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3.22 CONNAÎTRE DIEU COMME RÉDEMPTEUR AVEC CALVIN a. L’incarnation du médiateur Introduction : [Accroche] Dans la première partie de notre lecture de l’Instruction chrétienne de Calvin, nous avons principalement cherché à connaître Dieu comme créateur et souverain gouverneur du monde. Toutefois, la question du salut qu’il nous faut aussi recevoir de lui a déjà largement été considérée, puisque sa Loi, nous faisant descendre en nous-mêmes, manifeste clairement notre misère et notre condamnation. Notre condition nous conduit alors à lever les yeux au ciel en espérant y trouver non seulement le juste juge de toute la terre, mais aussi un Père miséricordieux qui nous remettra nos fautes. Et la grande nouvelle, c’est que Dieu est bien ainsi : un Père qui se révèle à nous comme miséricordieux, parce qu’il nous offre son Fils pour que nous l’embrassions par la foi, de sorte à ce qui est à nous – notre condamnation – soit portée par lui, et que ce qui est à lui – sa justice parfaite – deviennent nôtre. Dieu se fait donc ainsi connaître comme rédempteur en Jésus-Christ, son Fils unique, notre Seigneur. [Problématique] Si c’est par la foi en Jésus-Christ que nous sommes sauvés, il nous faut donc aussi réfléchir à ce que nous croyons précisément de lui – et c’est ce que permet précisément l’examen que nous pouvons en faire de l’exposé du Symbole des Apôtre auquel procède Calvin dans l’Instruction chrétienne. « Je crois en Jésus- Christ, son Fils unique, notre Seigneur, qui a été conçu du Saint-Esprit, et qui est né de la Vierge Marie ». Que confessons-nous de Jésus-Christ lorsque nous disons cela ? [Thèse] Nous confessons le fait de l’incarnation, i.e. du vrai Dieu manifesté dans la chair. [Annonce du plan] Nous verrons dans un premier temps que les titres qui sont confessés de notre Seigneur Jésus-Christ ne sont pas anodins et qu’ils indiquent la finalité de l’incarnation (A) avant d’évoquer dans un second temps le type de nécessité de l’incarnation (B) puis dans un troisième temps la manière de l’incarnation (C). A. Les finalités qu’assignait Calvin à l’incarnation Instruction , « Le symbole de la foi » : Ce que nous avons par avant enseigné, que Christ est le propre objet de notre Foi, apparaît facilement de ce que toutes les parties de notre salut sont ici représentées en lui. b. Jésus : le sauveur Instruction , « Le symbole de la foi » : Nous l’appelons Jésus, duquel titre il a été honoré par révélation céleste, car il a été envoyé pour sauver son peuple de leurs péchés. Pour laquelle raison l’Écriture affirme, Actes 4, qu’il n’a point été donné autre nom aux hommes auquel il leur faille obtenir salut. c. Christ : notre prophète, roi et sacrificateur Ce matériel est exclusivement réservé aux étudiants régulièrement inscrits à la Faculté Jean Calvin. Son contenu n’est pas public. La diffusion publique de tout document est soumise à l'accord du professeur concerné. 1

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3.22 Connaître Dieu comme rédempteur avec CalvinL’incarnation du médiateur

Introduction : [Accroche] Dans la première partie de notre lecture de l’Instruction chrétienne de Calvin, nous avons principalement cherché à connaître Dieu comme créateur et souverain gouverneur du monde. Toutefois, la question du salut qu’il nous faut aussi recevoir de lui a déjà largement été considérée, puisque sa Loi, nous faisant descendre en nous-mêmes, manifeste clairement notre misère et notre condamnation. Notre condition nous conduit alors à lever les yeux au ciel en espérant y trouver non seulement le juste juge de toute la terre, mais aussi un Père miséricordieux qui nous remettra nos fautes. Et la grande nouvelle, c’est que Dieu est bien ainsi : un Père qui se révèle à nous comme miséricordieux, parce qu’il nous offre son Fils pour que nous l’embrassions par la foi, de sorte à ce qui est à nous – notre condamnation – soit portée par lui, et que ce qui est à lui – sa justice parfaite – deviennent nôtre. Dieu se fait donc ainsi connaître comme rédempteur en Jésus-Christ, son Fils unique, notre Seigneur. [Problématique] Si c’est par la foi en Jésus-Christ que nous sommes sauvés, il nous faut donc aussi réfléchir à ce que nous croyons précisément de lui – et c’est ce que permet précisément l’examen que nous pouvons en faire de l’exposé du Symbole des Apôtre auquel procède Calvin dans l’Instruction chrétienne. « Je crois en Jésus-Christ, son Fils unique, notre Seigneur, qui a été conçu du Saint-Esprit, et qui est né de la Vierge Marie ». Que confessons-nous de Jésus-Christ lorsque nous disons cela ? [Thèse] Nous confessons le fait de l’incarnation, i.e. du vrai Dieu manifesté dans la chair. [Annonce du plan] Nous verrons dans un premier temps que les titres qui sont confessés de notre Seigneur Jésus-Christ ne sont pas anodins et qu’ils indiquent la finalité de l’incarnation (A) avant d’évoquer dans un second temps le type de nécessité de l’incarnation (B) puis dans un troisième temps la manière de l’incarnation (C).

A. Les finalités qu’assignait Calvin à l’incarnation

Instruction, « Le symbole de la foi » :

Ce que nous avons par avant enseigné, que Christ est le propre objet de notre Foi, apparaît facilement de ce que toutes les parties de notre salut sont ici représentées en lui.

Jésus : le sauveur

Instruction, « Le symbole de la foi » :

Nous l’appelons Jésus, duquel titre il a été honoré par révélation céleste, car il a été envoyé pour sauver son peuple de leurs péchés. Pour laquelle raison l’Écriture affirme, Actes 4, qu’il n’a point été donné autre nom aux hommes auquel il leur faille obtenir salut.

Christ : notre prophète, roi et sacrificateurL’onction d’huile comme symbole des grâces divines dont nous avons besoin

Instruction, « Le symbole de la foi » :

Le titre de Christ signifie qu’il a été pleinement arrosé de toutes les grâces du saint Esprit, lesquelles en l’Écriture sont désignées par le nom d’huile, pourtant que sans icelles nous défaillons comme secs et stériles.

Le triple office christiqueRoi

Instruction, « Le symbole de la foi » :

Or il a, par cette onction, été constitué Roi de par le Père, pour se assujettir toute-puissance au ciel et en la terre […].

Sacrificateur

Instruction, « Le symbole de la foi » :

Secondement, il a été constitué Sacrificateur, pour nous apaiser et réconcilier le Père par son sacrifice […].

Prophète

IRC II.15.2 :

Par cela, nous voyons qu’il a été oint du Saint-Esprit, pour être héraut et témoin de la grâce de son Père […].

[…] Cependant que cela nous demeure conclu, que par la perfection de la doctrine qu’il a apportée, il a mis fin à toutes prophéties, tellement que tous ceux qui veulent y rien ajouter dérogent à son autorité.

Oint pour que nous participions à son onctionRoi pour que nous régnions sur le péché et la mort

Instruction, « Le symbole de la foi » :

Or il a, par cette onction, été constitué Roi de par le Père, pour se assujettir toute-puissance au ciel et en la terre afin que nous fussions en lui rois, ayant domination sur le diable, péché, mort et enfer.

Sacrificateur pour que nous nous offrions nous-mêmes à Dieu

Instruction, « Le symbole de la foi » :

Secondement, il a été constitué Sacrificateur, pour nous apaiser et réconcilier le Père par son sacrifice, afin que nous fussions en lui sacrificateurs, offrant au Père prières, actions de grâces, nous-mêmes et toutes choses nôtres, l’ayant pour notre intercesseur et médiateur.

Prophète pour que nous proclamions à notre tour l’Évangile

IRC II.15.2 :

Il convient aussi de noter derechef qu’il n’a pas reçu l’onction seulement pour soi, afin d’enseigner de sa bouche, mais pour tout son corps, afin qu’en la prédication ordinaire de l’Évangile la vertu du Saint-Esprit resplendisse.

Fils unique de Dieu : celui en qui nous devenons enfants de Dieu

Instruction, « Le symbole de la foi » :

Outre cela il est dit Fils de Dieu, non pas comme les fidèles par adoption et grâce seulement, mais vrai et naturel, et pourtant seul et unique, afin qu’il soit discerné des autres.

IRC II.12.2 :

Voici comment nous sommes assurés de l’héritage céleste : c’est que le Fils unique de Dieu, auquel l’héritage universel appartient, nous a adoptés pour ses frères, et par conséquent faits héritiers avec lui (Rom. 8 : 17).

Notre Seigneur : celui par lequel Dieu exerce son règne sur nous

Instruction, « Le symbole de la foi » :

Et il est notre Seigneur, non pas seulement selon sa divinité, laquelle de toute éternité il a eu une avec le Père, mais aussi en celle chair en laquelle il nous a été manifesté. Car, comme dit saint Paul, 1 Corinthiens 8 : « Il y a un seul Dieu duquel sont toutes choses, et un seul Seigneur Jésus-Christ par lequel sont toutes choses. »

IRC II.12.2 :

[…] le Père a donné toute puissance à son Fils, afin de nous conduire sous sa main, nourrir et sustenter, nous garder sous sa protection, nous subvenir à tout besoin. C’est pourquoi, cependant que nous sommes comme éloignés de Dieu, étant pèlerins au monde, Jésus-Christ est entredeux pour nous mener petit à petit à une pleine conjonction. Et de fait, qu’il soit assis à la droite du Père, vaut autant à dire comme s’il était nommé son Lieutenant, qui a devers soi toute autorité ; car Dieu veut régner sur nous par tel moyen, qu’en la personne de son Fils il soit Roi et protecteur de son Église.

En guise de récapitulation des finalités de l’incarnation : un merveilleux échange

Instruction, « Le symbole de la foi » :

Car il a vêtu notre chair afin que, étant fait Fils d’homme, il nous fît avec soi fils de Dieu, et que ayant reçu notre pauvreté il nous transférât ses richesses ; ayant pris notre imbécilité, il nous confirmât de sa vertu ; ayant reçu notre mortalité, qu’il nous donnât son immortalité ; étant descendu en terre, qu’il nous élevât au ciel.

B. La nécessité de l’incarnation du Fils de Dieu1. Non pas une simple et absolue nécessité

IRC II.12.1 :

Or il était tant et plus requis que celui qui devait être notre Médiateur, fût vrai Dieu et homme. Si on demande d’où cette nécessité est venue, elle n’a pas été simple et absolue […].

Une nécessité conditionnée… 1. … par le besoin de salut des hommes

Instruction, « Le symbole de la foi » :

Nous avons ici comment le Fils de Dieu nous a été fait Jésus, c’est-à-dire sauveur, et Christ, c’est-à-dire oint pour Roi qui nous conservât, et pour Sacrificateur qui nous réconciliât avec le Père.

… par le décret divin manifestant la clémence divine

IRC II.12.1 :

[…] mais la cause en a été fondée sous le décret éternel de Dieu, dont le salut des hommes dépendait.

