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REVUE PLURIDISCIPLINAIRE EN NEUROLOGIE

CAHIER 1

PROFESSION

Du n Adeli au n RPPSLobjectif du nouveau Rpertoire Partag des Professionnels de Sant

De la description par George Huntington aux essais de greffe de tissu embryonnaire.

COMPRENDRE

La neurobiologie de la SEPDe nouvelles donnes

RDUCATION

Les thrapies cognitivocomportementalesQuels outils ? Quelle place dans le handicap moteur ?

HISTOIRE DE LA NEUROLOGIE

Edouard Brissaud, grande figure du 19e sicleNeurologue, artiste, intellectuel, politique

DOSSIER FMC

LA MALADIE DE HUNTINGTONDossier Chores - 1re partieCoordonn par Luc Defebvre

Les aspects cliniques : troubles moteurs, cognitifs et psychiatriquesClmence Simonin et Pierre Krystkowiak

Prise en charge globale, traitements symptomatiques et perspectivesPierre Krystkowiak et Anne-Catherine Bachoud-Lvy

Annonce du diagnostic : la transmission de l'information au sein des famillesMarie Delliaux et Kathy Dujardin Janvier 2009 Volume 12 n 114 8

R E V U E P L U R I D I S C I P L I N A I R E E N N E U R O LO G I E S

Directeur de la publication : Dr Antoine Lolivier Chef du Service Rdaction : Odile Mathieu Rdactrice : Violaine Colmet Dage Secrtaire de Rdaction: Annag Bvan Chef de Fabrication et de Production : Gracia Bejjani Assistante de Production : Ccile Jeannin Chef de Studio : Laurent Flin Chef de publicit : Emmanuelle Annasse Service Abonnements : Claire Lesaint Impression : Imprimerie de Compigne 60205 Compigne RDACTEUR EN CHEF Pr Franck Semah (Lille). COMIT DE RDACTION Dr Alain Ameri (Meaux), Dr Caroline Arquizan (Montpellier), Pr Jean-Philippe Azulay (Marseille), Dr Catherine Chiron (Paris), Pr Philippe Damier (Nantes), Dr Romain Deschamps (Paris), Pr Franck Durif (Clermont Ferrand), Dr Gilles Fnelon (Paris), Pr Olivier Gout (Paris), Dr Gilles Huberfeld (Paris), Dr David Laplaud (Nantes), Dr Dominique Mazevet (Paris), Dr Christelle Monaca (Lille), Dr Caroline Papeix (Paris), Dr Pascale Pradat-Diehl (Paris), Dr Bruno Stankoff (Paris), Pr Mathieu Zuber (Paris). COMIT DE LECTURE Pr David Adams (Le Kremlin-Bictre), Dr Nadia Bahi-Buisson (Paris), Pr Franck Bayl (Paris), DrCatherineBelin(Bobigny),DrFlorentBorgel(Grenoble), Pr Emmanuel Broussolle (Lyon), Pr Christophe Cognard (Toulouse), Dr Bernard Croisile (Lyon), Pr Philippe Decq (Crteil), Dr Olivier Delalande (Paris),Pr Philippe Derambure (Lille), Dr Bndicte Dfontaines (Paris), Dr Michel Dib (Paris), Dr Valrie Domigo (Paris), Dr Thierry Dubard (Reims), Dr Marie Girot (Lille), Dr Hassan Hosseini (Crteil), Dr Lucette Lacomblez (Paris), Dr Michel Lantri-Minet (Nice), Dr Christine Lebrun-Frnay (Nice), Dr Christian Lucas (Lille), Dr Laurent Maurs (Tahiti), Pr JeanPhilippe Neau (Poitiers), Pr Jean Pelletier (Marseille),PrYannPron(Nantes),PrDidierSmadja (Fort-de-France),PrMarcVerny(Paris),PrHervVespignani (Nancy), Dr Tatiana Witjas (Marseille). COMIT SCIENTIFIQUE Dr Claude Adam (Paris), Dr Annick Alperovitch (Paris), Dr Nadine Attal (Boulogne), Pr Alain Autret (Tours), Dr Denis Ayache (Paris), Pr Philippe Azouvi (Garches), Pr Jean-Louis Baulieu (Tours), Dr Grard Besson (Grenoble), Dr Arnaud Biraben (Rennes), Pr Manuel Bouvard (Bordeaux), Dr Galle Bruneteau (Paris), Pr William Camu (Montpellier), Pr Jean-Pierre Carrire (Toulouse), Pr Jean-Pierre Castel (Bordeaux), Pr Mathieu Ceccaldi (Marseille), Pr Patrick Chauvel (Marseille), Pr Franois Chollet (Toulouse), Pr Michel Clanet (Toulouse), Dr Hubert Dchy (Versailles), Dr Jean-Franois Demonet (Toulouse), Pr Didier Dormont (Paris), Pr Gilles Edan (Rennes), Dr Marie-Odile Habert (Paris), Pr Jean-Jacques Hauw (Paris), Dr Lucie Hertz-Panier (Paris), Dr Pierre Hinault (Rennes), Dr Laurent Laloum (Paris), Dr Gilles Lavernhe (Gap), Dr Denis le Bihan (Orsay), Pr Olivier LyonCaen (Paris), Pr Claude Manelfe (Toulouse), Pr Jean-Louis Mas (Paris), Pr Vincent Meininger (Paris), Dr Patrick Metais (Metz), Pr Thibault Moreau (Dijon), Pr Jacques Moret (Paris), Pr Jean-Pierre Oli (Paris), Pr Muriel Rainfray (Bordeaux), Dr Danile Ranoux (Limoges), Pr Jean Rgis (Marseille), Dr Pascal Rmy (Corbeil-Essonne), Pr Philippe Ryvlin (Lyon), Pr Yves Samson (Paris), Dr Isabelle Serre (Reims), Pr Pierre Thomas (Nice), Pr Pierre Vera (Rouen), Dr France Woimant (Paris)Neurologies est une publication Expressions Sant SAS 2, rue de la Roquette Passage du Cheval Blanc, Cour de Mai - 75011 Paris Tl. : 01 49 29 29 29 - Fax : 01 49 29 29 19 E-mail : [email protected] RCS Paris B 394 829 543 N de Commission paritaire : 0112 T 78155 ISSN : 1287-9118 Mensuel : 10 numros par an Site : www.neurologies.net

SOMMAIREJanvier 2009 Vol. 12 N 114 Cahier 1

ACTUALITS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 2 PROFESSIONDu numro Adeli, au numro RPPS Quel est l'objectif du nouveau Rpertoire Partag des Professionnels de Sant ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 4

RDUCATIONLes thrapies cognitivo-comportementales : quels outils utiliser ? Quelle place chez le patient handicap moteur ? . . . . . . . . . . . . . . . . P. 6Emmanuel Branthomme (Saint-Germain de Prinay)

COMPRENDRELa neurobiologie de la sclrose en plaques : de nouvelles donnes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 11Irne Coman (Bobigny)

DOSSIER (dtachable)

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 15

LA MALADIE DE HUNTINGTON Dossier Chores - 1re partieCoordonn par Luc Defebvre

La maladie de Huntington : voque devant toute chore . . . . . . . . . . . p. 16Luc Defebvre (Lille)

1 Les aspects cliniques de la maladie de Huntington : troubles moteurs, cognitifs et psychiatriques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 17Clmence Simonin (Lille) et Pierre Krystkowiak (Amiens)

2 Traitement de la maladie de Huntington : prise en charge globale, traitements symptomatiques et perspectives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 24Pierre Krystkowiak (Amiens) et Anne-Catherine Bachoud-Levi (Crteil)

3 Annonce du diagnostic de maladie de Huntington : la transmission de l'information au sein des familles . . . . . . . . . . . . p. 31Marie Delliaux et Kathy Dujardin (Lille)

HISTOIRE DE LA NEUROLOGIEEdouard Brissaud, grande figure du 19e sicle : neurologue, mais aussi artiste, intellectuel, politique . . . . . . . . . . P. 35Jacques Poirier (Paris)

PRIX ET BOURSES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 10 BULLETIN DABONNEMENT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 23 RENDEZ-VOUS DE LINDUSTRIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 47 AGENDA - QUAND SOUMETTRE VOS ABSTRACTS ? . . . . . . . . . . P. 48 PETITES ANNONCES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 49Cette publication comporte 2 cahiers : Cahier 1 (52 p) et Cahier 2 (20 p) Assembl cette publication : Bulletin d'abonnement (4 pages)

ACTUALITS

EN BREFMOBILISATION POUR LA MALADIE DE PARKINSONA loccasion de la Journe mondiale du Parkinson, le 8 avril 2009, la Maison de la chimie Paris, lassociation France Parkinson appelle la mobilisation, et lance les Premiers Etats Gnraux des personnes touches par la maladie. Pour en savoir plus : Inscription, informations et dons : http://www.franceparkinson.fr

CHIFFRES

Epilepsie partielle pharmacorsistante: plus de 5 200 interventions en 50 ans

L

MDICAMENTS ET APTITUDE LA CONDUITETrois nouveaux pictogrammes font leur apparition sur les botes des mdicaments susceptibles de modifier laptitude conduire. Classs selon trois niveaux de risque - 1, Soyez prudent (13 % des spcialits) ; 2, Soyez trs prudent (22 %) ; et 3, Attention, danger : ne pas conduire (2 %) -, ils devraient attirer lattention des patients qui avaient tendance banaliser lancien triangle rouge prsent sur prs du tiers des mdicaments.

a dernire dition de Neurochirurgie, revue commune de la Socit de Neurochirurgie de Langue Franaise et de la Socit Franaise de Neurochirurgie, publie son troisime rapport sur la neurochirurgie fonctionnelle de lpilepsie pharmacorsistante. Y sont examins les volutions de la chirurgie de lpilepsie depuis 20 ans, les questions non rsolues et dfis qui restent relever, lactivit et la qualit de la prise en charge. Le dernier chapitre expose les rsultats dune enqute ralise auprs des 17 centres franais pratiquant la neurochirurgie actuellement. Lactivit de ces centres est tudie partir des donnes remontant sur une priode de de 4 16 ans : la chirurgie de lpilepsie implique, outre le service de neurochirurgie, ceux de neurologie, neurophysiologie, neuroradiologie, ranimation et anatomie-pathologie, ainsi que des collaborations avec des psy-

chiatres, neurologues et pdiatres. Dans presque tous les centres, la prise en charge mdicale et le bilan prchirurgical sont effectus dans le service de neurologie ou le service dexplorations fonctionnelles neurologiques. Seule lhospitalisation pour les tapes chirurgicales se fait en neurochirurgie. En France, entre 1957 et 2007, 5 240 patients ont t oprs pour une pilepsie pharmacorsistante et 3 083 explorations invasives intracrniennes ont t effectues. Cela correspond, pour les cinq dernires annes, une moyenne annuelle de 400 patients environ, ce qui ne suffit pas pour couvrir les besoins. Selon Marie-Christine Picot, du CHU Arnaud de Villeneuve Montpellier, la chirurgie devient cot-efficace en 7 8 ans. Pour en savoir plus : Rapport 2008 : Traitements chirurgicaux de lpilepsie. Neurochirurgie 2008 ; 54 : 117-502.

