Le Premier Hérétique

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Transcript of Le Premier Hérétique

Table of ContentsCover Title Page The Horus Heresy Dramatis Personae Premire Partie - Gris Prologue I Un II Deux Trois Quatre Cinq Six Sept Huit Neuf Dix Onze III Deuxime Partie - Plerinage IV Douze Treize Quatorze Quinze Seize Dix-Sept Dix-Huit Dix-Neuf V Troisime Partie - carlate Vingt Vingt et Un Vingt-Deux Vingt-Trois Vingt-Quatre Vingt-Cinq Vingt-Six Vingt-Sept Vingt-Huit Vingt-Neuf VI pilogue Remerciements Propos de lAuteur Page Lgale Contrat de licence pour les livres numriques

The Horus Heresy

The Horus HeresyCest une poque lgendaire... Des hros continuent de se battre pour rgenter la portion de galaxie que les vastes armes de lEmpereur de Terra ont conquise durant leur Grande Croisade. Une myriade de races extraterrestres ont t crases par les combattants dlite de lEmpereur et effaces des annales de lhistoire. Laube dune re de suprmatie se lve sur lHumanit. Des citadelles clatantes dor et de marbre clbrent les nombreux triomphes de lEmpereur. Sur un million de mondes sont rigs des monuments rappelant les exploits piques de ses plus formidables guerriers. Premiers parmi eux, les primarques, des hros surpuissants, imposants et magnifiques, laboutissement ultime des exprimentations gntiques de lEmpereur, ont men leurs armes de Space Marines de victoire en victoire. Les Space Marines sont les plus puissants guerriers humains que la galaxie ait jamais connus, chacun deux surpassant une centaine de soldats ordinaires. Organiss en lgions de dizaines de milliers de combattants placs sous les ordres dun primarque, ils ont conquis limmensit spatiale au nom de lEmpereur. Le plus illustre parmi ces primarques est Horus le Glorieux, lAstre Brillant, favori de lEmpereur. Il est le Matre de Guerre, commandant en chef de la puissance militaire impriale ayant assujetti un millier de milliers de mondes, grand conqurant, guerrier sans gal et diplomate suprme. Horus est une toile montante, mais jusquo une toile peut-elle monter avant de retomber ?

Dramatis Personae

Dramatis Personae

Primarques Lorgar Primarque des Word Bearers Roboute Gulliman Primarque des Ultramarines Magnus le Rouge Primarque des Thousand Sons Corax Primarque de la Raven Guard Konrad Curze Primarque des Night Lords Ferrus Manus Primarque des Iron Hands Perturabo Primarque des Iron Warriors

Lgion des Word Bearers Kor Phaeron Premier capitaine Erebus Premier chapelain Deumos Matre du chapitre du Serrated Sun Argel Tal Capitaine de la 7e compagnie dassaut Xaphen Chapelain de la 7e compagnie dassaut Torgal Sergent de lescouade dassaut Torgal Malnor Sergent de lescouade dassaut Malnor Dagotal Sergent de lescouade de reconnaissance Dagotal Le Seigneur carlate Commandant des Gal Vorbak

Lgion des Night Lords Sevatar Premier capitaine

Legio Custodes Aquillon Occuli Imperator, les yeux de lEmpereur , garde custodien Vendatha Garde custodien Kalhin Garde custodien Nirllus Garde custodien Sythran Garde custodien

301e flotte expditionnaire Baloc Torvus Matre de la flotte Arric Jesmetine Major, 54e rgiment dinfanterie dEuchar

Personnages impriaux Cyrne Valantion Confesseuse de la Parole Ishaq Kadeen Commmorateur officiel, imagiste Absolom Cartik Astropathe personnel de lOcculi Imperator

Legio Cybernetica Incarnadine Conqueror Primus du 9e maniple, Cohorte Carthage Xi-Nu 73 Techno-adepte du 9e maniple, cohorte Carthage

Personnages non-impriaux Ingethel missaire de la Vrit Primordiale

Tue-moi, Empereur . Mieux vaut mourir au crpuscule de la libert que de respirer encore laube de la tyrannie. Et puissent les dieux maccorder mon dernier souhait. Que mon esprit sattarde suffisamment pour pouvoir mesclaffer quand ton royaume sans foi finira par seffondrer.

- Daival Shan, seigneur de guerre sparatiste de Terra, au jour de son excution. Si un homme rassemble dix mille soleils entre ses mains Si ses fils et ses filles ensemencent cent mille mondes, et quil leur accorde la jouissance de la galaxie tout entire Si cet homme peut dune pense guider un million de vaisseaux au milieu de linfini des toiles Alors veuillez me dire, si cela vous est possible, comment un tel homme serait moins quun dieu.

- Lorgar Aurelian, primarque des Word Bearers Car le plus sr indice de la ruine dun pays, cest le mpris pour le culte des dieux.

- Nikollo Makiavelli, ancien philosophe eurasien

PROLOGUE

PROLOGUE

Le Guerrier GrisSes surs pleurrent quand la lgion vint le chercher. Sur le moment, il ne parvint comprendre pourquoi. Il ny avait pas de plus grand honneur que dtre choisi, leur chagrin navait donc aucun sens. La voix du guerrier gris tait un grondement de machine, profond et charg de parasites, tandis quil parlait de derrire son masque mortuaire. Il demanda savoir quel tait le nom du garon. Avant que la mre ne lui rpondt, elle-mme posa une question. Telle tait sa faon dtre, directe et forte, sans se laisser intimider par les choses quelle voyait. Une force qui stait transmise chez son fils, et que celui-ci allait conserver dans son sang malgr les nombreux changements venir. Elle posa sa question, un sourire sur les lvres. Je vais vous dire son nom, guerrier. Mais dabord, voudriez-vous me dire le vtre ? Le guerrier gris baissa les yeux vers leur famille, et ne rendit leur regard aux parents quune seule fois avant demporter leur enfant. Erebus, pronona-t-il. Mon nom est Erebus. Merci, seigneur Erebus. Voici mon fils, fit-elle en le dsignant dun geste. Argel Tal.

I

I

Les Faux AngesJe me rappelle le Jour du Jugement. Pouvez-vous imaginer lever les yeux, et voir les toiles tomber du firmament ? Pouvez-vous imaginer les cieux en train de faire pleuvoir le feu sur le monde ? Vous pensez pouvoir vous le reprsenter. Je ne crois pas. Je ne vous parle pas de guerre. Je ne parle pas de lodeur piquante du promthum, ni des relents que crachent les incendies allums par des tirs de missiles. Oubliez la souffrance grossire des combats et lassaut dun bombardement orbital sur vos sens ; je ne parle pas de cette sauvagerie ordinaire, des maux incendiaires que les hommes sinfligent les uns aux autres. Je vous parle de jugement. De jugement divin. De la colre dun dieu posant le regard sur les actions dune plante entire. Et ce quil voit lui aigrit le cur. Dans son dgot, il envoie ses nues danges dlivrer la damnation. Dans sa rage, il injecte le ciel de flammes et fait pleuvoir la destruction sur les visages levs de six milliards dadorateurs. Redites-le moi, prsent. Redites-moi que vous pouvez vous imaginer de voir les toiles tombant du ciel. Essayez de prtendre que vous arrivez vous reprsenter le ciel pleurant le feu sur la terre en dessous de lui, et une cit brlant avec une telle ardeur que cette vue calcine littralement vos yeux alors que vous la regardez mourir. Le Jour du Jugement ma prive de la vue, mais il mest encore possible de vous clairer. Je me rappelle tout, et comment pourrait-il en tre autrement ? Ce fut le dernier spectacle auquel jassistai de mes yeux. Ils sont venus nous ports par des vautours de fer bleu et de feu blanc. Et ils se dnommaient eux-mmes la XIIIe lgion, les rois-guerriers dUltramar. Nous navons pas fait usage de ce nom. Tandis quils nous chassaient de nos demeures, quils massacraient ceux qui osaient les combattre en retour, et tandis quils apportaient lannihilation divine sur tout ce que nous avions rig Nous les avons appels les faux anges. Vous tes venus moi, demandant savoir comment ma foi avait survcu au Jour du Jugement. Je vais vous dire un secret. Quand les toiles sont tombes, quand les mers ont bouillonn et que la terre a brl, ma foi nest pas morte. Cest cet instant que jai commenc croire. Dieu tait bien rel, et il nous dtestait. - Extrait du Plerinage , de Cyrne Valantion

