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Histoire de la Justice en France |Ministère de la Justice – Juillet 2002 1 Pour comprendre la justice française, son fonctionnement actuel et ses institutions, nous vous invitons à découvrir son histoire, car la justice a connu une lente évolution avant d'aboutir au système actuel. Cinq grandes périodes, reflétant les évolutions profondes de la société française, marquent l'histoire judiciaire. Le patrimoine et la culture judiciaire témoignent encore aujourd'hui de ce passé à travers les édifices anciens, les symboliques judiciaires, le rituel et le vocabulaire judiciaires. La justice sous la monarchie L'œuvre révolutionnaire : les fondements de la justice actuelle La période napoléonienne De Napoléon à la grande réforme de 1958 La refonte du système judiciaire de 1958

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Pour comprendre la justice française, son fonctionnement actuel et ses institutions, nous vous invitons à découvrir son histoire, car la justice a connu une lente évolution avant d'aboutir au système actuel. Cinq grandes périodes, reflétant les évolutions profondes de la société française, marquent l'histoire judiciaire.

Le patrimoine et la culture judiciaire témoignent encore aujourd'hui de ce passé à travers les édifices anciens, les symboliques judiciaires, le rituel et le vocabulaire judiciaires.

La justice sous la monarchie L'œuvre révolutionnaire : les fondements de la justice actuelle La période napoléonienne De Napoléon à la grande réforme de 1958 La refonte du système judiciaire de 1958

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L'Ancien Régime se caractérise par la diversité et la multiplicité du paysage judiciaire.

Succédant à une justice exercée par les seigneurs et le clergé dans chaque province sous la

féodalité, apparaît sous la monarchie la justice royale. Les Rois de France rendent désormais la justice et assoient progressivement leur autorité judiciaire. Lors des sacres, l'archevêque de Reims remet la " main de justice ", signe d'équité, et l'épée, glaive de justice. Ainsi, le Roi reçoit de Dieu le pouvoir spirituel et temporel de rendre justice. La justice d'origine divine devient donc l'émanation du roi de France. Le premier devoir du roi à l'égard de ses sujets est de faire à tous bonne et prompte justice à l'image de Saint‐ Louis, sous un chêne à Vincennes. Jusqu'au XIIIème siècle, le Roi expédie lui‐même les affaires, entouré de conseillers ; c'est l'époque de la "justice retenue", nécessaire au maintien de son autorité. Puis, les rois successifs délèguent progressivement leur pouvoir judiciaire à des juges spécialement nommés, tout en gardant un droit de regard sur les affaires et en conservant le pouvoir de juger eux‐mêmes une affaire déjà entamée ou de l'attribuer à une autre juridiction (droit d'évocation). Les magistrats, conseillers du roi, revêtent alors les habits royaux : l'écarlate étant la couleur de ces habits, les magistrats portent des robes de couleur pourpre et une coiffure appelée mortier, un chapeau de velours rond pour rappeler la couronne. Ainsi apparaît la Cour royale dans sa fonction judiciaire : le parlement royal ou curia regis in parliamento.

La royauté et la religion ont marqué fortement la justice de l'Ancien Régime, comme les bâtiments qui l'abritaient.

L'unification des règles de droit applicables à l'ensemble du territoire français est récente.

L'Ancien Droit est essentiellement coutumier et de type corporatiste : chaque région et

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chaque corps de métiers sont régis par un ensemble de règles qui leur sont propres. L'influence du droit romain, du droit canonique et des ordonnances royales, facteurs d'unification, ne met pourtant pas fin aux disparités régionales. Globalement, on applique au nord les coutumes, au sud, le droit romain.

La justice royale déléguée constitue à l'époque une vaste organisation hiérarchique, avec

au sommet les "cours souveraines" (les parlements), formées dans chaque province de conseillers de la Cour royale. Malgré la mise en place progressive de la justice royale, une multitude de juridictions demeure. En effet, l'autorité du roi n'est pas suffisamment forte et centralisée pour permettre une unification de l'organisation judiciaire. Les tribunaux, créés au fil des siècles, s'accumulent (juridictions royales, seigneuriales, ecclésiastiques, tribunaux des prévôtés, bailliages et sénéchaussées, juridictions d'exception et parlements), se disputant parfois les affaires. L'enchevêtrement des juridictions et les nombreuses possibilités de recours rendent la Justice lente et incertaine. Les procès, souvent interminables, jugés jusqu'à 5 ou 6 fois, peuvent durer une vie entière, voire se transmettre de génération en génération. Les privilèges de juridiction, système fondé sur une société répartie en trois ordres (noblesse, clergé et tiers‐état), sont sources d'inégalités et d'iniquités : selon la classe sociale à laquelle appartient le plaideur, celui‐ci est jugé par des juridictions différentes, généralement composées de ses pairs.

