© Brand new Cadillac, preuve de leur classe intacte. Le sol ne sâest pas ouvert une deuxiĂšme fois mais les ondes de la premiĂšre secousse se sont faitsentir. Je traverse Pigalle en snobant SacrĂ© CĆur et Sexodrome, avec le souvenir dâune salle des fĂȘtes stĂ©phanoise en tĂȘte. Touristes nordiques, AmĂ©ricaines parfumĂ©es devant le Moulin rouge, rabatteurs de peep-show, mateurs, vendeurs de kebabs⊠tous semblent au ralenti. Ce soir, Paris piĂ©tine devant moi. Slalom, esquive, insultes retenues de justesse, je cavale sans mĂȘme mâen rendre compte. Au galop, la tĂȘte encombrĂ©e et le regard vide.Encore au rythme des Thugs.
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ET MAINTENANTUNE BD DĂCALĂEET LĂGĂREMENTCORROSIVEPOUR REPOSERVOS YEUXPAR DAV GUEDIN
Roy Sullivan, garde forestier amĂ©ricain, a Ă©tĂ© frappĂ© par la foudre Ă sept reprises entre 1942 et 1972. Sâil a perdu Ă chaque dĂ©charge cĂ©leste quelques membres et couches dâĂ©piderme, se pelant peu Ă peu tel un oignon humain, Roy a nĂ©anmoins Ă©chappĂ© Ă la mort Ă chaque coup. Mais plus que tout, Roy est devenu un exemple, un ĂȘtre INCROYABLE rĂ©vĂ©lĂ© par sa malchance. De la fĂȘlure «approved by Guinness» viendra lâhumanité⊠Il mĂ©rite bien cette belle entrĂ©e dans le classement du Guiness World Records. Bravo, on lâapplaudit bien fort !
Des chiens qui font du skate, des portables qui convertissent le maĂŻs en pop corn : lâincroyable est devenu banal, se dissimulant Ă tous les coins de fenĂȘtre Youtube. Heureusement, il existe encore un livre balayant dâun coup sec toutes ces pignolades numĂ©riques : Le Guinness Book des Records, LE GUIDE DE LâEXTRAORDINAIRE. Je vois des sceptiques dans lâassistance, pas de problĂšme, lâobjet est accompagnĂ© dâun sympathique argumentaire : 55 annĂ©es Ă recenser les exploits aux quatre coins du monde, en Ă peu prĂšs 40 000 notices attestant dâun Guinness World Record (GWR), et ce pour 3 millions de lecteurs avertis. OK les gars ? Vous en dâmandez encore?
CĂŽtĂ© contenu, le livre parvient encore Ă tenir en haleine le plus difficile des curieux puisquâil donne accĂšs Ă un univers, euh, totalement remarquable, oscillant entre Jeune et Jolie et Modes et Travaux. Entre le record du plus grand poil de barbe de femme (27,9cm tout de mĂȘme) et celui de la plus grande pizza du monde. Dans un monde oĂč tout se calcule, le tĂ©ton-objectif pointant toujours plus vers le risque zĂ©ro, lâinsolite et le hasard ont cependant Ă©tĂ© priĂ©s de plier bagage au fil des Ă©ditions du Guinness. Suivant la tendance sociĂ©tale, les performances se sont ainsi fragmentĂ©es en de multiples variantes, abusivement hĂ©tĂ©roclites. Prends ça dans ta gueule, la fĂȘlure «approved by Guinness»...
Pour comprendre, quoi de mieux quâune grande question existentielle : qui est lâhommele plus fort du monde ?
Guinness nâest pas une biĂšre. Câest le whoâs who des anonymes qui repoussent encore et
toujours les limites de lâabsurde. Parce quâun homme de 2m30 est parfois moins important
que la plus grosse paire de seins du monde, le Guinness Book of World Records sâĂ©rige en Barnum des temps modernes, aux monstres
chaque jour plus effrayants.
GUINNESS
BOOKDESREC
ORDSTOUJOURS PLUS HAUT, TOUJOURS PLUS FORT, TOUJOURS PLUS VAIN !
PAR CLĂMENT SAKRI
Le livre dit : tout dĂ©pend de la puissance de votre membre⊠Car en effet, le record de « poids soulevĂ© » se dĂ©cline sous plusieurs formes : par la barbe, par le cou, par lâauriculaire, par lâoreille, les orbites et la tĂȘte, alouette [1]. Sans compter les monomaniaques des dents : les Ă©diteurs du Guinness essaient mĂȘme de nous refourguer une camelote similaire sous plusieurs formes. Deux notices-doublons « record de poids soulevĂ© avec les dents » sont ainsi prĂ©sentes Ă la page 93 et 96 de lâĂ©dition 2009 ! Des performances qui peuvent ĂȘtre confrontĂ©es au « sprint de 10m le plus rapide avec une table et une charge portĂ©es avec la bouche [2] » ainsi quâau « record de bancs portĂ©s avec les dents ».
Quelle est la performance la plus louable ? Un frigo est-il plus dur Ă soulever quâune table ? Est-ce la mĂąchoire qui porte ou les dents ? Se fout-on de notre gueule ? Un juge Guinness, dans son costard flambant neuf, vous rĂ©pondra que non, il nâest pas question de « record de poids soulevĂ© avec les dents », mais du « record de nombre de bancs soulevĂ©s avec les dents ». Certes...