UN

UNLa Cit Parfaite Les Faux Anges Le Jour du JugementLa premire toile tombante sabattit au cur de la cit parfaite. La place tait toujours bonde et anime lors des marchs de minuit. Tout devint nanmoins silencieux lorsque le ciel se mit pleurer des tranes ardentes et que les toiles se mirent driver vers la terre, dune allure lente et majestueuse. La foule souvrit et recula, formant un cercle autour de cette venue sidrante. Quand lastre fut assez prs, ceux prsents distingurent la vrit. a ntait pas du tout une toile. Cet objet ntait pas compos de feu, mais le crachait par ses racteurs hurlants. Latterrissage de lengin rpandit autour de lui un nuage de fume, sentant lhuile calcine et les matires chimiques doutre-monde. Le corps de lappareil tait celui dun oiseau querelleur, un rapace bleu cobalt dcor dor terne, dont le ventre brillait dune lueur orange, sous la chaleur sifflante de la descente orbitale. Cyrne Valantion comptait parmi la foule rassemble l, trois semaines de son dix-huitime anniversaire. Des voix se mirent murmurer autour delle ; les murmures devinrent des paroles scandes, qui leur tour devinrent une prire. Un bruit de tonnerre saccad rsonna depuis les rues et les places proches, le grondement de puissants moteurs et de compresseurs auxiliaires. Dautres toiles qui nen taient pas arrivrent en tombant des cieux. Lair tout entier vibrait sous le bourdonnement dautant de turbines. Chaque inspiration avait pris un got dchappements. Lmissaire la coque sombre venu du ciel portait le symbole de lAigle Saint, assombri par le feu de sa descente dans latmosphre. La vision de Cyrne entremla ce quelle voyait prsent et les reprsentations artistiques quelle avait admires dans son enfance. Cyrne tait loin de faire partie des croyants, mais elle connaissait cet appareil, reproduit de faon trs vivante sur des parchemins aux encres colores. Une telle imagerie se retrouvait dans toutes les critures. Et elle savait pourquoi les anciens prsents dans la foule psalmodiaient en pleurant. Eux aussi lavaient reconnu, mais pas uniquement pour lavoir vu dans les anciens crits. Des dcennies plus tt, ils avaient assist la venue de ces mmes vhicules arrivs des cieux. Cyrne regarda les gens tomber genoux, lever les mains vers la vote toile et sangloter dans leur prire. Ils sont revenus, murmurait une vieille femme. Elle sinterrompit un moment dans son observance pour agripper un pan du shuhl flottant de Cyrne. genoux, jeune dbauche ignorante ! Toute la multitude stait mise chanter. Quand la mgre lui tira nouveau sur la jambe, Cyrne se libra de ses doigts crochus. Ne me touchez pas, sil vous plat, dit-elle. La tradition rclamait de ne jamais toucher celles portant les robes rouges du shuhl sans avoir dabord obtenu la permission de la jeune fille. Dans sa ferveur, la vieille femme ne prtait plus attention la coutume ancienne. Ses ongles lui griffaient la peau travers la soie fine de sa tenue de sortie. genoux. Ils sont revenus ! Cyrne porta la main son qattari dans ltui sangl contre sa cuisse nue. Lacier fin et ornement du couteau brilla dune couleur dambre dans la lumire des flammes reflte par la coque de lengin. Ne-me-touchez-pas. En lchant une imprcation entre ses dents, la vieille femme retourna ses prires. Cyrne inspira profondment, en cherchant ralentir les battements frntiques de son cur. Lair lui chauffait la gorge, en dposant sur sa langue le piquant charbonneux des fumes de la propulsion. Ainsi, ils taient revenus. Les anges de lEmpereur-Dieu taient de retour dans la cit parfaite. Elle-mme ne ressentait pas cet lan rvrencieux. Pas plus quelle aussi ne tomba genoux pour remercier lEmpereur-Dieu de la seconde venue de ses anges. Cyrne Valantion fixait la coque prdatrice de lappareil de fer, tandis quune question brlait derrire ses yeux. Ils sont revenus, murmura encore la vieille femme. Ils sont revenus vers nous. Oui, dit Cyrne. Mais pourquoi ? Sans aucun avertissement, du mouvement leur parvint de lappareil. Dpaisses portes scartrent dans un grand bruit, et une rampe sabaissa en frmissant sur ses vrins pneumatiques. Au milieu des hoquets et des sanglots nerveux, la psalmodie dadoration se fit plus forte. La multitude entonnait les prires de la Parole, et les derniers rests debout finirent par sagenouiller. Seule Cyrne se dressait encore au milieu deux. Le premier des anges descendit du nuage de fume fine. Cyrne fixa cette silhouette, ses yeux se rtrcissant malgr la justesse exaltante de ce moment. Une charde de glace sinuait dans son sang. Comme si la protestation dune seule avait pu changer ce qui tait en train dadvenir, un mot quitta sa bouche dans un murmure. Attendez La lourde armure de lange tait en contradiction avec les images des critures. Elle ntait orne daucun parchemin dont lcriture dlie aurait dcrit en dtail toute la saintet ; et elle ntait pas du gris hivernal dont taient pars les anges vritables de lEmpereur-Dieu. Larmure de celui-ci, tout comme lappareil dont il venait dmerger, tait dun bleu cobalt somptueux et profond, bord dun bronze si poli que son clat tait proche de lor. Ses yeux taient deux fentes rouges inclines sur une plaque faciale stoque. Attendez dit nouveau Cyrne, plus fort cette fois. Ce ne sont pas les Porteurs de la Parole. La vieille femme se hrissa en entendant ce blasphme, et cracha sur ses pieds nus. Cyrne ne lui prta pas attention. Son regard ne quitta pas le guerrier larmure cobalt, diffrente de faon si subtile et pourtant si distincte de celles des critures quon lavait force tudier durant son enfance. Les frres de lange mergrent de lintrieur sombre de leur appareil et descendirent sur la place. Tous portaient une armure du mme bleu. Tous avaient la main des armes immenses, trop lourdes pour quun humain pt les porter sans assistance. Ce ne sont pas les Porteurs de la Parole, rpta-t-elle en levant la voix par-dessus les litanies. Plusieurs des personnes agenouilles autour delle rpondirent par des chuchotements cassants et des injures. Cyrne inspirait pour lancer son accusation une troisime fois quand les anges, dans un geste synchrone et proprement inhumain, levrent leurs armes quils pointrent sur la foule des adorateurs. Cette vue la priva de son souffle. Le premier ange parla, sa voix profonde et rauque, filtre par les haut-parleurs cachs de son masque facial. Citoyens de Monarchia, capitale de Quarante-Sept Dix, entendez ces mots. Nous, les guerriers de la XIIIe, avons prt serment envers cet instant et avons engag notre honneur dans ce devoir. Nous venons porter le dcret qua mis lEmpereur pour le dixime monde ramen lui par la 47e expdition de la Grande Croisade de lHumanit. Tout ce temps, la dizaine danges conservrent leurs armes braques sur les civils genoux. Cyrne distinguait que leurs canons taient noircis au mme titre que la coque de lappareil, noircis davoir tir des projectiles de proportion monstrueuse. Votre sujtion lImperium de lHumanit sest maintenue durant soixante et un ans. Avec le plus grand regret, lEmpereur de lHumanit rclame dsormais que la cit de Monarchia soit immdiatement abandonne par tous ses habitants. Il y a quelques instants, le mme avertissement a t communiqu vos dirigeants plantaires. La ville doit tre vacue dans les six jours, au terme desquels les dirigeants de votre plante auront la permission de transmettre un unique signal de dtresse. Les habitants gardrent le silence, mais leurs regards fixes taient maintenant emplis de confusion et dincrdulit, et non plus de rvrence. Comme sil sentait un relchement de leur attention, lange dirigea son arme en lair et tira une fois. La dtonation retentit comme un claquement de foudre roulant sur une valle, dune force dorage au milieu du silence. Nul ne devra se trouver encore lintrieur de Monarchia laube du septime jour. prsent, retournez vos foyers. Rassemblez vos possessions et vacuez la ville. Toute rsistance sera rprime dans le sang. Cyrne avala sa salive, sans plus profrer un seul mot. Des cris et des hues montrent de la foule. Une bouteille scrasa contre le casque de lun des anges, clata en une pluie de verre, et tandis que plusieurs criaient pour exiger de comprendre quoi tout cela rimait, Cyrne tourna les talons et senfuit. L o dautres ne fuyaient pas dj comme elle, la jeune fille se fora un passage au milieu de laffluence. Une poigne de secondes plus tard dbuta le crachement guttural des armes portes par les anges, lorsque les messagers de lEmpereur-Dieu ouvrirent le feu sur le dbut dmeute. Trois jours plus tard, Cyrne se trouvait toujours dans la ville. Comme chez beaucoup des rsidents de Monarchia, la peau mate de Cyrne tait lhritage de lexistence de ses anctres passe dans les dserts quatoriaux, et ses yeux taient magnifiques, dune teinte marron clair voquant lambre brl. Des cheveux couleur noisette claircis par le soleil tombaient en cascade de boucles sur ses paules. Du moins ses soupirants les plus pris la dcrivaient-ils en ces termes. Telle tait limage que son esprit lui peignait, quand le miroir lui en renvoyait une autre. Au terme de deux nuits sans sommeil, ses yeux taient cerns, et la dshydratation lui laissait un got cre dans la bouche. La manire dont les choses en taient arrives l demeurait un mystre. Dans la capitale, la rsistance aux envahisseurs avait t froce, durant toute lheure quelle avait dure. Le pire massacre avait eu lieu la porte de Tophet, lorsque les protestations avaient vir lmeute, et lmeute au champ de bataille. Cyrne avait regard depuis le refuge dune glise proche, bien quil ny et gure voir. Des citoyens excuts et crass, tous pour le mme crime davoir os dfendre leurs demeures. Un tank de cobalt et de bronze avait tir sur la porte de Tophet en elle-mme, et si le massacre avait t une tragdie, ce geste tenait quant lui de la profanation. Broyant les morts sous ses chenilles, le char avait lch une salve contre le monument lanc, ses canons laissant de douloureuses cicatrices sur la vision de Cyrne. Mais elle navait pas pu dtourner les yeux. La porte de Tophet tait tombe, et sa masse stait brise en segments de marbre en frappant lesplanade. Une fortune en pierre blanche et en feuille dor, un monument aux vritables anges de lEmpereur-Dieu, fracass par des intrus se prtendant loyaux lImperium. Elle parvenait discerner les corps immobiles des statues tombes terre depuis larchitecture de la porte. Cyrne les connaissait bien, aprs avoir frquent de nombreux marchs de minuit sur la place de Tophet. Chaque fois, les anges de marbre lavaient regarde depuis leurs niches creuses dans la surface. Leurs yeux obliques, sans expression, la fixaient sans ciller. Leurs armures dpourvues dailes avaient t reproduites avec un talent exquis dans la pierre lisse. Ce ntaient pas l les anges emplums des anciens mythes de Terra, mais la gloire incarne, les anges de la mort, faonns limage redoutable de lEmpereur-Dieu. Ses ombres, ses fils, les Porteurs de la Parole. Derrire la poussire, des silhouettes hrtiques staient rapproches du char. Les rois-guerriers dUltramar, avait murmur Cyrne cet instant. La XIIIe lgion. Des blasphmateurs, tous. Leur ressemblance avec les Porteurs de la Parole ne faisait quaggraver leur impuret. Le rseau plantaire de transmission ne fonctionnait plus. Elle avait entendu dire dun vendeur de rue que les envahisseurs avaient dtruit tous les satellites de Khur avant darriver au travers des nuages. Que cela fut vrai ou non, les changes avec les autres villes, et mme lintrieur de Monarchia elle-mme, se limitaient au bouche--oreille. Les gens se sont soulevs dans le district de Quami, avait insist le vendeur. Pas juste Tophet. Et aussi Gulshia. Des centaines de morts. Peut-tre mme des milliers. Il avait hauss les paules, comme si de tels vnements ntaient que de simples anecdotes. Je men vais ce soir. a ne sert rien dessayer de combattre des dmons, shuhl-asha. Cyrne ne lui avait rien rpondu, mme si sa faon prcieuse demployer le titre archaque de sa profession lavait fait sourire. Quy avait-il rpondre ? Les envahisseurs verrouillaient la cit. Les graines de la rbellion nallaient jamais parvenir prendre racine dans un sol aussi infertile.

