Lévi Strauss Nambikwara

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  • 7/25/2019 Lvi Strauss Nambikwara

    1/139

    Journal de la Socit desAmricanistes

    La vie familiale et sociale des Indiens Nambikwara.Claude Lvi-Strauss

    Citer ce document Cite this document :

    Lvi-Strauss Claude. La vie familiale et sociale des Indiens Nambikwara.. In: Journal de la Socit des Amricanistes.

    Tome 37, 1948. pp. 1-132.

    doi : 10.3406/jsa.1948.2366

    http://www.persee.fr/doc/jsa_0037-9174_1948_num_37_1_2366

    Document gnr le 16/10/2015

    http://www.persee.fr/collection/jsahttp://www.persee.fr/collection/jsahttp://www.persee.fr/doc/jsa_0037-9174_1948_num_37_1_2366http://www.persee.fr/author/auteur_jsa_224http://dx.doi.org/10.3406/jsa.1948.2366http://www.persee.fr/doc/jsa_0037-9174_1948_num_37_1_2366http://www.persee.fr/doc/jsa_0037-9174_1948_num_37_1_2366http://dx.doi.org/10.3406/jsa.1948.2366http://www.persee.fr/author/auteur_jsa_224http://www.persee.fr/doc/jsa_0037-9174_1948_num_37_1_2366http://www.persee.fr/collection/jsahttp://www.persee.fr/collection/jsahttp://www.persee.fr/
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    LA VIE FAMILIALE

    ET

    SOCIALE

    DES INDIENS NAMBIKWARA.

    Par

    C.

    LVI-STRAUSS.

    (Planche I -VU.)

    INTRODUCTION.

    Le nom des

    Nambikwara

    apparat dans la littrature

    ethnologique

    ds

    le

    viii6 sicle ;

    mais

    il nous parat

    inutile

    de compiler ici

    des

    rfrences

    qui

    se

    rduisent une citation plus ou

    moins

    dforme du

    nom tribal, et

    l indication approximative

    du

    territoire occup par le groupe.

    En

    fait, et

    si

    l'on

    excepte

    leur nom

    qui

    semble tre un sobriquet d'origine

    Tupi(1), les

    Nambikwara sont rests

    pratiquement

    inconnus jusqu'

    l'poque de

    leur dcouverte

    officielle, en

    1907,

    par le gnral (alors

    colonel)

    Candidio Mariano da

    Silva

    Rondon. A

    partir de

    cette

    date,

    on est directement ou indirectement

    redevable

    la

    Commission

    Rondon

    de

    toutes les

    informations

    disponibles

    sur

    leur compte.

    On

    sait

    qu'en 1907,

    le colonel Rondon

    reut

    du Gouvernement brsilien

    la

    mission d'explorer les territoires qui s'tendent, sur i.5oo kilomtres

    environ, de

    la

    bourgade de Diamantino

    jusqu'au

    Rio Madeira. Cette campagne

    devait

    prcder

    la construction d'une ligne

    tlgraphique stratgique

    reliant

    la capitale fdrale aux postes-frontire

    du Nord-Ouest.

    Au cours d'une

    premire expdition commence

    en

    1

    907, Rondon

    russit atteindre le Juruena,

    formateur principal du Tapajoz rest jusqu'alors

    inconnu. Cette dcouverte

    eut lieu

    le

    20

    octobre; une seconde expdition, commence en

    1908,

    permit

    l'ouverture d'une

    route

    de terre vers le Madeira. C'tait le

    premier

    objectif

    de

    la

    mission confie

    au gnral Rondon

    ; sa ralisation se place le 2 5 dcembre

    1909. C'est au cours de ces deux expditions

    qu'un

    contact

    fut,

    pour la

    premire

    fois,

    tabli

    avec les

    Nambikwara.

    La

    pose

    de

    la

    ligne tlgraphique se

    poursuivit

    travers

    les

    territoires

    indignes de 1909

    1916

    environ.

    Pendant cette priode et depuis lors,

    il y

    eut

    des relations

    rgulires,

    bien

    qu'intermittentes, entre

    les

    Indiens

    et les

    membres

    de

    la

    Commission tlgraphique

    :

    officiers du

    gnie,

    soldats

    (1)

    Cf. plus loin, p.

    129,

    n. 1.

    SOCIT DES AMRICANISTES,

    I9/18. 1

  • 7/25/2019 Lvi Strauss Nambikwara

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    SOCIETE

    DES

    AMERICANISTES.

    et

    manuvres.

    Ces contacts ont continu aprs l'achvement des travaux.

    Ils se sont toutefois espacs, et se font

    surtout avec

    les stations

    dont

    le service

    est assur

    par les

    Indiens Paressi, duqus

    par

    les soins de

    la

    Commission.

    Si

    on

    laisse

    de

    ct

    quelques

    livres

    et

    articles,

    de

    caractre

    anecdotique,

    crits

    par

    tel ou tel collaborateur du gnral Rondon, on se trouve rduit,

    comme seules sources d'information

    sur

    les

    Indiens

    Nambikwara, aux ouvrages

    suivants. D'abord, le Rapport ethnologique d

    au gnral Rondon lui-mme,

    et imprim Rio de Janeiro comme une

    des

    nombreuses

    publications

    officielles

    de la Commission, sous le n 2, 191 1. Il faut citer, ensuite,

    les

    confrences

    du

    mme auteur,

    qui suivirent

    l'expdition

    Roosevelt-Rondon au Rio

    da

    Duvida

    (dition

    en langue

    portugaise

    :

    Misso

    Rondon,

    Rio de Janeiro, 1916 ;

    dition

    en langue anglaise : Lectures

    delivered by General

    Candida

    Mariano

    da

    Silva Rondon,

    etc.,

    Commisso

    Rondon, publ., n

    3).

    On doit galement

    avoir

    recours un article d'un jeune officier de l'tat-major

    du

    gnral Rondon,

    Antonio Pyreneus

    de

    Souza

    {Notas

    sobre

    os

    costume* dos

    Indios

    Nambikwaras,

    Revista

    do Museu

    Paulista,

    vol. 12,

    1920) et aux informations parses

    dans

    les

    divers

    rapports

    de

    la

    Commission,

    publis

    pendant,

    et

    depuis,

    les

    travaux

    d'exploration, et dont

    le

    plus

    utile est

    sans

    doute

    celui de Carnier

    {Rapport

    gologique et ethnologique, n 2, annexe 5). On trouvera quelques indications

    dans

    le

    livre de Thodore

    Roosevelt {Through

    the Rrazilian wilderness, Works,

    vol. 6) et

    un

    court vocabulaire

    chez

    Max

    Schmidt

    {Ergebnisse meiner zwei-

    jahrigen

    Forschungsreise in Matto Grosso,

    Zeitschrift fur Ethnologie,

    vol.

    ,

    i929).

    En 1912, le

    Directeur

    du Muse national de Rio de Janeiro, le Dr

    Edgar

    Roquette

    Pinto, reut mission de rejoindre

    la

    Commission

    Rondon

    sur le

    terrain,

    pour

    recevoir,

    examiner

    et

    rapporter

    au

    Muse,

    les

    collections

    ethnographiques

    recueillies depuis

    le dbut

    des

    travaux.

    Ce voyage

    devait offrir

    au Dr Roquette Pinto

    l'occasion d'crire

    et de

    publier

    plusieurs

    articles

    et un

    livre.

    Le plus important,

    parmi

    les premiers, est certainement sa

    communication

    au

    Congrs International

    des Amricanistes

    tenu

    Londres en

    1912

    {Os

    Indios

    Nambikwara do

    Rrasil

    Central) ; ensuite, sa communication au

    Congrs

    Pan-Amricain de

    Washington (1917) sous le

    titre Os

    Indios da

    Serra do Norte. Le

    livre, Rondonia (dernire dition

    : Cia Editora Nacionl,

    Sao-Paulo,

    1

    95) est presqu' entirement consacr aux

    Nambikwara,

    et

    reprsente

    notre meilleure source d'information.

    Toutefois,

    l'ensemble

    des

    travaux cits

    aux paragraphes

    prcdents

    se

    ramnent

    quelques

    donnes

    linguistiques

    limites

    gnralement de

    mdiocres

    vocabulaires

    et une description de

    la

    culture matrielle,

    soigneusement

    entreprise

    dans

    Rondonia.

    Nulle

    part il

    n'est question

    de

    la

    vie

    familiale

    et

    de l'organisation sociale. Dans

    ces conditions, on peut

    s'tonner

    que,

    depuis la

    publication du travail de

    Roquette

    Pinto, les Nambikwara

    semblent

    tre

    compltement tombs dans l'oubli; et il

    tait

    naturel que

    notre

    propre expdition, commence exactement vingt-six ans et deux

    mois

    aprs

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    LA VIE

    FAMILIALE

    ET SOCIALE DES INDIENS

    NAMBIKWARA.

    3

    le dbut du voyage de Roquette Pinto, se

    consacrt

    combler

    fut-ce

    partiellement

    les

    lacunes

    des

    enqutes prcdentes. Nous avons cherch

    des

    informations linguistiques plus tendues et plus prcises; prt plus d'attention

    l'aspect

    dynamique

    55

    de

    la

    culture matrielle,

    en considrant moins

    les

    objets

    achevs

    que

    le processus de leur fabrication; et surtout, nous nous

    sommes largement

    consacrs

    l'tude

    de l'organisation familiale

    et

    sociale,

    dont la description fait l'objet

    du

    prsent

    travail.

    Il est

    superflu

    de souligner qu'on

    ne trouvera pas

    ici une tude exhaustive

    de

    la

    vie

    et

    de

    la

    socit

    Nambikwara.

    Nous n'avons pu partager l'existence

    des

    indignes que

    pendant la priode

    nomade,

    et

    cela seul suffirait limiter

    la porte

    de

    notre

    enqute.

    Un voyage

    entrepris

    pendant la priode

    sdentaire

    apporterait

    sans

    doute

    des

    informations capitales, et permettrait de rectifier

    la perspective d'ensemble.

    Nous esprons pouvoir l'entreprendre un jour.

    Comme Roquette

    Pinto

    l'crit au

    dbut de Rondonia

    : Lentas

    ho de ser

    sempe

    as

    construces

    cientificas

    en

    tal

    terreno^1).

    A

    son

    livre,

    pourtant,

    reviendra toujours le mrite d'avoir appel l'attention

    sur

    une

    des

    plus

    attachantes

    cultures

    du Brsil indigne et d'en

    avoir,

    le premier,

    bross

    un vivant

    et charmant tableau.

    Le territoire occup par les Indiens Nambikwara s'tend

    du

    Rio Papagaio

    l'Est jusqu' une zone se terminant

    approximativement,

    au

    Nord-Ouest,

    au confluent

    des

    rios Commemorao de Floriano et

    Baro

    de Melgao, tous

    deux

    formateurs

    du

    rio

    Machado

    ou

    Gi-Parana.