Or ce Père de toute clémence et bonté a ordonné ce qu’il nous connaissait être le plus utile.

Il nous fallait un médiateur qui soit Dieu et homme

IRC II.12.1 :

Car puisque nos iniquités, ayant jeté une nuée entre lui et nous, pour nous empêcher que nous vinssions à lui, nous avaient entièrement aliénés du royaume des cieux : nul ne pouvait être moyen pour nous réconcilier qu’il ne lui fût familier. […] Il ne restait donc nul remède, que tout ne fût désespéré, sinon que la majesté même de Dieu descendît à nous, puisqu’il n’était pas en notre pouvoir de monter jusqu’à elle.

C’est pourquoi il a fallu que le Fils de Dieu nous fût fait Emmanuel, c’est-à-dire Dieu avec nous, voire à telle condition que sa divinité et la nature des hommes fussent unies ensemble […].

IRC II.12.3 :

En somme, d’autant que Dieu seul ne pouvait sentir la mort, et l’homme ne la pouvait vaincre, il a conjoint la nature humaine avec la sienne, pour assujettir l’infirmité de la première à la mort, et ainsi nous purifier et acquitter de nos forfaits ; et pour nous acquérir victoire en vertu de la seconde, en soutenant les combats de la mort pour nous.

[Transition] Nous avons là la nécessité de l’incarnation : étant donnée notre condition pécheresse, et étant donné le décret éternel de Dieu par lequel il s’était, dans sa clémence et sa bonté, disposé à nous sauver, il fallait que Dieu fût fait homme en la personne du Fils. Comment l’incarnation a-t-elle alors eu lieu ? C’est ce qu’il nous faut voir maintenant.

C. La manière de l’incarnation1. Le Fils de Dieu engendré selon l’humanité1. Engendré de Marie selon l’humanité

IRC II.13.3 :

On peut donc droitement et à bonne raison conclure des paroles de S. Matthieu, puisque Jésus-Christ est engendré de Marie, qu’il est créé et formé de sa semence […]. Et de fait, S. Matthieu n’entend pas de faire de la Vierge un canal, par lequel Jésus-Christ soit passé ; mais il discerne cet ordre admirable et incompréhensible d’engendrer, de celui qui est vulgaire en nature, en ce que Jésus-Christ par le moyen d’une vierge a été engendré de la race de David.

Instruction, « Le symbole de la foi » :

Il est né de la Vierge Marie, afin qu’il fût reconnu […] vrai homme, en toutes choses semblable à nous excepté seulement péché, qui ayant été tenté de toutes nos infirmités apprit d’en avoir compassion.

Commentaires sur le Nouveau Testament, Vol. 2, Jn 11.33 :

Car aussi le Fils de Dieu a pris nos affections en soi, afin que nous puissions réprimer et subjuguer par sa vertu tout ce qui est de vicieux en icelles.

Engendré de Marie selon l’humanité pour accomplir les promesses de Dieu

IRC II.13.1 :

Car la bénédiction n’a pas été promise ou en une semence céleste, ou en un masque d’homme, mais en la semence d’Abraham et de Jacob (Gen. 12 : 2 ; 17 : 2-8 ; 22 : 16-18 ; 26.4. Et le trône éternel n’est point promis à un homme forgé en l’air, mais au Fils de David, et au fruit de son ventre (Ps. 45 : 7). D’où Jésus-Christ, étant manifesté en chair, est nommé fils de David et d’Abraham (Mat 1 : 1) […].

Instruction, « Le symbole de la foi » :

Il est né de la Vierge Marie, afin qu’il fût reconnu le vrai Fils de Abraham et de David, qui avait été promis en la Loi et aux prophètes […].

Sanctifié dans son humanité pour n’être entaché d’aucune corruption

Instruction, « Le symbole de la foi » :

Lui-même toutefois a été conçu au ventre de la vierge par la vertu du saint Esprit merveilleuse et inénarrable à nous, afin qu’il ne naquît entaché d’aucune corruption charnelle, mais sanctifié de souveraine pureté.

IRC II.13.4 :

Car nous ne disons pas que Jésus-Christ est exempt de toute tache et contagion originelle, parce qu’il a été engendré de sa mère sans compagnie d’homme, mais parce qu’il a été sanctifié du Saint-Esprit, afin que sa génération fût entière et sans macule, comme avant la chute d’Adam.

Le Fils de Dieu demeure pleinement Dieu

IRC II.13.4 :

Car bien qu’il ait uni son essence infinie avec notre nature, toutefois ç’a été sans clôture ni prison ; car il est descendu miraculeusement du ciel, en telle sorte qu’il y est demeuré ; et aussi il a été miraculeusement porté au ventre de la Vierge, et a conversé au monde, et a été crucifié, de telle sorte que cependant, selon sa divinité, il a toujours rempli le monde comme auparavant.

Les deux personnes font une seule personne au médiateur

IRC II.14.1 :

Et celui qui était Fils de Dieu a été fait fils d’homme, non point par confusion de substance, mais par unité de personne ; c’est-à-dire qu’il a conjoint et uni sa divinité avec l’humanité qu’il a prise, de telle sorte que chacune des deux natures a retenu sa propriété. Et néanmoins Jésus-Christ n’a point deux personnes distinctes, mais une seule.

Conclusion : [Récapitulation] Jésus-Christ est ainsi Dieu manifesté dans la chair, venu dans ce monde pour nous les hommes et pour notre salut. [Ouverture] Maintenant que la manière dont le Fils de Dieu s’est fait homme a été évoquée, il nous faudra considérer comment le salut, dans les conditions de l’incarnation, a été concrètement accompli. C’est ce que nous verrons dans la prochaine heure.

L’obéissance et le règne du médiateur

Introduction : [Accroche] Nous avons vu dans l’heure précédente que le Fils de Dieu s’est incarné pour accomplir notre salut. [Problématique] La question est donc pour nous la suivante : comment le salut, dans les conditions de l’incarnation, a-t-il été concrètement accompli ? [Thèse] La réponse de Calvin à cette question tient en deux termes : obéissance et règne. [Annonce du plan] Nous verrons premièrement comment Christ nous a réconcilié avec Dieu du fait de son obéissance jusqu’à la mort de la croix (A) et deuxièmement comment le Christ règne depuis sa résurrection et les bénéfices que nous en retirons.

L’obéissance du médiateur1. L’obéissance comme caractéristique de l’humiliation du médiateur

IRC II.16.5 :

Maintenant, si on demande comment Jésus-Christ, ayant aboli les péchés, a ôté le divorce qui était entre Dieu et nous, et nous acquérant justice, nous l’a rendu ami et favorable : on peut répondre en général, qu’il a fait et accompli cela par tout le cours de son obéissance.

Instruction, « Le symbole de la foi » :

Par ces paroles [qu’il a souffert sous Ponce Pilate, a été crucifié, mort et enseveli, est descendu aux enfers] nous sommes enseignés comment il a parfait notre rédemption pour laquelle il était né homme mortel : car parce que Dieu était provoqué à ire par la désobéissance de l’homme, il l’a effacée par son obéissance, se rendant obéissant jusqu’à la mort. Et il s’est offert par sa mort au Père en sacrifice, afin que la justice d’icelui fût pacifiée une fois pour tous temps, afin que tous les fidèles fussent sanctifiés éternellement, afin que éternelle satisfaction fût accomplie. Il a épandu son sacré sang pour le prix de notre rédemption, afin que la fureur de Dieu enflambée contre nous fût éteinte et que notre iniquité fût purgée.

Mais il n’y a rien en celle rédemption qui soit sans mystère.

Les différents degrés de son humiliation qui nous obtiennent ensemble la grâce de Dieu1. Son procès

Instruction, « Le symbole de la foi » :

Il a souffert sous Ponce Pilate, lors juge du pays de Judée par la sentence duquel il a été condamné comme criminel et malfaiteur, afin que, par cette condamnation nous fussions délivrés et absous au consistoire du grand Juge.

IRC II.16.5 :

Nous ne pouvions échapper à l’horrible jugement de Dieu : Jésus-Christ, pour nous en retirer, a souffert d’être condamné devant un homme mortel. […]

Et voilà où gît notre absolution : c’est que tout ce qui nous pouvait être imputé pour nous faire notre procès criminel devant Dieu, a été transporté sur Jésus-Christ, tellement qu’il a réparé nos fautes.

Sa crucifixion

Instruction, « Le symbole de la foi » :

Il a été crucifié, afin de soutenir en la croix que était maudite en la Loi de Dieu, notre malédiction, laquelle nos péchés méritaient.

Deutéronome 21.22-23 : « Si l’on fait mourir un homme qui a commis un crime digne de mort, et que tu l’aies pendu à un bois, son cadavre ne passera point la nuit sur le bois ; mais tu l’enterreras le jour même, car celui qui est pendu est un objet de malédiction auprès de Dieu, et tu ne souilleras point le pays que l’Éternel, ton Dieu, te donne pour héritage. »

IRC II.16.6 :

Quand donc Christ est attaché à la croix, il se rend sujet à la malédiction. Il fallait qu’il en fût ainsi : c’est que la malédiction qui nous était due et apprêtée pour nos iniquités, fût auparavant transférée en lui, afin que nous en fussions délivrés […].

Néanmoins, il ne faut pas entendre qu’il ait reçu notre malédiction de telle sorte, qu’il en ait été couvert et accablé : mais au contraire, en la recevant, il l’a déprimée, rompue et dissipée. Par conséquence, la foi en la condamnation de Christ appréhende absolution et, en sa malédiction, appréhende bénédiction. Par suite, ce n’est pas sans cause que S. Paul magnifie tant le triomphe que Jésus-Christ nous a acquis en la croix, comme si elle eût été alors convertie en un chariot royal ou de triomphe, ayant été pleine d’ignominie et opprobre […].

Sa mort

Instruction, « Le symbole de la foi » :

Il est mort afin de vaincre par sa mort la mort laquelle nous était contraire, et de l’engloutir, laquelle autrement nous eût engloutis et dévorés.

IRC II.16.7 :

Il a permis d’être comme subjugué par elle, non point pour en être opprimé et abattu, mais plutôt pour renverser son règne, qu’elle exerçait par-dessus-nous. Finalement il est mort, afin qu’en mourant il détruisît celui qui a la seigneurie de la mort, c’est-à-dire le diable […].

Son ensevelissement

Instruction, « Le symbole de la foi » :

Il a été enseveli afin que étant participants de lui par l’efficace de sa mort nous soyons ensevelis à péché, étant délivrés de la puissance du diable et de la mort.

IRC II.16.7 :

Car quand l’Apôtre dit que nous sommes entés en la similitude de la mort de Christ, que nous sommes ensevelis avec lui en la mort de péché (Rom. 6 : 5), que par sa croix le monde nous est crucifié (Gal. 2 : 19), et nous au monde (Gal. 6 : 14), que nous sommes morts avec lui (Col. 3 : 3) : non seulement il nous exhorte à imiter l’exemple de la mort, mais il démontre qu’une telle efficace est en elle […].

