Attirance et confusion - ekladata.comekladata.com/zWRcdQMspzytf1qq0slGm2ve1es/Attirance... · doute...
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Àmaplusgrandefan,AmberMoosvi
Tum’inspirespartaforce.
Tum’inspirespartoncourage.
Tum’inspires.
Jen’oublieraijamaislapetitephrasequetum’asdite
quandjet’aivuealorsquetufaisaisunechimio
àl’âgede16ansetmenaistaplusgrandebataille:
N’ABANDONNEJAMAIS!
CHAPITRE1DEREK
Jen’avais pasprévudeme faire prendre. Je comptais réaliser un tour tellementunique
qu’on en parlerait pendant des décennies, et me voilà avec cinq amis dans le bureau du
proviseurCrowe,obligédel’écouternousrabâchercommentnotrefarcenel’apasseulement
mis, lui, dans l’embarras, mais aussi tous les professeurs et membres du conseil
d’administrationdeson«pensionnatprestigieux».
—Quipasseauxaveux?demandeCrowe.
JacketSamsontentraindebaliser.David,JasonetRichontdumalànepaséclaterde
rire.Moi,c’est loind’être lapremière foisque jesuisconvoquédanscebureau,alorsçane
mefaitplusaucuneffet.
Pendantlasemainedesexamensfinauxàl’écoleprivéeRégentsPreparatoryAcademy,en
Californie, les terminales bizutent les premières. C’est la tradition. Cette année, les
terminales ont réussi à mettre du colorant bleu dans nos douches et à retirer toutes les
ampoulesdespartiescommunesdenotredortoir.C’étaitlégitimedeleurrendrelamonnaie
deleurpièce.Defairemieux,même.Ilss’attendaientàcequ’onprenneleurdortoird’assaut;
onsentaitbienqu’ilsétaient tendus.Desguetteurs tournaientencontinu,prêtsàdéfendre
leurterritoire.
Jack,moncolocataire,aeulabrillanteidéedegraissertroisbébéscochonsprovenantdela
ferme de son oncle et de les lâcher dans leur dortoir. Sam a suggéré de les lâcher plutôt
pendantlaremisedesdiplômes.Etc’estmoiquiaieul’idéedelesnuméroter...numéroun,
numérotroisetnuméroquatre.Ila fallus’ymettreàsixpouryarriver.L’hymnedel’école
étaitnotrepointderepèrepourlâcherlesbestioles.
Jecroyaisquel’onavaitréussisanssefairepincer,maisons’esttousfaitconvoquerchez
leproviseur.
Martha,sonadjointe,passelatêteparlaporte.
—MonsieurCrowe,onn’atoujourspasmislamainsurlenumérodeux.
Le proviseur s’énerve et gronde. S’il n’était pas aussi crétin, je lui dirais de cesser les
recherches,cariln’yapasdenumérodeux–çafaisaitpartiedelablague.Orc’estlegenre
detypequin’arienàfoutredesélèves.Ilveutjustefairesavoiràtoutlemondequec’estlui
lechef,qu’ilpeutdistribuerdescollesàtourdebrasetvirerdesprofscommeill’entend.Je
l’aivuabuserdesonpouvoirplusd’unefois,cetteannée.
—C’estmoilecoupable!
Je lance laphraseenexagérantbienmonaccentduTexas,puisque la simple idéequ’un
péquenot fréquente son précieux établissement l’horripile. Plus d’une fois, ilm’a reproché
mafaçondeparler,«carrément»ou«grave».
Crowesedressedevantmoi.
—Lesquelsdevospotesiciprésentsvousontaidé?
—Aucun,m’sieur.Jem’ysuispristoutseul.
Ilagiteundoigtdevantmoi.
—Lorsquevotrepèreapprendracela,ilseratrèsdéçu,Derek.
Je sensma colonne se serrer. Mon père, autrement connu comme capitaine de frégate
StevenFitzpatrick, est actuellement enmission,bloquépour sixmoisdansun sous-marin,
totalementcoupédumonde.
Je réfléchis rapidement à ce que peut bien faire Brandi, ma nouvelle belle-mère. Notre
arrangementestparfait.Jeresteàl’internatjusqu’àl’obtentiondemondiplômeetelleloue
une maison près de la base navale avec le gamin de cinq ans qu’elle a eu d’un premier
mariage.SiCrowepensequ’elleseradéçue,ilsemetledoigtdansl’œil.
Ilremontelesépaulesetm’adresseunedesesnombreusesgrimacesquiluidonnentune
têted’ogresousstéroïdes.
— Vous comptez me faire avaler que vous avez volé une des camionnettes de l’école,
transporté quatre cochons à la cérémonie de remise des diplômes, graissé et lâché ces
animauxtoutseul?
Jelanceunregardàmesamisetleurfaissignedelaboucler.Iln’yapasderaisonqu’onse
retrouvetousdanslepétrinseulementparcequeCrowen’aaucunsensdel’humour.
— J’ai agi seul, monsieur. Et techniquement, je n’ai pas volé la camionnette, je l’ai
empruntée.
Ilyavaittroiscochons,etonadûs’ymettreàsix,maisjegardeçapourmoi.Ilvamefiler
des heures de colle etm’ordonner de nettoyer les couloirs ou les toilettes, ou autre chose
d’humiliant.Jem’enfous.Lescollespendantl’étéserontunevraiepartiedeplaisirpuisque,
detoutemanière,moinsdevingtpourcentdesélèvesrestentsurlecampus.
—Vouspouvezyaller,vousautres,annonceCrowe.
Ils’assoitbiendroitdanssongrandfauteuilencuiretempoigneletéléphonetandisque
mesamissortent.
—Martha,appelezMrsFitzpatricketinformez-laquesonbeau-filsestrenvoyé.
Quoi?
—Renvoyé?
Jemanquedem’étouffer.Pasd’avertissement,decolle,d’exclusiontemporaire?
—C’étaituneblagueinnocente...
Ilraccrochedélicatement.
—Renvoyé.Vosactesontdes conséquences,monsieurFitzpatrick.Malgré lesnombreux
avertissements suite à vos tricheries, votre consommation de drogue et vos blagues, vous
avez à nouveau violé notre règlement et vous êtes montré indigne d’étudier à la Régents
Preparatory Academy. Evidemment, cela signifie que vous ne serez pas invité à nous
rejoindrepourvotreannéedeterminale.
Je reste scotché sur place. Je suis en train de rêver. Je connais une douzaine d’autres
élèvesquisesontfaitprendrepourdesblaguessansrécolterlemoindreavertissement.J’ai
accidentellement fait tombermesnotespar terrependantunexamenetMrRappaportm’a
dénoncépourtricherie.Quantàladrogue...d’accord,jesuisrevenubourréd’unesoirée.Mais
j’ignorais qu’on avait glissé de l’ecsta dansmon verre et n’avais pas prévu de vomir sur la
statuedu fondateurde l’école.Etcen’estcertainementpasmoiquiaipubliésur lesitedu
lycéelesphotosdemoientraindegerber.Leterminale,membreduconseildesélèves,quia
fait le coup, n’a jamais été inquiété : personne ne dénoncerait un type dont le cher papa
balanceunpaquetdefricàl’écolechaqueannée.
—Vosexamensfinauxétantpassés.Jevaismemontrermagnanimeetvouslaisservalider
votre annéedepremière.Par respectpour votrepère, je vous accorde égalementquarante-
huitheurespourretirervosaffairesducampus.
Ilcommenceàgrattersurunpapieretlèvelesyeuxens’apercevantquejenebougepas.
—Ceseratout,monsieurFitzpatrick.Magnanime?
Jeréalisel’ampleurdelasituationàmesurequej’approchedudortoirdespremières.On
vientdemevirerdel’écoleetjedoisrentreràlamaison.Avecmabelle-mèrequivitdanssa
bulle,sonpetitmonde.Quellegalère!
Assisauborddesonlit,Jack,moncolocataire,secouelatête.
—IlparaîtqueCrowet’arenvoyé.
—Ouais.
—Peut-êtrequesionretournetouslevoiretqu’onditlavérité,ilreviendrasur...
—Sitonpèrel’apprend,ilteferavivreunenfer.Lesautresserontdanslamêmegalère.
—Tunedevraispasprendrepourlesautres,Derek.
—Net’en faispas,Crowem’avaitdans lecollimateur. Ila trouvé l’excusequ’il lui fallait
pourmevirer.Jevaistrouverunesolution.
Unedemi-heureplustard,appeldeBrandi.Mabelle-mèreestaucourantetferalestrois
heuresderouteentreSanDiegoetl’écoledemain.Ellenecriepas,nemefaitpaslamorale,
neseprendpaspourmamère.Elleditjustequ’elleessaieradeconvaincreCrowederevenir
sur sa décision. Comme si ça allait marcher. Je doute que Brandi ait de grands talents
d’oratriceetn’aipasvraimentconfianceensacapacitédepersuasion.Pourêtrehonnête, je
doutemêmequ’elleaitterminélelycée.
Le lendemain matin, je me demande toujours ce que je vais faire quand les agents de
sécurité cognent à ma porte. On leur a donné l’ordre de m’escorter jusqu’au bureau du
proviseur.
Entraversantlacour,unagentdechaquecôté,j’entendsdesmessesbasses.Ilesttrèsrare
qu’unélèvesoitrenvoyé...Àl’entréedel’accueilsontaccrochéeslesphotosd’anciensélèves
devenuscélèbres:athlètes,astronautes,membresduCongrès,grandshommesd’affaires.Ily
adeuxans,j’auraispuimaginermonportraitaveclesleurs;plusmaintenant.
LesportesdubureaudeCrowes’ouvrentetmesyeuxsefixentsurlafemmeassisedevant
lui. C’est Brandi,mariée àmon père depuis huitmois. Elle a vingt-cinq ans : quatorze de
moinsquelui,etseulementhuitdeplusquemoi.Sestalonsaiguillesorangesontassortisà
sesimmensesbouclesd’oreillesquiluipendentjusqu’auxépaules.Sarobeparaîtdeuxtailles
trop grande, ce qui ne lui ressemble pas. D’habitude, elle porte des habits moulants très
courts,commesiellesortaitenboîte.Entoutcas,ellen’apasl’airàsaplacedanscebureau
toutenacajouetencuirnoir.
Brandimeregardeentrer,puisreportesonattentionsurCrowe.
—Quelschoixavons-nous?demande-t-elleenjouantavecsesbouclesd’oreilles.
Crowefermeledossiersursonbureau.
— Je suis désolémais il n’est pas question de choix. Les crimes odieux impliquant des
animauxnesontpastolérésàlaRégents,madameFitzpatrick.Votrefils...
—Beau-fils,dis-jepourlecorriger.
Crowemeconsidèreavecdégoût.
—Votrebeau-filsadépassélesbornes.Pourcommencer,ilsembleavoirabandonnétoute
activitéextrascolaire.Deplus,ilserendàdesfêtesoùcirculentdrogueetalcool.Sansoublier
la tricherie aux examens et la dégradation des biens de l’école en vomissant dessus. Cette
blague avec des animaux de ferme vivants a fait déborder le vase... Nous nous sommes
montrés patients avec Derek. Nous avons compati aux problèmes qu’il a rencontrés ces
dernièresannées,maiscelan’excusepassoncomportementdedélinquant.Notredevoir,ici,
consisteàfairedenosjeunesélèvesdescitoyensproductifsetdesdirigeantsresponsablesde
leur communauté et de leur environnement. De toute évidence, Derek ne souhaite plus
participeràceprojet.
Laremarquemefaitleverlesyeuxauciel.
—Vousnepouvezpasluidonnerdutravaild’intérêtgénéralou,genre,luifaireécrireun
truccommeune lettred’excuse?demandeBrandien tapotantsesonglesverniscontreson
sacàmainetenfaisanttintersesbracelets.
—J’aibienpeurquenon,madameFitzpatrick.Dereknemelaissepasd’autrechoixquede
lerenvoyer.
—Et,genre,quandvousditesrenvoyer,vousvoulezdirequ’ilnepourrapasrevenirpour
saterminale?
Unrayondelumièrebrillesursonalliance,tristerappeldesonmariageàmonpère.
—C’esttoutàfaitcela.Jesuispiedsetpoingsliés.
Quelmenteur ! C’est lui qui décide des règles et les change en fonction de ses besoins.
Maisjenelemettraipasdevantsescontradictions.Çaneserviraitàrien.
—Madécision est prise, poursuitCrowe. Si vous souhaitezun recoursdevant le conseil
d’administration, dont la majorité des membres ont assisté à la débâcle d’hier pendant la
remisedesdiplômes, libreàvousderemplirlesformulairesprévusàceteffet.Jedoisvous
prévenirqueleprocessusestlongetleschancesd’unrésultatpositifbienminces.Aprésent,
sivousvoulezbienm’excuser,nousn’avonstoujourspasretrouvéundesanimauxquevotre
beau-filsalâchédanslanature...
Brandientrouvreleslèvresdansundernierpetiteffortpourleconvaincre,maisCrowelui
clouelebecd’unmouvementdupoignetverslasortie.
Ellemesuitjusqu’audortoirenfaisantclaquersestalonsaiguillessurlepavé.Clac,clac,
clac,clac.Jen’y avaispas fait attentiondans lebureau,mais elle a vraimentprisdupoids
depuis notre dernière rencontre. Elle se fiche que tout le monde la regarde avec son
accoutrementridicule,sagrossecrinièreblondeetsesrajoutsinterminables.Tellequeje la
connais,ellenedoitmêmepasserendrecomptedesréactionsqu’elleprovoque.
Monpèrem’avait fait asseoirpourm’annoncerqu’ils allaient semarier etqueBrandi le
rendaitheureux.C’estlaseuleraisonpourlaquellejelatolère.
— Peut-être que c’est une bonne chose, finalement, lance-t-elle d’une voix enjouée qui
porteàtraverstoutelacour.
—Unebonnechose?
Jericaneenmetournantverselle:
—Onpeutsavoircequ’ilyadebienexactement?
—J’aidécidéderetournervivredansmafamille,àChicago.Commetonpèreestpartipour
sixmois,jepensequec’estlameilleurechoseàfairepourJulian.Al’automne,ilentreraen
maternelle,tusais.
Ellemefaitungrandsourire.
Elledoits’attendreàcequejesautedejoie.Ouquejeluirendesonsourire.Ellerêve...
—Brandi,jenedéménageraipasàChicago.
—Nesoispasbête,tuvasadorerChicago,Derek.Ilyadelaneigeenhiveret,enautomne,
lesfeuillesont,genre,descouleurstropbelles...
—Tuplaisantes?Neleprendspasmalmaistoietmoi,onn’estpasvraimentunefamille.
ParteztousàChicagosivousvoulez.Moi,jeresteàSanDiego.
Jelavoissemordrelalèvre.
—A ce propos... j’ai rompu le bail.Unenouvelle famille emménageradans lamaison la
semaineprochaine.J’allaist’enparlermaisjesavaisquetesexamensfinauxapprochaientet,
commetudevaispassertoutl’étésurlecampus,jemedisais,genre,quec’étaitpasurgent.
L’horreurmeserreleventre.
—Tuesentraindedireque,genre,j’aipasd’endroitoùhabiter?
—Biensûrquesi,répond-elleensouriant.AChicago,avecJulianetmoi.
—Brandi,enfin,tunepeuxpascroirehonnêtementquejevaisbougeràChicagopourma
terminale?
OnquitteChicagopourlaCalifornie,pasl’inverse.
—JeteprometsquetuvasadorerChicago!
Non...
Malheureusement, je n’ai personne chez qui aller en Californie. Mes grands-parents
paternelssontmortsetj’aicrucomprendrequemongrand-pèrematernelétaitdécédéilya
quelquetemps.Quantàmagrand-mèrematernelle...disonsqu’ellevitauTexas,point.Plutôt
creverqued’allervivreavecelle.
—Jen’aipaslechoix,n’est-cepas?
—Pasvraiment,dit-elleenhaussantlesépaules.Tonpèret’amissousmaresponsabilité.
Situnepeuxpasresterici,ilfaudraquetuhabitesavecmoi...àChicago.
Si elle prononce encore une fois cemot,ma tête va exploser. J’ai l’impression d’être en
pleincauchemar.J’espèrequejevaismeréveillerd’uninstantàl’autre.
—Ilyaencoreunechosequejenet’aipasdite,ajouteBrandicommesielleparlaitàun
gamin.
Jemefrottelebasdelanuque;jesensunnœudentraindeseformer.
—Quoi?
Elleposeunemainsursonventreetlance,toutexcitée:
—Jesuisenceinte!
Putain.C’est.Pas.Vrai.
Lenœuddanslanuquecommenceàtirerdetoutesparts,commes’ilvoulaitsortir.C’est
uncauchemar,aucundoute...
J’aienviequ’ellemedisequec’estuneblague,maisnon.Déjàquemonpèreaépousécette
bimbo.Jepensaisqu’ilserendraitcomptedesonerreur,maismaintenant...unbébéleslieà
jamais.
J’ensuismalade.
— Je comptais garder le secret jusqu’à ta venue pour la Fête nationale, explique-t-elle,
surexcitée. Surprise !Tonpère etmoi, on attendun enfant. Je croisque ton renvoi estun
signequenousdevonstousvivreensembleàChicago.Enfamille.
Ellese trompe.Jeveuxbienquemonrenvoisoit lesignedequelquechose,maispasde
ça...C’estjustelesignequemavieestfoutue.
CHAPITRE2ASHTYN
DepuismapremièreannéeaulycéeFremont,jesuislaseulefilledansl’équipedefootball
américain,alorsjenem’enfaispasquandDieter,notrecoach,crieauxgarçonsdesecouvrir
lorsque jeme dirige vers le vestiaire avant la première séance de l’été.Quand je lui passe
devant,monentraîneurmetapedansledos,commeàtouslesgarçons.
—Prêtepourlaterminale,Parker?
—C’estlapremièresemainedesvacances,coach.Laissez-moienprofiter.
—N’enprofitepas trop.Soisà fondpendant lesentraînementset tonstageauTexas.Je
veuxqu’ongagne,lasaisonprochaine.
—On gagnera le championnat d’Etat pour la première fois depuis quarante ans, coach !
crieundemescoéquipiers.
Le reste de l’équipe, moi y compris, pousse des cris de joie. On a failli intégrer ce
championnatlasaisondernière,maisonaperduauxéliminatoires.
— Très bien, très bien, lance Dieter. Ne vous emballez pas. On commence par le plus
important:lemomentestvenudevoterpourlecapitainequivousconduiraàlavictoire.
Le titredecapitaineest trèsconvoitédansmonécole. Ilyaun tasdeclubsetd’équipes
sportives,maisuneseulecomptevraiment : l’équipede footballaméricain.Jeregardemon
copain, Landon McKnight, avec fierté, certaine qu’il va être élu. C’est le quarterback de
l’équipeprincipaleetons’attendàcequ’ilnousmèneauchampionnatdel’Illinois.Sonpère
était quarterback dans la NFL, la ligue nationale de football américain, et Landon devrait
suivresespas.L’annéedernière,ilarameutéplusieursfoisdesrecruteursd’universitépour
qu’ils voient son fils jouer. Avec son talent et son réseau, il lui obtiendra sûrement une
bourse.
Onacommencéàsortirensembleaudébutdelasaisondernière,quandDieterm’amise
au poste de kicker de l’équipe principale. J’ai amélioréma technique tout l’été avantmon
entrée en première ; cela en valait la peine. Les garçons de l’équipe me regardaient à
l’entraînement,prenaientlesparissurlenombredetirsquejepouvaismarquerd’affilée.
Audébut,j’étaiscomplexéeparlefaitd’êtrelaseulefilledansl’équipe.Jerépondaispeu,
dansl’espoirdemefaireaccepter.Lesgarçonsbalançaientdesremarquespourm’intimider
mais je riaisaveceuxet répondais coupsur coup.Jen’ai jamais souhaitéde traitementde
faveur;jemesuisbattuepourêtreconsidéréecommen’importequeljoueur.Ilsetrouveque
jesuisunefille,c’esttout.
Dieter,danssonpantalonkakihabitueletsonpolomarquéFREMONTREBELSdunom
del’équipeenlettresbrodées,metendmonbulletindevote.Landonmefaitunsignedetête.
Toutlemondesaitqu’onestensemble,maisnousrestonsdiscretsàl’entraînement.
J’écrissonnomsurlebulletinetlerends.
Dieter passe en revue notre programme d’entraînement pendant que ses assistants
s’occupentdudépouillement.
—Vousnegagnerezaucunmatchleculvissésurvotrechaise,s’écrie-t-ilaubeaumilieude
sondiscours.Cette année, on attend encoreplusde recruteurs qued’habitude. Je sais que
vousêtesnombreuxàvouloirjouerenuniversitaire.Lesterminales,cetteannée,vousdevrez
montrercequevousavezdansleventre.
Dieterneditpas ceque tout lemonde sait, à savoirque les recruteursviennent surtout
voirLandon.Maisleurprésenceprofiteraàtous.
Ceseraitgénialdejouerauniveauuniversitaire.Pourtant,jenemefaisaucuneillusion:
les recruteurs ne viendront pas taper àma porte. Seule une poignée de filles ont déjà été
sélectionnéespour jouerdansdeséquipesuniversitaires,et laplupart,sansboursed’étude,
fontde la figuration. SaufKatieCalhoun, la première fille à avoir obtenuuneboursepour
jouerenDivision1.Jeferaisn’importequoipourluiressembler.
J’aidûregarderdesmatchsdefootballavecmonpèredèsmonplusjeuneâge.Mêmeaprès
ledépartdemamère,etledésengagementdepapaentantquepère,onacontinuéàsuivre
l’équipedesBearsdeChicago.Lui-mêmeaétékickeraulycéeFremont,ilyaquaranteans,la
premièreetdernièrefoisquelelycéearemportéletitred’État.Labanderoleduchampionnat
flotteencoresurlemurdugymnase.
Je suppose qu’intégrer l’équipe de football américain à mon arrivée au lycée était une
façon pourmoi de renouer le contact avecmon père. Peut-être qu’enme voyantmarquer
suffisammentdepoints,ilseraitimpressionné...
J’espérais qu’il viendrait m’encourager aux matchs, mais il n’est jamais venu. Pas une
seulefois,etjevaisentrerenterminaleàl’automne.Mamère,nonplus,nem’ajamaisvue
jouer.ElleestpartievivreàNewYorketjen’aipaseudenouvellesd’elledepuisprèsd’unan.
Unjour,jemontreraiàmesparentstoutcequ’ilsontraté;ilscomprendrontàquelpointils
ontéténuls.
Heureusement,j’aiLandonàmescôtés.
Dieterconclutsongranddiscourspournousboosterquandundesassistantsluitendles
résultatsduvote.Illitlepapierensilence,acquiesce,puisécritsurletableaublanc:
CAPITAINE
ASHTYNPARKER
Hein?quoi?
C’estimpossible.J’aidûmallire.
Jeclignedesyeuxtandisquemescoéquipiersmetapentdansledos.C’estbeletbienmon
nomquiestécrit.Iln’yapasd’erreur.
JetThacker,notreailierfétiche,pousseungrandcri:
—Bienjoué,Parker!
Lesautresscandentmonnom:Parker!Parker!Parker!
Jeme tourneversLandon,quinedécollepas lesyeuxdu tableaublanc. J’aimeraisqu’il
me regarde,me félicite, oume fasse comprendre que ça lui va.Mais non. Je sais qu’il est
choqué,etmoiaussi.J’ail’impressionquelaTerrevientdetremblersursonaxe.
Dieterdonneuncoupdesifflet.
—Parker,dansmonbureau.Lesautres,vouspouvezyaller.
—Bravo,Ashtyn,marmonneLandon.
Il s’arrête à peine devant moi en sortant. Je voudrais le retenir, lui dire que je ne
comprendspas,maisildisparaîtavantquejenepuissefairequoiquecesoit.
JesuisDieterdanssonbureau.
—Félicitations,Parker.
Ilm’offreunécussonavecla lettreCpourquejepuisselecoudresurmavestedesport.
Onenmettraunautresurmonmaillot.
—Apartirdumoisd’août,onseverrachaquesemaineavectouslesentraîneurs.Tudevras
maintenirtamoyenneetcontinueràdirigertonéquipe,surleterraincommeendehors.
Ildétaillemesnouvellesresponsabilitésavantdeconclure:
—L’équipecomptesurtoi,etmoiaussi.
Jepasseledoigtsurlapiècebrodée,lareposesurlebureauetmeredresse.
—Landonméritaitceposte,coach.Pasmoi.Jevaisdémissionneretluilaisserma...
—Jet’arrêtetoutdesuite,Parker,m’interrompt-ild’ungestedelamain.C’esttoiquiviens
d’être élue capitaine, pasMcKnight. Je n’ai aucun respect pour ceux qui baissent les bras
lorsqu’onleurdemanded’agirpourleurscamarades.Tucomptesbaisserlesbras?
—Non,monsieur.
Ilmerendl’écusson.
—Alorsauboulot.
Deretourdanslesvestiaires,jem’appuiecontreuncasieretscrutel’écussonmarquéd’un
grandC.Capitaine.J’inspire profondément en prenant lamesure des événements.Onm’a
éluecapitainedel’équipedefootballaméricain...
Moi, Ashtyn Parker... Je suis honorée et reconnaissante envers mes coéquipiers.
Cependant,jerestesouslechoc.
Dehors, j’espère trouver Landon m’attendant devant ma voiture. Mais ce sont Victor
SalazaretJetThackerquidiscutentdevantmavieilleDodgetoutecabossée,quiauraitbien
besoind’uncoupdepeinture...etd’unnouveaumoteur,tantqu’onyest.
Victor,notrelinebackercentral,quiaplusdehargnequen’importequeljoueurd’Illinois,
n’estpasbavard.Sonpèrepossèdeengros toute lavilleetVicdoitobéirà toussesordres.
Quand il a ledos tourné,pourtant,Vic est sans limite, un vraidémon.C’est comme s’il se
fichaitdevivreoudemourir,et,pourcetteraison,ilestredoutablesurleterrain.
Jetpassesonbrasautourdemonépaule.
—TusaisqueFairfieldvasefrotterlesmainsenapprenantquesarivalevaavoirunefille
commecapitaine.CesenfoirésontbalancédesœufssurlamaisondeChadYounglejourde
sonélection,l’andernier.Ducoup,ons’estvengésetonacouvertlamaisondeleurcapitaine
avecduPQ.Faisgaffeàtoi,Parker.Quandlanouvelleauracirculé,tuserasprisepourcible.
—Jetedéfendrai,assureVicd’unairbourrumaissincère.
—Ontedéfendratous,enchaîneJet.Sois-ensûre.Prisepourcible?Jemerépèteque je
peuxgérerlasituation.Jesuisforte,solide,etjen’aipasl’habitudedemelaisserfaire.
Jenebaisseraipaslesbras.
Aprèstout,jesuislenouveaucapitainedel’équipedefootballdulycéeFremont!
CHAPITRE3DEREK
J’ai lesmuscles tendus alors que nous nous garons enfin devant unemaison en brique
rougeàdeuxétages,dans labanlieuedeChicago.J’ai conduit leSUVdemonpèreet suivi
BrandidanssanouvelleToyotablancheauxjantesflashy.Troisjoursderoute...
Un homme âgé apparaît sur le perron. Ses cheveux bruns commencent à grisonner aux
tempesetilnesouritpas.IldévisageBrandicommeuneétrangère.C’estuneconfrontation
etnil’unnil’autrenesemblentprêtsàfairelepremierpas.
J’ignore ce qu’il s’est passé entre Brandi et son vieux. Elle ne m’a pas expliqué grand-
chose, si ce n’est qu’elle est partie après le divorce de ses parents et qu’elle n’est jamais
revenue.Jusqu’àaujourd’hui.
Brandi prend Julian par la main et hisse en haut des marches son petit garçon qui
somnole.
—Jeteprésentemonfils.Julian,disbonjouràPapy.