    Ce point

    marque,

    en mme

    temps,

    la

    fin du

    plateau qui occupe

    presque toute la

    partie centrale et

    occidentale de l'Etat de Mato Grosso. La limite mridionale se place sur le cours

    moyen du rio Guapor, et,

    plus

    l'Ouest, suit le cours

    complet

    du rio

    Commemorao de

    Floriano.

    On ignore

    o

    se

    situe la frontire

    septentionale

    ; le

    cours suprieur

    du

    Rio

    Roosevelt (anciennement

    : da Duvida) est sans doute

    habit par des

    groupes Nambikwara, mais ceux-ci

    ne

    sauraient s'tendre loin

    vers l'Ouest, car

    la

    rgion

    intermdiaire

    entre le rio Roosevelt et le haut

    Gi-Parana est occupe par

    des

    tribus

    de

    langue Tupi. Il nous

    semble

    probable

    que

    la

    frontire septentrionale des territoires

    Nambikwara,

    entre le

    rio

    Roosevelt et le

    rio

    Juruena,

    suive

    approximativement le

    1 1

    e parallle.

    Ainsi,

    la

    rgion

    pourrait

    tre

    dlimite

    de la

    faon

    suivante

    :

    l'Est,

    entre

    le

    1 1

    e

    et

    le 1 3e parallle, le

    cours

    du

    Juruena et

    du

    Papagaio; au

    Sud-Est,

    une ligne

    conventionnelle

    allant

    du 1 ie parallle et 58, ,

    au

    i5e parallle et

    6o, ce

    dernier

    point

    correspondant

    peu prs

    l'emplacement de

    la

    ville de

    Villa-

    Bella; au

    Sud, le cours du Guapor

    depuis Villa-Bella jusqu'aux

    sources du

    rio

    Corumbiara et la rgion avoisinante,

    et,

    de l, le cours du

    rio

    Comme-

    da

    Segunda

    Eio, p. i3.

  • 7/25/2019 Lvi Strauss Nambikwara

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    SOCIETE DES

    AMERICANISTES.

    morao de Floriano jusqu'au

    dbut du

    Rio Machado (environ

    1

    1,7 parallle

    et 6o, 9); l'Ouest, une ligne conventionnelle

    s'tendant du

    dernier point

    l'intersection

    du rio

    Roosevelt avec le

    1 1 e

    parallle ; enfin, au Nord, le

    11e parallle, du

    rio

    Roosevelt

    au

    Juruena.

    La

    plus

    grande

    longueur de

    cette

    aire

    est d'environ oo

    5o

    kilomtres

    du

    Nord au

    Sud,

    et sa largeur, d'Est

    en

    Ouest, atteint

    00

    kilomtres.

    Considre

    dans son ensemble, elle constitue

    la

    zone septentrionale et

    occidentale du

    vaste

    plateau qui occupe

    la

    plus grande partie de l'Etat de Mato

    Grosso, et

    dont

    le rebord mridional surplombe la campagne de Cuiaba, sous

    l'aspect

    imposant

    d'une

    ardente muraille rocheuse,

    la

    Chapada. Cette zone

    septentrionale et

    occidentale

    est aussi la rgion la plus

    inhospitalire du Mato

    Grosso; peut-tre mme avec les steppes

    du Nord-Est

    du

    Rrsil

    tout

    entier.

    On

    connat imparfaitement la

    structure

    gologique

    de ces terres ;

    elles

    sont

    formes

    de grs

    rouge

    couches argileuses,

    et

    datent

    de

    priodes

    diverses

    :

    Dvonien

    l'Est

    (c'est la

    Chapada

    proprement dite), Crtac dans la

    zone

    qui nous

    intresse

    spcialement (Planalto dos

    Parecis et prtendue

    Serra

    do Nortec).

    La couche grseuse s'lve abruptement

    au-dessus des roches

    cristallines

    qui

    occupent la

    haute

    valle

    du rio Cuiaba

    ; la transition est plus

    progressive vers le rebord oriental du

    plateau des

    Parecis

    puisque,

    quelques

    kilomtres

    l'ouest

    de

    Diamantino,

    on passe, presque sans

    l'apercevoir,

    la

    ligne de partage

    des

    eaux qui

    spare

    le

    bassin

    du

    Paraguay,

    affluent du rio

    de la

    Plata,

    et les

    sources du Rio Arifos,

    lui-mme tributaire

    de l'Amazone.

    Dans son

    aspect

    gnral, la rgion

    figure

    une

    sorte de

    vaste plateau ondul

    s'abaissant

    lentement dans

    la

    direction du

    bassin

    de

    l'Amazone, avec

    les

    plus hauts points au centre et au

    Sud

    (aux environs de

    800 m.)

    et les plus

    bas (35o

    m. environ) vers le Nord et vers l'Ouest. Et cependant, le voyageur

    parti

    du Sud trouve un impressionnant spectacle quand, aprs

    avoir

    parcouru

    1.200 kilomtres

    de

    hautes terres

    dsoles,

    il atteint le

    rebord

    nord-ouest

    du

    plateau : par rapport aux basses

    terres,

    la

    diffrence d'altitude

    est trs

    petite : 100 mtres au

    plus;

    mais elle est brusque. Derrire lui, il laisse une

    brousse interminable et strile, tandis que, immdiatement ses pieds,

    commence,

    avec

    la

    valle du Gi-Parana,

    la

    non

    moins

    interminable fort

    amazonienne.

    Cette

    remarquable

    frontire gographique est aussi

    la

    limite

    occidentale des

    territoires

    Nambikwara.

    Plus au

    centre

    et

    plus

    au

    Nord,

    l'aspect

    est

    diffrent

    :

    les

    eaux courantes

    ont creus

    travers le

    plateau des tranches

    qui

    s'largissent en direction

    du

    bassin amazonien; ces dpressions dterminent

    des

    diffrences

    d'altitude

    pouvant aller jusqu' i5o mtres; on les

    remarque

    surtout dans la rgion

    qui s'tend

    du

    Rio Roosevelt au Rio Doze de Otubro, et

    elles

    lui donnent un

    faux

    aspect montagnard o se trouve peut-tre l'origine de l'expression

    fallacieuse Serra

    do

    N orte .

    La constitution

    gologique

    conspire avec

    les

    conditions

    climatiques

    pour

  • 7/25/2019 Lvi Strauss Nambikwara

    6/139

    LA

    VIE

    FAMILIALE

    ET

    SOCIALE DES

    INDIENS \AMB1KWAKA.

    '

    5

    donner au plateau

    sa

    physionomie

    dsole.

    Les

    sables, produits de

    la

    dcomposition

    du grs,

    offrent un sol

    strile;

    et la distribution irrgulire des

    pluies achve d'expliquer

    l'aspect

    de savane, si] caractristique de la rgion

    toute

    entire.

    Si l'on

    excepte

    quelques

    pluies

    d'ailleurs

    rares

    qui

    tombent

    parfois

    en juillet et

    aot, les

    chu

    vas de cajuw,

    on peut dire

    que

    la priode

    avril-septembre est compltement aride. Au contraire, les prcipitations sont

    violentes

    et presque quotidiennes

    depuis

    octobre jusqu' mars.

    Ce

    sont des

    orages o la pluie dure

    parfois

    une, deux ou mme trois

    journes

    conscutives.

    Pendant la saison pluvieuse, la temprature s'lve :

  • 7/25/2019 Lvi Strauss Nambikwara

    7/139

    6

    SOCIT DES

    AMRICAMSTES.

    se

    transforment

    aussi,

    avec des

    lits plats

    et

    bourbeux,

    et des

    eaux rougetres.

    On a

    vu que

    les frontires

    du

    territoire occup par les Nambikwara

    correspondent

    grossirement au

    Sud

    et au

    Nord,

    et presque exactement au

    Nord-Ouest

    aux

    rebords du

    plateau.

    Vers

    l'Est,

    o

    la

    limite suit

    peu

    prs

    le cours

    du

    Juruena, les

    Nambikwara

    touchent aux Indiens Paressi et Iranse,

    qui occupent

    les parties mridionale et orientale

    du

    plateau.

    Il est impossible d'estimer,

    mme

    de faon approche, le

    chiffre

    de

    la

    population Nambikwara puisque son territoire reste,

    en

    majeure partie, inconnu.

    Il

    semble

    toutefois raisonnable

    de

    considrer qu' la

    fin de

    la construction

    de

    la

    ligne tlgraphique

    (vers 1915-1920) ce

    chiffre devait tre,

    environ,

    cinq

    fois

    suprieur son

    montant actuel.

    En

    postulant

    une

    densit

    de

    population constante pour

    tout

    le territoire, on pourrait admettre un

    chiffre

    global de 10.000 habitants au moment de

    la dcouverte,

    correspondant

    2.000 ou .000

    aujourd'hui,

    et sans

    doute moins

    encore. Notre itinraire

    avait t

    conu

    dans le but principal

    de

    nous

    mettre

    en contact avec le plus

    grand

    nombre possible d'indignes. Aprs cinq mois

    de

    voyage

    travers leur

    territoire, nous n'en avions cependant rencontr que

    deux

    cents; c'tait

    l'effectif moyen

    d'une

    seule

    bande Nambikwara il y a vingt

    ans.

    Aujourd'hui,

    la bande

    nomade va de quatre ou

    cinq,

    trente

    ou quarante

    membres.

    Cet

    effondrement

    dmographique s'explique

    par

    l'introduction de maladies

    allognes, lors

    de la premire

    pntration du territoire

    en 1907.

    Les

    quelques

    donnes numriques

    qu'il

    nous

    a

    t

    possible

    de

    recueillir

    dispenseront de

    tout commentaire : il

    y

    a quinze ans, la

    fraction

    connue

    du

    groupe

    Saban

    comprenait plus

    de

    1.000 individus;

    quand

    le groupe visita

    la

    station

    tlgraphique de Campos Novos

    en

    1928, on recensa

    127

    hommes, plus les

    femmes

    et

    les enfants. En

    novembre

    1929 cependant,

    une pidmie de grippe

    se

    dclara,

    alors que le

    groupe

    campait au lieu

    connu par

    les

    agents

    du

    tlgraphe sous le nom 'Espirro. La maladie volua

    rapidement

    vers une

    forme

    d'dme

    pulmonaire,

    et 00 indignes moururent

    en

    quarante-huit heures.

    Tout

    le groupe se dbanda, fuyant

    la

    maladie et laissant

    en

    arrire les malades

    et les mourants.

    Des mille

    Saban

    jadis

    connus,

    1

    9 hommes

    subsisteraient

    seuls,

    avec

    leurs

    femmes

    et

    leurs

    enfants.

    A

    l'pidmie,

    il

    faut

    peut-tre

    ajouter,

    pour

    expliquer

    ces chiffres tonnants,

    que les Saban se

    mirent en

    guerre, il

    y

    a quelques annes, contre

    certains

    voisins orientaux (groupe a2) M.

    Mais un large groupe relevant

    du

    dialecte b2, et install non loin de

    Trs

    Buritis, fut compltement liquid

    par la

    grippe

    en

    1927, sauf 6 ou

    7

    personnes

    dont

    3

    seulement ^ taient encore vivantes en 198. Le groupe

    (1) Voir

    la classification du

    groupe Nambikwara,

    plus loin, p. 10 sq.

