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2 [TEC 216] octobre-décembre 2012 Et ailleurs ? Quelles tendances ? La mobilité en Amérique du Nord en 2030 : quelques éléments de prospective Et ailleurs ? Quelles tendances ? Quelle mobilité en 2030 ? Rappelons tout d’abord que le secteur des transports est – avec l’industrie et l’habitat – un des plus grands consommateurs d’énergie. Mais il a besoin d’une énergie transformée (essence, électricité…), et c’est pourquoi les politiques énergétiques ont une si grande influence : on rappellera quelques éléments qui montre combien l’Amérique du Nord est différente de l’Europe. Cet aspect est d’autant plus important que le secteur de l’éner- gie a traditionnellement un poids politique très important et conditionne plusieurs choix sociétaux fondamentaux, notamment d’ordre économique et écologique, modelant du même coup notre vision du futur. Dans un deuxième temps, nous nous intéresserons aux infras- tructures de transport : l’inertie que représentent ces immenses constructions explique aussi certains choix et une vision quoti- dienne des déplacements. La situation devient à première vue quelque peu paradoxale avec les acteurs « dématérialisés » de la mobilité, puisque l’Amérique du Nord concentre la majorité des acteurs créateurs de la mobilité virtuelle sur Internet. Résumer la mobilité à ces quelques aspects est certainement très réducteur, mais les auteurs – plus spécialistes des véhicules intelligents et électriques que de la mobilité dans son ensemble – souhaitent surtout offrir dans ce numéro des repères et des directions de ce que pourrait être la mobilité en Amérique du Nord en 2030, afin d’amener les lecteurs à se questionner, à travers cette esquisse, sur tout ce à quoi touche la mobilité et que révèle un exemple assez éloigné de nos modèles européens. Situation géopolitique du secteur énergétique en Amérique du Nord Loin d’être homogène, l’Amérique du Nord, constituée du Canada, des États-Unis et du Mexique, renferme de nombreuses régions dont les cultures sont différentes et influencées par la présence ou non de ressources naturelles énergétiques impor- tantes. Les stratégies adoptées en matière de transport et de mobilité n’échappent donc pas aux contraintes géopolitiques, en particulier celles du secteur de l’énergie. X Au Canada Le Canada est connu pour son climat nordique, sa très faible densité démographique globale (au Québec seulement on retrouve un ratio de 1/50e de la densité de la France), de ses nombreuses ressources naturelles dans tous les secteurs primaires et de sa très grande superficie (le Québec seul fait environ 5 fois la France). Le paysage québécois de l’énergie est caractérisé principalement par la domination de l’hydroélectricité (outre ceux de la Chine, Hydro-Québec détient quelques-uns des plus gros barrages au monde, notamment ceux de la Baie James) et de l’éolien (les parcs d’éoliennes sont concentrés principalement en Gaspésie et sur la Côte Nord), par une absence de l’énergie nucléaire et du charbon ainsi qu’une modeste industrie pétrolière : raffine- ries présentes à Montréal et à Québec, mais aucun site d’exploi- tation pétrolier à ce jour. Actuellement, le pétrole de l’Est du Canada incluant le Québec est importé principalement de l’Algérie. Mais cette situation pourrait changer. Récemment, on Pr. Arnaud de LA FORTELLE Directeur du Centre de Robotique. Mines ParisTech, France Pr. Denis GINGRAS, Dr Ing. Département de génie électrique et génie informatique Université de Sherbrooke, Québec, Canada C et article s’intéresse à ce que pourrait être la mobilité d’ici une vingtaine d’années en Amérique du Nord, recouvrant trois immenses pays : États-Unis, Canada et Mexique. Ces deux premiers pays – respectivement les troisième et deuxième plus grands pays en taille – représentent un pôle économique mondial dominant et tous trois sont animés d’une dynamique sociale que l’Europe ne connaît pas. On le voit clairement : les questions de mobilité, même si elles partagent les mêmes grandes problématiques qu’en Europe et en France, n’y ont pas du tout les mêmes connotations. La taille, la démographie et les ressources naturelles changent fondamentalement la perception du problème ; de plus la tradition libérale propose d’autres modèles économiques que les nôtres ; il s’ensuit une gouvernance et des politiques, assez différentes de ce que l’Europe bâtit. Nous souhaitons brosser ici une esquisse de la mobilité en Amérique du Nord en 2030, non pas comme une photographie de ce qui sera, mais comme une toile impressionniste de ce qui pourrait advenir, par touches ponctuelles offrant quelques éclairages sur des sujets précis où les différences (ou similarités) entre Europe et Amérique nous paraissent illustrer les tendances à venir.

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La mobilité en Amérique du Nord en 2030 :

quelques éléments de prospective

Et ailleurs ? Quelles tendances ?Quelle mobilité en 2030 ?

