CHAP 3 - 31 - A - Organisation Du Travail, Croissance Et Emploi _Cours_ _2009-2010

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CHAP 3 – CROISSANCE, TRAVAIL , EMPLOI 31 – Quelles sont les relations entre l’organisation de la production, la croissance et la structure des emplois ?  Nous avons vu qu e les gains de productivité avaient joué un rôle important dans la croissance obtenue par les pays industrialisés. Cette hausse de la valeur ajoutée réalisée par un travailleur en un temps donné a été attribuée à la hausse du niveau de formation des travailleurs, à l’investissement dans des équipements durables plus efficaces, à l’innovation de procédé et, en particulier, aux innovations organisationnelles.  Comment l’organisation du travail peut-elle agir sur la croissance économique ? Comment peut-on mobiliser les travailleurs pour qu’ils soient plus efficaces ? En quoi la division du travail peut-elle permettre des gains de productivité et une augmentation de la production à long terme ? Ces systèmes organisationnels ne rencontrent-ils pas des limites ?  Quels sont les effets de ces modes d’organisation sur les travailleurs ? A dhèrent-ils spontanément aux organisations qui leur sont imposées ? Leurs conditions de travail s’améliorent-elles ? Quelles sont les conséquences sur leur qualification et leur mode de rémunération ? A Organisation scientifique du travail et gains de productivité 1 – La diffusion des méthodes de travail scientifiques dans l’industrie a) – Division technique du travail et gains de productivité  Au cours de l’histoire, on a assisté au passage de l’autonomie à l’hétéronomie. Les individus étaient autrefois capables de réaliser la quasi totalité des produits qu’ils consommaient alors que de nos jours nous dépendons pour notre survie de la production des autres. En conséquence, on a assisté à une accentuation progressive de la division sociale du travail  (diversification des fonctions sociales, des catégories sociales, des métiers) et de la division technique du travail (spécialisation dans des tâches particulières au sein de la production).  Cette accentuation de la division du travail est passée par trois étapes dans l’industrie :  1ère étape (XVIIème-XVIIIème siècles) : C’est le règne du  domestic system  qui voit les agriculteurs et les artisans réaliser des biens en famille, avec une faible division du travail, biens qui seront vendus à un marchand. De nos jours, ce mode de production artisanal subsiste : il n’y a pas de division technique du travail, le travailleur fait la totalité du produit. Il passe beaucoup de temps aux différentes phases de la production. Dans ce cas, il s’agit d’un travail caractérisé par un « savoir faire », un produit de qualité, réalisé en petite série, coûteux et réservé aux plus riches.  2ème étape : Au XVIIIème siècle, la manufacture se développe. Un marchand-capitaliste ou l’Etat (dans le cas du Colbertisme) rassemble des artisans dans un même lieu pour produire des biens de luxe (exemple : la tapisserie des gobelins en France).  3ème étape : Au XIXème siècle, le factory system , c’est-à-dire l’usine, devient le mode d’organisation dominant. On transforme la manufacture en accentuant la division technique du travail (les ingénieurs mettent en place l’organisation productive et les ouvriers exécutent) et en y ajoutant des machines complexes. A cette époque, ce sont des ouvriers « professionnels » qui déterminent les méthodes de travail et le rythme de son accomplissement. Ces ouvriers de « métiers » bénéficient d’une certaine autonomie et ne sont pas encore spécialisés dans des tâches répétitives. Ils ont un esprit de corps et sont souvent fortement syndiqués. Ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle que Taylor va s’attaquer à ce type d’organisation.  Cette mise en usine s’est traduite pour les travailleurs par une dépendance (ils deviennent salariés), une soumission à l’ordre patronal (la réglementation de l’usine, le rythme de la machine, le respect de la ponctualité…) mais aussi par la naissance d’un collectif de travail (des travailleurs réunis dans un même lieu défendant leurs intérêts).  C'est Adam Smith, dans « Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations  » (1776) qui, en décrivant la division technique du travail dans une manufacture d'épingles (exemple emprunté à l’encyclopédie de Diderot), va souligner l'effet positif de la division technique du travail sur les gains de productivité. En divisant la fabrication d’une épingle en 18 opérations, on obtient une augmentation considérable de la productivité pour trois raisons :

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  • CHAP 3 CROISSANCE, TRAVAIL, EMPLOI

    31 Quelles sont les relations entre lorganisation de la production, la croissance et la structure des emplois ?

    Nous avons vu que les gains de productivit avaient jou un rle important dans la croissance obtenue par les pays industrialiss. Cette hausse de la valeur ajoute ralise par un travailleur en un temps donn a t attribue la hausse du niveau de formation des travailleurs, linvestissement dans des quipements durables plus efficaces, linnovation de procd et, en particulier, aux innovations organisationnelles.

    Comment lorganisation du travail peut-elle agir sur la croissance conomique ? Comment peut-on mobiliser les travailleurs pour quils soient plus efficaces ? En quoi la division du travail peut-elle permettre des gains de productivit et une augmentation de la production long terme ? Ces systmes organisationnels ne rencontrent-ils pas des limites ?

    Quels sont les effets de ces modes dorganisation sur les travailleurs ? Adhrent-ils spontanment aux organisations qui leur sont imposes ? Leurs conditions de travail samliorent-elles ? Quelles sont les consquences sur leur qualification et leur mode de rmunration ?

