Migration et intervention sociale - CCB Migration et...persécutée du fait de sa race, de sa...

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Hors série numéro 2 - Juin 2019- gratuit Les étudiant.es du Master intervention et développement social Direction des politiques et dispositifs d’insertion, médiation et prévention Université Rennes 2 - collège coopératif en bretagne Dossier : accompagner autrement Regards sur le parcours d’accompagnement Migration et intervention sociale

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H o r s s é r i e n u m é r o 2 - J u i n 2 0 1 9 - g r a t u i t

Les étudiant.es du Master intervention et développement socialDirection des politiques et dispositifs d’insertion, médiation et prévention

Université Rennes 2 - collège coopératif en bretagne

Dossier :accompagner autrement

Regards sur le parcours d’accompagnement

Migration et intervention sociale

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SommaireEdito

Pour le deuxième numéro de ce Fanzine du Master 2 DPDIMP, un groupe de huit

étudiants s’est réunit pour travailler autour de la thématique de la migration ; une thématique

d’actualité, « la crise migratoire » et les drames en Méditerranée faisant régulièrement la

Une des titres de presse, mais aussi d’actualité pour la vie législative en France avec le

vote de la loi Asile et immigration le 10 septembre dernier. Ce contexte n’est pas sans

conséquence pour le secteur de l’intervention et du développement social, qui se voit pour

partie accompagner les individus dits « migrants »

Les migrations, autant diverses qu’elles soient, ont en effet toujours existé. La mise

sur agenda de ces questions a donné lieu à diverses politiques publiques entre hospitalité

et répression. Aujourd’hui, les professionnels de l’intervention sociale doivent exercer leur

fonction « d’aide aux personnes » dans un contexte politique d’immigration complexe et

de plus en plus contraignant pour les personnes migrantes. Par ailleurs, ces professionnels

peuvent alors se retrouver parfois pris en étau entre la commande publique, les marges de

manoeuvre des structures, qu’elles soient associatives ou institutionnelles, et leur éthique

professionnelle.

L’objectif de notre projet est de mettre en lumière le caractère « multidimensionnel »

des situations et de leurs effets sur les modalités d’accompagnement de ce public, tout en

proposant des pistes de réflexion sur leurs évolutions possibles.

Aboutissement de plusieurs mois de cheminement collectif, ce fanzine souhaite,

à l’image de la diversité de ses rédacteurs, refléter la multiplicité des initiatives

d’accompagnement du public migrant. Loin d’une idée d’exhaustivité, il s’agira ici et là de

mettre en lumière des acteurs de l’accompagnement de ce public, mais aussi des initiatives

originales d’accompagnement qui s’inscrivent pour certaines dans le champ de l’innovation

sociale et du « faire autrement ».

La CIMAdE, un acteur associatif engagé

Quelques chiffres

Ce qui se cache derrière les mots…

c’est quoi ta marge de manoeuvre ?

Ouvertures culturelles

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dossier Accompagner autrement

Le travail social sous le prisme de la

rencontre

Un vent de solidarité venu de belgique

Le réseau Louis Guilloux

DES RÉFUGIÉS EN CUISINE

du « d » comme droit au « d » comme

débrouille

Franchir les barrières de la langue

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DÉCRYPTAGE

Les différentes catégories liées aux statuts doivent être bien comprises dans l’analyse des

migrations de manière générale. En effet, pour comprendre les catégories et traiter ces populations,

il est important de regarder toutes les dimensions, les motifs de la migration. Il est important

de ne pas considérer les populations comme homogènes, chacune ayant leurs particularités.

Cette hétérogénéité doit être prise en compte afin d’apporter des réponses adéquates. Le risque

d’homogénéisation efface les diversités.

Le terme de migrant par exemple, aujourd’hui largement utilisé par tous apparaît comme

étant un mot générique comprenant toutes les formes de migrations. Il masque alors la diversité

des parcours migratoires et présente ainsi les populations migrantes comme un tout homogène. Par

ailleurs, il est également dangereux de nier la dimension idéologique liée à l’emploi de ce terme. Il

est souvent utilisé pour différencier les populations en fonction des raisons du départ. Or, ces causes

politiques et économiques ne peuvent être séparées aussi simplement et souvent intrinsèquement

liées.

Les dernières décennies ont connu une nette évolution dans l’emploi de ces termes. Il n’est

pas anodin de pointer le remplacement progressif depuis les années 1990 du mot d’étranger par celui

d’immigré. En effet, si un étranger peut devenir français en obtenant la nationalité, un immigré

restera toujours un immigré même s’il obtient la nationalité du pays d’accueil. On voit ici que cette

notion devient un marqueur définitif des personnes et pose ainsi la fameuse question de l’intégration.

En plus de modifier la gestion des questions migratoires à un niveau politique, ce basculement

a également nourri les discours politiques prônant la fermeture des frontières, la France comptant

environ 6 millions d’immigrés contre 4 millions d’étrangers.

Ce qui se cache derrière les mots…

Il est souvent évoqué les données suivantes : « 200.000 à 250.000 étrangers en France », il s’agit en réalité des titres de séjours délivrés. Si on détaille ce chiffre, il faut compter : 90.000 procédures de regroupement familial acceptées 88.000 titres accordés à des étudiants non-européens 40.000 titres humanitaires 23.000 « passeports talents » (profils très qualifiés et/ou recherchés)

En France, plus d’un tiers des immigrés viennent d’un autre pays européen. On dénombre près de 36% de migrants venant d’Afrique et 35% venant d’autres pays d’Europe.

UEHors UE

France union européenne

Pour en savoir plus, quelques articles :

>> Combien y’a-t-il d’immigrants et de demandeurs d’asile en France et en Europe ?

Écrit par Anne-Aël Durand pour Le Monde (20 mars 2019).

>> Idées reçues sur les migrants : “Ils envahissent la France”

Écrit par Mathilde Damgé pour Le Monde (5 octobre 2016).