District par district, lexode avait commenc ds la fin de ces premires purges. Une fois les portes ouvertes, un flot dhumains incessant stait dvers de la ville. la tombe du soir, lvacuation de masse avait pleinement dbut. Les citoyens les plus fortuns de Monarchia, pour la plupart des marchands ou de hauts membres du clerg officiant comme Annonciateurs de la Parole, disposaient de leurs moyens de transport propres et quittaient la ville pour rejoindre leurs proprits secondaires dans dautres cits. Le ciel matinal au-dessus de Monarchia affichait un trafic dense de navettes senvolant vers dautres havres, emportant les riches, les importants, les conomiquement vitaux et les spirituellement clairs, partis chercher asile ailleurs. Cyrne ntait pas encore partie. En vrit, elle ntait pas certaine de le vouloir. Elle demeurait poste au balcon de son module dhabitation : quelque chose entre une simple pice et une cellule, au deuxime tage du bloc rsidentiel Jiro, dans lun des quartiers les moins chers de la ville. Les tours haut-parleurs les plus proches hurlaient leur message en boucle. Le poids des effets personnels autoriss bord des appareils dvacuation est soumis une limitation stricte. Tous les rsidents du district dInaga sont invits se rendre immdiatement lastroport de Yael-Shah ou la douzime porte de commerce. Le poids des effets personnels autoriss Cyrne attnua les messages dannonce, tout en regardant les gens se masser dans les rues en contrebas, et trangler la circulation par leurs lentes files. L-bas, au bout de la rue, un des membres de la XIIIe lgion orientait le troupeau de citoyens comme du btail. Entre ses mains, le faux ange portait la mme arme que ses frres, ce fusil massif aliment par des munitions explosives. Cyrne tait penche sur la balustrade, assistant lternel thtre de loppresseur et de loppress, du conqurant et du domin. Son district avait lobligation dtre vacu dici demain matin. Le processus tait laborieux, et un grand nombre dinsultes et de lamentations taient lances aux faux anges silencieux. Le poids des effets personnels autoriss bord des appareils dvacuation, tonitrurent de nouveau les enceintes. Ces tours relais radio servaient rcemment diffuser les lectures des trois prires quotidiennes de la ville, en prodiguant leurs paroles de tolrance et dillumination tous ceux quelle abritait. Leur sainte mission avait t pervertie, pour faire delles la voix des envahisseurs. Trop tard, Cyrne saperut quelle avait t repre. Lair spaissit et devint plus chaud sous le souffle des moteurs, tandis quun petit appareil volant drivait au-dessus de la rue la mme hauteur que son balcon. Un engin biplace, la coque constitue dun blindage bleu, tait suspendu dans lair sur ses turbines piaillantes. Les faux anges assis dans son cockpit scrutaient sur leur passage les fentres du deuxime tage des btiments. Le frisson dont fut prise Cyrne menaa de devenir un tremblement, mais elle demeura o elle se trouvait. Lappareil se rapprocha, les pales des rotors soufflant lair chaud des moteurs antigravitationnels. Le faux ange assis dans le sige de lartilleur se pencha en avant, tout en ajustant une commande dissimule dans le col de son armure. Citoyenne. La voix du guerrier fut un aboiement rauque qui couvrit les moteurs du speeder. Ce secteur est en cours dvacuation. Descendez au niveau de la chausse immdiatement. Cyrne prit une grande inspiration, et ne bougea pas. Le guerrier se tourna vers son compagnon assis dans le sige du pilote, puis reporta son regard vers Cyrne, fige dans son attitude de dfiance muette. Citoyenne, ce secteur est en cours dv Jai entendu, rpondit Cyrne, assez fort pour couvrir le bruit infernal de lappareil. Descendez au niveau de la chausse immdiatement. Pourquoi faites-vous a ? demanda-t-elle en levant toujours la voix. Lartilleur secoua la tte, et agrippa les poignes de larme dun calibre massif monte devant lui sur pivot, pour la pointer directement vers elle. La jeune femme dglutit : le canon de larme tait du diamtre de sa tte. Tous les os de son corps lui transmirent un lger lancement paniqu, en la suppliant de se mettre courir. Pourquoi faites-vous a ? rclama-t-elle en noyant sa peur sous sa colre. Quels pchs ont pu nous entacher tous au point que nous devions quitter nos foyers ? Nous sommes loyaux envers lImperium ! Nous sommes fidles lEmpereur-Dieu ! Les faux anges restrent immobiles pendant plusieurs secondes. Cyrne ferma les yeux, attendre limpact brutal qui allait la dtruire. Malgr la menace de cet instant, un sourire lui agaa les lvres. Quelle manire stupide de mourir. Il nallait plus rien rester delle enterrer. Citoyenne. Elle ouvrit les yeux. Le guerrier avait abaiss la mire de son arme. LEmpereur aim de tous a ordonn la XIIIe lgion de venir ici. Cest lui qui a mandat nos actions. Regardez-nous. Regardez nos armures et les armes que nous portons. Nos sommes ses guerriers, et nous agissons par sa volont. Descendez au niveau de la chausse et vacuez le district. LEmpereur-Dieu nous rclame dabandonner nos vies ? Le guerrier grogna. Ce fut un grondement de machine, uniquement rendu humain par le soupon de colre qui sy trouvait. Cela constituait la premire motion que Cyrne entendait de la part des envahisseurs. Descendez au niveau de la chausse. Le guerrier pointa de nouveau son arme lourde vers elle. Tout de suite. Appliquez encore une fois vos termes idoltres et ignorants la personne de lEmpereur aim de tous et je vous abats sur place. Cyrne cracha par-dessus la rambarde du balcon. Je vais partir, mais uniquement parce que je cherche lillumination. Je dcouvrirai la vrit de tout ceci, et je prie pour que vienne un jour lheure de rendre des comptes. La vrit vous sera rvle, dit le guerrier alors que lengin sapprtait sloigner. Au lever du septime jour, retournez-vous et regardez vers votre ville. Vous obtiendrez la lumire que vous dsirez tant. Et le septime jour finit par se lever. Le ciel qui sclairait trouva Cyrne Valantion perche sur un peron au pied des collines de Galahe, sa robe traditionnelle cache sous une longue veste resserre autour delle pour lutter contre la rigueur du vent dautomne. Ses cheveux flottaient librement en une crinire fauve, et elle regardait lest, vers la cit minemment calme, minemment silencieuse. Au cours des dernires heures, des taches brlantes staient leves vers les airs : chacune un engin datterrissage appartenant la XIIIe lgion, chacune retournant vers les cieux prsent que luvre des guerriers tait accomplie. Avec une inluctabilit rampante, le soleil atteignit lhorizon. Son or ple, froid malgr sa douce clart, se rpandit sur les minarets et les dmes de Monarchia. Une ville dune beaut sans rivale, dont les pointes des dix mille tours se dorrent sous laube. Par le Sang Sacr, murmura la jeune femme, incapable de retrouver sa voix, et sentant la tideur humide des sillons tracs par ses larmes en se disant que lHumanit tait capable de crer de telles merveilles. Par le Sang Sacr de lEmpereur-Dieu. La lumire du ciel saccentua encore ; trop, et trop vite. Laube peine passe, il devenait dj aussi clair quen plein midi. Cyrne leva la tte, et regarda avec des yeux embus les nuages sclairer dun second lever de soleil. Elle vit le feu tomber du ciel, des javelots dune lumire impensable sabattre sur la cit parfaite en provenance dau-dessus des nuages. Mais elle ne put regarder longtemps. La luminosit incomparable de ces traits solaires lui brla les yeux au bout des quelques premiers instants, la laissant dans le noir, tandis quelle coutait les bruits dune ville en train de succomber. Les tremblements du monde sous les pieds de Cyrne la jetrent au sol. Pire que toute chose, sa vue connut quelques sursauts avant de compltement lui faillir, et sa dernire vision fut celle de Monarchia en ruine, ses tours scroulant dans les flammes. Aveugle, trahie par le destin, Cyrne Valantion cria vers les cieux et pria pour que vint un jour lheure des comptes, tandis que brlait la ville qui lavait vue natre.

II

II

La Dernire Supplique Porteurs de la Parole, entendez notre prire. De faux anges marchent parmi nous, faonns votre image, mais napportant avec eux rien de votre clmence. Ils se font appeler la XIIIe lgion, les rois-guerriers dUltramar, et nont prononc que des menaces de massacres et de dsolation depuis que leur venue a assombri les cieux, il y a de cela une semaine. Leurs guerriers ont foul les rues de Monarchia, et forc le peuple abandonner la ville. Ceux leur avoir rsist ont t dcims. Si lavenir le veut bien, ils resteront dans les mmoires comme des martyrs. Monarchia nest pas la seule. Seize cits disperses sur toute la plante ont t vacues, et vides de leurs mes de la mme manire. Pendant de nombreux jours, nous avons t contraints au silence, incapables den appeler vous. La XIIIe lgion nous a consenti cet instant, avant le dernier lever de soleil. Elle a fait vu de dtruire la cit parfaite dans un ouragan de feu lorsque le jour se lvera. Revenez nous, nous vous en conjurons. Revenez nous et faites-la rpondre de cette injustice. Vengez ceux qui sont tombs, et restaurez ce qui sera perdu quand lhorizon sclairera. Porteurs de la Parole, entendez notre prire. Revenez nous, fils de lEmpereur-Dieu, bni soit Son nom. Reven Premier et unique appel de dtresse transmis depuis Monarchia, capitale de Khur