Rappelons tout d’abord que le secteur des transports est – avec l’industrie et l’habitat – un des plus grands consommateurs d’énergie. Mais il a besoin d’une énergie transformée (essence, électricité…), et c’est pourquoi les politiques énergétiques ont une si grande infl uence : on rappellera quelques éléments qui montre combien l’Amérique du Nord est différente de l’Europe. Cet aspect est d’autant plus important que le secteur de l’éner-gie a traditionnellement un poids politique très important et conditionne plusieurs choix sociétaux fondamentaux, notamment d’ordre économique et écologique, modelant du même coup notre vision du futur.

Dans un deuxième temps, nous nous intéresserons aux infras-tructures de transport : l’inertie que représentent ces immenses constructions explique aussi certains choix et une vision quoti-dienne des déplacements. La situation devient à première vue quelque peu paradoxale avec les acteurs « dématérialisés » de la mobilité, puisque l’Amérique du Nord concentre la majorité des acteurs créateurs de la mobilité virtuelle sur Internet.

Résumer la mobilité à ces quelques aspects est certainement très réducteur, mais les auteurs – plus spécialistes des véhicules intelligents et électriques que de la mobilité dans son ensemble – souhaitent surtout offrir dans ce numéro des repères et des directions de ce que pourrait être la mobilité en Amérique du Nord en 2030, afi n d’amener les lecteurs à se questionner, à travers cette esquisse, sur tout ce à quoi touche la mobilité et que révèle un exemple assez éloigné de nos modèles européens.

Situation géopolitique du secteur énergétique en Amérique du Nord

Loin d’être homogène, l’Amérique du Nord, constituée du Canada, des États-Unis et du Mexique, renferme de nombreuses régions dont les cultures sont différentes et infl uencées par la présence ou non de ressources naturelles énergétiques impor-tantes. Les stratégies adoptées en matière de transport et de mobilité n’échappent donc pas aux contraintes géopolitiques, en particulier celles du secteur de l’énergie.

X Au Canada

Le Canada est connu pour son climat nordique, sa très faible densité démographique globale (au Québec seulement on retrouve un ratio de 1/50e de la densité de la France), de ses nombreuses ressources naturelles dans tous les secteurs primaires et de sa très grande superfi cie (le Québec seul fait environ 5 fois la France).Le paysage québécois de l’énergie est caractérisé principalement par la domination de l’hydroélectricité (outre ceux de la Chine, Hydro-Québec détient quelques-uns des plus gros barrages au monde, notamment ceux de la Baie James) et de l’éolien (les parcs d’éoliennes sont concentrés principalement en Gaspésie et sur la Côte Nord), par une absence de l’énergie nucléaire et du charbon ainsi qu’une modeste industrie pétrolière : raffi ne-ries présentes à Montréal et à Québec, mais aucun site d’exploi-tation pétrolier à ce jour. Actuellement, le pétrole de l’Est du Canada incluant le Québec est importé principalement de l’Algérie. Mais cette situation pourrait changer. Récemment, on

Pr. Arnaud de LA FORTELLEDirecteur du Centre de Robotique. Mines ParisTech, France

Pr. Denis GINGRAS, Dr Ing.Département de génie électrique et génie informatiqueUniversité de Sherbrooke, Québec, Canada

C et article s’intéresse à ce que pourrait être la mobilité d’ici une vingtaine d’années en Amérique du Nord, recouvrant trois immenses pays : États-Unis, Canada et Mexique. Ces deux premiers pays – respectivement les troisième et deuxième plus grands pays en taille

– représentent un pôle économique mondial dominant et tous trois sont animés d’une dynamique sociale que l’Europe ne connaît pas. On le voit clairement : les questions de mobilité, même si elles partagent les mêmes grandes problématiques qu’en Europe et en France, n’y ont pas du tout les mêmes connotations. La taille, la démographie et les ressources naturelles changent fondamentalement la perception du problème ; de plus la tradition libérale propose d’autres modèles économiques que les nôtres ; il s’ensuit une gouvernance et des politiques, assez différentes de ce que l’Europe bâtit.Nous souhaitons brosser ici une esquisse de la mobilité en Amérique du Nord en 2030, non pas comme une photographie de ce qui sera, mais comme une toile impressionniste de ce qui pourrait advenir, par touches ponctuelles offrant quelques éclairages sur des sujets précis où les différences (ou similarités) entre Europe et Amérique nous paraissent illustrer les tendances à venir.