Les juges sont payés en épices puis en argent par les plaideurs.

L'accès à la justice est globalement limité aux gens aisés. Il n'est pas rare que l'on use de sa richesse ou de son influence pour choisir la cour la plus favorable ou la plus prestigieuse. Puisque la justice est rendue au nom du roi, personnage central du système judiciaire, le juge doit être accepté comme tel. Le système de l'époque est celui des offices. Les magistrats achètent leur charge. Ainsi, seules la noblesse et la grande bourgeoisie peuvent s'approprier les grands emplois en versant à l'Etat le droit de bénéficier d'un office (la "paulette") pour en jouir comme d'un bien privé, qui se vend ou se transmet à leurs héritiers et leur assure l'inamovibilité de leur fonction.

Le " placet " désigne l'exemplaire d'une demande en justice déposée au greffe pour être inscrite au rôle : en effet, pour obtenir audience, les sujets priaient le Roi qu'il lui plaise (du

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latin placet) de leur accorder la faveur de les entendre. Leurs requêtes étaient inscrites sur un rouleau de parchemin, " un rôle ". Les plaideurs étaient introduits devant le Roi dans l'ordre où apparaissaient les inscriptions, au fur et à mesure que le rôle était déroulé, " à tour de rôle ".

Succédant à la vengeance privée (selon laquelle la victime dispose du droit de causer à

l'autre et à sa famille le plus de mal possible sans qu'aucune règle ne limite sa vengeance), puis à la loi du Talion (qui implique une proportionnalité de la vengeance ‐ " oeil pour oeil, dent pour dent, meurtrissure pour meurtrissure "), la justice est longtemps demeurée d'essence privée. Elle oppose deux adversaires qui disposent alors d'une grande latitude pour faire trancher leurs différends dont l'issue aboutit à des sanctions souvent sévères et infamantes. Le recours à un arbitre, personne privée librement désignée d'un commun accord, est fréquemment pratiqué en matière civile et commerciale. Il n'existe pas véritablement de justice dite publique : les crimes et délits poursuivis relèvent davantage d'un ordre moral que d'un ordre public. L'ancien droit ne connaît qu'un seul ordre juridictionnel, chargé à la fois de trancher les litiges entre particuliers et de juger les infractions pénales. En 1670, une Ordonnance réglemente pour la première fois la procédure criminelle. De caractère inquisitoire et secrète, elle aboutit à une comparution de l'accusé devant une juridiction siégeant généralement à huis clos sans l'assistance d'un avocat. Les infractions n'ont toutefois été ni définies ni classées, laissant place au pouvoir discrétionnaire des juges. Les peines quant à elles ont pour seul fondement l'intimidation et l'expiation du coupable par des châtiments corporels. La prison pour peine est à l'époque quasiment inexistante. Il n'existe pas non plus de justice de droit public. L'idée qu'un sujet puisse se plaindre du fait de l'autorité est incompatible avec une royauté de droit divin. On en appelle à la Justice du Roi, sans qu'il y ait véritablement une justice de droit public.

Jusqu'à la Révolution de 1789, les pièces de procédure sont conservées dans des sacs de jute suspendus à des crochets. Quand le dossier est prêt, le procureur (avocat) dit : " l'affaire est dans le sac ". A l'audience, il plaide devant la cour et " vide son sac ".

Sous l'Ancien Régime, les fonctions de justice, de réglementation et d'administration se

cumulent. Ainsi, les parlements disposent‐ils de larges pouvoirs : ils ne se contentent pas de rendre la justice et d'appliquer les règles de droit, mais contrôlent les activités de police et

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interviennent en législateur, en édictant des règlements, constituant un véritable contre‐ pouvoir et s'opposant fréquemment aux réformes royales. Les baillis et sénéchaux sont à la fois les représentants du Roi pour la justice et l'administration. A Paris, les commissaires du Châtelet, ancêtres de nos commissaires de police, ont en charge des fonctions qui en font des auxiliaires de justice.

Aujourd'hui, le palais royal sur l'Ile de la Cité et les parlements, établis pour beaucoup dans un ancien palais ducal, avec leurs ornements, leur décorum, leurs allégories, les emblèmes royaux (comme la fleur de lis) et les symboles religieux témoignent encore de ce passé.

Il demeure encore des bribes de rituels, pratiques et vocabulaire de cette époque. On évoque toujours le " palais " pour désigner un bâtiment judiciaire avec ses salles d'audience appelées " chambres ", en mémoire de la chambre d'apparat du Roi où les juges siégeaient, les " cours " en mémoire des premières cours royales, composées de conseillers du Roi, l'" audience ", la séance d'une juridiction, en souvenir de l'époque où le roi donnait lui­même audience à ses sujets qui lui réclamaient justice… La mise " sous main de justice " et la " mainlevée " évoquent certaines décisions du Roi qui abaissait le sceptre, la main de justice, ou la redressait.