DEUX

DEUXSoleil Dentel Dvastation AurelianLheure des comptes rclame par Cyrne mit deux mois arriver. Presque neuf semaines traverser en trombe les courants du non-espace, franchir lImmaterium sans proccupation vritable pour le contrle ou la scurit. Ils perdirent des vaisseaux. Ils perdirent des vies. Mais ils ne perdirent pas de temps. La ralit tremblait dans leur sillage. Le premier vaisseau jaillir de lImmaterium fut pouss par des moteurs tourments travers la dchirure de sa rentre. Tandis quil acclrait, le Warp sembla le projeter comme une lance grise, tranant une brume plasmatique de la couleur dun rve dment. Ses racteurs brlants rugirent lourdement dans le silence de lespace. Le long de son arte dorsale, des statues de marbre et dor fixaient de leurs yeux le vide toil. Des difices cultuels blinds slevaient comme des cloques de lpiderme du croiseur. Des crneaux couronnaient les murs de ces cathdrales, et des dizaines de temples de moindre envergure taient dcors de nids darmes, perchs sur leurs plus hautes tours. Le vaisseau, terrible par sa taille et svre par son aspect, paraissait davantage une cit fortifie ddie la prire et la guerre quun btiment de traverse interstellaire. Son lan inquitant projeta des trpidations dans ses os de mtal, et il ne ralentit cependant pas. Le souffle blanc-bleu de ses turbines se dsintgrait en tranes fumantes, craches par ses immenses propulseurs quil avait fallu des dcennies pour construire, en employant des milliers douvriers pendant des millions dheures. Lavant avait t faonn en un blier colossal, arborant comme figure de proue un aigle compos de mtaux denses, polis jusqu leur confrer une patine argente. Dans ses serres, laigle tenait licne en acier dun livre ouvert. Le bec de lanimal tait ouvert lui aussi, fig dans un glatissement silencieux. Ses yeux froids refltaient les astres. Dautres vaisseaux arrivrent, en cartelant la ralit, jaillissant du Warp comme dautres tranes de gris ; une vole de flches qui clipsrent les toiles autour delles. Quelques-uns dabord, puis une dizaine, bientt une flotte, pour devenir une armada Cent seize vaisseaux, lune des plus grandes coalitions de force jamais rassemble par la race humaine. Et dautres continuaient darriver, transperant la barrire entre les dimensions, schappant de lImmaterium, en tentant de croiser au flanc de leur glorieux vaisseau-amiral. Larmada grise avanait en formation parse, les nefs les plus lentes se faisant distancer, alors que plus dune centaine se refermaient autour dun unique monde bleu et vert. Un monde que cernait dj une autre flotte de combat. Lun des vaisseaux de larmada, suffisamment imposant de par lui-mme, mais tout fait modeste compar au vaisseau-amiral lavant-garde de la flotte, tait la barge de bataille De Profundis. En bas gothique, son nom se traduisait avec une loquence incertaine par depuis les profondeurs . Dans le dialecte colchisien du monde do provenait ce vaisseau de guerre, cette formule proto-gothique sinterprtait davantage comme signifiant du dsespoir . La vibration dans larmature du vaisseau samoindrissait mesure que la dimension relle raffirmait son emprise, et les moteurs communs prirent le relais de la propulsion Warp surchauffe. Tandis que sa nef laissait derrire elle les entraves lancinantes de lEmpyrean, le capitaine du De Profundis se leva de son trne de commandement ornement, un trne fait divoire sculpt et dacier noir, drap de parchemins dvotionnels et occupant le centre dune estrade surleve. Sur les marches menant son sige se tenaient trois autres figures, chacune revtue de la mme armure de bataille de couleur granitique, le regard tourn vers le grand oculus daffichage qui occupait tout entier la cloison avant. La scne qui se droulait sur la projection visuelle tait celle dun chaos indescriptible. La cohsion tait en train dtre perdue avant mme que la flotte eut engag lennemi, comme si la colre de chacun des capitaines influait librement sur la trajectoire de son vaisseau, engendrant lirrationalit l o la concentration aurait t ncessaire. Larmure personnelle du matre de chapitre Deumos bourdonnait, ses cblages exposs connects au paquetage nergtique de son dos. Orne bien davantage que beaucoup dautres armures Astartes, la sienne ne montrait aucune retenue dans laffirmation impudente de ses hauts faits. Sous forme de textes gravs en criture colchisienne cuniforme, se trouvaient sur ses paulires la liste de ses victoires et le dcompte de ses ennemis tus, donns en vers potiques. Blasonn sur son paulire gauche, un livre ouvert, sculpt dans le bronze et aux pages enflammes, recouvrait lcriture runique. Chacune des langues de feu avait t ralise la main en fer rouge, soud au livre en lui-mme avec un soin artistique. Sous la lumire adquate, les pages paraissaient luire dun feu mtallique. Pour finir, lune des lentilles rouges de son casque grimaant tait ceinte dune toile de cuivre stylise, aux branches pointues. Le symbole se rptait sur la coque et les difices dorsaux du De Profundis, prsentant la barge de bataille comme le vaisseau du chapitre des Serrated Sun. Chaque vaisseau de la flotte arborait son propre symbole unique : le Trne dOs, le Croissant de Lune, le Fouet Enroul Motif aprs motif, un dfilement de signes, disperss ici, dans le vide, comme les pierres runiques dun chaman. Les yeux de chaque guerrier, officier, serf et esclave taient fixs sur la plante Khur, et sur sa capitale autrefois visible depuis lespace. Dune certaine faon, celle-ci ltait toujours, sous la forme dune tache cendreuse noircissant le quart dun continent. Les traits de Deumos auraient aisment pu paratre taills dans la roche mtamorphique de lancienne chane himalasienne de Terra, non loin de lendroit o celui-ci tait n deux cents ans plus tt. Certains hommes riaient, et riaient souvent. Deumos ntaient pas de ceux-l. Son humour empruntait des voies plus austres. Lun de ses subordonns, septime capitaine par son rang, lui avait autrefois dit que son visage tait la chronique de guerres que personne naurait voulu devoir livrer. Ce souvenir le fit sourire. Deumos apprciait les traits desprit dArgel Tal. Quittant cette indulgence dune rverie momentane, Deumos regarda loculus, toujours incertain de ce quoi il assistait. Le reste des vaisseaux se dispersait en une formation dattaque tire, beaucoup continuant dacclrer. Les frgates de reconnaissance et les engins claireurs ralentissaient de faon significative, et leur lan mourait alors que steignait la rage de leurs moteurs. Je veux savoir ce que je suis en train de regarder, rclama Deumos. Rapport dauspex. Son casque diffusa les mots en un grognement grsillant. Les rapports auspex initiaux sont en train dtre filtrs. Prs de la table de balayage trois faces, les officiers taient tous de simples humains, portant des uniformes du mme gris tranchant que larmure du matre de chapitre. Le premier dentre eux, le matre dauspex, stait mis plir. Je Le matre de chapitre tourna vers eux son regard furieux. Parlez, et dpchez-vous, dit-il. La flotte ennemie en orbite gostationnaire au-dessus de Monarchia nous apparat comme une flotte impriale, monseigneur. Cest donc vrai. Deumos continua de fixer le matre dauspex, un officier vieillissant la voix forte, qui ajustait frntiquement les molettes dun cran daffichage de trois mtres carrs. Parlez. Identit impriale confirme. Ce ne sont pas eux lennemi. Les senseurs sont assaillis dune srie de codes de transpondeurs en diffusion active. Ils signalent leur prsence la flotte tout entire. La tension ne voulut pas quitter Deumos. Au lieu de quoi, elle sinsinua plus profondment dans ses penses, ramenant au premier plan le souvenir de ce message saisissant. Revenez nous, avaient-ils suppli. Ils se font appeler la XIIIe lgion. Revenez nous, nous vous en conjurons. Deumos laissa cette inquitude retomber vers le sdiment plus calme de son esprit. Il lui fallait se focaliser. Il regarda loculus, o les vaisseaux coque grise ralentissaient, leurs racteurs large embouchure ne soufflant plus que des lueurs diminues. Plusieurs cartrent leur course du reste de la flotte, brisant llgance de la formation dattaque. Lincertitude, trs certainement. Aucun capitaine ne devait savoir quoi faire. La colre parfaite de leur trajectoire dassaut stait miette, et paraissait impossible retrouver maintenant que tant de vaisseaux avaient ralenti et quitt la formation. Tout autour deux, la flotte colossale, deux doigts douvrir loffensive, se dsolidarisait et dsalimentait ses armes. Les actions conclusives de ce ballet astral senchanaient avec une rpugnance manifeste. nouveau lui vint limpression que les capitaines imprgnaient leurs vaisseaux de leurs motions. La plante elle-mme tait proche, assez proche pour que la flotte adverse ft parvenue porte de reconnaissance visuelle. cette distance, elle ntait encore gure plus que de petits points sombres suspendus en orbite basse, encadrs par une dense couverture nuageuse. Deumos se tourna vers ses frres, ses subordonns, se tenant sur les marches en dessous de son gradin surlev. Nous allons dcouvrir maintenant la vrit de tout cela. Ce jour se terminera dans lobscurit. Cela provenait du septime capitaine, lil gauche ceint du mme soleil dentel. Nous connaissons la vrit, nous savons ce que nos frres ont fait. Aucune explication napaisera la tristesse du primarque. Aucune argumentation ne calmera sa rage. Vous le savez aussi bien que moi, matre. Deumos hocha la tte. Il stait autoris un instant de proccupation, se demander si le Lex allait ralentir ou senfoncer comme une lame grise au cur de la flotte oppose, ses batteries darmes illumines par leurs hymnes mortels. Frre contre frre, Astartes contre Astartes. Le blasphme dlicieux dune ide aussi impossible laurait jadis fait sourire. Plus prsent. Transmission externe, lana un des officiers radio depuis sa console. Enfin. Un message adress la flotte par la seule voix qui comptait. Le message fut relay sur toute la passerelle, gch par les saccades mais comprhensible nanmoins. Mes fils. Aucune quantit de distorsions naurait pu leur cacher le ton froiss et afflig de ces mots. Mes fils, nous avons atteint Khur. Il nous faut maintenant rpondre lultime prire de Monarchia. Aujourdhui, nous contemplerons de nos yeux la ruine que nos frres ont fait sabattre sur la cit parfaite. Les quatre Astartes posts autour du trne de commandement partagrent un regard, leurs expressions nanmoins caches derrire leurs casques MkIII. Chacun entendait le frmissement dans la voix de leur pre. Mes fils, continua le message. Le sang appelle le sang. Nous aurons les rponses que nous cherchons avant que le jour ne soit achev. Cela, je vous le pr Le message ne stait pas termin, mais avait t coup. Un signal superpos sempara des ondes, assez puissant pour priver la lgion des paroles de son propre primarque. Cette voix-l tait plus profonde, plus froide, et tout aussi sincre. Guerriers des Word Bearers. Je suis Guilliman de la XIIIe lgion, seigneur de Macragge. Ordre vous est donn de descendre immdiatement en surface et de vous rassembler au cur du site que nous avons ras, autrefois connu comme Monarchia. Les coordonnes vous sont transmises. Cette assignation ne tolrera aucun geste de dfi. Votre lgion dans son entiret se rassemblera ainsi quil lui est demand. Ce sera tout. La voix se tut, et le silence rgna. Presque une centaine dmes, humains, serviteurs et Astartes, se trouvaient rassembls sur la passerelle du De Profundis. Nul ne pronona le moindre mot pendant prs dune minute. Sans mme un signe pour les autres, le septime capitaine se retourna et traversa la salle grands pas, ses semelles blindes martelant le pont de plastacier. Argel Tal ? Deumos avait parl dans le transmetteur de son casque. Son affichage sur lentille traquait le dplacement de son capitaine, faisant dfiler sur sa vision les donnes biorythmiques en caractres blancs. Il cligna des yeux vers une rune priphrique afin de dsactiver laffichage tactique automatique. Le septime capitaine se retourna, et fit sur sa poitrine le signe du saint aquila, ses gantelets formant le symbole de lEmpereur-Dieu par-dessus son plastron poli. Je pars prparer la septime compagnie pour la descente plantaire, dit-il. Les rponses que nous cherchons se trouvent la surface de Khur, dans les ruines de la cit parfaite. Je veux ces rponses, Deumos.

