Imagerie des hématomes survenus sous...
Transcript of Imagerie des hématomes survenus sous...
Imagerie des hématomes
survenus sous anticoagulants
S. Ennouchi, A. Henon, A. Belkacem,
L. Monnier-Cholley, JM. Tubiana, L. Arrivé
Service de Radiologie - Hôpital Saint-Antoine
• Les complications hémorragiques survenues sous traitement anti-coagulant sont rares, avec une incidence de 10 %.
• Lorsque la clinique est évocatrice, une simple échographie permet de faire le diagnostic (douleur musculaire, par exemple).
• Mais souvent la clinique est peu spécifique, avec des douleurs abdominales aiguës, simulant une urgence chirurgicale (appendicite aiguë, ulcère perforé, occlusion intestinale …)
• Le scanner est alors l’examen d’imagerie de choix de première intention permettant d’affirmer le diagnostic. Cependant, la présentation radiologique est très variable.
• Le but de ce travail est d’expliquer et d’illustrer ces variations en imagerie en fonction :
– de la présentation morphologique
– de l’aspect du sang
– et de la localisation anatomique.
Introduction
Aspect morphologique
des hématomes
• En 1996, Berna1 a établi une classification des
hématomes des muscles grands droits, en fonction des
différents aspects tomodensitométriques
• En s’inspirant de cette classification, les hématomes
survenus sous anticoagulants peuvent être séparés en 2
formes :
– une forme circonscrite
– une forme infiltrante
1 Berna JD, Garcia-Medina V, Guirao J et al. Rectus sheath hematoma : diagnostic
classification by CT. Abdom Imaging 1996;21:62-64
1- La forme circonscrite :
- L’hématome est « intra-organique », localisé et bien
limité. L’organe est augmenté de volume, avec un
aspect ovoïde ou fusiforme.
- L’hyperdensité est focale ou diffuse, avec parfois un
niveau liquide-liquide, correspondant à une séparation
entre les composants liquides et cellulaires du sang.
Augmentation de volume du
muscle grand droit droit,
spontanément hyperdense, bien
limité, avec des contours
réguliers, correspondant à un
hématome circonscrit.
Aspect morphologique des hématomes
2- La forme infiltrante :
• L’hématome a franchi la paroi de l’organe et se
prolonge dans la graisse adjacente et le péritoine,
parfois même dans l’espace sous-péritonéal.
• L’hématome est mal limité, avec une infiltration des
structures adjacentes.
Aspect très infiltré des anses
grêles et de la graisse
mésentérique, avec des zones
spontanément hyperdenses,
correspondant à un
hématome du grêle dans sa
forme infiltrante.
Aspect morphologique des hématomes
Aspect du sang
1- En scanner :
• Le scanner est le meilleur examen permettant de définir la taille, les contours et l’extension de l’hématome.
• On retrouve une image spontanément hyperdense, avec parfois un halo périphérique hypodense, associée à une augmentation de densité des tissus périphériques.
• Avec le temps, l’hématome devient iso- puis hypodense.
• Lorsqu’il existe un niveau liquide-liquide, la densité de la partie liquide du sang est d’environ 45 UH et celle de la partie cellulaire d’environ 85 UH.
• La tomodensitométrie permet aussi de détecter des hématomes multiples (hémophilie).
Homme de 58 ans, sous anticoagulant au long cours.
Le scanner sans injection montre une hyperdensité spontanée
frontale droite en rapport avec un hématome intra-cérébral.
Aspect du sang
2- En IRM :
- Au stade aigu (jusqu’au 4ème jour) :
l’hématome apparaît en isosignal T1 et en hyposignal T2, par effet de susceptibilité magnétique.
- Au stade tardif :
l’hématome devient en hypersignal T1, avec un signal variable en T2, en fonction du degré de dilution.
Progressivement, l’hématome va apparaître en hypersignal global T1 et T2.
Femme de 40 ans, sous traitement anticoagulant, présentant un hématome
intra-cérébral pariétal droit.
Le centre lésionnel apparaît en hypersignal T1 et en hypersignal
hétérogène T2.
L’œdème vasogénique péri-lésionnel est en hyposignal T1 et en franc
hypersignal T2.