>> 262 000 étrangers ont été accueillis en France en 2017

Disponible sur La Croix (16 janvier 2019).

Et quelques statistiques sur insee.fr

La France accueille moins d’étrangers que la moyenne européenne : Avec 2,4 % d’Européens et 4,6 % de non-Européens.

Quelques chiffres

200 000250 000à

titres de séjour délivrés par an

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DOSSIER

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DÉCRYPTAGE

Étranger.ère (adj/n)

En son sens juridique, ce terme se réfère à ce qui n’est pas

national. Cela correspond ainsi aux personnes présentes sur

le territoire d’un pays, n’ayant pas la nationalité du pays en

question.

Immigré.e (adj/n)

Personne qui est née étrangère à l’étranger et qui a donc

quitté son pays de naissance pour résider dans un autre

pays. On retrouve donc ici la notion de déplacement du

pays d’origine vers le pays d’accueil. Le terme d’immigré est

à ne pas confondre avec celui d’émigré. Ces deux termes

peuvent se référer à la même personne mais dépendent de

l’endroit où on se place : du côté du pays d’origine c’est

un émigré, du côté du pays d’accueil c’est un immigré.

Les termes étranger et immigré ne correspondent donc pas

forcément aux mêmes populations. Un immigré n’est pas

forcément étranger puisqu’il peut avoir acquis la nationalité du

pays d’accueil. Parallèlement, un étranger n’est pas forcément

immigré, les enfants d’étrangers peuvent être nés dans un

pays A et décider de prendre la nationalité B de leurs parents.

Migrant.e (adj/n) :

Il n’existe pas de définition juridique acceptée par tous de ce terme. Il est cependant défini par les Nations

Unies comme “toute personne qui a résidé dans un pays étranger pendant plus d’une année, quelles que

soient les causes, volontaires ou involontaires, du mouvement, et quels que soient les moyens, réguliers ou

irréguliers, utilisés pour migrer”. C’est donc un terme apparaissant comme générique comprenant toutes les

formes de migrations quelqu’en soient les raisons et les moyens.

Réfugié.e (adj./n)

Personne qui a quitté sa région ou

son pays pour y éviter un danger.

Une personne réfugiée est en

situation régulière sur le territoire,

elle est généralement reconnue

comme réfugiée suite au dépôt

d’une demande d’asile individuelle

auprès de l’Etat et d’une décision

positive de l’Ofpra. L’Ofpra peut

également octroyer le statut de

protection subsidiaire à la suite de

la demande d’asile. Le statut de est

reconnu par l’Ofpra en application

de la convention de Genève du 28

juillet 1951 qui stipule “le terme de

réfugié s’applique à toute personne

craignant avec raison d’être

persécutée du fait de sa race, de

sa religion, de sa nationalité, de son

appartenance à un certain groupe

social ou de ses opinions politiques”.

L’intervention sociale auprès du public migrant, qui revêt un caractère multidimensionnel,

est également constamment innovée. Dans ce dossier, au travers quatre exemples, nous vous

proposons d’envisager cette innovation de l’accompagnement du public migrant. Nous verrons alors

que de Rennes jusqu’en Belgique, différentes initiatives sont menées en termes de rencontre, de prise

en charge mais aussi de mouvement citoyen. Ainsi, quelles pistes pour accompagner autrement ?

Accompagner autrement

Le travail social sous le prisme de la rencontre

un vent de solidarité venu de belgique

Le réseau louis guilloux

un Traiteur solidaire à rennes

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DOSSIER

étant les seules vraiment humaines (P.J Simon)

provient de la difficulté à appréhender ce qui

est différent. Lorsque l’on est confronté à un

comportement, on se réfère sans y penser à ce

que l’on considère comme la norme, c’est-à-dire

son cadre de référence.

Selon Faïza Guélamine, c’est lorsqu’un

professionnel admet que sa conception d’une

situation donnée est relative au contexte dans

lequel il a évolué, alors il pourra davantage

envisager d’autres modèles existants et

accompagner les personnes sans imposer son

propre modèle de vie sans pour autant adopter

celui de l’autre.

En pratique, cela implique que le

travailleur social doit d’abord cerner son propre

cadre de référence, et se reconnaître comme

un individu porteur d’une culture et d’une ou

plusieurs sous cultures. Si le travailleur social se

« décentre » de ses propres modèles de conduites,

il pourra ainsi mieux appréhender l’idée qu’il

est lui-même le produit d’un processus de

socialisation acquis dans un milieu différent et

surtout à quel point il lui serait coûteux de subir

des modifications imposées par l’extérieur.

Cette prise de conscience est essentielle pour

les professionnels, car dans l’exercice de leur

mission, il est souvent demandé explicitement

ou implicitement aux migrants de se conformer

à d’autres modes de conduites que ceux intégrés.

Or, comme le souligne Faïza Guélamine, c’est un

processus qui prend du temps, car synonyme de

rupture.

S’il est souvent dit et entendu que les

migrants doivent se plier aux règles des pays

qui les accueillent, à la culture, il est cependant

important de se rappeler qu’en plus d’un parcours

de migrations parfois douloureux, il n’est jamais

aisé d’appréhender une nouvelle culture. En se

décentrant, le travailleur social permet de créer

une relation de confiance et sans sentiment

de jugement. Ce sont alors le plus souvent les

personnes accompagnées qui apporteront elle-

même les éléments de compréhension sur la

façon dont il interprète et intègre sa culture.