Le fils deBrandi est un gamin super qui userait les oreilles de n’importe qui à force de
parler.Maislà,ilfaitsontimideetrefusedesaluersongrand-père.Ilgardelesyeuxrivéssur
seschaussures,etlevieuxfaitpareil.
Brandifinitparmeprésenterd’ungestedelamainetsonpèrerelèvelatête:
—Etvoicimonbeau-fils,Derek.
—Tunem’asjamaisparléd’unbeau-fils...
Celanem’étonnepasqueBrandiaitoubliédeluiparlerdemoi.Elleetlesenscommun,ça
faitdeux.
Elle penche la tête de côté ; ses grandes créoles rouges ressemblent à des anneaux de
cirque.Elledoitavoirunepairedechaquecouleurpourlesaccorderàsagarde-robe.
—Ahnon?Jesuistellementdistraite,j’aidûoublier...Entreledéménagement,lescartons
etlereste...Derekpeuts’installerdanslebureau?
— Le bureau est rempli de cartons. Et j’ai donné le vieux canapé qui s’y trouvait à une
œuvredecharité.
Jemepermetsd’intervenir:
—Sivouspréférez,monsieur,jedormiraisurleperron.Donnez-moijusteunecouverture,
jetez-moiquelquesrestesdetempsentemps,çadevraitaller.
Danslesmomentscommecelui-là,jesuistellementnerveuxque,malgrétousmesefforts,
jesuisincapablederetenirmessarcasmes.
LepèredeBrandi fixesonregardsurmoi.Si je lâchais troiscochonscouvertsdegraisse
danssonjardin,illestueraitetlesmangeraitavantdemedépecervivant.
— Tu plaisantes, s’exclame Brandi. Derek s’installera dansmon ancienne chambre avec
Julianetjedormiraidanslecanapédusalon.
—Jevaisdéplacerlescartonsetmettreunmatelasgonflabledanslebureau,conclutson
pèreavecréticenceencomprenantquejen’étaispasprêtàretournerenCalifornie.
—Çameva,luidis-je.
Detoutemanière,jenecomptepasm’éterniserdanscettemaison.
—Derek,est-cequetupeuxaidermonpèreàrentrernosaffairesdanslamaisonpendant
quejebordeJulianpoursasieste?Levoyagem’aépuiséeetj’aibesoindemereposer,moi
aussi.
Jeremarquequ’ellen’apascrachélemorceauàsonpèreausujetdesagrossesse.Ellene
pourrapasgarderlesecretbienlongtemps.
Sansmelaisserletempsderépondre,elleseglisseparlaported’entréeavecJulianetme
planteaveclevieuxgrincheux,quimesondedehautenbas.Manifestement,jeneluifaispas
bonneimpression.
—Quelâgetuas?demande-t-ild’unevoixrocailleuse.
—Dix-septans.
—Nem’appellepasPapy.
—Jen’enavaispasl’intention.
—Bien,soupire-t-il.J’imaginequetupeuxm’appelerGus.
Jedoisavoirl’airaussicontentd’êtrelàqueluidemerecevoirchezlui.
—Turentresoutuvasresterplantélàtoutelajournéeàattendrequ’ont’invite?
Il disparaît à l’intérieur. Je suis tenté de ne pas le suivre mais je n’ai pas vraiment le
choix...
Lamaison est une vieille baraque, avec un parquet sombre et desmeubles rentabilisés
depuislongtemps.Lesplanchesdeboiscraquentsousmespas,unevraiemaisonhantée.
Ilmeconduitlelongd’uncouloirjusqu’àlapiècedufondetouvrelaporte.
—Voicitachambre.Jeveuxqu’ellerestepropre,tuferasaussitalessivetoutseulettute
rendrasutile.
— J’aurai de l’argent de poche ? dis-je pour plaisanter. Son visage reste totalement
inexpressif.
—T’esunrigolo,toi,hein?
—Quandlesgensontlesensdel’humour,ouais.
Ilgrogneunboncoupenguisederéponse.
Gusfaitdemi-touretjelesuisjusqu’àlavoiture.Jenem’attendaispasàcequ’ilm’aideà
décharger nos cartons. Pourtant, il ne nous faut pas longtemps pour tout apporter à
l’intérieur. On dépose les affaires de Julian et Brandi dans leur chambre, à l’étage, et les
miennesdanslebureau.Nousn’échangeonspasunmot.Cettecohabitationpromet...etpas
danslebonsens.
Jerassemblemescartonsdansuncoindemachambrepour fairede laplacequandGus
réapparaît.Sansunmot, ilme tendunmatelasgonflable etme laissemedébrouiller avec.
J’aidumalàcomprendrepourquoiBranditienttantàrevenirvivreavecunpèrequi,detoute
évidence,neveutpasd’elle.
Monpèreesttoutlecontrairedusien.Quandj’étaispetitetqu’ilrentraitenpermission,il
étaittoutsouriresàlasecondeoùilnousapercevait.Ilnousembrassaitsifort,mamèreet
moi,qu’onfaisaitsemblantd’étouffer.
LepèredeBrandin’amêmepasprissafilledanssesbras,alorsqu’ilsnesesontpasvus
depuisdesannées.Ilsnesesontmêmepasserrélamainoutapédansledos.Etilaàpeine
remarquésonproprepetit-fils.
Jeglissemavalisederrièrelaporteetjetteunœilàmanouvellechambre.Lesmurssont
couverts d’un vieux lambris. Il y a des cartons partout.Dans un coin se trouve une vieille
cheminéequin’apasdûservirdepuisdessiècles.Aumoins,deuxfenêtreséclairentlapièce.
Cetendroitn’adécidémentriend’unchez-soi...Rienàvoirnonplusavecl’internatdulycée,
oùj’étaisentouréd’amis.Quellegalèred’êtreici.
Soudain,j’ail’impressiond’étoufferetfiledanslejardin,àl’arrière.
Ilfaitchaud,lesoleilcogne;j’enlèvemonT-shirtetleglissedanslaceinturedemonjean.
L’herbeestsihautequ’onn’ajamaisdûlatondre.Jetraverselapelousejusqu’àuncabanon
enboisàlapeintureeffritée.Levieuxcadenassurleloquetestouvertetj’ouvrelaporte.A
l’intérieur,desoutilsdejardinrouilléspendentàdescrochets,desbombesdepeintureetdes
sacsdedésherbant traînent surun établi etdespetits seaux enmétal jonchent le sol. J’en
pousseunaveclepiedetenramasseunautreensongeantàtousleschamboulementsqu’a
subismaviedepuisdeuxans.
Jejureàmi-voixetjetteleseauàtraverslecabanon.Lebruitdumétalrésonnedanscet
espaceexigu.
—Arrêtezouj’appellelapolice!s’écrieunevoixdefillederrièremoi.
Jemetourneetdécouvreunenanacanonquidoitavoirmonâge.Sescheveuxblondssont
rassemblésenunelonguetressequidescendsursapoitrine.Ellebloquelasortie,serrantune
fourcherouilléeentrelesmains.Ondiraitqu’elleestprêteàmetuer,cequilarendàpeine
moinsjolie.
—Tuesqui,toi?demandé-je.
Je remarque alors son T-shirt noir et son sweat à capuche assorti. On dirait une de ces
guerrièressexyqu’onvoitdanslesjeuxvidéooulesfilmsd’action.Mebattrecontreelledans
unjeuseraitvraimentcoolmaisdanslavraievie,çanemeditrien.
Acôtéd’ellesedresseunchienmonstrueuxaupoilgrisetrasetauxyeuxd’aciercomme
ceuxdesamaîtresse.Ilgrondecommesij’étaisdelaviandefraîcheetqu’iln’avaitpasmangé
depuisdesmois.Desflotsdebavevolentàchaqueaboiement.
—Falkor,ducalme!ordonnelaguerrière.
Labêtesetait,maissabouchesetorddangereusement.Ilsetientàcôtéd’ellecommeun
soldat,prêtàbondir.
—LaracailledeFairfield,vouscroyezquevouspouvezveniriciet...
Je lèveunemainpour interrompresatirade.Moi,uneracaille?C’est lameilleure.Cette
filleignoreàquielleparle.Onnem’ajamaistraitéderacailleauparavant.
— Je suis désolé de te décevoir, chérie,mais je n’ai pas lamoindre idée d’où se trouve
Fairfield.
—Ben,voyons!Prends-moipouruneidiote.Jenesuispastachérie.Etlaissetomberton
fauxaccentduSud.
Soudain, le chien est attiré par des bruissements dans le jardin. Il quitte son poste et
bonditversunebestiolemalchanceuse.
—Falkor,reviens!crielafille.
Maisill’ignorecomplètement.
Jefaisunpasverselleetlasortie.
—Posecettefourche,s’ilteplaît...
—Jetepréviens...unpasdeplusetjeteplante.
Sesmainstremblantesmedisentqu’elleestincapabledemettresamenaceàexécution.
Jelèvelesbrasetfaisminedemerendre.
—Tun’aspasvraimentenviedemeplanter.
—Oh,jecroisquesi.
Elle ferme ses yeux féroces. L’espace d’un instant, je suis certain qu’elle va baisser son
arme,quandj’entendsquelquechosecraquerderrièremoi–unoutilquitombesurlesol.Le
bruitlasurprend,elleaussi,etellelâchelafourche...surmonpied!
Quelleconne!
Ellefixeladentacéréequiressortdemachaussuregaucheetrestebouchebée.Puis,enun
clind’œil,elles’enfuitetclaquelaportederrièreelle.L’obscuritém’enveloppeetj’entendsle
bruitducadenasserefermer.
Jenesaispassijesuisuneracaille,maisunechoseestsûre:cettefilleestunefolle.
CHAPITRE4ASHTYN
J’arrive pas à le croire, je viens de planter quelqu’un ! Une racaille de Fairfield que je
voyaispourlapremièrefois.Ilétaitgrandetbeaucouptropmignonavecsescheveuxbruns
enbataillequiressortaientdesonbonnet.Commesicelanesuffisaitpas,ilsebaladaittorse
nuetilétaitparfaitementtaillé.Dansunautrecontexte,jel’auraisprispourunmannequin.
Ilcroyaitsincèrementqu’ilallaitpouvoirvandalisernotrepropriétéavecsesvieillesbombes
depeinture?CesabrutisdeFairfield font toujoursdugrabugedanscettepartiede laville.
J’entendsencore l’avertissementdeJet.Onm’aéluecapitaineet je suisdevenueunecible
dèsquelanouvelles’estrépandue...
Je coursaussi vitequepossible vers lamaison. Je refusede céderà lapanique,mais ce
n’estpasgagné.
—Papa!Ilyauntypequi...
Ma voix s’estompe alors que j’aperçois une femme étrange dans notre cuisine, debout
devant le réfrigérateur ouvert. Elle porte une robe d’été rouge et des boucles d’oreilles
assorties.J’ail’impressionqu’elleveutvolernotrenourriturequand,soudain,ellemefaitun
sourireéclatant:
—Salut!Waouh,commeelleagrandi,masœurette!Jen’encroispasmesyeux...
Lafemmen’estpasunevoleuse.C’estmasœur,Brandi.Enchairetenos.Jelareconnais,
à présent... Une version plus âgée de la fille de dix-huit ans qui nous a quittés alors que
j’entraisaucollège.
—Euh...salut,luidis-je,unpeuhébétée.
Papam’apourtantditqueBrandiallaitpasserquelquetempscheznous.Maisjenel’aipas
cru,carmasœurn’aniappelé,niécrit,e-mailoutexto,depuissondépartquandj’avaisdix
ans.Pasmêmepourm’annoncerqu’elleavaiteuunfilsavecsonex,Nick,puisqu’elles’était
mariéeavecungarsdelaNavy.Jel’aiapprisencroisantparhasardunancienamiàelle.
Songrand«salut» joyeuxpourrait laissercroirequ’elleestpartiehier,alorsqueça fait
septans.
Commeilyaunintrusdanslecabanonavecunefourchedanslepied,jepréfèreretarder
nosretrouvailles.
—OùestPapa?
—Jecroisqu’ilestpartitravailler.
—Oh,non.C’estmauvais,ça.
Jememordsla lèvreavecinquiétude.Est-cequ’onvam’arrêter?Dieterneserapasravi
d’apprendrequ’uneheureaprèsmonélection,j’aiblesséquelqu’un.Onoubliemamoyenne:
planterdesgensdanslepiedn’estpasdigned’uncapitaine.Mais j’aiunebonneexcuse: je
défendaislamaison...ou,plutôt,lecabanon.Qu’est-cequejedoisfaire?Appelerlapoliceou
uneambulance?
—Qu’est-cequ’ilt’arrive?demandeBrandi.
—Hum...onaunpetitproblèmeàl’arrière.
Jetressailleaufildesmots.
—Quelgenredeproblème?
— Je viens d’enfermer un joueur de football américain de Fairfield dans notre cabanon.
Cesmecssontdesanimaux.
Jeluiexpliquerapidementetluifaissignedemesuivre.
—Jeluiaiditdepartirmaisilarefusé.Jenevoulaispasleblesser.
Masœurmeregarde,lesyeuxécarquillés.
—Tul’asblessé?OmonDieu!Qu’est-cequ’onvafaire?Hum... jesais!Derekvanous
aider!
Masœurclaquelaporteduréfrigérateuretseprécipiteverslebureauenhurlant:
—Derek!
—C’estqui,Derek?
Netrouvantpersonne,ellecourtdanslesalon,faisantvolersescheveuxblondsdécolorés.
—Derek,t’eslà?
—C’estqui,ceDerek?
Jecroyaisquesonmaris’appelaitSteve.Ilestcenséêtreenmissionetnedoitpasrevenir
avantunmoment.Est-cequeBrandil’adéjàjetépourpasseràunautre?Çanem’étonnerait
pas.Ellen’ajamaisététrèsstable.
—Derekestmonbeau-fils,Ashtyn.
Jelasuisdansl’escalier.
—Derek,onabesoindetonaide!crie-t-elleencore.Oùes-tu?
Sonbeau-fils?Dequoielleparle?Elleaunfilsquis’appelleJulian,mais jen’ai jamais
entenduparlerd’unautregamin.
—Tuasunbeau-fils?
—Oui,l’enfantdeSteve.
—Enquoiest-cequelegamindeStevevanousêtreutile,Brandi?
Jelavoisseretournerd’uncoupenfronçantlessourcils.
—Derekn’ariend’ungamin,Ashtyn.Iladix-septans.
Dix-septans?Commemoi?
Soudain,j’aiunmauvaispressentiment.Non,çanepeutpasêtrelui.Etsi...
—Est-cequ’ilestgrand...avecdesyeuxbleus,unaccentduSud,etunbonnet?
Moncœurbatsivitequej’ail’impressionqu’ilvam’arracherlapoitrine.
Lesyeuxdemasœurs’écarquillentetonréaliseenmêmetempsl’horribleerreurquej’ai
commise. On se précipite vers le cabanon où j’arrive la première. Falkor, surexcité, aboie
commeundémentenagitantsalonguequeue.
Branditambourineàlaporte.
— Derek, c’est moi. Je t’en prie, dis-moi que, genre, tu ne vas pas pisser le sang à en
mourir.
—Pasencore,répondunevoixétouffée.Branditiresurlecadenas.
—Ashtyn,oùestlaclé?Hum...
—Laclé?
Toujourscesgrandsyeuxécarquillés.
—Ouais,laclé!Tusais,cesmachinsenmétalavecuneformebizarrequiserventàouvrir
lesportes.Elleestoù?
—J’ensaisrien.
—Tublagues?gémitDerek.
—Net’inquiètepas,onvatesortirdelà,s’écriemasœur.Ashtyn,oùest-cequePaparange
sesgrossestenaillesaiguisées?
—Danslecabanon...
Elleramassealorsunepierreetcommenceàfrapperlecadenas.
—Jepourraisdéfoncerlaporte,s’exclameDerek,maisjenesuispassûrqueletoittienne.
—Non!hurlé-je.
Je ne veux pas être responsable et du pied tranché du beau-fils de Brandi et de
l’effondrementd’unecabanesursatête.Ilrisquedefinirbroyé.Etpuisilyabeaucouptrop
d’outilstranchants,quipourraientluicouperdespartiesvraimentimportantes.Jemegratte
la tête... Où peut bien se trouver cette clé ? Cette porte n’a pas été verrouillée depuis des
années.
—Attendez!faitBrandiencessantdefrapperavecsoncaillou.Laissez-moiréfléchirune
seconde...
Jepréfèreignorerlegrognementprovenantducabanon.J’aiuneidée.
—Essaiede trouverunarrosoir,Derek.Papacachaitundoublede laclédedans.Si tu la
trouves,tun’aurasqu’àlaglissersouslaporte.Jesaisqu’ilfaitnoirmais...
— Je vais utiliser la lumière de mon portable, répond Derek en se mettant à fouiller.
Trouvé!
Jen’auraisjamaiscruquecemotmerendraitsiheureuse.
Derekpousselaclédansuninterstice.Brandiouvrelecadenas,puislaporte,etjecherche
sonbeau-filsdu regard.Dereket sesabdos sontappuyés contre l’établi. Il a l’airdétendu ;
peut-êtreunpoilirrité,maisilnesevidepasdesonsang.
— Derek, je te présentema sœur Ashtyn, annonce Brandi en se précipitant sur lui. Ta,
euh...,tanteparalliance.C’estmarrantquevousayezlemêmeâge,non?
—Hilarant.
Ilsecouelatête.Iln’arrivepasàycroireetiln’estpasleseul.
Brandiposesonregardsurlafourchequigîtàterre,puisinspectelepieddeDerek.Ilaun
troudanssachaussuregauche.
—MonDieu!Tul’asvraimentplanté!
Elles’agenouillecommeunevraiemèrepouleterroriséeetexaminelachaussure.
—Jel’aipasfaitexprès.
—Aumoins, ellene sait pas viser, enchaîneDerekavecune voixde séducteur.Ellem’a
justeégratignél’orteil.
Brandisemordillelalèvre.
—Etletétanos?LepédiatredeJulianditqu’onpeutmourirensecoupantavecuntruc
rouillé.
—T’inquiètepas,petitgars, lanceDerekàquelqu’underrièremoi.Onm’a faitunvaccin
l’andernier.
Petitgars?Jeme tournepour voir àqui il parle.Unadorablepetit garçonaux cheveux
blondsnousarejoints,detouteévidencemonneveuJulian.Ilfixeletroudanslachaussure
deDerek puisme dévisage, terrorisé, comme si j’étais la Faucheuse venue sur Terre pour
récolterdesâmesetlesramenerenEnferavecmoi.
Branditapotelatêtedesonfils.
—Ashtyn,jeteprésenteJulian.Julian,disbonjouràTatieAshtyn.
Julianrefusedemeregarder;iladmireDerekcommeunhéros.
—N’aiepaspeurd’elle,luiditcedernier.Tatanten’estpasméchante.Elleestjustefolle.
CHAPITRE5DEREK
Pendant le restede la journée, je fuis la guerrièrepsychopathequim’a enfermédans le
cabanon.Elle,enrevanche,nesemblepasressentirlebesoindem’éviter:aubeaumilieude
maconversationavecJackautéléphone,elledébouledanslebureausansfrapper,sonchien
degardesurlestalons.
—Onauncompteàrégler.
Elle a les bras croisés sur la poitrine, son molosse ancré dans le sol à côté d’elle. S’il
pouvaitcroiserlespattes,luiaussi,illeferait.
Amusé,jelèveunsourcil.
—Jack,jeterappelle.
Je glissemon portable dansma poche,m’appuie contre lemur et pose les pieds sur le
cartonmarquéHABITSD’HIVERquimesertdetablebasse.
—Maisréglonstoutcequetuveux.Monironieneluiapaséchappé.
Ellepréfèrepasseroutreetsouffleungrandcoup.
—Toutd’abord, tudois expliquer àmonneveuque jene suis pas folle. Il refusedeme
regarder.
J’enailepiedquifrétille.
—Ce n’est pasmoi quimenace des innocents avec une fourche et les accuse d’être des
racailles.
—Ouais, ben peut-être que tu aurais dûmedire qui tu étais, dès le départ, et éviter de
porter un bonnet en plein été. Ma sœur ne nous avait pas dit qu’elle avait un beau-fils.
Commentj’auraispusavoir?
—Moi,ellenem’apasditqu’elleavaitunesœur.Etmonbonnet...cen’estqu’unbonnet.
—Ons’enfiche.Çam’aperturbée.
—Pourquoituteprendsautantlatête?Détends-toi...
J’agitelepiedsoussonnez.
—Siçapeutteconsoler,tupeuxmelemasseretonseraquitte.
Ellebaisselesyeuxversmesorteilsavecdégoût.
—Tutetrouvesdrôle,n’est-cepas?
—Disonsque jem’amuseunpeu, dis-je en regardantmonpied. J’imaginequ’onoublie
pourlemassage?
—Écoute,Cow-boy,dit-elleendécouvrantmacollectiondebottesalignéesdansuncoin,
onvamettreleschosesauclair.Tuaspeut-êtrel’habitudequelesfillestemassentlespieds
oufassentcequetuveuxdèsquetusourisoumontrestesabdos,maisçanemarchepasavec
moi.Jesuisavecdesjoueursdefootballaméricaindumatinausoiralorstombersurunmec
musclé,c’estcommevoirunestatue:çanemefaitriendutout.
—Dis-moi,alors,commentjefaispourattirertonattention?
—Ah,tuaimeraissavoir...
Plutôt,ouais.Etjesensquejevaislesavoirtrèsbientôt.Ashtynestdécidémentunefille
qui joue selon ses propres règles. Mais plus je l’énerve et plus je lui fais de l’effet. Je
m’apprêteàluisortiruneremarquebientrouvéequandFalkorpousseungrognement,s’étire
etselèchelesbonbons.
—Tonchienadesproblèmes,ondirait.
—Onatousdesproblèmes,réplique-t-elleenmefixantdroitdanslesyeux.Maisnevapas
t’intéresserauxmiensoutemêlerdemesaffaires.
—Ashtyn,memêlerdetesprécieusesaffairesestbienladernièrechosedontj’aienvie.Tes
affaires,tesproblèmes,peuimporte.
—Bien!lance-t-elleenrejetantsatresseenarrière.Aumoins,noussommesd’accord.
Brandipasseune têtepar laporte, ses grandesbouclesd’oreilles sebalançantdepart et
d’autredesonvisage.
—Commenttutesens,Derek?demande-t-elleavecunecertaineinquiétudedanslavoix.
—Ashtynétaitsurlepointdememasserlepied.Tunem’avaispasditquetasœurétait
doucecommeunsucred’orge.
Brandiposeunemaincontresoncœur.
—Oh.C’estsupercooldetapartdeluipardonnercommeça,Derek.Ledînerestprêt,c’est
quandvousvoulez.
Elles’envaetAshtyn,lesmainssurleshanches,lèveunsourcil.
—Sucred’orge,moncul!lâche-t-elleavantdes’éclipser.Danslacuisine,lepèredeBrandi
présideunetableenchêneentouréedesixchaisesenbois.Julians’empiffredepuréesansla
moindretracedepommesdeterrevéritables–samèren’ajamaisdûluicuisinerautrechose
quedesboîtes.Ashtynestassiseenfacedelui.Ellelèvelatêteetnosregardssecroisent.Un
mouvementdesourcildemapartlafaitreplongerdanssonassiette.
Je vais me laver les mains dans l’évier en faisant semblant, par pur plaisir, de ne pas
vouloirattirersonattention.
—Tuasfaitunebonnesieste,bonhomme?
Julianacquiesce.J’aperçoisuntrèslégersouriresursonvisagequandjeluifrottelatêteet
meglisseàcôtédelui...enfaced’elle.
J’inspectelanourrituresurlatable:dupouletfritquinedoitavoirdepouletquelenom,
de la purée instantanée et des pâtes qui baignent dans une sauceAlfredo. Il faudra que je
fasselescoursesdetempsentempssijeveuxmangerautrementquedel’industriel.Detoute
évidence,mangersainn’estpasuneprioritédelafamilleParker.
Discuternonplus.
Le silence n’est brisé que par le tintement des couverts dans les assiettes et un
toussotementoccasionnel.Est-cequ’ilssonttouslesjourscommeça?Monpèreatoujours
des histoires incroyables à raconter et ferait parler unmuet.Ce doit être un talent inné, à
moinsquecenesoitunetechniqued’interrogatoireappriseà l’armée.Quoiqu’ilensoit, je
n’aipascedon.Balancerdelapuréeàtraverslapiècepourégayerlasoiréeseraitplusdans
mescordes,maisAshtynrisqueraitdemeplanteravecsafourchette.
Finalement,c’estellequiselance:
—Onm’aéluecapitainedel’équipedefootball,aujourd’hui.
Je dénote une pointe presque imperceptible de fierté dans sa voix. C’est en effet un bel
accomplissement.
—Waouh!
—Tujouesaujeududrapeau?luidemandeBrandi.
C’estmignon.Moi,jejouaisdansl’équipedesfillesquandj’étais...
—Jeneparlepasdedrapeaux,l’interromptAshtyn.Jejoueaveclesgarçons,dansl’équipe
principale,àFremont.Sanslespetitsboutsdechiffon.
—Tasœurestunvraigarçonmanqué,commenteGus.
—Tueslesbienne?s’exclameBrandi.
J’essaiedenepaséclaterderire,maisc’estvraimentdifficile.
—Non,jenesuispaslesbienne.J’aiuncopain.C’estjusteque...j’aimejoueraufootetje
suisdouée.
—Derekyjouaitautrefois,expliqueBrandi.
—C’étaitilyalongtemps,dis-jetrèsrapidement.
J’espère lui clouer lebec avantqu’ellene se lancedansunde ses grandsdiscours et lui
racontemavie.Ashtynn’apasbesoindeconnaîtremonpassé.
— J’étais plutôt moyen, j’ajoute pour clore le débat. Cette fille manie la fourche, je ne
devraispasêtreétonnéqu’ellejoueaufootball.Etpourtant...
Brandiagitelesbras,toutexcitée,ettoutlemondesetourneverselle.
—Ashtyn, j’aiune idéedegénie.Pourquoi tunesortiraispas,genre, cesoir,avecDerek,
pourluiprésentertesamis?
Sasœurfixesonregarddanslemien.
—J’avaisdesplansmais,euh...
—Tun’espasobligéedemesortir.Detoutemanière,jenevaispasfairedevieuxosaprès
avoirconduitpendanttroisjours.J’aimeraisjusteallercouriretmecouchertôt.
Pasbesoindebaby-sitting,merci.
—LelacMichigann’estpasloin,renchéritBrandi.
Tupeuxcourirsurlaplage.TutesentirasunpeuenCalifornie.
Jeparieraismacouillegaucheque lesplagesdeChicagon’ontrienàvoiravec lesplages
californiennes.
—Ouaustadedulycée,enchaîneAshtyn,unpeutropenthousiaste.Toutlemondecourt
surlespistesd’athlétisme,ici.Ilyaunmondefou,àlaplage,lesoir.Jeneteconseillepasd’y
aller.
Ha!ha!ettoi,tuyserastrèscertainement...
—Qu’est-cequetucomptesfaire?demandesoudainGusàsafilleaînée.Tunecomptes
pastraînerlàtoutelajournée,aumoins?
L’heureest-ellevenuedeluiannoncerqu’elleestencloque?
— Je vais poserma candidature au salon deDebbie. J’aimeraisme remettre à travailler
quandJulianauracommencélamaternelleetDereksaterminaleàFremont.
Entredeuxphrases,elleplantesafourchettedansunmorceaudepoulet.
— Et je pense que Debbie me prendra pour les manucures quand j’aurai obtenu mon
certificat,cetété.
Lepèrehochelatête;ildésapprouvetotalement.
—Tudevraisplutôt t’inscrireà la facducoinet suivredevrais cours si tuveuxpouvoir
faireautrechosequegagnerlesalaireminimumenfaisantlesongles.Tonmariagerisquede
nepasdurer,tusais.