    (2; Voir plus

    loin,

    p.

    i)l.

  • 7/25/2019 Lvi Strauss Nambikwara

    8/139

    LA VIE FAMILIALE ET

    SOCIALE DES

    I\DIE\S

    VAMBIKWARA.

    Tarund, jadis l'un

    des plus importants,

    comptait

    encore

    1 2 hommes

    (plus

    les

    femmes

    et les enfants)

    en

    1

    996

    ;

    de

    ces 12 hommes,

    subsistaient

    seuls

    en

    199.

    Un groupe

    mridional

    relevant

    du dialecte

    (Kabisi) parat

    avoir

    mieux

    rsist; sans

    doute, parce que

    ses contacts

    avec

    les

    gens

    de

    la

    Ligne sont

    rares. De

    1929

    193a, aucun Kabisi n'aurait t

    vu

    le long

    du

    tlgraphe;

    les

    indignes

    circulaient

    peut-tre

    plus

    au Sud, o

    la

    ville, aux trois quarts

    abandonne, de Villa Bella de Mato Grosso, devait subir, pendant

    la

    mme

    priode,

    plusieurs attaques d'indiens

    inconnus, mais que

    les rares rsidents

    dsignent

    aussi

    du

    nom

    de

    Kabisi.

    Au

    dire

    de nos

    informateurs, ce

    groupe,

    lui seul,

    runirait

    encore sept ou huit

    cents

    individus,

    dont

    nous avons

    rencontr une douzaine en septembre

    1

    98

    L^. Les autres groupes s'amenuisent

    rapidement

    en

    raison

    des

    ravages dus aux pidmies, et leur trs faible

    natalit,

    qui

    constitue

    un

    phnomne

    gnral, comme

    on le

    verra

    au

    chapitre

    consacr

    l'analyse de chaque groupe.

    Seul, Roquette Pinto a tent une classification des

    Nambikwara.

    Il distingue

    quatre groupes. Au sud-est, les

    Kokozu, qui

    vivent auprs des rivires Juruena,

    Juina, Papagaio et Gamarar; au nord-est, les Ainmz,

    qui occupent

    le bassin

    du rio

    Doze de Otubro ; au sud-ouest, un groupe appel Uaintau ou Kabixi,

    s'tendant de Gampos Novos

    la valle

    du

    Guapor.

    Enfin,

    au nord-ouest,

    depuis

    la

    rive

    occidentale

    du

    rio

    Doze

    de Otubro

    jusqu'

    la

    valle du

    rio

    Roosevelt, on trouverait un dernier groupe

    rassemblant

    les Tagnani, Tauit,

    Saluma,

    Tarut,

    Taschuit.

    Roquette Pinto n'indique pas clairement

    sur

    quelles

    bases se fonde cette classification; on peut supposer qu'elle n'est

    pas

    purement linguistique, puisque

    les

    vocabulaires publis

    dans

    Rondonia font

    tat de trois dialectes seulement. Il s'y

    mle,

    sans doute, une large part

    d'empirisme. Par ailleurs, la

    liste

    des groupes qu'on trouve dans

    les

    publications

    de

    Rondon

    et

    de

    ses

    collaborateurs

    ne

    correspondent

    qu'occasionnellement

    la

    classification

    de Roquette Pinto. Nos

    propres

    listes de noms de groupes

    ne

    comprennent

    pas

    tous ceux

    cits

    par

    nos devanciers ; mais

    elles rvlent

    plusieurs

    noms

    nouveaux;

    en

    mme

    temps,

    nous

    avons relev

    des

    dialectes

    qui

    n'avaient

    jamais t signals.

    Il est donc trop tt pour procder une

    classification

    dfinitive,

    et on trouvera plus

    loin

    la

    raison de

    ces incertitudes :

    les

    bandes nomades des Nambikwara sont des

    formations

    fragiles, et

    elles

    possdent toutes un nom, sobriquet driv

    du systme de

    parent, ou

    d

    la

    malice d'un groupe voisin.

    Ainsi

    les

    noms surgissent, disparaissent

    ou se

    transmettent

    avec une surprenante facilit. Voici

    un bon

    exemple de

    dsaccord

    (n

    Voir

    plus loin, p.

    .)>.

  • 7/25/2019 Lvi Strauss Nambikwara

    9/139

    8 SOCIT DES

    AMRICAIN

    ISTES.

    entre des observateurs travaillant des priodes diffrentes

    :

    quelque

    part,

    entre 1926 et

    1928,

    Max Schmidt

    recueillit

    un court vocabulaire de vingt

    mots, qu'il

    a publi par la suited comme

    ayant

    t

    obtenu d'un

    groupe

    dit

    Tamaind,

    alors install

    Trs Buritis. Ce

    vocabulaire

    relve certainement du

    groupe b2 de notre classification,

    qui

    se distingue par l'usage d'un suffixe

    verbal

    de forme -sore, et

    que

    nous avons aussi rencontr dans la rgion de

    Trs

    Buritis.

    Pourtant,

    en

    1

    9 38,

    les

    usagers de

    ce

    mme

    dialecte

    se dsignaient

    du

    nom

    de Taiat, et le

    nom

    de Tamaind tait seulement

    utilis par un

    groupe parlant

    un

    dialecte

    diffrent

    () pour dsigner

    un troisime

    groupe

    (c de notre

    classification), dont

    on

    peut

    douter

    que

    le

    dialecte

    appartienne

    mme

    la

    famille linguistique Nambikwara.

    Que faut-il

    en

    conclure? Tout essai de

    classification fonde

    sur les noms de

    bandes,

    qu'ils

    soient

    choisis

    par

    chacune

    d'elle

    ou

    reus

    de groupes

    voisins,

    est,

    d'avance,

    condamn l'chec.

    La

    seule

    base

    saine

    d'une

    classification

    des

    bandes et des

    groupes

    ne saurait

    tre que

    linguistique. Cette mthode

    restera,

    en tout

    cas,

    seule valable, tant qu'une tude

    mene

    pendant la

    saison

    des

    pluies n'aura

    pas permis

    d'tablir l'existence d'units

    plus

    larges et

    plus

    stables que les

    bandes nomades

    de

    la saison

    sche. Comme il serait difficile et

    arbitraire

    de dsigner chaque dialecte du

    nom

    phmre

    port par telle

    ou

    telle bande

    qui le

    parlait au

    moment

    o l'enqute

    a t mene,

    et qu'une

    classification entreprise

    sur

    la

    base

    des connaissances actuelles ne saurait tre

    que

    provisoire,

    nous procderons

    l'aide

    de

    symboles,

    de prfrence

    aux noms

    de

    groupe

    qui donneraient

    une

    image

    infidle de la

    ralit.

    Cela pos,

    on peut dire

    que

    la

    famille

    linguistique

    Nambikwara comprend

    trois

    groupes principaux

    dont

    deux subdiviss

    en

    sous-groupes.

    Soit,

    au

    total,

    cinq units distinctes.

    Les

    deux

    groupes que

    nous dsignons respectivement

    par a et b sont troitement apparents

    du

    point de vue smantique et

    morphologique, et

    ils

    reprsentent

    incontestablement

    deux modalits d'une mme

    langue. Dans

    les

    deux

    cas,

    on observe le mme usage de suffixes classificatoires,

    avec un suffixe

    verbal dont

    le sens est

    tre

    ,

    devenir

    , faire , fabriquer

    n .

    Dans le dialecte du groupe a,

    ce

    suffixe

    verbal

    parat sous

    les

    formes

    -kediutu,

    -kedutsu, -k'ttitu. On doit distinguer un

    type

    al,

    prdominant

    de la rivire

    Papagaio

    la

    Juina,

    avec

    une dsinence -u pour les substantifs, et un

    type 2

    qui

    tend substituer une dsinence -e

    la

    prcdente. Comme

    ce

    dernier

    groupe se place

    l'ouest

    de l'autre, et qu'il occupe approximativement

    la

    rgion

    des

    sources

    du

    rio

    Doze

    de Otubro

    et

    du

    rio

    Camarar,

    il

    parat

    vraisemblable

    que

    la

    dsinence -e soit apparue sous

    l'influence

    du dialecte b.

    A

    part

    la

    dsinence

    et quelques variations de

    vocabulaire,

    les dialectes al et

    a2

    sont pratiquement identiques.

    Plus srieuses sont les divergences de vocabulaire entre les groupes a

    et b.

    Ce dernier

    prsente aussi une dsinence -e pour

    les

    substantifs, et

    des

    ^

    L.

  • 7/25/2019 Lvi Strauss Nambikwara

    10/139

    LA

    VIE

    FAMILIALE

    ET

    SOCIALE DES

    INDIENS

    NAMBIKWARA. )

    formes

    nouvelles pour le suffixe

    verbal.

    Sur cett^ dernire base, on doit

    distinguer un sous-groupe suffixe

    verbal

    -dige ou -dage, et un sous-groupe

    b2, en tous points

    identique au

    prcdent,

    sauf

    le

    suffixe

    verbal

    forme

    58'

    15

    de Matto

    Grosso

    SERVICE

    DESSIN

    OU MUSEE DE L'HOMME

    Carte n i .

    Ligne

    tlgraphique :

    SOCIT DES

    AMERICAMSTES, I98.

  • 7/25/2019 Lvi Strauss Nambikwara

    11/139

    1

    SOCIETE DES AMERICANSTES.

    -sore. L'aire

    du dialecte

    s'tend de

    la rive droite

    du Guapor

    au

    Sud

    au

    cours

    infrieur

    des rios

    Tenente

    Marques et

    Ik

    au nord, et

    du

    bassin

    du rio

    Doze

    de

    Otubro l'est, une rgion

    se

    terminant au del

    de

    la rive droite

    du rio

    Roosevelt

    vers

    l'ouest.

    On

    entend

    le

    dialecte

    b2

    depuis

    le

    bassin

    suprieur

    et

    moyen

    du rio Roosevelt

    jusqu'au

    confluent

    des

    rios

    Baro

    de Melgao

    et

    Commemorao de

    Floriano.

    Par ses caractres smantiques et morphologiques,

    le dialecte

    s'loigne

    nettement des prcdents.

    Nous

    n'avons pas

    pouss

    suffisamment loin son

    tude

    linguistique

    pour dcider s'il convient ou

    non de le

    rattacher la

    famille

    Nambikwara. On le parle dans une rgion situe au nord et au nord-est de

    l'aire

    dialectale

    a2.

    Nous tenterons maintenant d'tablir une corrlation entre notre

    classification et les indications antrieures :

    I. Groupe

    a.

    Sous-groupe ai.

    Du

    vocabulaire publi par Roquette Pinto

    la

    fin de

    Rondonia, et

    des

    indications gographiques

    qu'il fournit,

    on peut conclure

    que

    ses Kokozu

    (qui

    forment son groupe

    du

    Sud-Est)

    correspondent

    certainement

    notre sous-

    groupe al.