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la conception, la construction et l’exploitation en 2012 d’une usine de production d’électricité et d’hydrogène alimentée au charbon qui ne produirait presque aucune émission polluante. Le lobbying des grandes industries du charbon et du pétrole est beaucoup plus important aux États-Unis qu’au Canada. Ce puissant lobbying via de grandes campagnes publicitaires et des « études » financées par l’industrie du charbon a amené la population à croire aux avancés technologiques du « Clean Coal ». Il va sans dire que cette croyance est très contestée par les mouvements écologistes, puisqu’aucun résultat probant n’a été obtenu à ce jour.L’hydroélectricité est à peu près inexistante aux États-Unis (sauf en Alaska). Du côté des énergies alternatives, les éoliennes sont davantage présentes sur les côtes Pacifique (états de Washing-ton, Oregon, nord de la Californie) et de l’Atlantique (Caroline du Nord, Virginie). Des projets importants sont en cours visant une exploitation de l’énergie solaire dans les états du sud (Texas, Arizona, Nouveau Mexique).

X Au Mexique

Le Mexique, très différent des États-Unis et du Canada de par sa culture latine et sa dynamique économique, dispose d’une situation énergétique particulière qui dépend presqu’exclusi-vement de ses ressources pétrolières à l’instar du Venezuela ou de l’Algérie. En effet, la découverte et la mise en exploita-tion du complexe pétrolifère de Cantarell, au large du Yucatán, aura permis au Mexique de devenir un des grands producteurs mondiaux d’or noir depuis les années 1970. Le gisement de Cantarell n’est toutefois pas de la taille des champs pétroliers d’Arabie Saoudite. Il est maintenant en production décroissante et sera bientôt à sec. L’autre grand gisement mexicain, le gisement voisin de KMZ, le suivra sous peu dans cette décrois-sance, probablement d’ici l’an prochain. Le Mexique aura donc, selon toute vraisemblance, atteint ou même dépassé son pic pétrolier.L’industrie pétrolière mexicaine pourrait ainsi se retrouver sous peu en voie de s’éteindre. Le pays devra donc dans les prochaines années penser à une restructuration de ses moyens de produc-tion énergétique basée sur une diversification. Or les difficultés économiques et sociales du pays rendent cette transition difficile. En effet, le virage vers les énergies renouvelables offrirait l’avan-tage d’une sécurité énergétique accrue, découlant de la diver-sification du portefeuille énergétique, et de faibles frais d’exploitation, mais il nécessiterait une vaste transformation des infrastructures de production et de distribution, de la réglemen-tation, des procédures de passation des marchés publics, de la culture d’affaires et des habitudes de consommation, ce qui, pour bien des Mexicains, demeure insurmontable. Pourtant, le Mexique bénéficie d’un potentiel important dans le domaine des énergies renouvelables. Les sites éoliens de l’isthme de Tehuantepec, à peine exploités, sont parmi les plus performants au monde. L’ensemble du pays recèle un potentiel théorique de plus de 40 000 MW. De plus, parler d’un potentiel de res-sources d’énergie solaire dans le cas du Mexique est une tau-tologie. À cela s’ajoute le potentiel d’énergie géothermique, les ressources hydrauliques, de même que la mise en valeur de la biomasse.Mais le lobbying de l’industrie mexicaine n’est pas mort, loin de là. Les intérêts économiques actuels qui poussent le déve-

a découvert d’importantes quantités de pétrole sous l’île d’An-ticosti (actuellement un parc naturel québécois) dans le Golfe du St-Laurent au Québec. Cette découverte pourrait amener une modification importante du rôle du Québec sur l’échiquier de l’industrie pétrolière mondiale.Par ailleurs, le projet de construction d’un pipeline entre l’Alberta de l’Ouest canadien, producteur de pétrole important grâce à ses sables bitumineux, et l’Est du continent Nord-Américain, pourrait également changer de façon importante la stratégie d’importation pétrolière des régions de l’Est (maritimes, Québec, Ontario, Nouvelle-Angleterre aux USA) envers le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.Alors que l’hydroélectricité domine au Québec, l’Ontario, faible en ressources hydraulique, s’est tournée principalement vers le nucléaire. Les coûts prohibitifs de cette industrie amènent d’ail-leurs de grands défis économiques et écologiques à cette pro-vince.L’Alberta est le « Texas » du Canada. Jusqu’à récemment, l’exploi-tation des sables bitumineux était trop coûteuse par rapport aux méthodes de production pétrolières traditionnelles pour être compétitive. Aujourd’hui et fort probablement dans les prochaines décennies, les sables bitumineux joueront un rôle de plus en plus important dans la production de pétrole en Amérique du Nord. Sa capitale Calgary est en plein essor éco-nomique depuis plusieurs années et sa croissance ne fléchit pas. Il est à noter cependant que l’extraction du pétrole de ces sables bitumineux demande une quantité importante d’eau et de chaleur, et demeure encore aujourd’hui une industrie passable-ment polluante. De plus, l’exploitation des gaz naturel et de schiste aux USA risquent encore de changer la donne. La partie n’est pas encore gagnée tout à fait pour l’Alberta.