Gusn’enratepasune.Jepensaislamêmechoseavantd’apprendrelagrossessedeBrandi,
maisjemesuisabstenud’enparler.JejetteunœilàJulian,trèsconcentrésursonassiette.
Pourm’assurerqu’ilnes’intéressepasa laconversation, jeposeunmorceaudepouletsur
songenouetregardeFalkorleléchouiller.Çalefaitrigoler.
—Jenesuispasfaitepourlesvraiesétudes,Papa.Tulesais.
Brandibaisse latête.Sonoptimismehabituelabeaum’énerver, là,ellea l’airtotalement
abattueenmurmurant:
—Etmonmariage vabien,mercide t’en soucier.Ellehoche la tête et soupire, frustrée.
Ellenevapasparlerdesagrossesse.
Bienjoué,Gus.JefaissigneàJuliand’offrirplusderestesàFalkor,enpriantpourquele
chienneconfondepassonpetitdoigtavecunhotdog.
—Tun’étaispasbonneàl’écoleparcequetunet’appliquaispas.Quandonpenseautemps
quetuasperduaveclesgarçonsetlesemmerdes!Situenavaispassélamoitiéàétudier,tu
auraisdéjàundiplôme.
Ashtynclaquesamaincontresonfrontethochelatête,gênée.
Sasœurreposesafourchetteetnedécollepaslesyeuxdesonpère.
—Onestvraimentrepartispouruntour?Parcequ’onpeutaussisortird’icietnejamaiste
revoir,commepratiquementtouslesgensquetuconnais.
GusbonditenfaisantgrincersachaisesifortqueJuliansebouchelesoreilles.Puisilse
tire.Onentendlaported’entréeclaquer,lespneusdesavoiturecrisser,etlesilencerevient.
UnsimpleregardversBrandietAshtynmedonneenviedefileràmontour.Juliann’apas
l’airenmeilleurétat.
Ashtynfixesasœurd’unairaccusateur.
—Quoi?demandecelle-ciinnocemment.C’estluiqu’acommencé.
—Etsic’étaittoiquiavaiscommencéquandtuespartieilyaseptans?
Jeressenssacolèreàl’autreboutdelatable.Mincealors,jemeretrouveaumilieud’une
nouvelleguerrecivile.
—Tuesinjuste.
—Benvoyons,Brandi,répondsasœurenlevantlesyeuxauciel.
Soudain,j’aperçoisunelarmecoulerlelongduvisagedemabelle-mère.Ellel’essuiepuis
quittelatable.Juliancourtderrièreelle;Ashtynetmoinousretrouvonsseuls.
— Vous devriez vous inscrire à cette émission de télé-réalité ; chaque semaine, c’est la
famillelaplustaréequigagne.Vousaveztoutesvoschancesdetoucherlegroslot.
—Toiaussi,tufaispartiedecettefamilledetarés.JeregardeAshtynd’unairamusé.
—Etenquelhonneur?
—Sinon,tuseraisrestéenCalifornie.Tun’auraispassuiviBrandi.Tuseraisavectapropre
mère.Tamèrebiologique.
—C’estimpossible,dis-jeenm’éloignantdelatable.Elleestmorte.Ettoi,pourquoitune
vispasavectamère?
Jen’aipasrépondu.Jen’aipaspu;jen’aijamaisétécapablededireàhautevoixpourquoi
mamèrenevitplusavecnous.Enréalité,elleestpartieparcequ’elleenavaitmarredeson
rôled’épouseetdemère.Jeneparlejamaisd’elle,mêmeavecLandon.
J’auraismieux fait deme taire au sujet de lamère deDerek. Jeme sens vraimentmal,
maintenant. Si j’avais su qu’elle n’était plus en vie, j’aurais évité d’en parler. Quand il a
nettoyésonassietteetm’alaisséeseuledanslacuisine,saréponserésonnaittoujoursdans
l’air. J’ai eu envie de le rappeler, de lui demander pardon,mais depuis que j’ai posémon
regardsurlui,jemebarricadeetjenecontrôlepluscequejedis.
Julian regardaitDerek comme un super-héros. Je ne peux pas parler football américain
sansquemasœurparledeDerek.Puiselleveutque jem’occupede lui.Bientôt,monpère
regarderalesmatchsaveclui.
J’ai eu envie de me gifler à chaque fois que mon regard plongeait dans le sien. Il ne
m’attirepas,non.Sesyeuxontunecouleurunique,voilàtout.
Quand mon père m’a annoncé que Brandi réemménageait avec nous, j’espérais qu’on
redeviendraitunefamille.JecroyaisqueJulianetmoiserionstoutdesuiteproches.Aulieu
decela,àcausedeDerek,monneveumeprendpourunetarée.Ilesttempspourmoidele
fairechangerd’avis.
Jeretrouvemonneveudanslachambredemasœur,jouantavecuneconsoleportable.
—Coucou,Julian!
Ilnereposepassaconsole.
—Salut.
—JesaisqueDerekt’aditquejesuisfolle.Maisc’estpasvrai.
Illèvelesyeuxdesonécran.
—Jesais.Ilm’aditqu’ilplaisantait.
—Bien.
Jem’assoisàcôtédelui.Sanssescheveuxblonds,c’estleportraitcrachédeNick.D’après
cequejesais,sonpèrealaissétombermasœurendécouvrantqu’elleétaitenceinte.Jedoute
qu’ellel’aitrevu;Juliann’ajamaisdûrencontrersonpèrebiologique.
—Tumefaisuncâlin?Ilhausselesépaules.
—Bon.Alors,quandtuserasprêt,jeserailà.D’accord?Ilacquiesce,toujoursabsorbépar
sonjeuvidéo.
CHAPITRE6ASHTYN
Jeresteavecluiunquartd’heurepuismasœurentreetluiditdesepréparerpourallerau
lit.Elleagitcommesinotredisputedanslacuisinen’avaitpaseulieu,maisjelagardebienà
l’esprit.
Landon,que je suis censée retrouver à laplage, tout à l’heure, nem’a pas téléphoné. Je
vaisdansmachambre,fermelaporteetl’appelle.
—Allô?
—Salut.
—Désoléd’avoirfiléaprèslaséanceavecDieteretdenepast’avoirappelée.Ilfallaitqueje
rentreaidermamèrepouruntruc.
—Alorstunem’enveuxpas?
—Pourquoijet’envoudrais?
—Pourlepostedecapitaine.Jepensaisvraimentquec’étaittoiquiseraisélu.
Jesaisqu’ilycroyait,luiaussi.Jenepeuxpasm’empêcherdemesentircoupable,comme
sij’avaisprissaplacealorsquejen’avaisrienfaitpour.
—Tantpis.Cen’estpasgrave.
Pourtant,si.J’attendsqu’ilmediseque j’ai travailléduretque jemérited’êtrecapitaine
autantqu’unautre,maisriennevient.Etleretourdemasœuretnotredisputenem’aident
pasàresterzen.
—Onpeutsevoirseuleàseul,cesoir?Masœurestrentréeàlamaisoncematinet j’ai
besoindeparler.
—Toutlemondeseretrouveàlaplage.
—Jesaismaisjemesens...jesaispas.
—Écoute,çat’atoujoursgavéequetasœursoitpartie.Maintenant,elleestlà.Tudevrais
êtrecontente,Ash.Tuaseucequetuvoulais.
Saufqueleschosesnesedéroulentpascommeprévu.
—Tuasraison.
Jeneveuxpasjouerlacopinequiseplainttoutletemps.Sonex,Lily,denotreécolerivale
Fairfield, se plaignait en permanence. Rien n’était jamais assez bien pour elle et elle
l’étouffait complètement. Je me suis promis que je ne serais jamais comme elle. J’essaie
d’êtretoujoursàfond,mêmequandjen’enaipasenvie.
—Tuarrivesquand?
—Jepasseteprendredansunquartd’heure,conclutLandonavantderaccrocher.
Jemedépêchedem’habiller,jenepeuxfranchementpassortiravecLandonenT-shirtet
pullàcapuche.J’essaiesepttenuesdifférentesavantd’appelerMonika,mameilleureamie,
experteenmatièredemode.Jeluienvoiedesphotosdechacune:sonchoixseportesurun
shortenjeanetunpetithautroseplongeantquimetmapoitrineenvaleuretrévèleunbrin
depeauauniveaudelaceinture.
Jesuispenchéeau-dessusdulavabodelasalledebains,entraindemettredugloss,quand
Derekdébarque.
—Tunepeuxpasfrapper?
—Laporteétaitouverte...
Ils’appuiecontrelacabinededoucheetmescruteavecsesyeuxbleuclair.
—Soiréecâlineenperspective?
—Oui.
—Avectoncopain?
—Oui.
—Iljoueaussiaufootball?
—Çaneteregardepas,maisoui.
Jeme tournevers lui. J’aimerais lui trouverundéfaut,une imperfection,mais rien.Les
fillesaulycéevonts’endonneràcœurjoiedèsqu’elleslecroiseront.Jevoisd’icilesbagarres
etlesdrames.
—Tueslàpouruneraisonparticulièreoutuvoulaisjustemerappelerqu’ondoitpartager
unesalledebains?
—Fautquejemesoulage.Çat’ennuie?
—Berk!
—Commesiçanet’arrivaitjamais.
—Si,si.Simplement,jeneressenspaslebesoindel’annonceraumonde.
J’attrapemesaffairesetm’apprêteàsortir,maisjestoppeetfaisdemi-tour.
—N’osemêmepaslaisserlalunettelevée.
—Sinonquoi?demande-t-iltoutsourire.
—Crois-moi,tun’aspasenviedesavoir.
Deretourdansmachambre, jemedemandesiDerekaunecopineet tented’imaginerà
quoiellepeutressembler.Nonpasquecelam’intéresse.Avraidire,j’auraisplutôtpitiédela
fillequidoitsupportercebeaugossetropcaustiqueetrusé.
On sonne à la porte quelques minutes plus tard. J’ai hâte de voir les yeux de Landon
s’illuminerenmevoyanttoutepomponnée.J’attrapemonsacàmainetmeprécipiteenbas.
—J’arrive!
Landonm’attenddansl’entrée,enjeansetchemiseBCBGsursapeaubrune.Jel’embrasse
sur les lèvres quand Derek apparaît en pantacourt avec RÉGENTS PREPARATORY
ACADEMYbrodésurunejambe.Jenesuispassurprisequ’ilvienned’unejoliepetiteécole
privée,vusonego.Torsenu, ilnousmontre sesgrosmusclesavecunairaussiassuréque
Landond’habitude.Jen’ysuispastotalementinsensible,quoiquejeprétendelecontraire.Il
yaquelquechosechezluiquicaptemonregard,etjesuisincapabled’yrésister.
—T’esqui,toi?demandeLandoncommesic’étaitunintrusqu’ilfallaitmettreàlaporteà
coupsdepiedauxfesses.
—UnepetiteracailledeCalifornie,répondDerekenmefaisantunclind’œil.
Ilpousselaporte-moustiquairedel’entréeetsort,seschaussuresdesportàlamain.
Landonpointeledoigtverslaporte.
—C’étaitqui,celui-là?
—Lebeau-filsdeBrandi.Nefaispasattentionàlui.J’agiteunemainenl’airpoursignifier
quecegarçonquivitdanslebureaunecomptepas.Luinelequittepasdesyeux.
—Sonbeau-fils?J’aimepasça.
—Moinonplus.
Jel’attrapeparlamainetletiredanslamaison.Moncopainal’espritdecompétitionetun
niveaudetestostéroneausommet.Çaneledérangepasquejetraîneavecnoscoéquipiers,
maisilestjalouxdesnon-initiés.
—Allez,onvafêterledébutdesvacances.J’aibesoindedécompresser.
Dehors,Dereklaceseschaussures,assissurleperron.
—Éclatez-vousbien,crie-t-ilalorsquenousnouséloignons.
—T’inquiètepaspournous,grogneLandon.
Depuis lavoiture, jenepeuxm’empêcherd’observerDerek.Nosregardssecroisentet je
sensl’adrénalinemonter.J’aimeraisl’ignorer,fairecommes’iln’étaitpaslà.Pourquoiest-ce
sidifficilededétournerleregard?J’ailesentimentquelesiencachesatristesse,çanousfait
unpointcommun.
Surlechemindelaplage,letéléphonedeLandondansleporte-gobeletsemetàsonner.Je
voiss’afficherlenomdeLilysurl’écran.
—Pourquoiest-cequetonext’appelle,Landon?
IIjetteunœilautéléphonemaisnedécrochepas.
—Vasavoir.
—Jecroyaisquevousnevousparliezplus.
— On se capte de temps en temps. Rien d’important. Pourquoi voudrait-il avoir des
nouvellesdesonexalorsqu’ilseplaintd’elleenpermanence?J’aimeraisluiposerquelques
questions,maisonarriveàlaplageetildescenddevoitureavantquejenepuissepoursuivre.
J’espérais que nous pourrions trouver un endroit tranquille où nous asseoir et discuter
devantlefeudecamp,maisilm’abandonnepourallertraîneraveclesautresgarçons.Jeme
joindraisbienàeux,maisj’aiunedrôledesensation,cesoir,etjepréfèrelelaisserrespirer.
Jerefusedel’étouffercommelefaisaitLilyavantmoi.
Debout près de la voituredeVictor, Jet discute avecdes copains, unpackdebières à la
main.Dèsqu’ilmevoit,ilmefaitsignedevenir.
—Salut,Capitaine!lance-t-ilenmeserrantcommeunourspar-derrière.
—Arrête,Jet.
—Jesaisquetum’aimes,Ash.
—Non,c’est faux.Laplupartdu temps, jene t’appréciemêmepas,dis-jeenplaisantant.
Vire tes grosses pattes de là, garde-les pour les pauvres filles pures et innocentes qui sont
sensiblesàtonbaratin.
Jeluimetsuncoupdecoudedanslescôtes.
—Landonestlà.Çavapasluiplaire.Jetéclatederire.
—Pourquoijedéplairaisànotrequarterbackvedette?Notrefierté,notrejoie,leprince,la
personne la plus importante de notre équipe... Le seul quarterback qui puisse nousmener
jusqu’auchampionnatd’État,unemainattachéederrièreledos...
—Ducalme,Thacker,intervientVicpourlefairetaire.
Aprèsnotredéfaiteauxéliminatoires,lejournallocalapubliéuncommentairedeLandon
dans lequel il blâmait Jet de ne pas avoir rattrapé ses deux dernières passes. Landon a dit
qu’on avait mal retranscrit ses paroles, mais Jet l’a tout de même pris personnellement.
Depuiscejour-là,ilss’envoientdesvannessansarrêtetj’aidûintervenirplusieursfoispour
éviterqueçanedégénère.
JetpointealorsundoigtversunefilleenBikiniminusculequisepavaneauborddel’eau.
—Atonavis,j’aimeschancesaveccelle-là?
—Plusqu’avec toutes lesautres.Est-ceque jedois laprévenirquetunecherchesqu’un
coupd’unsoiretqu’ellenedoitpass’attendreàterevoir?
L’idéefaitsourireVie.
—Surtoutpas!
Jetneveutpasdecopine.Il«répandl’amour»,commeildit,ensetapantlepluspossible
defillescanon.Cequisignifieaussiqu’ilesttachéavec lagrandemajoritéde lapopulation
fémininedulycéedeFremontetdesalentours.
J’ai dû sauver Jet plusieurs fois des griffes de filles possessives et désespérées par son
attitude. J’ai fait trop souvent semblantd’être sapetite amiepour compter. Je l’aiprévenu
qu’un jour il s’attacheraitàune fillequi luibriserait le cœur,mais ça l’a fait rire.Pour lui,
l’amour,c’estdesconneries.
Jem’approchedufeudevant lequelMonikaestassiseetrepenseàmaconversationavec
Derek,dans lacuisine.Asesabdos...A ladisputedemonpèreavecBrandi...Acette fichue
culpabilité quime ronge depuis que j’ai été élue capitaine. Il faudrait quemon cerveau la
metteenveilleuse,ilsurchauffe.
—J’arrivepasàycroire!Mameilleurecopinenem’amêmepasditqu’elleétaitdevenue
capitaine, lanceMonika en se blottissant contre Trey, son petit ami et notre running back
vedette.Bravo,magrande!
—Merci.
TreyetMonikasortentensembledepuisunan.Ilssontfousamoureuxetn’ontpaspeur
des’affichernideparlerd’avenircommes’ilsallaientêtreensemblepourtoujours.
Quandmesparentssesontséparés,j’aiabandonnél’idéedetrouverlegrandamour,celui
qu’onnousbalancedanslesfilmsetleslivrespourfairecroireàl’impossible.TreyetMonika
m’ontredonnélafoi.Luilaregardecommesielleétaitlaseulefilleaumonde,sabouéede
sauvetagesans laquelle il serait totalementperdu.Ellem’aditqu’ilétaitsonâmesœur. Ils
comptentaller tous lesdeuxà l’universitéde l’Illinois, lui sedébrouillerapourobtenirune
boursegrâceausport.
Landonnousrejointenfin;jemepencheverslui.
—Aquoitupenses?Tuasl’airsisérieux.
—Rien,rien,répond-il,irrité.
Il s’ouvre une cannette de bière et la descend d’une traite. Il pose unemain contre son
torse.
—C’estàcausedecettehistoiredecapitaine?Ildégagemamain.
—Putain,Ash,tupeuxpaslaboucleravecça?Toutlemondemelesbrise,d’accord?On
t’a élue capitaine.Et alors, putain ? Jet a tout orchestré pour se venger de ce foutu article
danslejournal.Jemesuisbienfaitavoir,non?
—Jetn’arienorchestrédutout.
Ilaunricanementméprisant.Sesmotsmefontmal.
—Benvoyons.
—Dis-moiquetunelepensespasvraiment.
—Bien,jenelepensepas,répète-t-ilsansconviction.Je jetteunœilàMonikaetàTrey,
quifontleurpossiblepournepastropmontrerqu’ilsnousécoutent.J’essaiededéglutirmais
unnœudmeserrelagorgequandjesorscequimetravailledepuiscematin,quandDietera
écritmonnomsurletableau:
—D’à...d’aprèstoi,jeneméritepasd’êtrecapitaine?Ilnerépondpas.
CHAPITRE7DEREK
LesoleilsecouchedurantmonjoggingavecFalkor.Aladernièreminute,j’aidécidéqu’il
valaitmieuxfairelapaixaveclabêteetluiproposerunpeud’exercice.J’avancesansbutet
l’airchaudquimecaresselevisagedétendmesmuscles.
Commenousdépassonslelycéeetleterraindefootballaméricainvoisin,lessouvenirsde
mamèremeregardant jouerenvahissentmonesprit.C’était toujourselle, leparent leplus
bruyant des tribunes ; je suis sûr que ses poumons la faisaient souffrir à la fin de chaque
match.Mêmeaprèssesséancesdechimio,alorsqu’elleétaitnauséeuseetfatiguée,elleétait
là.«Iln’yarienquejepréfèreàteregarderjouer»,m’avait-elledit.
Jeferaisn’importequoipourrejouerpourelleunedernièrefois.Jeferaisn’importequoi
pourluireparler.Maiscelan’arriverajamais.
Lassésparlestoursdepiste,nousquittonslestaded’athlétismepourlaville.Ensuivant
les indicationsde laplage, jememetsàpenseràAshtyn.Mincealors,sonhautmoulantet
sonshortmini-mininelaissaientpasdeplaceàl’imagination...Quellemétamorphoseaprès
cet après-midi, quand son corps était enveloppé dans un gros pull ! C’est peut-être un
caméléon,quisetransformeenunenouvellepersonneenfonctiondesgensquil’entourent?
Jemedemandesisonpetitamiappréciesestenuessexyetl’exhibeteluntrophée.Quandil
estvenulachercher,ilm’aregardécommesij’étaisunadversairesurlepointd’intercepterle
ballond’unedesespasses.
—Jen’aimepassoncopain,dis-jeàFalkor.
Lechienmeregardedesesgrandsyeuxgris,haletant,sagrosselanguependantsurlecôté.
—Laprochainefoisqu’ilvient,tudevraisluipissersurlajambe.
Minute...Jesuisentraindeparleràunchien?J’ail’impressiond’êtredanscefilmoùle
typeéchouesuruneîledeserteetfinitpars’adresseràunballondevolleycommesic’était
sonmeilleurami.PourvuquecenesoitpaslesignequeFalkorestenpassededevenirmon
seulamid’ici.Ceseraitvraimentnaze.
Depuis la plage, j’observe l’eau immobile éclairée par la lune, Falkor à mes côtés. Le
paysagen’arrivepasàlachevilledelaCalifornie,oùdesvaguespeuventvousemportersans
prévenir.Jemedemandecommentmonpèresesententouréd’eauetderiend’autre.Ilm’a
raconté,unefois,quevivredansunsous-marinétaitcommequitterlemondeextérieurpour
vivre dans sa propre bulle. Certains s’engagent pour l’argent, pour la formation, pour se
trouvereux-mêmes...Monpère,lui,sesentutiledansl’armée.«Nousavonstousuneraison
devivre,m’a-t-ilditunjour.Trouverlasienneestessentielpoursavoirquil’onestetquil’on
veutdevenir.
Quelleestmaraisondevivre?Jen’aipasditàmonpèreque j’allaism’engageraprès le
lycée,afindetrouverlaréponse.
Jecourslelongdurivageettombesurunpetitgroupeinstalléautourd’unfeuquiécoute
delamusiqueenrigolant.JereconnaisAshtynsur-le-champ.Elleestassiseavecsoncopain
ettouslesdeuxontl’aird’êtreauplusbas.Legarss’appuiesurunemain,tenantunebièrede
l’autre.Sic’étaitmacopine,j’enpasseraisunedansseslongscheveuxblondsetl’autreautour
desataille;jelatireraiscontremoietjel’embrasseraiscommeunfou.Maiscen’estpasma
copine...
Falkor se met à aboyer, attirant l’attention de pratiquement tout le monde, y compris
Ashtyn.Merde!Ellemelanceunregarddéfiantavantdetournerlatêteetdefairecommesi
jen’existaispas.
Je finis par les contourner et poursuis ma course jusqu’à la maison. J’espérais que ce
footingm’empêcheraitdetroppenser,maisvoirAshtynm’arappelétoutesmesemmerdes.
— Il faut que j’oublie ta maîtresse, dis-je à Falkor. Un bruit étrange, comme un
grognement,sortdelagueuleduchien.
—Elleaunpetitami.Etellenesupportepasdemevoirhabiterchezelle,tuvois?
Mais elle a des lèvres charnues qu’on a envie d’embrasser. Et des yeux noisette
extraordinairesquejen’arrivepasàmesortirdel’esprit.
Jem’arrêteetbaisselatêteverslechienpouravoirsonapprobation,puisqu’il laconnaît
mieuxquemoi.Ilmeregardeavecdesyeuxdésolés,vides.
Soudainjeristoutseul:
—Jeparleàunsatanécabotetc’estmoiquilatraitedefolle.
Deretouràlamaison,j’essaiedetrouverunepositionconfortablesurlematelasgonflable,
maiscen’estpassimple.Enplusdeça,jecontinued’imaginerleslèvresd’Ashtyncommeune
admirable œuvre d’art. Et quand je suis enfin prêt àm’endormir sur cet horriblemachin,
Falkorbonditsurlelit.Jecrainsuninstantquelematelasn’explosemaisnon.Enquelques
secondes,labêteronfle.
Jecomatedepuisaumoinsuneheurequandquelqu’undébouledanslachambre:
— On peut savoir pourquoi tu dors avecmon chien ? Je réponds à Ashtyn d’une voix
endormie:
—Moi,jedorspas.C’estluiquidortavecmoi.
—Çanetesuffitpasquemasœuretmonneveuvénèrentlaterresurlaquelletumarches?
TuveuxaussimevolerFalkor?Jet’aivu,àlaplage,aveclui.Nevapascroirequec’estton
chien.Ilestàmoi.
—Ecoute,Sucred’orge,c’estluiquiestvenudansmachambre.Jenel’aipasinvité.Tuas
desproblèmesavectafamille,laisse-moiendehorsdetoutça.
Je me redresse et m’aperçois qu’elle s’est changée pour un maillot de hockey et un
pantalon de flanelle bouffant, avec des têtes de mort et des os dessus. Nouvelle
métamorphose...
—Reprendstonchienetvatecoucher.
Je me rallonge et attends qu’elle s’en aille, mais je sens son regard peser sur moi.
J’aimerais ne pas être tenté de la serrer contre moi, de l’embrasser... Qu’elle oublie son
copain...
—Quoi?
—Appelle-moiSucred’orgeencoreunefoisettuvasprendrecher.
J’hésiteàdirecequej’aisurleboutdelalangue:«Tumelepromets?»
CHAPITRE8ASHTYN
Troisheuresquejesuisrecroquevilléedansmonlit,lesyeuxclos,priantpourquemavie
cesse de partir en vrille. Landon et moi avons passé une très mauvaise soirée. Je ne sais
mêmeplusoùonenest.
Jejetteuncoupd’œilàmontéléphonepourvoirs’ilm’aappeléeouenvoyéunmessage.
Rien,pourtantonestsamedi.Ildoitencoreêtreentraindedormir.
Jeme traîne vers la salle de bains et vaism’asseoir sur les toilettes quand, soudain, je
perds l’équilibreetmesenstombertoutaufond.Cettefoutue lunetteestrestéerelevée.Je
tressailleenm’installantcorrectementetjemaudisDerekdansmoncoin.Ilvam’entendre,
celui-là!
Avant toute chose, manger. Ensuite je pourrai l’affronter et partir pour l’entraînement.
Même siDieter n’a pas prévu officiellement d’entraînement pendant lesweek-ends, on ne
veutpasperdrenotreélan.
Derek entre dans la cuisine quelques minutes après moi, en short et T-shirt. Il a les
cheveuxenbatailleetunairtoutdouxetinnocent.Jeconnaislestypescommelui,quiont
l’airinnocentetsontenréalitétoutlecontraire.
Falkor,quisecachaitjusqu’àmaintenant,débarqueensepavanantderrièrelui.
—Tuasramenémonchiencheztoipendantlanuit?
—Iln’arrêtaitpasdegratteràmaporteetdegeindre,alorsjeluiaiouvert.
—Tumel’asvolé.Derekhausselesépaules.
—Peut-êtrequ’ilenamarredetoietqu’ilcherchedenouveauxcompagnons?
— Un chien n’en a jamais marre de son maître. Et sache que je suis un excellent
compagnon.Falkorm’adore.
—Situledis...
Il fouille leréfrigérateur,ensortdesœufspuisattrapeunemichedepaindans legarde-
manger.
—Qu’est-ce qu’il s’est passé entre toi et ton beau gosse à la plage ? Vous aviez l’air de
passerunesoiréepourrie,dit-ild’unevoixtraînantetoutenpréparantdesœufsbrouilléset
destoasts.
Ilesttempsdecontre-attaquer:
— Dis, tu as oublié ma règle de la lunette baissée ? Le coin de sa bouche se relève
légèrement.
—J’aiunemaladiequim’empêchedecomprendrelesordresqu’onmedonne.
—Ha!ha!unemaladie,tudis?
—Ouais.Vraimenttrèsgrave.
— Oh, je suis vraiment désolée pour toi. Pauvre petit bébé qui reçois des ordres d’une
femme.Çaadûtitillertavirilité.
Je sorsunpaquetdeSkittlesdugarde-manger et trie les violets, comme toujours, avant
d’ingurgiterlereste.Dereksepenchesurmoietmechuchoteàl’oreille:
—Jamaisriennemenacemavirilité,Sucre.
Avec son souffle chaud contrema peau, une drôle de sensation remonte le long dema
colonnevertébrale.L’espaced’uninstant,jesuiscommeparalysée.
Ilouvreànouveauleréfrigérateur.
—Endehorsdesœufsetdupain,vousavezrien,là-dedans,quinesoitpasdelamalbouffe
oudesproduitstoutpréparés.