    A Organisation scientifique du travail et gains de productivit

    1 La diffusion des mthodes de travail scientifiques dans lindustrie

    a) Division technique du travail et gains de productivit

    Au cours de lhistoire, on a assist au passage de lautonomie lhtronomie. Les individus taient autrefois capables de raliser la quasi totalit des produits quils consommaient alors que de nos jours nous dpendons pour notre survie de la production des autres. En consquence, on a assist une accentuation progressive de la division sociale du travail (diversification des fonctions sociales, des catgories sociales, des mtiers) et de la division technique du travail (spcialisation dans des tches particulires au sein de la production).

    Cette accentuation de la division du travail est passe par trois tapes dans lindustrie :

    1re tape (XVIIme-XVIIIme sicles) : Cest le rgne du domestic system qui voit les agriculteurs et les artisans raliser des biens en famille, avec une faible division du travail, biens qui seront vendus un marchand. De nos jours, ce mode de production artisanal subsiste : il ny a pas de division technique du travail, le travailleur fait la totalit du produit. Il passe beaucoup de temps aux diffrentes phases de la production. Dans ce cas, il sagit dun travail caractris par un savoir faire , un produit de qualit, ralis en petite srie, coteux et rserv aux plus riches.

    2me tape : Au XVIIIme sicle, la manufacture se dveloppe. Un marchand-capitaliste ou lEtat (dans le cas du Colbertisme) rassemble des artisans dans un mme lieu pour produire des biens de luxe (exemple : la tapisserie des gobelins en France).

    3me tape : Au XIXme sicle, le factory system, cest--dire lusine, devient le mode dorganisation dominant. On transforme la manufacture en accentuant la division technique du travail (les ingnieurs mettent en place lorganisation productive et les ouvriers excutent) et en y ajoutant des machines complexes. A cette poque, ce sont des ouvriers professionnels qui dterminent les mthodes de travail et le rythme de son accomplissement. Ces ouvriers de mtiers bnficient dune certaine autonomie et ne sont pas encore spcialiss dans des tches rptitives. Ils ont un esprit de corps et sont souvent fortement syndiqus. Ce nest qu la fin du XIXe sicle que Taylor va sattaquer ce type dorganisation.

    Cette mise en usine sest traduite pour les travailleurs par une dpendance (ils deviennent salaris), une soumission lordre patronal (la rglementation de lusine, le rythme de la machine, le respect de la ponctualit) mais aussi par la naissance dun collectif de travail (des travailleurs runis dans un mme lieu dfendant leurs intrts).

    C'est Adam Smith, dans Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776) qui, en dcrivant la division technique du travail dans une manufacture d'pingles (exemple emprunt lencyclopdie de Diderot), va souligner l'effet positif de la division technique du travail sur les gains de productivit. En divisant la fabrication dune pingle en 18 oprations, on obtient une augmentation considrable de la productivit pour trois raisons :

  • Leffet d'apprentissage (learning by doing) : En rptant sans cesse les mmes gestes, les salaris acquirent de l'habilit. Ils ralisent le produit en moins de temps ;

    La rduction des temps morts (la porosit du travail ) : en se spcialisant, les travailleurs rduisent les temps de fabrication quils perdaient entre deux oprations (changement d'outils, dplacements). Le travail devient ainsi plus intense ;

    La mcanisation : la simplicit des oprations permet d'inventer des machines simples qui aideront le travailleur tre plus rapide. La parcellisation rend le travail mcanisable.

    Cette description de la division du travail dans une manufacture, va tre critique par Karl Marx (1818-1883) et Stephen Marglin (1974).

    D'une part, Adam Smith surestime les pertes de temps lis la rotation des tches. D'autre part, la division parcellaire s'accompagne d'un abrutissement des ouvriers qui les empchera

    d'tre innovants et productifs, ce quAdam Smith avait reconnu en son temps. Enfin, Adam Smith, sur le troisime avantage, confond division technique et division sociale.

    L'innovation ne peut provenir que d'une division sociale entre savants et producteurs. Quant la division technique, elle sert, selon Karl Marx, accrotre l'exploitation des travailleurs en diminuant le prix des produits de subsistance et par l mme les salaires.

    b) Taylorisme et gains de productivit

    1. Frederik Winslow Taylor (1856-1915), fils de pasteur, va commencer sa carrire comme ouvrier. Il observe la tendance la flnerie systmatique des ouvriers de mtiers qui ne sont pas incits accrotre leur productivit. Il engage donc une dmarche fonde sur lobservation douvrier dans une usine afin de dfinir une dmarche scientifique permettant damliorer la productivit du facteur travail. Une fois devenu ingnieur, en 1893, Taylor va codifier ses principes dans deux livres : Shop management (1903) et The Principles of Scientific Management (1911). Il va mettre en place une organisation scientifique du travail (OST) qui est cense rsoudre un double problme :

    Les ouvriers professionnels ont tendance cacher la direction leur savoir faire pour matriser le rythme de leur travail ;

    L'arrive dans les usines amricaines d'un grand nombre de travailleurs migrants peu qualifis ;

    2. Pour discipliner ces ouvriers et augmenter leur productivit, F.W.Taylor met en place une double division du travail :

    Une division verticale du travail entre les tches de conception et les tches d'excution. L'laboration des mthodes de travail est dsormais confie des ingnieurs du bureau des mthodes qui :

    Etudient scientifiquement tous les gestes des ouvriers ; Les simplifient en adoptant les outils au geste accomplir ; Imposent la bonne faon de faire aux ouvriers qui ne sont pas l pour penser : the one best way ;

    Division technique du travail

    Habilet plus grande

    Diminution des temps morts

    Mcanisation des tches simples

    Hausse de la productivit

    Baisse du temps de travail pour faire le produit

    Baisse du cot salarial unitaire

  • Chronomtrent le temps ncessaire laccomplissement de la tche pour dterminer le niveau de productivit.