Sa descente aux enfersL’interprétation calvinienne de la clause

Instruction, « Le symbole de la foi » :

Ce qu’il est dit d’être descendu aux enfers signifie qu’il a été affligé de Dieu et qu’il a soutenu et senti la rigueur horrible de son jugement pour s’opposer à son ire et satisfaire à sa justice pour nous, ainsi souffrant et portant les peines qui étaient dues à notre iniquité, non pas à lui qui oncques n’eut péché ne macule.

IRC II.16.8 :

La descente aux enfers ne se doit point oublier en cet endroit, vu qu’elle apporte beaucoup à l’effet de notre salut. […]

IRC II.16.10 :

Il n’y avait rien de fait si Jésus-Christ n’eût souffert que la mort corporelle. Mais il était besoin qu’il portât la rigueur de la vengeance de Dieu en son âme, pour s’opposer à sa colère, et satisfaire à son jugement. D’où il a été requis qu’il combattît contre les forces d’enfer, et qu’il luttât comme main à main contre l’horreur de la mort éternelle.

[…] C’est pourquoi il ne se faut émerveiller s’il est dit qu’il est descendu aux enfers, vu qu’il a enduré la mort de laquelle Dieu punit les malfaiteurs en sa colère.

[…] Car après avoir exposé ce que Jésus-Christ a souffert à la vue des hommes, le lieu est bien opportun de mettre conséquemment ce jugement invisible et incompréhensible qu’il a soutenu devant Dieu, afin que nous sachions que non seulement son corps a été livré pour le prix de notre rédemption, mais qu’il y a eu un autre prix plus digne et plus excellent, d’avoir enduré les tourments épouvantables que doivent sentir les damnés et perdus.

Une précision importante : le Père n’a jamais été en colère contre son Fils, mais le Fils s’est senti abandonné par le Père.

Instruction, « Le symbole de la foi » :

Non pas que le Père ait jamais été courroucé à lui, car comment se fût-il indigné contre son Fils bien-aimé, auquel il a pris son bon plaisir ? Ou comment lui, eût-il par son intercession apaisé le Père lequel il eût eu courroucé ? Mais il est dit avoir soutenu la pesanteur de l’ire de Dieu en ce sens, c’est à savoir pour autant que étant frappé et affligé de la main de Dieu, il a senti tous signes de courroux et vengeance de Dieu, jusques à être contraint de crier en angoisse : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »

[Transition] L’obéissance parfaite du Christ l’a ainsi conduit à souffrir sous Ponce Pilate, à être crucifié, à mourir, à être enseveli et surtout à descendre en enfer. L’histoire toutefois ne s’arrête pas là. Car à l’humiliation succède l’exaltation. Et Calvin considère donc, après son obéissance jusqu’à la mort de la croix, le règne du médiateur.

Le règne du médiateur 1. La résurrection1. La résurrection comme victoire sur la mort

Instruction, « Le symbole de la foi » :

De sa résurrection, nous pouvons prendre certaine confiance de obtenir victoire de la domination de la mort : car, comme il n’a pu être détenu par les douleurs d’icelle, mais est venu au-dessus de toute sa puissance, ainsi il a tellement brisé toutes ses pointes qu’elles ne puissent déjà plus poindre mortellement.

Deux bénéfices de la résurrectionSa résurrection garantit la résurrection de notre chair

Instruction, « Le symbole de la foi » :

Sa résurrection est donc premièrement la très certaine vérité, substance et fondement de notre résurrection à venir […].

1 Cor 15.20-23 : Mais maintenant, Christ est ressuscité des morts, il est les prémices de ceux qui sont morts. Car, puisque la mort est venue par un homme, c’est aussi par un homme qu’est venue la résurrection des morts. Et comme tous meurent en Adam, de même aussi tous revivront en Christ, mais chacun en son rang, Christ comme prémices, puis ceux qui appartiennent à Christ, lors de son avènement.

Sa résurrection est la puissance à l’œuvre dans notre vivification spirituelle

Instruction, « Le symbole de la foi » :

Sa résurrection est donc […] secondement aussi, [la très certaine vérité, substance et fondement] de la vivification présente par laquelle nous sommes suscités en nouveauté de vie.

IRC II.16.13 :

Car nous sommes, comme dit l’Apôtre, entés en la similitude de sa mort, afin qu’étant participants de sa résurrection, nous cheminions en nouveauté de vie (Rom. 6 : 4-5). C’est pourquoi en un autre lieu, comme il déduit un argument de ce que nous sommes morts avec Christ, qu’il nous faut mortifier nos membres sur la terre : aussi, de ce que nous sommes ressuscités avec Christ, il infère qu’il nous faut chercher les choses célestes (Col. 3 : 1-5). Par ces paroles, non seulement il nous exhorte à nouvelle vie, à l’exemple du Christ ressuscité, mais il enseigne que cela se fait par sa vertu, que nous soyons régénérés en justice.

Commentaires sur le Nouveau Testament, Vol. 4, Phil. 3.10 :

Mais pource que c'est bien peu de chose de connaître Christ crucifié et ressuscité des morts, si quant et quant on n'appréhende le fruit, il parle nommément de l'efficace ou puissance. Lors donc Christ est connu comme il appartient, quand nous sentons que vaut sa mort et résurrection, et comment elles ont leur efficace en nous.

L’ascensionEn Christ, l’humanité rentre au ciel

Instruction, « Le symbole de la foi » :

Par son ascension au ciel, il nous a ouvert l’entrée au royaume des cieux qui nous était à tous close en Adam : car il est entré au ciel en notre chair comme en notre nom, tellement que déjà en lui nous possédons le ciel par espérance, et même nous sommes assis aux lieux célestes.

IRC II.16.16 :

[…] d’autant que nous n’en avons point une espérance nue, mais en avons déjà la possession en notre Chef.

Christ monte au ciel pour y officier comme notre sacrificateur

Instruction, « Le symbole de la foi » :

Et il n’est pas là sans notre grand bien, mais plutôt, selon l’office de sacrificateur éternel, étant entré au sanctuaire de Dieu non point fait de main d’homme, il se représente perpétuel avocat et médiateur pour nous.

IRC II.16.16 :

[…] convertissant tellement les yeux du Père en sa justice qu’il les détourne du regard de nos péchés ; nous réconciliant tellement son cœur, qu’il nous donne accès par son intercession à son trône, nous y préparant grâce et clémence, et faisant qu’il ne nous soit horrible comme il doit être à tous pécheurs.

La session

Instruction, « Le symbole de la foi » :

Ce qu’il est dit maintenant être assis à la dextre du Père, premièrement signifie qu’il est constitué et déclaré roi, maître et seigneur sur toutes choses, afin que par sa vertu il nous conserve et maintienne tellement que son règne et sa gloire est [sic] notre force, vertu et gloire contre les enfers. Secondement, il signifie qu’il a reçu toutes les grâces du saint Esprit pour les dispenser, desquelles il enrichit ses fidèles.

IRC II.16.16 :

Il est donc assis en haut, afin que de là, épandant sur nous sa vertu, il nous vivifie en vie spirituelle, et nous sanctifie par son Esprit, afin d’orner son Église de plusieurs dons précieux, afin de la conserver par sa protection à l’encontre de toute nuisance, afin de réprimer et confondre par sa puissance tous les ennemis de sa croix et de notre salut, finalement afin d’obtenir toute puissance au ciel et sur la terre, jusqu’à ce qu’il ait vaincu et détruit tous ses ennemis qui sont aussi les nôtres, et qu’il ait achevé d’édifier son Église (Ps. 110 : 1)

Instruction, « Le symbole de la foi » :

Pourtant, combien que élevé au ciel il ait ôté la présence de son corps de devant nos yeux, toutefois il ne cesse point d’assister par aide et puissance à ses fidèles et de leur montrer une vertu manifeste de sa présence, ce que aussi il a promis en disant : « Voici je suis avec vous jusques à la consommation du monde. »

L’apparition

Instruction, « Le symbole de la foi » :

Finalement s’ensuit qu’il descendra de là en forme visible telle qu’on le y a vu monter, c’est à savoir au dernier jour auquel il apparaîtra à tous en la majesté incompréhensible de son règne pour juger les vifs et les morts (c’est-à-dire ceux lesquels ce jour-là surprendra vivants et ceux lesquels auparavant seront morts), rendant à tous selon leurs œuvres, comme un chacun par ses œuvres sera approuvé être fidèle ou infidèle. Et de ceci revient à nous une singulière consolation, que nous entendons le jugement être commis à celui duquel l’avènement ne nous peut être sinon salut.

IRC II.16.18 :

Car comment un Prince de si grande clémence perdrait-il son peuple ? Comment le Chef dissiperait-il ses membres ? Comment l’Avocat condamnerait-il ceux dont il a pris la défense ? […] Ce n’est certes pas une petite assurance, de dire que nous ne comparaîtrons point devant un autre tribunal que celui de notre Rédempteur, duquel nous attendons salut.

Commentaires sur le Nouveau Testament, Vol. 4, Jq. 5.8 :

Parquoy il faut prendre courage et force pour persévérer et tenir bon jusqu’à la fin. Ce qu'on ne pourrait mieux faire, qu'en espérant, et, par manière de dire, regardant déjà comme présent l’avènement prochain du Seigneur.

Conclusion : [Récapitulation] Nous avons vu comment Calvin traite les unes après les autres des clauses du Symbole des Apôtres relatives à la carrière de Jésus-Christ. Un passage, peut-être mon préféré dans toute son œuvre, récapitule bien ce qu’il expose de Jésus-Christ :

Or puisque nous voyons que toute la somme et toutes les parties de notre salut sont comprises en Jésus-Christ, il nous faut garder d’en transférer ailleurs la moindre portion qu’on saurait dire. Si nous cherchons salut : le seul nom de Jésus nous enseigne qu’il est en lui. Si nous désirons les dons du Saint-Esprit : nous les trouverons en son onction. Si nous cherchons force : elle est en sa seigneurie. Si nous voulons trouver douceur et bénignité : sa nativité nous la présente, par laquelle il a été fait semblable à nous, pour apprendre d’être pitoyable. Si nous demandons rédemption, sa passion nous la donne. En sa condamnation, nous avons absolution. Si nous désirons que la malédiction nous soit remise : nous obtenons ce bien-là de la croix. La satisfaction, nous l’avons en son sacrifice ; l’expiation, en son sang ; notre réconciliation a été faite par sa descente aux enfers. La mortification de notre chair gît en son sépulcre ; la nouveauté de vie, en sa résurrection, en laquelle aussi nous avons espérance d’immortalité. Si nous cherchons l’héritage céleste : il nous est assuré par son ascension. Si nous cherchons aide et confort, et abondance de tous biens : nous l’avons en son règne. Si nous désirons d’attendre le jugement en sûreté : nous avons aussi ce bien, en ce qu’il est notre Juge.

En somme, puisque les trésors de tous biens sont en lui, il nous les faut de là puiser pour être rassasiés, et non d’ailleurs.

[Ouverture] « En somme, puisque les trésors de tous biens sont en lui, il nous les faut de là puiser pour être rassasiés, et non d’ailleurs. » Et la question est dès lors la suivante : si c’est là tout ce que nous pouvons puiser en Christ, comment le puiserons-nous effectivement ? La réponse à cette question nous viendra lorsque nous viendrons à examiner ce que nous croyons du Saint-Esprit qui fait découler sur nous les bienfaits obtenus pour nous par le Christ.