Le terme de " parquet " désignant le ministère public, celui de " barreau " désignant l'ensemble des avocats, de " bâtonnier ", d' " huissiers "… sont aussi originaires de cette période en souvenir de la configuration des salles d'audience, de la place et du rôle des acteurs du procès…

Le " parquet " désigne le lieu où se tenaient les magistrats du Ministère Public : l'enceinte dans la grand chambre délimitée sur trois côtés par les sièges des juges et sur le quatrième par la barre, ce cœur de la salle, un espace clos et sacré, petit parc ou " parquet ". Il était traversé par les gens du Roi pour gagner leur place et s'y avançaient les gens d'armes pour faire le récit de leurs investigations, pour en dresser au parquet le procès­verbal. Le " barreau " désigne l'ensemble des avocats ; ceux­ci se tenaient derrière la barre qui fermait le parquet. Le " bâtonnier ", le chef de l'ordre des avocats, avait le privilège conféré par le Roi de porter le " bâton " dans les processions de la confrérie de Saint­Nicolas, de porter le bâton, bannière de ce saint. Les " huissiers " étaient chargés de garder les portes de la chambre du souverain, d'en ouvrir les battants ou d'en maintenir les " huis clos ". Ils étaient également chargés de contrôler l'accès au parquet de la cour, en priant ceux qui n'étaient pas admis à s'y asseoir de demeurer sur le sol pavé de la salle, de " rester sur le carreau ".

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Au cours du XVIIIè siècle, plusieurs tentatives sont faites pour réformer la justice de l'époque. Mais les réformes envisagées, rencontrant une vive opposition des parlements, échouent à la veille de la révolution. C'est à l'édifice de l'Ancien Régime que la Révolution s'attaque, apportant des changements majeurs.

Sous Louis XV, le chancelier Maupeou réorganise les juridictions, spécialement dans le ressort du parlement de Paris, en leur retirant toute faculté d'intervention politique. Les nouveaux tribunaux dotés de compétences plus précises sont plus proches des justiciables, les magistrats inamovibles sont nommés par le roi, la justice est gratuite. La réforme, dont s'inspireront les révolutionnaires, est de courte durée. Louis XVI rétablit les anciennes cours. Une tentative de réorganisation des institutions à l'initiative du garde des Sceaux Lamoignon est toutefois entreprise en 1788, mais celle­ci intervenant tardivement ne put être menée à bien. Préambule de l'Edit de février 1776, les prémisses d'une Déclaration des droits de l’homme :(extraits) " Nous regardons comme un des premiers devoirs de notre justice et comme un des actes les plus dignes de notre bienfaisance, d'affranchir nos sujets de toutes les atteintes portées à ce droit inaliénable de l'Humanité (...) ".

L'avènement du siècle des Lumières au XVIIIème siècle, puis la Révolution française de 1789 font table rase de la conception monarchique et religieuse de la Justice de l'époque.

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Les bases de l'institution moderne de la justice française sont issues de la Révolution de 1789. Les bouleversements apportés par les constituants de 1789 et 1790 dans l'organisation de la Justice n'ont pas eu de précédents et ne seront suivis d'aucune autre réforme d'envergure comparable. Si ces fondements seront largement rénovés sous l'Empire, puis plus récemment en 1958, la physionomie de la Justice française est restée dans ses grandes lignes celle de 1790.

Réclamée dans les cahiers de doléances par les trois ordres de la société de l'époque ­ la noblesse, le clergé et le tiers­état, la transformation et la réorganisation de la justice s'imposent aux révolutionnaires à la fois pour des motifs de circonstance et pour des motifs doctrinaux. Tirant les leçons des imperfections de la justice royale de l'Ancien Régime, la Révolution fait table rase du passé, s'attaquant à la fois à l'organisation judiciaire et au statut des magistrats. Pétris de philosophie des Lumières, les Constituants élaborent la Déclaration fondamentale des droits de l'Homme et édifient les grands principes gouvernant la justice des citoyens qui remplace la justice du Roi. Ils imposent la fin des tortures, la présomption d'innocence, ambitionnent de donner à la procédure un caractère public et des débats contradictoires permettant à chacun d'exposer son point de vue.

" Une justice digne de ce nom, non payée, non achetée..., sortie du peuple et pour le peuple ". Cette phrase de Jules Michelet résume l'idéal de justice auquel aspiraient les révolutionnaires.