FIN DE VIE ET REFUS DE SOINS

Lapplication de la loi Leonetti dans la SLAa loi Leonetti permet au patient de faire connatre au mdecin son refus de soins draisonnables, et le mdecin doit respecter ce choix. Elle permet aussi au patient de rdiger des directives anticipes pour le cas o il devient inconscient. Son application a t value dans la SLA : possibilit dvoquer avec le patient sa fin de vie et lopportunit dune trachotomie. Une quipe lilloise a dcrit lapplication de la loi chez 35 patients (ge moyen 62 ans). 32 sont dcds et 3 ont t trachotomiss ; 29 avaient demand tre informs de leur tat respiratoire,18 avaient accept une dis-

L

cussion anticipe sur la trachotomie,17 avaient refus. 16 des 20 patients ayant donn des directives anticipes ont eu une dcompensation respiratoire ; 11 nont pas chang davis, en particulier aucun des 7 malades qui les avaient donnes par crit. Ce type dtude montre la ncessit de prvoir des entretiens spcifiques dans le suivi des patients. Pour en savoir plus : Danel-Brunaud V et al. Issues of France's Leonetti Act: involvement of amyotrophic lateral sclerosis patients in prior discussions concerning respiratory support and endof-life care. Rev Neurol (Paris) 2008, on line.

LIREEXAMEN LECTROMYOGRAPHIQUE : SMIOLOGIE LECTROPHYSIOLOGIQUE DES NERFS ET DES MUSCLESEmmanuel Fournier EMI, Editions Lavoisier - 2008, 858 pages.

Dix ans aprs la premire parution, cette deuxime dition, entirement rnove, est augmente de 850 pages. 2 000 images issues dexamens de patients ont t introduites pour mieux rpondre aux questions poses par la pratique, et des chapitres nouveaux ont t ajouts pour suivre lvolution des techniques et de la physiopathologie.

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Neurologies Janvier 2009 vol. 12 numro 114

PROFESSION

Du numro Adeli, au numro RPPSQuel est lobjectif du nouveau Rpertoire Partag des Professionnels de Sant ?Destin participer lamlioration du systme de sant et fond sur la volont dun partage dinformations harmonises et actualises entre tous les professionnels de sant (pharmaciens, mdecins installs et remplaants, sages-femmes et chirurgiens-dentistes), le RPPS (Rpertoire Partag des Professionnels de Sant) est une base de donnes unique et un systme dchanges entre tous les acteurs du domaine de la sant

UN RPERTOIRE INTELLIGENTLa mise en place du RPPS, outil prcieux pour le suivi dmographique des professionnels de sant, est laboutissement du travail commun accompli depuis 2003 par les diffrents partenaires lorigine de ce projet transversal (Tab. 1). A chaque professionnel est attribu vie un numro RPPS, compos de 11 chiffres et faisant office didentifiant. Vritable carte didentit mdicale, RPPS

Tableau 1 - Un travail en commun : les partenaires lorigine du RPPS. Le ministre de la Sant Les Ordres professionnels Le Service de Sant des Armes LAssurance maladie Le GIP-CPS (groupement dintrt publiccarte professionnelle de sant)

Vritable carte didentit mdicale, le RPPS - compos de 11 chiffres - attribue un n vie chaque professionnel de sant.recense, pour chaque professionnel de sant, un certain nombre de donnes certifies dintrt commun (Tab. 2) par lINSEE, les Ordres, le SSA ou lEtat et bases sur une nomenclature partage. Lattribution de ce numro unique et prenne devrait directement simplifier les dmarches administratives et la mobilit des professionnels de sant. Le calendrier de la mise en place des numros RPPS est dfini en plusieurs phases (Tab. 3). Tant que le professionnel na pas bnfici de lattribution du numro RPPS, le numro Adeli reste valable. Par ailleurs, linscription du numro RPPS sur les cartes CPS se fera automatiquement pour les nouGlossaire : FSE : Feuilles de Soins Electroniques GIP-CPS : Groupement dIntrt Public Carte de Professionnelle de Sant INSEE : Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques RPPS : Rpertoire Partag des Professionnels de Sant SSA : Service de Sant des Armes

veaux professionnels et au fil des renouvellements, en remplacement du numro Adeli, pour les autres.

RPPS : QUEL IMPACT POUR LE MDECIN ?DEUX NUMROS EN UNLe numro RPPS, unique et prenne, remplace la fois le numro dOrdre et le numro Adeli.

UN GUICHET UNIQUEPour lensemble des professionnels exerant une activit de soin, les dmarches administratives sont facilites. Quil sagisse dune inscription ou dune modification (consultation et correction de donnes personnelles), le professionnel na plus besoin de se prsenter la DASS : lOrdre devient le principal interlocuteur pour lenregistrement de toutes les informations concernant le professionnel. En ce qui concerne les dmarches auprs de la CPAM, les mdecins nauront plus fournir les pices administratives valides et transmises par lOrdre.

LES MENTIONS FAIRE FIGURER SUR LES ORDONNANCES ET FEUILLES DE SOINSSur chaque feuille de soin et ordonnance, le professionNeurologies Janvier 2009 vol. 12 numro 114

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DU NUMRO ADELI AU NUMRO RPPS

Tableau 2 - Les donnes dintrt commun du RPPS. Etat civil : identifiant, nom, prnom, date de naissance lieu de naissance. Diplme(s) : titre, type, date dobtention, lieu dobtention. Profession. Qualifications/comptences : comptences professionnelles, code, intitul, date de reconnaissance. Carte CPS : date de validit. Activits : date de dbut dexercice, date de fin dexercice, fonction, mode dexercice, lieu dexercice.

LE NUMRO RPPS : UNE UTOPIE ?Entretien avec le Dr Pierre Jouan, membre du Conseil National de lOrdre des Mdecins. La CNAMTS, qui exploite aujourdhui le numro Adeli, a lensemble de son systme informatique fond sur le numro 9 chiffres.Or,le numro RPPS comporte 11 chiffres et il nest pas dactualit pour la CNAMTS de rebtir son systme informatique.Dans le meilleur des cas,le croisement des fichiers CNAMTS et RPPS se fera en 2011 Lintrt du numro RPPS,cest didentifier les prescripteurs venant de lhpital (amendement Bur). En clair,nos confrres ont reu un numro RPPS quils doivent ranger bien prcieusement dans un coin,en sachant que,mme sils lont perdu,ils nont qu tlphoner au Conseil de lOrdre dpartemental en mesure de leur redonner.Cest tout ce quils en font dans limmdiat.Cest un numro ranger . Le dialogue officiel parle dun grand progrs dans lauthentification et la simplification administrative.Il ne faut pas avancer cette simplification administrative comme quelque chose de fondamental dans la vie du mdecin:pour un mdecin gnraliste, comme moi,la rforme ne change strictement rien ; pour les nouveaux installs,rien ne change non plus,puisque le guichet DASS nest toujours pas ferm. Quand le guichet DASS sera ferm,cela changera quelque chose de fondamental dans leur existence :ils nauront plus passer en DASS. Lunique raison qui a pouss lOrdre simpliquer fortement dans cette dmarche, cest que nous ne pouvions pas nous en dsintresser, car cela aurait voulu dire que nous nous dsintressions du tableau. Or, nous avons une mission de service public qui consiste dresser un tableau, rpertorier qui est qui qui fait quoiet cette aventure de croisement de , , fichiers quest le RPPS nous dmontre que nous sommes,non pas les meilleurs,mais les moins mauvais,dans cette affaire.Il tait intressant pour la profession, car lOrdre reprsente la profession, quelle ne se dsengage pas de cette aventure, mme si au dpart,elle ne me parat pas trs bien mene.

Tableau 3 - Les diffrentes tapes de la mise en place du numro RPPS. Phase 1 Elaboration du systme RPPS pour les 4 premires professions de sant lordre, y compris certains tudiants effectuant des remplaements : - pharmaciens (juin 2008), - mdecins (juillet 2008), - sages-femmes (septembre 2008), - chirurgiens dentistes. Phase 2 Extension toutes les professions de sant (professions rglementes avec enregistrement de diplme). Phase 3 Dmarrage de la connexion des employeurs (tablissements sanitaires et sociaux). Phase 4 Dmarrage de la connexion des tablissements de formation.

nel de sant en exercice libral doit faire figurer, en plus de son numro dAssurance maladie, son identifiant RPPS, partir de dbut 2009. Le professionnel de sant, salari dun tablissement, doit y faire figurer le numro RPPS ainsi que le numro de sa structure.

LA DEMANDE DE CARTE CPS EST SIMPLIFIEDevenu linterlocuteur principal pour les dmarches des professionnels de sant, lOrdre gre maintenant les demandes de cartes CPS. Effectivement, sans transiter par la DASS ni par la CPAM, la demande se fait directement auprs le lOrdre et sera transmise au GIP-CPS (et ltablissement de sant dans le cas des salaris).

inchang (il sagit de celui de lAssurance maladie). Il ny a galement aucun impact sur les modalits de tltransmission de FSE. Le plus souvent mineures, les mises jour sont effectuer par le professionnel de sant, qui doit sassurer de prise en compte du numro RPPS par son logiciel de gestion. Pour rsoudre les questions techniques, le GIP-CPS met des diteurs disposition des personnes et des structures sur son site Internet.Stphane Desmichelle

COMPATIBILIT DES LOGICIELS DE CABINET ET LECTEURSLes logiciels de facturation de FSE et les lecteurs ne seront pas affects car le numro quils utilisent resteNeurologies Janvier 2009 vol. 12 numro 114

POUR EN SAVOIR PLUSPour de plus amples informations sur le systme RPPS et pour toute question technique (informatique),vous pouvez consulter le site du GIP-CPS (charg de la mise en place du systme RPPS) : www.gip-cps.fr.