A ce compte-lĂ , la mise en abime proposĂ©e par le Guinness se rĂ©vĂšle vertigineuse, quitte Ă nous faire bouffer du mot « record » Ă toutes les sauces. Et câest ainsi quâentre en scĂšne Ashrita Furman, lâhomme au plus grand nombre de records du Records Guinness ! Non content du record de la plus longue distance parcourue en pogo-stick[3], du plus grand nombre de verres tenus en Ă©quilibre sur le menton, du plus grand nombre de marelles en 24 heures et de lâascension la plus rapide de la tour CN (Ă Toronto, haute de 553,33 mĂštres) en pogo-stick (encore), il dĂ©tient 183 records GWR, dont 76 toujours inĂ©galĂ©s.
Bon sang⊠Il a raison ! La rupture opĂ©rĂ©e par le Guinness dans les annĂ©es 2000 doit perdurer et aller plus loin. La spĂ©cialisation croissante de la dĂ©funte rubrique Insolite laisse entrevoir la dĂ©mocratisation de la devise « Toujours plus loin, toujours plus haut, toujours plus fort ». Les portes de la perception sâouvrent ainsi, avec notamment lâĂ©ventualitĂ© de cross-overs toujours plus nombreux. Les DJâs et la salade niçoise ont montrĂ© la voie : lâavenir se trouve dans la fusion des genres.
Ă grands renforts de complĂ©ments grammaticaux â et une fois sautĂ©e la limite posĂ©e par le S.E.X.E. â le Guinness Book pourrait bientĂŽt compter les performances suivantes : - La plus longue barbe du plus gros porteur du virus du Sida - Le paraplĂ©gique le plus rapide en fauteuil en cabrant sur 100 mĂštres - La plus grosse rĂ©duction mammaire pour une mĂ©nopausĂ©e - Le nain lançant le plus de frigos en une minute- Le poids le plus lourd soulevĂ© avec les dents en sautant en pogo-stick- Le plus de ballons de foot Ă©clatĂ©s par un marteau-piqueur - Le cercueil le plus gros jamais fabriquĂ© par des aveugles - ...
Cette liste est tout bonnement dĂ©mocratique, quantifiable, pas dangereuse pour un sou et rĂ©pond aux critĂšres posĂ©s par la vĂ©nĂ©rable institution britannique⊠De quoi guider le peuple vers les horizons les plus rĂ©jouissants : suivant ce principe « un record pour tous », chaque ĂȘtre sur Terre pourra inscrire son nom dans une notice du Guinness Book des Records. Noirs ou blancs, valides ou invalides, hommes ou femmes, riches ou pauvres, jeunes ou vieux, Ă roulettes ou en pogo stick.Immortels, nous serons immortels, tels 300 Spartiates dĂ©glinguant des milliers de Perses, plongeant avec allĂ©gresse dans un puits sans fond de gloire warholienneâŠ
Et ce puits sâappelle Guinness.
[1] En marseillais dans le texte : signifie « avoir peur »⊠[2] Et toujours pas de portĂ© par le phallus... Plus globalement, Guinness rejette toute allusion aux « membres » reproducteurs, y compris dans la section « Poils et cheveux ». A la page 26 de lâĂ©dition 2009, il y a bien la plus grande lunette astronomique qui sâĂ©rigĂ© fiĂšrement tel un gros pĂ©nis bionique, mais bon⊠[3] On le voit sur la photo, la charge est en fait une femme : cette notice est donc un brin misogyne. [4] Une sorte de pompe Ă vĂ©lo sur ressort, permettant de sauter tel un vif kangourou.
[1] En marseillais dans le texte : signifie « avoir peur »⊠[2] Et toujours pas de portĂ© par le phallus... Plus globalement, Guinness rejette toute allusion aux « membres » reproducteurs, y compris dans la section « Poils et cheveux ». A la page 26 de lâĂ©dition 2009, il y a bien la plus grande lunette astronomique qui sâĂ©rigĂ© fiĂšrement tel un gros pĂ©nis bionique, mais bon⊠[3] On le voit sur la photo, la charge est en fait une femme : cette notice est donc un brin misogyne. [4] Une sorte de pompe Ă vĂ©lo sur ressort, permettant de sauter tel un vif kangourou.
Et PogoStickMan sâen rĂ©jouit : « Bizarre ? Pour vous peut-ĂȘtre. Mais pour moi, ça dĂ©montre bien les capacitĂ©s illimitĂ©es de lâesprit humain. »
Faire du sport, manger des lĂ©gumes, boire de lâeau minĂ©rale. Aller voir mamie Ă lâhospice, regarder les remakes dâĂ©missions dĂ©jĂ ringardes dans les annĂ©es 1980 prĂ©sentĂ©es par des types qui ont ratĂ© leur vocation de VRP. Sâaffaler dans son canapĂ© rose saumon achetĂ© chez La FoirâFouille un dimanche de pluie, Ă©couter les gouttes rĂ©sonner contre la vitre en rythme sur le dernier des cĂ©dĂ©s des EnfoirĂ©s. Perdre ses pupilles dans le reflet dâune vie sans relief. Sâen griller une, et envier les volutes de fumĂ©e qui sâenvolent, libres dans lâair.