La loi fondamentale de cette époque est celle des 16­24 août 1790. Elle pose les grands principes sur lesquels fonctionne encore la Justice française. Cette loi instaure :

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­ la séparation entre les deux ordres de juridictions un ordre judiciaire et un ordre administratif, ­ le principe de l'égalité devant la justice et de la gratuité, ­ le droit de faire appel, ­ le jury populaire en matière criminelle, ­ la professionnalisation des magistrats, ­ ainsi que l'idée que les ressorts des juridictions (l'étendue de leur compétence territoriale) doivent coïncider avec les circonscriptions administratives. Un an auparavant, la loi du 4 août 1789 abolit les privilèges de juridiction, supprime les juridictions seigneuriales et met fin aux parlements, véritable contre­ pouvoirs législatifs.

Les principes : ­ simplification de l'organisation judiciaire .immutabilité des institutions judiciaires pour éviter la résurrection des juridictions d'exception .uniformité des ressorts des juridictions .conciliation et arbitrage .principe de double degré de juridiction ­ indépendance de la magistrature .nouveau statut fondé sur le système de l'élection ­ Protection des intérêts privés et de la personne humaine .motivation des décisions de justice .séparation des fonctions civiles et pénales des juridictions .nouveaux principes du droit pénal et de procédure pénale.

Les décisions de justice sont depuis cette époque rendues au nom du peuple français, directement associé au jugement des affaires criminelles par l'intermédiaire des jurés.

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Tenant compte des déboires qu'ont connus les Rois de France avec les parlements et craignant d'être entravés à leur tour dans leur action, les révolutionnaires construisent un système visant à empêcher les magistrats d'influer sur la vie politique et législative. Du juge, ils n'attendent que la stricte application de la loi, émanation de la souveraineté populaire, qui ne souffre ni interprétation, ni détournement ­ interdiction leur est faite de prendre des décisions de règlement, et obligation leur est faite d'en référer au législateur pour interpréter la loi. Mais avant tout, les révolutionnaires interdisent aux juridictions judiciaires d'exercer leur contrôle sur les différends susceptibles de naître entre les administrés et l'administration. Dès lors, sont créés deux ordres distincts : un ordre administratif, chargé du contentieux administratif opposant les citoyens à l'administration, et un ordre judiciaire, chargé de régler les conflits entre personnes privées et de sanctionner les infractions à la loi. Néanmoins ce n'est qu'en 1872 que naît un véritable ordre juridictionnel administratif doté d'un juge administratif indépendant. Jusqu'alors, les conflits entre administrés et autorité publique sont tranchés par l'administration à la fois juge et partie.

Art. 13 de la loi fondamentale des 16­24 août 1790 : " Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront (...) troubler de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leur fonction ".

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L'un des efforts des Constituants est de rationaliser l'organisation judiciaire, d'établir des rouages simples remplaçant l'organisation complexe et inéquitable de l'Ancien Régime. Leur souci est de doter la France d'un système de juridictions unique et à brève hiérarchie, en distinguant les juridictions civiles des juridictions pénales.

La justice civile

Au premier échelon sont institués les juges de paix, plus citoyens que juges. Cette juridiction se prononce davantage en équité qu'en application du droit. Il devait y en avoir un par canton. Leur rôle consiste avant tout à concilier les adversaires. Ancêtres du juge d'instance actuel, ils ont une compétence large en matière civile. Au dessus du juge de paix, siège le tr ibunal de distr ict, composé de cinq juges élus et du ministère public. Juge de l'appel des sentences rendues par les juges de paix et des tribunaux de commerce, ancêtre de notre tribunal de grande instance, il est également compétent en premier ressort pour certaines affaires sans possibilité d'appel, pour d'autres, à charge d'appel. L'appel des sentences des tribunaux de district est confié à un autre tribunal de district voisin au choix des parties. Il n'y a donc pas un degré de juridiction supérieur. C'est l'appel dit " circulaire ". En effet, par crainte de la résurgence de juridictions d'appel analogues aux parlements, il n'a pas été créé de juridiction spécifique et unique.

La justice pénale

­ les nouveaux principes du droit pénal.

La procédure pénale réglementée par l'Ordonnance de Colbert est réformée par les lois des 19­22 juillet et 16­29 septembre 1791. De type inquisitorial (secrète, écrite...), la procédure mise en place s'inspire davantage du modèle accusatoire et vise à mieux garantir l'application des principes issus de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. C'est également à cette époque que l'on élabore un Code pénal (1791) et que l'on établit trois sortes d'infractions : délits municipaux, délits correctionnels, délits et crimes comportant une peine afflictive et infamante. Les peines applicables, devenues publiques et personnelles, devaient prévues par la loi pour chaque délit.