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RDUCATION

Les thrapies cognitivo-comportementalesQuels outils utiliser ? Quelle place chez le patient handicap moteur ?Le vcu des personnes handicapes motrices est important prendre en compte afin de conserver le plus possible leur autonomie, mais aussi leur qualit de vie Les techniques de thrapie cognitivo-comportementale (TCC) sont riches et diverses, permettant de renouveler le rapport mdecin-malade Nous proposons de mettre en vidence quelques-unes des possibilits qui devraient amener le mdecin se servir de ces outils performants Emmanuel Branthomme*

DANS LE TRAVAIL DES TCC, LE MALADE DEVIENT ACTEURDans la relation thrapeutique classique, le malade expose son problme, le mdecin essaie de le rsoudre avec ses outils thrapeutiques. Dans le travail des TCC, le malade devient acteur vers sa gurison, il se sert des connaissances dun ou plusieurs thrapeutes pour pouvoir gagner sur sa difficult. Il y a donc une vritable collaboration entre le mdecin et son patient en vue dun objectif commun, lamlioration de son tat ou lvitement de complications. Laction est donc dans la prvention primaire, secondaire et tertiaire, et dans le soin.

tique, puis de se servir des entretiens motivationnels pour amener le malade changer. La pratique de lanalyse fonctionnelle et des questionnaires valids aideront au diagnostic. De plus, dans les prises

vie dtermin, mais de lintgrer lhistoire sanitaire dune personne, dun couple ou dune famille. Les techniques TCC permettent une meilleure alliance thrapeutique en dveloppant

Bien interroger le malade est une des choses les plus utiles dont on a besoin dans le traitement des maladies, aprs la connaissance parfaite de lart mdical. - Al Rz (864-902)en charge thrapeutiques, lexploration des rticences et des rsistances grce la restructuration cognitive (modification du mode de pense de la personne) et par les techniques de rsolution de problme est importante. Enfin, les techniques de rhabilitation progressive permettront au patient de retrouver, aprs un problme de sant, sa confiance en soi et sa capacit de travail. lcoute active ; la relation devient plus empathique, plus authentique et chaleureuse. On apprend se servir de la technique des 4 R : Re-contextualiser, Reformuler, Rsumer, Renforcer.

LES TECHNIQUES DE TCCPour arriver ce rsultat, nous utilisons un certain nombre de techniques qui ont fait leurs preuves en psychothrapie. Il sagit, dans un premier temps, de dvelopper lalliance thrapeu*Saint-Germain de Prinay

LANALYSE FONCTIONNELLEA cette coute, va sajouter la dimension professionnelle qui est notre comptence. Cette comptence va tre mise en valeur par lanalyse fonctionnelle (3). Il sagit dune techniqueNeurologies Janvier 2009 vol. 12 numro 114

LALLIANCE THRAPEUTIQUE (1)Elle est indispensable une relation de soin et de suivi. Il ne sagit pas seulement de soccuper dun problme un moment de

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LES THRAPIES COGNITIVO-COMPORTEMENTALES

danamnse qui va au-del de la simple historique du problme. Cette analyse est centre sur la problmatique voque et son ressenti physique, motionnel ou sentimental (Fig. 1). La reprsentation psychique du problme est mise au jour. Elle dpend en partie de souvenirs et dvnements de vie, mais aussi du travail cognitif de la personne (Fig. 2). De plus, il est intressant de rechercher le comportement rsultant et de savoir quelle valuation de celui-ci est dtermine par la personne. Enfin, limpact projet de ce problme est travaill sur la vie future de la personne. Un exemple permettra de faire comprendre cette importance : une jeune femme vient pour des dysesthsies des membres infrieurs. On va dterminer que ces dysesthsies ont commenc depuis deux jours par intermittence avec lourdeur des jambes. Une nuit, elle sest rveille et a ressenti la gne. Elle a eu ensuite une chaleur, des sueurs, une insomnie, des palpitations. Elle a pris un anxiolytique et elle a pu sendormir. Le lendemain, elle vient consulter. Lors de lanalyse fonctionnelle (Fig. 3 et 4), on saperoit quelle a dabord commenc par avoir cette gne, puis quelle sest souvenue quun de ses collgues a fait une sclrose en plaques, et quil lui avait dit que la maladie avait commenc par des fourmillements dans les jambes. Immdiatement, elle a fait une crise dangoisse en se disant quelle allait faire comme lui et quelle allait devenir paralysee. Les consquences seraient pouvantables car elle ne pourrait pas avoir denfant et elle nirait plus travailler. La comprhension du mcaNeurologies Janvier 2009 vol. 12 numro 114

EmotionsPeur Colre Tristesse Honte

Corps

Maux de ventre Rougir Diarrhe Tremblement Respiration haletante

Comportements Cognitions Ides, pensesInquitudes excessives ruminations penses dvalorisantes Figure 1 - Lvaluation du problme. Posture rigide Pleurs Ronger les ongles Gne au mouvement

vit emen ts

SITUATIONS DCLENCHANTES

PENSES AUTOMATIQUES Cognitions, penses automatiques : ce qui me passe par la tete, ce que je pense

MOTION Ce que je ressens CONSQUENCES POUR L'ENFANT CONSQUENCES POUR LES PARENTS

COMPORTEMENT Ce que je fais ou ce que j'ai tendance faire

Figure 2 - Ici chez lenfant, le modle des cercles denfermement de Cungy.

Situation : dysesthsiesSe pose des questions Y pense sans cesse Voit l'image de son collgue

Pas d'autres intrts Pense : je vais devenir comme lui Se dit qu'elle va paralyser

Panique et focalise son attention

Figure 3 - Lanalyse fonctionnelle, dans notre exemple : une jeune femme atteinte de dysesthsies des membres infrieurs.

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RDUCATION

nisme psychologique qui est derrire le motif de la consultation va tre donc trs important prendre en compte par le mdecin. En effet, il rpondra la demande de la personne avec laide des examens cliniques. Labsence dorganicit est plus rapidement dtermine. Il ne sgarera pas dans des examens complmentaires coteux. Le plus souvent, ceux-ci ne font quaggraver la certitude qua cette personne : Sil me fait faire cet examen, cest quil pense que cest grave .

Mmoire ngative Stress augment Echec Mauvais jugement sur soi

Dmotivation

Figure 4 - Travail de lentretien motivationnel : le processus de mauvaise apprciation.

Indtermination

UN TAT DES LIEUXLanalyse fonctionnelle va dboucher sur un "tat des lieux", qui sera une base de travail pour le mdecin et apportera un regard nouveau sur son problme par le malade. Un schma explicatif va alors tre propos au patient pour tre discut avec celui-ci jusqu' obtention de son accord. Ds lors, un rapport collaboratif troit peut se mettre en place, le malade va participer son traitement. En outre, vont se poser deux problmes principaux : la rsistance aux changements et la motivation changer. La rsistance au changement se rencontre surtout lorsque la dimension comportementale est importante : dans les problmes de dpendance au tabac, lalcool, aux drogues ; lorsque les habitudes de vie sont en cause dans les facteurs de risque ou les problmes nutritionnels ; lorsque les relations mettent en jeux parents-enfants, couple ou relations socio-professionnelles.

Intention Progrs

Prparation Rechutements mdicamenteux. La comprhension du mcanisme qui dtermine cette rsistance (Fig. 7), va permettre une restructuration cognitive (3). Ainsi, on fera voluer le patient ou modifier son approche pour permettre lacceptation des examens ou traitements ncessaires. Il sagit dune tape importante pour une meilleure observance.

Action

ConsolidationFigure 5 - Les cinq phases de lentretien motivationnel.

ici tre trs utile. Cette approche permet de donner la personne un rle central dans le processus de changement, en travaillant la rsolution de son ambivalence naturelle et en laidant trouver les raisons de changer (Fig. 5 et 6). Le thrapeute devient un conseiller en renforant les capacits de changement de la personne. La rsistance peut se rencontrer aussi dans la proposition dexamens complmentaires comme lIRM, dans certains gestes thrapeutiques comme la chirurgie ou des infiltrations, ou encore dans la proposition de traite-

D'AUTRES OUTILS INTRESSANTSDautres outils apports par les TCC sont intressants, tels le travail avec des questionnaires valiNeurologies Janvier 2009 vol. 12 numro 114

L'ENTRETIEN MOTIVATIONNELLutilisation de la technique des entretiens motivationnels (2) peut 8

LES THRAPIES COGNITIVO-COMPORTEMENTALES

ds, les agendas, les techniques de rsolution de problme et les techniques de rhabilitation progressive.

Estime de soi

DES QUESTIONNAIRES VALIDS (3)Les questionnaires sur la qualit de vie, sur la motivation, sur la dpendance, sont maintenant bien connus. On rencontre galement, dans de plus en plus de spcialits, des questionnaires faciles et rapides faire passer et qui sont valids. Ils permettent de se faire une ide de limportance du handicap ou de la gne. Ils sont intressants connatre, de sy rfrer et faire passer. Ils permettent au patient de prendre conscience de la difficult et de lvolution, si on les fait refaire rgulirement. Ils permettent aussi au mdecin de ne pas passer ct de certains aspects du problme et apportent une prcision dans la dmarche.

Efficacit et fiert

Motivation

Persvrance dans lactivit

Figure 6 - La motivation.

Je ne suis pas capable

Echec

Dmotivation

Ne persvre pas

Stress avant lpreuve

Figure 7 - Ladaptation ne pourra se faire.

LES AGENDASLes agendas sont aussi des techniques trs pertinentes. Ils sont des aides aux diagnostics ou des aides dans la comprhension des problmes. Enfin, ils valuent la difficult et les possibilits damlioration. On voit que ceux-ci sont importants dans le travail sur le vcu du patient handicap. Ils ont dj leur place dans la migraine et dans le travail sur la douleur. Ils peuvent sadapter de nombreuses situations dans la vie du patient. ciale, professionnelle ou familiale est un motif de la consultation. Il en est de mme dans les incidents thrapeutiques ou lorsquun effet secondaire apparat. sionnelles qui seront prsentes, on essaye de trouver ensemble des tapes abordables et de crer ainsi une dynamique de pr-apprentissage ou dapprentissage permettant darriver lobjectif. Pour chaque tape, est tabli un programme de rencontre entre le thrapeute et son patient, ainsi quun programme daide galement. Exemple : mesurer du regard une distance et voir si cette distance peut tre parcourue chez une personne ayant un trouble crbelleux.