    Imposent une norme de productivit chaque ouvrier quil doit respecter. Si ce nest pas le cas, il aura des amendes. Sil la dpasse, il sera rcompens par des primes. Le mode de production est donc organis en amont par ces services spcialiss qui ont pour mission dorganiser de manire scientifique le mode de production qui sera adopt par lentreprise. En aval, il ne restera plus aux services oprationnels qu appliquer les recommandations faites par le bureau des mthodes (louvrier devient alors un simple excutant).

    Une division horizontale du travail qui consiste parcelliser les tches en oprations lmentaires qui pourront tre confies des ouvriers spcialiss ne ncessitant aucune qualification ni aucune rflexion (l'ouvrier n'est pas l pour penser selon les mots de F.W.Taylor). En consquence, lentreprise organise sa production dans lespace de manire faciliter lexcution de ces tches lmentaires (le poste de travail doit tre ergonomique afin de faciliter le travail de louvrier).

    3. Pour faire adhrer les ouvriers sa mthode rationnellement pense, F.W.Taylor impose le salaire au rendement ou aux pices qui lie, de faon non proportionnelle, l'augmentation des salaires aux gains de productivit. Ainsi, Taylor peut la fois satisfaire la principale motivation des travailleurs, qui selon lui, est la hausse des salaires et obtenir une baisse du cot salarial unitaire qui accrot les profits.

    Cot salarial unitaire = Salaires bruts horaire/Productivit horaire

    Chez la Midvale Steel Co., ses tudes demandrent beaucoup de temps et de travail, mais les rsultats furent spectaculaires. Il se mit observer les ouvriers, dcomposer leurs gestes, les chronomtrer, afin de trouver comment rduire leurs mouvements au minimum. Par exemple, la manutention des gueuses de fontes, les ouvriers purent manipuler sans effort supplmentaire 48 tonnes par jour contre 12,7 tonnes auparavant. Les gains de productivit furent tels que les salaires, ont pu tre au final augments de 60%

    4. Ainsi, avec sa mthode, Taylor parvient chasser les temps morts, lutter contre le gaspillage de manire rendre chaque minute de travail productive. Il accrot la productivit des ouvriers tout en rduisant leur fatigue par son utilisation de lergonomie (adaptation des gestes, de la machine lhomme ou de lhomme la machine). Benjamin Coriat, dans LAtelier et le chronomtre (1982) fait observer que le taylorisme est, aux Etats-Unis, une machine de guerre contre le syndicalisme de mtier de l'AFL. Il permet d'intgrer les vagues d'immigrants peu qualifis de la fin du XIXe sicle. Mais il ne sera dfinitivement adopt qu' l'occasion de la Premire guerre mondiale dans les autres pays industrialiss.

  • c) Fordisme, gains de productivit et croissance

    1. Henry Ford (1863-1947), industriel amricain, au dbut du XXe sicle, va prolonger le taylorisme en imposant, partir de l'exemple des abattoirs de Chicago, le travail la chane qui prsente les caractristiques suivantes :

    Les pices et le produit faire sont amens par un convoyeur qui limine les temps morts dus au dplacement ;

    La productivit des ouvriers de lusine est unifie par la cadence du convoyeur qui relie tous les postes de travail. Il suffit daugmenter la cadence de la chane pour rduire le temps de fabrication ;

    La parcellisation des tches est ramene un seul geste rpt des milliers de fois. Le fordisme est donc un prolongement du taylorisme ;

    Les pices et le produit sont standardiss (le modle unique de la Ford T de couleur noire) de telle faon que les ouvriers spcialiss ne perdent pas de temps dans leur adaptation aux outils et aux tches accomplir.

    2. De plus, Henry Ford, pour sassurer de la stabilit et de la qualit de ses approvisionnements, va mettre en place une intgration verticale de sa production. Ford fabrique son lectricit, son acier, ses outils, sa peintureIl matrise toute la chane de la production de lamont laval. Cette concentration verticale prsente deux avantages :

    Il rduit lincertitude quil aurait pu avoir sur le respect des dlais et sur la qualit des biens et services produits par des fournisseurs extrieurs lentreprise.

    Il rcupre les marges bnficiaires de ces fournisseurs extrieurs ce qui lui permet daugmenter ses profits tout en comprimant le cot de production et le prix du produit.

    Ce modle dintgration verticale va simposer aux grandes entreprises des annes vingt la fin des trente glorieuses car il a lavantage de relier production de masse et consommation de masse :

    En premier lieu, pour que la chane soit efficace, il faut produire des objets absolument identiques, des objets standardiss. Il en rsulte des conomies dchelle importantes dues lamortissement du matriel sur de longues sries, lachat massif et donc, prix rduit, de matires premires, etc.

    En second lieu, la standardisation, les conomies dchelle et la hausse de la productivit qui en rsultent, permettent de produire en masse des objets de moins en moins coteux donc de plus en plus abordables pour les acheteurs.