La personne et l’œuvre du Saint-Esprit

Introduction : [Accroche] Nous avons conclu la fois dernière, avec Calvin, que « puisque tous les trésors de tous biens sont en [Jésus-Christ], il nous les faut de là puiser pour être rassasiés, et non d’ailleurs ». [Problématique] Et la question qui se posait était dès lors la suivante : si c’est là tout ce que nous pouvons puiser en Christ, comment le puiserons-nous effectivement ? [Thèse] La réponse calvinienne à cette question, c’est que c’est l’œuvre du Saint-Esprit de nous communiquer au plan subjectif ce que le Christ nous a acquis au plan objectif. Le sous-titre du troisième livre de l’Institution chrétienne, pris à la suite du sous-titre du second livre « qui est de la connaissance de Dieu, en tant qu’il s’est montré Rédempteur en Christ », est révélateur : « De la manière de participer à la grâce de Jésus-Christ, les fruits qui nous en reviennent et des effets qui s’ensuivent ». Calvin traite ainsi d’abord de la manière dont Dieu s’est montré Rédempteur, objectivement, dans la personne et l’œuvre de Jésus-Christ, avant d’aborder la manière de participer, subjectivement, à la grâce de Jésus-Christ ». Et c’est dans ce cadre que Calvin traite du Saint-Esprit, et de la foi qu’il qualifie de « chef d’œuvre du Saint-Esprit », comme nous le verrons. Ainsi, c’est par l’œuvre du Saint-Esprit que nous participons à la grâce acquise par Jésus-Christ pour nous. [Annonce du plan] Nous procéderons en deux temps pour examiner la pneumatologie calvinienne : en examinant ce que Calvin dit d’une part de sa personne (A) et d’autre part de son œuvre (B).

A. La personne du Saint-Esprit1. L’accent de Calvin sur le « pour nous » de la doctrine du Saint-Esprit

Instruction, « Le symbole de la foi » :

Quand nous sommes enseignés de croire au saint Esprit, pareillement aussi il nous est commandé d’attendre de lui ce qui lui est attribué en l’Écriture.

Instruction, « Le symbole de la foi » :

Quand nous nommons le Père, Fils et saint Esprit, nous ne nous imaginons point trois Dieux mais l’Écriture et l’expérience même de notre piété nous montre en la très simple essence de Dieu, le Père, son Fils et son Esprit.

IRC I.13.14 :

Mais la meilleure probation, comme j’ai dit, sera de notre expérience familière. Car ce que l’Écriture lui attribue, et ce que nous expérimentons chacun de nous par effet, est bien éloigné des créatures […].

IRC I.13.14 :

Cette connaissance qui gît en pratique et expérience, est beaucoup plus certaine que toutes spéculations oisives ; car l’âme fidèle reconnaît indubitablement, et par manière de dire, touche à la main la présence de Dieu, là où elle se sent vivifiée, illuminée, sauvée, justifiée et sanctifiée.

Le Saint-Esprit troisième personne de la Trinité1. Le Saint-Esprit est Dieu

IRC I.13.14 :

Car ce que l’Écriture lui attribue, et ce que nous expérimentons chacun de nous par effet, est bien éloigné des créatures ; car c’est lui qui est répandu partout, soutient et vivifie toutes choses au ciel et en la terre et leur donne vigueur. Déjà, en ce qu’il n’est restreint en nul lieu ni limite, il est exempté du nombre des créatures ; mais d’inspirer essence, vie et mouvement à toutes choses par sa vertu, c’est choses notoirement divines.

[…] Bref, tous les offices qui appartiennent droitement à la divinité lui sont attribués comme au Fils.

e. Le Saint-Esprit est une personne distincte en DieuIl n’y a pas de distinction en Dieu quant à l’essence

IRC I.13.2 :

Il y a une même raison au Saint-Esprit, car nous aurons bientôt prouvé qu’il est Dieu, et toutefois nous serons contraints de le tenir autre que le Père : laquelle distinction ne s’accorde pas avec l’essence, parce qu’on ne la peut faire variable, ni de plusieurs portions.

Une distinction d’un autre ordre : la distinction des personnes

IRC I.13.6 :

En premier lieu, j’appelle Personne, une résidence en l’essence de Dieu, laquelle, étant rapportée aux autres, est distincte d’avec elles d’une propriété incommunicable.

Puisque l’Esprit est distingué du Père et du Fils, c’est qu’il est une personne.

IRC I.13.17 :

La distinction du Saint-Esprit d’avec le Père nous est signifiée, quand il est dit qu’il procède du Père ; d’avec le Fils, quand il est nommé autre, comme quand Jésus-Christ annonce qu’il y viendra un autre Consolateur, et en plusieurs autres passages (Jean 14 : 16 ; 15 : 26).

f. Le Saint-Esprit est troisièmeLe Fils fait par son Esprit, ce que le Père fait déjà

Instruction, « Le symbole de la foi » :

Car Christ œuvre par la vertu de son Esprit tout ce qui est bon de quelque part que ce soit : par elle, il fait, soutient, entretient et vivifie toutes choses […]

Cp. Instruction, « Le symbole de la foi » :

[Dieu le Père] entretient, soutient et vivifie tout ce qu’il a une fois créé.

Opera trinitatis ad extra indivisa sunt

IRC I.13.17 :

Aussi la sentence de Grégoire de Naziance me plaît fort : Je n’en puis, dit-il, en concevoir un, que trois ne reluisent à l’entour de soi ; et je n’en puis discerner trois, qu’incontinent je ne sois réduit à un seul.

Dans l’ordre trinitaire, l’Esprit est troisième

IRC I.13.18 :

Néanmoins, il ne convient pas de dissimuler la distinction qui est exprimée en l’Écriture : c’est qu’au Père, le commencement de toute action, et la source et origine de toutes choses est attribuée ; au Fils, la sagesse, le conseil et l’ordre de tout disposer ; au Saint-Esprit, la vertu et efficace de toute action. Outreplus, bien que l’éternité du Père soit aussi l’éternité du Fils et de son Esprit, d’autant que Dieu n’a jamais pu être sans sa sagesse et vertu, et qu’en l’éternité il ne faut chercher premier ni second : toutefois cet ordre qu’on observe entre le Père, le Fils et le Saint-Esprit n’est pas superflu, que le Père soit nommé le premier ; après le Fils, comme venant de lui ; puis le Saint-Esprit, comme procédant des deux. Car même l’entendement de chacun incline là naturellement, de considérer premièrement Dieu, puis après sa Sagesse, finalement sa Vertu, par laquelle il met en exécution ce qu’il a déterminé.

[Transition] Nous avons donc vu ce que Calvin dit de la personne du Saint-Esprit : il est la troisième personne de la Trinité. Il nous reste à nous pencher sur ce qu’il dit de son œuvre.

B. L’œuvre du Saint-Esprit1. L’œuvre du Saint-Esprit dans la création1. Le Saint-Esprit comme puissance par lequel le Christ créé et conserve toutes choses

Instruction, « Le symbole de la foi » :

[…] par [la vertu de son Esprit], [Christ] fait, soutient, entretient et vivifie toutes choses.

IRC I.13.14 :

Le témoignage de Moïse en l’histoire de la création n’est pas obscur : c’est que l’Esprit de Dieu était répandu sur les abîmes, c’est-à-dire cette masse confuse des éléments (Gen. 1 : 2). Car il signifie que non seulement la beauté du monde telle qu’on la voit maintenant ne se pourrait maintenir sans la vertu de l’Esprit, mais qu’il a fallu même qu’en ce gros amas sans forme ni ordre l’Esprit besognât pour qu’elle ne fût point anéantit incontinent.

h. Le Christ médiateur de la création

IRC II.12.1 :

Encore que l’homme fût demeuré en son intégrité, sa condition était trop basse pour parvenir à Dieu […].

Cf. Col 1.17 : « Il est avant toutes choses, et toutes choses subsistent en lui. »

L’œuvre du Saint-Esprit dans le salut1. L’union à ChristL’œuvre du Christ ne nous profite de rien sans celle du Saint-Esprit

IRC III.1.1 :

Premièrement, il est à noter que, tant que nous sommes hors de Christ (Eph. 4 : 15) et séparés de lui, tout ce qu’il a fait ou souffert pour le salut du genre humain nous est inutile et de nulle importance.

Christ vient donc habiter en nous

IRC III.2.24 :

Comme si nous devions concevoir Jésus-Christ étant loin de nous, et non pas plutôt habitant en nous !

Le Christ s’unit à nous par son Esprit

IRC III.1.3 :

Or il ne s’unit avec nous que par son Esprit, et par la grâce et vertu de cet Esprit il nous fait ses membres pour nous retenir à soi et pour être à son tour possédé de nous.

IRC III.1.1 :

En bref, le Saint-Esprit est comme le lien par lequel le Fils de Dieu nous unit à soi avec efficace.

IRC III.11.10 :

[…] nous sommes unis à Jésus-Christ par la vertu secrète du Saint-Esprit […].

IRC IV.17.12 :

[…] l’Esprit est le seul moyen par lequel nous possédons Christ, et l’avons habitant en nous.

L’Esprit saint est donc celui par la puissance duquel tout le salut obtenu par Christ nous est appliqué

Instruction, « Le symbole de la foi » :

[…] par [la vertu de son Esprit], [Christ] nous justifie, sanctifie, purge, appelle et tire à soi afin que nous obtenions salut.

j. La foi

IRC III.1.4 :

Mais parce que la foi est [le] principal chef-d’œuvre [du Saint-Esprit], la plupart de ce que nous lisons en l’Écriture touchant sa vertu et opération, se rapporte à cette foi, par laquelle il nous amène à la clarté de l’Évangile. […]

Instruction, « Le symbole de la foi » :

Pourtant le saint Esprit, quand en cette manière il habite en nous, est celui qui nous éclaire de sa lumière afin que nous apprenions et pleinement connaissions combien grandes richesses de la divine bonté nous possédons en Christ […]

Instruction, « Le symbole de la foi » :

[…] sans lui, il n’y a en nous que ténèbres d’entendement et perversité de cœur.

IRC III.2.33 :

C’est donc un singulier don de Dieu que la foi, et cela de deux manières. Premièrement en tant que l’entendement de l’homme est illuminé pour entendre la vérité de Dieu ; puis en tant que le cœur est en elle fortifié.

k. La justification par la foi

IRC III.11.10 :

[…] je confesse que nous sommes privés de ce bien incomparable de justice, jusqu’à ce que Jésus-Christ soit fait nôtre. J’élève donc en degré souverain la conjonction que nous avons avec notre chef, la demeure qu’il fait en nos cœurs par la foi, l’union sacrée par laquelle nous jouissons de lui, afin qu’étant nôtre, il nous départisse les biens auxquels il abonde en cette perfection. Je ne dis donc pas que nous devons considérer Jésus-Christ de loin ou hors de nous, afin que sa justice nous soit allouée : mais parce que nous sommes vêtus de lui et entés en son corps, bref parce qu’il a bien daigné nous faire un avec lui. Voilà comment nous avons à nous glorifier : c’est que nous avons droit de société en sa justice.

l. La sanctificationLa vivification spirituelle

Instruction, « Le symbole de la foi » :

Pourtant le saint Esprit, quand en cette manière il habite en nous, est celui […] qui enflamme nos cœurs du feu de ardente charité de Dieu et du prochain […] tellement que s’il y a en nous quelques bonnes œuvres, ce sont les fruits et les vertus de sa grâce […].