Séquence axiale T1 Séquence axiale T2
Localisations anatomiques
des hématomes
Localisations moins fréquentes :
• digestives (grêle, duodénum,
côlon)
• pyélo-urétérales
• rétropéritonéales
• autres
Localisations fréquentes :
• cérébrales (intra ou
extraparenchymateuses)
• musculaires (grand droit,
psoas iliaque, autres)
1. Les hématomes intra-cérébraux
• La sémiologie radiologique (en scanner et en IRM)
des hématomes cérébraux survenus sous
anticoagulant est identique à celle des hématomes
cérébraux « classiques ».
• Il n’existe aucune spécificité de densité ou de signal
de ces hématomes.
Femme de 26 ans, sous anticoagulant, présentant un hématome capsulo-
lenticulaire droit.
Fig a : hyperdensité spontanée capsulo-lenticulaire droite, correspondant
à l’hématome récent, avec une hypodensité péri-lésionnelle, en rapport
avec l’œdème vasogénique.
Fig b-c : le centre lésionnel de l’hématome apparaît en isosignal T1 et
hypersignal T2.
a.TDM sans injection b. axial T1 c. axial T2
Femme de 43 ans, sous anticoagulant présentant un hématome
pariétal droit.
Le centre lésionnel apparaît spontanément hyperdense au scanner
(fig. a), en discret hypersignal T1 (fig. b) et en hyposignal
hérérogène T2 (fig. c).
a. TDM sans injection b. Axial T1 c. Axial T2
2. Les hématomes extra-cérébraux
L’hématome extra-dural :
En IRM, il apparaît en isosignal T1 et hypersignal T2 à la phase aiguë, et en hypersignal T1 et T2 plus tardivement.
La localisation épidurale de l’hématome est démontrée par la visibilité de la dure-mère décollée sous la forme d’une fine membrane en hyposignal T1 et T2.
L’hématome sous-dural :
Le signal de l’hématome sous-dural varie au cours du temps :
- à la phase aiguë, il est en isosignal T1, iso- ou hyposignal T2.
- à la phase subaiguë, il est en hypersignal T1 et en hypo- puis hypersignal T2.
- à la phase chronique, le signal devient identique à celui du LCR.
Homme de 18 ans, sous
anticoagulant, présentant un
hématome extra-dural pariéto-
occipital gauche spontanément
hyperdense au scanner.
Femme de 33 ans, sous anticoagulant
pour une pathologie cardiaque,
présentant un hématome extra-dural
pariétal gauche, avec un aspect de
lentille biconvexe spontanément
hyperdense.
Femme de 78 ans, sous
anticoagulant au long cours,
présentant un hématome sous-
dural chroniqu hémisphérique
bilatéral passé inaperçu.
Femme de 72 ans, présentant
un hématome sous-dural aigu
fronto-pariétal droit avec un
engagement sous-falcoriel.
L’hémorragie sous-arachnoïdienne :
Le FLAIR est actuellement une technique plus sensible
que le scanner pour la détection des hémorragies sous-
arachnoïdiennes aiguës et subaiguës.
2. Les hématomes extra-cérébraux
Femme de 52 ans, sous
traitement anticoagulant avec
un scanner cérébral sans
injection normal.
Seule la séquence FLAIR met
en évidence un hypersignal
d’un sillon cortical frontal
droit, en rapport avec une
hémorragie sous-
arachnoïdienne.TDM sans injection FLAIR
Femme de 79 ans , sous anticoagulant au long cours.
Sur le scanner sans injection, il existe une hyperdensité
spontanée de la vallée sylvienne gauche, en rapport avec une
hémorragie sous-arachnoïdienne.
On ne retrouve pas d’anomalie de signal sur la séquence T2.
TDM sans injection Axial T2
3. Les hématomes musculaires
L’hématome du muscle grand droit :
• C’est la localisation musculaire la plus fréquente d’hématomes survenus sous anticoagulant.
• L’hématome est produit par une déchirure musculaire, ou par la rupture de vaisseaux épigastriques.
• Au-dessus de la ligne arquée, l’hématome est fusiforme avec des limites nettes. En dessous, il est sphérique, volumineux et parfois bilatéral.
• Le diagnostic doit être suspecté chez une femme âgée qui présente des douleurs abdominales, une masse sous-ombilicale et une anémie.
• Berna1 a établi une classification tomodensitométrique des hématomes des grands droits :1 Berna JD, Garcia-Medina V, Guirao J et al. Rectus sheath hematoma : diagnostic classification by CT. Abdom Imaging 1996;21:62-64.