Faisonscommes’ilnemefaisaitaucuneffet:
—Nan.
Ils’assoitavecsesœufsetsestoastsmaisfixemacollectiondeSkittlesviolets.Quandje
pense qu’un garçon avec de tels yeux bleus est capable de laisser la lunette des toilettes
relevéeexprès...
—Nourrissant,ironise-t-il.
—Çameréconforte.
—Situledis,grimace-t-il,visiblementamusé.
—Oh,nemedispasquetuesunobsédédelanutrition?
Ilengouffreunepleinefourchetted’œuf.
—Jenesuispasunobsédédelanutrition.
—Bien.Tiens...
JeluioffremacollectiondeSkittlesviolets.
—Tupeuxprendreceux-là,j’ysuisallergique.
—TuesallergiqueauxSkittlesviolets?demande-t-il,sceptique.
J’enattrapeunorangeetlejettedansmabouche.
—Jesuisallergiqueuniquementaucolorantviolet.J’adorelesSkittles.
—Monpetitdéjmeconvient,maismerciquandmême.
Soudain,JulianentreetDerekportesonattentionsurlui:
—Salut,bonhomme!Tuveuxunpetitdéj?
Lepetitfaitunsignedetête.
—Jevaistepréparerça.
—Jevaist’aider,luidis-je.
J’aibesoindemeracheterpourqueJuliancessedecroireque je suis lapire tantede la
planète.Etsijedoistravaillerduravantd’avoirmoncâlin,qu’ilensoitainsi.
Derekm’empêchedemeleverd’ungestedelamain.
—Jem’enoccupe.
Après le départ demamère,mon père n’a jamais fait la cuisine. J’ai dûme prendre en
chargeetmangercequ’ilrapportaitdumagasin:delamalbouffeetdessurgelésàmettreau
micro-ondes.Detouteévidence, lamamandeDerekapasséplusdetempsavec luiquema
mèreavecmoi.Iln’yestpourrien,maisjesuisterriblementjalouse.
Julians’assoitàcôtédelui.C’estcommesij’étaisinvisible,insignifianteetinutile.
— Skittles ? dis-je en secouant le paquet devant lui. Je n’ai jamais connu d’enfant qui
n’aimepaslesbonbons.
—C’estdelasupernourrituredepetitdéj,c’esttropbon.
Monneveusecouelatête.Ilneveutdécidémentriendemoi.
Derekposeuneassietted’œufsbrouillés etde toasts fumants sous ses yeux.L’odeurdu
pain fraîchement grillémemet l’eau à la bouche. Julian commence àmanger, fredonnant
gaiementàchaquebouchée.L’airmerappellel’hymnequelesfansdenotreécolechantentà
lami-temps desmatchs, et çame fait penser que je n’ai pas regardé dehors si les gars de
Fairfield avaient recouvert lamaisondepapier toilette.Rien à signaler, hier, quand je suis
alléemecoucher,maisFalkoradormidanslebureauetpourraitn’avoirrienentendu.
Jetirelesrideauxdusalonetplaquemamaincontremaboucheendécouvrantledevant
delamaison.
Non!
C’estpireque le papier toilette. Pire que tout ce que je pouvais imaginer. L’humiliation
absolue!
Ils ont collédes centainesde servietteshygiéniques aux troncs et accrochédes tampons
auxbranches,tellesdesdécorationsdeNoëlquiflottentauvent.
Et comme si ce n’était pas déjà assez tordu, les serviettes et les tampons ont tous été
imbibésdecolorantrougevif.
Furieuseetmortedehonte,jemeprécipitedanslejardinpournettoyer.Quand,soudain,
une dernière découverteme coupe le souffle. Écrits avec des serviettes, troismots barrent
l’allée:PUTEDEFREMONT.
CHAPITRE9DEREK
Ashtyn a crié plusieurs fois avant de se précipiter dehors, comme si un zombie la
pourchassait.Jelaretrouvedevantlamaison,pétrifiéefaceaubordelquisouillelapelouseet
lesarbres.Putain!
—Va-t’en!hurle-t-elle.
Ellecommenceàramasserlesserviettescolléesdansl’alléepourformercesmots:PUTE
DEFREMONT.Sesmainssontcouvertesd’unliquidequiressembleàduketchup.Elleena
bientôtpartoutsursonmaillotdehockey.
Entantqu’amateurdebonnesblagues,jedoisdirequejesuisimpressionné.Celle-làadû
demanderbeaucoupd’efforts etdepréparation.Ce seraitdrôled’organiserdes représailles.
MaisAshtyn souffle aussi fort qu’undragonprêt à cracher du feu.Elle n’est ni amuséeni
impressionnée. Elle a la rage. Je m’empare de la poubelle près du garage et commence à
défairelestamponsaccrochésauxbranches.
Ellemepiquebrusquementlapoubelle.
—Tufaisquoi,là?
—Jet’aide.
Ellearéussiàsemettreduketchupsurlevisageetdanslescheveux.Elles’essuie,maisne
faitqu’aggraverleschoses.
—Jen’aipasbesoindetonaide.
Jelèvelesyeuxverslestamponsquiflottentauventau-dessusdesatête,endécrocheun
etl’agitedevantelle.
—Ecoute,Ashtyn.Tumettrasdeux fois plusde temps à le faire seule. Laisse tomber ta
fierté,pourunefois,etlaisse-moit’aider.
Maisellem’arracheletampondesmainsetlejette.Puiselleseretourneets’éloigneavec
lapoubelle.
—Tunetrouveraispasçadrôlesiçat’arrivaitàtoi.Pourquoitunevaspasaidermasœur
oumonneveuetavoirunbonpoint?Tuestellementfortàcejeu.Tun’asrienàgagneravec
moi,alorsautantqueturetournesàl’intérieur.
Sic’estcequ’elleveut,soit.Jelèvelesmainsensignedesoumission.Qu’ellesedémerde,
aprèstout.S’intéresserauxfillescommeAshtyn,quiprennentlavietropausérieux,çamène
àtropdecomplications.Çan’envautpaslapeine.
—Tuessacrementamère,commefille.
—Qu’est-cequisepasse,ici?hurleGusenapprochantdemoi.Tuasquelquechoseàvoir
avectoutça?
—Non,monsieur.
Ashtyn continue d’arracher les tampons des branches. Son père souffle et la regarde
commesicetteblagueétaitlapirechosequipouvaitleurarriver.
—J’appellelapolice.Ashtynlesupplieduregard.
—Papa,non ! Si tu appelles la police, onm’accuserad’êtreune fille faible quin’est pas
digned’êtrecapitainedesonéquipe.
—Tuesune fille, Ashtyn. Pourquoi tu ne laisses pas un garçon être capitaine ?Qu’une
autrefamillesefassevandalisersonjardin.
Peut-êtrequ’ilsontbesoind’entendreunevoixneutre?Quelqu’unpourquiêtre lacible
d’uneblaguen’estpaslafindumonde?Ilesttempspourmoid’intervenir.
—Cen’estpasdesafaute,Gus.C’estjusteuneblague.
—Justeuneblague?Çan’ariendedrôle.
—Cen’estpasgrave,Gus.Aulieudeluicrierdessus,vousdevriez...
—Netemêlepasdeça,Derek.
Ashtyn se poste devant son père, épaules en arrière, tête haute, accaparant toute son
attention.
—Papa,jeteprometsquej’auraitoutnettoyéavantquetunerentresduboulot.N’appelle
paslapolice.Jet’ensupplie.
Ilhochelatête,furieuxdevoirsonjardindanscetétat.
—Sitamèreétaitlà,jamaisellenetelaisseraitjoueraufootballaméricain.Ellet’inscrirait
àuncoursdecuisine,dedanseoudejesaispasquoi.
Visiblement,Ashtynprendlaremarquecommeuneénormeclaque.
—J’aimecesport,Papa.Etjesuisdouée.Situvenaisvoirunmatch,unentraînement,tu...
Mais sa voix s’éteint alors que Gus, faisant mine de ne rien entendre, marche vers sa
voiture.
—Quetoutsoitnickelavantmonretour,sinonj’appellelesflics,tranche-t-il.
Aprèssondépart,Ashtyninspireprofondément,puisseremetautravail.
Demoncôté,j’arrachelestamponsnouésauxbrancheslesplushautes.
—Tusais,luidis-jeenlesjetantdanslapoubelle,tuenespeut-êtrecapable,maistun’es
pasobligéedesupportercesconneriestouteseule.
CHAPITRE10ASHTYN
—Hého,yaquelqu’un?
LavoixdeklaxondeJetfaittremblerlesmursdelamaison.Iln’estpasdugenreàsonner
à la porte. D’ailleurs, si on la fermait à clé, il frapperait dessus si fort qu’il finirait par la
casser.
Jedévalel’escalierenespérantm’êtredébarrasséedetoutlefauxsang.Ilnousafalluplus
d’une heure, à Derek et moi, pour tout nettoyer. A la fin, on ressemblait à deux victimes
sortiesd’unfilmd’horreur.
Jetfaitcommechezluidansmonsalon,enprenantlefauteuilpréférédemonpèretandis
queTrey etMonika s’asseyent ensemble sur le canapé. Victor reste sur le seuil, lesmains
croiséessurletorse.Jesaiscequiletracasse,maisjenetrahiraijamaissonsecret.
JeréfléchisàcequejevaisleurdirequandJetdémarre:
—Onestaucourantpourlesservietteshygiéniques.
J’avaisespéréavoirnettoyésuffisammentvitepourquelanouvellenesepropagepas.On
abienvupasserquelquesvoitures,maisuneseulearalentipouradmirerlascène.
—Commentvousavezsu?
—Touslesgarsdel’équipeontreçudesphotosparmailanonyme.
Trey brandit son téléphone et fait défiler les images. Le jardin souillé... L’allée avec ces
troismotsquimefontencorefrémir...
— Elles sont aussi sur le Net, ajoute Jet en rejetant ses cheveux sur le côté. Il faut se
venger,parcequejevaispasresterlesbrascroisésàrienfaire.
Monika tapote legenoudeTreyet l’inciteàmedirequelquechosedont ilsontde toute
évidencedébattuavantd’arriver:
—Onsedemandejustecommentilsontfaitpouravoirtoutesnosadresses.
Elleconfirmed’unsignedetête:
—Cedoitêtrequelqu’undecheznous.
—Vousavezregardétropdesériespolicières,vousdeux,ditVie.
—Cen’estpascompliquéderécupérerlalistedesjoueursetnose-mails.Certainsélèves
dulycéedeFremontviennentdusuddeFairfield...
Jetgémit:
—Putain,j’ailadalle!Qu’est-cequet’asàbouffer?
—Pasgrand-chose.
Mais ilestdéjàpartià lacuisine,expliquantqu’ilnepeutpasréfléchir leventrevide.Ce
gars-làmange des tonnes et reste le joueur le plus vif et le plus rapide que je connaisse,
brûlanttoutessescaloriesavecuneénergieinfinie.Undesesdeuxpèresestchefcuisinier;
ducoup, jenecomprendspascomment ilacceptedemangerquoiquecesoitendehorsde
chezlui.
OnlesuittousàlacuisineoùDerekestassisàtable,entraindetapersursonordinateur.
Ilfaitunpetitgestedelamain.
—Salut.
VictorprendunairsuspicieuxtandisqueJetdemande:
—Tuesqui,toi?
—C’estDerek...,dis-je,lebeau-filsdemasœur.
Je fouille les placards et en sors des trucs au hasard pour nourrir tout le monde. Mes
coéquipierssefichentd’unenourrituresaineoupas.Ilsmangeraientn’importequoi.
Je peux pratiquement entendre le cerveau en ébullition de Jet. Comme j’aimerais lui
fermerlaboucheavecdusparadrap!Siseulementj’avaisassezdeforcepourlemaintenirau
solassezlongtemps...Levoilàquiéclatederire:
—Attends,Ash,çaveutdirequec’esttonbeau-neveu.Holà,lebordel!
—Jesuisbiend’accord,marmonneDerek.
JetattrapeunepoignéedeSkittlesvioletsrestéssurlatableetlesenfourne.
—Fautqu’ontrouveunplan,Ash.CesenfoirésdeFairfielddoiventcomprendrequ’onse
foutpasdenousimpunément.
Ma sœur entre à ce moment-là avec un énorme chignon sur la tête et observe tout le
monde.
—Dequelplanvousparlez?
—Dereprésailles,annoncefièrementJetavantquejen’aieletempsdeluidiredesetaire.
BrandiagiteundoigtversDerek,commemamanfaisaitavecnousautrefois.
—Nepensemêmepas participer. Tu te souviens de ce qu’il s’est passé avec ta dernière
blague?
—Ils’estpasséquoi?demandeTrey.
Dereksecouelatêtealorsquemasœurlâchelescoop:
— Il s’est fait renvoyerpour avoir lâchédes cochons aubeaumilieude la cérémoniede
remisedesdiplômes.
Renvoyer?Quandj’aivuDerekavecsonshortdelaRégents,hier,jen’aipasimaginéqu’il
s’étaitfaitvirer.
JetéclatederireetdonneuncoupàDerekaveclepoing.
—Epique,mongars!
Masœursetourneverslui,lesmainssurleshanches,ressemblantplusàunemamanqu’à
lafillequifumaitdesjointstouslesjoursetdansaitdanstoutelamaisonenpetiteculotte.
—Çan’ariend’épique.C’est,genre,pasbiendutout.PuiselleseconcentresurDerek:
—Nevapasfairedebêtisesaveclesamisdemasœur.Illasaluecommeàl’arméepourse
moquerd’elle.
Surquoi,elleprendsatassedecaféets’enva.
—Jepariequec’estcetype,Bonk,quiatoutplanifié,reprendVicquicontinuederegarder
Derekcommesic’étaitunsuper-espionenquionnepeutpasavoirconfiance.
—Quecesoitbienclair,intervientMonikaenprenantlatêtedeTreyentrelesmains:mon
hommene se battra contrepersonne.Horsdequestionqu’on abîme ce visagemagnifique.
N’est-cepas,chaton?
Ils se mettent à se bécoter et les niaiseries à pleuvoir. Jet lève les yeux au ciel et fait
semblantdevomir.
—Franchement,allezàl’hôtel!
—Laisse-lestranquilles,luidis-je.Ilssontamoureux.Quandtut’attacherasàunefille,tu
serascommeeux.
—Heureusementqueçan’arriverajamais.Sijecraque,bute-moiqu’onenfinisse.
Soudain,Victorreçoitunsmsetjureàvoixbasse:
—Merde,jedoisyaller.
—Attendez...JesuisleseulquiveuilleallerbotterleculdeFairfield?s’écrieJet.
— Peut-être qu’on devrait, tu sais, ne pas se venger et montrer qu’on a plus de classe
qu’eux?
—Quiparlede classe ici ?Pasmoi.Ash, si tu crois qu’on t’a élue capitaineparcequ’on
apprécietaclasse,tutegoures.Franchement,sionavaitcherchéleplusstylédetous,c’est
moiquiauraisgagné.
MonikalèvelamainmaisgardelesyeuxrivéssurTrey.
—Faux!Monbébéestleplusstylédetoutel’équipe.
—Tun’espasobjective,rigoleJet.Hep,Parker,tuveuxvraimentsavoirpourquoic’esttoi
qu’onaéluecapitaine?
—Pasvraiment...
Atouslescoups,ilvadirequej’ailesplusgrosnichonsdel’équipeouquelquechosedans
le genre. Ou qu’il a tout manigancé, comme le pense Landon, ce qui me ferait me sentir
terriblement mal et indigne du titre. En vérité, j’aimerais connaître la vérité... J’espère
simplementquecen’estpascequeLandoncroit.
—Moi,j’aienviedesavoir,intervientDerek.AlorsJetpassesonbrasautourdemoietme
serrecontreluicommeunepeluche.
—Onavotépourelleparcequec’estlananalapluscanondel’équipe.
—Jet,jesuislaseulenana!
— Je n’ai pas fini... On a aussi voté pour elle parce que c’est une fille qui a de sacrées
couilles.Ellen’abandonnejamaisetnepleurepaschaquefoisqu’elleestblessée,secoupeou
semangeungnonsurleterrain.Elledéfoncetoutlemondeàchaquefois!Ellenousmotive,
yapasdedoute!
IlfixeDerekavecgravité.
— Cette fille a voulu entrer dans l’équipe dès son arrivée au lycée. On a parié qu’elle
abandonneraitauboutd’unesemaine.Jesuisbienplacépourlesavoir:j’aiperdudelathune
enpariantcontreelle.Vapascroirequelesmecsn’ontpasessayédelafaireflancher,moiy
compris.Maisellen’ajamaisbaissélesbras.C’estcommeçaqu’elleagagnénotrerespect.
Puis,avecunregardsurmapoitrine:
—Etellealaplusbellepairedenibardsdetoutel’équipe!
CHAPITRE11DEREK
Dèsqu’onévoquelapoitrined’Ashtyn, jedétourneleregardet faisminedem’intéresser
aux Skittles restés sur la table. Je refuse de prêter attention à sa poitrine, ou à n’importe
quelle autre partie de son corps, d’ailleurs. Je suis déjà bien trop attiré par cette fille. Pas
question de m’intéresser à ses parties féminines, pour toutes les raisons possibles et
imaginables.
Alorsquejequittelacuisine,ungrandLatinom’interpelle:
—Derek,attends!Etsitunousaidais?
—Onn’apasbesoindelui,Vie,répondAshtyn.Ettuasentendumasœur:Derekn’apasle
droitdenousaider.
Ouais...Saufqueçamedonneencoreplusenviedelefaire.
—Enquoipuis-jevousaider?
—Anousvengerdesmecsquiontfoutulebordeldanslejardind’Ashtyn.
Jet,legarçonautoproclaméleplusstyléetàlalanguebienpendue,enchaîne:
—Ondoittrouverunplan,qu’ilssachentqu’onnepeutpasvenirnousemmerdercomme
ça.Touteslesidéessontlesbienvenues.
Ashtyns’interposealorsentrelesgarçonsetmoi.
—Iln’aaucuneidée,n’est-cepas,Derek?
—Eneffet...
Maisjemedoisdecassersasecondedetriomphe:
—Jevaisbientrouverquelquechose.
—Non!
—Génial!crientsescoéquipiers.Fais-noussignedèsquequelquechosetevient.
Ashtynmefusilleduregardpuistapechacundesesamissurl’épaule.
—Onenreparlera.Cettehistoireconcernel’équipe.Allezvousentraîner.Jevousrejoins.
Unefoistoutlemondeparti,ellesepenchepar-dessuslatable,approchantsonvisagedu
mien.Jetétait-ilobligédelaramenerausujetdesesseins?Danscetteposition,j’aiunevue
plongeantesursonsoutien-gorgeendentellerose...
—Tudois croire que j’ai besoind’un sauveur... J’ai biendumal àme concentrer sur ce
qu’ellemedit...
—Moinon.Etmêmesij’apprécietonaidepourlenettoyagedujardin,j’auraisététoutà
faitcapabledem’enoccuperseule.
—Jenesuispasunsauveur,dis-jeenrefermantmonordinateur.
—Alorsqu’est-cequetucherches,Cow-boy?Àpartàm’énerver.
—Jenechercherien.Depuisquejesuislà,j’aiperdusuffisammentdetempsàt’énerver.
Jevaismeréfugierdanslebureauenespérantpouvoiroublierlesoutien-gorgeendentelle
rose et la fille qui le porte. Allongé sur monmatelas gonflable, je rouvremon ordinateur
portable.J’aidans l’idéede regarderdesvidéos sur Internet,mais je finispar chercherdes
photosde lamaisond’Ashtynet tombedessustoutdesuite.Ellesse trouventsurunprofil
bidoncréélematinmême.UncertainBoogerMcGeeprétendantêtredeFremont.
Undesclichésaétéprisdeloinpourmontrerl’ampleurdudésastre.D’autresprésentent
les détails de l’œuvre d’art en tampons et serviettes. On a tagué Ashtyn sur la photo du
messagePUTEDEFREMONT. Les responsables ont bien fait attention à ne pas se trahir,
craignant sans doute les conséquences s’ils étaient reconnus. Malins, mais pas assez ! Je
plisse les yeuxpour examiner unephoto sur laquelle apparaît la voiture d’Ashtyn.Dans le
reflet d’une des vitres, on peut voir le capot d’une voiture : une Jeep Wrangler avec des
pharespersonnalisés.ImpossibledeconfondreuneJeepavecunautrevéhicule.
Mais pourquoi je jouerais les preux chevaliers pour Ashtyn ? Elle est bien capable de
menersespropresbatailles,etpourcellesquiluiéchappent,ehbien,elleauncopainetdes
coéquipiers.Jedoismerappelerdenepasmemêlerdesavie,mêmesimoninstinctmedicte
lecontraire.
Soudain,Falkormesautedessusetposesespattessurmoi.Sonhaleinemeditqu’iladû
mangerautrechosequedelanourriturepourchien.
L’été à laRégents doit être génial, avec des soirées qui durent toute la nuit.Moi, jeme
retrouvedans labanlieuedeChicago,avecunebelle-mèrequiveilleàceque jenem’attire
pasd’ennuietunefilleensoutien-gorgerosequijoueaufootballaméricainetaimerait,plus
quetoutaumonde,mevoirdisparaîtredelasurfacedelaTerre...
Commejen’airiendemieuxàfaire,etquej’aibesoind’aventure,jedécidedefaireuntour
jusqu’à Fairfield pour voir si je peux trouver la Jeep. Entrer en territoire ennemi est une
partiedeplaisirquandpersonnenesaitquel’ennemi,c’estvous.Jeporteunjean,desbottes,
etunechemiseàcarreauxavecmonbonnet–pourbienmontrerquejenesuispasd’ici.La
premièrefoisquej’airencontréJackàlaRégents,ilm’ademandésijevivaisdansunranchà
causede la façondont jemarche.Jeparlepeut-êtrecommeuncow-boy,mais jeressemble
plus à un surfeur californien qui porterait un bonnet. J’ai vécu dans tellement d’endroits
différentsquejen’entredansaucunmoule.
Fairfieldest lavillevoisinedeFremont.Jecherchele lycéesurmonGPSetdécouvreun
terraindesportdésert.D’accord,onestsamedi,maislesjoueursmotivéss’entraînentmême
leweek-end... Je parcours les rues à l’affût d’une Jeep ; il neme faut pas longtemps pour
comprendre qu’il y a un quartier riche et un quartier qui l’est bien moins. Je passe un
premier croisement, un second, et des tags de gangs commencent à apparaître sur les
bâtiments. Les types qui traînent dans la rue sont prêts àme vendre de la drogue, pas de
doutelà-dessus.
Je suis sur le point de baisser les bras quand j’aperçois une Jeep rouge avec des phares
customisés,garéedevantunmagasindesandwichs,Rick’sSubs.Jemegareàlaplaced’une
Corvettequivientdes’enaller.Al’intérieur,jem’assoisauboutducomptoiretfaissemblant
delire lemenuécrità lacraie.Detouteévidence,c’est le lieuincontournabledesélèvesde
Fairfield.
Ungroupedegarçonsdemonâgeinstallésàunetablerientetseprennentpourdesdurs.
—Bonk,téléchargeunautregrosplan,lanceundestypesunpeutropfort.
Bonkalecrâneraséetdespiercingsauxoreillesetàl’arcadesourcilière.Ilfaitsigneaux
autresdesecalmeretjetteunœilautourdeluipours’assurerquepersonnenelesécoute.
—Vousprenezquoi?medemandelaserveuse.J’inspecteànouveaulemenu.
—Unsandwichauxboulettesdeviandeàemporter.
—Çamarche.
Ellehurlemacommandeaucuisinieretmesertdel’eau.
—VousêtesdeFairfield?Jenevousaijamaisvu.
—Nan,jesuisdepassage,jeviensdeCalifornie.
JefaisunsignedetêteversBonketsaclique,entourésàprésentdetouteunefoule.
—Dites,euh...cesgarsvontaulycée?
—Biensûr.Lesjoueursdefootballaméricain.Celuiaveclecrânerasés’appelleMatthew
Bonk.C’est notre receiver vedette, annonce-t-elle fièrement comme si c’était une célébrité.
Onagagnélechampionnatd’Etatl’andernier.Matthewestnotrestarlocale.
Et elle s’en va prendre une autre commande. Bonk s’avance vers le comptoir et me
surprendàlescruterdebasenhaut.
—Qu’est-cequeturegardes?
MesyeuxnesontpasdignesdeSaSeigneurie?Ildoitprendresonstatutdestarlocaleun
peutropausérieux.
C’estlemomentdes’amuserunpeu.
—Jesuisjuste...waouh!MatthewBonkenchairetenos!
Jeluiprendslamainetlaserreavecunenthousiasmeexagéré.
—C’estunplaisirderencontrerenfinlecélèbrereceiverdulycéeFairfield.
—Merci,mongars.Etilretiresamain.
—Commenttut’appelles,aufait?
—PaytonWalters.
Jenefaisqu’inverserlenomd’undesplusgrandsrunningbacksdetouslestemps.Cemec
estinculte.
—Jemedemandaisjustesijepouvaisavoirunautographepourmacopine.C’estunetrès
grandefan,mec.Ellevadevenirfollequandelleapprendraquejet’airencontré.
J’attrapemaserviette,laluitends,etlaserveuseéperdueapparaîtcommeparmagieetlui
offreunstylo.Jeregardepar-dessussonépaule.
—PourSucred’orge.C’estcommeçaquejel’appelle.
—T’aspasàtejustifier.
BonkdédicacelaservietteàSucred’orgeetsigneMatthewBonk,#7.
—Jepeuxprendreunephoto?luidis-jedansmonplusbelaccenttexan.Sucred’orgevase
fairedessussijeluimontreunephotodetoiaveclaservietteàsonnom.
LesgensduNord, les«Yankees»commeon lesappelle,pensent toujoursqueceuxqui
ontunaccentduSudsontdesabrutis.Ilsignorentqu’onutilisenosaccentsànotreavantage
quand ça peut être utile. Comme maintenant, puisque Bonk prend la pose devant mon
téléphone.
—Écoute,monpote,jedoisallerretrouvermesamis,dit-ilavantdemerendrelaserviette
etdecommanderdenouvellesboissons.
—Pasdesouci.Mercibeaucoup!
Etjeluiserrelamainvigoureusement.
Ilretourneverssespotesetjel’entendsparlerdemoiavecmépris.Jepaiemonsandwich
et les suis dehors, où ils se regroupent devant la Jeep. Un des types prononce le nom
d’Ashtyn et suggère d’entrer par effractiondans les vestiaires deFremont pour les décorer
aveclestamponsquileurrestent.
Soudain,ilss’aperçoiventdemaprésenceetmedévisagentcommesij’étaisunalien.
—Laphotoque j’ai prise était floue.Est-ceque jepeux t’embêter et t’endemanderune
autre ? Je te jure que ma copine va faire dans sa culotte quand elle te verra avec ton
autographe.
Bonklèvelesyeuxauciel,rigole,maisneprotestepasquandjeluitendslaservietteavec
sa signature. Il prend la pose contre sa voiture, le papier en l’air. C’est parfait, à un détail
près...
—Vouspouveztousvousmettredanslechamp?Cesgarssonttroporgueilleuxpourrater
uneoccasionpareille...
Missionaccomplie.
CHAPITRE12ASHTYN
MonikaetBreeviennentmevoirdimanchematin.Cesontlesdeuxleadersdespom-pom
girls.Ellesveulentmonavissurleurnouveausloganetlachoréqu’ellesviennentdemettre
aupoint.Ellesimaginentsansdoutequejepourraiparleraunomdemescoéquipiers.
Sur lapelouse,devant chezmoi, lesdeux filles commencent à taperdans lesmains et à
danser.Jenecomprendspascommentellesfontpourbougercommeça–ondiraitqu’elles
sontfaitesdansunematièreélastiqueextraordinaire.Jesuisunpeujalouse,alorsqu’aucune
des deux n’est capable d’attraper, de lancer ou de taper dans un ballon de football comme
moi.
