Opaline Allandet · 2013. 12. 18. · 2013 : « Soirée d’azur ... longue robe de brocart bleu...
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Autour d’un héritageRoman
Opaline Allandet
11.66 524990
----------------------------INFORMATION----------------------------Couverture : Classique
[Roman (134x204)] NB Pages : 140 pages
- Tranche : 2 mm + (nb pages x 0,07 mm) = 11.8 ----------------------------------------------------------------------------
Autour d’un héritage
Opaline Allandet
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Nov 2013
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Du même auteur :
2007 : « Le fruit du chagrin » (roman)
Édition Graine d’auteur.
2007 : « L’insoumis » (suite du premier livre)
2007 : « À fleurs d’ombre » (poésie)
Éditions Dédicaces à Montréal.
2009 : « Carlane et l’énigme des quais » (roman
policier) Éditions Graine d’auteur.
2011 : « Nouvelle aube » (poésie)
Éditions Dédicaces à Montréal.
2011 : « Célestine dans la tourmente » (roman)
Éditions Edilivre.
2012 : « Gabrielle de Cordemoy » (roman)
Éditions Edilivre.
2013 : « Soirée d’azur » (poésie)
Éditions Dédicaces à Montréal.
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« La haine est l'hiver du cœur »
Victor Hugo
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À Frédéric Gerchambeau
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Première partie
Thibaut VII de Rougemont, seigneur de
Faucogney, en Franche-Comté, se réveilla ce matin au
son du cor. Ce jour était exceptionnel, car son père, le
sire Jouffroy, avait engagé de nombreuses
négociations avec un comte résidant dans le comté de
Bourgogne, le sire de Vercel. Ce dernier avait fini par
accepter le mariage de sa fille, Mathilde, âgée de
vingt-quatre ans, avec Thibaut. Le jeune noble se leva
d’un bond et se précipita à sa fenêtre. Le château de
Rougemont avait été construit vers la fin du
XIIe siècle, sur une butte qui dominait les plateaux
jurassiens.
Sire Jouffroy avait perdu son épouse à la naissance
d’enfants jumeaux. La matrone, dans ces cas-là, ne
réussissait pas à réaliser correctement les
accouchements de jumeaux et la mère, ainsi que les
bébés, se trouvaient sacrifiés. Le sire en conçut une
douleur telle qu’il préféra rester veuf, ayant déjà trois
enfants, dont un fils qui reprendrait son nom et ses
biens.
Thibaut avait le cœur en fête, car son mariage
serait célébré dans quelques jours, le 25 mai 1465, et,
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d’après le portrait qui représentait sa promise, celle-ci
paraissait fort agréable. Lui-même, Thibaut, en tant
que seul fils de sa famille, héritait du château et des
nombreuses terres qui s’y rattachaient, terres qui
avaient appartenu durant longtemps aux comtes de
Ferrette, en Alsace. Il venait de fêter ses vingt-six ans,
et respirait la force.
Il descendit l’escalier qui conduisait aux cuisines,
et se fit servir une longue tranche de pain avec du
jambon, le tout arrosé de vin d’Alsace.
– Monsieur le comte souhaite-t-il autre chose ?
questionna prudemment la servante, une jolie
jouvencelle qu’il avait déjà mise dans son lit, la
trouvant très à son goût.
– Non, Odinette. Je vais me rafraîchir les idées en
effectuant une longue balade à cheval.
Puis il ajouta :
– Sais-tu que je vais prendre une épouse dans
quatre jours ?
Odinette avait bien entendu parler de cette jeune
fille riche, habitant à Vercel, à quelques lieues d’ici.
Elle ressentit une pointe de jalousie, mais répondit
calmement :
– Oui, sire. Sera-t-elle ma nouvelle maîtresse ?
– Absolument pas. Mathilde se rendra ici avec sa
propre servante. Et j’espère que vous vous entendrez
bien.
– Naturellement, monsieur le comte.
Cependant le visage d’Odinette pâlit, et elle sortit
précipitamment de la cuisine.
Thibaut adorait parcourir monts et vallées, en
parfait cavalier. Il rentra épuisé mais heureux, deux
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heures plus tard. Son palefrenier rentra son cheval
dans l’écurie, puis il rentra au château.
Sire Jouffroy avait réussi à marier sa fille aînée,
Anne, avec le seigneur de Chalons, héritier d’un
château proche du leur, et le jeune couple attendait un
heureux événement. Ensuite était venu Thibaut. Deux
autres enfants étaient nés par la suite, deux garçons,
mais ils vécurent très peu de temps, emportés par des
épidémies. La mère de Thibaut crut en mourir de
chagrin, puis, alors qu’elle avait dépassé trente ans,
elle mit au monde une fille, Diane, qui survécut.
Thibaut adorait sa petite sœur, actuellement âgée de
dix-huit ans. Diane était splendide et se conduisait en
enfant gâtée.
Enfin ce mariage tant attendu par Thibaut arriva.
La future jeune mariée s’installa avec sa propre
servante dans un appartement qui lui fut réservé, mais
elle ne se montra point. Sa robe de mariage était
prête, mais la jeune fille la vit par hasard, alors que sa
servante, Guillemette, la sortait de ses bagages.
Guillemette poussa des hauts cris.
– Mathilde, vous n’avez pas le droit de la regarder,
car cela porte malheur !
