Brachydactylie et ostéocondensation des phalanges distales au cours d’une hyperparathyroïdie...

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Fait clinique

Brachydactylie et ostéocondensation des phalanges distalesau cours d’une hyperparathyroïdie secondaire

Distal phalangeal brachydactyly and osteosclerosis in a case ofsecondary hyperparathyroidismj

Michel Francoa,*, Jean Christophe Bendinia, Aude Blaimontb, Laetitia Albanoa,Guillaume Draya, Dominique Barrillona, Philippe Jaegera

a Service de néphrologie, hôpital Pasteur, 30, avenue de la Voie-Romaine, 06202 Nice cedex 1, Franceb Service de Médecine nucléaire, centre A. Lacassagne, 33, avenue de Valombrose, 06000 Nice, France

Reçu le 24 juin 2002 ; accepté le 7 octobre 2002

Résumé

Les auteurs rapportent un cas d’hyperparathyroïdie sévère, responsable d’acroostéolyse des phalanges distales, chez une patiente eninsuffisance rénale chronique. La récupération après parathyroïdectomie s’est accompagnée d’un raccourcissement d’environ 1/3 de lalongueur des phalanges distales, avec ostéocondensation globale de certaines phalanges et déformation en forme de bec des pouces. Il s’agitd’un aspect radiographique devenu rare du fait de la meilleure prise en charge thérapeutique actuelle de l’ostéodystrophie rénale. Les auteursdiscutent la physiopathologie de ces modifications osseuses et rappellent brièvement les autres causes d’ostéocondensation phalangiennedistale.

© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract

A case of severe hyperparathyroidism, secondary to chronic renal failure, with massive distal phalangeal osteolysis is reported. Afterparathyroidectomy, brachydactyly and osteosclerosis of the distal phalanges was observed; the phalanx of the thumbs healed with shortenedand sclerotic beaked appearance. This radiographic findings are actually uncommon because of more efficient treatment of renal osteodystro-phy. Pathophysiology of this bone sclerotic lesion is discussed and others causes of distal phalangeal osteosclerosis are mentionned.

© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. All rights reserved.

Mots clés : Brachydactylie ; Ostéocondensation ; Hyperparathyroïdie

Keywords: Brachydactyly; Osteosclerosis; Hyperparathyroidism

1. Introduction

Les phalanges sont un site privilégié d’observation de larésorption osseuse de l’hyperparathyroïdie (HPT). L’atteintede la houppe phalangienne est un signe précoce et sensibled’HPT [1,2]. La définition de l’acro-ostéolyse varie selon les

auteurs : soit atteinte de la phalange distale (houppe,diaphyse ou base) sans autre précision [3] ; soit ce terme nes’applique qu’à la lyse transversale isolée de la diaphyse [4] ;la lyse de la houppe, isolée ou non, prenant le nom d’acroné-crose [4]. La récupération des lésions osseuses, habituelle-ment complète après parathyroïdectomie (PTx), dépend ce-pendant de l’importance de l’ostéolyse. Nous rapportons uncas d’HPT sévère, secondaire à une insuffisance rénale ou larécupération après PTx s’est accompagnée de raccourcisse-ment, déformation et ostéocondensation des phalanges dista-les.

j Pour citer cet article, utiliser ce titre en anglais, référence parue dansJoint Bone Spine, 2003, vol. 70.

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (M. Franco).

Revue du rhumatisme 70 (2003) 259–261

www.elsevier.com/locate/revrhu

© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.DOI: 1 0 . 1 0 1 6 / S 1 1 6 9 - 8 3 3 0 ( 0 3 ) 0 0 0 4 2 - 5

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2. Observation

Mme R., née en 1950, présentait une insuffisance rénalesur néphrite interstitielle chronique, qui nécessita une priseen charge en hémodialyse à partir de 1972. Une HPT sedéveloppa, avec en 1976, lésions typiques des mains : résorp-tion des corticales phalangiennes, ostéolyse des houppes,présence d’une zone kystique du scaphoïde gauche, refletprobable d’une tumeur brune (Fig. 1). D’autres lésions d’os-téodystrophie rénale se constituèrent : déformation du bassinen cœur de carte à jouer, déformation en varus des colsfémoraux (Fig. 2), cyphose dorsale. La biologie montrait unecalcémie normale, phosphorémie 2,7 (0,8–1,5 mmole l–1),activitéphosphatase alcaline 350 U (N < 120), parathormone40 U l–1 (N < 7 U l–1). La biopsie osseuse révéla la présenced’une ostéodystrophie rénale de type mixte (HPT et ostéoma-lacie). Une PTx fut effectuée en 1977, avec exérèse de 3 glan-des, dont un adénome de 10 g. Les radiographies successivesdes mains, 1 an après PTx, mirent en évidence les modifica-tions suivantes : raccourcissement d’environ 1/3 des phalan-ges distales des pouces et des doigts, surtout àdroite (Fig. 3),courbure en forme de bec des phalanges des pouces, ostéo-condensation des phalanges distales. La condensation desphalanges distales des 2e et 3e doigts droits était totale,