    Et

    pourtant, nous

    n'avons

    pu

    retrouver

    le

    terme

    Kokozu

    (P. de

    Souza

    : Cocozuj. La dsinence -u

    indique

    le dialecte al;

    mais

    le terme

    koko

    appartient

    la

    langue Paressi et aux dialectes

    du

    groupe c, avec

    le

    mme sens

    oncle maternel

    . Il est compltement inconnu dans le systme de parent

    du groupe

    a.

    Selon nos

    informations,

    le groupe al

    serait

    appel :

    1.

    uaisere

    par le groupe

    ;

    2. ualiririte par le groupe c;

    cfc il se divise

    en

    bandes nombreuses s'appelant elles-mmes, ou se

    donnant

    'js unos aux autres les noms :

    3.

    oakltosu

    (rive

    droite du

    Juruena);

    . haltesu

    (rive

    gauche du Juina) ;

    5.

    kiaaru

    (sobriquet :

    les menteurs; haut-Juruena) ;

    6. kuritsu (rive gauche

    du Juruena).

    Le groupe al est

    en contact

    avec les

    Indiens

    Iranse, qu'ils appellent

    :

    7. irdsu (au confluent

    du rio

    Clavary et

    du rio

    do Sangue).

  • 7/25/2019 Lvi Strauss Nambikwara

    12/139

    LA VIE FAMILIALE ET SOCIALE DES INDIENS NAMBIKWABA.

    1 1

    Sous-groupe

    .

    Ce

    sont

    les

    Anunzu,

    Anunz,

    ou

    groupe

    sud-est

    de

    Roquette

    Pinto

    (P.

    de

    Souza : Anonz). Le bref vocabulaire publi

    par Roquette Pinto

    la

    suite de

    ses

    propres

    vocabulaires appartient aussi ce groupe.

    Nous

    n'avons jamais

    rencontr le

    terme Anunz pas plus

    que

    les autres

    formes, mais

    seulement les

    noms :

    8. sodesu (al/2);

    9.

    kaddteli

    (bl);

    10 . munvkoti

    (c).

    IL

    Groupe

    h.

    Sous-groupe

    b

    i .

    Notre

    sous-groupe

    comprend les

    Uaintau,

    Uaindz (Rondon : Uainedezi),

    Kabixi, Tagnani (Rondon : Tagnani), Tauit (Rondon : Tauit),

    Tarut,

    Tas-

    chuit

    (Rondon : Tachivuit) de

    Roquette

    Pinto, soit ses deux groupes sud-

    ouest et nord-ouest. Nous n'avons jamais

    rencontr

    le

    terme

    Tagnani, ni,

    comme

    nom

    de

    bande,

    les termes tauitte, tarute, tasuitte, qui signifient

    respectivement, dans le

    systme de parent du groupe

    b, mon enfant,

    mon beau-

    frre, mon parent au troisime degr. Les Paressi appliquent le nom

    Kabisi

    au

    groupe

    b.

    Pour

    le

    terme

    Uaintau,

    nous

    avons

    trouv

    un

    quivalent :

    11. odindesu (al),

    qui dsigne le groupe b. Par contre, nous avons

    recueilli

    les

    appellations

    suivantes

    :

    12.

    nikedtmu

    (al; l'ouest du

    rio

    Camarar);

    13. tarnde (bl

    ;

    bassin du rio

    Doze

    de Otubro);

    1. maimnde (bl ;

    =

    Kabisi [Paressi] Marna-Inde

    [Rondon];

    sources

    du

    rio

    Doze et rive droite

    du

    Guapor) W ;

    (1)

    II

    semble

    que

    la

    frontire

    mridionale du

    groupe

    maynande soit

    plutt

    sur

    le cours

    des

    affluents de la rive droite

    du

    rio Guapor. Le

    Guapor

    proprement

    dit

    est

    habit

    par

    des

    tribus riveraines, distinctes

    des

    Nambikwara par la langue et par la culture.

    Mais ces

    tribus

    connaissent et redoutent des Indiens

    dit Kabisi,

    et cela,

    aussi

    loin que le

    rio So

    Miguel

    (,

    Some

    notes on

    the

    Pawumwa

    Indians of South

    America,

    American

    Anthropologist, 1919, p. 333).

    Pour

    ajouter

    l'obscurit

    qui couvre encore le

    problme des

    frontires

    mridionales

    des Nambikwara,

    les

    Paressi

    du

    Sud, qui vivent

    l'orient des sources du

    Juruena, taient aussi

    connus sous le nom de Kabisi (Max Schmidt,

    Reisen in Matlo Grosso,

    Zeilschrift fur

    Ethnologie,

    1912,

    vol.

    U,

    p.

    1U6-176).

    Ils

    sont

    aujourd'hui mtisss ou

    disparus.

  • 7/25/2019 Lvi Strauss Nambikwara

    13/139

    1 2

    SOCIETE DES AMER1CAMSTES.

    15 . mamdindeti

    (c ; identique au prcdent,

    et,

    par extension,

    tout

    le

    groupe b) ;

    16 . itdmoo

    (c; vers le

    Sud).

    Sous-groupe 1)2.

    Ce

    dialecte n'avait jamais

    t signal,

    sauf

    par

    le court vocabulaire

    publi

    par Max

    Schmidt

    et attribu

    un

    groupe Tamaind. Nous avons

    recueilli les

    appellations suivantes :

    17. toande

    (b

    ; rive gauche

    du rio Baro

    de Melgao) ;

    18 . ilola

    (c; mme rgion);

    19 . naslate

    (b ; entre

    le rio Tenente

    Marques et le

    rio

    Roosevelt);

    20.

    lakonde

    {b

    ;

    rive

    droite

    du

    rio

    Roosevelt);

    2 1

    .

    sovdinte

    (c; mme rgion) ;

    22.

    navdite

    (b2 [Rondon

    : Navaite] ;

    rio

    Roosevelt) ;

    23. taiate (b2 ;

    rio

    Roosevelt).

    III.

    Groupe .

    Ce

    groupe semble n'avoir

    jamais

    t tudi.

    Rondon

    mentionne

    seulement,

    sans indication

    gographique ou

    dialectale,

    un

    groupe Saban

    et un

    groupe

    Iaia.

    Ce

    dernier terme appartient au systme de parent

    du

    groupe avec le

    sens

    frre

    (ou

    sur) an

    ;

    nous

    ne

    l'avons jamais

    rencontr comme

    nom

    de

    bande.

    Par contre, le groupe

    se dsigne lui-mme du

    nom :

    24.

    sabdne(cj,

    et est appel

    par

    les

    autres

    groupes

    :

    25. toantesu (a /2);

    26.

    tamdinde

    (/2).

    IV. Noms d'autres groupes Nambikwara.

    Pour les

    termes Malutundu, Ualutnudu,

    Ua-lut-ndu

    (Roquette Pinto), Malo-

    tundu (Rondon), nous avons un

    quivalent

    :

    27. rmlonde (bl),

    qui nous a

    cependant t

    donn avec le sens

    gnral

    d' Indien (madlone,

    b

    c'est

    un

    Indien)

    par

    opposition

    Brsilien

    (keiagere, b = les

    vtus).

    Nous

    n'avons

    pu

    recueillir

    aucun quivalent

    pour

    les termes suivants, cits

  • 7/25/2019 Lvi Strauss Nambikwara

    14/139

    LA

    VIE FAMILIALE ET SOCIALE DES INDIENS NAMBIKWARA. 10

    par Roquette Pinto et

    Rondon

    pour dsigner des groupes Nambikwara :

    Taiopa (Roquette Pinto), Teiob (Rondon), Tayopa (P. de Souza)

    ^\

    Xaodikokas

    (Roquette Pinto), Xaodes (Rondon), Xaodys (P. de Souza), Nn (Rondon),

    Minis

    (Rondon),

    Pavtes

    (Relatorios

    da

    Commisso

    Rondon, passim).

    Les

    auteurs cits

    ne

    fournissent aucune prcision sur le dialecte

    et la

    situation

    gographique de

    ces

    groupes.

    V.

    Noms d'autres tribus.

    Roquette Pinto

    cite

    le terme Saluma comme appartenant son groupe

    nord-ouest.

    Nous l'avons

    recueilli

    sous les formes

    :

    28.

    solonde

    (bl);

    29.

    solma ()

    ;

    pour

    dsigner

    une

    tribu

    septentrionale

    trangre aux

    Nambikwara.

    Comme

    von den

    Steinen

    cite

    le

    nom

    Suruma, donn, dit-il,

    par les

    Paressi

    aux Mun-

    duruku, cette interprtation semble plus vraisemblable. Le groupe appelle

    les Paressi :

    30. lamdte karaka

    (c)

    et

    connat au moins

    l'existence

    de trois

    autres tribus

    septentrionales

    :

    3

    1

    . iktinaui () ;

    32. kaudli () ;

    33.

    ierdkolonte

    ().

    Le

    sous-groupe

    bl

    mentionne

    parfois une

    tribu

    vivant aux alentours

    du

    rio

    Baro

    de Melgao

    :

    .

    ikansere (bl).

    *

    *

    Nous

    avons

    voqu dans d'autres publications

    ^

    la question

    de

    savoir

    s

    le genre

    de

    vie, apparemment trs primitif, des Nambikwara, constitue ou

    non

    le vestige authentique de

    conditions

    anciennes. Considr dans le prsent,

    leur niveau

    de

    culture

    est

    certainement

    trs

    bas.

    Ils

    vivent

    nus, surtout

    les

    femmes, qui

    ne portent

    qu'un

    mince rang

    de perles de buriti autour de

    la

    taille, des pendants

    d'oreille,

    des colliers

    passs

    autour

    du

    cou

    ou

    en

    bandou-

    (1 )

    II

    y a bien un

    terme

    de parent

    tapa

    qui

    appartient au

    dialecte

    avec le sens de

    beau-frre ,

    mais

    le

    possessif t-

    ou ta vient du

    dialecte b.

    (2 ) On

    dual

    organization

    in South

    America, America Indigena, Mexico, i()44. Sur

    certaines

    similarits

    structurales

    des langues Chibcha

    et Nambikwara. Congrs

    International

    des

    Amricnnisies, Paris,

    ^

  • 7/25/2019 Lvi Strauss Nambikwara

    15/139

    ik SOCIETE DES AMERICANISTES.

    lire,

    des bracelets taills

    dans la

    queue du grand

    tatou,

    et, parfois, d'troites

    bandelettes

    de

    coton

    tiss

    par leur

    mari,

    ou

    de

    paille

    de

    buriti, troitement

    serres autour des biceps et des chevilles.

    En

    plus des mmes ornements,

    les

    hommes arborent

    quelquefois une

    sorte

    de

    pompon

    de paille,

    accroch

    la

    ceinture

    au-dessus

    des

    parties sexuelles, et d'autres,

    plus petits,

    attachs

    aux bracelets de

    coton; par contre,

    ils

    ne portent pas

    de bracelet

    d'caill.