X Aux États-Unis

La densité de population américaine est nettement supérieure à celle du Canada (environ un facteur dix). Sa superficie est légèrement inférieure et son climat nettement plus tempéré et désertique. Le domaine de l’énergie se caractérise par une domination de l’énergie thermique (charbon) et du pétrole. Les États-Unis produisent un milliard de tonnes de charbon annuellement et 50 % de l’électricité américaine dépend du charbon. Le charbon a été souvent perçu comme le combustible du XIXe siècle. Il représente cependant une source d’énergie abondante et bon marché, et c’est un combustible de choix dans bien des pays en voie d’industrialisation rapide, comme la Chine et l’Inde. Le charbon tombe toutefois en disgrâce en Amérique du Nord et presque partout en Europe pour des raisons écologiques. La réglementation environnementale actuelle, de plus en plus rigoureuse, encourage invariablement le remplacement du charbon par le gaz naturel et d’autres sources d’énergie moins polluantes. Cependant, ces dernières années, la montée en flèche et l’instabilité du prix du gaz naturel sur les marchés mondiaux de l’énergie, de même que l’évolution relativement lente des technologies des énergies renouvelables, ont ravivé l’intérêt pour le charbon aux États-Unis. Les pouvoirs publics et l’industrie de ce pays investissent dans les technologies dites du « Clean Coal », le charbon soi-disant « vert » ou « charbon propre » qui serait non polluant. Le gouvernement des États-Unis est à la tête de FutureGen, un projet de recherche de 1,5 milliard de dollars américains visant

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justifier de plus grands investissements dans leur industrie. On peut donc se poser la question de savoir si une voiture tout électrique aux États-Unis sera véritablement « propre » dans ces circonstances.

X Tendance vers les voitures hybrides

Tout porte à croire que les véhicules hybrides rechargeables seront la voie d’avenir à court et à moyen terme en ce qui concerne l’électrification des transports routiers en Amérique, ce qui représente le principal changement potentiel en terme de mobilité, compte tenu de l’hégémonie de l’automobile dans les transports. Les principaux constructeurs américains et japo-nais, fort présents aux États-Unis, délaissent actuellement leurs modèles tout électriques et dirigent leurs efforts dans la direction des voitures hybrides rechargeables. Pour la seule année 2013, trois nouveaux modèles seront offerts en version rechargeable. Selon plusieurs experts, ce sera la tendance lourde observée durant les 20 prochaines années, On estime que les voitures tout électriques vont représenter à peine plus de 10 % à 15 % du marché des véhicules rechargeables, même en 2030. Les ventes de véhicules tout électriques ne sont pas au rendez-vous, si on compare avec celles des voitures électriques « à autonomie prolongée », comme la « Chevrolet Volt » de General Motors. Alors que GM se concentre sur les véhicules hybrides rechargeables, Ford, pour sa part, hésite à commercialiser la « Ford Focus » tout électrique. Il est probable que Ford décide de mettre l’accent sur sa « C-Max Energi » hybride rechargeables, tout en mettant sa « Focus » en veilleuse. Le fait que les voitures hybrides rechar-geables et les voitures électriques avec un prolongateur d’auto-nomie à essence comme la « Chevy Volt » se vendent trois à quatre fois plus que les voitures tout électriques, alors que l’écart entre les deux continue de s’accentuer, n’est sans doute pas étranger à cette prise de position. D’autres constructeurs auto-mobiles dans le monde tels que Toyota et Volkswagen, ont décidé de délaisser les modèles du type tout-électrique.Les constructeurs américains travaillent actuellement sur deux fronts. D’une part, ils développent les architectures hybrides rechargeables et d’autre part, ils développent les technologies des batteries. Cette désaffection pour les voitures tout électrique au profit des hybrides rechargeables s’explique en grande partie par l’insécurité des conducteurs attribuable à l’autonomie réduite et à la peur de tomber en panne. L’idée principale derrière la construction et la vente de voitures hybrides et électriques « à autonomie prolongée » est de réduire l’anxiété ressentie lorsqu’on conduit un véhicule tout électrique, ne sachant pas de façon précise le nombre de kilomètre permis par le véhicule avec sa charge actuelle. Ce stress est d’autant plus élevé que les distances à couvrir sont grandes dans des territoires où la densité de population est faible. Malgré ce regain de popularité des voitures hybrides rechargeables, celles-ci ne ralentiront pas l’électrification du transport routier. L’autonomie électrique limitée actuelle des voitures hybrides rechargeables n’est que passagère et essentiel-lement attribuable à l’immaturité et au coût élevé des batteries. Rapidement, nous devrions voir des blocs batterie ayant une autonomie de 40 km à 80 km, voire même de 100 km et qui permettront de répondre aux différents besoins du marché.