Lair tait cendreux, paissi par la poussire et la brume de fume. Le sol tait un dsert descarbilles noires, tapiss par endroits de portions vitrifies par la chaleur, et de marbre fondu, qui refltaient la lumire du soleil avant de se fissurer sous leurs pas. Argel Tal respirait, gotait dans lair filtr par son armure lodeur de sa sueur et les senteurs chimiques de son sang gntiquement amlior, mais ne pouvait se rsoudre sceller son armure de faon totalement hermtique. Chaque inspiration portait en elle la trace contrite du soufre et de la roche calcine de la dvastation environnante. Plus rien ntait debout. La poudre pierreuse suspendue dans lair, sous-produit dun million ddifices de marbre jets terre, recouvrait dj larmure des Word Bearers descendus au cur de Monarchia. Les parchemins des serments et des prires attachs aux plaques des Astartes se teintaient de gris ple. Argel Tal observait ses guerriers au milieu de lanantissement, certains fouillant parmi les dbris sans relle intention dy retrouver quelque chose, dautres demeurant simplement immobiles ; et il chercha les mots que cet instant requrait. Quels que pouvaient tre ces mots, ceux-ci lui chappaient pour linstant. La frquence sveilla, et la rune didentification de Xaphen brilla en bordure de son affichage rtinien teint de rouge. Nous nous sommes trouvs l, il y a soixante ans. Xaphen approcha au ct de son capitaine, son armure particulire, borde dor, rendue grise par la poussire tombante. Le chapelain de la 7e compagnie ressemblait pour une fois ses frres, et tous les guerriers paraissaient gaux tandis quils se tenaient sur les vestiges de Monarchia. prsent, la cit se noie sous des nuages de cendres, mais nous nous sommes tenus ici. Vous rappelez-vous ? demanda Xaphen. Argel Tal contemplait dun regard fixe la ville anantie, discernant dans la brume des fantmes, les spires et les dmes ddifices qui nexistaient plus. Je me rappelle, dit-il. Cet endroit tait lesplanade publique du secteur Inaga. Le capitaine fit un geste vers le sud, bien que chaque direction noffrt rien dautre que le mme paysage ravag. L-bas se dressait la porte de Tophet, o se rassemblaient les prcheurs et les marchands. Xaphen hocha la tte. Son oculaire gauche portait la mme marque que celui dArgel Tal : ltoile dentele, symbole dun lien confraternel. Linstrument magntiquement arrim dans son dos, un crozius arcanum, la masse darmes rituelle des chapelains Word Bearers, tait forg selon le mme aspect. Sa tte tait une sphre hrisse de pointes de fer noir, grave de sillons dargent. La conversation, en son tat prsent, reflua lentement vers le silence, jusqu ce que cette srnit malcommode ft rompue par la descente en surface dune autre compagnie. Sur leurs racteurs hurlants, les cuirasss excutrent leur approche finale, les patins datterrissage griffus venant craser le sol dvast par le feu. Ordinairement, lodeur de flamme et dhuile de leurs chappements aurait assailli les sens, mais elle se retrouvait ici indtectable parmi la violence dj inflige. Les cloisons et les rampes souvrirent. Une autre centaine de guerriers, dans les armures graves de la XVIIe lgion, fit ses premiers pas lintrieur de la ville morte. Leur semblant de formation se perdit presque immdiatement ds que les Astartes se dispersrent, apprhendant difficilement ce quils voyaient. Argel Tal activa dun clignement dil une rune radio de son affichage pour se brancher nouveau sur la frquence gnrale. Ces nouveaux arrivants, portant lhraldique de la 15e compagnie, exprimaient leur incrdulit et leur colre impotente. Leurs plastrons taient marqus du sceau de crnes humains empils, le chapitre de lOsseous Throne. Argel Tal les accueillit dun bref message. Les guerriers les plus proches le salurent, respectant son grade malgr son allgeance un autre chapitre. Dans son corps et son sang, chacun deux tait un Porteur de la Parole, et cela surpassait tout le reste. Dautres Thunderhawks filrent au-dessus deux, en recherche dun sol dgag o atterrir. Entre les guerriers dj en surface et les appareils demeurs l o ils staient poss, il devenait une preuve de dployer la lgion davantage. Dest en ouest, du nord au sud, le ciel tait satur de cuirasss trpidants, et de la vibration de chaleur luttant pour les maintenir en lair. intervalles rguliers, le ciel sassombrissait, annonant le passage dun Warhawk. Ces engins de plus grande taille amenaient des compagnies entires, leur passage assourdissant occultant temporairement le soleil. Argel Tal errait sans but, crasant sous ses pas la pierre ravage, et finit par sceller les systmes de ventilation de son armure quand il se fut lass dinhaler les relents sulfurs du tombeau de Monarchia. La roche fondue et la terre noircie ntaient jamais agrables respirer, et le sens olfactif gntiquement amlior du capitaine se trouvait irrit par lintensit de cette odeur. Respirant lair recycl du circuit interne de son armure, il continua de marcher. Le sol tait ingal, cribl de cratres calcins par lassaut orbital des Ultramarines. Argel Tal sentit jouer les gyrostabilisateurs et les pistons compensateurs de son armure. Il y eut de brefs bourdonnements, lorsque la mcanique des genoux et des chevilles de son armure sajusta au nouveau relief du terrain. Il savait que Xaphen le suivait, mme sans consulter le traqueur digital de distance de son affichage rtinien. Ce ne fut pas une surprise quand le chapelain parla de nouveau. Je me sens comme si nous avions perdu une guerre sans mme avoir tir une seule fois, transmit celui-ci. Mais regardons vers les cieux, frre. Notre pre arrive. Le ciel sassombrit une fois de plus, et Argel Tal leva la tte alors que le dernier oiseau dassaut les survolait. Sa coque tait dor, refltant la clart de midi en une gerbe dclat solaire. Les lentilles du capitaine sopacifirent en rponse. Avec une plus grande clart encore lui vint la rvlation dune indignit. Des appareils plus petits, des Thunderhawks aux coques bleues volaient en formation autour du puissant Warhawk dor. Un escadron descorte : une surveillance, et non une garde dhonneur. Les Ultramarines accompagnaient le primarque des Word Bearers en surface, avec le mme apparat avilissant quun prisonnier emmen vers son excution. La vision dArgel Tal zooma, rpondant au plissement de ses yeux. Des parasites la perturbrent une demi-seconde et disparurent rapidement alors que ses lentilles se focalisaient sur la nouvelle distance. Chaque tourelle des cuirasss Ultramarines tait tourne vers la coque dor de lappareil Word Bearer. Vous voyez a ? transmit-il Xaphen. Difficile de ne pas remarquer une pareille insulte, rpondit le chapelain. Je croirais un mensonge si je ne le voyais de mes yeux. Argel Tal regarda la trajectoire arque de lappareil lemmener plus loin dans la ville, et sans aucun autre signal, chaque Word Bearer des environs se mit marcher dans la direction donne par le Warhawk massif. Cela sent plein nez lhistoire en train de scrire, marmonna Xaphen. Affermissez votre me, frre. Temprez vos humeurs. Jamais auparavant le capitaine navait entendu cette trace de malaise dans la voix de Xaphen, ce qui ne faisait rien pour conforter son calme prcaire. Des rponses, rpondit Argel Tal, en affichant les lectures rtiniennes de sa provision en munitions de bolter, ainsi que la temprature de son paquetage nergtique. Des rponses, Xaphen. Cest tout ce que je souhaite. Argel Tal et Xaphen firent marcher la 7e compagnie au cur de la ville, vers lendroit o la lgion se regroupait. Cent mille guerriers attendaient en silence sous le soleil couchant. Cent mille guerriers en ordre parfait, le bolter tenu dans leurs gantelets gris, le casque dress avec fiert. Cent mille paires de lentilles rouges fixaient droit devant elles. Escouade par escouade, derrire leurs sergents. Compagnie par compagnie, derrire leurs capitaines ; chapitre par chapitre, derrire leurs matres. Les porteurs dtendards se tenaient au-devant de chaque compagnie, les bannires leves tandis mme que leurs dtails sestompaient sous la poussire. Brandie par le sergent Malnor, licne du chapitre des Serrated Sun se levait au ct des trois compagnies de sa composition, les clipsant par sa taille et son importance. Au symbole port par chaque guerrier autour de son il gauche rpondait ce cercle pointes, fait de bronze terni, dcor de soixante-huit crnes blanchis suspendus leurs chanes de fer noir. Les crnes taient humains et xenos, ceux de champions ennemis tombs et dignes dtre commmors. Autour de lorbite gauche de chacun de ces crnes se dessinait le symbole du soleil dentel, peint au sang dAstartes, bni par les chapelains de compagnie. Dautres icnes similaires se dressaient au-dessus de la lgion rassemble. Ils tintaient dans le vent, leurs breloques composant une mlodie lugubre, tandis que claquaient les bannires de combat des compagnies. Argel Tal savana avec les autres meneurs du chapitre, laissant derrire eux leurs guerriers en colonnes. Leur chapitre avait beau ne pas compter parmi les favoris du primarque, un tel honneur revenant aux chapitres plus grands et plus prestigieux constitus de vingt compagnies ou davantage, leur grade les autorisait nanmoins se tenir lavant de la lgion ainsi mobilise. Tandis quil remontait les rangs de Word Bearers aussi immobiles que des statues, Argel Tal passa sur la frquence quavait scurise la 7e compagnie avant sa descente en surface. Tenez-vous droit, mes frres. Nous allons bientt tre clairs. Une srie de dix claquements douverture de transmission constitua la rponse muette de tous les sergents descouade sous ses ordres. Plusieurs capitaines transmirent de brves salutations mesure quils rejoignaient une ligne ordonne, leurs casques et leurs paulires marqus des symboles de lallgeance leur propre chapitre. Devant eux tous, le Warhawk dor tait larrt, reposant au milieu des six Thunderhawks Ultramarines, les bordures de leurs coques de cramite dcapes ici et l par les feux de la descente atmosphrique. Lun des capitaines sortit du rang, en accomplissant un pas en avant, et Argel Tal sentit le tremblement minuscule du sol. En armure Terminator, aux plaques serties dargent, frachement sorties des forges de Mars, le premier capitaine Kor Phaeron se dmarquait de ses frres comme tait son bon droit. Larmure de llite de la lgion le faisait dpasser dun bon mtre les autres capitaines, revtu de couches de cramite sculpte avec rvrence, aussi paisses que le blindage de coque dun char de combat. Il ne portait pas darmes au-del de celles que son armure lui confrait dj : des gantelets surdimensionns, achevs par des griffes stendant de chaque doigt, leurs lames individuelles aussi longues et incurves que les faux primitives employes la moisson sur les mondes impriaux les plus reculs. Des circuits dlicats se tressaient dans la longueur des lames : des veines dalimentation, pour investir ces griffes dune nergie crpitante la demande du premier capitaine. la diffrence des capitaines rassembls, Kor Phaeron ne portait pas de casque, et il paraissait lgitime de dire quaucun pote ni aucun peintre naurait pu dresser le portrait du premier capitaine comme un tre beau sans saccorder une certaine licence artistique. Argel Tal regardait le flux lectrique lcher les lames digitales de Kor Phaeron, signe certain de son impatience. Son expression tait bloque dans le rictus dun homme qui naurait rien senti que lamertume et le got de la cendre, la seule expression quArgel Tal lavait jamais vu arborer. Malgr son impressionnante armure, le visage de Kor Phaeron tait dune complexion cadavrique et dune pleur osseuse, comme dj en chacune des rares occasions o les chemins des deux capitaines staient croiss. Je le hais, murmura Xaphen par la radio. Cette armure lui sert de bouclier contre ses mille faiblesses. Je le dteste. Argel Tal demeura immobile, le bolter plaqu en travers du poitrail. Il avait bien souvent entendu ces mots de la part du chapelain, et navait aucune rponse offrir son ami pour apaiser son ressentiment. Je sais, dit-il, esprant que Xaphen se tairait. Le moment tait mal choisi pour ce genre de considration. Il nest pas lun des ntres. a nest pas un vrai Astartes. Xaphen retombait dans ses rcriminations coutumires avec passion, les dents serres. Il est impur. a nest pas lheure de cder aux anciennes querelles. Ce laxisme est la raison pour laquelle jamais vous ne porterez de crozius, dit le chapelain. Le npotisme derrire lascension de Kor Phaeron au rang de premier capitaine ntait pas un secret. En tant que conseiller spirituel et pre dadoption du primarque lors de la jeunesse que Lorgar avait passe loin de lImperium, Kor Phaeron avait aid faonner le demi-dieu grandissant, dune faon que son pre vritable navait pu lui offrir. Ils staient tenus cte cte au travers des annes de sacrifice et de rvolution, au travers des guerres saintes qui avaient menac de dchirer Colchis avant son unification sous le rgne bienveillant de Lorgar. Quand lEmpereur-Dieu tait arriv sur Colchis il y avait de cela plus dun sicle, pour offrir Lorgar le commandement de la XVIIe lgion, Kor Phaeron tait pour sa part dj bien trop vieux pour recevoir les implants dorganes et les manipulations gntiques pr-adolescentes pour pouvoir devenir un Astartes. En lieu et place, par le biais de traitements rjuvnants, de bionisation coteuse et de faonnage gntique limit, Kor Phaeron avait tout de mme t lev au-dessus du genre humain, comme signe de la valeur que le primarque voyait en lui. Bien quayant laiss lHumanit derrire lui, Kor Phaeron ne stait pas hiss au rang des authentiques Astartes. Argel Tal considrait prsent ce pinacle du compromis gntique, et le respect retenait sa langue, dfaut de son admiration. Kor Phaeron cracha sur le sol accident. La salive acide rongea en sifflant la pierre des ruines. Argel Tal ne ractiva qualors la liaison avec Xaphen, en clignant vers sa rune nominative. tes-vous simplement exaspr par limpuret du premier capitaine ? Ou bien pourrait-il sagir de son irrespect total de la discipline de la lgion, et du fait que ses victoires clipsent les miennes et les vtres mises ensemble ? Xaphen se prit rire doucement, dun rire sombre et tnu. Le manche de son crozius tait entre ses mains, la tte reposant sur le sol. Il se trouve au ct du primarque pour chacune de ses campagnes. Il commande la 1re compagnie, les meilleurs guerriers de la lgion, et porte larmure de llite Terminator. Il faudrait tre bien sot pour connatre lchec dans de pareilles circonstances. Je lai entendu prcher, frre. Comme vous lavez entendu vous aussi. Je ne laime pas, mais je le respecte. Il professe la Parole avec un discernement que nul autre ne possde, et sa sagesse menflamme les sangs. Il a orchestr la victoire au cours dune guerre civile plantaire lorsquil ntait encore quun simple prtre humain. Ne le sous-estimez pas maintenant. La voix de Xaphen devint plus rude.