ArrĂȘte de rĂȘvasser, Philippe. Ta tĂ©lĂ©, ta femme et ton chat persan tâaccusent du regard. Tâavais raccrochĂ© depuis un quart de siĂšcle. Les Camel et les dents jaunes, câest rien quâun vestige de ta jeunesse. Quand, au lycĂ©e, ton prof de philo vous encourageait Ă suivre ses thĂ©ories au son des cigarettes quâon allume. Barbu et imbu, maoĂŻste et individualiste, fumiste et hĂ©doniste ; le seul instant de bravoure de ce pauvre connard câĂ©tait dâavoir osĂ© â quand ses hormones se sont affolĂ©es et ses neurones lâont dĂ©mangĂ© â Ă prendre la parole en amphi un jour de mai, une annĂ©e en huit. Il pensait changer les hommes en leur enseignant la libertĂ©, mais câĂ©tait sans compter quâil passait aprĂšs Dylan (lâautre chevelu lĂ , qui raconte des trucs pas clairs, tu tâes ressorti Blood On The Tracks lors du dernier bouchon sur le pĂ©riphâ). A la libertĂ© en microsillon, tâavais rajoutĂ© le style. Parce que tous mariaient les tiges blanches incandescentes aux Wayfarers, aux Richelieu, aux regards hallucinĂ©s typiques des Mods. Tâas fait les 400 coups avant dâaller travailler chez Truffaut, tâas tentĂ© de ressembler Ă Keith Richards avant dâimiter Lecanuet, tâas mĂȘme rĂ©citĂ© les paroles dâInitials B.B. Ă ton premier flirt.
Et puis tâas rencontrĂ© Sylvianne.
JAUNE POUMONLE GRAND TABAC SCHISME PAR VIC VEGA
Aujourdâhui, Sylvianne, câest une vraie enragĂ©e. AbonnĂ©e au flux RSS du site de la DNF, elle y a trouvĂ© tout un tas de combines qui changent la vie. Vous avez pu changer de voisine pour une moins bruyante sous prĂ©texte que lâancienne fumait au balcon et pourrissait vos plantes, vos symboles de vie et de symbiose de lâhomme avec son environnement. Vous vous faites toujours rembourser lâaddition au restau. Câest toujours un peu gĂȘnant les scandales en public parce que ça devrait ĂȘtre interdit de fumer en terrasse aussi (« yâa des enfants, merde », quâelle lĂąche toujours en tremblant de la lĂšvre infĂ©rieure.Ah, cette foutue grĂšve de la fellation) mais ça vaut le coup : avec les Ă©conomies vous avez pu vous offrirune Kangoo pour partir en vacances. Et quand Bruno,ton patron, annonce des restrictions de budget, tu peux toujours pointer le fait que les fumeurs sont moins productifs avec leurs pauses auxquelles tâas pas le droit.
Mais aujourdâhui, tâes de lâautre cĂŽtĂ© de la barriĂšre. Faire coulisser la roulette de ton briquet, câĂ©tait brandir une hache de guerre cancĂ©rigĂšne Ă ta viede merde. Sur ton canapâ, tu fronces les sourcils et tente de masquer les spasmes qui tâagitent Ă lâintĂ©rieur. Sue pas des doigts, tu vas lâĂ©teindre.Tu la regardes dans les yeux, Sylvianne, yâa que la tĂ©lĂ© pour briser le silence. Charles Bronson, câest toi, lĂ . Ennio Morricone dans la tĂȘte, pour tous tes congĂ©nĂšres dâennui mortel tâes un hĂ©ros. DĂ©barrasse-toi de ta cendre sur le tapis, sois un homme.LĂąche rien, bordel.
Tarlouze, Philippe. Tâas rien compris. Tu tâes Ă©crasĂ© le bout, encore une fois. Ca ne changera rien, tu sais. Tu pourras encore te la foutre derriĂšre lâoreille ce soir. Et demain, Sylvianne, tu lâaideras Ă coudre des Ă©toiles jaunes. Jaune poumon. Pour que chacun Ă lâextĂ©rieur sache comment câest Ă lâintĂ©rieur, pourri de pulsions de mort dâĂ©goĂŻsme. Et si ça ne tenait quâĂ Sylviane, tu leurs coudrais Ă mĂȘme la peau, une fleur nĂ©e fanĂ©e au travers du pyjama rayĂ©. Un viseur en plein poitrail pour quâon puisse les cibler et Ă©viter leurs odeurs et leur contagion. Bruno, tu lâaideras Ă construire des endroits rien que pour eux, oĂč ils apprendront le sens de lâeffort et de la productivitĂ© (« travailler câest respirer - travailler rend libre » quâils rĂ©pĂštent Ă la DNF). Et tes gosses, tu leurs apprendras Ă les regarder de travers, quâils connaissent enfin le goĂ»t salĂ© de la honte sociale, du rejet de la communautĂ©.
Elle aimait les plantes et les animaux Sylvianne, alors tâas laissĂ© tomber tes fantasmes dâautre monde, et tu tâes retrouvĂ© Ă Ă©couter les alter-mondialo et les Ă©colos. Elle aimait tellement les plantes et les animaux, Sylvianne, quâelle voulait absolument les partager avec toi, le samedi aprĂšs-midi dans les bois, et en respirant bien fort. Manque de bol, câĂ©tait pas sexuel, seulement sportif. Tâas troquĂ© tes Leviâs contre des survĂȘtements avec des pressions sur le cĂŽtĂ©. On nâa pas bien chaud dedans, mais câest assez laid pour dissuader la Sylvianne et ses nouveaux bourrelets de tâemmener faire des courses, chezIkĂ©a ou Ă la Fnac.