IRC II.3.10 :

Dieu fait et forme en nous le vouloir : qui n’est autre chose à dire, sinon que Dieu par son Esprit dresse, fléchit, modère notre cœur, et qu’il y règne comme en sa possession. Et par Ézéchiel non seulement il promet de donner un cœur nouveau à ses élus, afin qu’ils puissent cheminer en ses préceptes, mais afin qu’ils y cheminent de fait (Ézéch. 11 : 19 ; 36 : 27).

La mortification de la chair

Instruction, « Le symbole de la foi » :

Pourtant le saint Esprit, quand en cette manière il habite en nous, est celui […] qui […] tous les jours de plus en plus mortifie et consomme les vices de notre concupiscence […].

IRC III.3.8 :

Et ce mot de mortification nous avertit combien il nous est difficile d’oublier notre naturel, en tant qu’il signifie que nous ne pouvons pas être pliés ni formés à la crainte de Dieu, ni apprendre les rudiments de la piété, sinon qu’étant occis du glaive de l’Esprit, avec violence nous soyons réduits à néant.

Conclusion : [Récapitulation] Calvin développe de manière très précise, quoique concise, une théologie trinitaire impeccable au sein de laquelle l’Esprit est présenté comme la troisième personne de la Trinité. Cette personne est celle par laquelle le Fils agit, non seulement en ce qui concerne la création, mais également en ce qui concerne le salut. [Ouverture] Le Saint-Esprit produisant la foi, il est aussi en ce sens impliqué dans la création de cette nouvelle humanité de la foi qu’est l’Église. C’est là le prochain thème qu’il nous faudra aborder, puisque la suite du Symbole, que Calvin commente en son ordre, énonce ensuite : « Je crois à la sainte Église universelle, à la communion des saints, à la rémission des péchés ». Nous traiterons de ce thème de l’Église comme communion des saints et comme l’assemblée hors de laquelle nulle rémission des péchés n’est donnée lors de la prochaine heure.

L’Église, la communion des saints et la rémission des péchés

Introduction : [Accroche] Si l’on comprend assez bien comment l’Église et la communion des saints peuvent être traitées ensemble, puisque la théologie protestante définit l’Église comme la communauté des fidèles, il est difficile à première vue de voir un autre lien entre l’Église et la communion des saints d’une part, et la rémission des péchés d’autre part que celui de l’ordre des clauses du symbole des apôtres : « Je crois à l’Église, à la communion des saints, à la rémission des péchés… ». Calvin, néanmoins, à la fin de son explication de la clause « Je crois à la rémission des péchés », lie ensemble ces trois expressions de la manière suivante : « nulle rémission des péchés n’est donnée d’ailleurs ne par autre moyen, ne à autres, attendu que hors cette Église et communion des saints, il n’y a point de salut. » Calvin énonce ici le caractère ecclésial de la rémission des péchés : c’est dans l’Église seulement que les péchés sont pardonnés. [Problématique] Une telle affirmation peut étonner. Comment la comprendre ? [Thèse] Nous tâcherons de voir que Calvin avait initialement en vue l’Église invisible lorsqu’il disait cela, mais que par la suite l’Église visible s’est imposée à lui comme de plus en plus indispensable pour qu’il nous soit effectivement possible de recevoir la rémission des péchés. [Annonce de plan] Pour ce faire, nous considérerons d’abord les grandes lignes de l’ecclésiologie de Calvin (A) avant d’examiner en quoi la rémission des péchés est étroitement liée à l’Église (B).

A. La haute ecclésiologie de Calvin1. L’Église comme remède à notre faiblesse

IRC IV.1.1 :

Mais parce que notre rudesse et paresse, j’ajoute aussi la vanité de nos esprits, ont besoin d’aides extérieures, par lesquelles la foi soit engendrée en nous, y croisse et s’y avance de degré en degré, Dieu n’a point oublié de nous en pourvoir, pour soutenir à notre faiblesse. […] Car d’autant qu’étant enclos en notre chair comme en une cave, nous ne sommes point arrivés en degré angélique, Dieu, se conformant à notre capacité, selon sa providence admirable a établi cette conduite pour nous faire venir à soi […].

IRC IV.1.5 :

Nous voyons que Dieu, bien qu’il puisse élever en un moment les siens à la perfection, les veut néanmoins faire croître petit à petit sous la nourriture de l’Église.

1. L’Église comme mère des croyants

IRC IV.1.4 :

[…] apprenons du seul titre de mère, combien la connaissance nous en est utile, voire nécessaire, d’autant qu’il n’y a nulle entrée en la vie permanente, sinon que nous soyons conçus au ventre de cette mère, qu’elle nous enfante, qu’elle nous allaite de ses mamelles, finalement qu’elle nous tienne et garde sous sa conduite et son gouvernement, jusqu’à ce qu’étant dépouillés de cette chair mortelle nous soyons semblables aux Anges (Mat. 22 : 30). Car notre faiblesse ne souffre pas que nous soyons retirés de l’école, jusqu’à ce que nous ayons été disciples tout le cours de notre vie.

Église visible et Église invisible1. L’Église invisibleDéfinition de l’Église invisible

IRC IV.1.7 :

[…] telle qu’elle est en vérité, et en laquelle ne sont compris que ceux qui par la grâce d’adoption sont enfants de Dieu, et par la sanctification de son Esprit, sont vrais membres de Jésus-Christ.

Le rassemblement des élus conjoints ensemble par le lien de la foi

Instruction, « Le symbole de la foi » :

Nous avons déjà vu la fontaine dont sort l’Église laquelle nous est ici proposée à croire, à cette fin que nous ayons confiance que tous les élus par le lien de la Foi sont conjoints en une Église et société et en un peuple de Dieu duquel Christ notre Seigneur est le conducteur et prince, et chef comme d’un corps, ainsi que en lui ils ont été élus devant la constitution du monde, afin qu’ils fussent tous assemblés au royaume de Dieu.

IRC IV.1.2 :

[…] il nous faut laisser à Dieu seul ce privilège de connaître son Église dont le fondement est l’élection.

C’est principalement dans son aspect invisible que l’Église est l’objet de notre foi

IRC IV.1.2 :

Quand nous confessons au Symbole des Apôtres que nous croyons l’Église, cet article ne se rapporte pas seulement à l’Église visible, de laquelle nous avons maintenant à parler, mais aussi à tous les élus de Dieu, au nombre desquels sont compris ceux qui sont déjà trépassés. C’est pourquoi ce mot de croire y est mis, parce que souvent on ne pourrait pas noter à l’œil la différence qui est entre les enfants de Dieu et les gens profanes, entre son saint troupeau et les bêtes sauvages.

L’universalité et la sainteté de l’Église universelle

Instruction, « Le symbole de la foi » :

Cette société est catholique, c’est-à-dire universelle, car il n’y en a point deux ou trois, mais tous les élus de Dieu dépendent d’un chef, ainsi ils croissent comme en un corps, étant adhérants [sic] entre eux l’un à l’autre d’une telle composition comme les membres d’un même corps, étant vraiment faits un en tant qu’en une même Foi, espérance et charité ils vivent d’un même esprit de Dieu, appelés à un même héritage de vie éternelle.

Elle est aussi sainte, car tous ceux qui sont élus par l’éternelle providence de Dieu à ce qu’ils fussent adoptés comme membres de l’Église, sont tous sanctifiés du Seigneur par régénération spirituelle.

L’Église invisible comme communion invisible des croyants

Instruction, « Le symbole de la foi » :

La dernière particule [la communion des saints] explique encore plus clairement quelle est cette Église, c’est à savoir que tant vaut la communion des fidèles que, de quelconque don de Dieu que l‘un d’eux ait reçu, tous en sont faits aucunement participants, combien que par la dispensation de Dieu, ce don soit péculièrement donné à un et non pas aux autres. Tout ainsi comme les membres d’un même corps par quelque communité participent tous entre eux de toutes choses qu’ils ont, et toutefois ils ont chacun à part soi péculières propriétés et divers offices. Car (comme dit a été) tous les élus sont assemblés et formés en un corps. Or nous croyons la sainte Église et sa communion par telle condition que assurés par ferme Foi en Christ nous avons confiance que nous sommes membres d’icelle.

L’Église visibleDéfinition de l’Église visible

IRC IV.1.7 :

[…] toute la multitude des hommes, laquelle étant éparse en diverse régions du monde, fait une même profession d’honorer Dieu et Jésus-Christ, a le baptême pour témoignage de sa foi, en participant à la cène affirme avoir unité en doctrine et charité, est consentante à la Parole de Dieu, dont elle veut garder la prédication, suivant le commandement de Jésus-Christ.

Un accent de plus en plus fort sur l’Église visible

· En 1537, l’accent est mis sur l’Église invisible

Instruction, « Le symbole de la foi » :

Nous sommes donc enseignés de croire que par la divine libéralité, le mérité de Christ intercédant, rémission de péchés et grâce nous est faite, à nous qui sommes appelés et insérés au corps de l’Église, et que nulle rémission des péchés n’est donnée d’ailleurs ne par autre moyen, ne à autres, attendu que hors cette Église et communion des saints, il n’y a point de salut.

· Par la suite, l’accent se déplace vers l’Église visible

IRC IV.1.4 :

Mais parce que maintenant mon intention est de parler de l’Église visible, apprenons […] combien la connaissance nous en est utile, voire nécessaire, d’autant qu’il n’y a nulle entrée en la vie permanente, sinon que nous soyons conçus au ventre de cette mère […].

Il est aussi à noter que, hors du giron de cette Église, on ne peut espérer la rémission des péchés […].

[Transition] Hors de l’Église, donc, point de salut ! Nous retrouvons là l’énoncé initial que nous cherchons à élucider, avec un élément de difficulté en plus : en quoi l’Église visible est-elle nécessaire au salut ?

B. Hors de l’Église, pas de rémission des péchés ! 1. La rémission des péchés

Instruction, « Le symbole de la foi » :

Sur lequel fondement consiste et est appuyé notre salut, vu que la rémission des péchés est la voie pour approcher de Dieu et le moyen qui nous retient et conserve en son royaume. Car en la rémission des péchés, toute la justice des fidèles est contenue, laquelle ils obtiennent non point par aucun leur mérite mais par la seule miséricorde du Seigneur, quand étant oppressés, affligés et confus de la conscience de leurs péchés, ils sont abattus par sentiment du jugement de Dieu, se déplaisent en eux-mêmes et comme sous un pesant faix gémissent et travaillent, et par cette haine et confusion de péché, ils mortifient leur chair et tout ce qui est de eux-mêmes. Mais afin que Christ nous acquît rémission des péchés gratuite, il l’a lui-même rachetée et payée du prix de son propre sang, auquel nous devons chercher toute la purgation et satisfaction d’iceux.