Limpuret ne peut tre pardonne. Le primarque la choisi. Est-ce que cela ne signifie rien pour vous ? En rponse, le ton du capitaine stait fait lui aussi plus glacial. Je ne mets pas en doute le jugement de notre pre, lui fut-il retourn contrecur. Au moment mme o Argel Tal sentait que dautres arguments allaient suivre, Xaphen se tint silencieux, ayant peut-tre dcel une remontrance implicite dans la dsapprobation de son frre. Soyez prts, gronda Kor Phaeron, de sa voix grinante trangement assortie son visage. Le primarque arrive. Tandis que ses mots flottaient encore dans lair, la rampe situe sous le cockpit du Warhawk dor commena sabaisser, dans un mouvement mcanique fluide. Argel Tal relcha son souffle, lent et tendu, en sentant son cur principal se mettre battre plus vite. Bien quil ne ft pas au combat, son cur secondaire amora un contre-rythme, plus pos que le martlement du premier. La silhouette descendit seule la rampe, et le septime capitaine sentit ses yeux lui piquer sous la menace de larmes dadoration, alors mme que son regard demeurait fix sur les ruines du sol. Il navait pas vu son primarque depuis prs de trois ans. Se retrouver priv de sa radiance, mme au nom dun devoir sacr, tait comme de marcher dans lombre, priv dinspiration. La radio sanima de milliers de voix tnues tandis que dinnombrables Word Bearers prononaient dans un souffle le nom de leur pre. Beaucoup remercirent le destin pour cette chance de se tenir nouveau en sa prsence. Des litanies rvrencieuses flottaient sur les canaux de communication, sans slever jamais plus haut quun murmure. Argel Tal fut lun des rares demeurer dans un premier temps silencieux, remerciant le destin avec un zle muet. Trois annes. Trois longues, longues annes combattre dans lobscurit, prier de voir arriver ce moment. Tout doute, toute proccupation, tout soupon au sujet de leur descente sur injonction des Ultramarines seffaait dans le double battement de ses curs jumeaux. La silhouette cessa de marcher. Il le sut car ses pas avaient cess de faire frmir la terre noircie. Alors seulement Argel Tal pronona-t-il un seul mot. Un nom, rarement employ en dehors des fils-guerriers portant le sang de Lorgar dans leurs veines, partis conqurir par le crozius et le bolter une galaxie ignorante. Aurelian, dit le capitaine, les syllabes se noyant dans autant de murmures similaires. Argel Tal leva enfin les yeux, pour voir le fils dun dieu vivant se tenir au milieu dune ncropole.

TROIS

TROISLe Sang Appelle le Sang Sigillite Le Matre de lHumanitLe dix-septime primarque tait connu de lImperium mergeant sous bien des noms. Les mondes laisss dans le sillage triomphant de sa lgion le connaissaient comme le Couronn, le Dix-Septime Fils, ou plus lgamment, comme le Porteur de la Parole. Pour ses frres primarques, il ntait que Lorgar, le nom qui lui avait t donn sur son monde natal, Colchis, durant les annes de troubles avant la venue de lEmpereur. Pourtant, comme beaucoup de primarques, Lorgar portait galement un titre informel ; un terme respectueux souvent employ par les dix-huit lgions. L o Fulgrim de la IIIe lgion tait respectueusement appel le Phnicien, et o Ferrus Manus de la Xe lgion portait pour titre le nom de Gorgone, le seigneur de la XVIIe lgion tait lUrizen, un nom tir des textes moiti oublis des anciens mythes de Terra. Aucun de la centaine de milliers de guerriers rassembls l nemployait pour le moment ce nom. Alors que la lgion des Word Bearers se trouvait l dans son effectif entier et inconcevable, en rangs parfaitement ordonns, chacun de ses fils psalmodiait son vritable nom dans un souffle, comme si ses syllabes avaient t une invocation. Aurelian, murmuraient-ils lunisson. Lorgar Aurelian, Lorgar le Dor. Ainsi leur pre tait-il connu de ses enfants. Le dix-septime primarque tourna son regard vers locan de guerriers aux armures grises engendrs pour rpondre sa volont. Il sembla marquer une pause, juste un instant, devant limmensit de ce quil voyait l. Les plus proches de lui virent les flammes de ses penses lui clairer les yeux. Mes fils, dit-il, colorant ses mots dun sourire teint de tristesse. Il me transporte le cur de vous voir tous. Contempler lun des fils de lEmpereur-Dieu tait comme de boire la vision dun avatar parfait. Les sens humains, et mme la perception forge en laboratoire dun guerrier Astartes peinaient concevoir ce quils voyaient. Lorsquil stait tenu pour la premire fois devant Lorgar, sans avoir encore atteint son onzime anniversaire, Argel Tal avait ensuite souffert de cauchemars douloureux et confus pendant un mois. Les apothicaires de la lgion, qui surveillaient les enfants recruts, taient prpars cela. Turyon, celui avoir supervis les chirurgies dimplantation dArgel Tal durant ses annes pubescentes, lui avait expliqu le phnomne dans lune des minuscules cellules disolement accordes tous les acolytes de la lgion durant leur entranement. Les cauchemars sont naturels, ils sestomperont avec le temps. Ton esprit doit parvenir accepter ce que tu as vu. Je ne suis pas bien sr de ce que jai vu, avait admis le garon. Tu as vu le fils dun dieu. Les esprits et les yeux des mortels nont jamais eu vocation pouvoir contempler de telles choses. Il leur faudra du temps pour sy ajuster. a me fait mal quand je ferme les yeux. Jai mal en me souvenant de lui. Cela ne te fera pas mal indfiniment. Je veux le servir, avait promis le garon de onze ans, tremblant encore de ses visions nocturnes. Je le servirai, je le jure. Turyon avait acquiesc, et poursuivit en lui parlant des nombreuses preuves mortelles qui lattendaient avant quil pt se revtir du manteau dun Astartes. Argel Tal nen avait rien cout ; du moins pas alors, pas ce matin-l, o le faible soleil colchisien apportait laube par lunique fentre de sa cellule. Il repensait encore Turyon. Lapothicaire tait mort quarante ans plus tt, et Argel Tal avait conserv un souvenir de la bataille. Encore maintenant, il ne parvenait pas tenir dans sa main la lame xenos incurve et brise sans revoir la gorge lacre de Turyon. En vrit, il lavait conserve pour cette raison mme. Le souvenir. Une habitude morbide, peut-tre, et pour laquelle les chapelains lavaient souvent rprimand. Cela tait la marque dun esprit insalubre que de garder les armes ayant tu dautres frres. Argel Tal leva les yeux. Le sang appelle le sang, proclama Lorgar devant les guerriers rassembls dans le cratre mortuaire de Monarchia. Le sang appelle le sang. Comme toujours en sa prsence, Argel Tal rationnait son regard, se concentrait sur les dtails particuliers plutt que sur la manifestation entire de son pre gntique. Les yeux de Lorgar, du gris neigeux de lhiver sur Colchis, taient habills de kohl, lequel les faisait se dtacher encore davantage sur la peau du primarque ; une peau qui paraissait dor pour les yeux non protgs. Les lentilles du casque dArgel Tal filtraient tout pour en faire un monde sombre daffichages tactiques, mais ne volaient rien des dtails. Il parvenait distinguer individuellement chacun des milliers de glyphes colchisiens, inscrits lencre dor dans la peau blanche du primarque. Il se prtendait que ces tatouages cuniformes couvraient la majeure partie du corps de Lorgar. Ils descendaient en tout cas la hauteur de son visage en lignes serres, de son crne ras jusque sa mchoire, chaque ligne reprsentant une phrase de dvotion, un espoir prophtique pour le futur, ou invoquant la force dune puissance suprieure. L o larmure rgalienne de Lorgar couvrait sa chair, lcriture se prolongeait sur les plaques dores, graves leau-forte sur ses surfaces brillantes. Malgr toute sa majest, le dix-septime primarque naffichait cependant pas sa grandeur par un quipement trop crmoniel. Son armure, bien que dor, ntait pas plus orne que les MkIII portes par ses capitaines. Les serments crits, les parchemins dcriture pingls son plastron et sur ses paulires nvoquaient pas la propre gloire du primarque, mais ses vux envers son pre, et son dvouement servir le peuple de lImperium. Nous sommes venus au milieu de ceci, dit le primarque, sa voix ne slevant jamais gure plus haut quun murmure, car cela ne lui tait pas ncessaire. Elle atteignit les oreilles de ses fils les plus proches, et se dissmina doucement par radio vers les rangs arrire. Nous sommes venus au milieu de ceci, et ils nous font pourtant attendre pour nous donner les rponses que nous mritons. La communication humaine naurait pu convoyer la mme confiance ardente et pleine de caractre qui sexsudait de Lorgar. Ses lvres fines taient retrousses par le demi-sourire du pote passionn, bien quil se tnt sur le spulcre de son plus grand accomplissement. Entre ses mains, serr dans des gantelets dor qui semblaient rechigner lever cette arme, se trouvait un crozius de la taille dun guerrier Astartes. Illuminarum tait la seule concession la grandeur que stait accorde le primarque. Le manche de larme avait la couleur crme de livoire, termin par une poigne de fer noir. Sa tte tait un orbe dadamantium, teint de noir par le toucher dun matre de forge, et dcor de runes la feuille dargent. Des piquants lespacement rgulier, de la longueur dun avant bras humain, se projetaient de sa surface, prtant cette masse un air brutal, presque en contradiction avec le philosophe en qute de vrit qui lui avait fait parcourir lespace. Malgr limmense talent impliqu dans sa cration, le crozius de Lorgar tait limage dune ostentation tout fait distincte de la beaut. Son possesseur avait purg des mondes entiers par la flamme, et tous les chapelains des Word Bearers en portaient une version de proportions plus modestes. Aucun des fils de Lorgar, mme ceux avoir pass des annes son ct, ntait aveugle au malaise de leur pre. Le primarque lanait des regards vers les Thunderhawks Ultramarines, en attendant le signe que quelquun en merget. Autour du sourire de pote se discernait vaguement la teinte noire dun dbut de barbe, quelque chose quArgel Tal navait jamais vu auparavant sur son mticuleux primarque. Lorgar se dtourna de ses fils, pour fixer maintenant les engins impassibles. Son murmure porta parmi la lgion tout entire. Guilliman, mon frre de sang, sinon de cur. Viens moi et rponds de ta folie. Dans un unisson thtral, les rampes des cuirasss se mirent sabaisser. La lgion entendit le dernier murmure de son pre alors que les Ultramarines se montraient enfin. Porteurs de la Parole, fut son avertissement, aussi doux que le passage dun serpent sur de la soie. Tenez-vous prts, et guettez le moindre signe de trahison. Une centaine de guerriers peine sopposaient aux cent mille. Face un ocan darmures grises, une seule compagnie dUltramarines avait atterri avec leur primarque. Mme en cet instant grave, Argel Tal ne savait trop sil devait se sentir mystifi par cette dcision, ou insult. Il opta pour les deux, son irritation ne cessant de crotre tout du long. La 19e compagnie, communiqua Xaphen en observant la bannire Ultramarine qui oscillait dans le vent lger. Celle-ci dpeignait un cheval blanc cabr, la crinire de feu, au-dessus dune srie numrale. Intrigant. Argel Tal regardait le cheval blanc ondoyer dans le vent, en essayant de discerner une signification la prsence de la 19e compagnie. Lanimal paraissait en mouvement, et les flammes de sa crinire semblaient brler de manire bien relle. La compagnie Aethon, 19e du corps Ultramarine, tait connue de beaucoup en dehors de la lgion de Guilliman. Aethon lui-mme commandait une expdition impriale tout entire distinctement de son primarque, et la rumeur disait son propos quil sagissait dun ambassadeur ferme et dun habile diplomate. Quoi quil en ft vraiment, ce capitaine disposait dune bien plus grande part de responsabilit et dindpendance que ne pouvaient le clamer les autres Astartes. Leur nom leur vient dun cheval cracheur de feu dans lancienne mythologie de Macragge, dit Xaphen. Aethon tait le nom dun animal charg de tirer le char solaire au travers du ciel. Argel Tal rsista limpulsion de secouer la tte. Avec le plus grand respect, frre, je men moque perdument. Le savoir, cest le pouvoir, rpondit le chapelain. Restez concentr, le rabroua schement le capitaine. Vous avez entendu le primarque. Xaphen rpondit dune simple ouverture de frquence ; un bref grsillement de parasites. La dernire rampe acheva de sabaisser sur ses pistons dans un souffle de vapeur. Argel Tal demeurait immobile, les muscles verrouills par la tension, alors que le treizime primarque descendait avec sa garde dhonneur, suivi de Non, dit-il, priv de son souffle par le choc. Par le sang de lEmpereur-Dieu, murmura Xaphen. Devant eux, Lorgar regardait avec un sourire de vipre. Malcador le Sigillite. Au ct du primarque dans son armure de bataille nacre et crulenne, marchait une figure frle, la robe simple et sans prtention. Humain, parfaitement fragile dans lombre massive de Guilliman, le premier des Seigneurs de Terra serrait un bton de mtal noir aux chanes pendantes, surmont dun aigle deux ttes. Guilliman, par contraste, paraissait dautant plus colossal que le Sigillite tait fluet. Son armure de bataille avait le bleu des ocans de Terra, depuis longtemps vapors, lcho dun ge de lgende, dont les bordures dor et de nacre luisaient sous la lumire de la lune naissante. Quelle folie est-ce l ? grogna Kor Phaeron, la voix paissie par une motion trop forte pour tre rprime. Paix, mon ami, murmura Lorgar, sans que son regard ne quittt la ligne oppose de guerriers. Les rponses que nous cherchons seront bientt nous. Capitaines, approchez-vous. Sur son ordre, cent capitaines savancrent, bolters et lames tenus vers le sol dans leurs gantelets gris. Cent chapelains, leurs ornements dor et leurs crozius les distinguant des rangs, demeurrent un pas en arrire. Derrire les prtres-guerriers, une centaine de milliers de Word Bearers se tenaient fixes, en maintenant les rangs malgr la nature ingale du sol pulvris. Argel Tal arracha son regard de Guilliman, les traits nobles du seigneur de Macragge se rvlant aussi ardus contempler que ceux de son pre. Ses yeux en particulier taient les plus difficiles fixer. Il ny rsidait aucun doute, aucune spculation, aucune curiosit ; rien qui eut pu voquer une motion mortelle derrire ces yeux enfoncs. Ce visage aurait pu tre sculpt dans une pierre burine par le soleil. La dignit incarne. Le septime capitaine rprima un frisson, et porta son attention vers le Sigillite. Trop humain pour tre craint, et cependant trop influent pour pouvoir lignorer. Le bras droit de lEmpereur et son plus proche confident. Ici.