    L'ignorance complte

    du hamac

    et l'usage

    nambikwara de

    dormir mme le

    sol (ou, plus rarement, sur

    de larges plaques de

    l'corce

    du

    palmier paociuba)

    intriguent

    depuis longtemps les ethnologues;

    ce sentiment

    est partag par

    les

    tribus

    voisines, et les

    Paressi, voquant cette singularit,

    appellent les

    Nambikwara

    Uaikoakor,

    ceux

    qui dorment sur

    la terre.

    On doit diviser l'anne Nambikwara

    en

    deux

    priodes distinctes. Pendant

    la

    saison pluvieuse (d'octobre mars), chaque groupe se fixe sur une petite

    eminence surplombant le cours de quelque ruisseau; les indignes

    construisent

    alors

    des

    huttes grossires dont

    la

    forme

    et

    les

    matriaux

    montrent

    de curieuses variations. Ils ouvrent

    des

    brlis

    dans la

    fort-galerie qui occupe

    le

    fond

    humide

    de

    la

    valle,

    et

    ils

    y

    plantent

    et cultivent des jardins o

    figurent

    surtout le

    manioc

    (doux et

    amer)

    et le tabac, parfois des haricots,

    du coton,

    des arachides et des calebasses (Lagenaria sp.). On rpe le manioc

    sur

    des

    planches

    incrustes d'pines de palmier, on le presse l'aide d'un lambeau

    d'corce

    tordu.

    Le jardinage fournit des ressources alimentaires

    suffisantes

    pendant

    une

    partie

    de

    la vie

    sdentaire,

    et mme utilisables plus

    tard

    :

    les

    Nambikwara

    conservent le

    manioc

    en enfouissant des

    tourteaux de

    pulpe

    rpe dans le sol.

    A

    l'arrive de

    la saison

    sche,

    on

    abandonne

    le

    village, ou

    plutt,

    le

    site

    de rsidence temporaire, et chaque groupe

    clate, si

    l'on

    peut

    dire,

    en

    plusieurs bandes nomades. Pendant sept

    mois environ,

    ces bandes vont errer

    travers

    la

    savane,

    la recherche

    de gibier, de petits animaux

    tels

    que larves,

    araignes,

    sauterelles,

    rongeurs, serpents,

    lzards,

    etc., et

    de

    fruits,

    graines,

    racines

    ou miel

    sauvages, bref, de

    tout ce

    qui peut les empcher de mourir de

    faim. Leurs campements, installs pour un ou plusieurs jours, pour quelques

    semaines parfois, consistent

    en

    autant

    d'abris sommaires

    que

    de familles,

    faits de palmes ou de

    branchages

    piqus

    en demi-cercle dans

    le sable et lis

    au sommet. C'est

    l'poque

    o la qute

    alimentaire absorbe

    toutes

    les activits.

    Les femmes s'arment du

    bton

    fouir,

    et

    les hommes

    chassent avec l'arc

    et

    la

    flche,

    dont

    il

    faut

    distinguer

    plusieurs

    types.

    Les

    groupes

    orientaux

    ont un arc

    section

    plate,

    qui volue

    vers une section

    plan-convexe

    ou

    concave-

    convexe

    quand

    on

    se

    dplace vers l'Ouest. Quant aux flches,

    celles destines

    la chasse

    aux

    oiseaux

    offrent une tte mousse; les flches de pche ont

    trois cinq pointes, chacune forme comme

    un

    minuscule harpon,

    et la

    hampe

    est sans empenne. Les

    flches empoisonnes (1), dont la pointe

    est

    protge

    (1)

    Cf.

    plus

    bas,

    p.

    90.

  • 7/25/2019 Lvi Strauss Nambikwara

    16/139

    LA VIE FAMILIALE ET SOCIALE DES INDIENS iNAMBIKWARA. i 5

    par un

    tui

    de bambou, sont rserves

    la

    chasse au singe et au

    moyen

    gibier.

    Celles pour le gros gibier ont une large pointe lancole. L'empenne est

    attache ou

    cousue.

    En plus de l'arc et

    des

    flches, les hommes emploient une

    massue

    qui

    affecte

    souvent

    la

    forme

    d'un

    pieu

    et

    dont

    l'usage

    est

    rserv

    aux oprations magiques et

    guerrires

    t1).

    Les

    matires

    premires de l'industrie indigne consistent

    en bois varis,

    cire

    d'abeilles sauvages,

    rsine,

    fibres

    des palmiers buriti

    (Mauritia

    vinifera)

    et

    tucum [Astrocaryum tucuma) os de

    singe,

    dents

    et ongles

    de

    mammifres,

    fourrure (pour faire

    des parures

    seulement), plumes, piquants de

    porc-

    pic,

    coquilles vgtales et coquillages fluviaux,

    pierres,

    coton et graines.

    Gomme outils,

    ils

    ont des

    couteaux

    faits d'un clat coupant de bambou, de

    pierres grossirement tailles, ou de fragments de

    fer

    ou d'acier obtenu par

    change, et fixs,

    l'aide de

    cire et

    de

    cordelette, entre deux lattes

    de

    bois

    formant

    manche.

    Les

    drilles se

    composent

    d'un

    peroir

    de

    pierre ou

    de

    fer

    mont

    l'extrmit d'une baguette qu'on fait tourner entre les paumes. La

    Commission Rondon a rpandu l'usage des haches et

    cognes

    de mtal, et les

    anciennes

    haches de pierre

    ne

    servent

    plus

    gure que comme

    petites

    enclumes,

    pour le

    faonnage de

    la coquille ou

    de l'os.

    Il faut

    citer

    aussi l'usage

    de polis-

    soirs

    de

    pierre,

    et,

    parmi les objets

    d'usage courant, les

    fuseaux,

    peignes,

    paniers

    et

    calebasses

    transporter

    l'eau.

    Lafpoterie, inconnue des

    groupes

    orientaux,

    reste grossire partout

    ailleurs. Il

    n'y

    a

    ni

    canot

    ni pirogue. Les

    indignes

    confectionnent

    cinq

    types

    diffrents

    d'instruments de

    musique, tous

    vent,

    qu'on entend souvent dans les

    ftes.

    La diffrence d'apparence

    physique entre

    les Nambikwara

    et

    leurs voisins

    orientaux,

    occidentaux

    et

    mridionaux

    Paressi,

    Tupi-Kawahib

    et

    tribus

    du

    Guapor est

    saisissante^.

    Et

    ils diffrent

    aussi

    de

    la

    plupart

    des autres

    tribus

    du

    Brsil, dont le

    type

    physique est gnralement plus massif

    que

    le

    leur. Chez les Nambikwara,

    la

    taille n'est

    pas

    exceptionnellement petite; mais

    ils

    sont minces, et leur longue chevelure, parfois ondule et tmoignant d'une

    pilosit

    plus dveloppe

    que

    la

    moyenne indigne, leurs mains et leurs

    pieds

    de dimensions

    rduites,

    leurs

    attaches

    fines, et

    surtout

    leur visage, aux traits

    accuss

    mais de

    dessin

    trs pur, contribuent former

    un

    type

    physique

    trs

    loign de

    celui qu'on rencontre le

    plus souvent

    en Amrique

    du Sud, mais

    qui

    rappelle

    avec persistance

    certains

    types du

    Mexique mridional et

    du

    Guatemala, et

    plus

    encore celui

    qu'attestent les

    masques barbe pointue

    de

    la

    rgion

    de

    Vera Cruz.

    Les Nambikwara se

    rveillent

    avec le

    jour,

    raniment

    1

    feu, se chauffent

    tant bien que mal du froid de

    la

    nuit,

    puis

    se nourrissent lgrement

    des

    (1)

    Cf., plus bas, p. 99.

    () L'tude

    anthropologique des

    Nambikwara a

    fait

    l'objet de recherches

    du

    docteur

    J.-A. Vellard,

    qui participait

    notre expdition.

  • 7/25/2019 Lvi Strauss Nambikwara

    17/139

    J. G SOCIETE DES

    AMERICANISTES.

    restes

    de

    galettes de manioc

    de

    la

    veille.

    Un

    peu plus

    tard,

    les hommes

    partent,

    ensemble ou sparment, pour une expdition

    de chasse.

    Les femmes restent

    au

    campement

    o

    elles

    vaquent

    aux soins de

    la

    cuisine. Le

    premier

    bain est

    pris

    quand

    le soleil

    commence

    monter.

    Les

    femmes

    et

    les

    enfants

    se

    baignent

    souvent

    ensemble par jeu, et parfois un

    feu est

    allum, devant lequel on

    s'accroupit pour

    se rchauffer

    au

    sortir de l'eau,

    en exagrant plaisamment

    un

    grelottement

    naturel. D'autres

    baignades

    auront lieu pendant la journe.

    Les occupations quotidiennes varient peu. La prparation de

    la

    nourriture

    est celle

    qui

    prend le plus de temps et de soins : il faut rper et presser le

    manioc, faire scher

    la

    pulpe et

    la cuire;

    ou bien, caler et bouillir les noix

    de

    cumaru

    (Dipteryx odorata) qui ajoutent

    leur

    parfum

    la

    plupart

    des mets.

    Quand le

    besoin s'en

    fait sentir, les femmes

    et

    les

    enfants partent en

    expdition de cueillette ou de ramassage.

    Si

    les provisions sont suffisantes, les femmes

    filent, accroupies au sol dans

    la

    position connue sous le nom

    aztque

    :

    genoux,

    les

    jambes

    et

    les

    pieds

    posant

    plat sur

    leur

    face

    interne

    et

    les

    fesses

    reposant sur

    les

    talons. Ou

    bien,

    elles taillent,

    polissent

    et enfilent

    des

    perles

    de coquilles de

    noix ou

    de

    coquillage, des pendants d'oreille ou

    d'autres

    ornements. Et

    si

    le

    travail les

    ennuie,

    elles

    s'pouillent

    mutuellement,

    flnent ou dorment.

    Aux

    heures les

    plus

    chaudes, le campement est

    muet

    ; les habitants,

    silencieux

    ou

    endormis,

    jouissent

    de

    l'ombre

    prcaire

    des

    abris. Le reste du temps,

    les

    occupations

    se droulent

    au

    milieu de

    conversations animes.

    Presque

    toujours

    gais

    et

    rieurs, les indignes changent

    des

    plaisanteries,

    et parfois

    aussi, avec

    des

    gestes non

    quivoques,

    des propos obscnes

    ou

    scatologiques

    salus

    par

    de grands clats de rires. Le

    travail

    est souvent

    interrompu par

    des

    visites

    mutuelles

    ou

    des

    questions

    ;

    que

    deux

    chiens ou

    oiseaux

    familiers

    copulent,

    tout le

    monde

    s'arrte et contemple

    l'opration avec

    une attention

    fascine ; puis le

    travail

    reprend,

    aprs

    un change

    de commentaires

    sur cet

    important vnement.

    Les

    enfants flnent pendant

    une grande partie du jour, les fillettes se

    livrant,

    par moment, aux mmes besognes que

    leurs

    anes,

    les garonnets

    oisifs, ou pchant au bord des cours

    d'eau. Les hommes

    rests au

    campement

    se

    consacrent des travaux

    de

    vannerie,

    fabriquent

    des flches et des

    instruments de

    musique,

    et rendent parfois de petits services

    domestiques.