LES TECHNIQUES DE RHABILITATION PROGRESSIVE (3)Les techniques de rhabilitation progressive permettent de trouver des tapes pour arriver lobjectif dfini en commun. Il sagit de dfinir ensemble un objectif auquel le patient va adhrer. Il peut sagir dune rhabilitation physique aprs un accident ou une intervention chirurgicale, d'une aide fonctionnelle aprs une maladie, d'une reprise de travail ou d'une reprise sportive. On part donc de cet objectif, on recherche les difficults physiques, psychiques, sociales ou profes-

LES TECHNIQUES DE RSOLUTION DE PROBLME (3)Elles comprennent la dfinition de celui-ci, la segmentation en plus petits problmes, la recherche de toutes les solutions possibles, la hirarchisation de celles-ci, la mise en uvre des solutions retenues et leurs valuations. Elles sont intressantes ds quune difficult soNeurologies Janvier 2009 vol. 12 numro 114

POUR CONCLURENous avons manifestement un manque de connaissance des diffrents outils qui ont t montrs ici. Les enseignants capables de donner les notions ncessaires sont trop peu nombreux. Les praticiens habilits par leur exp9

RDUCATION

rience ou par leur formation de TCC dexpliquer ces techniques sont aussi en nombre trop faible. Enfin, il est ncessaire que des travaux avec valuation puissent tayer le travail engag. Cependant, des tudes ont montr quil est possible dapporter de laide aux patients dans une consultation de quinze minutes. Trois lments clefs ont t retrouvs (4) : une relation positive base sur

une coute active, une empathie authentique et un mdecin concern par la problmatique ; le dveloppement dune comprhension partage de la problmatique ; la promotion dun changement physique, comportemental, affectif ou motionnel. Nous retrouvons ces trois lments dans la prise en charge du patient dans la relation en TCC. On comprend donc limportance de

connatre ces techniques pour aider son patient ayant un handicap plus ou moins important, mais retentissant dans sa vie quotidienne et entranant une diminution de la qualit de son vcu.

Mots-cls :Thrapies cognitivo-comportementales, Psychothrapie,Handicap, Papport mdecin-malade

BIBLIOGRAPHIE1. Cungi C. Lalliance thrapeutique. Retz, 2006. 2. Miller W, Rollnick S. Lentretien motivationnel. InterEditions, 2006. 3. Cottraux J.Les thrapies comportementales et cognitives.Paris :Masson, 1993. 4. Cape J, Barker C, Buszewic M, Pisstrang N. General practitioner psychological management of common emotional problems.II:A research agenda for the development of evidence-based practice. Br J Gen Pract 2000 ; 50 : 396-400.

PRIX ET BOURSES REMISE DE PRIXRseaux : Prix URML Ile-de-France Le Prix Rseau de sant a t attribu au Rseau SLA Ile-de-France pour la prise en charge de la sclrose latrale amyotrophique (Dr Michel Dib, Paris). Le rseau regroupe 407 professionnels de sant et 45 structures. Son valuation ralise pour le Fonds dAide la Qualit des Soins de Ville (FAQSV) a mis en vidence une baisse des hospitalisations, la satisfaction des patients et un faible cot de prise en charge (infrieur 8 euros par jour et par patient). Le Prix GlaxoSmithKline a t attribu au Rseau Alos (environ 300 professionnels de sant, dont 17 neurologues) pour son action dans la mise en place dun diagnostic prcoce de la maladie dAlzheimer (Dr Bndicte Defontaines, Paris). Le projet a consist faire intervenir des neuropsychologues de ville afin de raccourcir les dlais de ralisation du bilan neuropsychologique et de dsengorger ainsi les structures hospitalires.

Sclrose en plaques : Prix Malakoff MdricLe 1er dcembre dernier, le groupe Malakoff Mdric a remis une subvention de 20 000 euros au Dr Danielle Seilhean (Inserm UMR-S-546, Groupe Hospitalier Piti-Salptrire, Paris) pour ses travaux dans le domaine de la gntique de la sclrose en plaques : Gntique des canaux sodiques dans la prdisposition la SEP et tude de leur expression axonale en relation avec la svrit de la maladie.

Douleur : Prix de la Fondation APICILLa Fondation APICIL a rcompens ces trois projets : Dr Philippe Roussel (responsable du Centre de la douleur de la Timone, Marseille) et Lionel Dany (psychologue, matre de confrences en Psychologie sociale lUniversit de Provence), pour leur projet dtude sur lvaluation bio-psychosociale de la douleur et le dispositif de prise en charge ; Dr Nadine Attal (Centre dEvaluation et du Traitement de la Douleur, Hpital Ambroise Par, Inserm U792, Paris) pour son travail sur lefficacit de la stimulation magntique transcrnienne rptitive dans le traitement de la douleur chronique idiopathique ; Dr Serge Bouznah (mdecin de sant publique, responsable de la consultation douleur interculturelle, Association IPAOS Culture et Sant), pour son travail sur le dveloppement de lunit mobile de consultation interculturelle de la douleur, spcialise dans la prise en charge de patients migrants.

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COMPRENDRE

La neurobiologie de la sclrose en plaquesDe nouvelles donnesUn tude post-mortem discute l'htrognit inter-patients tablie par la classification de Lucchinetti Les atteintes de la substance blanche et de la substance grise se prcisent Le puzzle des facteurs impliqus dans la dfaillance de la remylinisation dans la SEP continue tre assembl, avec de nouvelles tudes Irne Coman*

LA SCLROSE EN PLAQUE, : UNE SEULE MALADIE ?La sclrose en plaques est une maladie dmylinisante, inflammatoire, dont la physiopathologie nest toujours pas lucide. Lucchinetti avait prsent, en 2000, son tude ralise sur des prlvements biopsiques, mais aussi autopsiques, comprenant des lsions de dmylinisation active (1), et a propos une classification des lsions de SEP en soulignant lh, trognit inter-patients : I. associes aux lymphocytes T et macrophages ; II. associes la mdiation cellulaire + anticorps et complment ; III. oligodendropathie distale ; IV. dgnrescence oligodendrocytaire. En 2008, E. Breij (2, 3) nous a apport des rsultats nouveaux issus dune tude sur des prlvements provenant de patients prsentant une SEP tablie. Dans toutes les lsions de SEP

analyses (63 prlvements postmortem, provenant de 27 patients), elle met en vidence des dpts danticorps et de facteurs du complment activs, associs des lsions de dmylinisation active. La perte prfrentielle des protines de la myline, les lsions extensives hypoxia-like et lapoptose oligodendrocytaire ont t absentes ou trs rarement observes. E. Breij en fait une interprtation conciliante : garder pour la phase initiale de la formation des lsions dmylinisantes de SEP la classification de Lucchinetti, propose en 2000 ; cette htrognit initiale des lsions finirait par disparatre avec le temps ; et on retrouve, dans la SEP tablie, un mcanisme unique de dmylinisation chez tous les patients : la phagocytose de la myline, mdie par les anticorps et le complment.

rylation des neurofilaments, rduction du diamtre axonal. Les canaux sodium sont redistribus le long de laxolme, entranant une demande nergtique excessive et lentre excessive du sodium dans laxoplasme, dclenchant ultrieurement les changeurs Ca-Na, ce qui provoque une entre massive de Ca dans laxoplasme, avec un effet dltre (4, 5).

ANOMALIES AXONALES DANS LA SUBSTANCE BLANCHE EN APPARENCE NORMALEMais, de plus, ont t mises en vidence des anomalies axonales dans la substance blanche en apparence normale : des anomalies du transport axonal, des transsections axonales, une perte axonale. Plusieurs mcanismes semblent impliqus : la cytotoxicit des CD8+, directement associe la dgnrescence axonale ; des anticorps clonaux retrouvs dans le LCR de patients SEP, dirigs contre laxone (6) ; des anticorps anti-Neurofascin (dirigs contre la Neurofascin 186, 11

LA SEP, MALADIE DE LA MYLINE ET DE LAXONELa perte de myline entrane une souffrance axonale : dphospho-

* Service de Neurologies,Hpital Avicenne,Bobigny

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COMPRENDRE

situe sur le versant axonal au niveau du nud de Ranvier, et contre la Neurofascin 155 sur le versant oligodendroglial, au niveau du paranud) prsents chez des patients SEP ; ces anticorps inhibent la conduction in vitro, en une manire complmentdpendante ; in vivo, dans un modle dEAE, ils sont responsables des lsions axonales (associs aux dpts de complment) et de lexacerbation clinique (7) ; des anomalies mitochondriales dans certains types de lsions de SEP prsentant des lsions tissu, laires hypoxia-like (8) ; le dysfonctionnement mitochondrial et la diminution du transport ionique, via la Na-K-ATPase, entranent une surcharge en Na et une dpolarisation ; par consquent, de multiples transporteurs ioniques et molculaires coupls au Na sont obligs de fonctionner en mode inverse, provocant des accumulations dltres, la surcharge en Ca++ (par exemple lchangeur Na+-Ca++). Un exemple en est reprsent par les rcepteurs ionotropiques du glutamate : NMDA, AMPA/kanate. La dysrgulation du glutamate est une donne trs importante dans la SEP et lEAE. Des rcepteurs au glutamate axonaux et oligodendrocytaires (au niveau des prolongements, et lintrieur et lexterieur des boucles de myline mature) ont t identifis. Laccumulation du Na+ et la dpolarisation vont obliger les transporteurs du glutamate et de la glycine, coupls au Na+, fonctionner en mode defflux metteur ; la libration excessive du glutamate et de la glycine conduit ensuite la suractivation des rcepteurs NMDA (qui ncessitent le glutamate et la glycine comme co-agonistes obligatoires), qui, 12

leur tour, entranent lentre du Ca++. En mdiant latteinte Ca++dpendante des oligodendrocytes et de la gaine de myline, les rcepteurs NMDA jouent un rle important dans la gense des lsions oligodendrocytaires et myliniques. Par contre, les rcepteurs NMDA ne jouent pas un rle important dans la lsion des cylindres axonaux en soi. Les antagonistes du rcepteur NMDA protgent la myline, pas laxone. Des nanocomplexes internodaux, contenant des rcepteurs AMPA/ kanate, canaux Ca++ et nNOS (neuronal nitric acid synthase) ont t mis en vidence. Lorsque ces complexes sont stimuls, ils conduisent lactivation des rcepteurs ryanodine et la libration du Ca++ des stocks axonaux. Les nanocomplexes axonaux pourraient ainsi contribuer la formation de sphrodes et la transection axonale (9, 10).

axonale augmentant avec limportance de linfiltration macrophagique et par des lymphocytes T CD8+ (12). Ainsi, la simple souffrance secondaire la dmylinisation, ne semble plus une explication suffisante pour latteinte axonale (13).