• Type I : l’hématome est intra-musculaire et la taille du muscle est augmentée. Le muscle a un aspect ovoïde ou fusiforme, et une hyperdensité focale ou diffuse. L’hématome est unilatéral et ne dissèque pas les plans adjacents.
• Type II : l’hématome est intra-musculaire (comme dans le type I), mais le sang est situé entre le muscle et le fasciatransversalis. Il peut être uni ou bilatéral. Un niveau liquide-liquide peut être observé.
• Type III : l’hématome peut ou non toucher le muscle, mais le sang est visualisé dans le muscle et le fascia transversalis, le péritoine et l’espace périvésical. On peut également observer unhémopéritoine.
3. Les hématomes musculaires
Femme de 82 ans, sous traitement anticoagulant, présentant un
hématome musculaire de type III avec un hématome du muscle grand
droit droit (fig. a), se prolongeant dans l’espace sous-péritonéal (fig.
b) pour former un hématome pelvien (fig. c) qui refoule les structures
digestives.
Fig. a
Fig. b
Fig. c
3. Les hématomes musculaires
Sur un scanner, il peut être difficile de faire la
différence entre un hématome musculaire ancien et
une tumeur pariétale (notamment un lipome ou un
hémangiome).
L’IRM est alors indiquée : l’hématome apparaît en
hypersignal T1 et T2. Mêmes si elles peuvent saigner,
les tumeurs ne sont qu’exceptionnellement
hyperintenses.
.
Homme de 30 ans, sous anticoagulant pour une thrombophlébite.
Sur le TDM sans injection, il existe une augmentation de volume
du muscle psoas-iliaque gauche, avec une hyperdensité un peu
hétérogène.
La différence entre un hématome et une tumeur n’est pas
évidente.
Chez le même patient, la réalisation d’une IRM en coupes axiale T2 (fig. a) et
coronale T2 (fig b) montre un hypersignal global du chef iliaque du muscle
psoas-iliaque gauche avec un niveau liquide-liquide : la partie déclive apparaît
en discret hypersignal (flèche rouge) et la partie supérieure en franc hypersignal
T2 (flèche bleue). Il s’y associe un épanchement dans l’espace para-rénal
postérieur gauche (flèches jaune).
Le signal en IRM a confirmé le diagnostic d’hématome du muscle psoas-
iliaque.
Fig. a Fig. b
Femme de 93 ans, sous traitement anticoagulant, présentant un
hématome circonscrit du muscle iliaque droit se prolongeant
dans la région obturatrice interne (flèche rouge).
Quelques exemples d’hématomes musculaires :
Homme de 77 ans, sous anticoagulant, présentant un
hématome du muscle psoas-iliaque droit (flèche rouge),
communiquant avec le muscle grand droit homolatéral
(flèche jaune).
Femme de 86 ans, sous traitement anticoagulant.
Le scanner sans injection montre un hématome du triceps
brachial droit, se traduisant par une augmentation de
volume et une hyperdensité spontanée du muscle.
Femme de 58 ans, sous traitement anticoagulant, présentant un
hématome de l’adducteur droit, avec un muscle augmenté de
volume, siège d’une hypodensité centrale.
4. Les hématomes digestifs
• Les hématomes intra-muraux spontanés du tube digestif sont considérés comme une complication rare d’un traitement anticoagulant, avec une incidence de 1 pour 2500.
• La présentation clinique est variable : de simples douleurs abdominales jusqu’au syndrome occlusif.
• Le diagnostic n’est pas toujours suspecté cliniquement et est établi après une imagerie abdominale, voire après une laparotomie exploratrice.
• Souvent, il s’agit d’un hématome simple, les hématomes multiples étant plus rares.
• Les scanners de surveillance montrent une résolution spontanée de l’hématome en 1 à 2 semaines.
4. Les hématomes digestifs• Le jéjunum est la localisation la plus fréquente (69 %),
suivi de l’iléon (38%), du duodénum (23 %), et ducaecum (5 %) avec une extension possible au colon.
• La longueur du segment atteint est évaluée par le scanner, avec une moyenne de 23 cm.
• L’hémorragie est souvent localisée dans la couche sous-muqueuse de l’intestin.