    Un

    grand accord rgne gnralement au sein des mnages. Vers trois ou quatre

    heures, les

    autres hommes reviennent

    de

    la

    chasse, le

    campement

    s'anime,

    les

    propos

    deviennent

    plus vifs, des groupes

    se forment,

    diffrents des

    agglomrations familiales. On

    se

    nourrit

    de

    galettes

    de

    manioc et

    de

    tout

    ce

    qui

    a t trouv pendant

    la

    journe

    : poissons,

    racines,

    miel sauvage, chauve-

    souris, bestioles captures, et

    petites

    noix

    sucres du

    palmier

    bacaiuva

    (Acro-

    comia sp.).

    Parfois

    un enfant se

    met

    pleurer,

    vite consol par un an.

    Quand

    la nuit

    tombe, quelques femmes,

    journellement

    dsignes,

    vont

    ramasser

    ou abattre, dans la

    brousse

    voisine, la

    provision de bois pour

    la

  • 7/25/2019 Lvi Strauss Nambikwara

    18/139

    LA VIE FAMILIALE ET. SOCIALE DES INDIENS NAMBIKWARA.

    1

    7

    nuit. On devine leur

    retour dans

    le crpuscule,

    trbuchant

    sous le faix qui

    tire

    le

    bandeau de portage. Pour se

    dcharger,

    elles s'accroupissent

    et

    se

    penchent

    un

    peu en

    arrire,

    laissant poser leur hotte de bambou

    sur

    le sol

    afin

    de dgager

    leur

    front

    du

    bandeau.

    Dans un coin de campement les branches sont amasses, et chacun s'y

    fournit

    au

    fur et mesure

    des besoins.

    Les groupes

    familiaux

    se forment

    autour

    de

    leurs

    feux respectifs qui

    commencent briller. La soire

    se

    passe

    en

    conversations, ou bien

    en

    chants et danses. Parfois ces distractions se

    prolongent trs

    en avant dans la

    nuit,

    mais en gnral,

    aprs quelques parties

    de caresses

    et

    de luttes amicales, les

    couples s'unissent plus troitement,

    les

    mres serrent contre elles leur

    enfant

    endormi, tout devient silencieux, et

    la froide

    nuit n'est

    plus anime

    que

    par

    le craquement

    d'une

    bche, le

    pas

    lger

    d'un

    pourvoyeur, les

    aboiements

    des

    chiens

    ou

    les

    pleurs

    d'un enfant.

    LISTE DES

    SYMBOLES PHONOLOGIQUES

    (.

    9

    e muet.

    a nasalis.

    e

    nasalis.

    0 0

    nasalis.

    1

    i asyllabique.

    u asyllabique.

    s

    fricative

    palatale chuintante sourde.

    3

    fricative

    palatale chuintante

    sonore.

    s

    aifrique

    palatale chuintante

    sourde.

    y

    fricative

    vlaire

    sonore.

    ? coup de glotte faible.

    h coup de glotte fort,

    syllabe accentue.

    PREMIERE PARTIE

    LA

    VIE FAMILIALE.

    SYSTEME DE PARENTE.

    Que l'unit sociale considre soit le village temporaire ou

    la

    bande nomade,

    le

    systme de parent

    des Nambikwara peut, en

    gros, tre

    dcrit

    de

    la faon

    suivante.

    Pour un

    sujet

    quelconque, masculin ou

    fminin,

    tous

    les

    membres

    de

    sa

    gnration se

    rpartissent en

    quatre grands groupes,

    soit

    deux groupes mascu-

    (1)

    Cf. plus loin, p. 7, n. 1.

  • 7/25/2019 Lvi Strauss Nambikwara

    19/139

    l8

    SOCIT DES AMRICANISTES.

    lins et deux

    groupes

    fminins.

    Si

    le

    sujet

    considr

    est

    un homme, tous

    les

    hommes de

    sa

    gnration se

    diviseront en

    frres

    et en maris

    de

    surs

    (ou

    beaux-frres)

    ; tandis

    que les

    femmes seront distribues en surs et en pouses.

    Symtriquement,

    si

    le

    sujet

    est

    une

    femme,

    toutes

    ses compagnes

    seront

    dsignes comme des surs ou des

    pouses

    defrres (ou belles-surs) ; et ses

    compagnons

    masculins se

    partageront

    les noms de frres

    ou

    ' poux. Ainsi

    un

    homme

    appelle-t-il

    pouse un nombre

    de

    femmes considrablement suprieur celui

    de ses

    pouses vritables, mme s'il

    est polygame.

    Et la

    femme, bien que

    toujours monogame, traite-t-elle, du

    nom ipoux,

    sensiblement

    la

    moiti

    des

    hommes de sa gnration. De mme les frres et les surs sont beaucoup plus

    nombreux

    que les frres et les surs

    rels,

    ou consanguins.

    Ceux-ci

    sont

    distribus en

    deux sous-groupes, les frres ans et les frres cadets d'une part,

    les

    surs anes et

    les

    surs cadettes

    de

    l'autre. Le terme utilis pour

    dsigner

    les frres cadets (consanguins)

    et

    les surs

    cadettes (consanguines)

    sert

    galement

    dsigner

    les

    frres

    53

    et

    les

    surs

    non

    consanguins,

    quel

    que

    soit leur ge

    par rapport

    au sujet considr.

    Un sujet masculin ou fminin appelle pre son pre consanguin et tous les

    frres de

    celui-ci ;

    il appelle mre

    sa

    mre

    utrine et toutes

    les surs de

    celle-ci.

    Rciproquement, tous

    ses

    pres et toutes ses

    mres

    le

    dsignent du

    nom

    d'enfant,

    ou

    de

    fils, ou

    de fille.

    Un seul

    terme

    est galement

    utilis

    pour dsigner le pre du pre

    (ou

    de

    la

    mre),

    le pre

    de

    la femme, et le frre

    de

    la mre,

    tandis qu'un

    mme terme

    sert

    dsigner

    la mre

    du pre (ou de

    la mre), la mre

    de

    la femme, et la

    sur

    du

    pre.

    Mais

    l'inverse

    du cas

    prcdent, il

    n'existe

    pas

    de

    terme

    rciproque,

    Le

    pre

    (ou

    la

    mre)

    de

    mon pre

    et

    de

    ma mre

    m'appellent

    par

    un

    terme connotant les parents

    la

    troisime gnration, tandis

    que

    le

    pre

    de

    mon conjoint et le

    frre

    de ma mre, d'une part (rgulirement

    identifis),

    la

    mre de mon conjoint et

    la sur

    de mon

    pre,

    d'autre part (rgulirement

    identifies), me

    dsignent d'un

    nom

    signifiant

    la fois neveu

    et gendre, nice

    et

    bru.

    Ainsi

    les

    parents

    de

    mon

    conjoint

    et

    les

    parents

    de

    mes parents,

    identifis

    quand je les

    nomme,

    se distinguent

    lorsqu'ils me rpondent,

    puisqu'ils

    utilisent

    mon endroit des termes diffrents.

    Quand on passe de

    la

    ligne directe

    la

    ligne collatrale, on perd une

    gnration,

    puisque le

    mme terme

    est

    utilis

    pour dsigner les

    parents

    du

    conjoint,

    et les parents des parents.

    Un

    petit-neveu

    est donc

    thoriquement spar

    de

    ses

    grands-oncles par

    quatre niveaux de

    1 1

    I parent, tandis

    qu'il

    est

    trois degrs seule-

    3 T 3 4 T 4

    ment

    de

    parent

    de ses grands-parents, qui

    s

    s'identifient

    cependant avec ses

    grands

    -

    2 I 2 3 3 oncles, puisque le

    frre

    de

    la

    mre ou

    la

    sur

    du

    pre sont identifis au pre et

    la

    mre du

    conjoint,

    comme l'indique le

    schma

    1 2

    FlG. 1.

    ci-contre.

  • 7/25/2019 Lvi Strauss Nambikwara

    20/139

    LA VIE FAMILIALE ET SOCIALE DES INDIENS NAMBIKWARA. 1Q

    Les grands-oncles (ou

    tantes)

    utilisent donc, pour dsigner leurs petits-

    neveux

    (ou nices) un terme nouveau, connotant les parents au quatrime

    degr, tandis que leurs descendants emploient,

    pour

    les nommer, le terme,

    dj

    utilis

    dans

    la

    ligne

    directe,

    mais non encore

    dans

    la

    ligne

    collatrale,

    servant

    dsigner les

    parents au deuxime degr. Ce dernier terme sert donc,

    en

    ligne directe, dsigner

    la

    troisime

    gnration

    descendante, et

    la

    troisime

    gnration

    ascendante

    en

    ligne collatrale, quivalente,

    en

    ligne descendante,

    au quatrime

    degr.

    Ces remarques

    conduisent

    la

    conclusion que les

    Nam-

    bikwara

    ne

    font

    pas

    de

    distinction

    entre les gnrations et les degrs de

    parent.

    Une

    diffrence d'une gnration est

    gale,

    pour eux,

    un loignement

    d'un

    degr.

    Cela pos, et au sein

    de

    la mme gnration, tous les

    individus que

    j'appelle

    poux

    (ou

    pouses)

    sont les fils (ou

    les

    filles) des

    frres

    (consanguins ou

    non)

    de

    ma

    mre,

    et

    des

    surs

    (consanguines

    ou non)

    de

    mon pre,

    c'est--dire

    des

    frres

    de

    ma mre

    (qui

    sont

    en mme temps

    les

    beaux-frres

    de mon

    pre),

    ou des

    surs de

    mon

    pre (qui

    sont en mme temps des

    belles-surs

    de ma

    mre). Et tous

    les individus que

    j'appelle

    frres

    ou surs sont

    les

    enfants

    des

    frres de

    mon

    pre

    ou des surs

    de

    ma mre,

    c'est--dire

    des pouses

    de mon

    pre (qui

    sont

    en

    mme temps

    mes

    mres),

    ou des poux

    de

    ma

    mre

    (qui

    sont

    en

    mme temps

    mes pres).

    On voit donc

    qu'un

    individu

    donn

    appelle

    frres et

    surs tous ses

    cousins parallles, et

    pres

    et

    mres ses oncles et tantes

    parallles,

    tandis qu'il appelle poux ou pouses

    ses

    cousins croiss, et beau-pre et belle-mre

    (identifis

    grand-pre

    et

    grand'

    mre,

    donc, plus exactement : parents au

    deuxime

    degr)

    ses

    tantes

    et

    oncles croiss.

    La

    confusion

    entre

    les

    gnrations

    et

    les

    degrs

    rend

    galement

    possible

    le mariage

    du

    frre

    de

    la

    mre ou

    du

    pre,

    avec

    la

    fille de

    la

    sur

    ou du frre, ou de

    la

    sur du

    pre

    avec le fils du frre, puisque, dans

    ces

    deux

    cas, les

    beaux-parents seront les grands-parents, dsigns, comme

    eux,

    du

    terme

    de

    parents

    au deuxime

    degr. Ces

    mariages, que nous

    appellerons

    obliques , puisqu'ils

    unissent des

    individus appartenant

    deux

    gnrations conscutives,

    sont

    effectivement

    pratiqus.