Sources

Faïza Guelamine - Intervenir auprès des

populations immigrées

F. Lorcerie - “Interculturel entre guillemets”

PJ Simon - Vocabulaire des relations

interethniques

De prime abord, la différence culturelle

pourrait être perçue comme une barrière

impossible à dépasser. Si la notion de culture est

difficile à appréhender, elle renvoie néanmoins

à un vaste champ de représentations. Edward

Tylor, anthropologue, la définit comme un «

ensemble complexe qui comprend le savoir, les

croyances, l’art, l’éthique, les lois, les coutumes

et toute autre aptitude ou habitude acquise par

l’homme comme membre d’une société ». Ainsi,

face à une personne de culture différente et de

traditions différentes et parfois éloignées des

cadres de références de travailleurs sociaux, ces

derniers dirigent leurs démarches et analyses

sur ce qui leur apparaît comme souvent

incompréhensible et le plus souvent non

acceptable. Pourtant, la différence culturelle

n’est qu’un élément, qu’une particularité parmi

des éléments singuliers qui les définissent

comme sujet.

Il s’agit alors d’envisager le travail

social comme une rencontre. Intervenir auprès

de personnes migrantes implique de ne pas

appréhender l’appartenance culturelle comme

un caractre figé, d’autant que les interactions

interculturelles se superposent ou se cumulent à

d’autres différences induites par le cadre d’action

: professionnels d’un côté et bénéficiaires de

l’autre.

Ainsi, Faïza Guélamine, sociologue,

identifie plusieurs prérequis pour réunir les

conditions d’une rencontre réussie :

1. Identifier et travailler sur les

représentations du travailleur social, d’une part

à propos de l’appartenance culturelle et d’autre

part au sujet de la condition d’étranger en

France. La connaissance de la culture permet du

recul et davantage de clefs de compréhension,

mais peut aussi conduire à « enfermer les autres

dans des catégories plus exactes, mais il s’agit

toujours d’un enfermement. »

2. Faire de son propre groupe le prototype

de l’humanité. Ici, il est question d’être vigilant

à l’ethnocentrisme. La tendance à considérer

son groupe culturel, ses manières de vivre, ses

coutumes, ses mœurs et croyances comme

Le travail social sous le prisme de la rencontre

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DOSSIER

Un vent de solidarité venu de belgique

En Belgique, un mouvement citoyen s’est

mis en place pour héberger les migrants qui

dormaient la nuit dans les rues de Bruxelles. Face

à l’absence de réaction du gouvernement fédéral,

l’initiative citoyenne s’est organisée depuis 2015

et a mobilisé des centaines de bénévoles...

Le mouvement citoyen est né en août

2015. A ce moment là, ils ont choisi de lancer

une série d’activités qui n’existaient pas ou

qui faisaient défaut, comme par exemple des

cours de langue pour adultes. Chacun est arrivé

avec ses compétences. C’était pour beaucoup

de l’accompagnement social et administratif,

ce qui voulait dire informer, orienter. Au début

cela a commencé par des tentes, des gymnases,

l’ouverture de lits à la Croix Rouge. Ce que les

membres de la plateforme appellent le « pré-

accueil », le gouvernement quant à lui n’a jamais

voulu le reconnaître : c’était un aveu de défaut.

Au début l’hébergement a été mis en place

pour les plus vulnérables : mineurs, femmes,

malades, personnes âgées. A ce moment

là, il y avait une cinquantaine de migrants

hébergés par environ 200 familles d’accueil

qui se relayaient. Et puis les arrestations et

les interventions policières sont devenues de

plus en plus fréquentes. Le climat devenait très

violent, très agressif et inhumain. De là, ils se

sont dit qu’ils allaient essayer de les héberger

tous. Aujourd’hui il y a 45 000 membres sur

Facebook, des manifestations de 10 000 à 15 000

personnes. Les lignes bougent. Entre décembre

2017 et fin avril 2018, le centre « la porte d’Ulysse

» a hébergé en moyenne 200 personnes par nuit.

Ouvert le 11 Juin dernier à Haren, le second centre

d’hébergement géré par la plateforme « la porte

d’Ulysse » représente aujourd’hui 600 repas par

jour, 300 personnes hébergés tous les soirs. Le

bâtiment leur est mis à disposition par la ville de

Bruxelle. Le gouvernement Bruxellois subsidie le

projet à hauteur de 600 000 euros. Cette somme

permet le travail de 12 ETP (équivalent temps

plein) sur le site : coordinateurs, veilleurs,

travailleurs sociaux.

Financièrement, une personne hébergée

par la plateforme citoyenne coûte environ 12

euros par jour, c’est beaucoup moins que le Samu

Social ou la Croix Rouge. L’hébergement citoyen

d’urgence fluctue entre 250 et 350 personnes

accueillies chaque soir en famille. Des familles

accueillent également entre 50 et 80 personnes

en attente de décision administrative. La

plateforme citoyenne collecte des témoignages

partagés par les hébergeurs sur leur groupe

Facebook. Cela devient un vrai vecteur. Sept

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DOSSIER

Le Réseau Louis Guilloux est une association à but non lucratif qui promeut la Santé comme

définie par l’Organisation Mondiale de la Santé, à destination d’une population majoritairement

précaire et de toutes origines. Créée en 1991 sous le nom de « Réseau Ville Hôpital 35 » à l’initiative de

médecins, l’association souhaite créer une interface entre la ville et l’hôpital autour de la prise en

charge des personnes séropositives pour le VIH. 10 ans plus tard, la prise en charge avait nettement

évolué, et les professionnels de santé se sont adaptés. Une approche multidisciplinaire permettant

une prise en charge à la fois médicale et sociale s’est présentée comme inévitable, amenant la

structure à revoir son champ d’action. Le réseau s’est orienté vers la population migrante dans un

souci d’approche « populationnelle » et globale (médicale, psychologique et sociale) et non plus sur

une thématique liée à une pathologie, à l’instar de son expérience déjà pluridisciplinaire. Aujourd’hui,

le Réseau Louis Guilloux comprend cinq pôles (migrants, interprétariat, tuberculose, coordination en

santé sexuelle et appartements de coordination thérapeutique).