Dereksortetsedirigeverslecabanon.Ilal’airvirildanssonjean,sesbottesdecow-boyet
sondébardeurblanc.Falkorlesuitdeprès.
Brees’arrêteaubeaumilieudesonenchaînement.
—C’estqui,ça?demande-t-elleunpeutropfort.
—Derek.
—C’estlebeau-filsdeBrandi,préciseMonika.Ilest...
—Vraimentcanon!faitBree,presqueàboutdesouffle.ÔmonDieu!Tumecachesdeces
trucs,Ash.J’adoresesbottesetsonpetitchapeauesttropmignon.
—Sonbonnet?luidis-je.Onestenpleinété,c’estridicule.
—Tutetrompesàdeuxcentspourcent.
Ellebavecommes’ilétaitunmorceaudeviandequ’elleallaitdévorerenunebouchée.
—Unmeccommeçapeutportercequ’ilveut.Présente-le-moi,Ash.
—Crois-moi,tun’aspasenviedeleconnaître.
—Oh,quesi.
Monika m’adresse un sourire complice. Nous sommes amies depuis suffisamment
longtempspoursavoirquelorsqueBreearepéréuneproie,ilestimpossibledel’arrêter.
Soudain,Derekréapparaîtetjeluifaisunsignediscretpourl’inviterànousrejoindre–en
espérant qu’il m’ignore. Malheureusement, nous ne sommes pas sur la même longueur
d’onde.
—Derek,jeteprésentemacopineBree.EttuconnaisdéjàMonika.
—Salut,Monika.Ravideterencontrer,Bree.
Il penche la tête commeun parfait gentlemandu Sud. Je suis surprise qu’il ne l’ait pas
appelée«mam’zelle».
—Tuveuxvoirnotrenouvellechorégraphie?demandeBree.
Elleenroulesescheveuxduboutdudoigtetluifaitungrandsourire,totalementconquise
parsonpetitjeu.C’estpasvrai...
—Jesuiscapitainedel’équipedepom-pomgirlsetj’aimeraisavoirtonavis.
Derekal’airenchanté.
— Je ne connais pas grand-chose aux pom-pomgirls. Pendant ce temps,Monika dévore
soncorpsdesyeux.
—Disdonc,Derek...tufaisdusport?
—Plusmaintenant.
—Vraiment?Avecunphysiquepareil?
Brees’écarteunpeupouravoirunevued’ensemble.
—Alorstudoisfairedelamuscu.Beaucoupdemuscu...
Ondiraitqu’iltousse,maisDerekessaiesurtoutdeseretenirderire.
—Jecoursetjelèvedespoids.Puisilmeregarded’unœilmoqueur.
—Etj’essaiedenepastoucherauxglaces,auxSkittlesetauxcookiesaupetitdéj.
—Oùestlemal,luidis-je,siçamefaitdubienàl’esprit?
—Situledis.
—Alors,Derek,interromptBree,tuteplaisàChicago?Jesaisque,techniquement,onne
vitpasàChicagomaistuverras,avecletemps,tuaurasl’habitudedenousentendre,nousles
banlieusards,parlerdeChicagocommedenotreville.
—Onfaitaller.Disonsquejen’aipasl’intentionqueChicagodeviennemaville.J’aigrave
enviederentrerenCalifornie,etaprèslelycéej’intégrerailaNavy.Et,avecuncoupd’œilvers
moi:
—Bon,jevaistenterdefairedémarrerlatondeuse.C’étaitsympadepapoteravecvous,les
filles.
Il met ses écouteurs dans les oreilles et tire notre vieille tondeuse tout usée hors du
garage.
—Quoi?dis-jeàBreequimeregardeenfronçantlessourcils.
—Derekestlemecrêvé,Ashtyn.Avecuncorpscommelesien,ilirasansdoutedansune
unitéd’élite.C’estpascanon,franchement?
Lemecrêvé?Uncanon?Tuparles!Unpersonnagedecauchemar,oui!Letypequihante
lafilletranquillequin’ariendemandé...
—Bof...
Macopinemeregardecommesij’étaisfolle.
—T’aspasvusesbicepsouquoi?Etsescheveux?Etsesyeux!ÔmonDieu!sesyeux
bleusferaientfondren’importequellenana.
—Ilasurtoutbesoind’allerchezlecoiffeuretd’arrêterdefrimer.
—Personnellement, je trouve qu’il frime très bien. Je vais l’inviter à sortir demain soir.
J’arriveraipeut-êtreàvoirsesabdosdeplusprès,dansl’intimité.
EtvoilàBreequisautillepresquejusqu’àlui–depeur,sansdoute,qu’uneautrefillenele
luipiquesiellen’agitpasrapidement.
—Vouspensezquetouteslesfillesvontluisauterdessus,c’estça?jedemandeàMonika.
—C’estsûr.IlnevautpasTreyMatthews,maisilestvraimentmimi.
—Vousexagérez...
Macopinemedévisagecommes’ilmemanquaitunecase.
—D’accord,d’accord,j’admetsenlevantlesmainsenl’air.Danslegenrecow-boy-surfeur
californien,ilestpasmal,maiscen’estpasdutoutmontype.
Jebaisse lesyeuxvers lebraceletporte-bonheurquem’aoffertmoncopain.Landonn’a
pasdonnésignedeviedepuisvendredisoir.Ilnememanquepastantqueça,bizarrement.
J’aiétéprisedansunteltourbillondechangements,cesderniersjours;j’essaiedesuivrele
rythme,maisj’ail’impressiond’avancerauralenti.
— Où est-ce que vous en êtes avec Landon, au fait ? me demandeMonika avec un air
compatissant.
Elle s’attendpeut-êtreà ceque je craqueetmemetteàpleurer?Jepréféreraishurlerà
m’endécrocherlespoumons.
—J’aicruquevousalliezrompre,vendredisoir.
Jefaismined’ignorerlasensationquimenouel’estomac.J’ignoretotalementoùl’onen
est, Landon et moi. Je sais qu’il a besoin d’espace lorsqu’il est stressé, et je le laisse
tranquille.Maischaquejourquipassesansqu’onseparle,jemesensunpeupluséloignéede
lui.Déconnectée.
—Çavas’arranger,dis-jesimplement.Ontraverseunemauvaisepériode,c’esttout.
Mon amie penche la tête. Je vois bien, à son regard, qu’elle analyse beaucoup trop les
choses.
—Ils’estpasséquelquechoseentre toietDerek?J’ai levisagequichaufferienqued’y
penser.
—Jamaisdelavie.Pourquoitudisça?
—Jenesaispas, fait-elleenhaussant lesépaules.Simplement il yauncourantétrange
entrevous.Etc’estbizarrequetuledétestesautant.
EllesetourneversBreeetDerek,quin’ontpascessédediscuter.
—RegardecommentBreemarquedéjàsonterritoire.Tuasvuça?Elleluitouchelebras
chaquefoisqu’elleprendlaparole.
—Elle estpasséemaîtredans l’artdu flirt et ilmarcheà fond.Oualors c’est ellequi se
laisseprendreparsoncharmeàdeuxballes.Ilariendesincère,cetype.
—Hé,Bree!crieMonika.Viensparlàqu’onmontrelachorégraphieàAshtyn.
Maisunevoitureremontel’alléeenklaxonnant,retardantunenouvellefoislespectaclede
pom-pomgirls.MonikacouinedebonheurenvoyantVicgarersonénormeSUV.
—C’estépique!s’exclameJet,surexcité,endescendantdevoiturederrièreTrey.
Il porte une casquette de base-ball à l’envers et son survêtement raccourci – qu’il a
probablementcoupélui-même.
—Qu’est-cequiestépique?
Ilmeregarde,consterné,enrecoiffantsescheveuxparfaitemententretenussurlecôté.
—Tuesentraindemedirequetun’asrienàvoiravecça?
—Avoiravecquoi?
—Jevousavaisditquecen’étaitpaselle,s’exclameVie.Ellen’apaslescouillesdelefaire.
Bonjourl’insulte...
—J’aidescouilles,Vic!
—Jelesavais!hurleJetenfaisantunegrimaceidiote.Fais-nousvoir,Ash.
Jelèvelesyeuxaucieletluiclaquelebras.
—Tudevrais arrêterd’avoirunevie sociale etpasserplusde temps sur Internet,medit
Treyensortantsonportable.Quelqu’unacrééunprofilbidondunomdePaytonWalterseta
publiédesphotosdeBonketdesescoéquipierstenantdesaffiches.
—Desphotoscomment?
—Regarde.
Sur un des clichés, Bonk et ses coéquipiers s’appuient contre l’arrière d’une Jeep. Ils
brandissent une serviette marquée FAIRFIELD CRAINT en grosses lettres grasses et la
plaqued’immatriculationdelavoitureaétéchangéeenDUCON.Jem’étrangleendécouvrant
lasecondephoto:BonkestauRick’sSubsdeFairfieldetbrandituneserviettemarquéeJE
VEUXÊTRELAPUTEDEFREMONT.SignéeMATTHEWBONK#7.
—Quiafaitça?
Personneneme répond.C’est de la folie ! Lesmecs de Fairfield vont péter un câble en
voyantlesphotos.Ondiraitqu’ellesontétéretouchéesparunprofessionnel.Lerésultatest
impressionnant.J’auraisaiméypenserlapremière.
—Landon,peut-être?
Ma suggestion ne les convainc pas ; ils se regardent tous comme s’ils avaient de gros
doutes.
—Benvoyons,lanceJet.Toncopain,cehéros...
—Tuluiasparlé?demandeVie.Jesecouelatête.
—Hum,ditTrey,McKnightestportédisparudepuisvendredisoir.
J’évitedeleurdirequ’ilestportédisparudansnotrecoupleaussi.
CHAPITRE13DEREK
Lundi matin, je me réveille tard et tout le monde est déjà parti. En prenant mon petit
déjeuner, je contemple le jardin laissé à l’abandon à l’arrière de la maison. Le terrain est
plutôt grand,mais personne ne s’implique suffisamment pour que la pelouse ressemble à
quelquechose.C’estcommesilafaçadeimpeccableservaitdevitrinepourlespassants.
La tondeuse que j’ai trouvée hier est dans un état lamentable, mais j’ai réussi à la
démarrer.J’aibesoindem’occuper,sinonjevaisdevenircinglé.
Je lance lemoteur et placemes écouteurs surmes oreilles pourm’isoler.Mamèreme
disait toujours que la musique l’aidait à s’évader. Lorsqu’elle était à l’hôpital pendant ses
chimios,ellemefaisaitécouterEllaFitzgeraldetLouisArmstrong.Audébut,jelesdétestais,
mais ces chanteurs sont peu à peu devenus des symboles. C’est dur de tourner la page,
putain!Uneheureplustard,jetranspiredepartout.J’aidesbrinsd’herbecolléssurtoutle
corps,maisj’aibienavancé.Lecabanon,lieudemapremièrerencontreavecAshtyn,aconnu
des joursmeilleurs. J’ai vu de la peinture à l’intérieur ; il aurait bien besoin d’un coupde
pinceau.
Jemerinceetsongeàallermeposerdansmachambre,quandFalkordébouleensoufflant
commeunmalade.Lepauvreaenviedesortir.Jeluimetssalaisseetcommenceàcouriren
directionduterraindefootball.Cetendroitm’attirecommeunaimant...
Quandnousarrivonsau lycée, l’équipeestenpleinentraînement.Jeregarde les joueurs
s’échaufferetmemets instantanémentdans leurétatd’esprit.J’aiquittémonéquipe ilya
plusd’unan,maisjeconnaistellementbiencesexercicesquejepourraislesrefairelesyeux
fermés.
Ashtynfaitdusprint.Ellenem’apasencoreremarqué;quandcesera lecas, jesuissûr
qu’ellevam’engueulerparcequej’aisortisonchiensanssapermission.
Jelaregardeattraperdesballonsetcouriràtraversleterrain.Avecgrâce,elleinstalleun
ballonausoletsemetenposition.Quelquesgarçonssurlatouchel’observentethochentla
tête,impressionnés.Elleesttellementconcentréequ’ellenevoitrienendehorsduballonet
desbuts.Elleexécuteunpremiertirentrelespoteauxsansaucunedifficulté.
Alorsqu’ellesemetenpositionpourunnouveautir,ellem’aperçoitdanslesgradins.Elle
ratesesdeuxtirssuivantsmaisn’abandonnepas.Elleréussitsixcoupssurdix.Pasmal,mais
pasdequoifairelaunedesjournaux.
J’évalue l’équipe, comme je faisais avec mes rivaux. Le coach principal se distingue
facilement:ilporteunpulldegolfnoiretor,unecasquettedesRebels,etnecessedehurler
des instructions. Depuis que je suis arrivé, il n’a pas arrêté de s’en prendre à la ligne
d’attaquants, alors que je suis plutôt impressionné par leur jeu. Sans une ligne solide, le
quarterbackseretrouvevulnérableetl’équipeaffaiblie...
Lequarterbackestunegrandeperchequiportelenumérotrois.Iln’apasl’airtrèsconfiant
alors qu’il semble plutôt doué.Malgré quelques bons enchaînements, il ne parvient pas à
établir le contactavec lesautresquand la lignedéfensive lui tombedessus.Je connais son
problème:ilbloquementalement.Ilfautqu’ilarrêtederéfléchiretlaissefairesoninstinct.
Comme il répète la même erreur trois fois de suite, le coach l’attrape par le casque et
l’engueule.Jesuistroploinpourentendrelesmotsexacts,maisjesaisqu’ils’enprendplein
lafigure.
—Eh,Derek!crieAshtynenmelançantleballon.
Jem’écarte et le laisse rebondir contre les gradins, derrièremoi. Je n’ai pas touché un
ballondepuis le jourde lamortdemamère.Moninstinctmeditde l’attraper,mais jesuis
pétrifié.
—Ouais?
—Quit’aditquetupouvaispromenermonchien?
—Ilm’asuppliédel’emmeneravecmoi.Ilcroitquejesuislemâledominant.Tusaisque
leschiensontunsensdelahiérarchie?Jedisça,jedisrien.
Jehausselesépaules.
—Renvoie-moileballon,tuveux?
Je le regarde un instant avant dem’en saisir. Ce n’est pas comme si jeme remettais à
jouer,aprèstout.C’estjuste...unballon.Mêmesilasensationfamilièredudouxcuircontre
mesdoigtsmerappellelepassé.
Laplupartdesfillesquejeconnaisauraientpeurdesecasserunongle,maisAshtyntend
lesbrasetl’attrapesansaucunehésitation.
—Cen’estpastoiledominant.C’estmoi.
Ellecoinceleballonsoussonbrasetlanceenretournantsurleterrain:
—Jedisça,jedisrien.
CHAPITRE14ASHTYN
J’ai dit à Derek que j’étais le dominant mais là, tout de suite, j’en suis loin. Je n’étais
absolumentpasdans le jeuaujourd’hui.J’étais troublée,dispersée,et levoirassisdans les
gradinsàmeregardern’afaitqu’aggraverleschoses.
LaputedeFremont.
Deux joursontpasséetcesmotscontinuentdemetrotterdans la tête.Cematin,Dieter
m’a convoquée dans son bureau ; la rumeur au sujet des photos lui était parvenue. Ilm’a
conseilléd’oubliercettehistoireetdemeconcentrersurlavictoire.
Landonn’estpas venuà l’entraînement. Ilne répondpasàmesappels,ni àmes textos.
L’année dernière, il n’a pas raté un seul échauffement, ni un seul match. J’ai fait une
tentative cematin avant de quitter lamaison,mais son téléphone était éteint. Je suppose
qu’ila reçu leshorriblesphotosdechezmoi, luiaussi.Pourquoiest-cequ’iln’estpasvenu
mevoir,commetouslesautres?Ilauraitpu,aumoins,téléphonerouenvoyerunmessage
poursavoircommentj’allais...
BrandonButter,notrequarterback remplaçant,ne fait pas lepoids. Sous lapressiondes
autresjoueurs,sespassespartaientdanstouslessens.Malgrétout,jenevoulaispasqu’ilse
décourage,jeluiaitapédansledosàlafindel’entraînementetl’aifélicitépoursesefforts.
Jedoutequ’ilm’aitcruemaisçal’aiderapeut-êtreàreprendreconfianceenlui.Untoutpetit
peu,ceseraitdéjàbienutile.
Les entraînementsdedébutd’étéontbeauêtre facultatifs, je saisqueDieter est inquiet
quenotrequarterbackvedettenesoitpassurleterrain.Sonremplaçantn’estpasprêtpourla
compétition et si Landon se blesse, nous sommes foutus. C’est un joueur tellement solide
quepersonnen’avaitenvisagécecasdefigure.Jusqu’àaujourd’hui.
Je vaisme rhabillerdans le vestiairedes filles et tente encorede joindreLandon. Je lui
écrispourlaquatrièmefoisaujourd’huimaisilnerépondpas.Moncœurseserreunpeuetje
me mets à angoisser. Est-ce qu’il fait exprès de ne pas répondre ? Est-ce qu’il a préféré
rappelerLily,sonanciennecopine?Arf...Moiquin’aijamaisdoutédenotrecouple.Jerefuse
decommencermaintenant.
Surleparking,Derekestappuyécontremavoiture,lesjambescroisées.
Falkoraboiepourmesalueretsemetàbaver.
—Tuveuxmerendremonchien?
Çam’énervequ’ilcroieavoirunnouveaumaître.J’arrachelalaissedesmainsdeDereket
m’agenouillepourcaresserFalkorderrièrel’oreillegauche,sonendroitpréféré.
—Situveuxquejeteramène,jetepréviens,c’estluiquis’assoitàl’avant.
J’ouvrelaportièreetlaisseFalkormonteràsaplace.
—Jenecroispas,non,oseDerekensepenchantdanslavoiture.Falkor,vaderrière!
Monchien,d’ordinaireobstiné,sautedocilementsurlabanquettearrière.CommesiDerek
l’avaithypnotisé.
Jedémarre,allumelaradioetprendslechemindelamaisonsansunmot.
—Tuaspeut-êtrel’habitudededonnerdesordresauxgensautourdetoi,maisçamarche
pasavecmoi,medit-il.
—J’entendspascequetudis,jerépondsenmecouvrantl’oreilleaveclamain.
Alorsiléteintlaradio.
—Pourquoitum’enveux?Jen’aipasdemandéàvenirici,moi.Sionm’avaitpasviréetsi
Brandin’étaitpasencloque,j’auraistrouvéunmoyenderesterenCalifornie.
Onarrêtetout!Est-cequej’aibienentendu?
—Masœuresten-enceinte?Enceinte...,ellevaavoirunbébé?
—Oui,c’estcequisepassequandonestencloque.Jeluijetteunregarddecôtépuisme
concentresurlaroute.Enmegarantdansl’allée,jemetourneverslui.
—Soishonnête,pourunefois.Tuplaisantesausujetdemasœuretdubébé,n’est-cepas?
Ilsoupireetlèvelesyeuxaucielenouvrantlaportière.Falkorsortd’unbondderrièrelui.
Jebaisselesyeuxversletableaudebord.Masœurestencoreenceinteetellen’ariendit?
Ilestvraiqu ’e l le n’apasdonnédenouvellesenseptans...Etdepuisqu’elleestrentrée, je
l’évitecommej’éviteDerek.
Brandi est exactement commemaman. Ilm’a fallu longtemps avant de comprendre que
mamèren’allait jamais revenir.Brandi estde retour,mais inutilede se rapprocherd’elle :
ellepartiraànouveau,j’ensuissûre.
Pourtant,çametuequeDerekconnaissemieuxmasœurquemoi.Etquemonneveu le
préfèreàmoi.EtqueFalkorlesuivecommes’ilétaitlemâledominant.
Soudain,mon regard se tourne vers le garage et j’ai la surprise de trouver Landon assis
danssadécapotable,ses lunettesdesoleil sur lenez.Depuiscombiende tempsest-cequ’il
attend?
Jemarcheversluitandisqu’ildescenddevoiture.
—Tuétaispasséoù?
Je ne sais pas quoi lui dire d’autre après notre dispute de vendredi soir. Je ne veux pas
parlerdenosproblèmesdecouple,nideLily.
—Tuasratél’entraînement...
—Mes parents ont voulu que j’aille à un genre de brunch en famille. Je n’ai pas pu y
échapper.
—Oh...
Par lepassé, sonpèren’aurait jamais exigéqu’il rateunentraînement,maisLandonn’a
pasl’airdevouloirdévelopper.
—TuasvulesphotosdemamaisonsurInternet?EtcellesdeBonk?
Ilhochelatêtelentement.
—Ouais,j’aivu.
—C’esttoiquiaspubliécellesdeBonk?Ilhocheencorelatête.
—Ouais,maisneledisàpersonne.
—Comment tu as fait pour l’obliger à prendre la pose comme ça ? J’imaginemalBonk
poservolontairement.
—J’aimesméthodes.Comments’estpassél’entraînement?
—Buttersedonnedumal,maisseslancersmanquentdeprécisionetilbâclesespasses.
Un long silence s’installe. Jemesens triste lorsqu’il tend le bras et effleure le bracelet
avecuncœuretunballonqu’ilm’aoffertpourmondernieranniversaire.
—Désolé, pour vendredi soir.Mon vieuxme prenait la tête pour que jemène l’équipe
aveclemaillotdecapitaine,commeluiàl’époque.
Jecomprends.CarterMcKnightétaitunelégendeàChicago.Ilaunniveaud’exigenceultra
élevéet son filsveut toujours le satisfaire.Jusqu’àmonélectionaupostedecapitaine, il y
étaitarrivé.
Pourtant,Dieterm’aaidéeàcomprendrequejetenais,moiaussi,àcetteplacedecapitaine.
Je veux mener et motiver mon équipe. J’apprécie de ne pas être un simple joueur parmi
d’autres.
—Jen’aipasvoulutepiquertaplace,Landon.
—Oui,jesais,Ash.
Il évitemon regardet,denouveau, le silencenous sépare. Jene saispasquoidirepour
réparernotrecouple.Jenepeuxpaschangerlecoursdesévénements,nirevenirenarrière.
Pasplusquelui.
Iltoucheànouveaumonbraceletporte-bonheur.
—Est-cequej’aitoutgâchéentrenous?demande-t-il.
—Non...
Je ne supporterais pas qu’on me quitte encore. Avec Landon, au moins, je ne suis pas
seule.
—Mais... jemesuissentie trèsmalàcausede toi,vendredisoir.CettehistoireavecLily
m’achamboulée.Ettunem’aspasrappelée,nienvoyéaucunmessagedepuisdesjours.Jene
saisplusquoipenser.
—Tun’asqu’àoubliertoutça.
Ilsepencheetm’embrasse.Toutsemblerentrerdansl’ordreetj’aienvied’ycroire,mais
c’estdifficile.Depuisquemamèrenousaabandonnés, jen’aiplus jamaisvraimentcruen
personne.MêmeenLandon...
Ondiscutedel’entraînement.Jeluidemandes’ilapréparésesbagagespournotrevoyage
au Texas, à la fin du mois. Nous avons tous les deux été acceptés à Elite, un stage
d’entraînementauquelilestpratiquementimpossibled’accéder.Seulslesmeilleursjoueurs
lycéens du pays y sont admis. On a prévu d’y aller en voiture et de rester dans de grands
hôtelsgratuitementgrâceauxpointsdefidélitédesonpère.
—C’estquoil’histoiredecemec,Derek?demande-t-i l soudain.
Ilregarde,par-dessusmonépaule,Derektondrelapelouseenécoutantdelamusiqueau
casque. J’ignore pourquoi il tient tant à entretenir la maison. Mon père se fiche que la
pelousedederrière ait l’air jolie. Il tond à l’avant une semaine sur deux et les passants se
disentquetoutvabien.
—Aucuneidée.Toutcequejesais,c’estqu’ons’estmisd’accordpourseteniréloignésl’un
del’autre.Jefaiscommes’iln’existaitpas.
Envérité,j’essaiedefairecommes’iln’existaitpas,mais ilmerendparfois la tâchebien
difficile.Landonfaitungesteverslamaison.
—Tonvieuxestlà?
—Probablementpas,jenevoispassavoiture.Monpèrepréfèreêtreauboulot,oùilpeut
senoyerdanssesprojetsd’expertcomptable.
Landonmetirecontreluietmurmuredansmonoreille:
—Et si onmontait dans ta chambre , là,maintenant ? J’aimerais bien que tume
massesledos.
—Maintenant?JejetteunœilàDerek.
—Cen’estpeut-êtrepaslemomentidéal.
—Allez,Ash.
Ilmeprendparlamainetmeconduitàl’intérieur.
— Tu dis toujours que l’on ne passe pas assez de temps seule à seul. Profitons-en tant
qu’onpeut.
Dansmachambre,Landonenlèvesonhautets’étendsurmonlit.Jem’assoisàsescôtés
etcommenceàluimasserledos,malaxantsesmusclescrispés.
—C’est tropbon,gémit-il tandisque jepasseauxépaules.Jemedétendscomplètement
avectoi,Ash.
—Pourquoi tunememasseraispas lespieds,que jemedétendeaussi?J’aimalà force
d’avoirtapédansleballon.
—Lespiedsmedégoûtent.Lesseulspiedsquejetouche,cesontlesmiens.
Ilsetournepourmefairefaceetglisse lentementsamainsousmonhaut.Ildéfaitmon
soutien-gorge,puispasselespoucessurmestétons.
—Jepeuxtemasserailleurs,parcontre.Jeluibloquelesbras.
—Arrête,Landon.J’aisurtoutbesoindeparlerdemaviequipartenvrille.
Ilgardesesmainssurmapoitrineetposeses lèvressurmoncou.Ilm’embrassesousle
mentonetjesenssalanguecontremapeau.OndiraitFalkorquandilmelèchelevisage.
—Tunem’écoutespas...Tuessaiesdedétournermonattention.
—Tuasraison.Jenepeuxpast’écouterplustard?Là,j’aijusteenviequ’ons’amuse.
Enquelquessecondes,ildéfaitsonpantalonetbaisselesyeuxverssonentrejambe–une
manièrepasdutoutdiscrètedemefairesigned’yaller.
Jeregardecequisedressedanssonboxer.
—Jen’enaipasenvie,Landon.
—T’es sérieuse ?Allez,Ash ! se lamente-t-il, frustré.Tu saisque tu enas envie. J’enai
envie.Allez...
CHAPITRE15DEREK
Un lit couine au-dessus dema tête. Je regarde Falkor. Falkorme regarde. J’étais rentré
faire une pause,mais savoir Ashtyn et son copain à l’étage en train de s’amuserme rend
malade.
— Tu peuxme dire pourquoi je ressens le besoin d’aller là-haut et de sortir sonmec à
coupsdepiedauxfesses?
Falkor lève la tête comme s’il allaitme répondre, puis se jette sur un de ses jouets en
peluche.
—Toi,tuasbesoind’unecopine.
Il me dévisage avec ses yeux gris tombants et penche la tête de côté. Je l’entendrais
presquemedire:«Tuesjustejaloux.»
LorsqueLandonaembrasséAshtyn,toutàl’heure,jen’aipasratésonairdemedire« je
t’emmerde,elleestàmoi».Detouteévidence,cetypeseditqu’ilestundonduCielsurcette
Terre, avec sa Corvette décapotable et ses lunettes noires qu’il n’enlève même pas pour
embrassersacopine.Çam’étonnequ’ellesesoitattachéeàunmecpareil,quivoitsavoiture
commeuneextensiondesavirilité.
JenesaispaspourquoijetienstantàprotégerAshtyn.Ellesaitsedébrouillertouteseule
etn’apasbesoinqu’ondéfendesavertu.
Le lit recommenceàcouiner là-haut.Merde... impossibled’entendreçasansdevenir fou.
Savoir que cemec est en train de la toucherme donne envie de lui en coller une. Je n’ai
aucundroitderessentirçaetçametue.
Jeressorsetlancelatondeuseetmamusique,biendécidéàneplusypenser.