Or malgré cette tendance, la bataille pour l’électrification des véhicules n’est pas entièrement gagnée. Tout récemment,

Source : Rapport synthèse de l’IEA

loppement des filières pétrolières et gazières sont très concrets. Toute une infrastructure de transformation et de distribution des hydrocarbures est déjà en place au Mexique et ne cherche qu’à être davantage rentabilisée. L’expertise mexicaine dans ces filières qui a été chèrement développée jusqu’ici ne demande elle aussi qu’à être mise à contribution au développement de l’économie du pays. Finalement, il ne faut pas oublier la forte pression du marché américain qui a grandement besoin de ce pétrole bon marché et qui alimente les producteurs pétroliers américains des états du Sud. Par ailleurs, l’électrification des voitures n’est pas une priorité pour le Mexique, d’autant plus que le réseau électrique n’est pas vraiment suffisamment fiable et développé pour assurer une distribution adéquate de bornes de recharge à travers le pays. Les infrastructures routières sont peu développées. Quelques autoroutes à péage traversent le pays mais sont trop coûteuses pour être utilisées par la majorité de la population.

Énergie et transports

On l’a vu, l’accès à des ressources énergétiques abondantes est un facteur clef en Amérique du Nord, variant considérablement selon la région : il faut considérer chaque cas et concilier l’hétérogénéité de l’ensemble. C’est certainement à la fois une chance – puisque l’Amérique du Nord peut réellement choisir – mais aussi une source de tension du fait de puissants lobbys visant à biaiser les choix. La présence de ces lobbys n’est certes pas une nouveauté, et le choix historique du tout-automobile aux États-Unis en est une illustration. Historiquement, les Big Three ont fait pression par tous les moyens pour amener le pays à un taux fabuleux de déplacement en voiture de 97 %, en parfaite concordance avec les intérêts des secteurs pétrolier et automobile.Il ne faudrait pourtant pas considérer ces choix uniquement comme relevant de l’arbitraire de capitalistes avides. La géo-graphie et les ressources rendent ces choix pertinents d’un point de vue économique et sociétal. L’étendue du continent oriente les voyageurs vers le transport aérien pour les longues distances. Les distances sont souvent trop grandes et la densité de population trop faible pour les trains de passagers à l’excep-tion des trains de banlieue qui sont bien développés. Notons qu’à ce jour, les locomotives fonctionnent presque exclusivement au diesel et que le train en Amérique du Nord est surtout utilisé pour le transport des marchandises : il y a très peu de voies ferroviaires électriques en Amérique du Nord. D’ailleurs, à l’exception du Mexique où le diesel est davantage présent, les voitures propulsées au moteur diesel sont pratiquement absentes des paysages canadiens, québécois et états-uniens (à l’exception de VW). Ceci contraste fortement avec certains pays européens comme la France qui a longtemps misé sur cette filière.On le voit, pratiquement tous les transports (automobile, train, bateau, avion) dépendent aujourd’hui des hydrocarbures. Mais la politique énergétique – en particulier aux États-Unis – rend certains choix « propres » plus polémiques. Le développement de l’industrie de l’automobile tout électrique ou hybride rechar-geable a des effets inattendus sur d’autres secteurs de l’énergie aux États-Unis. En effet les lobbyistes du charbon et du nucléaire utilisent la croissance de la consommation électrique provenant du transport, et en particulier des voitures électriques, pour

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fossiles que prévus et ils comptent bien en « profiter ». Ajoutons à cela qu’on prévoit que la consommation de carburant des véhicules légers traditionnels va s’améliorer de façon importante dans les 15 prochaines années, on comprend mieux pourquoi l’EIA prévoit une mobilité électrique plutôt anémique, même en 2040. Cette situation nous fait mieux comprendre également les craintes de l’industrie des sables bitumineux de l’Alberta au Canada qui voient leur unique client étranger actuel avoir moins d’intérêt pour leur produit, d’où leur empressement à achemi-ner leur pétrole synthétique vers les deux océans, via des oléo-ducs, malgré les dangers environnementaux potentiels qui en découlent. Au Québec, la population et le gouvernement sont très préoccupés par l’exploitation des gaz de schistes par frag-mentation hydraulique. Il y a actuellement un moratoire sur cette technique d’exploitation au Québec, malgré la présence importante de réserve de GNL inexploitée. Les Québécois sont très conscients de leur immense richesse en eau, notamment en eau potable. Ils ne veulent pas mettre en péril les nappes phréatiques sans une connaissance approfondie des impacts d’exploitation par fragmentation hydraulique.Les Américains s’enlignent donc vers une politique globale du type « Business as usual », puisque c’est ce qui est le plus facile à réaliser pour le gouvernement et le plus payant pour les grandes firmes de la filiale des hydrocarbures. En effet, l’IEA prédit qu’en 2040, 79 % de l’énergie des étatsuniens proviendrait des car-burants fossiles, versus 82 % aujourd’hui. Donc pas de change-ments notables. Les énergies renouvelables ne compteraient que pour 13 % (incluant les barrages hydroélectriques) et l’énergie nucléaire serait encore un peu plus importante en 2040 (9 %) qu’aujourd’hui (8 %). D’un point de vue de la mobilité, considérant cette politique d’« autonomie énergétique » états-uniennes, le transport terrestre demeurera donc basé essentiel-lement sur le pétrole et le gaz naturel en Amérique du Nord encore au moins pour les vingt prochaines années.