Le réseau Louis Guillouxune équipe pluriprofessionnelle pour un accompagnement adaPté à chaque

situation

personnes sur dix se lançant sur la plateforme

commencent après avoir vu des témoignages

sur Facebook. Il y a des hébergeurs qui offrent

juste le lit et d’autres qui hébergent jusqu’à ce

qu’il y ait une réponse à la demande. Pleins de

personnes se mobilisent, sans pour autant être

des militants ou activistes.

De plus, en Belgique depuis des décennies,

les centres de jeunes (CJ) accueillent les jeunes

issus des vagues d’immigration successives

qui se sont installés dans les quartiers. Chaque

« vague » d’immigration a entraîné pour les

équipes d’animation un travail d’ajustement,

d’écoute de réflexion sur les bases du « vivre

ensemble » et de dialogue interculturel entre

les autochtones et les primo-arrivants. En

2016, au plus fort de la dérive médiatique sur la

dénommée « crise de l’accueil des réfugiés » et

au regard des politiques d’accueil mises en place

par le gouvernement Belge, les CJ et la fédération

des maisons de jeunes se réunissaient et se

questionnaient sur la manière de réagir à cette

actualité. Les maisons de jeunes se sont ainsi

rapprochés des centres d’accueil. Le but était

de réunir des jeunes qui ne se connaissaient

pas et qui sont issus de « mondes » différents.

Il leur a été proposés des animations pour faire

connaissance comme des repas conviviaux, des

espaces d’expressions et des ateliers divers, ou

encore des festivals type « Espérenzah » qui

donnent carte blanche pour présenter le fruit

de cette rencontre en public. Même si tout n’est

pas facile en raison de l’histoire personnelle

de chacun, des choses émergent comme des

spectacles. Ainsi, toute une partie de la jeunesse

urbaine est habituée au « vivre ensemble ». Les

jeunes témoignent ainsi du fait qu’ils viennent

d’endroits différents et que pourtant ils ont

énormément de choses en commun...

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DOSSIER

un accompagnement

global : des professionnels

de l’administratif, des

professionnels médicaux

(médecins, infirmières, gynéco, psychologue…)

et des professionnels du social (éducateurs

spécialisés, moniteur éducateur).

L’accompagnement pluriprofessionnel permet

une prise en charge globale de la personne. »

Si tu devais parler de «marges de

manœuvre» et «d’utopie» dans le cadre

de l’accompagnement du public migrant

(de manière générale en France),

qu’évoquerais tu ?

« Il est difficile de parler d’utopie auprès

du public migrant car l’accompagnement est de

plus en plus difficile : les délais se rallongent

pour obtenir un titre de

séjour, il y a de nombreuses

OQTF (obligation de quitter le

territoire français), les aides

associatives et financières sont moindres. Le

public migrant se trouve en situation de grande

précarité et en particulier sur notre service il

y a le facteur maladie chronique à prendre en

compte. La marge de manœuvre est vraiment

moindre et les nouvelles lois ne facilitent pas les

démarches. Mon travail va être de favoriser le

lien social, d’être soutien auprès des personnes

pendant leur séjour aux ACT en proposant un

accompagnement social adapté et des ateliers

collectifs à visée éducative et de loisirs. »

Pour en savoir plus : rlg35.org

Julie Ledonge, monitrice éducatrice au pôle ACT

(Appartements de Coordination Thérapeutique),

a répondu à quelques questions pour illustrer

la thématique de l’innovation positive dans le

champ de l’accompagnement des migrants.

On arrive rarement par hasard en tant

que professionnelle dans ce type de

structure. Comment es-tu arrivée au

pôle ACT du Réseau Louis Guilloux ?

« J’ai passé à 17 ans le BAFA et fait de

nombreuses colonies/séjours de vacances. J’ai

accompagné de nombreux groupe d’enfants et

d’adolescents et reçu des enfants placé par l’ASE

(aide sociale à l’enfance) pour les vacances.

J’ai toujours été intéressée par les relations

humaines et j’ai été profondément touchée par

ces enfants et su à ce moment que je voulais

travailler auprès de publics en difficulté. J’ai

ensuite accompagné des groupes d’adultes

handicapés et décidé de passer mon diplôme de

moniteur éducateur. Pendant ma formation j’ai

fait un stage au CHRS (centre hébergement et

de réinsertion sociale) de Dinan et découvert le

secteur de l’insertion sociale et professionnelle.

J’ai énormément aimé ce stage qui m’a

confortée dans l’idée de trouver un poste dans le

secteur de l’insertion sociale et professionnelle.

C’est dans ce contexte que je suis arrivée au

ACT du Réseau Louis Guilloux. Comme j’avais

un temps partiel, j’ai travaillé en parallèle au

Centre d’hébergement d’urgence l’Abri auprès de

personnes sans solution d’hébergement. »

Si tu devais donner en quelques mots les

valeurs clés du Réseau Louis Guilloux,

quels seraient-ils ?

« Respect du droit à chacun de disposer

d’un accueil médico-social professionnel sans

jugement et sans contrôle administratif.

Nous intervenons dans un cadre éthique

qui implique le respect de chacun de ses choix

en proposant un accompagnement adapté à

chaque situation. »

Notre réflexion est tournée vers

l’accompagnement « global » des

personnes migrantes. Il est souvent

difficile pour ce public de trouver un

endroit proposant UNE porte d’entrée

pour l’accompagnement pluriel dont

il ont besoin. Comment le Réseau Louis

Guilloux répond-il à ce besoin ?

« Le réseau Louis Guilloux dispose

d’une équipe pluriprofessionelle permettant

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DOSSIER

solidaire est un premier espace d’emploi. Il ne s’agit pas de les embaucher en CDI mais de leurs

permettre de faire leurs armes en cuisine : « les formations sont intéressantes mais tu apprends

mieux sur le terrain ».