    On

    trouvera

    ci-dessous

    la liste des

    termes de

    parent, tels

    qu'ils viennent

    d'tre analyss

    dans

    leurs relations respectives

    (Dialecte

    A )

    1

    .

    ahulnosu (a 1); ahuine

    (a

    2) . . .

    pre,

    frre du

    pre,

    poux de

    la

    sur

    de

    la

    mre.

    2.

    a?knosu(a 1);

    alkiosu (a 2). . mre, sur de la mre, pouse

    du

    frre

    du pre.

    3. utlu,

    u^u enfant.

    .

    alkiraru

    fils.

    \j. cikineru fille..

    6.

    akendnosu

    frre

    an.

    7. {t)odnosu . . * sur ane.

  • 7/25/2019 Lvi Strauss Nambikwara

    21/139

    2

    0 SOCIETE DES

    AMKR1CAJN1STES.

    8.

    alnsti

    frre cadet, fils

    du

    frre

    du

    pre, lls

    de la sur de la mre.

    9. unndesu sur cadette, lille

    du

    frre

    du pre,

    fille

    de

    la

    sur

    de la

    mre.

    10.

    askosu .

    .

    mari de

    la

    sur, cousin

    crois

    (h. p.).

    1 1

    .

    asetasu femme du frre, cousine

    croise (f.

    p.).

    VI. adntu fille de

    la sur

    (h.

    p.),

    fille du

    frre

    (f.

    p.),

    pouse

    du fils.

    13. asineru fils

    de la sur

    (h.

    p.),

    fils du

    frre (f.

    p.),

    poux

    de la fille,

    l/i. asonosu pre

    du pre

    ou de la mre, frre de

    la

    mre, pre

    du

    conjoint.

    15 .

    aUinosu mre

    du pre

    ou de

    la

    mre,

    sur

    du

    pre,

    mre

    du

    conjoint.

    16 .

    asulttu

    fils

    (ou

    fille)

    du

    fils

    (ou

    de

    la

    fille),

    frre

    (ou

    sur)

    du

    pre (ou de la

    mre)

    du

    pre (ou

    de

    la mre).

    1

    7. asulisu

    fils

    (ou

    fille) du fils

    (ou de la fille)

    du

    frre (f.

    p.) ou de

    la sur

    (h. p.).

    18 .

    asisu

    (al); (iajdosu

    (a

    2). ...

    pouse,

    fille du frre de

    la

    mre, fille

    de

    la sur

    du pre.

    19. ounsaesu(sL

    1); {t)nosu (a 2)

    . .

    poux, fils

    du

    frre

    de

    la

    mre, fils

    de la sur

    du

    pre.

    Le

    schma

    suivant montre

    leur

    utilisation

    dans

    ce

    groupe thorique

    plifi :

    5

    I

    ~2

    1

    4

    -

    7

    "i

    1

    , ....

    8

    )_

    -

    14

    -

    13

    1

    \

    .

    17

    li

    A

    or

    10

    11

    i

    12

    16

    15

    Fig.

    2.

    Par

    rapport

    un

    sujet masculin E 10

    :

    1 3. altnosu )

    a ,

    ", >

    rec.

    :

    asuittu

    h. asounosu j

    13-1.

    asulttu rec.

    : asulisu

    5-17.

    a?knosu rec.

    : alkiraru

    6-18.

    ahuinosu

    rec. : aikiraru

  • 7/25/2019 Lvi Strauss Nambikwara

    22/139

    LA VIE FAMILIALE ET SOCIALE DES INDIENS NAMBJKWARA.

    7 asonosu

    8. dlinosu

    9. arndesu

    ou

    (jodnosu

    1 1 .

    asisu

    12. asdkosu

    1

    5

    .

    arndesu

    16. alnsu

    rec.

    rec.

    rec.

    rec.

    rec.

    rec.

    rec.

    :

    asineru

    : asineru

    :

    akendnostt

    ou

    alnsu

    :

    ounsaesu

    : askosu (si

    est e 9

    le sujet choisi

    femme, E 12

    sera ounsaesu

    et

    e 1 1

    asetasu,

    : alnsu

    : arindesu

    rec. : asetasu)

    Cette

    nomenclature

    ne

    comprend (si

    l'on ne

    tient

    pas compte

    de

    l'utilisation

    rciproque des

    termes,

    normalement univoques, alnsu et arndesu dans le

    cas

    des cousins parallles)

    que

    des

    termes

    univoques,

    l'exception

    de deux

    :

    askosu et asetasu, et chaque sexe n'a sa disposition qu'un seul de ces deux

    termes rciproques ;

    en

    d'autres

    termes,

    un homme n'a

    que

    des

    beaux-frres,

    tandis qu'une femme n'a que

    des

    belles-surs. On verra

    plus

    loin qu'en

    ce

    qui concerne le

    premier terme {askosu), il implique

    entre les hommes qui

    l'utilisent

    des

    relations particulires.

    L'extrme

    simplicit

    du systme conduit

    videmment

    des difficults

    d'appellation lorsqu'on dsire distinguer des

    degrs

    de parent confondus par

    la nomenclature;

    de

    mme que son extrme

    symtrie

    risque d'amener des

    contradictions lorsque

    des mariages obliques

    entranent

    des

    dcalages

    entre

    les

    gnrations.

    A

    la

    nomenclature

    classificatoire

    analyse

    ci-dessus

    se

    superpose

    donc

    ou se

    surajoute

    une

    nomenclature descriptive,

    qui

    permet, en

    cas de

    difficult,

    de

    situer avec plus

    de prcision

    l'individu dans

    la gnration, ou selon le degr

    de

    parent

    qu'il

    occupe par

    rapport

    au

    sujet.

    Cette

    nomenclature

    descriptive n'est

    pas

    utilise

    de faon

    courante, et,

    surtout, elle

    n'intervient

    jamais dans

    les appellations.

    Mais on

    l'invoque

    chaque

    fois qu'il y a doute, et

    pour

    quelques

    cas,

    on peut

    en

    signaler un usage

    plus

    frquent.

    La premire difficult

    peut se

    produire propos

    de

    la distinction

    du vrai

    poux,

    ou

    de

    la vraie pouse, par

    rapport

    aux poux ou aux pouses thoriques,

    ou

    du

    vrai

    pre,

    ou de

    la vraie

    mre,

    par

    rapport

    aux pres

    ou aux

    mres

    thoriques, ou

    des

    vrais

    fils

    ou filles par rapport auxafilsn et aux

    filles

    thoriques.

    Dans

    la

    plupart

    des

    cas,

    la

    discrimination

    parat

    totalement

    superflue

    aux

    indignes,

    tant

    elle est

    souligne par

    les diffrences de

    comportement; parfois aussi

    ,

    elle apparat inutile pour la

    raison,

    inverse

    de

    la

    prcdente, que l'pouse

    thorique

    peut devenir

    une pouse

    relle

    (par

    exemple

    en

    cas de

    polygamie, ou

    de remariage), que

    le pre ou la mre thoriques,

    ou le fils ou

    la

    fille thoriques, peuvent jouer le

    rle

    de vrais pre ou mre,

    ou

    de vrais fils

    ou fille, par

    le mcanisme de l'adoption. Celui-ci

    fonctionne

    automatiquement,

    en

    cas de mort du

    pre, l'enfant tant alors

    recueilli

    et

  • 7/25/2019 Lvi Strauss Nambikwara

    23/139

    2 2 SOCIETE DES AFRICANISTES.

    lev

    par le frre

    de son pre. En

    ce cas, le frre

    de son

    pre,

    qu'il

    a toujours

    appel

    pre,

    devient pour lui un

    pre

    vritable,

    bien que de substitution,

    et

    la

    femme du

    frre

    de

    son

    pre,

    qui

    est le plus

    souvent

    la sur

    de

    sa mre,

    et

    qu'il

    a toujours,

    en

    consquence, appele

    mre,

    est

    dsormais

    traite

    par

    lui comme telle, surtout si sa propre mre est morte ou remarie.

    Nanmoins,

    les indignes

    dsirent parfois prciser le caractre thorique

    de l'appellation.

    Ils

    ajoutent alors au terme classificatoire un terme

    descriptif,

    dont la

    signification

    approximative

    est celle

    de parent,

    au

    sens

    le plus gnral, savoir :

    20. (akit) didnisu

    employ sous

    la

    forme substantive ci-dessus, ou sous

    la

    forme participe :

    didnere; ou sous

    la

    forme

    exclamative, dans la

    conversation : aidneram.

    Ainsi

    nous avons rencontr les

    appellations

    suivantes

    :

    =

    Fig. 3.

    I.

    a^kineru

    aidneram. II. (t)ouensaetu aidnim. 111.

    avnisu (entre

    enfants).

    IV.

    tauettu aikraru

    aidneram.

    V.

    akineram ( ar/kiraru

    aidneram).

    Une deuxime difficult

    est

    souleve par la

    dsignation

    des cousins

    parallles.

    On a

    vu

    plus haut qu'on utilise, pour

    les

    nommer, le mme terme

    qui

    dsigne

    la sur cadette ou le frre

    cadet,

    et cela

    quelque

    soit leur ge. Cet

  • 7/25/2019 Lvi Strauss Nambikwara

    24/139

    LA VIE FAMILIALE ET

    SOCIALE DES

    INDIENS .NAMBIKWARA.

    s3

    usage

    suggre que

    la

    traduction adquate des termes alansu, akendnosu,

    arindesu, [t)o( nosu pourrait tre,

    plutt que

    an

    et cadet : grand

    frre, grande-sur, petit-frre, petite-sur, avec

    la

    mme ambigut qui

    existe

    dans

    notre

    largue

    entre

    le

    sens propre

    de l'adjectif

    et

    son

    sens

    figur.

    Quoi qu'il

    en

    soit,

    on

    se trouve souvent devant une situation

    contradictoire,

    non

    seulement

    objectivement

    (ce

    qui

    ne

    choque

    pas la logique

    indigne, comme

    on le verra

    propos

    des mres plus jeunes

    que

    leurs fils), mais aussi

    littralement. C'est ce

    qui se

    passe

    lorsqu'une

    femme, par exemple, appelle

    arindesu une cousine qui est trs

    manifestement

    son ane. On a alors recours

    deux termes supplmentaires,

    parfois

    surajouts

    aux

    termes classificatoires,

    mais qui

    parfois aussi

    les remplacent,

    mme quand

    il s'agit de dsigner

    des

    frres

    ou des surs consanguins. Ce sont :

    21.

    tod-nosn

    :

    an

    (pour

    dsigner

    un homme);

    22.

    toatadosu

    :

    ane

    (pour

    dsigner une

    femme).