Aprèsavoirnettoyéunebellezonedemauvaisesherbes,pourtant,jenepeuxm’empêcher
dejeterunœilendirectionde lafenêtrede lachambre.Qu’est-cequ’ilm’arrive?Lesfilles
comme Ashtyn ne m’intéressent pas, d’habitude. J’aime les nanas qui cherchent juste à
passerdubontempsetneprennentpaslavietropausérieux.Alorspourquoiest-cequejene
cessedemedemandercommentceseraitdel’embrasseretdesentirsesmainssurmoi?
Enfin,Landonrepart.Ashtynl’embrasse,puisfaitdemi-tourverslamaison.
J’enlèvealorsmesécouteursetlance:
—Jet’ensupplie,nemedispasquetut’esremiseaveclui?
Ellemetoisedehautenbas.
—Remontetonfroc.Ilestentraindetomberetonvoittonslip.
Pourcequiestdechangerdesujet,elleestexperte.
—Franchement,untypequigardeseslunettesdesoleilpourembrasserunefille...
—Lemecavecquijesorsetlafaçondontons’embrasseneteconcernentpas.
Mince...Jesecouelatêteenm’approchantd’elle.
—Tusaisquecegarssefoutdetagueule?Tut’enrendscompte?
—Tut’yconnais,àcequejevois?répond-elleenlevantlesyeuxauciel.
—Toutàfait!
Je suis juste en faced’elle. Je relève sonmentonavec le pouce et l’index et ses yeux se
fixentsurmoi.Commeàchaquefoisqu’ellemeregarde,j’aiunmaldechienàdétournerle
regard.
—Tusaisqu’ungarssefoutdetagueulelorsqu’ilneteregardepasdanslesyeux.
—Arrête!fait-elleentournantlatête.
—Arrêtequoi?
—De vouloirme faire douter dema relation avec Landon. J’y arrive très bien sans toi,
merci.
Elle dégage ma main et se précipite dans la maison. Voilà qui est intéressant... Je
m’apprêteàlasuivrelorsquemontéléphonesonne.
—Coucou,meditBree.Jemedemandaissionpouvaitsevoirsamedisoir?
—Samedi?
— Jeme disais que ce serait sympa d’apprendre à se connaître un peumieux. Tu auras
besoindequelqu’unpour t’aider, au lycée.Ashtyn est assezprise à causedeLandon et du
football.Jepourraisêtrelàencasdebesoin.
Encasdebesoin...J’aitellementdebesoins,encemoment,queçaendevientcomique.Il
faut que je me secoue, parce que si je continue sur cette voie, je vais finir par péter les
plombs.
—D’accord,luidis-jeenlevantlesyeuxverslafenêtred’Ashtyn.C’estuneexcellenteidée.
CHAPITRE16ASHTYN
LesfêtesàFremontsontlégendaires,surtoutlorsqu’ellesontlieuchezJet.Sesdeuxpères
sontpartispourleweek-end,alorsilenprofitepourouvrirlesfestivitésdel’été.Landonest
venumechercher.Jecomptebienarrangerleschosesentrenous.
Ilmeprendlamainetm’entraîneàl’intérieur.Jetestassisdanslesalonetjoueàunjeu
d’alcooldesoninvention,N’importenawak.J’yaidéjàjoué.Uneseulechoseàsavoir,avecce
jeu:quelqu’unfiniracomplètementbourréavantlafindelasoirée.
Jetnousfaitsignedelerejoindre.Detouteévidence,lapartieduredepuisunmoment:ila
lesyeuxinjectésdesangetVicsouritcommesitoussesproblèmess’étaientévaporés.Vicne
souritjamais;engénéralilbroiedunoirets’énerveparcequesonpèredirigesavie.Jetse
décalepournousfaireuneplace.
—Hé,Ashtyn!N’importenawak?
—Jenejouepas,Jet.
Ladernièrefois,ilétaittellementivrequ’ils’estmisàvomirpartout.Onacruqu’ilallait
faireuncomaéthylique.
—Allez,Cap’taine, faispastarabat-joie.N’importenawak?Monikaetmoi,ona faitdes
trucsensembleenclassedecinquième?
MonikaestassisesurlesgenouxdeTrey,lesbrasautourdesoncou.Facile...
—C’estn’importenawak.
—Exactement ! lance fièrementMonika. Je n’aime pas les petits Blancs. Je n’aime que
monhommeenchocolat.Pasvrai,bébé?
—Vrai!
Etill’embrasse.
—C’estparcequetun’asjamaisétéavecunpetitBlanc,s’amuseJet.
TreylèvelesyeuxaucieletMonikaéclatederire.
Jet avale un shot tandis qu’un groupe de filles entre dans la pièce. Parmi elles, Bree en
minirobenoire,épaulesdénudées.
—Houlà!Breechercheunpeud’action,cesoir,murmureJetavantdesifflerdoucement.
Derekentreàsontour.Elleseretourneverslui,sourit,puisleprendparlebrasetl’amène
s’asseoiravecnous.
—Saluttoutlemonde!dit-elle,toutexcitée.
Je sens tous les regards braqués sur moi ; ils meurent d’en savoir plus au sujet du
nouveau. Il nem’avait pas dit qu’il serait là, ce soir, avec Bree. Il s’était enfermé dans sa
chambreetn’avaitpaslaisséfiltrerlemoindreindice.
—Derek n’a jamais joué àN’importe nawak, lance Landon. Il faut qu’on s’occupe de ce
puceau.
Jetacquiesce,maisjeproteste:
—Jenecroispasquecesoitunebonneidée.
—Onfaitunpetitjeud’alcool,t’espartant,Derek?enchaîneLandonenm’ignorant.
Jeluidonneuncoupdecoudeetluilanceunregardnoir.
—Landon,stop.
—Quoi?Alors,Derek,tuveuxjoueroupas?Enfin,situcroisquetunepeuxpasgérer...
—C’estparti, ditDerek sans aucunehésitation, commesiLandon remettait en cause sa
virilité.
—Jet’expliquelesrègles.D’abord,tudescendsunshot.C’estdelageléeunpeuarrangée.
Puistudoisrépondresansréfléchir.
Derekhochelatête.Ilnesedoutepasqu’ilyabeaucoupplusdevodkaquedegelée.
—Onseposedesquestionsà tourde rôle,poursuitLandon.Si ceque jedis est vrai, tu
prendsunshot.Chaquefoisquetuhésites, tuprendsunshot.Si jedisdesconneries, tu le
dis...etsituasraison,tuneprendspasdeshot.Jepeuxcontesteretdirequecenesontpas
desconneries,etalorsc’estlegroupequivote.Lamajoritél’emporte.
—D’accord.
Derekn’estpas lemoinsdumonde intimidé. Jene luidispasqu’engénéral, onnedoit
boire que lorsqu’on hésite. Il n’est théoriquement pas obligé non plus de boire au départ,
maiscesoir,Landonsemblejouerselonsespropresrègles.
Deuxtaureauxcornesàcornes,çanevapasêtrebeauàvoir.Ilfauttoutarrêteravantque
lejeunecommence.
—Landon,nefaispasça.
—T’inquiète,Ash,ditDerek.Jecontrôle.BreeagitelebrassousceluideDerek.
—Laisse-lesjouer,Ash.Faispastarabat-joie.
Jedevraisbondiretrefuserd’assisteraudésastrequis’annonce,maisLandonmetientpar
lahancheetmeforceàrester.
Lesdeuxgarçonsavalentchacununshot.Jepariequ’ilsauronttouslesdeuxunehorrible
gueuledeboisdemainmatinetçanemeplaîtpas.
Moncopainseraclelagorge.
—Alors:tutecoupeslespoilspubiens.
Derek ne quitte pas Landon des yeux et vide un shot d’une traite. Puis il se penche en
avant.
—Çat’emmerdequ’onaitéluAshtyncapitaine.
—C’estdesconneries.
Derekhochelatêteenentendantsaréponse.
—Tumens.C’esttoiquidisdesconneries.
—Onenchaîne:tudétestesvivreàFremont.Derekavaleunautreshotetlemitrailleavec
sanouvellequestion:
—Toutlemondepensequetuesunconnard.Landonprendunshot.
—Tutebranlesenpensantàmacopine.
—Landon!
—Quoi?dit-ilenlevantlesmainscommeunparfaitinnocent.Cen’estqu’unjeu.
Dereknerépondpas,nemeregardepas.
—Jepariequec’estvrai,marmonneTrey.
—Tuveuxjoueràça?demandeDerek,prêtàendécoudre.Tuveuxvraimentqu’onaborde
lessujetsperso?
—Oui,onpeutjoueràça.Derekprendunnouveaushot.
—Tubaisestoujoursavectonex.
Qu’est-cequ’ilsepasse?C’estdugrandn’importequoietjemeretrouveenpleinmilieu
des tirs. Landon est furieux et bondit sur ses pieds. Derek n’a pas pu dire ce que j’ai cru
entendre...Aprésent,toutlemondelesregarde.Ondiraitqu’ilssontprêtsàsetaperdessus.
—Çasuffit!
Jecriemaispersonnenem’écoute.JemetourneversJetetVicavecunairsuppliant,mais
Vicestàl’ouestetJetsemarretroppourintervenir.
—Prendsunshot,ditDerek,visiblementsatisfait.Tuashésité.
Landonvidesonverred’untraitpuisleclaquecontrelatable.Iln’aimepassefaireavoir,
çavatrèsmalseterminer.
—Ashtynestàmoi,tusais.
—C’estcequetucrois,répliqueDerek.Tun’espasleseulàtelatapertouslessoirs.
Ildéglutitetmejetteunbrefcoupd’œil.Sonmensongem’afaitl’effetd’unegifle.J’aile
visagebouillantetlerestedemoncorpsparalysé.Iln’apaspudireça...
Jelepousseetcourshorsdelamaison.
CHAPITRE17DEREK
—Ashtyn,attends!
Jelavoisquimarchelelongdutrottoiretjelarattrape.
—Mavien’estpasunjeu,Derek.
—Jen’aijamaisditça.
J’ai du mal à articuler ; l’alcool commence à faire effet. Pourtant, j’ai encore les idées
claires.Siquelqu’unmanquedeclairvoyance,c’estbienelle.
—Pourquoi tum’en veux ? je lui demande en lui tendant sa veste qu’elle avait oubliée.
C’estLandonquim’afaitjoueràsonjeudébile.
—Je vous en veuxà tous lesdeuxpour vosquestionsdébiles, etparcequemaintenant,
tout lemondecroitqu’oncoucheensemble.Si tuasunproblèmed’ego, il fallaitresterà la
maison.
Ellenevapass’entireraussifacilement.
—Jet’aidéjàditquejen’avaispaschoisideveniràChicago,Sucred’orge.Onm’yaobligé,
commetoncopainm’aobligéàjoueràcepetitjeuidiot.
—Jet’avaisditdenepasjouer!Maistonegoettescouillesraséest’ontenvahilecerveau.
—Jen’aipasditquejemerasais.J’utilisedesciseaux.Jeledévisagecommesic’étaitun
taré.
—Peuimporte.Tuétaiscensénepastemêlerdemavie,etmoiignorerlatienne.Onavait
unmarché.
—Commentj’étaiscensésavoirqu’ilallaitmeposerunequestionsurtoi?Etilestoù,le
problème,bordel?Fous-moiunpeulapaix!RedescendssurTerre,Ashtyn.Jesuisunmec,à
notre âge on est bourré d’hormones, et j’ai rien fait ces derniers temps... D’accord, je me
masturbe.Etalors?Jesuisdésolédem’être laisséprendreaupetit jeudetoncopainpour
savoirquiavaitlaplusgrosse.
—Tuesfou,DerekFitzpatrick.C’estofficiel.Ivreseraitplusjuste.
—Jen’arrivepasàcroirequevousayezréussiàm’incluredansvotremanège.Maintenant,
lesgensvontsemettreàcolportertoutessortesderagots.
Jeme passe unemain dans les cheveux. Comme j’aimerais que cette conversation n’ait
jamaiseulieu...
—Jemefouspasmaldecequelesgensdecettevillepeuventpenser.
Soudain,Landonsortdelamaisonavectoutungroupederrièrelui:
—Ashtyn,viensici!
Ellefaitminedenepasl’avoirentenduetmedévisagecommesij’étaisl’ennemi.
—Pour tagouverne, tues leneveuque j’aime lemoins,dit-elleentre lesdentsavantde
rejoindreMonikapourluidemanderdelaraccompagner.
Alorsqueleurvoitures’éloigne,lamusiquequiprovientdelamaisonmerappellequela
fêtebatsonplein.EtBreedoitsedemanderpourquoijen’aipasenvoyéboulerLandonquand
cet idiot a dit que je me branlais en pensant à Ashtyn. Je me faufile jusqu’à elle dans le
labyrinthehumain.
—Onpeutparler?
Elleposeunemainsurmajoue.
—Tuestropmignon.Situcomptest’excuser,cen’estpaslapeine.Jesaisquetutefoutais
deLandonjustepourqu’illaferme.Etjecroisquetuasréussi.
—Merci.
Ellem’embrassesurlabouche.
—Toutleplaisirestpourmoi.
Nous restons à la soirée unmomentmais très vite, je suis tellement soûl que j’ai juste
enviededormir.Bree finitparavoirenviedepartir, elleaussi, etnous trouvonsquelqu’un
d’assezsobrepournousraccompagner.
Deretouràlamaison,j’aiconsciencequejedoisrattraperlecoupavecAshtyn.
Elleaététrèsclaire,pourtant:elleneveutrienavoiràfaireavecmoi.Alorspourquoiest-
cequejen’arrivepasàmelasortirducrâne?Jecroisquoi?Queparcequejesuisattirépar
elle,elleressentforcémentlamêmechose?
Labonneblague!
Finalement,c’estbienqu’Ashtynmerejette.Nosviessontdéjàsuffisammentcompliquées
commeça,pasbesoind’enrajouter.
Jeluisuisreconnaissantd’avoirlaissélaported’entréeouverte,maismachancenedure
paslongtemps.Brandiestencoredebout,devantl’ordinateur,entraindefaireunevidéo.Ça
mefaitbizarredevoirsonventrerondetnusoussonhautrelevé.
Jepassederrièreellediscrètement,enespérantqueleseffetsdel’alcoolnesevoientpas
trop.
—Jesuisrentré.
—Salut,Derek,répond-elleenfrottantsonnombril.Jefilmemonventrejouraprèsjour.
Lorsque tonpère rentrera, il sera content de voir l’évolution. Ilmemanque àmort. Tiens,
viensluifaireunmessage.
Jesaluelacaméraenpriantpourn’avoirpasl’airtroptorché.
—Coucou,Papa.J’espèrequet’accompliscequetuveuxaumilieudel’océan.Aplus!
C’estnazequ’il soit aussi loin, etqu’onnepuissepas separler.Lorsqu’il est absent, j’ai
l’impression qu’il gravite autour dema vie sans en faire véritablement partie, comme une
vagueconnaissance.
—Tuasbucombiendeverrescesoir?medemandeBrandiavantquejeneparte.
—Beaucoup.
— Je l’ai senti à la seconde où tu t’es approché. Elle baisse son haut pour couvrir son
ventre.
—Bon.Ehbien,jedevrais,tusais...,tedirequec’estunemauvaiseidéedeboireàtonâge.
—Tunebuvaispas,toi?
— Si. Je ne suis sans doute pas la bonne personne pour critiquer les soirées du lycée.
Simplement...n’enfaispastrop,d’accord?Sitonpèresavait,jesuissûrequ’ilneseraitpas
contentet...
—Dis-luicequetuveux.
Aupointoùonenest,qu’est-cequ’ilpourraityfaire?Cen’estpascommes’ilpouvaitme
gronderoumereprendrelabagnole.Iln’estpaslàpourfairelaloi.Personnen’estlàpourça.
Ellesecouelatête.
—Etsijetelaissaisleluidire?
—Cool.
Mavie est redevenueparfaitement anormale en seulementquelques secondes.Avantde
m’enaller,jemeretourneversBrandi.
—TusaisoùestAshtyn?
—Elleestlà-haut,elledort.Est-cequetoutvabienentrevous?
—Jenesaispas,dis-jeenmefrottantlanuque.
—Tuveuxunconseil?
Jen’aipasletempsdeluidiredelegarderpourellequ’ellelèvelesmains:
—Masœurvitàfondetelleaimeàfond.C’estdanssanature,elleestcommemoi.
Jeréfléchisuneminute,cequiestassezdurdansmonétat.
—Merci,Brandi.Ellesouritfièrement.
—Derien.Bonnenuit,Derek.
—‘nuit.
Quandj’étaispetit,mamèreavaitl’habitudedes’allongeravecmoisurlelitetoninventait
deshistoires.Ellecommençaitunephraseetjelaterminais.«Ilétaitunefoisungarçonqui
s’appelait...»,commençait-elle,etmoij’ajoutais:«Derek.»Puiselleenchaînait:«Unjour,
Derek rêvait d’aller... » et je racontais où j’avais envie d’aller et on créait comme ça une
aventure incroyable.C’étaitnotre ritueldu soir.Puis je suisdevenu trop vieux et elle s’est
miseàmeprodiguerdesconseilssur lesfilles, l’école, le footballaméricain,ettoutcedont
j’avaisenviedediscuteravecelle.
Brandin’arienàvoiravecmamère.Ducoup,celle-cimemanqueencoreplus.J’aimerais
tellementpouvoirluiparlerencoreunefois,lavoirmesourireencoreunefois,créerunede
noshistoiresencoreunefois.Jedonneraisn’importequoipourqu’ellemeconseilleàpropos
d’Ashtyn;elleauraitcertainementlaréponse.
Maisilfautcroirequejedoismedébrouillerseul.
Jemedéshabilleetmonteà l’étageenboxerpourmebrosser lesdents.Ensortantde la
salledebains,jemerappellequejen’aipasrendusavesteàAshtyn.Jeredescends,attrapele
vêtementdansmachambre,remonteetmeretrouvedevantsaporte.Jefrapperaisbienmais
j’aipeurqueFalkorne semette à aboyer commeunchienenragéetne réveille Julianqui
dortdanslachambreàcôté.
—Ashtyn,dis-jedoucement.
Laporteestlégèremententrouverte.Jelapousseetjetteunœilàl’intérieur.
Falkor dort au pied du lit, veillant sur sa princesse. Je rentre sans bruit pour déposer
l’habitsurledossierd’unechaise,maisenvoyantAshtynétenduesurlelit,lesyeuxouverts,
jebloquecomplètement.
—Va-t’en.
Jebrandissaveste.
— Tu as oublié ça à la fête. Tu pourrais faire semblant d’être reconnaissante et me
remercier.
— Désolée. Merci infiniment de me l’avoir rapportée, dit-elle d’un ton sarcastique.
Maintenant,veux-tu,s’ilteplaît,laposeretdégagerd’ici?
— Je suis sûr que tu m’aimes bien, dis-je en m’exécutant. Les mots m’ont échappé,
impossibledelesretirer.
—Vraiment?
—Ouais.Lorsquetuserasprêteàl’admettre,fais-moisigne.
Cequ’ilyademieux,aveclesamisproches,c’estqu’ilssaventtoutdevotrevie.Cequ’ilya
depire,aveclesamisproches,c’estqu’ilssaventtoutdevotrevie.
Monikaestarrivéechezmoi,cematin,avecuncaféau laitdanschaquemain.Ellem’en
offreunpuiss’assoitauborddemonlitetsavourelesienàpetitesgorgées.
—Tuveuxenparler?
J’avaleunegorgéedeboissonchaudeetsoupire.
—Parlerdequoi?DufaitqueLandonetmoi,onnesesupporteplus,oudufaitqueDerek
estunfléaudansmonexistence?
—Unfléau?C’estrude,surtoutvenantdetoi.D’habitude,tuestoujoursenbonstermes
aveclesmecs.Tulescomprends.C’estquoi,leproblème,aveccelui-là?
Jerepousselescouvertures.
—Ilalechicpourfaireressortirlepireenmoi.
—Etpourquoiça?
—Jenesaispas,dis-jeenhaussantlesépaules.Ilneprendjamaisrienausérieux.Ah,sauf
lanourriture.
Jet’airacontéàquelpointilestobsédéparl’idéedemangersain?
J’agitelesmainsenl’air.
—IlrefusedetoucherunSkittles!Etillaisselalunettedestoilettesrelevéeexprès...juste
pourm’énerver.
J’enrageensongeantàlafaçondontDereks’estimmiscédansmavie.Jememetsàfaire
lescentpasenbuvantmoncaféaulait.
—Iltetapesurlesystème,ondirait.
—Tupeuxledire...
Je regardeMonikadu coinde l’œil. Je sais très bien ce qu’elle a en tête...Mameilleure
amiecroitavoirundonpourcomprendrelesgensetlessituations.
—Nevapassurinterpréterquoiquecesoit,s’ilteplaît.
—Promis,répond-elleenavalant lerestedesoncafé.S itunesurinterprètespas tropce
quejevaistedire.
—Aquelsujet?
—ÇaconcerneTreyetmoi.
Jem’assoisprèsd’elle.Je suisuneamie tellementnulleetégocentriqueque jene luiai
mêmepasdemandécommentelleva.Ilfautcroirequ’envoyantMonika,jepenseàunevie
CHAPITRE18ASHTYN
parfaite,etn’imaginepasqu’ellepuisseavoirlemoindreproblème.
—Qu’est-cequinevapas?
—Toutvabien,c’estjusteque...Elles’étendsurmonlitengeignant.
—Treyetmoi...
Jeluifaissignedepoursuivre.
—Vousn’allezpasrompre,quandmême?
—Non!Çan’arienàvoir.Promets-moiquetun’enparlerasàpersonne.
—Tuasmaparole.
Ellepoussealorsungrandsoupir.
—Onl’atoujourspasfait.
Etelleattrapeuncoussinetsecouvrelevisageavec,totalementgênée.
Jeredresselecoinducoussin.
—Dequoituparles?Desexe?
—Ouais.
—Attends...JecroyaisquevousaviezcouchéensembleàlaSaint-Valentin?
Treyavaitorganiséunesoiréeultra-romantique.Ilavaitlouéunechambred’hôteletl’avait
invitéeaurestaurant.Je l’avaisaidéàtoutpréparercar ilvoulaitquetoutsoitparfait.Pour
elle.
—Tum’as dit que ça avait été la plus belle soirée de ta vie. Tu asmême utilisé lemot
magique.
—J’aimenti.
—Pourquoi?
Monikadisaitsouventqueperdresavirginitén’étaitpasimportantpourelle,etquesiTrey
voulaitpasseràl’acte,elleétaittoutàfaitpartante.Etjesaisqu’ilsontdéjàfait...destrucs.
Laplupartdutemps,ilsnepeuventpass’empêcherdesetripoter.
—On est allés dîner, puis on est allés à l’hôtel et on a commencé à s’amuser.Mais ça
paraissaitbizarre,forcé,tuvois.Jen’étaispasdedans.
Ellecommenceàgrattersonvernisàongles.
—Treym’aditquecen’étaitpasgraveetqu’ilattendraitquejesoisprête,maisjesaisqu’il
étaitdéçu.
C’estvraimentétranged’apprendre lavérité,parcequ’à la façondontTreyparled’euxen
sonabsence,oncroiraitqu’ilsnemanquentpasuneoccasion.Jel’aidéjàentendudirequ’ils
avaientfaittroisfoisl’amourenunenuit.Etqu’ilsl’avaientfaitauRaviniaFestival,sousune
couverture,pendantunconcert.Ilamêmepréciséqu’unefois lepréservatifavaitcraqué.A
l’entendre,onjureraitqu’ilsontuneviesexuelledémente.
CommentconciliermarelationavecMonikaetmonamitiéavecTrey?Lesgarçonsnesont
pas justemes coéquipiers. Ils se confient àmoi.De toute évidence,Treyne souhaitait pas
révéler la vérité sur sa vie sexuelle, et je ne lui jette pas la pierre. Tous les autres garçons
parlent de leurs folles aventures avec des filles et je suis certaine que Trey ne voulait pas
restersurlatouche.Lesmecssonttouspareils.
Jecaresselamaindemonamie.
—Tonsecretserabiengardé.
— Je l’aime, Ashtyn. Sérieusement, je sais que ça a l’air stupide, mais je fantasme
complètement à l’idéed’épouserTrey et d’avoir des enfants avec lui.C’estmon âme sœur,
j’ensuissûre.J’aienviedefairel’amouravecluietilesttoujourstrèsdoux,trèspatientavec
moi.Jesuisjuste...Jenesaispas.Peut-êtrequequelquechoseclochechezmoi.
—Toutvabien,cheztoi,Monika.Tun’espasprête,voilàtout.
— J’aimerais tant que mes parents l’acceptent. Ils n’ont jamais toléré qu’il habite The
Shores.
TheShoresestunerésidenceduquartiersuddelaville.Cen’estpasl’endroitleplussûrde
Fremontetlesgangsysontnombreux,toutlemondelesait.MaisTreyasuresteràl’écart.
Sesparentsnesontpas trèsriches,mais ilssont très liéset lepèredeTreyest l’hommele
plusdrôlequejeconnaisse.
Monika a l’air plus détendue, maintenant qu’elle s’est confiée. Elle bondit de mon lit
commesielleétaitsutressortetregardeparlafenêtre.
—Alors,dis-moi,Derek,ilabienunehistoire?
—Jenesaispas.IlvientdeCalifornie,sonpèreestdanslaNavy,ildétestelamalbouffe,et
ils’estfaitvirerdejenesaisquelinstitutprivépouravoirlâchédescochonsdanslanature.
C’esttout.
—Ilaunecopine?Jehausselesépaules.
—Est-cequeBreeluiplaîtouest-cequ’ilenpincepourtoi,commel’asuggéréLandon?
—Jet’assurequ’iln’enpincepaspourmoi.Ilaimejustem’énerver.
—Çavautdespréliminaires.
—Tuesfolle.Écoute,jesaisqueturêvesdedevenirunagentduFBIunjour,maisDerek,
onn’enparlepas.
—Pourquoi?
—Parceque.Jeneveuxpasqu’ilinterfèredansmavieetj’aipromisdenepasm’immiscer
danslasienne.Onn’arienencommun.Absolumentrien.
Elleéclatederireetposeunemainsurmonépaule.
— Ce n’est pas une raison suffisante, d’après moi. Ecoute, on va partir en mission de
reconnaissanceetenapprendredavantagesurcegarçonmystérieux.
Elleseprécipiteaurez-de-chausséeetjelasuisàtoutesjambes.
—Pasquestiond’allerfouillerchezlui!
—Etpourquoipas?
—Parcequec’estpascooletprobablementillégal.Laportedubureauestouverte.Monika
pénètreàl’intérieursanshésiter.
—Faisleguetetpréviens-mois’ilarrive.
—Quecesoitclair,jesuiscontrecetteidéed’espionnage.
—Quecesoitclair,tumeursd’enviedesavoircequejevaistrouver.
Avraidire,ellen’apascomplètementtort.
MoncœurbatàtouteallurealorsquejeregardeparlafenêtreDerekpousserlatondeuse
aufonddujardin.IlacoincésonT-shirtdanslapochearrièredesonjeanetsondosmusclé
luitdesueur.Jem’écarteunpeupourqu’ilnepuissepasmevoir.
—Ilaimelesbottes,ondirait!
Monikaenbranditunepaireencuirmarronetenfaittomberuneliassedebilletsdecent
dollars.
Waouh! Ilestpleinauxas.D’où il sort toutcetargent?demande-t-elleenremettant la
liassedanslabotte.Paslamoindreidée.Allez,viens.
—Attends.Tiens,tiens...Voyez-vousça!s’exclameMonikaenouvrantsavalise.Ondirait
que ton hommeporte des boxers,met du parfumCalvinKlein et joue au poker. Peut-être
qu’ilagagnéunpaquetdefricauxcartes.
—Auxcartes?
Macopineplongealorslamaindanslavaliseetenressortunepoignéedejetons.