En outre cette expérience professionnelle donne confiance aux employeurs, auprès de qui une

sensibilisation complémentaire est à envisager. Elle vise à lever leurs appréhensions à l’embauche,

via la transmission d’éléments de loi selon lesquels les droit du travail sous le statut de réfugié sont

les mêmes que ceux de chaque français. En quoi la cuisine favorise t-elle l’intégration ? En ce qu’elle

favorise les échanges : il s’agit de partir des connaissances des réfugiés : « ils ont leurs techniques et des

nouvelles saveurs », et de s’appuyer sur la transmission des savoirs et savoir-faire français. Une source

de découverte et d’enrichissement pour les clients, les chefs cuisiniers employeurs et les réfugiés.

Si vous souhaitez des informations complémentaires, n’hésitez pas à contacter Clémentine

Ruello et Elodie Letard à l’adresse [email protected]

* Nous utiliserons le terme réfugié par facilité ici, mais nous entendons les deux catégories de protection internationale (réfugié et la protection subsidiaire).

Depuis que Clémentine Ruello a mis

un pied dans le travail social, elle s’investit

autant qu’elle s’informe sur le « possible »

des réfugiés*. Ayant travaillé dans différentes

structures qui les accueillent (Centre d’Accueil

pour Demandeurs d’Asile et Centre d’Urgence

Éphémère du groupe SOS), elle a notamment

observé le questionnement récurrent lorsque

ces familles devaient changer de lieu d’accueil

: « Où est ce qu’on va aller, est ce qu’il y aura

une cuisine ? ». Faire la cuisine est pour eux une

habitude dit-elle, un élément de leur culture qui

prend une grande part du rythme quotidien :

« là-bas il n’y a pas Picard par exemple ». Elle

souligne le bonheur qu’ils expriment quand une

cuisine se trouve dans les locaux à leur arrivée.

Lorsqu’elle habitait à Paris, elle s’intéressait à

différents projets engagés sur ce sujet, dont les

Cuistos Migrateurs et le Refugee Food Festival.

Il ne manquait plus qu’un voyage autour du

monde, avec comme fil rouge faire la cuisine

dans chaque pays, pour faire de son projet

émergent une évidence.

Associée à son amie cuisinière Elodie

Letard, ce projet « restauration/traiteur solidaire»

(le nom est en cours de réflexion) vise à changer

le regard porté sur les réfugiés et ainsi favoriser

leur insertion. À partir de différents constats

comme le manque de main d’œuvre en cuisine

à Rennes, les difficultés des restaurateurs à

embaucher des personnes sous le statut de

réfugié et la demande de travail des réfugiés,

les deux associées ont envisagé une entreprise

sociale ad hoc. Ce service de « restauration/

traiteur» vient impulser une dynamique. En

partenariat avec des structures accueillant ce

public de réfugiés via des dispositifs dédiés, dont

un organisme de formation professionnelle

en cuisine par exemple , ce service/traiteur

Un service « restauration/traiteur » solidaire à Rennes

DES RÉFUGIÉS EN CUISINE

POUR CONCLURE CE DOSSIER...

À travers ce dossier « accompagner autrement », nous avons souhaité montrer les

marges de manoeuvres des professionnels et des structures de l’intervention sociale auprès

du public migrant. L’accompagnement de ce public est aujourd’hui régi par des règles, des

codes, des législations bien précises, et réalisé par des structures habilitées qui ciblent leurs

actions en direction de ce public. Des critiques sont toutefois adressées à l’accompagnement

actuel : manque de prise en compte de la personne, de son histoire, manque d’articulation et

difficultés d’« insertion » qui persistent (avec toutes les précautions à prendre à l’utilisation

de ce terme). Le dossier présenté ci-dessus a permis de mettre en évidence des initiatives,

citoyennes et associatives, pour penser autrement la manière d’accompagner les personnes

migrantes dans leur quotidien. Ces initiatives, parfois isolées, se développent de plus en

plus dans différents pays au vu des enjeux actuels liés à la crise migratoire. En tant que

professionnels de l’intervention sociale, étudiants, citoyens, il est essentiel de questionner

les pratiques actuelles pour peut-être (re)penser l’accompagnement.

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1918

Le 11 février dernier, les étudiantes du Master

2 Direction des Politiques et Dispositifs d’Insertion,

Médiation et Prévention étaient invitées à organiser

une journée d’étude dont la thématique portait sur les

marges de manoeuvre et utopies dans l’intervention

sociale. Cette journée a été réalisée en collaboration

avec deux autres promotions de l’Université Rennes 2

et de l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique.

Notre collectif en charge d’animer un atelier a

ainsi proposé aux participant.es de cette journée un

jeu grandeur nature afin d’échanger et de débattre

autour de la prise en charge sociale des personnes

dites migrantes et des marges de manoeuvres ou

utopies qui y sont associées.

Le principe ? Chacun se voit attribué une carte

avec un rôle d’intervenant social dans une structure

(association, administration, collectif…) et doit se

projeter, selon des situations énoncées, dans des

prises de décision de la moins à la plus engageante.

Retour sur la journée d’étude organisée à l’Université Rennes 2

c’est quoi ta marge de manoeuvre ?

Ci-contre, la restitution des facilitatrices graphiques présentes lors de cet atelier.

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2120

Les migrants de moins de 18 ans ont un statut

particulier en raison de leur minorité. En France, vous

êtes un mineur isolé étranger si vous avez moins de 18

ans, si vous n’êtes pas français, et si aucun représentant

légal (un de vos parents ou un adulte responsable de vous)

ne vous accompagne. Un « mineur non-accompagné », «

MNA » ou « mineur isolé étranger » a le droit de séjourner

en France et ne peut être expulsé.