    Ces

    termes servent prciser la position

    respective,

    quant la gnration,

    de ceux qui sont

    :

    23.

    ariindem,

    ou

    2 . alonenedsu,

    c'est--dire, l'un par

    rapport

    l'autre

    des

    arndesuv, ou des alnsuv, ce

    qui

    est

    certains

    gards inadmissible

    ;

    tandis

    que

    deux femmes peuvent tre, sans

    difficult

    :

    25. asetendesu

    ou deux hommes

    :

    26.

    asukoundesu

    c'est--dire,

    l'un pour

    l'autre,

    asetasu ou

    asukosu.

    Ainsi, nous

    avons

    rencontr

    des femmes

    qui

    appellent leurs cousines parallles arindesu toatadosu,

    c'est--dire ma

    petite-sur

    ane.

    D'autres difficults apparaissent

    en

    cas de

    mariages

    obliques. Quand le

    frre

    de

    la

    mre

    pouse

    la

    fille

    de

    la

    sur,

    les

    grands-parents

    de

    la

    femme

    sont en mme temps

    les parents du

    mari.

    Quand

    le mari

    pouse

    une ou

    plusieurs

    filles de

    la sur

    de

    sa femme,

    ses propres parents

    sont la fois,

    les

    beaux-parents

    et

    les

    grands-oncles

    de

    ses femmes. D'o la ncessit frquente

    de

    discriminer, plus

    prcisment que

    ne

    le

    permettent

    les

    termes

    classificatoires, les

    frres

    et

    surs du pre

    et

    de

    la

    mre,

    d'une part (c'est--dire

    les

    beaux-parents potentiels),

    et les pres et mres

    du pre

    et

    de

    la mre (c'est-

    -dire des beaux-parents ventuels de l'un des conjoints). On trouve alors les

  • 7/25/2019 Lvi Strauss Nambikwara

    25/139

    2

    a SOCIETE DES

    AMEMCANISTES.

    termes suivants

    qui

    compltent

    les (ou se substituent aux) termes

    classifica-

    toires alinosu, asonosu,

    ahnosu, alknosu

    :

    27.

    arndagresu :

    ce

    mre

    de

    la mre ;

    28.

    ouensderosu

    :

    pre

    de

    la

    mre

    ;

    29.

    asetagresu

    : mre

    du pre

    n

    ;

    30. aldnarum : ce

    pre du

    pre?? ;

    3 1

    . alindagresu :

    sur

    de

    la mre

    de

    la mre

    L'tymologie des termes

    vrifie

    le principe

    du

    mariage des cousins croiss.

    En effet, si l'on a

    :

    I

    on constate

    que

    :

    arndagresu

    (ou arindakerosu, ce petite

    sur

    vieille), est

    la sur

    du pre de

    mon

    pre;

    ouensderosu

    (de ounsaesu,

    ce

    mari

    )

    est le mari

    de

    la

    mre

    de

    ma mre;

    aseetdgresu

    (ou aseetdkerosu, belle-sur vieille ) est

    la

    belle-sur de

    la

    mre

    de ma mre ;

    aldnarum

    (de

    alnsu,

    ce

    frre

    )

    est

    le

    frre

    de

    la

    mre

    de

    ma mre.

    En

    ce

    qui concerne les oncles et tantes,

    leur appellation

    est prcise

    par

    les termes descriptifs :

    32.

    akdintagresu atdkarusu

    : ce sur de

    la mre ;

    3 3

    akterosu :

    ce

    frre

    de

    la mre

    ;

    34.

    auddnosu

    : sur

    du pre.

    Aucun terme descriptif n'a

    pu

    tre

    recueilli

    pour le frre

    du

    pre,

    appel

    normalement

    pre

    (ahuinosu) ; cette lacune

    trouve,

    peut-tre,

    son

    explication

    dans la

    vocation paternelle qui est

    la

    sienne

    en

    cas de mort du pre

    consanguin.

    D'autre

    part,

    les

    termes

    descriptifs

    suivants

    ont

    t

    recueillis

    au

    cours

    de

    tentatives

    de

    reconstructions gnalogiques, sans

    qu'il

    ait t possible

    de

    dterminer avec

    prcision les niveaux ou degrs

    de

    parent

    auxquels ils se

    rfrent.

    Il se peut

    qu'il

    fassent double emploi

    avec

    certains

    des termes prcdents :

    35. tartarosu

    :

    ce vieux beau-frre (tartg [/2] = askosu [al /);

    36. turarosu :

    vieux

    mari (vre [/2]

    ounsaesu [a/2]);

    37. ianrosu :

    ?

    38.

    asokerosu

    :

    vieux grand-pre ou

    te

    beau-pre ;

  • 7/25/2019 Lvi Strauss Nambikwara

    26/139

    LA

    VIE

    FAMILIALE ET SOCIALE DES INDIENS NAMBIKWARA.

    20

    39.

    takdrikenosu cit

    avec le commentaire : Quand

    le takdrlkenosu meurt,

    le alnsu se coupe les

    cheveux,

    mais

    non

    le akenanosu,))

    Enfin,

    deux termes

    de

    parent expriment des relations dcoulant des

    mariages obliques et

    du

    ddoublement des

    gnrations

    en

    ans et

    cadets

    :

    . ainkedisu;

    1.

    (t)ddirikisu.

    Un homme appelle ainkedisu le akenanosu de sa mre (tandis que le

    terme

    asonosu est

    gnralement

    rserv

    mais non

    toujours

    Y

    alnsu)',

    l'un

    et

    l'autre

    sont, bien entendu, des askosu de son

    pre.

    Le mme individu est

    alors

    appel

    parla

    sur

    du sujet

    considr

    beau-

    {asonosu)

    ou

    mari

    (ounsaesu), ou, si elle est marie, ainkedisu

    galement,

    le

    mari

    l'appelant

    alors

    pre (ahunosu). On

    voit

    donc

    que Y ainkedisu

    est un

    homme

    dont

    (sujet

    masculin)

    j'pouse

    la

    fille ou

    la

    femme, et dont ma sur pouse

    le

    fils,

    moins

    qu'elle

    ne

    l'pouse

    lui-mme. Ainsi s'explique que

    Y ainkedisu soit

    pour

    mon frre,

    askosu

    ou

    asonosu; pour

    mon pre,

    askosu

    ou asineru;

    pour

    ma

    mre, akenanosu ou asineru; pour

    ma sur, oiinsaesu

    ou asonosu;

    pour mon pouse, ahunosu.

    D'autre

    part,

    un

    homme appelle (t)ddirikisu

    une

    femme qui peut tre arin-

    desu ou asintu de son

    pre,

    asetasu ou asintu de sa mre, asetasu ou alinosu de

    sa sur, aeknosu de sa femme.

    C'est

    donc une femme

    que j'pouse,

    ou dont

    j'pouse

    la

    fille.

    Une

    femme,

    son

    tour,

    appelle

    (t)ddirikisu

    une

    femme

    qui

    est

    aiknosu ou arindesu

    de

    son

    mari, c'est--dire

    une

    femme

    dont elle pouse

    le

    frre ou le fils.

    On voit que

    ces

    deux

    appellations consacrent

    deux

    privilges, ou

    ouvrent

    un double droit : celui

    du mariage du

    frre

    de

    la

    mre

    (et,

    thoriquement,

    du

    frre

    du

    pre) avec

    sa

    nice;

    droit appartenant essentiellement

    au frre

    an ; et du mariage du fils de

    la sur (fils

    du

    frre)

    avec

    sa

    tante. Cette rgle,

    ou

    plutt

    cette possibilit s'expliquent, d'une part, par

    la

    tendance des

    Nam-

    bikwara vers

    la

    polygamie, d'autre

    part

    par

    la

    raret (d'ailleurs

    conscutive)

    des

    femmes. Nous

    en

    tudierons

    des exemples

    dans

    un instant.

    F

    le.

    5. A gauche

    =

    ainkedim; droite

    =

    tdinkisu.

  • 7/25/2019 Lvi Strauss Nambikwara

    27/139

    9

    6 SOCIETE DES AMBRICAMSTES.

    Dans

    la

    nomenclature

    des termes utiliss pour

    la

    description

    des relations

    de

    parent, nous citerons encore :

    2.

    asdikesu [al

    j2)

    uetttere

    (/2)

    :

    veuf,

    veuves

    ;

    li'.

    koaade (bl) : orphelin ;

    kli.

    kodare (bl) : orpheline

    n

    .

    Comme on vient de le voir, les termes ainkedisu et (tjdirikisu apparaissent

    comme des tentatives de solutions de situations

    ambigus

    provenant d'un

    mariage oblique.

    Ces

    tentatives

    restent

    partielles, puisque

    mes parents

    conservent

    la possibilit

    d'interprter

    toujours,

    de deux manires diffrentes,

    leur relation

    de parent vis--vis de

    mon

    ainkedisu

    ou

    de ma (t)ddirikisu. Le

    plus

    souvent, ces

    ambiguts

    sont

    laisses

    sans

    solution, ou plutt

    l'on

    assiste

    l'un

    des deux phnomnes suivants :

    chaque

    membre

    de

    la famille interprte

    sa

    relation par

    rapport

    au

    parent douteux de

    la

    manire

    la plus facile pour lui,

    sans se soucier du fait que les diffrentes

    appellations en

    cours peuvent

    apparatre

    grossirement contradictoires ; ou

    bien

    le

    parent

    ou le

    bloc de

    parents

    douteux

    sont dcals d'une

    gnration

    ou d'un

    degr

    de

    proximit,

    de

    faon

    rationaliser

    la structure. Ces

    difficults

    apparaissent surtout dans

    le

    cas

    des unions polygames, celles-ci

    se

    ralisant gnralement sous

    la

    forme

    d'un accaparement d'une ou de plusieurs femmes appartenant la gnration

    infrieure

    celle

    o l'on devrait s'tre parfois, o l'on s'est dj

    normalement mari. En voici une illustration

    frappante,

    o

    la

    complexit

    des

    relations

    la

    gnration cadette

    fait

    suite

    un

    mariage

    oblique

    la

    gnration

    ane

    :

    '68

    '

    67

    "

    -

    3

    4

    Fig. 6.

    La

    ralit

    est

    la

    suivante

    :

    Al a pous sa cousine

    croise a2

    dont

    il a une

    petite fille

    a5.

    Ultrieurement, il a pous deux jeunes femmes

    :

    l'une (a3)

    dont

    le pre est

    mort;

    l'autre, a,

    dont

    le pre tait le

    frre

    du pre de a3

    et tait appel mari

    par

    a2 qui

    appelait aussi

    belle-sur

    la

    mre de a.

    Ceci pos,

    a

    eta3 sont, pour Ai

    eta2,

    des

    filles

    ou des brus.

    Comme A 1

    les a pouses, elles

    sont

    devenues,

    par promotion :

    Poured, des

    petites

    surs (arindem);

  • 7/25/2019 Lvi Strauss Nambikwara

    28/139

    LA VIE FAMILIALE ET

    SOCIALE DES

    INDIENS NAMBIKWARA.

  • 7/25/2019 Lvi Strauss Nambikwara

    29/139

    S

    8 SOCIETE

    DES AMJSRICAMSTES.

    parents

    du

    troisime

    degr?) ; elles se sparent

    donc, dans la

    nomenclature,

    de leurs anciens frres, surs,