Hors de l’Église invisible, pas de rémission des péchés !

Instruction, « Le symbole de la foi » :

Nous sommes donc enseignés de croire que par la divine libéralité, le mérite de Christ intercédant, rémission de péchés et grâce nous est faite, à nous qui sommes appelés et insérés au corps de l’Église, et que nulle rémission des péchés n’est donnée d’ailleurs ne par autre moyen, ne à autres, attendu que hors cette Église et communion des saints, il n’y a point de salut.

Hors de l’Église visible non plus, pas de rémission des péchés !1. Calvin, « le Cyprien de la Réformation » (J.S. Whales)

J.S. Whales, The Protestant Tradition, Cambridge, Cambridge University Press, 1960, p. 161

IRC IV.1.4 :

Mais parce que maintenant mon intention est de parler de l’Église visible, apprenons […] combien la connaissance nous en est utile, voire nécessaire, d’autant qu’il n’y a nulle entrée en la vie permanente, sinon que nous soyons conçus au ventre de cette mère […].

Il est aussi à noter que, hors du giron de cette Église, on ne peut espérer la rémission des péchés […].

IRC IV.1.1 :

Car il n’est pas licite de séparer ces deux choses que Dieu a conjointes (Marc 10 : 9) : c’est que l’Église soit la mère de tous ceux dont il est le Père.

IRC IV.1.10 :

Car Dieu estime tant la communion de son Église, qu’il tient pour traître et apostat de la chrétienté, celui qui se sépare de quelque compagnie chrétienne, en laquelle il y a le ministère de sa Parole et de ses sacrements. Il a en telle recommandation l’autorité de l’Église, que quand elle est violée, il dit que la sienne propre l’est. Car ce n’est pas un titre de petite importance qu’elle soit nommée pilier et fermeté de la vérité, et la maison de Dieu (1 Tim. 3 : 15). Car par ces mots S. Paul signifie que l’Église est établie gardienne de la vérité de Dieu, afin qu’elle ne s’abolisse point en ce monde, et que Dieu se sert du ministère ecclésiastique, pour garder et entretenir la pure prédication de sa Parole, et se montrer père de famille envers nous, en nous passant de la nourriture spirituelle, et nous procurant soigneusement tout ce qui appartient à notre salut. […]

Il s’ensuit que quiconque se sépare d’elle renie Dieu et Jésus-Christ.

Calvin n’idéalise toutefois pas l’Église visible

IRC IV.1.7 :

En cette Église, il y a plusieurs hypocrites mêlés avec les bons, qui n’ont rien de Jésus-Christ hors le titre et l’apparence : les uns ambitieux, les autres avaricieux, les autres médisants, certains de vie dissolue, qui sont tolérés pour un temps, ou parce qu’on ne peut les convaincre juridiquement, ou bien parce que la discipline n’est pas toujours en telle vigueur qu’elle devrait l’être.

Il nous faut toutefois honorer cette Église visible imparfaite en ne nous séparant pas d’elle

IRC IV.1.7 :

[…] il nous est commandé d’avoir cette Église visible en honneur, et de nous maintenir en sa communion.

IRC IV.1.5 :

Ceux qui estiment que l’autorité de la Parole est anéantie par le mépris et basse condition des ministres qui l’annoncent, découvrent leur ingratitude […].

Plusieurs sont induits ou par orgueil et présomption, ou par dédain ou par envie à se persuader qu’ils profiteront assez en lisant en leur privé ou en méditant ; ce faisant, ils méprisent les assemblées publiques […].

Conclusion : [Récapitulation] Calvin énonce ainsi que la rémission des péchés a lieu dans le cadre non seulement de la communion invisible des élus qui, par la foi, forment l’Église invisible, mais également dans le cadre de l’Église visible elle-même à qui a été remis le ministère de la prédication de l’Évangile que Dieu emploie pour sauver les pécheurs. [Ouverture] Cela pose une question aigüe dans un contexte où l’unité visible a été brisée par la Réformation protestante : Calvin était-il cohérent en insistant ainsi sur l’Église visible tout en se séparant de la communion de l’Église romaine ? Cette question, aussi intéressante qu’elle soit, ne pourra pas être traitée immédiatement. Car il nous faudra pour la prochaine heure passer à l’examen de l’article suivant du symbole, et tracer les contours de l’eschatologie calvinienne.

L’espérance chrétienne

Introduction : [Accroche] Au terme où nous sommes parvenus, Calvin est sur le point de conclure son exposé du Symbole des Apôtres : il ne lui reste plus que les deux dernières clauses à commenter, qu’il explique d’ailleurs ensemble – « je crois à la résurrection de la chair et à la vie éternelle ». Et après avoir conclu ainsi son exposé du Symbole, mais avant de passer à la section suivante du catéchisme qui porte sur le Notre Père, Calvin ajoute un paragraphe sur ce qu’est l’espérance, lequel constitue une ouverture sur le caractère eschatologique de la foi. [Problématique] La question pour nous aujourd’hui sera la suivante : qu’enseigne Calvin sur l’espérance chrétienne ? [Thèse] Nous montrerons que Calvin, comme à son habitude, est très précis et juste dans son approche de la question et que ce qui prime c’est ce que nous pouvons en retirer. [Annonce du plan] Nous verrons dans un premier temps ce que Calvin dit de l’événement de la résurrection (A), avant de considérer dans un second temps le sort différencié des sauvés et des impénitents dans l’état final au sein duquel nous serons introduits du fait de la résurrection corporelle (B) et finalement de considérer le rapport de l’espérance chrétienne à la foi (C).

A. La dernière résurrection1. Croire à la résurrection1. Une chose difficile à croire

IRC III.25.3 :

C’est une chose difficile à croire, que les corps étant consumés en pourriture doivent ressusciter en leur temps. Et c’est pourquoi, bien que plusieurs philosophes aient maintenu l’immortalité des âmes, la résurrection de la chair a été approuvée de bien peu.

Instruction, « Le symbole de la foi » :

Ici premièrement, nous sommes enseignés de l’attente de la résurrection à venir, c’est à savoir qu’il adviendra que le Seigneur révoquera de poudre et corruption à nouvelle vie la chair de ceux lesquels auront été consumés par mort devant le jour du grand jugement […].

IRC III.25.3 :

Or, afin que la foi puisse outrepasser un si grand empêchement, l’Écriture nous donne deux aides : l’une, en la similitude de Jésus-Christ, l’autre, en la puissance infinie de Dieu.

Une première aide : considérer la résurrection de Jésus-Christ

IRC III.25.3 :

Maintenant, toutes les fois que l’on parlera de la résurrection, mettons-nous devant les yeux l’image de Jésus-Christ, lequel a achevé le cours de sa vie mortelle en la nature qu’il avait prise de nous, de telle sorte qu’étant fait immortel, il nous est un bon gage de notre immortalité à venir. Car en toutes les misères dont nous sommes environnés, nous portons sa mortification en notre chair, afin que sa vie soit manifestée en nous (2 Cor. 4 : 10). […]

Jésus-Christ est donc ressuscité pour nous avoir comme compagnons de la vie future. Le Père l’a ressuscité comme Chef de l’Église, de laquelle il ne souffre nullement d’être séparé. Il est ressuscité par la vertu du Saint-Esprit, qui nous est commun avec lui quant à l’office de vivifier ; bref, il est ressuscité pour nous être résurrection et vie.

Une seconde aide : considérer la puissance infinie de Dieu

Instruction, « Le symbole de la foi » :

[…] le Seigneur révoquera de poudre et corruption à nouvelle vie la chair de ceux lesquels auront été consumés par mort devant le jour du grand jugement, par une même puissance qu’il a ressuscité son Fils des morts.

IRC III.25.4 :

Ce que nous avons dit, que pour être certifiés de la résurrection il nous convient d’appliquer nos sens à la puissance infinie de Dieu, S. Paul le déclare en peu de mots, disant que nous espérons qu’il rendra notre corps méprisable conforme à son corps glorieux, selon l’efficace de sa vertu, par laquelle il peut s’assujettir toutes choses (Phil. 3 : 21).

Il n’est donc pas raison de regarder ici ce qui se peut naturellement faire, vu qu’il est question d’un miracle qui engloutit tous nos sens par l’excellence de sa grandeur. Toutefois S. Paul use d’un exemple naturel pour rédarguer la bêtise de ceux qui nient la résurrection : Fou, dit-il ; ce que tu sèmes ne cueille point de vigueur, sinon qu’il soit mort auparavant (1 Cor. 15 : 36). Il veut que nous contemplions l’image de la résurrection en la semence, parce que le fruit se produit de la pourriture. Et de fait, la chose ne nous serait pas si difficile à croire, si nous étions attentifs, comme il serait requis, à tant de miracles qui se présentent à nos yeux par toutes les régions du monde.

Le mode de la résurrection

IRC III.25.8 :

En premier lieu nous avons à retenir ce qui a été exposé : c’est que nous ressusciterons en la même chair que nous portons aujourd’hui quant à la substance, mais non pas quant à la qualité […] : car de même […] que la matière des étoiles est une, mais la clarté diverse (1 Cor. 15 : 39-40), de même, bien que nous retenions la substance de nos corps, il se fera un changement pour les rendre de condition plus noble. Ce corps corruptible ne périra donc point et ne s’évanouira pas, pour nous faire ressusciter : mais il sera dépouillé de sa corruption, pour recevoir l’état incorruptible.

Le temps de la résurrection : entre le retour du Christ et le jugement dernier1. D’abord le retour du Christ

IRC II.26.17 :

Car il descendra en forme visible, comme on l’a vu monter (Actes 1 : 11), et apparaîtra à tous avec la majesté inénarrable de son règne, avec la lumière de l’immortalité, avec la puissance infinie de sa divinité en la compagnie de ses Anges (Mat. 24 : 30)

Ensuite la résurrection des morts en Christ et la transformation des vivants

IRC III.25.8 :

[…] le son de la trompette pénètrera partout, pour appeler les morts à un état incorruptible, et pour réformer les vivants en une pareille gloire par un changement soudain.

IRC II.26.17 :

Car les morts qui sont en Christ ressusciteront les premiers ; puis après ceux qui seront survivants, viendront au-devant du Seigneur en l’air, comme dit S. Paul (1 Thess. 4 : 16-17)

Instruction, « Le symbole de la foi » :

Car ceux qui lors seront trouvés vivants passeront à nouvelle vie plutôt par soudaine immutation que par forme naturelle de mort.

Les incroyants aussi ressusciteront

IRC III.25.9 :

Ce point toutefois demeure arrêté, que la résurrection sera d’un côté pour la vie, et de l’autre côté pour la mort […].

Enfin se tiendra le jugement dernier

IRC II.26.17 :

De là donc il nous est commandé d’attendre notre Rédempteur au jour où il séparera les agneaux des boucs (Mat. 25 : 31-32 ; 1 Thess. 4 :16), les élus des réprouvés ; et il n’y aura nul, ni vivant ni mort, qui puisse échapper à son jugement.