La protection des mineurs isolés est assurée, comme

celle de tout autre mineur français, par le service de l’aide

sociale à l’enfance départemental, jusqu’à leur majorité,

492Mineurs ou jeunes adultes

isolés pris en charge par le

département d’ille et vilaine

en 2017

du « d » comme droit au « d » comme débrouilleL’accompagnement des Mineurs NON ACCOMPAGNÉS étrangers

tandis que les familles et les personnes majeures

sont prises en charge par l’État (dans les Centres

d’Accueil des Demandeurs d’Asile ou les Centres

d’Accueil et d’Orientation par exemple).

En outre, quelques associations se sont

créées ou renforcées pour les accompagner. Des

dispositifs spécifiques aux MNA sont développés

en Ille-et-Vilaine par différents acteurs

institutionnels ou associatifs. Ainsi, parmis la

quinzaine d’acteurs bretilliens accompagnant

le public migrant, plusieurs allouent leurs

missions spécifiquement aux MNA, en proposant

notamment des structures d’accueil (provisoires

d’urgence ou non) à Rennes et Saint-Malo, mais

également des accompagnements juridiques et

administratifs.

Rencontre

Anthony est éducateur spécialisé et a

travaillé en structure d’hébergement auprès de

mineurs non accompagnés. Questionné sur les

questions de vie quotidienne et d’accessibilité

alimentaire de ces jeunes au sein de cette

structure, il évoque un « lieu inadapté ». Le foyer,

créé dans dans un contexte d’urgence, accueille

100 MNA qui occupent des « appartements

». Chacun de ces appartements propose 6 à

8 places : trois chambres de deux lits et un

salon transformé en chambre. Les cuisines

sont condamnées pour des raisons de sécurité ;

s’alimenter devient dès lors une problématique

quotidienne.

Pour Anthony, « la nourriture rythme

la vie » de ces mineurs isolés, à la recherche

d’une alimentation qui leur correspond.

L’alimentation est une « cause d’absentéisme

scolaire, ils ne mangent pas ce qu’il y a à la

cantine » et choisissent de ne pas aller à l’école

plutôt que de devoir affronter l’épreuve du self.

Pour se nourrir, les mineurs ont droit à des

tickets restaurants, s’ils ne déjeunent pas au

self de leur école. Or, les tickets restaurants,

tout comme le self scolaire ou le restaurant

administratif proposent une offre limitée : «

leur culture alimentaire est différente » de celle

proposée. Ces jeunes s’organisent donc pour

d’accéder à une alimentation qui leur correspond

mieux, à commencer par la fréquentation

très régulière de fast food, « les albanais, les

marocains passent leur temps au kebab »… avec

les constats de complications sanitaires liées à

La liste complète de ces dispositifs

est disponible sur le site infomie.net

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2322

La Cimade est une association qui a pour

mission de « manifester une solidarité active

avec les personnes opprimées et exploitées. Elle

défend la dignité et les droits des personnes

réfugiées et migrantes, quelles que soient

leurs origines, leurs opinions politiques ou

leurs convictions. Elle lutte contre toute forme

de discrimination et, en particulier, contre la

xénophobie et le racisme ». La Cimade, composée

à la fois de bénévoles et de salariés, met en place

des actions sur les questions suivantes : droit

au séjour, droit d’asile, rétention et expulsion,

mineurs isolés, hébergement, ou encore la

sensibilisation. L’association se donne pour

missions l’accueil et l’accompagnement de

personnes migrantes, réfugiées ou en demande

d’asile, l’action auprès des personnes étrangères

enfermées, notamment via son intervention au

sein des Centres de Rétention Administrative

(CRA) et dans les établissements pénitentiaires,

la construction des solidarités internationales,

et enfin de témoigner, d’informer et de mobiliser.

C’est quoi un Centre de Rétention

Administrative (CRA) ?

Il existe en France 26 Centres de Rétention

Administrative, auxquels s’ajoutent des locaux

de rétention. Ces centres et locaux sont gérés

© JB MEYBECK

ces sur-consommations. Anthony dévoile aussi

un développement de système D : la revente des

tickets au marché noir - pratique illégale qui les

met en porte à faux - permet l’achat d’épices et

ingrédients spécifiques. En effet, s’ils n’ont pas

l’autorisation officielle de cuisiner dans leurs

locaux, les éducateurs ferment parfois les yeux

et les installations de fortune sont installés

pour ce faire. L’enjeu n’est pas tant de se nourrir

convenablement que de vivre un moment de

partage et de convivialité dans des conditions

pour le moins dangereuses in fine.

L’accompagnement de ces mineurs est

complexe : le cadre institutionnel inadapté

les place en difficulté voire en danger à de

nombreux égards. Une prise de conscience

de leur situation est plus que nécessaire,

souligne ce travailleur social engagé, et doit être

envisagée conjointement par l’ensemble des

acteurs concernés par l’accueil de ces mineurs :

responsables d’hôtels, associations, collectivités

territoriales. Il s’agit d’entendre les besoins

réels de ces jeunes pour y apporter une réponse

adaptée.

La CIMAdE, un acteur associatif engagé

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« Des conditions qui mettent à mal la dignité

des personnes retenues » (Capsule sonore, La

Cimade). Bref, la rétention abîme les retenus avec

de nombreuses souffrances et traumatismes. «

Le temps [...] ne s’écoulent pas, car il n’y a rien à

faire dans un CRA. Attendre, attendre, et encore

attendre » (Capsule sonore, La Cimade)

Les conditions d’enfermement des

personnes dans un CRA posent question

sur l’accompagnement de ces personnes en

France. Les propositions d’accompagnement

sont limitées et uniquement proposées par des

acteurs habilités. Alors, quel accompagnement

est possible au sein d’un dispositif étatique

d’enfermement où les libertés des individus sont

limités et leurs gestes surveillés ? « Les visiteurs

» de La Cimade sont pris entre leurs marges de

manoeuvre et le milieu de rétention des CRA. Les

actions de témoignage des ces acteurs ont pour

objectifs de dénoncer des pratiques répressives

soutenues par l’Etat.