    Gains de productivit

    Baisse du cot unitaire

    Hausse des profits

    Baisse des prix

    Hausse des salaires rels

    Investissements nets

    Hausse de la consommation

    Hausse de la production

    Standardisation des pices

    Travail la chane

  • 3. Au dbut les travailleurs contestent cette nouvelle organisation et manifestent leur refus de diffrentes faons :

    Par un absentisme lev qui oblige lentreprise recruter des remplaants ; Par des malfaons qui obligent lentreprise refaire les produits ou les mettre au rebut ; Par une rotation du personnel importante ( turn-over ) due aux dparts volontaires, ce qui augmente

    les cots d'embauche. Ford est ainsi oblig dembaucher, en 1913, 53 000 personnes pour occuper 15 000 postes de travail ;

    Par des grves des ouvriers spcialiss qui freinent la production ce qui augmentent les cots unitaires de production.

    4. Pour stabiliser les effectifs salaris, Henry Ford va utiliser les gains de productivit dgags par sa mthode de trois faons diffrentes :

    En augmentant les salaires, moins vite cependant, que les gains de productivit. Le Five dollars day fait passer le salaire de deux dollars par jours 5 $ en 1914, 6 $ en 1919 et $ en 1929 ;

    En diminuant la dure du travail (de 9 h par jour 8 h en 1914) ; En diminuant le prix de sa Ford T afin de la rendre accessible aux classes populaires. Le temps

    dassemblage de la Ford T est divis par 6 ce qui permet une baisse des cots de production rpercute dans de vente qui passe de 850 dollars 260 dollars et daugmenter les ventes de 200 000 avant 1914 plus dun million en 1920 et 5 millions en 1929.

    5. Le Fordisme parvient ainsi concilier production de masse et consommation de masse, rserve toutefois une lite ouvrire slectionne. Lcole de la rgulation (Michel Aglietta, Bernard Billaudot, Robert Boyer, Benjamin Coriat, Alain Lipietz) a ainsi qualifi le rgime de croissance des Trente glorieuses de mode de rgulation fordiste ou monopoliste car la croissance reposait notamment sur la transformation en hausses de salaire des gains de productivit trs importants de la priode (5% par an en France par exemple). Ses effets positifs ont t nombreux :

    Croissance rgulire et quilibre des trente glorieuses ; Hausse rgulire des niveaux de vie, en particulier celui de la classe ouvrire ; Transformation des modes de vie : allgement des tches domestiques grce aux quipements

    lectromnagers, dveloppement de la civilisation de lautomobile, des moyens de communication de masse (radio, tlvision, etc.).

    Mais, partir des annes 70, ce modle de dveloppement semble rencontrer des limites importantes qui vont avoir pour consquence une remise en cause des principes mme du taylorisme et de lorganisation du travail la chane.

    OST

    Taylorisme

    Fordisme

    Division verticale

    Division horizontale

    Salaire aux pices

    Travail la chane

    Standardi-sation

    Five Dollar Day

    Gains de productivit

    Production de masse

    Economies dchelle

    Baisse du prix

    Hausse du pouvoir dachat

    Consommation de masse

    Baisse du cot unitaire

    Rgulation Fordiste

  • Ces limites sont de natures diverses.

    Limites sociales : la motivation des salaris reposant sur le simple critre du salaire est remise en cause du fait de la parcellisation des tches qui rend le travail peu gratifiant et dmotivant. Le taux dabsentisme augmente donc rgulirement au fur et mesure que la recherche de nouveaux gains de productivit se traduit par une augmentation des cadences de production.

    Limites technologiques : lorganisation du travail la chane se traduit par une forte rigidit des processus productifs qui sont alors difficilement adaptables dans un contexte ou la consommation de masse laisse la place un dsir de personnalisation de lacte de consommation de la part des clients (consommation diffrencie).

    Limites conomiques : la productivit globale tend plafonner suite dune part la baisse de motivation des personnels, la qualit moyenne des biens conomiques ainsi produits (les critres quantitatifs lemportent sur les critres qualitatifs) et la saturation des principaux marchs de consommation de masse.

    La crise des annes 70 rvle les limitent de ce modle dorganisation de la production puisque les entreprises ne peuvent plus dans un contexte de fort ralentissement de la croissance conomique fonder leur mode de production uniquement sur la recherche de gains de productivit.

    2 Crise de lOST et nouvelles formes dorganisation du travail (NFOT)

    a) Crise du travail et puisement des gains de productivit : la 1re crise du Fordisme

    1. Durant les Trente glorieuses , les principes tayloriens et fordiens ont permis une croissance parallle de l'offre et de la demande (la norme de consommation fordiste), tout en intgrant une main-duvre peu qualifie d'origine rurale ou immigre. Pourtant, la fin des annes 60, un certain nombre d'indicateurs annoncent l'puisement du modle :

    La monte des grves la fin des annes 60 (la rvolte des OS en mai 68) qui se traduisent par une baisse des recettes des entreprises. Les jeunes ouvriers sont plus qualifis (ils ont prolong leurs tudes) que les anciens et nacceptent pas dtre traits comme des machines.

    La monte de labsentisme (plus de 10% des salaris absents par jour) qui oblige les firmes embaucher des remplaants, ce qui augmente les cots salariaux.

    La croissance du turn-over, cest--dire la dmission volontaire des ouvriers qui doivent tre remplacs ce qui augmente les cots dembauche et de formation.

    La hausse des malfaons (10% des voitures sont renvoyes en dbut de chane) ce qui accrot les cots de fabrication.