—Ouais.C’estunflambeur,yapasdedoute.Dehors,Derekramassel’herbecoupéeetla
fourredansdessacs.Monikainspecteencorequelquesboîtesavantdes’exclamer:
—Sonportefeuille!
Jemeprécipiteverselleetleluiarrachedesmains.
—Neregardepasdedans.C’esttroppersonnel!
— Justement. Quel meilleur moyen d’en apprendre un peu plus sur quelqu’un ? Le
portefeuilled’unmecestlerefletdesonâme,commesontéléphone.
—Vraiment?résonnelavoixdeDerekderrièrenous.Jen’avaisencorejamaisentenduça.
Merde!
Jefaisvolte-faceetilmedévisage.Jemesenscommeunegaminepriselesdoigtsdansle
pot de confiture. Je jette le portefeuille sur le lit et recule d’un pas, comme si ça pouvait
m’innocenter.Puisjebalbutie:
—Salut,Derek.Onétaitjuste...
JejetteunœildésespéréàMonikaquis’avanceversluiavecunsourireinnocent.
—Ashtynetmoin’étionspasd’accord,alorsilfallaitqu’onviennedanstachambrepour
décider.
—Vousn’étiezpasd’accordsurquoi?
—C’estunebonnequestion.
—Oui,c’estunebonnequestion,répèteMonikasanstrouverl’argumentquinousmanque.
Derekal’airmortderire.Ilnesembleniénervé,nigênéqu’onaitpudécouvrirqu’iljoue
aupokeretconserveunebellesommedansunebotte.
—Onvoulaitsavoirsitu...
— ... gardaisunpréservatifdans tonportefeuille ! s’écrieMonika.Ashtynapariéque les
garçons gardaient tous des préservatifs dans leur portefeuille et moi, j’ai dit, bah, que les
mecsnefaisaientplusçadepuislesannées80.
Despréservatifs?Elleauraitputrouverquelquechosedemoins...embarrassant.
—Etquelestleverdict,mesdemoiselles?lâche-t-ilavecundemi-sourire.
—On n’a pas eu le temps de voir, dis-je en regardant le portefeuille.Mais ce n’est pas
grave.
Derekleramasseetmeletend.
—Tiens.Ouvre-le.Vousêtesvenuesjusqu’icipoursavoir,alorspourquois’arrêtersiprès
dubut?
Monikam’inciteàleprendre,qu’onenfinisse.Jemeraclelagorge,puisledéplieetjette
unœilàl’intérieur.Dansundescompartiments,jetrouvelaphotod’unejoliefemmeenrobe
bleuclairàcôtéd’unhommeenuniformeblanc.Ellea lesyeuxdeDereket lui lesmêmes
traitsburinés.Jerepoussequelquesreçussansintérêtetvérifiel’autrecompartiment,vide.
—Pasdepréservatif,dis-jebêtement.Ilmereprendleportefeuilledesmains.
—Jecroisquetuasperdu.
CHAPITRE19DEREK
Voilàunesemainequ’AshtynetLandonse sont rabibochés.Elleentredans la cuisineet
jetteuneenveloppeFedExsurlatable.
—C’estpourtoi.
Puisellesetourneetouvrelegarde-manger.
UneenveloppeFedEx?Audébut,jeressensunventdepanique,craignantunemauvaise
nouvelle concernant mon père. Mais les mauvaises nouvelles aux familles de militaires
n’arriventpasparFedEx.C’estlorsquedeuxhommesenuniformeseprésententsurleperron
qu’ilfautsemettreàpaniquer.
Pourtant, je tressaille en découvrant l’adresse de l’expéditeur : c’est ma grand-mère du
Texas,lamèredemamère.Commentelleasuquej’étaisici?Autrefois,ellem’envoyaitun
cadeauà chaqueanniversaire,parobligation,mais jen’ai eu aucun contactdirect avec elle
depuisdesannées.
ElizabethWorthingtonatoujoursdétestéquemesparentssesoientmariés,carmonpère
nefaitpaspartiedelahautesociététexane.Ellen’estmêmepasvenueàl’enterrementdesa
fille,auquelelles’estcontentéed’envoyerunecargaisonentièredefleurs.Ellepensaitsans
doutequecelacompenseraitlesannéesperdues...
Avraidire,jemefichecomplètementdecequ’ElizabethWorthingtonaàmedire;autant
balancerl’enveloppeencoreintacteàlapoubelle.
—C’étaitquoi?medemandeAshtyn,unpaquetdecookiesàlamain.
Ellen’apasvuquejen’avaispasouvertl’enveloppe.
—Jecroyaisqu’onnedevaitpass’immiscerdanslesaffairesdel’autre?
—Simplecuriosité.Etpuistumedoisbiença.
—Pardon?
Elleprendunairchoqué:
—Attends,Cow-boy!Tuasditquetun’interviendraispasdansmavie,maistutapesdans
le dos de mes potes, tu joues à des jeux d’alcool avec mon copain et tu flirtes avec mes
copines.
—Jeflirte?
—AvecBree.
Jel’arrêtedelamain.
—Ecoute,cettefillem’ademandésil’essenceetl’huileallaientdanslemêmeréservoirde
latondeuseoudansdeuxcuvesséparées.Puisellem’aproposédesortiravecelleunsamedi
soir.Qu’est-cequetuvoulaisquejefasse,quejel’ignore?
— Si tu crois qu’elle s’intéresse aux tondeuses, tu es un crétin. Elle veut seulement
t’enlevertonpantalon.
—Etqu’est-cequ’ilyademalàça?Pasderéponse.
—Tuveuxvraimentsavoircequ’ilyadanscetteenveloppe?C’estunelettred’admission
dansl’équipeolympiquedetrampolinesynchronisé.J’enlèveunepoussièredemonépaule.
—Jen’aimepasmevanter,maisj’aigagnél’orauchampionnatnational,l’andernier.
— Le trampoline synchronisé n’existe pas, Derek. Je lui tapote la tête comme à une
gamine.
—Maissi,biensûr.
Ellelèveaucielcesyeuxnoisettequimecaptivent.J’aimevraimentlataquiner,mais,en
vérité,j’aimesurtoutlavoirseprendrelatête.
—Quelmenteur...
Ashtynatort.Etlepire,c’estqu’elleestpersuadéed’avoirraison.
—Onparie,Sucred’orge?
—Ouais,onparie,dit-ellelesmainssurleshanches.Çadevientintéressant.
—Qu’est-cequ’onparie?
Elleréfléchitetsefrottelesmains,commesiellevenaitd’avoiruneidéegéniale.
—Sijegagne,tudoismangerunsachetdeSkittlesentier.
—Lesvioletsaussi?dis-jeenrigolant.Çamarche!Etsituperds,tudoissortiravecmoi
unsoir.
Jel’entendsdéglutirbruyamment.
—Qu...quoi?J’aidûmalentendre...Sortiravectoi?
—Seulementsijegagne.
—Commeuncouple»?Euh...tutesouviensquej’aiuncopain?
—Neteprendspas latête.Quiparledecouple?Jevoulaissimplementdirequ’onferait
unesortieensemble.
—Landonnevapasapprécier.
—Qu’est-cequeçapeutmefaire?
—Tutefichesdetout,enfait?
—Pasexactement.
—Tu espathétique, conclut-elle avantdedisparaître.Mais très vite, elle réapparaît avec
sonordinateurportableetunsourirearrogant.
—IlyaunpaquetdeSkittlesentierquit’attenddansleplacard,Cow-boy.VersionXL.
Jemefrottelesmainscommesijesavouraisunevengeance.
—J’aidéjàprévutoutenotresoirée...Unesoiréerienquepourtoi.
Ellen’apasl’airdes’inquiéterlemoinsdumondeentapanttrampolinesynchroniséaux
Jeuxolympiquessursondavier.Maissonarrogancedisparaîtd’unseulcoupetellesepenche
enavantenfronçantlessourcils.D’habitude,ellecontrôlelemoindredesesmouvements;
plusmaintenant.Elleconsultedifférentssitesquiprouventquej’airaison,seplaquecontre
ledossierdesachaiseetplisselenez,vaincue.
—C’estunvraisport,marmonne-t-elle.
—Jetel’avaisdit.Tudevraismefaireconfiance,detempsentemps.
Ellemefixeduregardens’affalantsursachaise.
—Jenefaisconfianceàpersonne.
—C’estnaze.
—Jetel’accorde.
— Tu vas sans doute me trouver optimiste mais moi, je crois que la confiance peut se
gagner.Jevaispeut-êtret’étonnerettefairechangerd’avis.
—J’endoute.
Jeluipincegentimentlementon.
—Tumemetsaudéfi?Ok.
Jelalaissecogiteràl’idéedesortiravecmoietvaistrouverJuliandanssachambre.Ilest
en train de feuilleter un livre d’images sur les châteaux de sable et pointe du doigt une
énormeconstructiontrèsouvragée,avecdesdouvesetdesponts-levis.
—Pop’afaitunchâteaudesableavecmoiladernièrefoisqu’onestallésàlaplage.
Ilreposelelivre.
—C’était avant qu’il aille dans le gros sous-marin.Pop’...C’est comme ça que j’appelais
monpèrequandj’avaissonâge.Cegaminn’ajamaisconnusonvraipère;jenedevraispas
être surprisqu’il considère lemiencomme le sien.Etpourtant...Oùque jeme tourne, j’ai
l’impression qu’on me rappelle que j’ai une nouvelle famille pour m’obliger à oublier
l’ancienne.J’aimeraislesenvoyertouspaître,maisquandjevoiscegosse...Jenesaispas.Je
sensunlienentrenous,commesij’étaissongrandfrère.
Jem’agenouilleprèsdelui.
— Eh bien, cours demander à ta mère ton maillot de bain. Je t’emmène à la plage
construireunchâteaudesable.
—Vraiment?
Iljettelelivresursonlitetbonditd’excitation.
—Ouais!
Etnousvoilàà laplageen traindecreuseretdedresserdes toursdesable.Troisautres
gamins nous regardent et se lancent dans leur propre construction, juste à côté de nous.
Julianredresselatêteparcequ’ilsaitquenotrechâteauestleplusbeau.Etdeloin.
—C’estmongrandfrère,dit-ilàundesgossesquiadmirentnosdouves.
—Tuveuxnousaider?Onauraitbienbesoindebrassupplémentaires.
Dèsquecegaminsejointànous,d’autresseprécipitentet,trèsvite,nousnousretrouvons
avecunepetitearméedeminisoldatsquimescrutentcommesi j’étaisungenrededieudu
château de sable et s’adressent à Julian comme s’il avait douze ans, et non cinq. Bientôt,
notreœuvreressembleàunvrairoyaume,avecplusieursbâtiments,desponts,destunnels.
Quandj’enaiassezdeschâteaux,jefaislacourseavecJulianjusqu’àl’eaudulacMichigan
pour nous rincer. Je lui apprends à flotter sur le dos sans bouger. On s’éclabousse et on
s’amusejusqu’àcequelepetitseretrouveavecdescoupsdesoleil.Alors,ilgrimpesurmes
épauleseljelereconduisjusqu’àlaberge.
—Jesuiscontentquetusoismonfrère,Derek,dit-ilenmeserrantlecou.
Jelèvelesyeuxverssafrimousse;ilmeregardecommesij’étaissonhéros.
—Jesuiscontent,moiaussi.
Sonpère l’aabandonné,monpèreestabsent, je suisdonc le seulhommedanssavie. Il
faudraitquesongrand-pères’intéresseàlui,maisGusn’aimerienàpartdisparaîtreetfaire
latronche.
On se sèche et on se prépare à partir. Julian accepte d’aller faire quelques courses avec
moi.Jefaislepleindeyaourts,defruitsetlégumesqui,j’ensuissûr,n’ontjamaispénétréle
frigodesParker.
Deretouràlamaison,jedécouvrelalettredemagrand-mère,miraculeusementressortie
delapoubellepouratterrirsurmoncoussin.Ouverte.Etmerde!Encoreuncoupd’Ashtyn.
Jelatrouvedanslesalon,entraindemangerdeschipsdevantuneémissiondetélé-réalité
débilequisemblelacaptiver.Ellearefaitsatresseetporteunsurvêtementsansmanchessur
unT-shirtmarquéFremontAthletics.
J’agitel’enveloppedevantelle.
—Pourquoituassortiçadelapoubelle?
— Pourquoi tu asmenti ? Ce n’est pas une invitation à intégrer l’équipe de trampoline
synchronisé.
ElleoffreunechipsàFalkoretseredresse.
—Çavientdetagrand-mère.
—Etalors?
—Tunel’asmêmepaslue,Derek.
—Enquoiçateregarde?
—Çanemeregardepas.Çat’estadressé,alors lis.Jeneveuxpassavoircequecontient
cettelettre.
—Tuterendscomptequec’estillégald’ouvrirlecourrierd’autrui?Laviolationdelavie
privée,çateditquelquechose?
Ashtynn’apas l’airdesesentircoupable ;elleattrapeunenouvellechipsetse la fourre
danslabouche.
— Tu l’as jetée. Elle n’était plus à toi. D’un point de vue juridique, ce n’est pas une
violationdelavieprivée.
—Tuteprendspouruneavocate,maintenant?Etsilaprochainefoisqueturecevaisune
lettre,jel’ouvraisàtaplace?Çateplairait?
—Sijelajetais,ceseraitjuste.Tupourraisenfairecequetuveux.
Elledésignealorsmonenveloppedesesdoigtsgras.
—Tudoislirecettelettre,Derek.C’estimportant.
—Quandj’auraibesoindetesconseils, jeteferaisigne.Enattendant,nefourrepluston
nezdansmesaffaires.
Je vais à la cuisine et balance le pli à la poubelle unedeuxième fois. Puis jememets à
chercherunmixer.
—PourquoivousvousbattezencoreavecTatieAshtyn?demandeJulianenmeregardant
viderlesplacards.
—Onnesebatpas.Onsechamaille.Tuveuxungoûter?
Ilmefaitouidelatête.
—Tusavaisqu’ilfautplusdemusclespourfroncerlessourcilsquepoursourire?
—Jedoisêtresacrementmusclé,alors.
Jetrouveenfinunmixeretluiprépareunsmoothiebanane-yaourt-épinards.
—Voilàpourtoi,dis-jeenluitendantungrandverre.Bonappétit!
Ilobservemonbreuvagecommesic’étaitdupoison.
—C’estvert ! Je... j’aime pas les boissons vertes. Autrefois, mamère se levait tous les
dimanchesmatinpournouspréparerdessmoothies.Onavaitpourritueldetrinquer,tousles
deux,avantdelesdescendre.
—Goûte,luidis-jeenmeremplissantunverre.Tchin!
—Pitié,Derek,aucunenfantn’aenviedeboireuntrucbonpourlecorps,intervientAshtyn
ensortantuneboîtedecookiesetunpaquetdeguimauvesduplacard.Jevaistefairequelque
chosequineressemblerapasàdel’herbeliquide,Julian.
Je l’observe préparer joyeusement des sandwichs de cookies avec de la guimauve au
milieu,puislesbalanceraumicro-ondes.
—Surtout,nepas les laissercuiretroplongtemps...Elleapprochelevisagedelavitredu
four,quiluigrilleprobablementlecerveauautantquesessandwichs.
— ... sinon,tufaiscramerlaguimauve.
Puisellesortl’assietteetlaposedevantsonneveu,fièredesacréation.
Julian regarde les sandwichsdecookies, le smoothie,moi, et enfinAshtyn. Il est le juge
finaldenotrepetitecompétition.
—Jecroisquejevaisprendreunfromagerigolo,tranche-t-il.
Ilentireunduréfrigérateuretl’agitesousnosnezenquittantlacuisine.
—Àplus!
Ashtynfaittoutunplatdesesfameuxsandwichsetj’essaied’ignorerlesgémissementsde
plaisir qu’elle m’inflige à chaque nouvelle bouchée. Ils me font penser à des choses
auxquellesjen’aipasledroitdepenser...
Lorsqu’elleaterminé,ellesedirigeverslapoubelleetenressortl’enveloppe.
—Arrête,avecça.
—Non,dit-elleenmelacollantpresquedanslesmains.Lis!
—Pourquoi?
—Parcequetagrand-mèreestmaladeetqu’elleveuttevoir.Jecroisqu’elleestmourante.
—Jem’enbranle.
C’estdumoinscequejesouhaiterais.Pourtant,jeposemonverreetfixel’enveloppe.
—Allez,tun’espasaussiinsensiblequeça.Prendsuntrucausérieux,pourunefois.
Elleabandonneleplidéchirésurlecomptoiretsortdelacuisine.Minceàlafin!Siellene
l’avaitpasressortieetnel’avaitpaslue,j’auraispuprétendrequecettelettren’avait jamais
existé.Jenesauraispasquemagrand-mèreestsurlepointdemourir.Jeneconnaismême
pascette femme.Ellen’étaitpas làpour sa fillequand celle-ci étaitmalade et avaitbesoin
d’elle.Enl’honneurdequoijedevraismesoucierd’elle?
Jeprendsl’enveloppeetlafourreànouveaudanslapoubelle.
Plus tard dans la soirée, Julian se précipite dans le jardin ; il a vu des lucioles. Je lui
apporteunpotenverrequej’aitrouvédanslacuisinepourqu’ilenattrape.
—PourquoivousvousbatteztoutletempsavecTatieAshtyn?medemande-t-ilànouveau
enattendantqu’unebestioledaigneallumersesfesses.
Évidemment,ilfallaitqu’ilramènelesujetsurletapis.
—Ilfautcroirequeçanousamuse.
—Mamanditquelesfillessedisputentaveclesgarçonsparcequ’elleslesaimentbien.
—Ouais,ben,TatieAshtynnem’aimepasbeaucoup.
—Tul’aimesbien,toi?
—Biensûr.C’estlasœurdetamaman...Iln’apasl’airconvaincu.
—Etsinon,tul’aimeraisquandmême?
Ilvautmieuxquejem’exprimeavecdesmotsd’enfant,pourqu’ilcomprenne.
—Écoute,Julian:parfois,lesfilles,c’estcommelanourriture.Ellesontl’airbonnes,elles
sontbonnes,maisenréalité,ellessontmauvaisespournous,ellesdonnentdescaries,et il
vautmieuxnepass’enapprocher.Tupiges?
Ilmedévisageavecsesgrandsyeuxclairs.
—AlorsTatieAshtyn,c’estcommeunSkittles?
—Ouais.UnénormesachetdeSkittles.
—Jedétesteallerchezledentiste.
Etilrepartàlachasseauxinsectes.Ilenmetquelques-unsdanslebocalpuiss’assoitdans
l’herbeetlesobserve.Ilesttrèsconcentrésurleslumièresquivibrentetscintillent.
—J’aienviedeleslibérer.
—Bonneidée.
Ildévisselecouvercleetvideentièrementlepot.
—Maintenant, vous êtes libres ! s’écrie-t-il d’une voix enjouée, semblable à celle de sa
mère.
J’entends s’ouvrir la porte-moustiquaire. Ashtyn vient dans notre direction, les yeux
soulignéspardumaquillagenoir.Ses lèvresbrillent.Elles’estchangéepourunerobed’été
moulanterosequisoulignesonbronzageetsescourbesdorées.Sonlookpourraitluiattirer
des ennuis si lamauvaise personne posait un regard sur elle. Quelle est la vraie Ashtyn ?
Celle enpull à capuchenoire etT-shirt ou celle enhabits courts etmoulants, penséspour
exciterlesgarçons?
—Qu’est-cequevousfaites?demande-t-elle.
—Onchopedeslucioles,répondJulianenimitanttrèsbienmonaccenttexan.
—Jepeuxvousaider?Jebrandislebocalvide.
—Tuarrivestroptard.Onafini.Sonpetitsouriredisparaît.
—Désolé.
LandondébarquealorsdanssaCorvette,cequiexpliquelarobesexy.
Il sort de sa voiture, et, après avoir admiré la tenue d’Ashtyn, il l’attire contre lui. Ils
s’embrassent,maisfranchement,Falkorselèchelesroubignolesavecplusdepassion.
CHAPITRE20ASHTYN
Landon m’emmène dîner dans un restaurant japonais. On partage notre table avec six
autrespersonnesvenuesfêterunanniversaire.Legroupeestbruyantetcomplètementsoûl.
—TuseraispaslefilsdeCarterMcKnight?demandeunhommedugroupe.
—Etcomment!répondLandonenbombantletorse.
Il devient subitement le centre de l’attention et passe les deux heures du repas à parler
footballaméricainaveceux.Onl’interrogesurlasaisonàvenir,onveutsavoirs’ilsuivrales
tracesdesonpère.
—Jecomptebienfaireuneplusgrandecarrièrequelui.
Sa déclaration récolte les faveurs du groupe ; ils ont en face d’eux un futur champion.
Landonneditpasque,moiaussi,jejoueaufootball.Cesoir,onneparlequedelui.
Laserveusevientrécupérerlesassiettesetils’éclipsepourallerauxtoilettes.
Uneminuteplustard,sontéléphone,qu’ilalaissésurlatable,semetàvibrer.J’enprofite
pourjeterunœilàl’écran.C’estencoreLily...etcettefois,elleluiaenvoyéunephotod’elle
enpetiteculottedevantunmiroir!Ellesecouvrelesseinsavecunbras,tenantévidemment
sonportabledel’autremain,etellesouritàl’objectif.Jedétourneleregard;jeneveuxpas
êtrejalousedesapeaumateetparfaite,deseslongscheveuxnoirsetbrillants,nidesesyeux
exotiquesetsombres.Jemerépètequ’elleestmoche,sansycroire.
Laphotoestaccompagnéed’unmessage:«Tutesouviensdeça?»
Landonmerejointetjeluitendssonportable.
—Tuasreçuuntexto.
Ilvoitl’écrandesontéléphoneetserassoitlentement.
—Cen’estpascequetucrois,Ash.
—Jecroisquec’estunephotodetonexàpoil.
Alors que nos voisins de table écoutent notre conversation, Landon commence à voir
rouge.
—Onpourraitparlerdeçaplustard,non?murmure-t-ilentresesdents.
Mais jeme fichequ’il se tape lahonte.Onpaie l’additionet j’exigequ’ilmeramèneà la
maison.Jeneluilaissepaslechoixetfonceverslaporte.
—Laisse-moit’expliquer,dit-ilunefoisdanslavoiture.
—Fais-toiplaisir, je suissûreque tuasuneexplicationparfaitement logiqueau faitque
Lilyt’envoiedesphotosd’ellenue.
—Cen’estpasdemafaute.Elledoitvouloirqu’onseremetteensemble.
Ilcomprendquejenesuispassatisfaiteparsonargumentetsoupireungrandcoup.
—Tusaisquejedétestelesnanasjalouses,Ash.Iln’yarienentreLilyetmoi.Jet’aime.
Fais-moiconfiance.
Ildémarrelavoitureenévitantmonregard.
JemerappellealorslesmotsdeDerek:«Tusaisqu’ungarssefoutdetagueulelorsqu’il
neteregardepasdanslesyeux.»Qu’ilpuisseavoirraisonmerendencoreplusdingue.
J’enrage tellementque jene remarquepas,avantd’yarriver,queLandonnemeconduit
paschezmoi,maisauClubMystique,qu’iladore.A la frontièreentreFremontetFairfield,
c’estlaboîtelaplusconnueducoin,etilslaissententrerlesgensàpartirdedix-septans.
—J’aipaslatêteàdanser,Landon.
—Onn’estpasobligésdedanser,dit-il,lamainsurmongenou.Onn’aqu’às’installerdans
lecarréVIP.Jeveuxtemontrerquetueslaseulefilledansmavie.Ok?
—Ok.
—Ehbenvoilà!fait-ilenmepinçantlegenou.Fais-moiconfiance.
Ilsegaredevantl’entréeetdonneauvoiturierlesclésetvingtdollarsdepourboire.Ona
beauêtrelundisoir,l’endroitestbondécarunDJplusoumoinscélèbredeLosAngelesest
venumixer. Et puis c’est l’été, les étudiants et les lycéens se croient enweek-end toute la
semaine.
Landongardesonbrasautourdemoialorsquenouscouponslafiled’attenteetavançons
vers la porte VIP. Le videur le reconnaît immédiatement et nous fait signe de passer. La
plupart des jeunes doivent présenter une pièce d’identité pour prouver qu’ils ont bien dix-
septans.Pasnous.
L’endroit est plein à craquer, on a du mal à se déplacer. Le sol vibre sous l’effet de la
musique.Seulsquelques spots sur lapisteoffrentunpeude lumière.Landonmeprend la
main etme conduit en haut des marches jusqu’au carré VIP délimité par des cordes –
n’importequiavecunstatutoudel’argentpeutytrouveruneplaceoùs’asseoiretboirede
l’alcool. On se pose sur un canapé de velours rouge qui surplombe la piste de danse.Une
serveuse enBikini string trop serré et froufrou blanc vient lui demander s’il veut un shot.
Landonouvreuneardoiseetsemblebientropcontentd’êtreserviparcettefille.Ellelèveune
bouteilledetequilaau-dessusdesatêteetilsepencheenarrière,attendantqu’elleluiverse
l’alcooldirectementdanslabouche.Ilsecouelatêteetavaled’unetraite.
—Tuveuxessayer?medemande-t-ilens’essuyantlabouchedureversdelamain.
—Non.
Ilglisseàlafilleunbilletdevingtdollars,troppourunpourboire.Elleleremercieavecun
sourire etun clind’œil appuyé,puis il regarde ses fessesalorsqu’elle s’éloignepour servir
d’autresclients.
—C’estquoitonproblème,Landon?
Il se la joue.Cen’estpas leLandonque jeconnais,celuipourqui j’aides sentiments et
aveclequeljesorsdepuisdesmois.
—Yapasdeproblème,détends-toi,Ash.Regarde,mêmeDereksaitprendredubontemps,
dit-ilenmontrantlasalleenbas.
JesondelafouleetaperçoisDerekquidanseavecBree.Ilssetiennentdosàdos,collés-
serrés.MonikaetTreydansentàcôtéd’euxenriant.Jenepeuxpasm’empêcherdemesentir
isoléeetdem’énerver.Dereknem’appartientpasetjeneprétendsàrienavecluimais,pour
uneraisonouuneautre,j’aidumalàlevoiravecquelqu’un.Pourcouronnerletout,c’estun
excellentdanseurquin’apaspeurdeselâchersurledancefloor.Jemedisaisques’ildevait
connaître une danse, ce serait un truc de cow-boy sur de la musique country. Je ne
m’attendaispasàcequ’ilm’impressionne,enboîte,surdelahouse.
Depuisquandmameilleureamieetsoncopainfont-ilsdessortiesencouplesavecDerek
etBree?J’auraispréféréqu’ilsaillentailleurs,cesoir.LaprésencedeDerekfaitressortirdes
chosesquejepréféreraisgarderenfouies.
Breeseretourneetpassesesbrasautourdesoncou.Ilposesesmainssurseshancheset
ilssebalancentenrythme.J’aienviedepartirpournepasassisteràça.Alafindelachanson,
il lèvelesyeuxetjedétourneleregardpourqu’ilneremarquepasquejel’observe.Jesens
quejepourraismeperdredanssesyeux.
Landonserapprochedemoietmelèchelecou.
—Tusensbon,Ash,mechuchote-t-ilà l’oreilleavantdemesucer le lobeetdeposersa
mainàl’intérieurdemacuisse.Ettuesvraimentsexy!
D’ordinaire,enprivé,quandilessaiedem’exciter,jemelaissefaire.Ici,j’ail’impressionde
medonnerenspectacleetçamanquetotalementd’émotion.
—Ilfautquej’ailleauxtoilettes,jereviens.
J’attrapemonsacàmain,parsm’enfermerdansunecabineetappuielatêtecontrelaporte
pouressayerdemettreunpeud’ordrelà-dedans.