B. L’état final1. L’état final des sauvés

Instruction, « Le symbole de la foi » :

Or parce que la résurrection est commune aux bons pareillement et aux mauvais, mais en condition diverse, la dernière particule [la vie éternelle] est ajoutée, laquelle discerne entre notre état et le leur : c’est à savoir que telle sera notre résurrection, que lors étant ressuscités de corruption en incorruption, de mortalité en immortalité, et étant glorifiés en corps et en âme, le Seigneur nous recevra en béatitude qui sans fin durera, hors de toute qualité de mutation et de corruption. Ce qui sera la vraie et entière perfection en vie, lumière et justice, quand nous serons inséparablement adhérants [sic] au Seigneur, qui comme une fontaine qui ne peut tarir, en contient en soi toute plénitude. Et celle béatitude sera le royaume de Dieu rempli de toute clarté, joie, vertu et félicité, choses qui sont bien maintenant hors de la connaissance des hommes et lesquelles nous ne voyons point sinon comme par un miroir et obscurité, jusques à ce que ce jour-là sera venu auquel le Seigneur nous donnera de voir sa gloire face à face.

L’état final des réprouvés

Instruction, « Le symbole de la foi » :

Au contraire, les réprouvés et méchants, lesquels par vraie et vive Foi n’auront cherché et honoré Dieu, d’autant qu’ils n’auront point part en Dieu ne en son royaume, ils seront déjetés en mort immortelle et corruption incorruptible avec les diables, afin que hors de toute joie, vertu et tous autres biens du royaume céleste, étant condamnés à perpétuelles ténèbres et tourments éternels, ils soient rongés d’un ver qui jamais ne mourra, et brûlés d’un feu qui jamais n’éteindra.

IRC III.25.12 :

Bien que par de telles manières de parler nous devions être instruits à concevoir quelque peu la misérable condition des iniques, toutefois il nous faut là principalement ficher notre réflexion, quel malheur c’est d’être séparé de la compagnie de Dieu […].

Foi et espérance1. La relation de l’espérance à la foi définie

Instruction, « Que c’est que espérance » :

Si la Foi (comme nous avons ouï) est une certaine persuasion de la vérité de Dieu, qu’elle ne nous peut mentir ne nous tromper, ne être vaine ou faussée, ceux qui ont conçu cette certitude, certes pareillement ils attendent qu’il adviendra que Dieu accomplira ses promesses, lesquelles à leur opinion ne peuvent être que véritables. Tellement que en somme Espérance n’est sinon l’attente des choses lesquelles la Foi a cru être promises de Dieu véritablement.

Hb 11.1 : « la foi est une ferme assurance des choses qu’on espère, une démonstration de celles qu’on ne voit pas. »

La relation de l’espérance à la foi appliquée

Instruction, « Que c’est que espérance » :

Ainsi la Foi croit Dieu être véritable ; Espérance attend que en temps opportun il démontre vérité. La Foi croit Dieu nous être Père ; Espérance attend qu’ils se porte toujours pour tel envers nous. La Foi croit la vie éternelle nous être donnée ; Espérance attend que quelque fois elle sera révélée.

Foi et espérance se soutiennent mutuellement

IRC III.2.42 :

Car comme nul ne peut rien attendre de Dieu, sinon celui qui a premièrement cru à ses promesses : aussi d’autre part il faut que la faiblesse de notre foi soit soutenue, en attendant et espérant patiemment, afin de ne point défaillir.

Instruction, « Que c’est que espérance » :

La Foi est le fondement sur lequel Espérance s’appuie ; Espérance nourrit et entretient la Foi. Car comme personne ne peut rien attendre et espérer de Dieu, sinon celui qui premièrement aura cru à ses promesses, ainsi d’autre part, il faut que l’imbécilité de notre Foi (afin que comme lasse elle ne défaille point) soit soutenue et conservée par espérer et attendre patiemment.

IRC III.2.42 :

Or, partout où sera cette vive foi, il ne se peut faire qu’elle n’emporte toujours avec soi l’espérance du salut éternel, ou plutôt qu’elle ne l’engendre et produise. […]

C’est pourquoi S. Paul parle très bien, quand il constitue notre salut en espérance (Rom. 8 : 24), laquelle, attendant Dieu avec silence, retient la foi pour qu’elle ne trébuche ni ne vacille dans les promesses de Dieu, ou en ait quelque doute ; l’espérance la recrée et réconforte, pour qu’elle ne se lasse point ; elle la conduit jusqu’à son dernier but, pour qu’elle ne défaille point au milieu du chemin, ou même en la première journée ; finalement, en la renouvelant et restaurant de jour en jour, elle lui donne vigueur continuelle pour persévérer.

La méditation de la vie à venir

IRC III.9.1 :

Le Seigneur donc, pour obvier à ce mal [de chercher la félicité en la terre], enseigne à ses serviteur la vanité de la vie présente, les exerçant assidûment en diverses misères. […]

IRC III.9.4 :

Que les serviteurs de Dieu donc suivent toujours ce but en estimant cette vie mortelle : c’est que voyant qu’il n’y a que misère en elle, ils soient plus libres et plus dispos à méditer la vie future éternelle

IRC III.9.6 :

Pour conclure en un mot, je dis que la croix de Christ alors finalement triomphe dans le cœur des fidèles à l’encontre du diable, de la chair, du péché, de la mort et des iniques, s’ils tournent pareillement les yeux à regarder la puissance de la résurrection.

Conclusion : [Récapitulation] Il nous faut regarder à Jésus-Christ, et Jésus-Christ ressuscité, qui nous est promesse que nous aussi ressusciterons au dernier jour, parce que nous sommes unis à lui. Il nous faut savoir, méditer, serrer contre notre cœur cette vérité que ce qui nous attend, c’est non seulement la félicité personnelle de revêtir l’incorruption et l’immortalité, mais surtout la béatitude de voir la gloire du Seigneur face à face. Notre espérance est immense ! Elle peut, elle doit nourrir et soutenir notre foi, pour que, lorsque les épreuves s’accumulent, nous persévérions dans la confiance en la miséricorde de Dieu -même lorsque toutes nos circonstances semblent dire le contraire. Et par un retournement de perspective, ces temps difficiles nous apprennent à considérer la vanité de cette vie présente et, précisément, le poids de gloire éternelle qui nous revient en Jésus-Christ. [Ouverture] Nous en finissons là avec le symbole des Apôtres. L’espérance chrétienne couronne notre foi. Toutefois, nous ne sommes pas encore arrivés. Jésus-Christ n’est pas encore apparu glorieusement, et nous ne l’avons pas encore rejoint comme cela sera le cas au jour de notre mort. Il nous faut vivre la vie chrétienne, et pour cela, il nous faut user des moyens extérieurs à notre foi et à notre espérance, des aides dont Dieu se sert pour nous convier à Jésus-Christ, son Fils, et nous retenir en lui. C’est pourquoi Calvin ajoute un quatrième livre à l’Institution après avoir conclu son livre III par son chapitre sur la résurrection par ce qui aurait pu servir de conclusion générale. Et c’est pourquoi Calvin, dans l’Instruction, ne s’arrête pas avec l’exposé du Symbole, mais poursuit avec l’étude du Notre Père et la question des sacrements. Tout ce qui vient à la suite de la section qui a fait l’objet de notre étude ce jour peut se comprendre ainsi : il s’agit là des moyens que Dieu nous donne pour vivre avec foi la vie présente, alors que cette foi est soutenue et nourrie par l’espérance chrétienne – mais l’espérance n’est pas seule à la soutenir et à la nourrir : il y a aussi la prière, les sacrements, le ministère pastoral de la prédication, le culte, la discipline ecclésiastique et même, dans certains cas, le magistrat qui peuvent aider notre foi. C’est ce que nous verrons ensemble dans la suite et fin de notre étude de l’Instruction chrétienne.

La prière

Introduction : [Accroche] La prière est l’une des manifestations les plus concrètes de la foi. La prière, en effet, est l’expression de notre dépendance à l’égard de Dieu. Alors que, par la foi, nous nous confions en lui pour qu’il nous donne tout ce qu’il nous faut, par la prière, nous exprimons notre confiance en lui en lui demandant de nous donner tout ce qu’il nous faut. La prière est donc une manifestation de notre foi au Seigneur. Et c’est pourquoi, immédiatement après avoir parlé de la foi par laquelle nous nous confions en la miséricorde Dieu ainsi que des articles de foi qui constituent le contenu de la foi que nous confessons, Jean Calvin introduit la question de la prière chrétienne. Ceux qui professent la foi chrétienne et qui confessent l’espérance qui est la nôtre trouveront ainsi dans la pratique fréquente de la prière de quoi nourrir et soutenir leur espérance et leur foi. [Problématique] Comment Calvin conçoit-il donc la prière ? [Thèse] Le titre du chap. 20 du livre III de l'Institution qu’il consacre à la prière l’indique suffisamment : « De l’oraison : laquelle est le principal exercice de la foi, et par laquelle nous recevons journellement les bienfaits de Dieu ». La prière est le principal exercice de la foi, et par elle nous recevons quotidiennement les bienfaits que Dieu veut nous communiquer. C’est cela la prière. [Annonce du plan] Nous nous arrêterons en premier lieu plus longuement sur le rapport de la prière à la foi (A). Nous évoquerons ensuite la question de la raison pour laquelle le Dieu omniscient et entièrement sage veut que nous lui demandions ce dont nous avons besoin (B). Nous nous attacherons après cela à déterminer quelle est la manière de bien prier (C). Nous examinerons alors le contenu de la prière lorsqu’elle se conforme aux pétitions de ce modèle de prière qu’est le Notre Père (D). Enfin, nous mettrons l’accent sur la nécessité de la persévérance dans la prière. (E)

A. La prière et la foi1. La reconnaissance de notre indigence spirituelle

Instruction, « De oraison » :

L’homme droitement instruit en vraie Foi premièrement aperçoit combien il est indigent et dénué de tous biens, et combien toute aide de salut lui défaut.

Le remède ne peut venir qu’hors de nous

Instruction, « De oraison » :

Pourtant, s’il cherche quelque secours pour subvenir à sa pauvreté, il faut qu’il sorte hors de soi pour le chercher ailleurs.

Le croyant se tourne alors par la foi vers son Père miséricordieux et se fixe en la miséricorde qui nous est manifestée en Jésus-Christ

Instruction, « De oraison » :

D’autre part, il contemple le Seigneur qui libéralement et de sa bonne volonté se offre en Jésus-Christ et en lui ouvre tous les trésors célestes, afin que toute la Foi de l’homme se arrête à regarder ce Fils bien-aimé, toute son attente dépende d’icelui et en lui toute son espérance se repose et soit fichée.

Le croyant demande alors à Dieu ce qu’il sait pouvoir être trouvé en Christ

Instruction, « De oraison » :

Reste donc que l’homme cherche en Dieu et par ses prières lui demande ce qu’il a connu être en lui.