    2. Cette crise, annonce ds les annes 20, par l'Ecole des relations humaines (Elton Mayo) et par Georges Friedman ( Le travail en miettes ) (1956) qui dnonaient l'abrutissement, l'alination le travailleur est dpossd de ses outils de production, de son savoir-faire, de son produit et de son humanit) et la dmotivation provoqus par l'OST, s'est traduite par une baisse des gains de productivit, cest--dire par une moindre hausse de la productivit du travail et du capital (sous utilisation de l'quipement, recul du travail post, puisement des ouvriers... ), une augmentation des cots et par une baisse de la comptitivit des firmes au moment o la concurrence se faisait plus vive. Le partage salaire-profit se fait au dtriment des profits cette poque.

    Hausse du cot unitaire

    Baisse du taux de profit

    Baisse des gains de

    productivit

    Grve des OS

    Turn-over

    Absentisme

    Malfaons

    Perte de production

    Cot dembauche

    Cot du remplaant

    Cot de la retouche

  • b) Transformation des marchs et crise de la norme de consommation fordiste : La 2me crise du Fordisme

    3. La crise du Fordisme va s'accentuer dans les annes 1980 lorsqu'un certain nombre de rigidits vont apparatre :

    Dune part, la demande des biens de consommation de masse traditionnels (voiture, tlvision) commence se saturer car la quasi-totalit des mnages en est quipe. On entre alors dans lre du renouvellement qui est cyclique. La demande devient instable.

    Dautre part, les consommateurs veulent se diffrencier en fonction de leur ge, de leur sexe, de leur statut social, de leurs gots. La demande est donc de plus en plus individualise.

    Enfin, la demande se diversifie avec lapparition de nouveaux concurrents sur le march international (les japonais cette poque).

    4. En consquence, les usines doivent devenir flexibles cest--dire capables de sadapter aux variations de la demande. Les firmes vont donc procder deux types dinvestissements :

    Des investissements de productivit qui substituent le capital au travail en automatisant une partie de la production afin de pouvoir programmer les machines en fonction des modles qui circulent sur la chane.

    Des investissements immatriels en recherche et en marketing pour raliser et promouvoir de nouveaux modles adapts la demande qui vont frapper dobsolescence les anciens modles et acclrer le cycle du produit.

    5. Ces modification des ateliers va remettre en cause lOST car les ouvriers doivent dsormais tre capables de contrler et de rparer lquipement afin quil soit occup 100% alors que Taylor dniait toute capacit de rflexion aux ouvriers. Le Fordisme, bien adapt pour une production en grande srie d'un produit peu diffrenci et de qualit moyenne (le modle T de Ford), se rvle incapable d'affronter la comptitivit structurelle qui suppose des produits de qualit adapts la demande et fabriqus en petite srie. Un nouveau modle d'organisation va donc s'imposer en provenance du Japon.

    c) Le Toyotisme et les nouvelles formes dorganisation du travail (NFOT)

    1. La remise en cause du modle fordiste repose sur la ncessit de faire voluer le mode de production auparavant focalis sur la seule recherche de gains de productivit. Les volutions des modes de consommations poussent les entreprises revoir ce type dorganisation en recherchant :

    Une organisation de lentreprise pilote par laval : la production rpond une demande relle est nest plus ralise partir dune demande anticipe.

    La recherche de flexibilit de la chane de production : pour rpondre une demande de plus en plus diffrencie exprime par le consommateur. De ce fait, lorganisation du travail doit aussi favoriser linitiative des fonctions oprationnelles pour diminuer le temps de raction de lentreprise.

    La recherche de la qualit : cet lment devient un principe incontournable du fait de lexigence croissante des consommateurs dus par la faible qualit des produits raliss dans le cadre dune approche quantitative de la production.

    De nouvelles formes de motivations du personnel : qui ne passe plus simplement par la motivation salariale mais par lenrichissement des tches (qui dpasse de simples fonctions oprationnelles),

    Pilotage de lamont

    vers laval

    Production en grandes

    sries

    Produit standardis

    Rigidit de lintgration

    verticale

    Mauvaise adaptation

    une demande changeante et

    diversifie

    Sous utilisation du capital fixe

    Cots de stockage

    importants

    Perte de comptitivit et baisse du

    taux de profit

  • llargissement des tches (la spcialisation du salari est remise en cause) et la rotation des postes (pour lutter contre la monotonie du travail).

    Ces nouveaux modles dorganisation du travail sinspirent des procds dvelopps principalement par les entreprises japonaises et sont regroups sous lappellation de Toyotisme (en opposition au fordisme ). Ils vont tre ensuite repris et adapts par les entreprises amricaines et europennes.

    2. Tachi Ohno, ingnieur japonais chez Toyota dans la deuxime moiti du XXe sicle, constate que les mthodes amricaines ne vont pas jusqu'au bout de leur raisonnement dans la chasse aux cots de production inutiles.

    D'une part, elles entretiennent, en amont, au cur et en aval du processus de production, des stocks trs importants qui cotent cher organiser : cot des matires premires immobilises, cot de la main d'uvre spcialise dans le stockage, cot de l'emplacement des stocks,...

    D'autre part, la demande doit s'adapter l'offre des entreprises sans que les consommateurs puissent se faire entendre. Toyota va donc exprimenter une nouvelle organisation de la production fonde sur plusieurs grands principes :

    Dsormais, loffre doit s'adapter la demande et non l'inverse. Une production diffrencie, en petite srie, va ainsi tre mise en place pour rpondre aux gots varis des consommateurs. Le changement et lamlioration doivent donc tre permanent (le Kaizen ) afin dviter les gaspillages ( Muda ).