Il y a trois degrés de justice pénale. ­ Dans chaque commune, est institué un tr ibunal de police municipal, au sein duquel siége le juge de paix, chargé de juger les infractions les moins graves.

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­ Au niveau du canton, un tr ibunal de police cor rectionnelle juge les délits, infractions de gravité moyenne. ­ Au sommet se situe au chef­lieu du département le tr ibunal cr iminel, institution à l'origine de notre cour d'assises, composé de quatre magistrats et du jury populaire (12 citoyens tirés au sort). Il y a, en outre un accusateur public chargé de diriger les poursuites et un commissaire chargé de requérir l'application de la peine. Ce tribunal juge les crimes et délits les plus graves. L'instruction préparatoire est confiée au juge de paix, complétée par l'un des juges du district. L'affaire est ensuite soumise au jury d'accusation (8 citoyens tirés au sort) présidé par le juge de district, qui se prononce sur le renvoi devant le tribunal criminel en formation de jugement. Il y a donc deux jury : un jury d'accusation et un jury de jugement. Ce dernier ne délibère que sur la culpabilité, les magistrats prononcent la peine. Le seul recours possible de la décision du tribunal criminel est le recours en cassation.

L'organisation juridictionnelle est complétée durant la période révolutionnaire par l'institution d'un tr ibunal de cassation et de tr ibunaux d'appel. Le tribunal de cassation, couronnant les institutions judiciaires, a été créé pour assurer le respect de la loi et l'unité de la jurisprudence. Juge exclusif du droit, le tribunal de cassation ne dispose pas, à l'époque, des attributions aujourd'hui dévolues à la Cour de cassation ; sa compétence se voit limitée à l'examen des vices de forme dans la procédure et de veiller au bon respect de la loi, sans connaître du fond de l'affaire; son pouvoir d'interprétation de la loi est restreint limité par l'existence du " référé­législatif " ­ qui oblige le tribunal à demander au législateur d'indiquer le sens et la portée des textes de loi ­.

La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (texte préparé par l'archevêque de Bordeaux, Champion de Cicé, le préambule, par Mirabeau et Mounier) est une déclaration de principe, à vocation universelle : les libertés individuelles y sont proclamées, les principes suivants énoncés : ­ le citoyen respectueux de la loi est garanti contre les arrestations, détentions et condamnations arbitraires; ­ on y trouve une conception utilitariste de la répression; ­ la légalité des infractions et des peines ainsi que la non­rétroactivité des lois; ­ la présomption d'innocence; ­ l'esquisse d'une liberté d' opinion et de conscience; ­ la séparation des pouvoirs.

D'autre part, les décrets du 8 octobre ­ 3 novembre 1789 sur la justice criminelle : ­ abolissent l'interrogatoire et la sellette, la question et le serment obligatoire des accusés; ­ donnent aux procès criminels un caractère public; ­ octroient aux accusés le droit de choisir un ou plusieurs conseils.

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La période de la Terreur en 1793 va relayer l'œuvre des Constituants au rang de principes. Avec la mise en place du tribunal révolutionnaire créé par la loi du 10 mars 1793, les juridictions d'exception renaissent, les juridictions ordinaires sont étroitement surveillées par l'Etat. Les droits de l'accusé sont de plus en plus bafoués, la présomption d'innocence inexistante (" loi des suspects " du 17 septembre 1793). Le Directoire modèlera les juridictions et les juges à sa convenance.

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Napoléon est à l'origine d'importantes et nombreuses créations sur le plan des institutions. Devenu Empereur des Français en 1804, la justice est exercée en son nom et non plus au nom du peuple comme c'était le cas sous la Révolution. Il rénove l'organisation judiciaire mais réintroduit les fastes de l'Ancien Régime.

Napoléon réalise surtout l'unification et l'ordonnancement des lois, abroge l'Ancien Droit, les lois romaines, les coutumes. Pour ce faire, il confie les travaux de codification à d'éminents juristes : Portalis, Tronchet, Maleville, Bigot de Préameneu sont chargés d'élaborer un Code civil... La période Napoléonienne voit donc naître un droit écrit avec des lois codifiées. En 1804, un Code civil ou Code Napoléon fut rédigé. Par la suite, est entreprise la rédaction d'une série d'autres Codes : le Code de procédure civile; le Code de commerce; le Code d'instruction criminelle; le Code pénal. Le juge fait respecter le droit sacré de la propriété, le contrat, social et civil, ­ c'est le règne du principe de l'autonomie de la volonté, ainsi que le contrat de famille ; c'est la puissance du père de famille.

Depuis cette époque, le système français se fonde essentiellement sur un droit codifié, contrairement au système anglo­saxon, fondé sur la jurisprudence. Les lois françaises sont donc en principe réunies en codes, complétées par des décrets qui en fixent les modalités d'application.