La Cimade, en dehors des CRA

La Cimade, association nationale, dispose

de différents groupes régionaux et locaux

dont un basé à Rennes. Outre l’intervention

en CRA, la Cimade propose diverses actions et

activités, toutes dans un but d’information et

de sensibilisation à la migration, aux droits

et aux politiques qui y sont liées. De fait, sont

mis en place des événements culturels tels que

des ciné-débats, des expositions, des « Capsules

de rétention » (témoignages de personnes

migrantes) tout au long de l’année. La Cimade

entend également militer et sensibiliser en

intervenant dans les lycées. En exemple d’une

action importante menée par l’association,

prenons le festival Migrant’scène, dont la

dernière édition s’est déroulée du 17 novembre

au 9 décembre et dont le thème était « D’ici et

d’ailleurs, ensemble ».

par la police aux frontières. Toute personne

concernée par les décisions suivantes peut être

placée en rétention pour une durée maximale

de 90 jours : obligation de quitter le territoire

français de moins d’un an, interdiction de

retour sur le territoire français, décision

d’expulsion, interdiction judiciaire du territoire

français, mesure d’éloignement dans le cadre

de l’Union européenne. Toute personne retenue

a des droits : droit à un avocat, à un médecin,

droit de communication avec l’extérieur, aide de

l’administration, et aide d’association.

La Cimade et les Centres de Rétention

Administrative

La Cimade est habilitée pour aider les

personnes retenues à exercer leurs droits au

sein des CRA. Ces personnes peuvent donc

s’entretenir avec « les visiteurs » de La Cimade,

qui y assure depuis 1984 une présence sociale

et juridique. La Cimade condamne le principe

de l’enfermement des étrangers au seul motif

de l’irrégularité de leur séjour, elle apporte un

soutien et une écoute aux personnes retenues.

Ses interventions permettent également de

témoigner des conditions d’enfermement

dans les CRA. La Cimade milite pour un droit

à l’accompagnement des personnes migrantes

et pour la suppression des CRA qui, selon

l’association, ne respectent pas la liberté des

personnes et n’offrent pas un accompagnement

suffisant. L’accompagnement des acteurs de

l’intervention sociale au sein des CRA est assez

limitée, bien que ces acteurs soient habilités à

aider les retenus dans l’exercice de leur droit.

La Cimade a donc un rôle d’accompagnement

social et juridique.

« Quelles différences entre un retenu et

un détenu ?»

Zone protégée, barbelés, caméras de

vidéo surveillance, portes blindées, fouilles,

mirador, policiers omniprésents, ou encore

contrôle des déplacements et des visites, sont

autant d’éléments qui rappellent l’univers

carcéral. Pourtant ces centres ne sont pas des

établissements pénitentiaires. Les retenus

sont enfermés dans une zone de rétention et

sont surveillés à chaque instant. Alors, une

question se pose : quelle différence avec les

détenus enfermés pour avoir commis un délit

ou un crime et les retenus, enfermés au titre

de l’irrégularité de leur papier ? La violence

règne dans ce lieu d’enfermement : angoisse,

stress, automutilation, crainte d’être expulsé,

expulsion nocturne, violence psychologique, etc.

Pour en savoir plus :

cimade.org

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Le Festival Migrant’Scène : quelques semaines festives et engagées de sensibilisation

Se présentant comme « festif et engagé », Migrant’scène est un

festival organisé par La Cimade qu»i se déroule dans une centaine de villes

françaises. A travers cet événement, les organisateurs entendent questionner

les migrations et les politiques qui les entourent, le tout sur des fondements

d’hospitalité et de vivre-ensemble, dans un but de prise de conscience.

Depuis 2011, l’édition rennaise propose différentes manifestations

culturelles dans ce cadre. L’information aux problématiques liées à la

migration se fait à travers divers entrées. Ainsi, sont proposées conférences,

visites, expositions, collectes ou encore soirées dansantes pour pouvoir

interroger les droits des migrants. Les manières d’aborder le sujet de la

migration sont donc variées et ouvertes à tous et toutes : que l’on veuille

s’informer de manière festive lors d’un concert, ou plus sérieuse lors

d’une conférence. Outre l’information, ces actions entendent sensibiliser et

également témoigner quant aux politiques d’immigration.

Rendez-vous en fin d’année pour la prochaine édition du festival !

Pour en savoir plus :

migrantscene.org

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2928

». Recensant diverses traductions vocales en

ligne, ce site internet permet notamment de

questionner et de s’entretenir avec la personne

qui ne parle pas notre langue sur des sujets

tels que l’identité de la personne, mais aussi

les démarches administratives qu’elle a pu

enclencher ou d’autres thèmes tels que le

logement.

Cependant, la traduction ne répond

pas nécessairement à toutes les questions, et

l’intercompréhension n’est pas nécessairement

absolue à travers de tels outils. La conversation

n’est pas fluide et une barrière reste installée

entre les locuteurs. De ce fait, par quoi remplacer

la parole ?

Divers jeux et activités peuvent être

utilisés dans ce cadre, par exemple du dessin

ou encore des jeux de mimes. Outre l’aspect

qui est celui de la compréhension mutuelle des

locuteurs, le jeu est un support de relation et

de lien social. Se constituer une boîte à outils,

recensant diverses illustrations, divers signes,

qui serviront de base à une conversation entre

deux locuteurs d’une langue différente, permettra

finalement d’enclencher une conversation sans

que la barrière de la langue ne se fasse ressentir.

L’interprétariat et la traduction ne sont donc pas

une fin en soit, et divers outils régulièrement

utilisés en animation sociale peuvent permettre

d’affronter la barrière linguistique.

Le site web francparler.oif.org recense

différents jeux faciles d’accès pour

apprendre différents mots de vocabulaires

d’une autre langue, pour une participation

de chacun à la conversation, de manière

efficace.