    L'autonomation : cest un nologisme cr partir d'automation et d'autonome. C'est la capacit d'une machine s'arrter ds qu'elle rencontre un problme. Cela permet l'ouvrier de ne pas surveiller constamment cette machine et donc de pouvoir travailler sur plusieurs machines. C'est donc un instrument qui lve la productivit d'une faon trs importante. Dans le mme temps, louvrier peut arrter le processus de production sil saperoit de dysfonctionnements. La correction du problme est moins coteuse que lentassement de produits mal conus.

    Le juste temps ou flux tendus ou lean production : L'aval de la production commande l'amont (c'est--dire que l'entreprise a toujours les stocks justes ncessaires et assure donc sa production selon les commandes, ce qui permet de diminuer des dpenses inutiles en achetant trop de stocks). On ne met en production que les biens qui ont t commands. L'ensemble des pices, ncessaires pour raliser le produit final, arrivent au moment prcis o elles doivent tre transformes et le consommateur reoit le produit qu'il a command dans le dlai le plus bref possible. L'ensemble de l'information circulant grce la mthode Kanban (cartons puis code barre sur les pices, puis circulation informatise). La circulation de linformation dans lentreprise est la fois verticale (mais cette fois-ci en partant de laval) mais aussi horizontale Cette mthode se traduit par les cinq zro :

    Les stocks de matires premires et de produits finis sont considrablement rduits (zro stock) ; L'attente des produits pour la firme et pour le consommateur est limite (zro dlai) ; La circulation de l'information ne passe plus par le papier (zro papier) ; Les ouvriers sont obligs de vrifier le bon fonctionnement des machines pour que la production ne

    soit pas interrompue (zro panne) ; Les ouvriers sont obligs de surveiller la bonne ralisation du produit pour que la qualit soit totale

    (zro dfaut).

    Le travail en team ou teamwork : Le fordisme tait fond sur une dfinition des tches par ouvrier. La tche tait dlimite par la vitesse laquelle la production devait tre ralise. Louvrier avait un temps limit pour accomplir sa tche. En rduisant ce temps, on pouvait augmenter sa productivit. Mais, un moment, on ne plus augmenter la vitesse dexcution de la tche. C'est pourquoi Toyota dfinit les tches en groupe. Cela veut dire que la rationalisation ne porte pas sur la minute qu'un ouvrier travaille une voiture, mais sur les dix minutes que le groupe de dix hommes ont pour raliser les oprations la voiture. On va pouvoir ainsi rduire au maximum les temps morts car la pression du groupe et le partage des tches vont permettre un travail plus intense.

    La polyvalence des travailleurs : aux tches de fabrication, sajoutent les tches de programmation, dentretien, de surveillance des machines et du produit. Ceci se traduit par une recomposition des tches qui donne plus de responsabilits aux ouvriers, ce qui qui devrait les motiver davantage. On a donc :

    Une rotation des tches : l'ouvrier change de poste de travail pour viter la rptition des tches ; Llargissement des tches : le salari fait plusieurs oprations au lieu d'une ; Lenrichissement des tches : aux tches d'excution s'ajoutent des tches de prparation de

    programmation, det de contrle ; Le travail en groupe semi-autonome les ouvriers sorganisent entre eux pour se rpartir les tches

    condition de remplir les objectifs de production.

  • Le management participatif : les constructeurs nippons ont encourag leurs salaris proposer des suggestions pour amliorer la qualit de la productivit (le Sanp utilis pour motiver les travailleurs pendant la Seconde guerre mondiale).

    Les cercles de qualit ou de productivit runissent ouvriers et cadres pour rflchir ensemble sur les innovations possibles. La bonne ide sera rcompense par des primes ou un bonus.

    Enfin, Toyota a dvelopp un systme de promotion interne permettant aux travailleurs de s'lever dans la hirarchie : les temporaires obtiennent des contrats dure indtermine, ceux-ci deviennent chefs de team, puis contrematres, enfin passent cadres. Avec le management participatif, l'ouvrier devient en quelque sorte un petit manager, celui qui est responsable de la bonne production du team et qui se bat pour les objectifs fixs au groupe.

    La sous-traitance : Toyota se concentre sur la conception des modles, l'assemblage des voitures et la fabrication de quelques pices essentielles comme les moteurs. Le reste est sous-trait. Le but est double. D'abord, il s'agit de diminuer les cots des approvisionnements. Les salaires des ouvriers dans la sous-traitance sont effectivement plus bas (absence de syndicats et davantages sociaux). Cette situation est employe par Toyota pour exiger de ces sous-traitants des baisses continuelles de prix, qui sont alors reportes sur le dos des travailleurs par une exploitation plus froce. Ensuite, Toyota s'adapte aux variations de la demande grce la sous-traitance. S'il y a une chute de la production, Toyota envoie alors ces salaris chez les sous-traitants de premier rang. Ceux-ci font de mme avec les sous-traitants de second ordre. Et c'est au bas de l'chelle qu'on limine des emplois et quon emploie des travailleurs prcaires.