– Cesse donc de dire des fadaises, Guillemette. Je
ne suis pas superstitieuse. Celui que je dois épouser
est un jeune comte de riche famille, et j’ai guetté
derrière ma fenêtre, hier soir, alors qu’il rentrait d’une
promenade à cheval : eh bien, il est fort séduisant !
– Comment savez-vous que c’était lui ?
– Je l’ai reconnu d’après son portrait.
La nuit parut très longue à Mathilde qui ne
parvenait point à trouver le sommeil, tant elle se
sentait heureuse !
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Le lendemain, 25 mai 1465, le soleil était présent
et illuminait les arbres en fleurs. Guillemette, qui
avait dix ans de plus que sa maîtresse, put enfin
habiller cette dernière. Sur sa longue chemise
blanche, la servante lui enfila avec précaution une
longue robe de brocart bleu foncé, comprenant de
nombreux ramages. Le devant descendait jusqu’à ses
pieds finement chaussés de cuir noir. L’arrière de la
robe se terminait par une longue traîne. La taille de
Mathilde était étroitement serrée par un long nœud.
La jeune fille portait un chapeau très haut et très
pointu, lequel masquait ses cheveux noirs. Et du haut
de la pointe du chapeau s’échappait un très long voile
de tulle fin qui se terminait par une longue traîne,
rejoignant la robe. Enfin Guillemette accrocha un
énorme collier en or massif autour du cou de sa
protégée. Elle la trouva superbe.
Thibaut, de son côté, fut habillé par son valet,
Sigismond. Celui-ci l’habilla d’une longue tunique
noire de velours fin, très serrée à la taille, qui
descendait sur un pantalon très collant, noir
également. Il portait à ses pieds des chaussures, très
longues et très pointues.
Le jeune couple de futurs mariés se rejoignirent en
bas du château et, escortés par de nombreux
seigneurs, et précédés par des musiciens, ils firent le
trajet à pied jusqu’à l’église. Des fleurs jonchaient le
sol du château jusqu’à l’église. Enfin des gens du
peuple terminaient le cortège. Le prêtre célébra la
cérémonie, puis Thibaut glissa un anneau en or à
l’annulaire gauche de Mathilde. Le curé alla bénir la
couche nuptiale des époux, afin que ceux-ci
devinssent féconds. Puis de grandes tentes furent
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plantées dans la pelouse du château de Rougemont,
afin d’accueillir tous les invités au festin.
Mathilde succomba immédiatement au charme de
son époux : Thibaut respirait la virilité, la robustesse,
grâce à un corps long et musclé. Son visage aux traits
réguliers, à une bouche gourmande et à des yeux verts
pétillants de malice, était surmonté d’une tignasse
blonde tombant jusqu’à ses épaules. La jeune femme
se promit de tout accomplir afin de le rendre heureux.
Elle-même n’était pas dépourvue de grâce et de
beauté, avec des yeux bleu clair qui tranchaient parmi
sa sombre chevelure. Cependant, sa taille n’était pas
élancée.
Thibaut la trouva ravissante et était surtout
heureux d’agrandir ses terres. Mais il ne fut pas pris
de passion pour sa jeune épouse, dont le mariage fut
organisé par les deux familles respectives.
Une année s’écoula, heureuse, et pourtant Mathilde
perdit son père qu’elle adorait, des suites d’un
accident de cheval. Puis tous les habitants du château
guettèrent quelques signes de fatigue chez Dame
Mathilde, annonciateurs d’une possible grossesse. Car
il était indispensable que Thibaut, le seul héritier mâle
de la famille, eût un garçon. À l’époque féodale, les
fiefs ou châteaux ne pouvaient être transmis qu’aux
enfants ou descendants mâles du titulaire du fief.
À son grand désespoir, la jeune femme se portait à
merveille et se mit à prier ardemment la Vierge Marie
afin de tomber enceinte. Elle avait pour habitude de
se lever tard dans la matinée, pendant que son époux
partait chevaucher dans la campagne.
Un jour que Mathilde se leva plus tôt que
d’habitude, elle surprit une conversation entre Thibaut
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et une de ses domestiques, Odinette, et elle se
renfonça dans un coin de mur afin de ne pas les
déranger, et surtout afin d’entendre ce qu’ils se
disaient.
Elle reconnut la voix de Thibaut :
– Mais dis-moi, Odinette, n’aurais-tu pas un peu
grossi ? Je trouve que ta taille n’est plus aussi fine
qu’autrefois et que tu parais essoufflée lorsque tu
récures les escaliers.
– C’est vrai, monsieur le comte, et justement,
j’aurais besoin de prendre un peu quelques congés.
Et elle rougit très fort, ce que Mathilde ne put pas
remarquer.
Thibaut l’examina de nouveau et murmura
soudain :
– Mais que je suis donc sot ! Ne serais-tu pas
grosse ? Quel est le godelureau qui t’as mise en cet
état, et je le renverrai ?
La jeune comtesse entendit que la pauvrette s’était
mise à sangloter.
– C’est-à-dire… que…
– Quoi donc ? Tu sais bien que tu peux tout me
dire, à moi ? Tu es ma servante préférée.
– Oh non, je ne peux pas vous le dire, messire, car
vous me renverrez !
– Tiens donc ! Et pourquoi ?
Enfin la pauvre servante se jeta à l’eau :
– Parce que… parce que… Vous êtes son père…
Et elle sanglota de plus belle.
– Mais ce n’est point une mauvaise nouvelle, si tu
dis vrai. En es-tu sûre ?