Mobilité et organisation des transports

X Influence du Web et des réseaux sociaux sur la mobilité en Amérique du Nord

Bien qu’une forte majorité des grandes firmes du monde de la mobilité virtuelle se trouvent en Amérique du Nord (Microsoft, IBM, Intel, Apple, Google, Facebook, Yahoo, RIM, etc.), il est peu probable que les nord-américains veulent sacrifier leur mobilité physique et individuelle au détriment d’un accroisse-ment des capacités de communications et d’accessibilité à l’information. Certains efforts de valorisation du travail à domi-cile ou décentralisé ainsi que du covoiturage sont déployés,

Production US de pétrole brut de 1990 à 2040 en millions de barils de pétrole par jour. Source : Rapport synthèse de l’IEA.

l’Energy Information Administration (EIA) des États-Unis a publié une version abrégée et préliminaire de son « Annual Energy Out-look » [1], dont la version finale et intégrale sera disponible au printemps 2013. On y trouve des « prédictions » surprenantes, comme le fait qu’en 2040 moins de 1 % des nouveaux véhicules légers vendus aux États-Unis seront tout électrique, et qu’à peine

10 % à 12 % seront des hybrides ordinaires ou rechargeables. Cette vision conservatrice de la mobilité électrique s’appuie principalement sur les promesses de la technologie de fractu-ration hydraulique qui est considérée par plusieurs comme étant dangereuse pour la pollution des nappes phréatiques. Cette technologie a été mise en chantier depuis quelques années pour extraire le pétrole dans les formations étanches du sol d’où le nom « tight oil », dont notamment les pétrole et gaz de schistes. En effet, alors qu’il y a 5 ou 6 ans la production état-sunienne de pétrole semblait s’aligner vers une décroissance inéluctable et problématique, le graphique ci-dessous, tiré du document de l’EIA qui vient de paraître, nous montre le chan-gement de cap anticipé désormais dans la production de pétrole aux USA. La nouvelle composante « tight oil » ferait en sorte que la production de pétrole augmenterait du tiers d’ici 2017 aux États-Unis pour redescendre par la suite. Selon ce scénario, les importations de pétrole des États-Unis se réduiraient à 37 % en 2035 alors qu’elles étaient de 60 % entre 2005 et 2007. Elles sont de 45 % aujourd’hui. Par ailleurs, toujours selon l’EIA, la production de gaz naturel aux États-Unis est également en forte croissance due au gaz de schistes et au gaz naturel issu d’autres formations étanches « tight gas ». Ces nouvelles sources de gaz, qui font appel à la fracturation hydraulique, constituent déjà, en 2012, plus de 50 % de la production de gaz naturel aux États-Unis. On estime également que la production totale de gaz naturel devrait même augmenter de 50 % d’ici 2040. Ces prévisions basées sur la technologie récente par fracturation hydraulique nécessitent de nouveaux marchés de consomma-tion. C’est ainsi qu’on retrouve dans la version abrégée et préliminaire du « Annual Energy Outlook » [1] que l’équivalent de 0,7 million de barils de pétrole par jour en gaz naturel devraient remplacer le pétrole dans le secteur du transport des marchan-dises, en visant particulièrement les camions lourds et les trains routiers. C’est environ 15 % de l’énergie consommée par le transport routier de marchandise aux États-Unis. Le site « Hybrid Cars » [2] a d’ailleurs indiqué récemment que la compagnie Clean Energy vient de compléter la première phase de l’implan-tation d’une infrastructure de distribution de gaz naturel liqué-fié pour les camions lourds. Soixante-dix stations-services sont désormais opérationnelles aux États-Unis, et 80 autres stations

seront construites d’ici la fin 2013, totalisant un réseau de base de 150 sta-tions de gaz naturel liquéfié (GNL) pour les camions lourds.

Bref, les États-Unis vont bénéficier de plus de carburants Source : Rapport synthèse de l’IEA

justifier de plus grands investissements dans leur industrie. On peut donc se poser la question de savoir si une voiture tout électrique aux États-Unis sera véritablement « propre » dans ces circonstances.