LES EFFETS NFASTES DE LA RPONSE IMMUNE/ INFLAMMATOIRELes effets nfastes de la rponse immune/inflammatoire sur les neurones et axones ont t mis en vidence sur des lsions de SEP (immuno-histochimie, biologie molculaire). Sont impliqus : les lymphocytes CD4 et leurs cytokines proinflammatoires et immunomodulatrices, les lymphocytes T CD8 cytotoxiques (attaque directe, non spcifique), la microglie active et les macrophages (avec leurs diffrentes enzymes), les mtalloprotases matricielles, la calpane intervenant dans latteinte de la spectrine, la cyclo-oxygnase 2 (Cox 2), le NO (rle de liNOS), les proxynitrites et radicaux libres (engendrant, par exemple, la nitrothyrosine). Le NO est particulirement toxique pour les axones dmyliniss, le glutamate, les chmokines astrocytaires (CXCL2), les lymphocytes B avec leurs anticorps anti-neuronaux, le complment, la up-regulation de la synucline dans les lsions de SEP . Il faut noter que linflammation existe aussi dans la substance blanche dapparence normale, o ces facteurs interviennent aussi probablement. Il a t montr une expression diffuse des molcules dadhsion vasculaire (VCAM1), dans la plupart des vaisseaux de la substance blanche dapparence normale (mme en labsence deNeurologies Janvier 2009 vol. 12 numro 114

UNE ATTEINTE PRCOCE DE LA SUBSTANCE GRISELa substance grise est aussi atteinte prcocement dans la SEP, avec dmylinisation et atteinte axonale. Il a t observ une diminution et une perte des cellules neuronales, mais aussi une diminution des dendrites et synapses dans lEAE aigu et dans le cortex de patients SE. Dans le modle EAE chez le rat, il a t observ une apoptose neuronale, mdie par le deathligand TRAIL (TNF-related apoptosis-induced ligand) (11). Dans certaines lsions de SEP, il existe dailleurs une dissociation entre latteinte axonale et oligodendrogliale. Des lsions axonales aigus (APP+) ont t observes en absence de toute dmylinisation, mme dans des lsions remylinises, lintensit de latteinte

LA NEUROBIOLOGIE DE LA SCLROSE EN PLAQUES

rupture apparente de la BHE) : activation microgliale, infiltration lymphocytaire et macrophagique privasculaires, prsence de cellules dendritiques matures. Une immunoractivit pour lIgG a t retrouve assez souvent sur les axones dystrophiques. Lexistence de linflammation de la substance blanche en apparence normale a t mise en vidence aussi in vivo, par USPIOIRM (14).

Les smaphorines 3A et 3F (dont les rcepteurs sont Neuropilin 1 pour Sma 3A et Neuropilin 2 pour Sma 3F) sont des protines transmembranaires et scrtes. Elles sont des molcules-signal de guidage axonal et interviennent aussi dans la migration des oligodendrocytes, pendant le dveloppement (Sma 3A est rpulsive, Sma 3F est attractive). Dans les lsions de SEP (tude post-mortem), lexpression des RNAm des Sma 3A et 3F est augmente dans et autour des lsions actives dmylinises de la substance blanche, et pas dans les lsions chroniques, ni dans la substance blanche dapparence normale, ni dans les shadow-plaques. Ce sont essentiellement les astrocytes et la microglie qui expriment Sma 3A et 3F. Les lsions les plus inflammatoires expriment surtout Sma 3 F, et les lsions moins inflammatoires, Sma 3A. Ainsi, linflammation pourrait jouer un rle bnfique, en favorisant probablement le recrutement des OPC. Les smaphorines 3A et 3F sont aussi exprimes par les neurones, au niveau de la substance grise corticale. Elles sont surexprimes dans la substance grise corticale chez les patients SEP (indpendamment de la distance par rapport aux plaques), par rapport la population contrle. Sur le modle animal de dmylinisation toxique par LPC, du faisceau cortico-spinal chez le rat, ce pattern de surexpression des smaphorines est retrouv aussi dans et autour des lsions inflammatoires, et dans les corps cellulaires des neurones corticaux dont proviennent les axones allant aux lsions dmylinises. Ainsi, la surexpression des sma-

phorines 3A et 3F aprs la dmylinisation pourrait favoriser le recrutement des OPC.

INSUFFISANCE DE LA DIFFRENCIATION ET DE LA MATURATION OLIGODENDROCYTAIRE Une piste originale est celle de la modification de la destine des progniteurs neurals (NPC), redox-dpendante. Un environnement lgrement oxydant supprime la prolifration des NPC et oriente leur diffrenciation vers la ligne astrogliale, au dtriment de la ligne neuronale, par lintermdiaire de Sirt 1, une histone-dsacthylase NADdpendante. Une oxydation modre, in vivo et in vitro, entrane une up-regulation de Sirt 1 au niveau des NPC, se lie au facteur de transcription Hes1, et, ainsi, inhibe Mash 1 proneuronal. Une autre hypothse intressante est celle dune interaction axo-gliale, empchant la diffrenciation des progniteurs doligodendrocytes prsents dans certaines plaques dmylinises. Le rcepteur Notch est pluripotent, ligand-dpendant, jouant des rles diffrents des tapes diffrentes de loligodendrogense et de la mylinisation. Durant la premire tape du dveloppement, lors de la gense des neurones et des oligodendrocytes, Notch1 intervient dans le devenir des cellules souches neurales, en favorisant la voie gliale et en rprimant la voie neuronale. Pendant la mylinisation, lexpression de Jagged 1 la surface axonale inhibe, par lintermdiaire de linteraction avec Notch 1 situ au niveau de la membrane des prcurseurs des oligos, la maturation de ces derniers (18). Tout de mme, lexpression de Notch-jagged 1 dans les 13

RLE DE LA MICROGLIE ET DU GLUTAMATEAu niveau de la substance grise, la microglie et le glutamate sont impliqus dans la dgnrescence des corps cellulaires neuronaux et des neurites. Le dysfonctionnement de la barrire hmato-encphalique, secondairement linfiltration inflammatoire, permet larrive des neurotoxines systmiques au niveau du parenchyme crbral. Ainsi, les consquences de linflammation pourraient gnrer des anomalies axonales, indpendamment de la dmylinisation (5, 15).

LES FACTEURS IMPLIQUS DANS LA DFAILLANCE DE LA REMYLINISATIONLe puzzle des facteurs impliqus dans la dfaillance de la remylinisation dans la SEP continue tre assembl, avec de nouvelles donnes.

LES SMAFORINESLquipe de C. Lubetzki (16) a mis en vidence limplication des smaforines dans le dfaut de recrutement des progniteurs doligos (OPC) (17).Neurologies Janvier 2009 vol. 12 numro 114

COMPRENDRE

lsions dmylinises nempche pas la remylinisation (19). La contactine, dont lexpression la surface axonale est dpendante de lactivit lectrique neuronale, a t identifie rcemment comme ligand positif pour le rcepteur Notch 1, induisant la diffrenciation et la mylinisation (20, 21). Lquipe de Norihiro Suzuki (22) a identifi le TIP 30 comme un facteur inhibant le transport nuclocytoplasmique de la molcule de signalisation de cette voie. Ce travail a dmontr que, dans les lsions dmylinises de SEP (prlvements post-mortem), la

contactine est prsente au niveau des membranes des axones dmyliniss, que des prcurseurs doligos Notch1 positifs saccumulent dans les lsions contactine-positives, la signalisation axonale est initie, le fragment intracellulaire de Notch (NICD) tant cliv, mais la translocation nuclaire de ce dernier est trs diminue dans ces prcurseurs doligos. Le transport de NICD est li limportine bta, un transporteur nuclaire. TIP 30, un inhibiteur direct de limportine bta, colocalise avec le complexe NICD-importine bta dans le cytoplasme, dans ces prcurseurs doligos.

De plus, in vitro, la surexpression de TIP 30, dans les prcurseurs doligos, arrte la diffrenciation des prcurseurs dclenche par la stimulation par la contactine. Ainsi, le blocage de la translocation nuclaire de NICD par TIP 30 arrterait la diffrenciation des prcurseurs doligos dclenche par leur interaction avec les axones dmyliniss exprimant la contactine.

Mots-cls :Sclrose en plaques, Myline,Oligodendrocytes, Remylinisation,Dgnrescence axonale

BIBLIOGRAPHIE1. Lucchinetti C, Brck W, Paraisi J et al. Heterogeneity of multiple sclerosis lesions: implications for the pathogenesis of demyelination. Ann Neurol 2000 ; 47 : 707-17. 2. Breij EC, Brink BP,Veerhuis R et al. Homogeneity of active demyelinating lesions in established multiple sclerosis. Ann Neurol 2008 ; 63 : 16-25. 3. Breij E,Brink BP,Veerhuis R et al.Homogeneity of active demyelinating lesions in patients with established multiple sclerosis. Mult Scler 2008 ; 14 (Suppl 1) : S9. 4. Craner MJ,Newcombe J,Black JA et al.Molecular changes in neurons in multiple sclerosis: altered axonal expression of Nav1.2 and Nav1.6 sodium channels and Na+/Ca2+ exchanger.Proc Natl Acad Sci USA 2004 ; 101 :8168-73. 5. Moore W. Evidence for secondary neurodegeneration in multiple sclerosis. Mult Scler 2008 ; 14 (Suppl 1) : S9. 6. Zhang Y,Da RR,Gui W et al.Axon reactive B cells clonally expanded in the cerebrospinal fluid of patients with multiple sclerosis.J Clin Immunol 2005 ; 25 : 254-64. 7. Mathey EK, Derfuss T, Storch MK et al. Neurofascin as a novel target for autoantibody-mediated axonal injury. J Exp Med 2007 ; 204 : 2363-72. 8. Mahad D, Ziabreva I, Lassmann H, Turnbull D. Mitochondrial defects in acute multiple sclerosis lesions. Brain 2008 ; 131 (Pt 7) : 1722-35. 9. Ouardouz et al. Ann Neurol 2008, in press. 10. Stys P. Axo-glial interactions: role of transporters and glutamate receptors. Mult Scler 2008 ; 14 (Suppl 1) : S12. 11. Aktas O, Smorodchenko A, Brocke S et al. Neuronal damage in autoimmune neuroinflammation mediated by the death ligand TRAIL. Neuron 2005 ; 46 : 421-32. 12. Bitsch A, Schuchardt J, Bunowski S et al. Acute axonal injury in multiple sclerosis.Correlation with demyelination and inflammation.Brain 2000 ; 123 (Pt 6) : 1174-83. 13. Brck W. Evidence for primary neurodegeneration in multiple sclerosis. Mult Scler 2008 ; 14 (Suppl 1) : S9. 14. Vellinga MM,Vrenken H,Hulst HE et al.USPIO-enhanced magnetic resonance imaging demonstrates diffuse inflammation in multiple sclerosis normal-appearing white matter. Mult Scler 2008 ; 14 (Suppl 1) : S7-8. 15. Vercellino M,Votta B, Condello C et al. Diffuse inflammatory changes in multiple sclerosis normal appearing white matter. Mult Scler 2008 ; 14 (Suppl 1) : S7. 16. Lubetzki C,Piaton G,Williams A et al.Myelin repair in the central nervous system: role of guidance molecules. Mult Scler 2008 ; 14 (Suppl 1) : S11-12. 17. Williams A,Piaton G,Aigrot MS et al.Semaphorin 3A and 3F:key players in myelin repair in multiple sclerosis? Brain 2007 ; 130 (Pt 10) : 2554-65. 18. Wang S, Sdrukka AD, di Sibio G et al. Notch receptor activation inhibits oligodendrocyte differentiation. Neuron 1998 ; 21 : 63-75. 19. Stidworthy MF, Genoud S, Li WW et al. Notch1 and Jagged1 are expressed after CNS demyelination,but are not a major rate-determining factor during remyelination. Brain 2004 ; 127 (Pt 9) : 1928-41. 20. Cui XY,Tekava M,Shimoda Y et al.NB-3/Notch1 pathway via Deltex1 promotes neural progenitor cell differentiation into oligodendrocytes. J Biol Chem 2004 ; 279 : 25858-65. 21. Hu QD, Cui XY, Ng YK, Xiao ZC. Axoglial interaction via the notch receptor in oligodendrocyte differentiation.Ann Acad Med Singapore 2004 ; 33 : 581-8. 22. Nakahara J, Kanekura K, Nawa M et al. Identification of a factor inhibiting nucleocytoplasmic transport and differenciation within preserved oligodendrocyte precursor cells in multiple sclerosis: a possible cause for remyelination failure. Mult Scler 2008 ; 14 (Suppl 1) : S8.