Et voilĂ , Philippe. OĂč tu en es.Tâas la clope au bec et tâoses mĂȘme pas regarder le paquet Ă cause de lâinscription grosse comme ta carte vitale. Ca dit que fumer ça te rendra impuissant, que tâhonoreras plus Sylvianne, quâelle se barrera avec son collĂšgue de bureau grisonnant du caillou qui verra lĂ sa derniĂšre chance, et que tu te retrouveras avec tes clopes et TĂ©lĂ©foot, le dimanche matin. Et puis tiens, Sylvianne aussi, elle te reluque interloquĂ©e maintenant. Elle pensait avoir Ă©tĂ© suffisamment claire, en soutenant Ă©nergiquement la loi Evin. Bien sĂ»r, tu lâavais laissĂ© dĂ©battre avec son risotto aux courgettes, puisque tu ne lâĂ©coutes plus depuis quâelle a reconduit sa grĂšve de la fellation. Elle y croyait, elle en voulait. Elle avait croisĂ© les doigts le jour oĂč la loi avait Ă©tĂ© votĂ©e Ă lâAssemblĂ©e, en 1991.
Elle a mĂȘme ressorti les fanions plus rĂ©cemment, en 2006 pour lâinterdiction de fumer dans les lieux publics, et en 2007 pour son extension aux lieux « de convivialitĂ© ». Elle vote Ă droite aujourdâhui de toute façon, en pensant Ă vos gosses, quâelle raconte.
Parfois mĂȘme, elle pense Ă Papy et honore sa mĂ©moire en sâadonnant consciencieusement Ă ses loisirs de temps de guerre. Elle dĂ©nonce des fumeurs sur le site des droits des non-fumeurs (DNF). Elle les aime bien, les gars de la DNF. Il en a eu du cran, Denis Valet, de sâopposer Ă un monde qui produisait des cancers du poumon Ă la chaĂźne. Il partait de rien, en plus, il Ă©tait fonctionnaire, enfin prof, dans lâEst de la France, Ă lâĂ©poque oĂč les feignasses ont pris le contrĂŽle des administrations de lâEtat. CâĂ©taient les annĂ©es soixante-dix, le fĂ©minisme pensait avoir gagnĂ©, les trotskards nâavaient plus que le terrorisme comme moyen dâexpression et les pandas ne crevaient pas assez bruyamment pour que ce soit bouleversant. Fallait bien un truc pour lâoccuper Sylvianne, dâautant que Polnareff sâĂ©tait envolĂ© en mĂȘme temps que sa naĂŻvetĂ©.
Elle regardait par la fenĂȘtre, Fame A La Mode sâest arrĂȘtĂ© de tourner sur le mange-disque et la voisine du dessus lui a jetĂ© son mĂ©got sur le poignet. Un appel divin.
Tâas fait le con, Philippe.
31Ian F. Svenonious (nom masculin dâorigine amĂ©ricaine, Washington D.C.) : Chanteur des Nation of Ulysses dĂšs 1988, puis auteur et animateur tĂ©lĂ© placide, le Svenonious porte bien le costume, nâaime pas lâAmĂ©rique capitaliste et reste un maillon fiable dans lâhistoire du post-punk sĂ©cessionniste.
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Pas sĂ»r que grand monde aurait pariĂ© sur ceux-lĂ . Ca me fait plutĂŽt rire de donner gagnant le gratin du hardcore U.S. aujourdâhui. En une dĂ©cennie, une bande de nostalgiques a revisitĂ© quarante annĂ©es de produc-tion musicale. Le point commun de tout ce qui a dĂ©filĂ© dans nos iPod ? Avoir su satisfaire notre attrait pour la rĂ©fĂ©rence bien froide en faisant surtout gaffe Ă Ă©touffer lâarnaque. De toute façon, je ne suis mĂȘme pas sĂ»r quâon aurait vraiment pu la voir arriver, la grosse baffe. Pas une Ă©motion Ă lâĂ©coute dâune chanson qui ne nous file entre les doigts aussi vite quâon envoie un mail, pas une qui ne nous donne envie dâavoir quelquâun en qui croire, câest triste. Promis, je vous fais pas le grand classique â Ah ouais, câest sĂ»r que câĂ©tait bien pourri, heureuse-ment quâil y avait les rĂ©Ă©ditions ! ce genre... Au final, les rĂ©tro-modernes qui ont rĂ©coltĂ© tous les paris se mordent la queue et dĂ©chantent. Prions-les dâaller se faire voir.
SASSY BOYS
Un petit livre rose est sorti en 2006, il sâintitule The Psychic Soviet et a Ă©tĂ© Ă©crit par un homme derriĂšre une multitude de groupes que (rĂ©ellement) pas grand monde nâĂ©coute. Ian F. Svenonius, en son temps Ă©lu âSassiest Boy in Americaâ, le mec le plus insolent dâAmĂ©rique. Selon qui ? Sassy Magazine, Ă la grande Ă©poque des chemises Ă carreaux et du skate. Comme Cobain, le magazine ne survivra pas Ă lâannĂ©e 1994, mais Ian continue encore aujourdâhui dâoccuper un bon bout de terrain du cĂŽtĂ© des prĂȘcheurs. Plus quâun insolent, câest surtout le modĂšle du petit ami idĂ©al que le magazine voulait mettre en avant. Aujourdâhui, les gamines ne doivent sĂ»rement plus le re-connaĂźtreâŠ
Tout au long de The Psychic Soviet se trouvent une mul-titude de rĂ©fĂ©rences aux Beatles. Lorsque ceux-ci sortent Rubber Soul en 1965, le simple fait que quatre mecs â qui au demeurant devaient bien aussi se laver les mains aprĂšs ĂȘtre allĂ©s aux toilettes â sâaffichent avec les cheveux long influ-ence tout une gĂ©nĂ©ration. Celle de vos parents peut-ĂȘtre, de vos grands-parents pourquoi pas. Clairement, la pochette fait office de propagande. Rien de plus simple aprĂšs ça pour construire un mythe, ne reste quâĂ imprimer la lĂ©gende.