La seconde moitié du XXè siècle verra l'éclosion de nombreux codes spécialisés

C'est également à cette époque que le paysage judiciaire est remanié, dans le sens de la centralisation. Sous la puissante autorité du chef de l'Etat, l'organisation judiciaire est très hiérarchisée; les juges ne sont plus élus mais nommés par le gouvernement. Certes dominée par les principes révolutionnaires, la justice renoue

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néanmoins avec certaines traditions, ainsi qu'avec le décor de l'Ancien Régime. En 1802, on reconstitue l'ancien office du chancelier sous le nom de "Grand juge", avec pour fonction de surveiller les tribunaux et de présider la Cour de cassation, qui a un droit de censure et de discipline sur les juges. Le tribunal de cassation prend le nom de Cour, les juridictions sont réparties en chambres, les décisions des cours sont dénommées arrêts, les auxiliaires de la justice (notaires, avoués, huissiers et greffiers) sont rétablis sur le système des offices.

­ les tribunaux civils A la base, les juges de paix sont maintenus au niveau du canton. Ils conservent leur rôle d'arbitrage et de conciliation. Au dessus, siège dans chaque arrondissement un tribunal civil, composé de trois juges. Sa compétence est générale, en première instance, et ils jugent l'appel des décisions des juges de paix. Au niveau supérieur, figurent les tribunaux d'appel, devenus en 1804 les cours d'appel, en moyenne une pour trois départements. Mais leur mission est alors limitée à l'examen des recours en appel contre les décisions des tribunaux civils et de commerce. C'est également à cette époque que l'on décide que l'appel sera examiné par des juridictions différentes de celles de première instance. Enfin, au sommet, est placé le tribunal de cassation qui prendra le nom de Cour de cassation. Cette Cour conserve ses attributions judiciaires de l'époque révolutionnaire, et dispose en outre d'une compétence disciplinaire sur l'ensemble du corps judiciaire.

­ la justice criminelle Jusqu'en 1801, l'organisation reste celle mise en place par les révolutionnaires. Les juges de paix demeurent investis de la juridiction de simple police; les tribunaux civils de première instance jugent la matière correctionnelle ; le tribunal criminel siège au chef lieu du département, le jury d'accusation et le jury de jugement sont maintenus. Une loi de 1801 règle la procédure criminelle, reconstitue les pouvoirs du ministère public représentant l'Etat. Le Code d'instruction criminelle de 1808 réforme la justice répressive. La procédure est sensiblement modifiée : le ministère public joue désormais un rôle décisif dans la mise en mouvement de l'action publique, il a pour mission de rechercher les infractions mais l'instruction lui échappe. Est alors institué le juge d'instruction, magistrat du siège, chargé de diriger l'enquête pénale. Les tribunaux correctionnels ne sont pas modifiés profondément, mais l'appel est porté devant un autre tribunal correctionnel. Le jury d'accusation en matière criminelle est supprimé et ses attributions sont dévolues à une chambre des mises en accusation de la cour d'appel. Les tribunaux criminels sont remplacés par des cours d'assises, une par département, siégeant une fois par trimestre, composées de juges, du jury et d'un parquet représentant l'intérêt public et comprenant un procureur général. Le droit pénal est codifié en 1810 : il définit et répartit les infractions en trois classes (contraventions, délits, crimes), fixe l'échelle des peines applicables aux

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infractions en prévoyant un minimum et un maximum, prévoit des circonstances atténuantes et aggravantes.

L'organisation est complétée par des juridictions d'exception, chargées de juger une catégorie de procès retirée aux tribunaux ordinaires ou de droit commun ; parmi ces juridictions : les tribunaux de prud'hommes (1806), les tribunaux de commerce (1807), la Haute Cour destinée à juger les délits des hauts dignitaires, ministres, préfets...

La période marquée par la centralisation de l'Etat se caractérise également par l'instauration du Conseil d'Etat, cumulant des attributions administratives et le pouvoir de rendre des décisions de justice. Le contentieux de nature administratif opposant un citoyen à l'administration reste soumis à l'administration, juge et partie, selon les principes de la théorie du " ministre juge ".

La justice administrative

• Est créé un conseil de préfecture (par département) présidé par le Préfet ; • Le Conseil d'Etat est rétabli.

La Constitution de l'An VIII définit un statut de la magistrature :

• Les magistrats du siège sont nommés (et non plus élus comme c'était le cas sous l'époque révolutionnaire) et sont inamovibles ;

• Les magistrats du parquet sont soumis au pouvoir de nomination et à l'autorité hiérarchique du Garde des Sceaux.