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DOSSIER

LA MALADIE DE HUNTINGTONLes chores - 1re partieDossier coordonn par Luc Defebvre

George Huntington

INTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 16Luc Defebvre (Lille)

LES ASPECTS CLINIQUES DE LA MALADIE DE HUNTINGTON Troubles moteurs, cognitifs et psychiatriques . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 17Clmence Simonin (Lille) et Pierre Krystkowiak (Amiens)

TRAITEMENT DE LA MALADIE DE HUNTINGTON Prise en charge globale, traitements symptomatiques et perspectives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 24Pierre Krystkowiak (Amiens) et Anne-Catherine Bachoud-Levi (Crteil)

ANNONCE DU DIAGNOSTIC DE MALADIE DE HUNTINGTON La transmission de l'information au sein des familles . . . . . . . . . . P. 31Marie Delliaux et Kathy Dujardin (Lille)

LES CHORES - 1re PARTIE

DOSSIER

INTRODUCTIONLuc Defebvre*

La maladie de Huntington : voque devant toute choreualifie dimprvisible, danarchique, avec un caractre brusque et arythmique, la chore constitue un mouvement involontaire sans finalit, de topographie variable (segmentaire ou axiale) voluant sur un fond dhypotonie. Devant toute chore la maladie de Huntington sera systmatiquement voque, sauf si les symptmes sont apparus brutalement avec un caractre focal, notamment dans le cadre des hmichores dorigine vasculaire. Les lecteurs ne seront pas tonns que ce dossier soit tout dabord consacr cette pathologie. Le premier article (Clmence Simonin et Pierre Krystkowiak) aborde les principaux aspects cliniques de la maladie de Huntington associant troubles moteurs, cognitifs et comportementaux. Le deuxime article (Pierre Krystkowiak, Anne-Catherine Bachoud-Levi) concerne la prise en charge thrapeutique (traitements pharmacologiques du handicap moteur, du dclin cognitif et des troubles psychiatriques) et le dveloppement des thrapeutiques mergentes, notamment la thrapie cellulaire. Le troisime article (Marie Delliaux et Kathy Dujardin) propose une rflexion sur le rle respectif des professionnels et des familles sur la transmission de linformation dans la maladie de Huntington. Les autres chores seront dtailles dans un prochain numro de Neurologies (David Devos et Luc Defebvre). Un premier article sera ddi plus spcifiquement aux autres chores hrditaires, mme si celles-ci sont plus souvent voques en seconde intention. Enfin, les principales chores acquises qui couvrent un large champ tiologique (vasculaire, inflammatoire, mdicamenteuse et toxique, mais aussi lsionnelle), seront explicites. Nous esprons que ce dossier permettra aux lecteurs de la revue Neurologies de mieux apprhender la prise en charge diagnostique et thrapeutique de ce mouvement involontaire.

Q

* Service de Neurologie,Hpital Roger Salengro,CHRU de Lille

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LES CHORES - 1re PARTIE

Troubles moteurs, cognitifs et psychiatriquesLa maladie de Huntington est une maladie neurodngrative dorigine gntique Elle se caractrise par trois types de symptmes : moteurs, cognitifs et psychiatriques Elle dbute en moyenne vers 35 ans et saggrave progressivement, avec une issue fatale en 10 20 ans La prsentation clinique peut tre trs variable dun patient lautre en fonction de la combinaison des symptmes et du mode volutif, mais cette maladie entrane toujours un handicap sevre dont la prise en charge est complexe, chez des sujets relativement jeunes Une bonne connaissance des diffrents symptmes de la maladie permet damliorer cette prise en charge Clmence Simonin* et Pierre Krystkowiak**

LA MALADIE DE HUNTINGTONLa maladie de Huntington (MH) est une maladie gntique de transmission autosomique dominante, pntrance complte, avec un phnomne danticipation en cas de transmission paternelle (augmentation du nombre de triplets chez les descendants). La mutation en cause est lamplification dune rptition de triplets CAG dans le gne IT15 (chromosome 4) codant pour la huntingtine, protine dont la fonction reste inconnue (1). La rptition de triplets est pathologique lorsquelle est suprieure 36. Anatomiquement, on dcrit une atrophie striatale qui se majore progressivement. Aux stades tardifs, latrophie touche tout lencphale, le striatum restant la structure la plus atteinte. Le mcanisme

exact de la mort neuronale est un puzzle difficile reconstituer, mme si les diffrentes pices en sont connues : dysfonction mitochondriale, formation daggrgats protiques, excitotoxicit, apoptose, dommages oxydatifs, drgulation de la transcription. Les principaux signes cliniques sont de trois types : 1. moteurs : chore, dystonie, troubles de la coordination gestuelle et akinsie, troubles oculomoteurs, impersistance motrice, troubles de la marche et de lquilibre ; 2. cognitifs : dmence sous-cortico-frontale ; 3. psychiatriques : quasiment tous les troubles psychiatriques peuvent tre rencontrs. Laggravation motrice et cognitive est corrle lvolution de la maladie, ce qui nest pas le cas des troubles psychiatriques (2). Dautres symptmes peuvent tre rencontrs : troubles mtaboliques, troubles sphinctriens,

troubles du sommeil... Lissue est toujours fatale au dcours dune dtrioration progressive entranant une grabatisation et une dmence en 15 20 ans. La MH est une maladie rare, sa prvalence est de 5 7 pour 100 000 dans la population caucasienne (2), avec prs de 6 000 patients en France. Mme si la MH a t dcrite tous les ges, elle dbute classiquement entre 30 et 40 ans, chez des patients actifs et souvent parents. La dpendance commence aprs quelques annes, ce qui est dautant plus difficile pour lentourage quun des symptmes frappants est une anosognosie parfois marque. Ce caractre dramatique de la MH est encore renforc par laspect familial et le risque de transmission aux enfants. Le diagnostic se fait par tude gntique, selon 3 modalits en fonction de la situation : diagnostic chez un sujet symptomatique, 17

* Service de Neurologie et Pathologie du Mouvement,EA 2683, Hpital Salengro,CHRU de Lille ** Service de Neurologie,UMR CNRS 8160,Hpital Nord, CHU dAmiens

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DOSSIER

Les aspects cliniques de la maladie de Huntington

LES CHORES - 1re PARTIE

diagnostic pr-symptomatique (chez un sujet asymptomatique mais risque du fait de la prsence de la MH dans la famille), diagnostic prnatal. Cet aspect est dvelopp dans larticle de M. Delliaux et K. Dujardin dans ce numro. Il existe une corrlation statistique entre lge de dbut et le nombre de rptitions de triplets CAG, mais cette corrlation ne se retrouve pas au plan individuel, notamment chez les sujets dune mme famille. Lassociation dune chore des troubles cognitifs et/ou psychiatriques, avec une volution progressive et un contexte familial doit faire tester en premire intention le gne IT15, avant toute autre exploration. La MH est en effet responsable de plus de 90 % des chores dorigine gntique (3). Ainsi, selon ladage de Ira Shoulson du Huntington Study Group, si vous navez que 10 minutes pour faire le diagnostic dune possible MH, passez 9 minutes essayer de reconstituer lhistoire familiale . En dehors de la gntique, aucun examen nest ncessaire au diagnostic, mais si une imagerie est ralise (scanner ou IRM crbrale), elle montre une atrophie striatale plus ou moins marque (toutefois, elle peut tre normale en dbut dvolution).

LES TROUBLES MOTEURS Chez ladulte, la chore est le principal symptme (on parle encore souvent de chore de Huntington). La World Federation of Neurology la dfinit comme la succession de mouvements spontans excessifs, abrupts, imprvisibles et irrguliers . Au dbut, la chore peut tre trs discrte, et prendre la forme de haussements de sourcils, de clignements, de pianotage des doigts, de gestes strotyps ou de mouvements intgrs des gestes dallure volontaire. Les patients nen sont pas conscients le plus souvent (4), et ces mouvements choriques sont alors interprts comme de la nervosit, des tics, de la maladresse. La chore est majore par la fatigue, le stress (calcul mental) ou lmotion et peut tre transitoirement interrompue par le patient. A un stade plus avanc, elle peut concerner tout le corps, y compris les muscles respiratoires ou laryngs, provoquant alors dyspne, dysarthrie ou troubles de dglutition. Au dbut de la maladie, une hypotonie est le plus souvent associe la chore. La chore saggrave progressivement, avec des mouvements de plus en plus amples, incontrlables, frquents. Puis elle se stabilise et parfois rgresse, laissant la place une hypertonie extrapyramidale au stade tardif (forme akinto-rigide de Westphal). Dautres anomalies motrices peuvent tre constates. Les plus prcoces sont les troubles oculomoteurs, prsents ds le dbut de la maladie. Il sagit surtout dun ralentissement et dune difficult dinitiation des saccades, et de mouvements de poursuite

oculaire saccads, surtout dans la verticalit (5). Une bradykinsie apparat aussi prcocement lors de mouvements rpts, par exemple douverture et fermeture de la main. Un peu plus tardivement, sont constats des mouvements dystoniques des membres, du tronc et de la face, particulirement au cours de la marche, notamment la marche en tandem. La dystonie est plus marque chez les patients les plus jeunes. Elle volue paralllement la bradykinsie et aux troubles oculomoteurs (6). Il apparat galement assez tt dans la maladie une dysarthrie, avec une parole saccade, de dbit irrgulier, dyspnique, perturbe par des mouvements involontaires respiratoires et pharyngs, qui, si lon ny prend pas garde, finit par devenir compltement incomprhensible. Limpersistance motrice se traduit par lincapacit maintenir une position fixe : protraction linguale, fermeture des yeux, signe de la traite lors du serrement de main. Dautres symptmes moteurs peuvent tre observs : tremblements, myoclonies, syndrome crbelleux, troubles posturaux, hyperrflexie osto-tendineuse. Des crises dpilepsie se rencontrent rarement. Laggravation progressive des signes moteurs (notamment dordre praxique), majors par les troubles cognitifs, provoque une difficult croissante pour la ralisation des gestes complexes, puis des gestes de la vie quotidienne. La marche devient trs difficile et le patient chute frquemment. La perte dautonomie qui en rsulte se conoit aisment.Neurologies Janvier 2009 vol. 12 numro 114

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LA PRSENTATION CLINIQUE CLASSIQUEAprs une phase pauci-symptomatique pouvant passer inaperue, ou tre remarque par la famille sans tre interprte comme franchement pathologique (surtout si le diagnostic nest pas fait dans la famille), apparaissent les signes vocateurs de la maladie, au premier rang desquels la chore. 18

LES CHORES - 1re PARTIE

Le pronostic est galement largement dtermin par les troubles de dglutition, qui saggravent progressivement, et ont des rpercussions nutritionnelles et infectieuses (pneumopathies). Ces troubles de dglutition sont dorigine mixte, dus la chore, une apraxie bucco-linguo-faciale, ainsi qu des troubles cognitivocomportementaux (prcipitation, gloutonnerie, inattention). Enfin, des troubles dysautonomiques ne sont pas rares : troubles sphinctriens (fuites, mictions imprieuses), hypersudation, troubles sexuels, ainsi que des anomalies mtaboliques, notamment un hypercatabolisme qui provoque une perte de poids quasi constante (7).