réalisant un aspect de phalange ivoire. Cliniquement le rac-courcissement des phalanges distales était responsable d’unedéformation de l’extrémité des doigts en « baguette de tam-bour ». À partir de 1989 l’HPT récidiva ; les concentrationssériques de parathormone intacte atteignant 1500 ng l–1 (N< 65). Une réintervention fut récusée en raison d’un risqueopératoire trop important (insuffisance cardiorespiratoire,difficultés techniques liées àla déformation cervico-dorsale).Le traitement médical par alfacalcidol IV ne permit qu’uncontrôle imparfait de l’HPT : en 1994 la radiographie desmains montra à nouveau des signes de résorption sous-périostée, la disparition de l’ostéocondensation et la frag-mentation des phalanges distales, en particulier du pouce etindex droits (Fig. 4). La patiente décéda la même année.

3. Discussion

Notre patiente a présenté une forme grave d’ostéodystro-phie rénale, associant HPT sévère et ostéomalacie, responsa-ble de déformations du bassin, des cols fémoraux et d’unecyphoscoliose. Ces formes sont actuellement rares du faitd’un meilleur contrôle des troubles phosphocalciques parcorrection de l’acidose, contrôle de l’hyperphosphorémie et

Fig. 1. Acroostéolyse des phalanges distales ; résorption sous-périostée des2e phalanges ; tumeur brune du scaphoïde gauche.

Fig. 2. Bassin en cœur de carte à jouer ; coxa vara des cols fémoraux ;fractures du cadre obturateur.

Fig. 3. Brachydactylie et condensation des phalanges distales droites ;déformation en bec du pouce.

Fig. 4. Ostéolyse des phalanges distales droites ; disparition de la conden-sation ; gonflement des parties molles.

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prévention de l’HPT par dérivés actifs de la vitamine D(l’alfacalcidol oral est disponible depuis 1980). La brachy-dactylie phalangienne distale, séquellaire de l’HPT secon-daire sévère, est rarement signalée dans la littérature [4,5].Les cas rapportés [4,5] concernent des patients suivis avant1980, période ou la prise en charge de l’ostéodystrophierénale était moins efficace qu’actuellement. La déformationavec aspect en bec est observée électivement au niveau dupouce [5]. Cette brachydactylie distale nécessite la résorp-tion totale de la houppe et/ou l’ostéolyse transversale de ladiaphyse phalangienne distale [5,6]. Le télescopage des par-ties molles est responsable d’un raccourcissement ou d’uneincurvation dans le sens longitudinal, d’avant en arrière ; lebombement latéral des parties molles réalise alors un aspectqui simule la déformation en « baguettes de tambour » del’hippocratisme digital vrai [4,6,7]. Dans ce dernier cas, c’estl’hypertrophie des parties molles et la déformation de l’onglequi dominent et non l’ostéolyse sous-jacente comme dansl’HPT [6]. Plus rarement encore la brachydactylie distalepeut s’associer à une ostéocondensation, qui est signaléedeux fois parmi les 6 cas de Wu et al. [5]. Après PTx cettecondensation est rapportée aussi dans certains cas usuels derésorption des houppes, sans raccourcissement [2,8]. Plu-sieurs facteurs expliquent l’ostéocondensation : augmenta-tion du volume du tissu ostéoïde produit pendant la phased’HPT ; anomalie histologique de cette ostéoïde dont lastructure est tissée au lieu de présenter l’aspect lamellairenormal ; activitéostéoblastique exagérée succédant à la gué-rison de l’HPT et minéralisation de l’ostéoïde [2,9]. Si lacondensation de la phalange est totale, l’aspect obtenu estcelui d’une phalange « ivoire ». L’ostéocondensation de laphalange distale n’est pas spécifique et est observée en par-ticulier dans certains cas de polyarthrite rhumatoïde, de lupus[8,10], de sarcoïdose [11] ou de rhumatisme psoriasique.Une acrosclérose est également rapportée avec une fré-quence variable selon les études (jusqu’à 30 %), en particu-lier chez les femmes entre 40 et 50 ans, sans cause connue et

apparaît alors comme une variante normale [12]. Dans notrecas la récidive de l’HPT a entraîné la disparition de l’ostéo-condensation et une nouvelle fragmentation de certaines pha-langes distales.

4. Conclusion

L’HPT secondaire sévère est une des causes d’acroostéo-lyse acquise [3,4] ; une brachydactylie séquellaire et uneostéocondensation des phalanges distales peut en résulter.

Références

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