Ici, et apparemment venu soutenir les Ultramarines aprs quils eurent dtruit la cit parfaite. La main dArgel Tal se serra sur la poigne de son bolter. Frre, pronona Lorgar, la surface lisse de son intonation parvenant presque cacher entirement le chagrin dont ses fils le savaient parcouru. Et Malcador. Soyez les bienvenus Monarchia. Sur ces mots, il engloba dun geste la dvastation alentour, ses traits somptueux plisss par un rictus dcurement. Lorgar. La voix de Guilliman roula comme le tonnerre distant, et il ne pronona rien de plus que le nom de son frre. Les yeux dArgel Tal se plissrent devant labsolue neutralit de ce ton, sans le moindre spectre dmotion. Des automates de la Legio Cybernetica lui avaient sembl exprimer davantage dhumanit que le primarque des Ultramarines. Primarque Lorgar, dit Malcador, sinclinant en guise dintroduction. Il nous blesse tous de devoir nous retrouver dans de telles circonstances. Le guerrier dor fit un pas en avant, en faisant reposer le crozius sur son paule. Vraiment ? Cela nous blesse tous ? Tu nas pas tant lair bless, mon frre. Guilliman ne dit rien. Lorgar dtacha son regard du sien au bout de quelques instants, pour le poser sur le Sigillite. Des rponses, Malcador. Il fit un nouveau pas en avant, se retrouva mi-chemin entre sa lgion et la centaine dUltramarines. Je veux des rponses. Que sest-il pass ? Quelle folie a-t-on laisse se drouler ici sans quun frein ny soit mis ? Le Sigillite ramena son capuchon en arrire, rvlant un visage si ple quil tendait vers le gris maladif. Ne le devines-tu pas, Lorgar ? Le vieil homme secoua la tte, comme avec tristesse. Rellement, cela est-il une surprise pour toi ? Rpondez-moi ! hurla le primarque. Les Ultramarines eurent un sursaut et un geste de recul, plusieurs dentre eux levant les armes que tenaient leurs mains tremblant de surprise. Lorgar tendit les bras sur ses cts, dsignant une seconde fois la destruction environnante, et la salive vola de ses lvres lorsquil rugit de nouveau. Rpondez-moi de ce que vous avez fait ! Je lexige ! Que faut-il faire ? demanda Xaphen par radio. Qu Que se passe-t-il ? Argel Tal ne rpondit pas. Sa lame et son bolter lui parurent soudain pesants, et il fixait les Ultramarines, affichant ouvertement leur propre choc. Mme aligns en rang, il tait vident quils se trouvaient mal laise. Et juste titre. Quavez-vous fait de ma ville ? La voix de Lorgar tait un chuchotement sifflant, passant travers son faux sourire. Elle ntait pas assujettie. La patience de Malcador ralentissait ses mots. Cette culture, ce monde ntaient pas Menteur ! Blasphmateur ! Ils taient un modle dobissance ! Plusieurs Ultramarines staient maintenant mis reculer quelque peu, et Argel Tal les voyait se regarder lun lautre, en proie au doute. Un frmissement parut dans le rseau de transmission, o les Word Bearers relevaient les signaux des Ultramarines communiquant entre eux. Seul Guilliman demeurait impassible, car mme Malcador sen trouvait branl, les yeux carquills, les mains serres davantage sur son bton tandis que passait sur lui la colre du primarque. Lorgar Ils scandaient le nom de mon pre dans les rues ! Lorgar, ils Ils lhonoraient chaque lever de soleil ! Lorgar approcha encore, les yeux fous, points comme des rticules de vise sur le conseiller de son pre. Rponds-moi, humain. Justifie-moi cela, alors que des statues de lEmpereur ornaient chaque lieu de rassemblement ! Ils le vnraient. Malcador se redressa, en natteignant que la moiti de la taille des primarques. Ils le difiaient. Il leva les yeux vers Lorgar, guettant sur le visage dor du gant le signe que celui-ci avait compris. Nen trouvant aucun, il inspira de nouveau, et essuya de sa joue une gouttelette de la salive du primarque. Ils lhonoraient comme un dieu. Voil que tu plaides ma cause pour moi ? Lorgar lcha son crozius, le laissant tomber sur le sol bris avec un bruit sourd. Il regarda ses mains, dont les doigts taient crisps comme sil comptait sarracher les yeux. Tu Nous sommes l nous tenir sur les ruines de la perfection, et tu reconnais de toi-mme que cette cit a t anantie pour rien ? As-tu travers la galaxie pour me montrer que tu avais perdu ton fragile esprit de mortel ? Lorgar essaya nouveau le Sigillite, mais le reste des mots ne quitta jamais sa gorge. Malcador fut contraint au silence, projet de ct par le revers de la main de Lorgar. Tous les guerriers proches entendirent le claquement sec de ses os briss ; Malcador scrasa sur le sol pierreux vingt mtres de l, et sarrta aprs avoir roul dans la poussire. Face face avec son frre, Lorgar montrait les dents devant lexpression imperturbable de Guilliman. Pourquoi as-tu fait a ? On me la ordonn. Qui, cette larve ? Lorgar se mit rire, en tendant une main vers la silhouette tendue de Malcador. Ce vermisseau ? Le primarque des Word Bearers secoua la tte, et retourna en marchant vers ses propres guerriers. Je vais emmener ma lgion vers Terra. Jinformerai moi-mme notre pre de De cette folie. Il sait dj. La voix tait celle de Malcador. Celui-ci sappuya sur ses bras chancelants, ces mots ayant t pniblement prononcs par des lvres ensanglantes. Guilliman pencha la tte, et de ce mouvement infime, envoya deux de ses guerriers porter assistance au conseiller de lEmpereur. Malcador se releva, encore courb par la douleur, et dclina de la main le secours des Ultramarines. Il tendit le bras, et son bton jaillit du sol une dizaine de mtres de l pour revenir se plaquer prcisment au creux de sa paume. Quoi ? demanda Lorgar, doutant davoir bien entendu. Quas-tu dit ? Le premier des Seigneurs de Terra ferma les yeux, bless, accroch au bton de son office. Jai dit quil savait. Ton pre sait. Tu mens. Les dents de Lorgar se serrrent nouveau, son souffle se fit court. Tu mens, et tu as de la chance que je ne te tue pas pour ce blasphme. Malcador nargumenta pas. Il ferma les yeux, leva la tte vers le ciel, et parla sans un son. Chaque Word Bearer, chaque Ultramarine, chaque tre vivant dans un rayon de dix kilomtres entendit la voix psychique de lhomme lui traverser lesprit, tant sa puissance tait grande. +Il ne mcoutera pas, monseigneur.+ Lorgar se figea, deux doigts de baisser les mains vers le sol pour y ramasser son crozius. Le geste le plus expansif de Guilliman depuis son arrive fut de se dtourner de son frre dor, non pas de dgot comme Argel Tal le pensa dabord, mais sans aucune expression, en ne faisant que se protger la vue. Les yeux de Malcador demeurrent clos, le visage relev vers les cieux. Et les vaisseaux en orbite. Lorgar recula, articulant de faon muette : Non, non Comme si des mots silencieux avaient pu altrer le destin. Le monde sclaira dune explosion de lumire. Du dplacement dair rsulta un bruit voisin dun bang supersonique, mais ce ne fut pas l ce qui le fit reculer : Argel Tal avait dj vu employer la technologie de tlportation, et avait dj lui-mme voyag par ce mode de dplacement rare. Le bruit en fut filtr un niveau tolrable par les systmes perceptifs de son casque. Mais ce ntait pas la lueur brutale dune tlportation qui le forait dtourner les yeux. Elle aussi aurait t compense par les senseurs internes de son armure, qui auraient immdiatement assombri ses lentilles oculaires. Il tait aveugl. Aveugl par un or quil voyait brler comme du mtal en fusion. Sur la frquence sexclamrent des milliers de guerriers, donnant voix la mme affliction, mais les transmissions de ses frres taient touffes, moiti perdues dans lassaut dun bruit qui naurait pas d exister. La faute nen revenait pas au rseau de transmission ; le bruit montait dans sa tte, comme un grondement de vagues, assez sonore pour lui faire perdre lquilibre. Aveugle et presque assourdi, Argel Tal sentit son bolter lui glisser de la main. Toute sa force lui fut ncessaire pour demeurer debout. De tout cela, Lorgar Aurelian ne perut rien. Nulle lumire dor aveuglante, ni rugissement psychique assourdissant. Six silhouettes lui apparurent, rassembles devant lui, quil ne reconnut pas lexception dune seule. Derrire elles, les Ultramarines ntaient pas frapps de stupeur comme ltaient ses combattants, mais agenouills de faon ordonne. Seuls Guilliman et le Sigillite taient rests debout. Lorgar regarda nouveau vers les six. Les cinq inconnus entouraient en cercle la figure familire, et bien que le primarque ne les connt pas par leurs noms, il savait quelle tait leur caste. La richesse de leurs armures dor minutieusement labores. Des capes dun rouge royal drapes sur leurs paules. De longues hallebardes acheves par de pesantes lames dargent, empoignes par des mains qui jamais ne trembleraient. Les Custodiens, gardiens de lEmpereur. Lorgar contempla le sixime personnage, qui ntait quun homme. Malgr la vigueur de la jeunesse, les plissures de lge marquaient le passage du temps sur ces traits svres et doux tout la fois. Lapparence de ce visage dpendait entirement de la facette sur laquelle chacun concentrait son attention. Il tait un homme vieillissant, fatigu, et une statue hroque immortalise dans la fleur de lge. Un jeune seigneur de guerre grimaant, aux yeux froids, et un ancien dconcert, au bord de pleurer. Lorgar se concentrait prsent sur ce regard, o se voyait lamour chaleureux, cach dans la confiance bienveillante. Lhomme cligna lentement des yeux. Lorsquils se rouvrirent, la froideur de la dception se mlant au dgot les avait rendus glacials. Lorgar, dit lhomme. Sa voix tait calme mais forte, perdue dans un panorama indchiffrable entre la haine et la tendresse. Pre, dit Lorgar lEmpereur de lHumanit.