• Des hémorragies intramurale, intraluminale,intramésentérique et rétropéritonéale peuvent également survenir, surtout lorsque le duodénum est atteint.
• Plusieurs aspects peuvent se voir en TDM :
– un épaississement pariétal circonférentiel
– un rétrécissement luminal
– une obstruction du tractus intestinal
Homme de 60 ans, sous traitement anticoagulant.
Devant l’apparition de violentes douleurs abdominales et d’une
anémie un scanner sans injection est réalisé, montrant un
rétrécissement étendu d’une anse grêle, associé à une infiltration de la
graisse mésentérique adjacente, correspondant à un hématome du
grêle.
Fig. aFig. b
Femme de 67 ans, sous anticoagulant, présentant des douleurs abdominales diffuses.
Le TDM sans injection (fig. a) montre un épaississement des anses grêles avec
quelques zones hyperdenses.
Le scanner après injection (fig. b) retrouve un rehaussement de la paroi avec une
hypodensité intra-murale témoignant du caractère sous-muqueux de l’hématome
(flèches rouges). Il s’y associe une infiltration diffuse de la graisse adjacente.
Homme de 51 ans, sous traitement anticoagulant an long cours,
hospitalisé pour état de choc.
Le scanner sans injection montre un épaississement de la paroi
de l’angle colon gauche (flèche rouge) et du colon transverse
(flèche jaune), avec un œdème de la sous-muqueuse, en rapport
avec un hématome de la paroi colique.
Femme de 74 ans, sous anticoagulant présenté de façon brutale des
douleurs abdominales.
Sur le scanner (fig. a,b et c) il existe un épaississement pariétal
circonférentiel étendu d’une anse iléale, en rapport avec un
hématome intra-mural du grêle. Il existe également une infiltration
de la graisse adjacente.
Fig. a Fig. b Fig. c
Homme de 58 ans, sous traitement anticoagulant, présentant des douleurs
pelviennes.
Le scanner réalisé après injection (fig. a et b) montre un important
épaississement pariétal circonférentiel des anses jéjunales (flèches
rouge) en rapport avec un hématome intra-mural. En amont, on retrouve
une distension des anses témoignant d’une occlusion du grêle (flèches
Fig. a Fig. b
5. L’hématome pyélo-urétéral
• C’est une complication hémorragique rare des patients traités par anticoagulants.
• L’hématurie est le mode de révélation le plus fréquent.
• Seul l’examen tomodensitométrique permet de montrer de façon complète l’intégralité de l’atteinte pariétale des voies urinaires.
• Il s’agit d’une infiltration uni- ou bilatérale circonférentielle, régulière, spontanément hyperdense, étendue le long des cavités pyélo-urétérales et totalement réversible en quelques jours après arrêt du traitement et correction des troubles de la coagulation.
• L’infiltration hématique se produit au niveau du chorion conjonctif et de la musculeuse, puis se propage de proche en proche, en raison du péristaltisme urétéral.
Homme de 62 ans, sous anticoagulant an long cours, présentant une
hématurie et des douleurs lombaires droites.
Le TDM sans injection (fig. a) montre un pyélon spontanément
hyperdense et une dilatation des cavités excrétrices.
Le TDM après injection (fig. b) montre un rehaussement de
l’urothélium, précisant le siège sous-muqueux de l’hématome.
Fig. a : TDM sans injection Fig b : TDM après injection
Femme de 72 ans, sous traitement anticoagulant au long cours.
Le scanner réalisé après injection retrouve une masse rétropéritonéale
assez dense, mal limitée, infiltrant la graisse rétropéritonéale et englobant
l’aorte abdominale et la veine cave inférieure.
L’arrêt du traitement anticoagulant a entraîné une amélioration rapide des
images radiologiques.
6. L’hématome rétro-péritonéal
Conclusion
• L’hémorragie est une complication peu fréquente, mais potentiellement létale d’un traitement anticoagulant.
• L’imagerie, lorsque la clinique n’est pas contributive permet de faire le diagnostic en précisant :
� le siège (avec parfois des localisations inhabituelles) et l’extension de l’hématome
� la présentation morphologique (forme circonscrite ou infiltrante).
• Ainsi faire le diagnostic d’hématome survenus sous anticoagulant change la prise en charge du patient : un simple arrêt de l’anticoagulation entraîne une amélioration clinique rapide, permettant d’éviter une intervention chirurgicale inutile.