Le temple de Thémis Sous l'Empire, le rétablissement de l'autorité de l'Etat passe par la restauration de l'autorité de la justice. Les symboles sont essentiellement classiques : le glaive et la balance, le miroir de la vérité sur lequel s'enroule le serpent du mensonge. La loi et le droit sont gravés sur les murs, peints sur les plafonds ou tissés sur les tapis. Le drapeau tricolore, le buste de Marianne et les faisceaux de licteur évoquent la force et l'autorité de l'Etat.

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Le système judiciaire français ne connaît pas de profond bouleversement jusqu'en 1958. On note essentiellement la création et le développement de nombreuses juridictions spécialisées. L'évolution des institutions concerne essentiellement l'ordre administratif.

C'est au cours de cette période que se forme progressivement la justice administrative avec des structures juridictionnelles modelées à l'image des institutions judiciaires. Le Conseil d'Etat acquiert dans le respect de la tradition ses caractères actuels. Le droit administratif se forme peu à peu. Le premier degré de juridiction administrative ne sera toutefois organisé que tardivement par la loi du 30 septembre 1953. La séparation entre l'ordre administratif et l'ordre judiciaire est consacrée par la loi du 24 mai 1872 qui institue le Tribunal des conflits chargé de régler les conflits de compétences, fonction auparavant dévolue au Conseil d'Etat.

Loi du 24 mai 1872 met un terme à la justice retenue et aligne sur un même pied d'égalité, la justice judiciaire et la justice administrative, toutes deux justices déléguées. Dans cette optique : Le Conseil d'état reçoit le pouvoir de statuer en dernier ressort sur le contentieux administratif et sur les recours pour excès de pouvoir. Le tribunal des conflits est rétabli.

Pendant près d'un siècle, l'organisation des juridictions judiciaires est peu modifiée. Les juridictions recouvrent en 1837 leur pouvoir d'interprétation de la loi sous le contrôle de la Cour de cassation dont l'organisation est remaniée au cours du XXè siècle ­ création de la chambre sociale (1938), suppression de la chambre des

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requêtes, institution de la chambre commerciale (1947), institution et création des chambres mixtes (1967) ­. De nombreuses juridictions spécialisées se développent peu à peu : tribunal des pensions (1919), tribunal paritaire de baux ruraux (1946), commissions de sécurité sociale (1946), de même sont instituées des juridictions spécialisées pour les mineurs (Ordonnance du 2 février 1945). La période est également marquée par des aménagements du recrutement et du statut des magistrats (création du Conseil Supérieur de la Magistrature en 1946).

Au début du XXè siècle, on tente de modifier la carte judiciaire et de centraliser la justice. En 1919 et 1926, de nombreux tribunaux sont supprimés. Il s'agit de transférer la justice de paix du canton au chef lieu de l'arrondissement et de regrouper les tribunaux d'arrondissement au chef lieu du département. A la veille de 1958, le paysage judiciaire ne correspond plus à la situation démographique et à l'évolution des moyens de communication.

L'avènement de nombreuses libertés fondamentales ∙ Loi du 30 juin 1881 : liberté de réunion ∙ Loi du 29 juillet 1881 : liberté de la presse ∙ Loi du 21 mars 1884 : liberté d'association professionnelle

La loi du 31 août 1883, outre une loi d'épuration brutale (en l'espace de quelques semaines, un millier de magistrats est évincé) : ‐ simplifie l'organisation juridictionnelle : toutes les cours d'appel sont placées sur un même pied ‐ hormis Paris‐ et on limite à 3, les classes des tribunaux ‐ revalorise les rémunérations des magistrats : la magistrature s'entrouvre à la petite et moyenne bourgeoisie La création d'un Conseil supérieur de la magistrature est envisagée.

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Le législateur de 1958 procède à un vaste réaménagement du paysage judiciaire français, accompagnant l'entrée en vigueur de la Constitution de la Vème République dont le titre VIII est consacré à l'autorité judiciaire.

En premier lieu, la réforme de 1958 comporte une révision de la carte judiciaire.

L'implantation géographique des juridictions demeure, en principe, en rapport avec les circonscriptions administratives, mais la réforme tient compte à la fois des modifications démographiques, de l'amélioration des conditions de transport, des moyens de communication et de l'activité judiciaire. Ainsi, de nouvelles cours d'appel sont créées en raison de l'activité judiciaire croissante de certains départements (Reims, Metz, Versailles).