IRC II.17.19 :

Si nous cherchons salut : le seul nom de Jésus nous enseigne qu’il est en lui. Si nous désirons les dons du Saint-Esprit : nous les trouverons en son onction. Si nous cherchons force : elle est en sa seigneurie. Si nous voulons trouver douceur et bénignité : sa nativité nous la présente, par laquelle il a été fait semblable à nous, pour apprendre d’être pitoyable. Si nous demandons rédemption, sa passion nous la donne. En sa condamnation, nous avons absolution. Si nous désirons que la malédiction nous soit remise : nous obtenons ce bien-là de la croix. La satisfaction, nous l’avons en son sacrifice ; l’expiation, en son sang ; notre réconciliation a été faite par sa descente aux enfers. La mortification de notre chair gît en son sépulcre ; la nouveauté de vie, en sa résurrection, en laquelle aussi nous avons espérance d’immortalité. Si nous cherchons l’héritage céleste : il nous est assuré par son ascension. Si nous cherchons aide et confort, et abondance de tous biens : nous l’avons en son règne. Si nous désirons d’attendre le jugement en sûreté : nous avons aussi ce bien, en ce qu’il est notre Juge.

La foi est donc le fondement de la prière

IRC III.20.27 :

[…] la foi, fondée sur la Parole, est la vraie mère de l’oraison […].

Commentaire sur le livre des Psaumes, « Préface » :

La vraie prière et vive procède premièrement d’un sentiment de notre nécessité, puis après d’une assurance certaine de la promesse

Par la prière, nous avons donc accès aux richesses que nous avons en Dieu1. La prière nous est comme un laisser-passer donnant accès aux trésors célestes

IRC III.20.2 :

C’est donc par le moyen de l’oraison que nous avons entrée aux richesses que nous avons en Dieu. Car elle est comme une communication des hommes avec Dieu, par laquelle étant introduits en son vrai temple, qui est le ciel, ils l’admonestent et quasi le somment présentement de ses promesses […].

Ce serait donc chose folle que de ne pas y recourir

Instruction, « De oraison » :

Autrement de connaître que Dieu est le Seigneur et distributeur de tous biens, lequel nous convie à demander de lui ce qu’il nous faut, et de ne le prier ne invoquer, tellement ne profite de rien que cela serait comme si quelqu’un connaissant un trésor être enfoui en terre le laissait là par nonchalance, ne mettant peine à le déterrer.

Les promesses de Dieu s’accomplissent pour nous par la prière

IRC III.20.2 :

Ainsi, nous ne voyons point que Dieu nous propose quoi que ce soit à espérer de lui, que pareillement il ne nous commande de le demander par prières, tellement est véritable ce que nous avons dit, que par oraison nous cherchons et trouvons les trésors qui sont montrés et enseignés à notre foi en l’Évangile.

La prière procure alors du repos à notre conscience

IRC III.20.2 :

De là revient un singulier repos à nos consciences. Car après avoir exposé au Seigneur la nécessité qui nous serrait de près, nous avons suffisamment où nous reposer, en tant que nous entendons que rien n’est caché de notre misère à celui dont la bonne volonté envers nous nous est certaine, et le pouvoir de nous aider indubitable.

[Transition] Dieu veut donc que nous le priions. Et c’est à ce stade qu’il nous faut demander : mais pour quelle raison ?

B. Pourquoi Dieu veut-il que nous le priions ?1. L’objection à la nécessité de la prière

IRC III.20.3 :

Toutefois quelqu’un pourrait demander si Dieu ne connaît point assez sans avertissement, et en quel endroit nous sommes pressés, et ce qui nous est expédient. D’où il semblerait que ce fût chose superflue de le solliciter par des prières, vu que nous avons accoutumé de solliciter ceux qui ne pensent point à notre affaire et qui sont endormis.

La fin à laquelle le Seigneur instruit les siens de prier

IRC III.20.3 :

Mais ceux qui arguent en cette manière, ne voient point à quelle fin notre Seigneur a instruit les siens à prier : car il n’a pas ordonné cela à cause de soi, mais au regard de nous.

La prière affermit la foi1. La prière enflamme notre cœur

IRC III.20.3 :

Premièrement, afin que notre cœur soit enflammé d’un véhément et ardent désir de le toujours chercher, aimer et honorer […].

La prière nous entraîne à vivre toute notre vie devant Dieu

IRC III.20.3 :

Ensuite, afin que notre cœur ne soit ému d’aucun désir, dont nous ne l’osions faire incontinent témoin, comme nous le faisons en exposant devant ses yeux toute notre affection et, par manière de dire, déployant tout notre cœur devant lui.

La prière promeut la gratitude envers Dieu

IRC III.20.3 :

Davantage, afin que nous soyons préparés à recevoir ses bienfaits avec une vraie reconnaissance et avec action de grâces, car par la prière nous sommes avertis qu’ils nous viennent de sa main.

La prière incite à méditer la bonté de Dieu

IRC III.20.3 :

En outre, afin qu’ayant obtenu ce que nous demandions, nous réputions qu’il a exaucé nos désirs, et que par là nous soyons plus ardemment incités à méditer sa bénignité.

La prière augmente notre joie

IRC III.20.3 :

Et encore, que nous prenions plus grand plaisir à la jouissance des biens qu’il nous fait, entendant que nous les avons impétrés par nos prières.

La prière nous apprend à nous confier en la providence divine

IRC III.20.3 :

Finalement, afin que sa providence soit confirmée et approuvée en nos cœurs […].

La prière nous met en relation avec Dieu

Instruction, « Que c’est qu’il faut regarder en oraison » :

[L’oraison a] quelque similitude d’une communication entre Dieu et nous, par laquelle nous exposons devant lui nos désirs, joies, soupirs et en somme toutes les cogitations de notre cœur […]

IRC III.20.5 :

[…] quand Dieu nous appelle et reçoit à lui parler familièrement […]

Une double motivation pour prier

Instruction, « Que c’est qu’il faut regarder en oraison » :

Or il y a deux choses qui nous doivent merveilleusement émouvoir à oraison : […]

1. Le commandement de Dieu

Instruction, « Que c’est qu’il faut regarder en oraison » :

[…] premièrement, le mandement de Dieu par lequel il nous commande de prier […]. Car ceux qui l’invoquent et requièrent reçoivent une singulière consolation, d’autant qu’ils connaissent que en ce faisant ils font une chose à lui agréable.

La promesse d’être entendu

Instruction, « Que c’est qu’il faut regarder en oraison » :

[…] puis, la promesse par laquelle il nous assure que nous impétrerons tout ce que nous lui demanderons. […] Derechef se assurant de sa vérité, ils se confient certainement d’être exaucés. « Demandez (dit-il, Matthieu 7) et il vous sera donné, heurtez et il vous sera ouvert, cherchez et vous trouverez. » Et au Psaume 50 : « Invoque-moi au jour de ta nécessité, et je te délivrerai, et tu me glorifieras. »

[Transition] Maintenant que nous avons vu avec Calvin pourquoi prier, il nous faut désormais nous demander comment prier.

C. La manière de prier1. Prier vraiment, i.e. avec son entendement et son intelligence

IRC III.20.4 :

Or que la première loi pour bien et dûment instituer l’oraison soit telle : que nous ne soyons point autrement disposés d’entendement et de cœur qu’il convient à ceux qui entrent en propos avec Dieu.

Instruction, « Que c’est qu’il faut regarder en oraison » :

Comme ainsi soit que oraison ait quelque similitude d’une communication avec Dieu par laquelle nous exposons devant lui nos désirs, joies, soupirs et en somme toutes les cogitations de notre cœur, il faut diligemment regarder toutes fois et quantes que nous invoquons le Seigneur que nous descendions au profond de notre cœur et de là le requérions, non point du gosier ou de la langue. Car combien que la langue profite aucunes fois en oraison, ou pour retenir l’esprit plus ententif en la cogitation de Dieu, ou bien afin que cette partie de notre corps, qui est spécialement destinée à exalter la gloire de Dieu, soit occupée semblablement avec le cœur à méditer la bonté de Dieu, toutefois le Seigneur a déclaré par son prophète, Ésaïe 29 (Matthieu 15), quel profit elle apporte sans volonté, quand il a prononcé une punition très griève sur tous ceux qui l’honorent des lèvres, ayant le cœur éloigné de lui.

Prier en croyant que nous avons besoin de ce que nous demandons

IRC III.20.5 :

La seconde loi doit être, qu’en priant nous sentions toujours notre indigence et notre pauvreté, et qu’étant persuadés à bon escient que nous avons besoin de tout ce que nous demandons, nous conjoignions une ardente affection à nos requêtes.

Prier humblement

Instruction, « Que c’est qu’il faut regarder en oraison » (cf. IRC III.20.8) :

Outre si la vraie oraison ne doit pas être autre chose sinon une pure affection de notre cœur quand nous avons à approcher de Dieu par icelle, il faut que nous nous démettions de toute pensée de notre gloire, de toute fantasie de notre dignité et de toute fiance de nous-mêmes, ainsi que le prophète, Daniel 9 et Baruch 2, nous admoneste de faire prières, non pas en nos justices mais par les grandes miséricordes du Seigneur, afin qu’il nous exauce pour l’amour de soi-même, pourtant que son nom est invoqué sur nous. Et ne nous doit cette connaissance de notre misère nous repousser de l’accès à Dieu, vu que oraison n’est pas instituée pour nous élever arrogamment devant Dieu, ne pour exalter notre dignité, mais pour confesser et gémir nos calamités, comme les enfants envers les pères familièrement exposent leurs complaintes. Même plutôt un tel sentiment nous doit être comme un éperon pour nous inciter et piquer davantage à prier.

Prier avec l’assurance d’être exaucé1. Prier avec assurance…

IRC III.20.11 :

La quatrième règle sera, qu’étant ainsi abattus et matés en vraie humilité, néanmoins nous prenions courage à prier, espérant d’une façon certaine d’être exaucés.

IRC III.20.12 :

Car il n’y a autre oraison agréable à Dieu que celle qui procède d’une telle présomption de foi, et qui est fondée en une telle certitude d’espérance.

… parce que nous nous limitons à demander ce que Dieu permet

IRC III.20.5 :

L’autre point que nous avons touché, est que nous ne demandions pas plus que Dieu ne nous permet : car bien qu’il nous commande de répandre nos cœurs devant lui (Ps. 62 : 9 ; 145 : 18), il ne lâche pourtant point la bride indifféremment à nos affections folles et inconsidérées, voire perverses. Quand aussi il promet de faire selon le désir des fidèles, il n’étend pas son indulgence et humanité au point qu’il s’assujettisse à leur appétit.

[Transition] Et puisque nous nous approchons de lui dans la prière avec une attitude humble et sérieuse, en croyant que nous avons besoin de ce que nous demandons, eh bien ! nous le recevrons – parce que Dieu veut nous donner ce dont nous avons besoin. Et nous savons que nous en avons besoin, parce que le Seigneur Jésus lui-même nous apprend quoi demander dans nos prières – ces choses dont nous avons le plus besoin. Et cela nous conduit directement à ce modèle de prière qu’est le Notre Père.

Le contenu de la prière1. Deux sortes de prières : les requêtes et les actions de grâce

Instruction, « Que c’est qu’il faut regarder en oraison » :

« Invoque-moi au jour de ta nécessité, et je te délivrerai, et tu me glorifieras. » Où même il a commencé les deux espèces d’oraison, c’es