L’application traducmed

La notion de langue peut être vue comme

une nouvelle frontière, cette fois-ci immatérielle,

à franchir. La langue peut alors être un frein

dans certaines démarches, et cette barrière

linguistique être difficile à affronter, lorsque

l’on est intervenant social sans interprète. Outre

les démarches administratives, la langue peut

exclure des personnes de certaines activités ou

actions et donc mettre à mal leur participation.

Un des enjeux de l’intervention sociale, et de

l’accompagnement du public migrant, est donc

désormais de trouver des leviers à cette barrière.

L’esperanto, « langue internationale

qui ne serait la langue de personne, d’aucun

impérialisme » (voir L-J Pasquet, pour T. Paquot,

Des frontières et des langues) est apparue

comme une solution à la problématique de

communication entre deux interlocuteurs ne

parlant pas la même langue. On trouve alors

des ateliers d’apprentissage de l’esperanto dans

plusieurs villes, et notamment à Rennes. Cette

langue, qui ne serait la langue de personne,

est toutefois qualifiée d’irréaliste bien que

généreuse. Bien que reconnue par l’Unesco, son

nombre de locuteurs dans le monde est compris

entre 3 et 10 millions.

La traduction apparaît comme une

solution à cette barrière linguistique. Comme

outil, on peut par exemple citer Traducmed,

« outil d’aide pour la prise en charge médicale

Franchir les barrières de la langue

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ouvertures culturelles

A travers des courts témoignages, l’association de création audiovisuelle POINT BARRE met en avant les difficultés liées à la barrière de la langue. Ces vidéos abordent les limites et les contraintes rencontrées par les personnes ne maîtrisant pas le français du fait d’un pays d’origine différent, ou simplement de situation d’illettrisme. Ces limites se posent à la fois dans les démarches quotidiennes mais aussi dans leur accompagnement. Ce projet audiovisuel donne la parole à des personnes ne parlant pas ou peu la langue de leur pays d’accueil, à des bénévoles les accompagnants à travers des cours de français, à des professionnels formateurs, ou encore à des chercheurs qui donnent des clés de compréhension des enjeux linguistiques. Le projet « On est ici » donne également à voir des acteurs associatifs, ouinstitutionnels rennais qui tentent de soutenir les personnes dans leur apprentissage.

Human Flow (2018) - Ai WEIWEI

On est ici - POINT BARRE (2019)

Sur l’année 2016 l’artiste chinois et son équipe ont suivi le parcours de millions d’hommes, de femmes et d’enfants aux quatre coins du monde fuyant leur pays et la guerre, la famine ou la répression politique. Le documentaire retrace des histoires humaines dans l’urgence de leurs situations, et montre l’impact de ces questions sur les vies personnelles des individus. Il offre également les témoignages de ceux qui luttent au quotidien pour venir en aide à ces populations au sein d’ONG et d’associations humanitaires. Le film porte un regard dur sur la crise migratoire, principalement en Europe et sur l’immense défi qu’elle représente pour les Etats dans l’accueil et l’intégration de ces populations. Il questionne la réponse politique et sociale des pays d’accueil et la met en perspective avec la nécessité du vivre-ensemble, de l’hospitalité et de l’accueil de la souffrance humaine.

La rédaction vous propose quelques recommandations culturelles afin d’approfondir sur la thématique.

Je viens d’alep (2017)

Afghanistan : enfant de l’exil (2018)

Un livre de Laurence De Cambronne et Joude Jassouma.A travers le témoignage de Joude Jassouma, réfugié venant d’Alep, il est raconté aux lecteurs la crise migratoire de l’intérieur : fuire son pays d’origine, combats et traversée de la Méditerranée, trouver une terre d’asile et l’accueil en France. Ce livre raconte l’histoire d’un homme et de sa famille contraint de quitter leur pays pour fuire la guerre. Poignant et émouvant, ce livre permet de rendre compte de la difficulté de ces étapes franchies par tant de civils quittant leur pays. Cet ouvrage témoigne de l’actualité migratoire.

Un reportage d’Olivier Jobard et Claire Billet - ARTE reportageGhorban Jafari est Afghan. Il quitte seul son pays à l’âge de 8 ans. Ce documentaire, tourné sur plusieurs années, permet de suivre Ghorban de ses 8 ans jusqu’à l’entrée dans l’âge adulte. Entre questionnements, épreuves, frustrations, incompréhensions, mais aussi accompomplissements et conquêtes, ce documentaire tente de saisir les enjeux et questionnements de l’exil.Ce projet, centré sur ce jeune homme, donne à voir les différentes étapes franchies. A travers des entretiens filmés avec les éducateurs, ou encore le psychologue, l’accompagnement de ce jeune pris en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance, est mis en avant. Des questions apparaissent : l’accompagnement est-il adapté ? Comment construire son identité entre un pays d’origine, une terre d’accueil et des périples multiples ?

Un documentaire de Béatrice Camurat Jaud Ce documentaire permet de prendre du recul sur la question migratoire en s’intéressant à des questions plus larges, mais toutes autant d’actualité : chômage record, pollution industrielle, etc. A travers l’exemple du ville, Grande-Synthe, les marges de manoeuvre et les utopies sont évoquées afin de donner espoir et de trouver des solutions ensemble : citoyens, associations et pouvoirs publics. Ce documentaire donne à voir un futur possible pour un meilleur avenir et montre des initiatives isolées en route pour se développer.

Grande-Synthe (2018)

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Nous remercions toutes les personnes ayant

permis à ce fanzine de voir le

jour.

L’équipe de rédaction :Anne LANDRAGIN, Gwenaël BRÉNÉOL, Léna DEROUIN, Lilah SOUHAJ, Lucile CHRISTIEN, Marion BÉE-WEIRAUCH, Marion LEJEUNE et Raphaelle MOREAU. // [email protected]