Pour Svenonius, que les Fabâ aient utilisĂ©le medium pop pour diffuser des idĂ©es
subversives nâa rien dâimpossible.
Quand John Lennon prĂ©sente son groupe comme plus populaire que JĂ©sus, il est clair quâil est conscient de son impact sur la culture et donc la sociĂ©tĂ©. Charles Manson ne sâen est mĂȘme jamais vraiment remis, des Beatles. Que Lennon lâouvre sur la guerre du Vietnam, idem. Pour les sapes Ă lâĂ©poque, câest finalement pareil. DâaprĂšs Ben Sher-man, ses chemises font totalement parties de la culture je-une, crĂ©ent un rassemblement. En fait il sâagit plutĂŽt de la culture mods, pour qui porter la bonne chemise câest dĂ©jĂ gagner la bataille. En plus de communiquer une esthĂ©tique donc, les groupes des annĂ©es 60 communiquent aussi des idĂ©es, quelque chose Ă adorer. Evidemment, le tout partic-ipe au denier du culte de la pop culture. Sauf quâen 2009, une pochette de disque comme une affiche de recrutement pour lâArmĂ©e Rouge, rideau ! Plus possible ! Il y a plusieurs mois, quand on regardait une bande de fluokids se recoiffer dans les toilettes avec le casque autour du cou, on pouvait logiquement penser que rien nâavait changĂ©. Le piĂšge câĂ©tait de tomber dans le panneau de la grande mythologie du rockâ n roll en terminant sur un bon mot en forme de
1 LUXE INTĂRIEUR EN CE QUI CONCERNE LâESSENCE 2
poncif, un dĂ©finitif câĂ©tait mieux avant. Penser que tout est terminĂ©, la maladie des 00s. Dans lâintroduction dâun chapitre dâA Whore Juste Like The Rest, le rock crit-ic Richard Meltzer dĂ©cide que tout se termine en 1967 : « trop de groupes, signĂ©s sur trop de labels, enregistrant trop de disques avec des budgets dĂ©mesurĂ©s, avec comme rĂ©sultat de tous sonner comme de la meeeeerde ». 1967-2007, le choc des gĂ©nĂ©rations, sans doute!
ROCKâ N ROLL KRASH
« Les groupes de rockâ n roll ont eu leur temps, mais ils nâont pas vraiment rĂ©ussi Ă tout faire exploser. Ils nâĂ©taient pas aussi rĂ©volutionnaires quâils ne le prĂ©tend-aient [âŠ] Ce rĂ©cit du rockâ n roll et lâimportance de ces quelques personnes ainsi que leur place dans lâhistoire,
câest des conneries »Village Voice, 2009.
En 1991, lorsquâil est lâĂ©lu des petites, Svenonius est Ă la tĂȘte de Nation Of Ulysses. Comme tous les au-tres groupes de Washington D.C. il signe chez Dischord, le label de Ian McKaye (Minor Threat, le Straight Edge et plus gĂ©nĂ©ralement les mecs rasĂ©s de prĂšs en dĂ©bardeur blanc). A part ĂȘtre musicalement au dessus du lot, ce que Les Nations dâUlysses ont plus que les autres, câest un con-cept, une image. Chez eux, le rock nâest quâun moyen, le groupe se dĂ©crivant comme un parti politique. Entre MC5 et crise dâado, Ian et ses amis enregistrent deux disques, 13-Point Program To Destroy America (1991) et surtout Plays Pretty For Baby (1992). Leur programme est sim-ple et pour le situer, ne citons quâun seul titre: A Kid Who Tells On Another Kid Is A Dead Kid. PuĂ©ril et sec comme un coup de coude dans le menton : botter le cul des plus
vieux par une armĂ©e de jeunes gens cools et sâaffranchir une bonne fois pour toute de la culture de leurs parents ! Agressif comme une hyĂšne, sur scĂšne Svenonius remue alors comme un singe en se secouant les couilles, pour mieux rentrer dans le tas en aboyant. Câest un performer, un James Brown des fonds marins.
ParaĂźtrait mĂȘme quâil lui est arrivĂ© une fois de payer les filles de devant 1$ pour quâelles sâĂ©vanouissent,
façon Sinatra du pauvre.