La Constitution de 1958 ­ Le titre VII est consacré au Conseil constitutionnel, juge de la constitutionnalité des lois. ­ Le titre VIII, des dispositions relatives à " l' autorité judiciaire ", notion qui évolue avec l'expression plus neutre qui apparaît en 1993, " de l'indépendance de la justice ". ­ Le titre IX, à la Haute Cour de Justice, chargée de juger le Président de la République, en cas de haute trahison. ­ Le titre X, à la Cour de justice de la république, modifiée par la loi constitutionnelle du 27 juillet 1993 qui en fait une Cour de justice de la République, apte à connaître des crimes et des délits des ministres dans l'exercice de leurs fonctions.

Le magistrat devient un acteur de la régulation sociale. Aujourd'hui, il se voit confier la mission de réguler une situation en sa qualité de gardien des libertés individuelles et des droits de l'homme : le juge continue certes à imposer sa décision, mais cherche aussi des solutions plus négociées.

La réforme accroît la compétence de la Cour d'appel. Celle­ci examine désormais les recours formés contre les décisions rendues par l'ensemble des juridictions de première instance, y compris les juridictions d'exception.

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Les juges de paix sont remplacés par le tribunal d'instance, à raison d'un par arrondissement. Le tribunal de grande instance succède au tribunal civil au siège du département. Enfin, les textes réalisent l'unité de la magistrature en dotant tous les membres de ce corps d'un statut unique. Le Conseil supérieur de la magistrature dont le statut est acquis depuis la Constitution de 1946, est reconduit sous une forme rénovée. La loi constitutionnelle du 27 juillet 1993 assure une meilleure indépendance du CSM en matière de nomination et introduit en son sein une double formation : une pour les magistrats du siège et une nouvelle formation pour les magistrats du parquet.

Depuis 1958, divers textes sont intervenus : la loi de 1991 a aménagé le statut et le rôle des avocats, l'organisation judiciaire est codifiée, l'organisation des conseils de prud'hommes est modifié en 1979, le Code pénal et la procédure pénale sont refondus…

Une avancée importante dans le domaine de la codification et de la refonte du paysage judiciaire ∙ Code de procédure pénale (ordonnance du 23 décembre 1958) ∙ Code de justice militaire (loi du 21 juillet 1982) ∙ Code des tribunaux administratifs (lois des 13 juillet 1973 et 31 décembre 1987) ∙ Nouveau code de procédure civile (décret du 5 décembre 1975) ∙ Code de l'organisation judiciaire (décret du 16 mars 1978) ∙ Nouveau code pénal (lois du 22 juillet 1992, modifiées par la loi du 16 décembre 1992) ; ∙ Loi du 15 juin 2000 modifiant la justice pénale, loi renforçant la présomption d'innocence et les droits des victimes.

La justice face aux usagers ∙ La loi du 5 juillet 1972 introduit une notion de responsabilité de l'Etat, vis­à­vis du service public de la justice : " l'Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice " : on assiste à un effacement de la justice en tant que pouvoir et son appréhension par le public en tant que service public. ∙ Une loi du 30 décembre 1977 proclame la gratuité de la justice : devant les juridictions civiles et administratives, elle fait disparaître les droits de timbre, d'enregistrement, les redevances des greffes. ∙ L'accès à la justice est amélioré : si, dès 1851, était mise en place une assistance judiciaire pour les personnes dépourvues de ressources, on passe avec la loi du 3 janvier 1972 à la notion d'aide judiciaire (de l'assistance à la solidarité sociale) ; la loi du 10 juillet 1991 modifiée en 1998 va plus loin avec l'instauration de l’aide juridique qui vise à assurer, plus largement, un accès au droit. ∙ Institutionnalisation de la conciliation (décret du 20 mars 1978). ∙ Projet de réforme de la carte judiciaire. ∙ Projet de réintroduction des juges de proximité.

Pour en savoir plus sur : ­ l'organisation judiciaire aujourd'hui ­ les réformes et projets de réforme

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Chronologie des institutions judiciaires

1790 : institution des juges de paix, création d'un tribunal de cassation et de tribunaux d'appel 1791 : tribunal criminel départemental 1799 : création du Conseil d'Etat 1800 : conseil de préfecture tribunal de première instance 1804 : Cour de cassation, cours d'appel 1806 : premier conseil des prud'hommes 1810 : cours d'assises 1872 : tribunal des conflits reconnaissance du rôle juridictionnel du Conseil d'Etat 1943 : tribunal paritaire des baux ruraux 1945 : commission paritaire de la Sécurité sociale 1951 : juge des enfants et tribunal pour enfants cour d'assises des mineurs 1953 : tribunal administratif 1958 : Haute cour de Justice Conseil constitutionnel tribunal d'instance, suppression du juge de paix tribunal de grande instance 1979 : généralisation des conseils de prud'hommes 1987 : cours administratives d'appel 1993 : Cour de Justice de la République remplaçant la Haute Cour, compétente pour juger les crimes ou délits commis par les ministres dans l'exercice de leurs fonctions