    + +

    3. Le Toyotisme s'est mis en place progressivement, de faon exprimentale, en une vingtaine d'annes. Il a rencontr, au dpart, une hostilit des travailleurs qualifis qui contestaient leur dspcialisation. Il s'est impos au moment de la guerre de Core avec des contreparties pour les ouvriers : emploi vie, salaires l'anciennet, bonus en fin d'anne dans les grandes entreprises seulement. Il s'est rpandu ensuite dans le monde entier mais dans un contexte socio-conomique diffrent.

    4. Ce Toyotisme se traduit la fois par une plus grande reconnaissance du savoir-faire ouvrier et par une plus grande intensit de son travail : fatigue nerveuse, troubles musculaires, hausse des cadences...

    D'un ct, le Toyotisme semble s'opposer au taylorisme : recomposition des tches, qualification et responsabilisation des ouvriers, priorit la demande et flexibilit de l'offre...

    Le toyotisme met partiellement en cause la division verticale du travail entre tches de conception et tches d'excution. La matire grise et l'initiative des ouvriers sont sollicites. Il en rsulte une diminution de l'encadrement hirarchique et une coopration entre les ingnieurs, la matrise et les ouvriers.

    Le toyotisme s'attaque galement la division horizontale du travail en recomposant en partie le travail. La polyvalence des tches se traduit par une plus grande qualification des ouvriers qui doivent la fois prparer, produire, entretenir et contrler.

    Le toyotisme remet en cause la rigidit des lignes de production. Les ateliers flexibles vont produire en petite srie des biens adapts aux variations de la demande en quantit et en qualit. Par une diffrenciation retarde (la diffrence est monte en fin de chane) et une modularit (options), le toyotisme rpond une demande de varit.

    Toyotisme

    Flexibilit de la production

    Amlioration permanente

    Flexibilit des salaris

    Autonomation

    Sous-traitance

    Juste temps et 5

    zros

    Polyvalence

    Travail en groupe

    Cercles de qualit

  • Le toyotisme renverse l'ordre des priorits. Ce n'est plus la demande qui doit s'adapter l'offre de produits standardiss fabriqus en masse et stocks lorsque la demande faiblit. C'est l'offre qui doit s'ajuster au plus prs de la demande sans stocks.

    D'une autre ct, le Toyotisme semble tre le prolongement du taylorisme : recherches de gains de productivit, cadences des machines automatiques, diminution des temps mortsLe toyotisme est plus un no-taylorisme quun post-taylorisme.

    TAYLORISME-FORDISME

    TOYOTISME

    Les ouvriers Spcialiss Polyvalents Les tches Parcellises, Rptitives Enrichies, Flexibles Gestion de la main-duvre Encadrement Gestion participative Lattitude vis--vis de la hirarchie Obissance Initiative Travail A la chane, Post En quipe Qualification Faible Comptence Motivation Le salaire Le salaire et le mtier Pilotage de la production Par lamont Par laval Type de production Standardise, de masse Diffrencie et modulable Qualit du produit Mdiocre Qualit totale Circulation de linformation Verticale Verticale et horizontale Lorganisation Rigide Flexible Les stocks Importants Rduits

    3 La coexistence des formes d'organisation du travail et de la production

    a) - Les quatre formes d'organisation du travail

    1. De nos jours, l'essentiel de la production s'opre dans les services. Le travail dans ce secteur a lui aussi connu un processus de rationalisation qui diffre selon le type de service :

    Dans les services simples (les caisses de supermarch, la restauration rapide, la dactylographie, le centre d'appel...), on va copier les mthodes de l'industrie. Le travail est standardis, tayloris, mcanis comme dans l'industrie. On assiste un "processus de rationalisation industrielle".

    Dans les services complexes (les dossiers de crdit, un contrat d'assurance, l'tablissement d'un contrat commercial, la gestion d'un patrimoine financier...), le salari dispose de procdures standardises (contrat type) mais il dispose d'une autonomie pour rsoudre les cas particuliers la condition de remplir ses objectifs. On a faire un processus de "rationalisation professionnel".

    2. Ainsi, si la globalisation de lconomie reprsente un facteur duniformisation organisationnelle, la spcificit des systmes socio-productifs et institutionnels nationaux demeure. Tous les systmes dorganisations actuels ne sont pas toyotistes. Une classification des principales formes dorganisation du travail en vigueur en Europe a t effectue. Elle met en vidence quatre classes bien distinctes :

    Les organisations du travail apprenantes regroupe 39 % des salaris de la population tudie. Ceux-ci disposent dune forte autonomie dans le travail, autocontrlent la qualit de leur travail et rencontrent frquemment des situations dapprentissage et de rsolution de problmes imprvus. Ils sont relativement nombreux travailler en quipe. Ils exercent le plus souvent des tches complexes, non monotones et non rptitives et subissent peu de contraintes de rythme. Cette classe sapparente au modle sociotechnique sudois, fond sur le principe dquipes autonomes qui sauto-organisent pour raliser les objectifs tablis avec la hirarchie (cest le modle de Volvo ou Uddevalisme ). Les formes apprenantes sont particulirement dveloppes dans les services pour les salaris des banques et assurances, des services aux entreprises et du secteur de llectricit, gaz et eau qui ont une forte proportion de cadres.