QUATRE

QUATREUne Lgion sAgenouille Si Ultramar Brlait GriseLa vue lui revint, bannissant la sensation grotesque de son impuissance. Une telle motion tait un interdit, qui parcourut la peau dArgel Tal tel un millier de pattes dinsectes. Il parvint regarder au travers de ses oculaires assombris, voir une silhouette gigantesque, prise au milieu dune couronne de douloureuse lumire blanche. Les guerriers posts autour de cette forme, revtus darmures dor et de capes, tenaient leurs lances uniques avec laisance ne de lhabitude. Tous avaient la taille des Astartes, et aucun Astartes ne pouvait manquer de les reconnatre. Des Custodes, russit-il prononcer entre ses mchoires crispes par lintensit de la lumire. Ce balbutia Xaphen. Cest Je sais bien. Argel Tal exhala ses mots travers ses dents serres. Et ce fut alors que la voix le percuta, les percuta tous, comme une vague de force invisible. + genoux+ murmura-t-elle avec la puissance dun coup de marteau en plein front. Il ntait pas possible de lui rsister. Les muscles de la lgion ragirent instantanment, quel queut pu tre le nombre de curs lutter pour ne pas obir. Ceux dArgel Tal taient du nombre. Cette voix ne leur demandait pas de la fidlit, ni de la dvotion, ni du respect, mais les prenait en esclavage, et ses instincts se rebellrent contre lobissance force, alors mme que son corps sexcutait. Par dcret imprial, cent mille Word Bearers sinclinrent au-dessus de la poussire de la cit parfaite. Une lgion entire se trouva genoux. Lorgar regarda par-dessus son paule, contemplant comme la surface dune mer le paysage de ses guerriers agenouills. Des flammes vacillaient dans ses yeux lorsquil reporta son regard sur lEmpereur. Pre amora Lorgar, mais lhomme secoua la tte. genoux, dit-il. Des cheveux sombres encadraient son visage sans ge, de la mme couleur que lombre brune sur les joues de Lorgar ; tel pre, tel fils. Quoi ? stonna le primarque. Il regarda au-del de lEmpereur, vers Guilliman, la posture droite et fire. Quand son regard revint sur son pre, il passa sur ses yeux la pulpe de ses doigts, comme pour en essuyer la trace dune divagation lancinante. Pre ? Agenouille-toi, Lorgar. Argel Tal regarda, la bouche toujours crispe, Lorgar sabaisser sur un genou. Ses instincts premiers sestompaient prsent, remplacs par la raison et le confort de la foi. Sagenouiller devant lEmpereur-Dieu ntait que juste. Il exhorta ses curs ralentir, malgr linsulte inexprime que son dieu lui avait faite en le contraignant sabaisser. La colre rebelle refit surface peine un instant plus tard, en une pousse cuisante dadrnaline, lorsque les Ultramarines se relevrent sur lordre de Guilliman, et quil les vit les observer, en sentant leurs regards le transpercer tandis que lui se trouvait prostern devant eux. Une des lgions se tenait debout en prsence de lEmpereur, avec la bndiction dun primarque ; une autre se tenait agenouille sur les ossements dune ville dfunte. Cet instant contenait en lui le reflet dune dizaine dautres, car les Word Bearers lavaient observ bien des fois, sous des ciels trangers. Les lgions habites de moins de discipline ou de bonne grce pouvaient bien se marteler le poitrail ou hurler la lune lorsquune plante se trouvait soumise, mais parmi les fils de Lorgar, la victoire se devait dtre clbre par la rvrence et la dignit. Les guerriers triomphants sagenouillaient alors au cur de la cit vaincue, pour entendre les paroles de leurs chapelains. Le rite de commmoration. Lheure de garder en mmoire le sacrifice des frres tombs, et de rflchir sur sa place au sein de la Parole. Argel Tal sentait la sueur peindre des tranes froides sur ses tempes et ses joues. Un tremblement menaait de semparer de lui, alors que ses muscles infidles se verrouillaient dans des crampes douloureuses. Les joints de son armure vibraient dune nergie prisonnire, le forant endurer cette perversion du rituel le plus sacr de la lgion. La voix revint. Et cette fois, pour donner les rponses que la XVIIe lgion dsirait tant. Lorgar fixait le visage insondable de son pre, et lEmpereur parla. Tu es un gnral, mon fils. Pas un prtre. Tu as t cr pour la guerre, pour les conqutes, pour runir la race humaine sous lgide de la vrit. Je Non. LEmpereur ferma les yeux, et une image de Monarchia telle que celle-ci avait exist, lumineuse et glorieuse, vint emplir lesprit de Lorgar. Ceci est de lidoltrie, dit lEmpereur. Un poison pour la vrit. Tu leur as parl de moi comme dun dieu, et tu forges ce faisant des mondes qui souffrent sous lemprise du seul mensonge avoir rgulirement amen lHumanit au bord de lextinction. Ces gens sont heureux Ces gens sont dans lerreur. Ces gens se morfondront quand leur foi se rvlera due. Mes mondes sont loyaux. Lorgar ntait plus agenouill ; il se releva, et sa voix sleva avec lui. Ma lgion a faonn les mondes les plus farouchement loyaux votre Imperium ! +Ce nest pas mon Imperium+ Les mots percutrent lesprit dArgel Tal comme une rafale de bolter. Pendant un instant atroce et bref, il interrogea son affichage rtinien afin de vrifier ses constantes vitales, avec la certitude dtre en train de mourir, et serait tomb genoux sil ne sy tait dj trouv. +LImperium est celui de lhomme. Lempire de lHumanit, claire et sauve par la vrit+ Cette fois, il entendit la rponse de Lorgar. Je nai profr aucun mensonge. Vous tes un dieu. +Lorgar+ Je refuse de devoir mastreindre au silence parce que vous naimez pas la rsonance dun simple mot. Un millier de mondes gravitent dans votre poigne. Par votre volont, un million de vaisseaux sillonnent le vide. Vous tes immortel, ternel, vous voyez tout et savez tout ce qui transpire dans toute la cration. Pre, vous tes un dieu en toute chose, sauf par le nom ; il ne vous reste qu ladmettre. +LORGAR+ La voix monta alors tel un vritable mur de pression, dense et bien trop tangible. Son nergie frappa Argel Tal comme les manations de la pousse dun racteur, faisant chauffer son armure et le jetant au sol. Autour de lui, il vit ses frres trans terre par le souffle, leurs armures crissant sur la poussire. Dfiant le cyclone dnergie invisible, les parchemins dcriture sarrachant de son armure, Lorgar levait la main pour pointer le doigt vers son pre. Vous tes un dieu. Dites-le et mettez un terme cette hypocrisie. LEmpereur secoua la tte, non en signe de dfaite, mais de calme refus. Tu es aveugle, mon fils, de taccrocher des perceptions anciennes et de nous mettre ainsi tous en danger. Mettons fin cela, Lorgar. Mettons fin cela et accepte dentendre mes paroles. Le vent psychique mourut dans un claquement de tonnerre. Lorgar se tint debout l o il se trouvait, tremblant pour des raisons que ses guerriers ne pouvaient discerner. Du sang lui coulait par une oreille, en une lente trane le long des tatouages de son cou. Je vous coute, pre, dit-il. Le septime capitaine se remit sur ses pieds, en chancelant une fois, et en se redressant avant que les stabilisateurs de son armure neussent compenser. Il fut parmi les premiers Word Bearers se remettre debout. Les autres luttaient toujours, en appui tremblant sur leurs mains et leurs genoux, ou aux prises avec leurs spasmes musculaires, dans la poussire que perturbait lagitation de leurs membres. Argel Tal aida Xaphen se relever, recevant en retour un grognement de gratitude. +Word Bearers, prtez-moi attention. Vous, parmi toutes mes lgions, tes coupables de mavoir failli. Vous comptez plus de guerriers quaucune autre, lexception de la XIIIe. Vos conqutes sont pourtant les plus lentes, et vos victoires rsonnent dun bruit creux+ Il lui tait par trop douloureux de regarder directement vers la silhouette de lumire dore, ceinte dun halo coruscant de feu psychique, leur disant dune voix de foudre que leurs vies avaient t gches. +Pendant des annes, la suite de vos victoires finales, vous vous tes attards sur les mondes conquis, encourager la population dans le culte dune foi errone, riger des rites sur la navet et la duperie, dresser des monuments mensongers. Tout ce que vous avez accompli dans la Grande Croisade la t en vain. Tandis que dautres ont russi et ont apport lImperium la prosprit, vous seuls mavez failli+ Lorgar reculait loppos de la grande figure, en ne levant que maintenant les bras devant lui pour se protger de sa radiance. +Faites la guerre ainsi que vous ftes engendrs pour la faire. Servez lImperium comme vous tes ns pour le faire. Emportez avec vous la leon que vous avez apprise ici aujourdhui. Vous tes agenouills dans les ruines de ce qui fut le terme dun mauvais chemin. Que cela marque la renaissance de votre lgion+ Le primarque parvint articuler un faible Pre , mais celui-ci se perdit dans le vide. Un nouveau bang sonique, un nouveau dplacement dair signrent le retour de lEmpereur vers lorbite. Les Ultramarines restrent, regarder les Word Bearers agenouills, tremblants, dans un silence absolu. Les Custodiens se tenaient aux cts de Guilliman, alors que le primarque conversait avec leur chef apparent, dont le casque arborait une crte dun rouge rpondant celui de sa cape. Argel Tal voyait Kor Phaeron se lever avec une lenteur douloureuse, bien que son armure Terminator lui rendt la tche plus facile grce aux servomoteurs grognants de ses articulations. Ni lui ni Xaphen noffrirent de laider. Tous deux se dirigrent vers le primarque. Alors que les Word Bearers peinaient se relever, Lorgar pouvait enfin scrouler genoux. Le fils dor de lEmpereur balayait du regard la cit environnante comme sil nen reconnaissait rien, sans