X Tendance vers les voitures hybrides

Tout porte à croire que les véhicules hybrides rechargeables seront la voie d’avenir à court et à moyen terme en ce qui concerne l’électrification des transports routiers en Amérique, ce qui représente le principal changement potentiel en terme de mobilité, compte tenu de l’hégémonie de l’automobile dans les transports. Les principaux constructeurs américains et japo-nais, fort présents aux États-Unis, délaissent actuellement leurs modèles tout électriques et dirigent leurs efforts dans la direction des voitures hybrides rechargeables. Pour la seule année 2013, trois nouveaux modèles seront offerts en version rechargeable. Selon plusieurs experts, ce sera la tendance lourde observée durant les 20 prochaines années, On estime que les voitures tout électriques vont représenter à peine plus de 10 % à 15 % du marché des véhicules rechargeables, même en 2030. Les ventes de véhicules tout électriques ne sont pas au rendez-vous, si on compare avec celles des voitures électriques « à autonomie prolongée », comme la « Chevrolet Volt » de General Motors. Alors que GM se concentre sur les véhicules hybrides rechargeables, Ford, pour sa part, hésite à commercialiser la « Ford Focus » tout électrique. Il est probable que Ford décide de mettre l’accent sur sa « C-Max Energi » hybride rechargeables, tout en mettant sa « Focus » en veilleuse. Le fait que les voitures hybrides rechar-geables et les voitures électriques avec un prolongateur d’auto-nomie à essence comme la « Chevy Volt » se vendent trois à quatre fois plus que les voitures tout électriques, alors que l’écart entre les deux continue de s’accentuer, n’est sans doute pas étranger à cette prise de position. D’autres constructeurs auto-mobiles dans le monde tels que Toyota et Volkswagen, ont décidé de délaisser les modèles du type tout-électrique.Les constructeurs américains travaillent actuellement sur deux fronts. D’une part, ils développent les architectures hybrides rechargeables et d’autre part, ils développent les technologies des batteries. Cette désaffection pour les voitures tout électrique au profit des hybrides rechargeables s’explique en grande partie par l’insécurité des conducteurs attribuable à l’autonomie réduite et à la peur de tomber en panne. L’idée principale derrière la construction et la vente de voitures hybrides et électriques « à autonomie prolongée » est de réduire l’anxiété ressentie lorsqu’on conduit un véhicule tout électrique, ne sachant pas de façon précise le nombre de kilomètre permis par le véhicule avec sa charge actuelle. Ce stress est d’autant plus élevé que les distances à couvrir sont grandes dans des territoires où la densité de population est faible. Malgré ce regain de popularité des voitures hybrides rechargeables, celles-ci ne ralentiront pas l’électrification du transport routier. L’autonomie électrique limitée actuelle des voitures hybrides rechargeables n’est que passagère et essentiel-lement attribuable à l’immaturité et au coût élevé des batteries. Rapidement, nous devrions voir des blocs batterie ayant une autonomie de 40 km à 80 km, voire même de 100 km et qui permettront de répondre aux différents besoins du marché.

Or malgré cette tendance, la bataille pour l’électrification des véhicules n’est pas entièrement gagnée. Tout récemment,

Source : Rapport synthèse de l’IEA

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Et ailleurs ? Quelles tendances ?

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rien de la voiture peut se lancer seul aux États-Unis. L’obstacle législatif est levé pragmatiquement, sans forcément savoir quelle serait la meilleure solution globale. D’abord le sénat Californien et celui du Nevada viennent d’approuver une loi légalisant les véhicules autonomes. Les « Department of Motor Vehicles » de ces 2 États seront mandatés pour développer des standards et des procédures d’immatriculation pour les véhicules autonomes mais avec l’obligation de définir des critères de sécurité. On voit ici jouer à plein le fédéralisme et la liberté d’entreprendre. L’initia-tive a eu une résonance très significative partout sur le continent (voir p. ex. le rapport récent de KPMG-CAR [3]) et le gouvernement américain finance l’organisation de cette révolution. En effet, l’institut international d’ingénierie électrique et électronique, l’IEEE à New-York, estime qu’en 2040, près de 75 % des véhicules seront automatisés [4] ! Plusieurs experts nord-américains estiment même que celle-ci sera déployée à grande échelle beaucoup plus tôt que prévu, voire même d’ici quelques années. Cet avant-gardisme et cet optimisme dans le domaine de la conduite automatisée contraste fortement avec le conservatisme de l’EIA en matière d’énergie qui ne voit que 1 % de véhicules élec-triques en 2030 ! Or, il est tout à fait possible de n’automatiser que des véhicules à essence ou hybrides, mais on sent bien à travers ce contraste combien les forces en présence cherchent à construire l’avenir selon leur propre vision. Et en Amérique, le transport et l’organisation de la mobilité ne constituent pas seulement une prérogative gouvernementale : c’est d’abord une question de liberté individuelle et entrepreneuriale [5]. Où cette liberté conduira-t-elle l’Amérique ? Voici une question à laquelle nous nous garderons bien de répondre trop précisément.