Plus tard, on a eu Ă peu prĂšs les mĂȘmes en Europe. Dennis LyxzĂ©n avec Refused puis The (International) Noise Conspiracy. Pour rĂ©sumer, trois ans avant que les Strokes nâouvrent le bal du revival en 2001, le titre New Noise de Refused reste un must quasi-visionnaire : « How can we excepting anyone to listen if weâre using the same old voice ? We dance to all the wrong songs. We enjoy all the wrong moves. We dance to all the wrong songs. Weâre not leading ». Le point commun entre LyxzĂ©n, Svenonius et tous les vieux que ce dernier interviewe sur VBS â et dont plus personne nâa grand-chose Ă cirer, avouons-le â câest de venir du hardcore. Donc du Do It Yourself, la bonne attitude que lâon peut rĂ©sumer ainsi : No Rock Star. De tous ces mecs, Svenonius est trĂšs certainement un des seuls Ă rester valable, aux cĂŽtĂ©s de Jello Biafra ou Henry Rollins. Et encore⊠quand Rollins raille la musique Ă©lec-tronique dans ses spoken-words, on rigole doucement. Si le dernier des manchots a le droit de prendre une guitare pour monter sur scĂšne, autant accepter quâil puisse aussi faire la nique aux poseurs en tripotant des boutons.
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Dans le petit livre rose de Svenonious, il y a Ă©galement RockâNâRoll As Real Estate, un chapitre important. Au lieu de penser que lâĂ©mergence dâune nouvelle scĂšne folk ne prouve quâun goĂ»t prononcĂ© pour la tradition, Sveno-nius met cela sur le compte de la gentrification des villes et donc de lâinflation du prix des loyers. Puisquâon nâa plus la place pour jouer autrement que dans sa chambre de bonne et au casque, autant abandonner la batterie. Ce qui revient sensiblement Ă parler de la fin du rockânâroll en tant que rĂ©alitĂ©, parlant pour et par son Ă©poque. Si le temps oĂč lâon pouvait rĂ©pĂ©ter dans son garage ou dans un squatâ notamment Ă New York bien avant que Giuliani ne devienne maire et ne vire tout le monde un par un- est terminĂ©, alors le rockâ n roll comme phĂ©nomĂšne cul-turel est dĂ©sormais une farce. Avoir eu les yeux rivĂ©s sur le rock et ses faux espoirs câest nâavoir pas su regarderen face une bonne partie de son Ă©poque. Avoir voulu justi-fier lâimportance de faire de la musique en accumulant les rĂ©fĂ©rences sous une paire de Wayfarer, câĂ©tait faire le mauvais pari sur lâavenir. Le dĂ©bat sur les fringues rock H&M, la meilleure blague des annĂ©es 00.
« Je ne suis pas dans la qualitĂ©. Je prĂ©fĂšre la camel-ote. Je pense que tout ça est trĂšs attirant. Je crois que la chose la plus excitante Ă propos de la musique pop amĂ©ricaine, depuis les sixties ou autres, câest la qualitĂ© mĂ©diocre de celle-ci [âŠ] Le problĂšme avec la musique,
câest lâimportance quâelle a. »
FAUX-PROPHETES ET GUERILLEROS
Des modĂšles de rock star, il suffit de sâabaisser pour en ramasser, dâElvis Ă Paris Hilton. Dans Metaculture, lâanthropologiste Greg Urban dĂ©veloppe le fait que les hom-mes nâont jamais vraiment eu dans lâidĂ©e de reproduire les choses de maniĂšre totalement exacte, mais se sont attachĂ©s Ă une culture de la nouveautĂ© dans laquelle chaque chose se rĂ©plique en sâefforçant de passer un coup de balai sur ce quâon ne peut plus exploiter sans se sentir un peu honteux. Evidem-ment, si le socle de rĂ©fĂ©rences nâest pas assez solide, la nou-veautĂ© ne prend pas. A lâinverse, si ce qui est neuf sâĂ©tablit trop rapidement, cela ne prend pas non plus, ne laissera pas une empreinte indĂ©lĂ©bile. Coupons court Ă lâhistorique. Depu-is lâapparition du format disque, soit la musique enregistrĂ©e, celle-ci a pris une part de plus en plus importante au quoti-dien, sans forcĂ©ment que lâon sâen rende compte. La musique au restaurant, dans le mĂ©tro ou en salle dâattente, personne ne peut contester le fait quâelle soit partout, tout le temps. Câest en substance le propos de Genesis P-Orridge dans Soft Focus, lâĂ©mission de Svenonius. Et mĂȘme, elle est devenue gratuite. La force dâun rĂ©seau social comme Myspace, dâun site comme Deezer, câest dâavoir totalement dĂ©valuĂ© le caractĂšre sacrĂ© de la musique en quelques clics et en libre accĂšs. On ne tient plus que rarement une pochette entre les mains, un disque comme Rubber Soul passerait trĂšs probablement inaperçu au-delĂ de la musique et dâune posture. Aujourdâhui, on scrolle iTunes et on voit qui a le plus de titres comme on baisse son slip Ă la rĂ©crĂ© : sĂ»r de soi et sans retenue, comme ça pour comparer. Pas la peine de crier au scandale. Câest ainsi, les aigris ne peu-vent quâĂȘtre forcĂ©s de lâaccepter.
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Câest comme ça, tragique et gĂ©nial Ă la fois : plus une tronche sur une pochette pour changer une vie, et plus de groupes pour rassembler autour dâun petit quelque chose Ă dire, un petit quelque chose Ă prouver au plus grand nombre.