LES TROUBLES COGNITIFSLes troubles cognitifs dbutent discrtement, pas toujours en mme temps que les troubles moteurs, et saggravent progressivement pour aboutir une dmence de type sous-cortical : ralentissement de la pense, troubles mnsiques, attentionnels, et surtout des fonctions excutives (dans la ralisation des tches complexes)(8). Ces troubles peuvent tre majors par des troubles comportementaux. Au dbut, les troubles dattention, de planification et de la mmoire des faits rcents prdominent. Les fonctions instrumentales sont atteintes dans les stades les plus tardifs (9). Les tests utiles pour lexploration de la cognition sont rcapituls dans le tableau 1. Les troubles dattention et de concentration sont initialement au premier plan, gnant les patients, car sources derreurs dans lactivit professionnelle ou doublis dans la vie quotidienne.Neurologies Janvier 2009 vol. 12 numro 114

Le syndrome dysexcutif comporte des difficults de planification, de flexibilit cognitive, de slection, manipulation et intgration de linformation. Ces troubles sont dtects prcocement par certains tests (Tab. 1). Ils entranent dans la vie quotidienne des difficults dorganisation, de rsolution des problmes, dadaptation des situations imprvues, dexcution de tches simultanes, dapprentissage procdural. Les troubles de flexibilit cognitive saccompagnent de phnomnes de persvration dorigine frontale assez spcifiques de la MH. Les troubles dysexcutifs affectent le comportement du patient dans des situations de moins en moins complexes au cours de lvolution, ce qui a un retentissement global dans la vie quotidienne (10). Les troubles mnsiques concernent slectivement les mmoires antrograde, procdurale et de travail. Les troubles de la mmoire ant-

rograde se traduisent par un oubli de faits rcents, de rendez-vous ou de tches effectuer, dont se plaint le patient. La mmoire rtrograde est atteinte moins svrement et plus tardivement. Lencodage est en gnral initialement prserv, et lindiage amliore le rappel. Les troubles de mmoire antrograde sont donc dus, comme dans dautres syndromes sous-cortico-frontaux, des difficults dlaboration dune stratgie pour retrouver llment mmoris (syndrome dysexcutif). Les troubles de la mmoire procdurale sont tudis lors de lapprentissage de tches motrices, qui montrent une difficult de mmorisation de la squence de gestes, indpendante des troubles moteurs (11). Des troubles de la mmoire de travail ont aussi t mis en vidence, notamment dans les tches visuelles (12). Des troubles visuo-spatiaux apparaissent aussi prcocement,

Tableau 1 - Examens neuropsychologiques utiles lvaluation du patient atteint de la maladie de Huntington (20).Test Echelle de Mattis Stroop Trail making test Tests de barrage Batterie de tests dvaluation de lattention de Zimmerman et Fimm Fluences verbales Tour de Londres Go-no go Wisconsin Card Sorting Test Subtest du code de la WAIS-R Empans endroit et envers Figure de Rey Empans visuels Grober et Buschke Fonction explore Efficience cognitive globale Attention, fonctions excutives Attention, fonctions excutives Attention Attention

Fonctions excutives Fonctions excutives Fonctions excutives Fonctions excutives Fonctions excutives, ralentissement psychomoteur Mmoire de travail, attention Mmoire visuo-spatiale, fonctions excutives Mmoire visuelle Mmoire pisodique

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LES CHORES - 1re PARTIE

correspondant des difficults dorganisation des informations spatiales (difficults de perception et de jugement des relations spatiales, de dtection de diffrences entre deux images, dorientation ou de copie de schmas). Les fonctions instrumentales atteintes sont essentiellement les praxies, notamment idomotrices, aggravant les troubles moteurs. Une anosognosie, parfois majeure, se rencontre souvent, les patients affirmant navoir aucun problme et aucun signe de la maladie, ce qui est contredit par lexamen clinique et linterrogatoire de laccompagnant. Lanosognosie complique la prise en charge, car le patient ne voit pas pourquoi il devrait prendre tel traitement ou aller chez le kinsithrapeute. Les troubles phasiques sont absents ou discrets en dbut dvolution, latteinte des fluences verbales est plutt en relation avec les troubles dysexcutifs. Aux stades avancs, toutes les fonctions cognitives sont atteintes dans un tableau de dmence svre.

peut survenir nimporte quel moment de la maladie, y compris chez des sujets asymptomatiques ; il nest pas forcment annonc par un tat dpressif svre, mais parfois li une impulsivit caractristique de la maladie. Des tats maniaques et hypomanes ont t plus rarement dcrits. Lirritabilit touche environ la moiti des patients (16). Elle est remarque par le conjoint, souvent avant les signes moteurs. Elle est probablement lie la perte de flexibilit mentale et aux difficults dadaptation entrant dans le cadre du syndrome dysexcutif. Il en rsulte une agressivit dirige frquemment contre la famille ou contre le patient luimme, rendant parfois le maintien au domicile prilleux. Ces symptmes, souvent minimiss ou nis par les patients, peuvent tre efficacement traits. Ils doivent toujours tre recherches linterrogatoire en expliquant que cest une consquence de la maladie, afin dessayer de ddramatiser la situation. Lapathie se caractrise par une perte dintrt pour les activits habituelles, un manque dinitiative, une indiffrence soi et aux autres. Elle se diffrencie de la dpression par labsence de tristesse, de dvalorisation, de pessimisme, de perte de llan vital. Elle touche plus de 50 % des patients (16), est prsente aux stades prcoces, et saggrave progressivement. Elle est souvent mal vcue par la famille qui a du mal accepter quil sagisse dun symptme de la maladie. Dautres troubles sont rencontrs, avec une frquence moindre mais nettement suprieure celle de la population gnrale : troubles

obsessionnels compulsifs, psychoses, hallucinations, addiction (alcool, tabac, excitants, drogues), troubles des conduites alimentaires (boulimie, refus alimentaire), troubles des conduites sexuelles (25 30 %, souvent augmentation, parfois diminution de la libido), comportements antisociaux (vol, vagabondage, actes criminels).

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DES PRSENTATIONS CLINIQUES PLUS RARESLA FORME JUVNILECest une forme clinique dbutant avant lge de 21 ans, rsultant en gnral dune transmission paternelle avec anticipation et un nombre lev de triplets (> 50). Elle est volontiers rvle par des troubles cognitivo-comportementaux, entranant des difficults scolaires, ou faisant suspecter des pathologies psychiatriques, par exemple une schizophrnie. Lpilepsie est frquente, gnralement de type gnralise (crises tonico-cloniques ou absences). Les symptmes moteurs regroupent, de diverses manires, syndrome akinto-rigide de type parkinsonien (forme de Westphal), dystonie, myoclonies, troubles oculomoteurs, syndrome crbelleux, tics et strotypies, dysarthrie, troubles de dglutition. Il ny a gnralement pas de chore. Lvolution est plus rapide que dans la forme classique de ladulte, notamment la dtrioration cognitive.

LES TROUBLES COMPORTEMENTAUXLes troubles comportementaux fluctuent au cours de lvolution de la MH. Les plus frquents et les plus prcoces sont la dpression, lirritabilit et lapathie, qui prcdent parfois les symptmes moteurs (13), et peuvent provoquer des difficults professionnelles et familiales majeures. La dpression touche environ 40 % des patients (14, 15). Parfois difficile diffrencier de lapathie, elle ne justifie pas des mmes traitements. Les ides suicidaires sont frquentes, le taux de suicide est 5 10 fois plus lev que dans la population gnrale. Le suicide 20

LA FORME TARDIVELes formes tardives dbutent par dfinition aprs lge de 50 ans. Elles sont plutt transmises par la mre, avec un faible nombre de triplets CAG.Neurologies Janvier 2009 vol. 12 numro 114

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Leur volution est plus lente. Chez les patients les plus gs, le diagnostic est difficile du fait de labsence dantcdents connus, et de la prsentation volontiers monosymptomatique de la MH, qui fait voquer dautres diagnostics cet ge. En effet, il est possible de voir des patients chez qui latteinte est purement motrice (chore, troubles de la marche, dysarthrie), ou purement cognitive, plus rarement psychiatrique.

LE CAS PARTICULIER DES SUJETS PRSYMPTOMATIQUESLes sujets prsymptomatiques sont des personnes asymptomatiques, risque de par leur appar-

tenance une famille dans laquelle la MH est connue, et chez qui la mutation gntique a t mise en vidence (dpistage prsymptomatique). Les premiers signes sont insidieux, mais la dtermination prcise du dbut de la MH aura une grande importance lorsque nous disposerons de traitements permettant de ralentir lvolution. Ces sujets ont ainsi t trs tudis et de larges cohortes ont montr que diverses anomalies cliniques, motrices, cognitives ou psychiatriques, peuvent tre dtectes plusieurs annes, voire dcennies, avant le diagnostic, en utilisant des tests appropris (17). Cependant, ces anomalies sont

Ces sujets prsymptomatiques vivent pour la plupart dans langoisse permanente de dvelopper la MH, et ont tendance imaginer un lien entre nimporte quel symptme, y compris non neurologique, et la maladie. Il convient donc de les rassurer et de naffirmer le dbut de la maladie que lorsque les symptmes sont assez francs. Le moment de lannonce diagnostique se dcide au cas par cas.