    Les organisations du travail au plus juste (28 % des salaris) prsente une forte diffusion du travail en quipe, de la rotation des tches et de la gestion de la qualit (autocontrle de la qualit et respect de normes de qualit prcises). Elle correspond typiquement au modle du juste temps ( lean production ) qui combine travail en groupe, polyvalence, qualit totale et flux tendus. Simultanment,

  • les salaris se voient imposer des contraintes de rythme particulirement lourdes et excutent des tches souvent rptitives et monotones. Si, comme dans les organisations apprenantes, ils sont souvent confronts des situations dapprentissage et de rsolution de problmes imprvus, ils bnficient en revanche de bien moindres marges dautonomie dans leur travail. Cette autonomie modre sexerce sous de fortes contraintes de rythme et de normes de qualit. Il sagit donc dune autonomie contrle que les employeurs suscitent pour concilier contrle managrial et mobilisation de linitiative et de la crativit des salaris. Les formes au plus juste sont les plus diffuses parmi le personnel des activits industrielles, notamment la fabrication de matriels de transport, la fabrication lectrique et lectronique, les industries du bois, papier et car ton, et ldition et imprimerie. On peut aussi les trouver dans les services de la grande distribution.

    Les organisations du travail tayloriennes (14 % des salaris) soppose dans une large mesure celle des organisations apprenantes. Comme dans les organisations au plus juste, les individus sont soumis dimportantes contraintes de rythme, effectuent des tches rptitives et monotones et sont astreints des normes de qualit prcises. Mais, contrairement la classe prcdente, leur travail prsente une faible autonomie, un faible contenu cognitif et lautocontrle de la qualit y est peu rpandu. Cette classe relve du modle taylorien dorganisation du travail, dans ses formes classiques, mais aussi dans ses formes assouplies en taylorisme flexible , comme le suggre la frquence relative des pratiques de rotation des tches. Les formes tayloriennes sont surtout prsentes parmi les salaris des industries du textile, habillement et cuir, de lagro-alimentaire, du bois, papier et carton, et de la fabrication de matriels de transport et les services simples.

    Les organisations du travail de structure simple (19 % des salaris) tend sopposer celle des organisations au plus juste. Le travail en quipe, la rotation des tches et la gestion de la qualit y sont peu diffuss. Le travail y est peu contraint dans ses rythmes et peu rptitif, mais relativement monotone et faible contenu cognitif. Cette classe sapparente au modle des organisations de structure simple (Mintzberg, 1982) dfinies par une faible formalisation des procdures et un mode de contrle par supervision directe. Enfin, les formes de structure simple se rencontrent principalement chez les personnels des activits de services, notamment les transports terrestres et les services aux particuliers.

    b) - Les nouvelles formes d'organisation de la production : l'entreprise en Lego

    2. Les socits amricaines et europennes ont adopt de nouvelles formes d'organisation de la production dans les annes 1980 de la faon suivante :

    Dans la plupart des entreprises actuelles, les membres du comit de direction ont remplac les ingnieurs du bureau des mthodes, mais le schma reste quasi identique, appliqu grande chelle dans les multinationales : le sige dtermine la manire de procder, et celle-ci est ensuite dploye filiale aprs filiale, avec des marges d'adaptation souvent extrmement rduites. "Le modle

  • d'organisation trs centralis, hrit du taylorisme, reste trs prsent dans les industries de masse comme l'automobile ou certains secteurs des services comme les banques.

    Mais il existe galement aujourd'hui un autre modle, privilgiant l'initiative, et adopt par les entreprises dont la priorit est de s'adapter rapidement des marchs trs changeants. Danone, par exemple, a opt pour une structure trs souple, o les patrons de filiales disposent d'une grande latitude pour adapter la fabrication ou le marketing aux considrations locales. " Cette dcentralisation du pouvoir, certes relle, ne donne les coudes franches qu' une poigne de cadres dirigeants et d'experts tris sur le volet. Les autres salaris, notamment la grande masse des cadres, doivent composer avec une capacit d'initiative relative

    Le travail quipe et le juste temps, qui concernaient les ouvriers, ont t tendus aux cadres. On leur enjoint d'tre autonomes, mais on leur demande dans le mme temps de suivre des procdures extrmement dtailles dans la plupart des situations. Certaines entreprises dcrivent mme par crit leurs commerciaux comment ragir quand ils reoivent un cadeau ! Les cadres passent de surcrot un temps grandissant rendre des comptes par le biais de procdures de "reporting" de plus en plus dtailles. La gnralisation des progiciels de gestion intgre (ou ERP pour "Enterprise resource planning"), en permettant une remonte quasi instantane des informations concernant la production la direction, a galement accru le sentiment de surveillance. Autant d'lments qui concourent, aux yeux d'Eric Roussel, une relative taylorisation du travail des cadres.

    Cette mthode industrielle a t transplante dans les entreprises du secteur tertiaire marchand ; Linformatisation de la circulation de linformation a t systmatise ; Les diffrents produits incorporent des modules identiques qui sont produits en masse ce qui permet

    de dgager dimportantes conomies dchelle (ainsi les voitures de Renault et celles de Nissan sont montes sur le mme chssis et bnficient des mmes moteurs).

    L'entreprise renonce faire tout soi mme. Elle fait faire par intervenants extrieurs (sous-traitants, socits de services...). On aboutit ainsi, selon le terme de Suzanne Berger ( Made in Monde Seuil 2006), une entreprise en Lego qui externalise au maximum ses activits productrices en les confiant des sous-traitants et en se rservant la conception des produits, le marketing et, ventuellement, leur distribution (Nike est ainsi une entreprise sans usines ). Cette organisation a bien videmment des rpercussions sur les formes de l'emploi (dveloppement des emplois prcaires, des horaires modulables...).