On sâen est tous rendu compte. Internet a brĂ»lĂ© en une bonne dĂ©cennie le concept de rock-star qui a fait te-nir debout trente Ă quarante ans de musique au prĂ©sent. Câest lĂ que cette Ă©poque est remarquable. Parce quâelle est le signe quâon ne tardera pas Ă sâamuser de nouveau. Si la musique a perdu toute son importance, alors il nây a plus de problĂšme. A chercher partout des rĂ©ponses lĂ oĂč il nây en a plus devant un tas de groupes plus ou moins valables, on en a oubliĂ© lâessentiel. Le libre-arbi-tre et la conscience de soi, ĂȘtre moderne quand tout est Ă portĂ©e de main. Tout ce quâont rĂȘvĂ© Svenonius, Biafra ou Rollins.
Sans vraiment le vouloir, avoir vu se dĂ©truire toutes nos obsessions promet une victoire sur trois niveaux. Lâouverture dâun monde sans rĂ©fĂ©rences. Une minoritĂ© polarisĂ©e contre le rĂ©tro. Un grand coup sournois der-riĂšre la nuque de lâestablishment.
« Je suis le Seigneur de mon Eglise. Jâai Ă©cris le Livre. Je suis lâhomme sur la croix et je saigne. Amen »,
Henry Rollins.
S.G.
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Jacques Now1853-2019
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crĂdIts, (de)LUXe INTĂRIeUR NumĂro ILuxe INtĂrIeur est uNe revue dIgItaLe pILotĂe par Le sIte
GoNzaI.com et ĂdItĂe par Le dIabLe vauvert.
GonzaĂŻ, 11 rue Duvergier 75019 Paris, [email protected] Au Diable Vauvert, Route de la Laune 30600 Gallician, [email protected]
Directeur de publication : Bester LangsRĂ©dacteur en chef : Hilaire PicaultConception graphique et direction artistique :Terreur Graphique & JĂŒĂŒlMaquette : Terreur Graphique
Rédacteurs :Benoit Bidoret, Bester L., Syd Charlus,Colocho, Sylvain Fesson, Dav Guedin, Sté-phane Guinet, Johnny Jet, Grégory Meurant, Ursula Michel, Guy-Michel Thor, Pierre Mi-kaïloff, Hilaire Picault, Loic H. Rechi, Arnaud Sagnard, Clément Sakri, Marjolaine Sirieix, Serlach, Vernon, Vic Vega, Eléa Von Picnic, Alex Jestaire, Pochep, Terreur Graphique, Marjolaine Sirieix.
Ont contribué à ce numéro :Alejandro Jodorowsky, Robert Wyatt
Remerciements :Bertrand Burgalat, Dieu, Google©, Marion Mazauric, Charles Recoursé, Louise Rossi-gnol, Nicolas Ungemuth
Garanti sans encre ni papier, ce numĂ©ro nâest techniquement pas jetable sur la voie publique.Les articles publiĂ©s nâengagent que la respon-sabilitĂ© de leurs auteurs, tous droits de repro-duction rĂ©servĂ©s, mais nous partageons leurs opinions et vous demandons dâessuyer vos pieds avant dâentrer.
Pour toute rĂ©clamation, insulte ou demande de remboursement, merci dâappuyer directe-ment sur la touche SUPR de votre ordinateur.
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Dans « GonzaĂŻ », on voit bien dâoĂč vient la premiĂšre partie du mot (de gonzo, genre journalistique subjectif et speedĂ© crĂ©Ă© par Hunter S. Thompson). Mais la terminaison vient-elle de ban-zai (pour le cĂŽtĂ© rentre-dedans) ou de bonsaĂŻ (la devise du site : «Seul le dĂ©tail compte») ? (TĂ©lĂ©rama, novembre 2008)
A lâorigine, GonzaĂŻ est un site internet tournĂ© vers les cultures de demain et celles « cultes » devenues depuis intemporelles. Bran-dissant depuis mars 2007 le parti-pris comme un dogme rĂ©dac-tionnel, GonzaĂŻ sâinspire du gonzo journalism (H. S. Thompson, Lester Bangs, Bukowski, etc) et sâaffirme comme un prescripteur en matiĂšre de tout et nâimporte quoi (rock, pop, littĂ©rature, art et ses diffĂ©rents mouvements). PersuadĂ©s quâon nâattrape pas les mouches avec du vinaigre, Bester Langs, Little Johnny Jet, Syd Charlus (fondateurs du site) sâinterpellent par des noms Ă©trange(r)s et fĂ©dĂšrent depuis une frange dâauteurs fiers et plus ou moins jeunes (Hilaire Picault, Pierre MikaĂŻloff, Ar-naud Sagnard, Sylvain Fesson, e seuls sites tout autant rĂ©actionnaire que musical, sub-jectif et littĂ©raire. Toutes les semaines, une horde de fans maniaque des journaux Ă la papa sâescriment contre ces auteurs aux pseu-dos « pompĂ©s et prĂ©tentieux» lorsque dâautres vieux briscards sâĂ©merveillent « des prouess-es rĂ©alisĂ©es avec presque rien ». Aujourdâhui reconnu par les mĂ©dias dits « traditionnels » (Technikart, Le Mouv, TĂ©lĂ©rama, Magic, Le Monde, LibĂ©ration, Elle, etc), GonzaĂŻ a su prouver quâil existait non seulement un pub-lic pour le journalisme subjectif et pointu mais Ă©galement quâil nâĂ©tait pas nĂ©cessaire de poster des vidĂ©os de chiens unijambistes dans des caddies et autres interviews fleuves de gens ratĂ©s pour susciter lâĂ©motion digitale.