Conclusion

Tout comme ailleurs, la mobilité terrestre nord-américaine de la décennie actuelle est marquée principalement par deux grandes transitions technologiques : l’électrification des véhicules et l’intelligence des systèmes de mobilité, incluant celle embar-quée dans les systèmes de transport ainsi qu’une information omniprésente et individualisée. Toutefois, on a vu que les solu-tions de mobilité qui seront déployées à grande échelle seront fortement influencées par les grands enjeux et les politiques adoptées du monde de l’énergie ainsi que par des considérations économiques. Contrairement à l’Europe, qui subit des contraintes beaucoup plus fortes en termes démographiques, énergétiques et d’accessibilité aux ressources naturelles, l’Amérique du Nord risque d’adopter une politique de mobilité conservatrice à moyen terme, encore fortement basée sur les énergies fossiles au détri-ment de considération environnementales ayant un impact à l’échelle de la planète. n

Références (pour en savoir plus)

[1] Rapport EIA (Energy Information Administration, États-Unis) Annual Energy Outlook http://www.eia.gov/forecasts/aeo/er/index.cfm.

[2] Rapport http://www.hybridcars.com/news/first-stage-ame-rica %E2 %80%99s-natural-gas-highway-completed-66311.html.

[3] Rapport KPMG & CAR Self-driving cars : The next revolution http://www.kpmg.com/US/en/IssuesAndInsights/ArticlesPublications/Docu-ments/self-driving-cars-next-revolution.pdf.

[4] Richard Read, http://www.thecarconnection.com/news/1079261_ieee-says-that-75-of-vehicles-will-be-autonomous-by-2040.

[5] “The Future Isn’t What It Used To Be : Changing Trends And Their Implications For Transport Planning” http://www.vtpi.org/future.pdf.

particulièrement dans les grands centres urbains, mais la voiture et la conduite automobile demeurent de fortes valeurs culturelles en Amérique. Les nord-américains aiment se déplacer et bouger constamment. Les territoires et les opportunités des grandes villes sont immenses et ne demandent qu’à être explorés. En pratique, les technologies web et des réseaux sociaux n’ont fait qu’accroître ce désir de mobilité physique, puisque maintenant les gens peuvent apporter leur monde du travail, leur famille, leur réseau de contacts, bref le monde avec eux dans leur poche tout en se déplaçant.

X Organisation du transport

Malgré une densité démographique globalement plus faible, l’organisation des transports demeure sensiblement similaire à celle de l’Europe dans les grands centres urbains. Dans la plupart des villes nord-américaines, le transport public est basé essen-tiellement sur des bus propulsés au diesel. Dans les grands centres urbains, on retrouve également les métros et des trains de banlieues qui sont en général assez bien développés. Par ailleurs, on commence à voir apparaître des bus électriques et des tramways. À Mexico, par exemple, on a opté en 2008 pour une ligne métro-bus électrique, moins coûteuse plutôt que d’agrandir le réseau du métro existant dans son axe nord-sud. Au Canada, la ville de Québec est dotée d’un grand nombre de minibus tout électriques qui desservent dans le centre-ville les trajets hors des grands axes urbains. Vancouver a une longue tradition de bus électrique câblés depuis l’après-guerre. Ce mode de transport fait partie du paysage et de la culture de cette ville. On voit donc que la culture municipale et locale influence également les choix en termes de mobilité.Pour ce qui est du transport interurbain, les différences entre l’Amérique du Nord et l’Europe sont plus importantes. Dans le cas de distances moyennes de l’ordre de quelques centaines de km, le bus inter-cité demeure le mode privilégié. Pour les grandes distances, l’avion est le mode de transport de choix. À l’excep-tion des trains de banlieue, le transport ferroviaire est dédié principalement au transport des marchandises. Cette répartition des modes de transport interurbain risque de demeurer sem-blable encore pour quelques décennies.

Quelques mots sur la conduite automatisée

Nous ne pouvons conclure cet article sans parler un instant des véhicules intelligents et en particulier de l’automatisation totale de la conduite. Google, avec sa douzaine de véhicules automa-tisés ayant à ce jour parcouru plus de 500 000 km sur les routes a engendré un vif intérêt de la notion de voiture automatisée en Amérique du Nord et même ailleurs. On l’aura compris, la popu-lation américaine est beaucoup plus séduite par l’idée de « leur » voiture automatisée (ma voiture se conduit toute seule) que par la conduite automatisée d’une voiture qui serait remise à la dis-position des autres, voire grand public. L’automatisation de la conduite ne modifie pas le paradigme de la mobilité individuelle.L’initiative de Google montre remarquablement le pragmatisme américain. Alors qu’en Europe ou au Japon toute initiative de ce type se heurte à une centralisation importante, avec des régu-lations hiérarchiques qui sont un obstacle beaucoup plus impor-tant que la technique elle-même, un acteur qui ne connaissait