LVALUATIONLensemble des symptmes prsents chez un patient peut tre trs variable, chaque patient justifie donc dune valuation pousse afin de juger de lvolution de la maladie et de proposer une prise en charge complte et adapte. Comme pour la plupart des pathologies neurologiques, il existe des chelles permettant dvaluer la svrit de la maladie. La principale est lUHDRS (united Huntingtons disease rating scale), cre initialement par le Huntington Study Group (18) pour permettre des suivis de cohorte. Cette chelle est brivement prsente dans le tableau 2. Elle est essentiellement utilise dans le cadre dtudes sur lhistoire naturelle de la maladie, la recherche de facteurs prdictifs, ou pour des essais thrapeutiques, notamment au sein du Rseau Huntington de Langue Franaise (RHLF: http://www.hdnetwork.org/) ou du rseau europen EHDN (http://www.euro-hd.net/html/network). Toutefois, le clinicien peut sen inspirer pour organiser le suivi de ses patients en routine. 21

Tableau 2 - United Huntingtons Disease Rating Scale :les points principaux.I.Motricit I. - Oculomotricit (poursuite oculaire, dbut de saccade, vitesse de saccade) I. - Dysarthrie I. - Impersistance motrice (protrusion de la langue) I. - Bradykinsie (opposition pouce-index,prono-supination,bradykinsie globale) I. - Luria I. - Rigidit des bras I. - Dystonie I. - Chore I. - Marche (marche en tandem, rtropulsion) II. Evaluation cognitive II. - Test de fluence verbale littrale II. - Symboles II. - Test dinterfrence de Stroop III. Evaluation comportementale III. - Etat dpressif III. - Dvalorisation/culpabilit III. - Anxit III. - Penses suicidaires III. - Agressivit, irritabilit III. - Obsessions, persvrations idiques III. - Comportement compulsif III. - Ides dlirantes III. - Hallucinations III. - Apathie IV,V et VI. Echelles fonctionnelles et de dpendance

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discrtes et trs peu spcifiques au niveau individuel, pouvant tre trouves chez des sujets nayant pas la mutation.

LES CHORES - 1re PARTIE

Les tableaux 1 et 3 proposent, en outre, une liste dlments anamnestiques rechercher pour une prise en charge complte de ces patients, et certains examens neuropsychologiques ayant un intrt particulier pour valuer les patients atteints par la MH. Lvaluation du retentissement fonctionnel de la maladie peut se faire par les chelles de lUHDRS ou en suivant les 5 stades daprs Shoulson et Fahn (19) (Tab. 4).

Tableau 3 - Elments rechercher linterrogatoire dun patient atteint de la maladie de Huntington. Chutes Troubles de dglutition Perte de poids Troubles sphinctriens Troubles du comportement : irritabilit, dpression, agressivit, apathie (interroger laccompagnant) Situation familiale Situation professionnelle Niveau de dpendance dans la vie quotidienne Gestion de largent, protection juridique Conduite automobile

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CONCLUSIONLa MH est une maladie grave, qui volue inluctablement vers une dpendance totale, mais dont les symptmes peuvent tre trs handicapants, bien avant les stades tardifs. La variabilit des situations rencontres simpose beaucoup plus que dans dautres pathologies. Chaque patient est un cas particulier de par lassociation de ses symptmes et les rpercussions

de sa maladie aux niveaux familial, social et professionnel. Il importe, pour optimiser la prise en charge, dtre attentif dans la recherche des signes cliniques ou des difficults quotidiennes non signals par le patient, quil en soit inconscient, quil les nglige ou quil les omette dessein. Linterrogatoire de laccompagnant est dans ce sens souvent instructif, et permet de nignorer aucun paramtre.

Mots-cls :Maladie de Huntington, Chore,Dystonie, Troubles de la coordination, Akinsie,Troubles oculomoteurs, Troubles moteurs, Troubles de la marche et de lquilibre, Troubles de la dglutition Troubles dysautonomiques, Dmence sous-cortico-frontale, Troubles psychiatriques, Dpression, Irritabilit

Tableau 4 - Stades fonctionnels de Shoulson et Fahn dans la maladie de Huntington.Stade Activit professionnelle Normale Difficile Presque impossible Impossible Impossible Gestion et administration des biens Entire Possible avec aide Beaucoup daide Impossible Impossible Prises en charge des responsabilits domestiques Entire Entire Difficile Impossible Impossible Excution des activits quotidiennes Entire Un peu daide Aide modre Beaucoup daide Impossible Soins dispenss Domicile Domicile Domicile Domicile ou hpital Domicile ou hpital

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Traitement de la maladie de HuntingtonPrise en charge globale, traitements symptomatiques et perspectivesAujourdhui, bien qu'aucune thrapie ne soit valide dans cette maladie, la prise en charge et les traitements symptomatiques amliorent considrablement l'tat des patients Par ailleurs, la recherche de nouvelles thrapies - dterministes (bases sur les mcanismes physiopathologiques de la maladie) ou pragmatiques (cellulaire substitutive, destine au remplacement fonctionnel et anatomique des neurones perdus, ou neuroprotectrice, destine protger les neurones encore prsents par des facteurs trophiques) - ouvre de nouvelles perspectives qui permettent dapprhender la maladie de faon moins pjorative que par le pass Cest ce que nous nous proposons de vous exposer dans cette mise au point# Pierre Krystkowiak* et Anne-Catherine Bachoud-Levi**

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L

a maladie de Huntington (MH) est une maladie neurodngrative dtiologie gntique qui se caractrise par des troubles moteurs, psychiatriques et cognitifs. La dgnrescence touche en premier lieu le striatum (noyau caud et putamen), qui subit une atrophie majeure. Les dsordres moteurs associent chore, dystonie, bradykinsie et troubles de la marche et de lquilibre, selon une squence quil est difficile de prvoir, mais qui volue inexorablement vers la grabatisation. La dtrioration intellectuelle touche de nombreuses fonctions cognitives parmi lesquelles, notamment, les fonctions excutives, lattention et la mmoire tandis que le langage reste relativement prserv. Les troubles psychiatriques sont frquents et souvent svres (dpression, irritabilit et pisodes dlirants). Lintrication des symptmes*CHU dAmiens,CNRS UMR 8160,Amiens **CHU Henri-Mondor,INSERM U421,Crteil

moteurs, psychiatriques et neuropsychologiques rend le suivi clinique complexe et impose une prise en charge multidisciplinaire. Lissue de la maladie est fatale en 10 20 ans, le malade steignant souvent par cachexie - dans un tableau akinto-rigide et dmentiel.

IMPLIQUER PATIENT ET FAMILLELefficacit de cette prise en charge repose sur lexplication claire des symptmes et du projet thrapeutique, et sur la participation active des patients ce projet. La maladie et la prise en charge vont durer longtemps : il faut donc aider les patients structurer lorganisation de leur quotidien, de manire ce quils puissent trouver autour deux les aides dont ils risquent davoir besoin le cas chant. Les patients ont tendance lisolement social ou familial, ils doivent en tre informs afin de leur donner les moyens de ragir. Ainsi, le maintien des activits professionnelles (dans la mesure du possible), les loisirs planifis et seffectuant au mieux en dehors du cadre familial, les activits extrieures (associations, rducation fonctionnelle) permettent de prserver ou restaurer un tissu

LES PRINCIPES GNRAUX DE LA PRISE EN CHARGELes patients expriment difficilement leurs angoisses si on ne les y incite pas. Ils doivent savoir quune amlioration est possible par une prise en charge globale (de tous les symptmes), structure et multidisciplinaire. Des centres de comptence sont dsormais labelliss, sous lgide du centre de rfrence du CHU Henri-Mondor Crteil (Pr A.C. Bachoud-Levi).

# Larticle mentionnera principalement les traitements mdicamenteux commercialiss en France).

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LE TRAITEMENT PHARMACOLOGIQUE DU HANDICAP MOTEURLes mouvements choriques sont en gnral amliors par les bloqueurs des rcepteurs dopaminergiques, tels que les neuroleptiques (trs utiliss en France), ou les dplteurs dopaminergiques, tels que la ttrabnazine (vieux mdicament, mais le seul avoir obtenu rcemment lAMM dans la maladie de Huntington).

BIEN IDENTIFIER LES SYMPTMESLes neurologues non spcialistes, et a fortiori les mdecins gnralistes, mconnaissent en gnral les diffrents aspects de la maladie, et nen anticipent pas les difficults, ce qui conduit le plus souvent un retard au diagnostic et une mauvaise prise en charge alliant le dfaitisme du patient celui des professionnels de sant. Ainsi, tout symptme observ chez un patient MH est souvent rapport, tort, sa maladie, alors quon sait que beaucoup dentre eux souffrent de maladies associes non diagnostiques qui pourraient, pour certaines dentre elles, tre facilement traites et ainsi amliorer de manire notable ltat du patient.

LES ANTI-DOPAMINERGIQUES EN PRATIQUE Sur un plan pratique, la clozapine, bloqueur dopaminergique ne rentrant pas stricto-sensu dans la classe des neuroleptiques, est efficace doses leves mais ncessite un contrle hmatologique contraignant compte tenu dun risque dagranulocytose potentiellement fatal. Lolanzapine pourrait ainsi tre un meilleur choix : anti-chorique, stabilisateur de lhumeur et permettant la prise de poids, ce qui nest pas une mince affaire chez ces patients. Par ailleurs, en terme de mdecine base sur la preuve, lolanzapine a peut-tre plus darguments en sa faveur que les autres neuroleptiques atypiques, en terme defficacit, que ce soit sur la chore mais galement sur les troubles de la marche (et les troubles psychiatriques en prime). Lintrt de la rispridone et de laripiprazole (de profil pharmacologique complexe) est ainsi beaucoup moins document. La ttrabnazine, dplteur dopaminergique, a fait la preuve de son efficacit anti-chorique au cours dtudes contrles (cest le cas de ltude TETRA-HD du Huntington Study Group, 2006). Son avantage rside galement dans le fait que, contrairement aux 25

LES NEUROLEPTIQUESBien que les neuroleptiques typiques aient t utiliss pendant de nombreuses annes, le faible niveau de preuve concernant leur efficacit et leurs nombreux effets indsirables fait que le choix actuel se porte dsormais plutt sur les neuroleptiques atypiques (clozapine, olanzapine, notamment), bien quaucune tude comparative prouvant un meilleur rapport efficacit/tolrance de ces derniers nait t mene jusqu prsent. Ainsi, leur prescription reste avant tout une affaire dhabitude. Cependant, les neuroleptiques tendent trs progressivement tre abandonns dans une indication anti-chorique (mais gardent tout leur intrt vise anti-psychotique) : en effet, les neuroleptiques ne diminuent les mouvements involontaires quau prix dune rigidit et dune bradypsychie importante, sans oublier le risque de majoration dune hypersialorrhe, de troubles de dglutition, de linstabilit posturale et du risque de chute. Ils sont, de fait, pas toujours bien tol