Conçue par le « clan » GonzaĂŻ comme un bras dâhonneur Ă tout et nâimporte quoi, Luxe IntĂ©rieur contient en son nom lâessence mĂȘme de ce que doit ĂȘtre une revue ; peu de discours mais beaucoup de sujets, tous rĂ©unis autour dâune thĂ©matique semestrielle. Disponible gratuitement en digitale sur www.luxe-interieur.com, la revue Ă©ditĂ©e au Diable Vauvert propose de rendre intemporels des su-jets accessibles Ă tous mais pas Ă nâimporte qui. DĂ©pourvue de papier, la revue permet de perdurer et de ne plus ĂȘtre seule-ment lue par une poignĂ©e de lecteurs. Faisant fi des « maquettes Ă©purĂ©es et du ton corrosif lĂ©gĂšrement gratte-poil », Luxe In-tĂ©rieur reste une occasion de ne plus seulement Ă©voquer le Culte
mais de toucher enfin au SacrĂ©. Seul, face Ă son Ă©cran lumineux. Dans ce PDF teaser sobrement intitulĂ© (de)Luxe IntĂ©rieur, vous pour-rez ainsi trouver une compilation des meilleurs textes illustrant le post-prĂ©sent, un mot compliquĂ© illustrant lâincapacitĂ© de lâhomme moderne Ă penser la rupture autrement quâavec des mots de yup-pie en manque de lexique. Bref. Le post-prĂ©sent, un thĂšme qui vous va si bien au teint, vu par une tripotĂ©e dâauteurs pour la majeure partie non publiĂ©e qui ne trinquent pas au ralenti au CafĂ© de Flore mais utilisent quand mĂȘme des citations en italique (souvent incom-prĂ©hensibles) pour introduire leurs pensĂ©es. Et quây trouver, dans ce premier numĂ©ro ? En ouverture, un excellent essai - plutĂŽt bĂąclĂ© si vous voulez mon avis - de Guy-Michel Thor sur la guerre tiĂšde vue dâEnghien-les-Bains, entre le Solex et la bombe H. Plus loin, un tĂ©-moignage exclusif de Robert Wyatt sur la genĂšse de « Rock Bottom » racontant son passage Ă lâhorizontal aprĂšs une nuit trop arrosĂ©e. Pas mal. Plus loin, on trouve les prophĂ©ties futuristes dâAlejandro Jodor-
owsky (trĂšs connu chez les plus de quinze ans) enchainĂ©es avec une Ă©chappĂ©e romanesque Ă St Etienne pour revivre lâapogĂ©e des Thugs en concert. Pour faire une pause dans ce PDF qui donne mal aux yeux (surtout chez les plus de quinze ans), une incomprĂ©hensible BD qui crayonne lâincroyable histoire dâamour entre un ours nu et un Davy Crockett complĂštement gay. TrĂšs drĂŽle. Suivront, dans le dernier virage, un flashback pas trĂšs clair (mais la fin est bien quand mĂȘme) sur le Guinness book des records comme mĂštre-Ă©talon de lâhomme invincible, puis un essai jaune poumon contre les non-fumeurs qui reste lâune des piĂšces maitresses de cette magnifique revue. En clĂŽture, parce que câest dĂ©jĂ presque la fin, un dossier his-toire trĂšs Google Books © sur Ian Svenonious (rassurez-vous, vous nâĂȘtes pas le seul Ă ne pas connaĂźtre cet homme) et enfin lâhistoire toucha-nte dâune rupture dâanĂ©vrisme qui fait trembler le cortex mais qui se finit bien quand mĂȘme.
AprĂšs tant de belles promesses, vous avez bien Ă©videmment le droit de ne pas souscrire Ă ce manifeste dĂ©matĂ©rialisĂ©, ne pas lire cette revue, penser quâil y a trop de couleurs ou trop de mots ou simplement ne pas avoir dâavis sur la question. En attendant le premier numĂ©ro de Luxe IntĂ©rieur Ă paraĂźtre en mars 2010 avec lâintĂ©gralitĂ© des textes, vous pouvez encore changer de pays, con-sulter un opticien ou nous montrer que vous savez faire mieux. Luxe IntĂ©rieur, deep Inside. Ah et au fait⊠bonne lecture, puisque le temps reste la seule monnaie dâĂ©change de cette revue sans prix.
Luxe IntĂ©rieur est une revue digitale Ă©ditĂ©e par le Diable Vauvert dont le premier numĂ©ro a pour thĂ©matique le post-prĂ©sent, un concept flou oĂč sâentrechoquent rockânâroll, art de la rupture et liquidation des stocks. Comme chez GonzaĂŻ, Luxe IntĂ©rieur câest lâart de connaĂźtre beaucoup
sur peu de choses. Car dans un monde globalisant et réducteur, seul le détail compte.
PrĂ©sentation critique du premier numĂ©ro deLuxe IntĂ©rieur Ă lâadresse du journaliste en mal
dâinspiration pour son article dithyrambique.Par Bester Langs
Disponible gratuitement en avril 2010 sur www.luxe-interieur.com, la revue pilotĂ©e par le collectif GonzaĂŻ donne la parole Ă Robert Wyatt, Alejandro Jodorowsky, Alex D. Jestaire et plusieurs autres invitĂ©s dont on taira ici le nom pour attiser votre curiositĂ© dâhomo-sapiens accros au buzz viral.
GonzaĂŻ Au DiableVauvert
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