VoirDereketBreeensembleaouvertuneplaiedontj’ignoraisl’existence.Énervée,jetape
contre la porte de la cabine. Ce n’est pas possible ! Pas maintenant, alors que tout
commençaitàs’arranger.Jesuiscapitainedel’équipe.Masœuretmonneveusontderetour
àlamaison,aumoinstemporairement,etDerekestentraindetoutgâcher.
Laréalitémefrappecommeunjoueurdepremièrelignedansunemêlée.Nonseulementil
aenvahimamaison,moncercled’amis,mavie...ilaaussiréussiàpercermoncœur.
J’ai le béguin pour lui et il ne va pas disparaître comme ça. Il faut que je rompe avec
Landon.
Mavieestvraimentsensdessusdessous.
JeretournetrouverLandonetbloqueenlevoyantdiscuteravecMatthewBonkcommesi
c’étaientdeuxvieuxpotes.J’ail’impressiond’êtredansuneautredimension.BonketLandon
sedétestent.Ilssontrivauxsurleterrainetendehors,alorspourquoiest-cequ’ilssourientet
se tapent dans la main ? Bonk devrait être furieux que Landon ait publié des photos
humiliantesdeluisurInternet.
—Aplus,mec!
Bonkluitapedansledoscommesic’étaituncoéquipier.Puiscesaletypemelâcheunrire
mauvaisenpassantdevantmoi.Ondiraitunprédateurprêtàbondir.
—Pourquoiest-cequetuparlaisavecBonk?dis-jeàLandon.
J’aiunehorriblesensationaufonddemoi.Cesdeux-làévoluentdansdeséquipesrivales.
Fairfieldn’ajamaisjouéréglo,quecesoitsurleterrainouendehors,etLandonlesait.Ilsait
aussi que Bonk est du genre à faire des histoires. Je n’ai aucune confiance en ce type.
Personne,cheznous,n’aconfianceenlui.
—Assieds-toi,Ashtyn,m’ordonneLandon.
Jehochelatêteetreculequandilessaiedem’attraperlepoignet.
— Pas avant que tum’expliques pourquoi, Bonk et toi, vous êtes soudain les meilleurs
amisdumonde.
Iltendànouveaulamain,larefermeautourdemonbrasetmeforceàm’asseoiràcôtéde
lui.
—Metapepasunscandale,s’ilteplaît.
Jetentedemelibérer,maisilmeserrecommeunétau.Jenel’aijamaisvucommeça.Il
mefaitpeuretjetressailleensentantsesdoigtsentrerdansmapeau.
— Je me casse de Fremont pour aller à Fairfield, avoue-t-il enfin. Comme je vis à la
frontière entre les deux districts, je peux choisir mon école. Ils m’ont offert la place de
capitaineetj’aiaccepté.
La douleur dans mon bras n’est rien à côté de sa trahison. Je comprends tout,
brusquement.
—Tuasraté l’entraînementparcequ’ont’arecrutéàFairfield,pasparceque tesparents
voulaientquetuassistesàunévénementenfamille.Tum’asmenti!
— Je n’ai pasmenti. J’ai accepté une offre... Comme si changer de campn’avait aucune
importance!
—SiFremontveutquetusoisleurcapitaine,pasdeproblème.
J’essaiederespirernormalement;j’ailatêtequitourne.
—Situnouslâches,luidis-je,ondevrasedébrouilleravecBrandonButter.Onn’arrivera
jamaisauchampionnatd’État.
—Écoute,jedoisfairecequiestbienpourmoi,pascequiferaplaisiràtoutlemonde.
—Pourquoi tum’as invitée à sortir, ce soir ? Pourquoi faire semblant que tout va bien
entrenousalorsquetunousabandonnes,moiettoutel’équipe?Tuasditquetum’aimais.
Çaaussi,c’étaitunmensonge?
Ilhausselesépaules.
CHAPITRE21DEREK
J’essaiedemeconcentrer surBreepournepas regarder lebalconoùLandonest colléà
Ashtyn. Je lutte pour la laisser tranquille,mais ça nemène à rien ; je ne pense qu’à une
chose:monterpouréchangermaplaceaveccegars.
Lasoiréesepassaitpourtantbien...Jusqu’àcequ’ellesepointeavecsoncopain.
Bree se frotte contremoi commesi j’étais sabarrede strip-teaseperso.Elledansebien,
d’ailleurs.Lorsqu’ellem’aproposédeveniravecelle,MonikaetTrey,jemedisaisqueçame
soulageraitdepasserunesoiréesansAshtynmerépétantquejeluigâchelavie.
Mais rien ne se passe comme prévu. Je lève la tête vers le balcon, ne résistant pas à la
tentation,etm’attendsàlavoirblottieconfortablementcontrelui.Pourtant,Ashtynn’apas
l’airheureuse.Landona lesdoigts serrésautourde sonbras.Ondiraitqu’elle essaiede se
libérermaisillatientfermementetnelâchepasprise.Elleal’airpaniquée,contrariée...Elle
tressaillededouleur.Putain!
Je sens la rage et l’adrénaline monter. Je me précipite à travers la foule, puis dans
l’escalier. Hors de question que je le laisse lui faire du mal. Rien à foutre qu’elle m’ait
demandéderesterendehorsdesavie.
Jeregardelegrosvideurquibloquel’entréeducarréVIPdroitdanslesyeux.
— Il y adeuxnanasqui sont en trainde se friter, dis-je enpointant vers le centrede la
pièce.Faudraitinterveniravantqueçanedégénère.
Levideurquittesonposte.Jesautepar-dessuslacordeetcoursverseuxalorsqu’Ashtyn
griffeLandonauvisage.
Illuilâchelebrasettouchesajoueentaillée.Ellesedressedevantlui,grandeetfière,etle
toise avecmépris. Il tourne la tête à gauche, à droite, et s’aperçoit que tout lemonde les
regarde.Ila lahaineet lève lamain,commes’ilallait la frapper,mais jem’interposeavant
qu’iln’aitunechancedelatoucher.
—Tul’effleuresetjetedéfoncebiencommeilfaut.Jemetienslespoingsserréslelongdu
corps,prêtàmebattre.
—Tumecherches?ditLandonenmebousculant.Ilmesondedelatêteauxpieds,comme
sij’étaisunmoinsquerien,etjelebousculeàmontour.
—J’aieuenviedetechercherlapremièrefoisquejet’aivu,mec.
On est au point de non-retour.McKnight ne va certainement pas céder et il est hors de
questionquejelelaisses’enprendreàAshtyn.
—Net’aviseplusjamaisdeposerlamainsurmoi!hurle-t-elle.
Lafoliedanssavoixdétournemonattention,etj’aperçoisunamideBonkl’agripper.Elle
essaiedes’endéfaireenluidonnantdescoupsdepied,maisletypeestdeuxfoispluslarge
qu’elle.
Alorsquej’ailatêtetournée,McKnightmeflanqueuncrochetdudroitdanslamâchoire.
Merde, ça fait mal ! J’avais pourtant appris, au club de boxe de la Régents, qu’il ne faut
jamaisquitterl’adversairedesyeux.
Ilesttempsdem’yremettre...
JefrappeLandond’undirectetm’assurequ’ilestàterreavantderetournerversAshtyn.
Jeme jette sur le garsqui la retient,maisBonk, furieux, et cinqautres garsmebarrent la
route.
—C’estletypequiaprislesphotos,dit-il.
Illancesonpoingversmoi,maisjesuistroprapidepourluietévitelecoup.
Commejem’apprêteàriposter,sesamismetirentenarrière.J’aibeaumedébattre,ilsme
retiennentetBonkenprofitepourenchaînerlescoups.Jemedébatsenvain: ilssonttrop
nombreux,etBonks’endonneàcœurjoie.Jesenslegoûtdusangdansmabouche.
Commentéviterlescoupsavecquatretypesquivousretiennent?J’aidumalàrespireret
commence à tourner de l’œil, quand Trey et plusieurs gars de Fremont se jettent dans la
bagarre. Ilsme libèrentdes typeset semettentà frapper leurs rivaux.C’est le chaossur le
balcon;lescoupspleuvent,malgrélasécuritéquis’efforced’arrêtertoutça.
Je sonde la foule à la recherche d’Ashtyn... Elle a réussi à se libérer ; je l’extirpe de la
batailleetlaconduisàunealcôve.
—Resteici,luidis-jeavantderetourneraiderTreyetlesautres.
J’auraisdûsavoirqu’ellen’allaitpasm’écouter.Enunclind’œil,lavoilàquiagrippelebras
deBonk,surlepointdefrapperVictor.JetireBonkenarrière,espérantqu’elleprennepeur
etretourneàl’abri.
—Tuvasfinirparm’écouter,oui?
Ellehochelatêteetmerépondleplussimplementdumonde:
—Non.
CHAPITRE22ASHTYN
Jesuisanéantie,souslechoc,furieuseetblessée.Maisjenesuispasunedivaetjen’aipas
besoin que Derek vole à mon secours. Je m’apprête à sauter sur le dos d’un joueur de
Fairfieldquandquelqu’unm’attrapepar-derrièreetmejetteausol.
Avantquejenepuissemerelever,Derekestlàpourmehissersurmespieds.Ilalabouche
ensangetlevisagecouvertdecontusions.
—Merde,Ashtyn!Pourquoitunevaspasteplanquer?Acetinstant,d’énormesvideurs
arriventenmassedansl’escalier.
—Laisse-moitranquille,luidis-jeenlerepoussant.
—Causetoujours!Jevaistesortirdelà.
Ilmejettepar-dessussonépauleetjouedesmusclespourpasseràtraverslafoule.
—Lâche-moi,abruti!Jen’aipasbesoindetonaide.Pasderéponse.Ilmeconduitjusqu’à
lasortieetnemeposeàterrequ’unefoisdevantsavoiture.
—Tumontes,maintenant!
J’ouvrelabouchepourprotester;ilm’arrêted’ungestedelamain.
—Nediscutepas.
Je m’assois dans la voiture en ressassant ce qui vient de se passer, tandis que lui va
rejoindrelesgarçonsquisortentàprésentdelaboîte.Vicestravid’êtrearrivéàtempspour
la baston. Bree fait glisser ses doigts sur le visage tuméfié deDerek et fronce ses sourcils
parfaitementdessinésaveccompassion.
—Tutedonnesbeaucouptropdemal,Bree,dis-jeàvoixbasse.
TreyetMonikas’envontdansleurvoitureetDerekouvrelaportièrearrièrepourcellequi
l’accompagne.
—Merci,lanceBreeenseglissantàl’intérieur.OmonDieu,Ashtyn!Tuterendscompte?
CesmecsdeFairfieldsontpaspossibles.JesuisvraimentdésoléepourDerek.Enfin,tuasvu
combiendetypesluisonttombésdessus?
—Jen’aipascompté.
—Ilsétaientaumoinscinq!
Derekmonteàsontourenvoiture.Ilsetientlescôtesetsedéplacelentement.
—Tuvasréussiràconduire?luidis-je.
—Çaira.
—Tuessûr?Parcequetonvisageressembleàunmorceaudeviandecrue.
—Mouais.
Il sort alors du parking tranquillement, comme si la bagarre n’avait jamais eu lieu. Je
regardeBreepasserlebrasàcôtédel’appuie-têteetluicaresserlesépaules,passantdetemps
àautrelesdoigtssoussoncolsansaucunesubtilité.Soudain,iltournelatêteversmoi,mais
jedétourneleregardenfaisantsemblantdevoirquelquechoseparlafenêtre.
Bientôt,ilsegaredansl’alléedeBreeetraccompagnesacavalièrejusqu’àsaporte.
—Nel’embrassepas,dis-jeàvoixbasse.Tusaignesdelalèvre,c’estsaleetpashygiénique.
Et jeneveuxpasqu’elleteplaise.Jet’ensupplie,ne l’embrassepas.Dis-luiaurevoiret
reviens.Reviens.Toutdesuite,ceseraitgénial.
Jesuisincapablededétournerlesyeux.Breeestuneséductriceexpérimentéequimanque
de subtilité.Elle aun corpsparfait, unvisageparfait, des cheveuxparfaits.C’estunepom-
pomgirlultra-fémininequiritbeaucoup.EllemetsesbrasautourducoudeDerek,qui lui
fait brièvement un câlin. Puis elle éclate de rire et pose la main sur son torse. A-t-elle
vraimentbesoindeletouchertouteslesdeuxsecondes?
Je suis tentée de klaxonner,mais il est tard et je doute que le voisinage apprécie d’être
réveillé au milieu de la nuit. Enfin, Bree finit par rentrer chez elle et Derek revient à la
voiture.
—Tuenasmisdutemps...
Ilseglissederrièrelevolantentressaillantdedouleur.
—Tuplaisantes,j’espère?
Messentimentssontdans lemêmeétatquesonvisageet je suis incapablede répondre.
J’aiconscienced’agirdefaçonimmatureet irrationnelle.Envérité, jeneveuxpasqu’ilsoit
avecBree.Jesuis jalouseetvulnérable.Jedoisgérer latrahisondeLandon, lessentiments
quej’éprouvepourDereketlefaitqu’ilenpincecertainementpourBree.
—Breeestvraimentmignonne...
—Ouais.
—Elleteplaît?
—Elleestcool.
Manifestement,iln’apascomprislesensdemaquestion.
Tandisqu’ilsegaredansnotreallée, j’aienviedeluidirecequejeressens.Leproblème,
c’estquejenesaisabsolumentpasparoùcommencer:matêteestprisedansuntourbillon
d’émotionsquin’aaucunsens.Ilmeriraitprobablementaunezets’enfuiraitencourantsije
luidisaisquejenevoulaispaslevoirsortiravecBree.
J’ouvrelabouche,cherchequelquechosedegentilàdire,maisnetrouvequeça:
—J’auraispum’occuperdeLandontouteseule.
Ilessuiesaboucheensanglantéedureversdelamain.
—Situcontinuesàterépéterça,tuvasfinirparycroire.
Ashtyn,dis-luique tuéprouvesdes sentimentspour lui.DisàDerekque levoir se faire
tabasser te fait peur. Dis-lui que tu as envie de le serrer dans tes bras. Dis-lui que tu as
besoindelui.
Jedescends lentementdevoitureet ignore cesvoixquimedictentquoi faire.Parceque
exprimer une ou toutes ces chosesme rendra vulnérable, je le sais, et ouvrira la voie à de
nouvellesblessures.
J’aipresqueatteintlaportelorsqu’ils’écrie:
—Ashtyn,attends.
Jeluitourneledos,maisj’entendslegraviercraquersousseschaussuresàmesurequ’il
approche.Ilfaitsombre,hormisl’éclatdiscretdelapetitelumièrejaunesurnotreperron.
—Tuesunefille,tusais.Ettunepeuxpasgagnertouslescombatsseule.Tujouespeut-
êtreaufootballaméricain,maistunepeuxpascontrerunjoueurdequatre-vingt-dixkilos.
Il me retourne pour inspecter les vilaines marques rouges laissées sur ma peau par
Landon.
—Nitoncopain.
—Cen’estplusmoncopain.
Landon m’a menti et m’a manipulée. Il part à Fairfield à l’automne. C’est fini. Notre
histoire,c’estdugrandn’importequoi.Jenesaispas...peut-êtrequejepourraisleconvaincre
derestersijeluioffraismaplacedecapitaine.Leniveaudenotredivisionestélevéetnous
avons besoin d’un bon quarterback pour capter l’attention des recruteurs. Jeme frotte les
yeuxetpriepourquequelqu’unmedisequetoutvabiensepasser.Maisriennevient.
Derekexpiredoucementalorsqu’ilprendlamesuredecequ’ilvientd’apprendre.
—Vousavezrompu?Jeluifaissignequeoui.
Nous nous tenons à une dizaine de centimètres l’un de l’autre. Ce serait si facile de
combler cette distance . pourtant, personne ne bouge. J’ai envie de tendre le bras pour
toucherdélicatement sa joue enflée.L’espaced’un instant, je ressens sadouleur commesi
c’était lamienne.Quoi qu’il arrive auplusprofonddemoi, cependant, je doisme rappeler
qu’ilnesepasserarienentrenous.C’estlegenredegarçonquivousaime,puiss’envasans
regarderenarrière.Jenepeuxpas...Ildétruiraitlepeud’espoirquej’aidetrouverquelqu’un
pourquij’aiedevraissentiments.J’aisubisuffisammentdetrahisonsenuneseulesoirée.Et
dansmavie.Pasbesoind’enrajouter.
Derekentredanslamaisonetsedirigeverssachambre.
Jeprépareungantde toilette, fouille l’armoireàpharmacieet trouvede laglacedans le
congélateur.Jeleretrouveassissursonlit,entrainderegardersontéléphone.Illèvelatête
versmoi.
—Situesvenuepasserdubontemps,jenesuispasengrandeforme...
—Ducalme,ducalme.Jesuissimplementvenuedésinfectertesplaies.Maintenant,tula
fermesoujem’envais.
—Bien,m’dame.
Ilsepousseaumilieudumatelaspourmefairedelaplace.
Jem’agenouilleprèsdeluietpassedoucementlegantsursonarcadesourcilièrefendue.
J’aibienconsciencequenoussommessurlemêmelitetquedansunautrecontexte...
Non.Jenedoispasdivaguer,medireetsi...Leschosessontcommeellessont.Ilm’abien
faitcomprendrequesebécoterneseraitqu’unjeupourlui,etjeneveuxpasjoueràcejeu-là
aveclui.
Comment cacher mon béguin pour lui alors que je suis en panique totale ? J’essaie
d’empêchermamaindetrembler,maisleboutdemesdoigtscontinuedefrémirlégèrement.
D’habitude, jenesuisaussinerveusequ’aumoment fatidiqued’unmatch,quand ladéfaite
ou la victoire repose sur mes seules épaules, avant un tir. Alors je me redresse pour
déstresseretmefocalisesurmatâche.
—Pourquoitufaistoutça?
Savoixgravem’électriselesveines.
Si je plongeais mon regard dans ses yeux, est-ce qu’il saurait immédiatement ce que
j’éprouve?Ilmeriraitaunezs’ilpouvaitliredansmespensées.Alorsj’évitequenosregards
nesecroisentetmeconcentresursablessureenrépondant:
—Parcequejeneveuxpasqueças’infecte.Nevarient’imaginer,Cow-boy.Jefaisçapour
moiplusquepourtoi.
Je nettoie le sang sur sa lèvre en faisant attention à ne pas lui fairemal. Jamais je ne
m’occupedesblessuresdesgarçonsdemonéquipe.Lorsquel’und’entrenousseblesseouse
coupe, soit on s’en occupe soi-même, soit un entraîneur s’en charge. Là,maintenant,mon
instinct de femmemepousse à le protéger et à le soigner.Une fois tout le sang enlevé, je
tapotesesblessuresavecdel’antibactérien.L’acteaquelquechosedetrèsintime.
—Tutrembles.
—Non, non, dis-je en passant le produit sur sa peau chaude et douce. Je suis énervée,
fatiguée,soûlée.
Etjem’enveuxd’avoirenviequeDerekmetirecontreluietmeserrecontresontorse.Les
fantasmesnecorrespondentjamaisàlaréalité.
Je repose lespiedsau sol et inspectemon travail. Je suis soudainépuiséeet jeme sens
faible, physiquement et émotionnellement. Si Derek me tendait les bras, je me blottirais
contrelui.S’ilmedemandaitcequejeressens,jeleluidirais.
Ils’allongeenretenantsarespiration,signequ’ilsouffre.
—Merci,Ashtyn.
—Jen’aipasfini.Enlèvetachemise,quejeregardetescôtes.
—Sijemedéshabille,tuvasvouloirfaireplusqueregardermescôtes.
Jefaiscommesijen’avaisrienentendu,c’estdevenumaspécialité.Jepointemonvisage
dudoigt:
—Tuvoismatête,là?J’ail’airimpressionnée?
Ilsouritducoindelaboucheenenlevantsachemiseetcontractesespectoraux.
Jeluibâilleaunez,refusantdemontrerlemoindresigned’admiration.Jebloquesurles
marquesrougesquisontentraindeseformersursonflancetsescôtes.Ellesneguériront
pasenunejournée.
—Tuveuxquej’enlèvemonpantalon,aussi?rigole-t-ilenbattantdessourcils.Peut-être
queçagonfle,là-dessous.
Unrienl’amuse...Jeleregardedroitdanslesyeux,glisseundoigtàsaceinture,etplonge
laglacedanssonpantalon.
—Voilà,dis-jeenmelevant.Çadevraitfairel’affaire.
CHAPITRE23DEREK
—Maisqu’est-cequ’ilt’estarrivé?aboieGuslorsquejelecroiseauréveil,surlechemin
destoilettes.
—Jemesuisbattu.
—Jeneveuxpasd’undélinquant,nid’unfauteurdetroubleschezmoi.Brandi!
Savoixrocailleuseserépercutesurlesmursdelamaison.Brandiarrivedelacuisine,un
grosmuffinàlamain.
—Oui,Papa?
Guslancelesbrasenl’air.
—Tonbeau-filss’estbattu.Regarde-le,toutmutilé,ondiraituneracaille.
Décidément, les Parker aiment employer ce mot... Brandi tressaute en découvrant mon
visage.
—MonDieu!Derek,qu’est-cequ’ils’estpassé?
—Rien.Jemesuisbattu,c’esttout.
—Pourquoi?Etavecqui?Onaappelélapolice?Commentes-turentré?Envoiture?
Elle me bombarde de questions alors que j’ai juste envie de pisser et de prendre une
aspirine.
—Cen’estriendegrave.
—Maisnon, cen’estpasgravepour toi, seplaintGus,puisquec’estmoiquivaisdevoir
aligner l’argent si jamais la personne que tu as tabassée décide de porter plainte et de te
traînerenjustice.
—Metraînerenjustice?
Ceseraitlameilleurealorsquec’estmoiquimesuisfaitbotterlecul.Çaneluiviendrait
pasàl’espritdemedemandersimoi,jeneveuxpasporterplainte.
—Tun’aurasrienàaligner,Gus.
—C’estcequetucrois.
Jecroissurtoutquecethommesecomplaîtdanssonmalheuretneveutpasêtreprisdans
les drames familiaux de la famille Parker. Si jeme sentais concerné, je dirais àGus de se
soucierdavantagedesafamillequed’uneplainteéventuellepourunesimplebagarre.
Dans la salle de bains, je jette un œil dans le miroir. Mince ! Ashtyn avait raison. Je
ressemblevraimentàunmorceaudeviandepasséauhachoir.J’aidusangséchésurlalèvre,
lajouenoiretbleuetlescôtesdouloureuses.
Ashtynestvenuedansmachambrelanuitdernièrepoursoignermesblessures.Ellenese
rendaitabsolumentpascomptequejebrûlaisde joueravecellepouressayerd’oubliermes
souffrances. Rien que d’y penser, j’étais excité. Cette fille exerce un vrai pouvoir surmoi.
Lorsqu’elle me regarde, j’ai l’impression d’être un foutu puceau. Non qu’elle me regarde
souvent – la plupart du temps, elle évite tout contact visuel.Me voir la rendmalade, on
dirait.
Ellen’étaitpasimpressionnée?Jemesuismoquéd’elleetdesoncommentaire,maisen
réalitéj’auraisvouluqu’ellereconnaissemoneffetsurelle.Moiaussi,j’étaistroublé.J’avais
vraimentbesoindecetteglacedansmonboxer.Etlàjemedemandetoutseul:
—Maisqu’est-cequetufous?
Jenesuispascensémemêlerdelaviebordéliquedecettefille.J’aidéjàbienassezàgérer
dansmoncoin. Jusqu’àprésent, çam’avaitplutôt réussidenepas tropm’impliquer,nide
tropm’intéresserauxautres.
Ashtyn Parker est dangereuse. De l’extérieur elle semble dure, elle parle et s’habille
commeun garçon lamoitié du temps.Mais il y a l’autremoitié, samoitié vulnérable, peu
sûred’elle,quiportedesvêtementssexypourquel’onsachequ’ilyabienunefemmesous
cettefaçadeabrupte.Jenelacherchepaspourmieuxlarepousser,jelacherchepourpercer
lemurqu’elleaérigéautourd’elle.
Ce matin, je l’ai vue quitter la maison. Tête baissée, elle sortait Falkor pour une
promenade.Si elle continueà semorfondre, çavam’énerver.Ellebroiedunoirà causede
sonconnarddecopain?Ellem’apourtantditqu’ilsavaientrompu.Jepariequ’ilvareveniret
essayerdelaramenerdanssavie.
—Derek,tueslà?
LavoixdeJulianrésonnederrièrelaporte.
J’ouvreet laisseentrer lepetitpère. Il écarquille lesyeuxet restebouchebéeenvoyant
monvisage;ilrecule,même.
—Cen’estpasaussiterriblequeçaenal’air.N’aiepaspeur.
—Tut’esbattu?
—Ouais.
—Jecroisquetuasperdu.
Çamefaitrigoler.
—Ondiraitbien,hein?
Ilmeleconfirme.
—Tuasl’airméchantavectesblessuressurlevisage.C’estPop’quit’aapprisàtebattre?
—Nan.
—Tum’apprendras?
— Ilne fautpasapprendreà sebattre,bonhomme.Commedit tamaman, il vautmieux
utiliserlesmots.
—Maissiquelqu’unmetape?
—Dis-leàunprofouàtamère.
—Maislesautresdirontquejesuisunebalanceetj’auraipasd’amis.
Ilposelesmainssurseshanches.
—Tuveuxpasquejesoisunebalancesansamis,si?Cegossedevraitdeveniravocat,ila
de vrais talentsdenégociateur. Jem’agenouille et tends lespaumesdevant lui, histoirede
satisfairemacuriosité.
—Allez,montre-moidequoituescapable.Lepetitlèvelespoingsettapedansmamain.
—Alors?
—Pasmal.Essaieencore.
Ilrépètelegesteplusieursfois.Jesensqu’ilgagneenassurancecarsescoupsdeviennent
pluspuissantsetcommencentàcoulertoutseuls.
—JeregardaisducatchàlatéléquandMamann’étaitpasdanslachambre.RandylaRage
afaitundoigtàquelqu’un.
—Ilafaitundoigt?
—Onpeutsavoiràquoi tu joues,Derek?demandesoudainBrandiquiapparaîtderrière
Julian.Tuapprendsàmonfilsàsebattreetàêtrevulgaire?
Euh...
Julianseretourne,toutexcité.
—Maman,Derekmemontraitjustecomment...
—Filedanstachambre,Julian.JedoisparleràDerekseuleàseul.
Le gamin veut protester, mais sa mère le pousse hors de la salle de bains. Lorsqu’il a
disparu,ellerejetteseslongscheveuxenarrière.
—Julianétaittoutcontentquandjeluiaiditquetuallaisvivreavecnous.Ilt’appelleson
grandfrèreetteconsidèrecommesonmodèle.
Ellesoupirelentement,signequejevaisavoirdroitàunerévélationlonguementréfléchie.
Voyons,voyons...
—JepensaisfaireensortequeJulianettoisoyezvraimentfrères.
Dequoielleparle?Elles’attendpeut-êtreàcequ’onfasseungenrederituel,quel’onse
coupeetqu’onfrottenosplaiespourdevenirfrèresdesang?
—Écoute,Brandi, çam’ennuiede te l’apprendre,mais quoi que tu fasses, Julian etmoi
n’avonspaslamêmemère.
—Jesais,répond-elleenpenchantlatêtedecôté.Maisjemedisaisqueceseraitsympasi
je,tusais,sijet’adoptaisofficiellement.
—Jenesuispasorphelin.
—Bien sûr. Jemedisais juste que Julian et toi... Tu comprends, si quelque chose nous
arrivait,àtonpèreetmoi...
J’ai compris. Elle ne souhaite pas vraiment devenir ma mère. Il s’agit de Julian. Il est
tempsdemettreuntermeàsesidéesfolles:
—Brandi,Julianestmonpetitfrère.Pointfinal.
—Bien.Dumomentquenoussommessurlamêmelongueurd’onde.Quantàmasœuret
toi...
Ohnon!Brandidoitêtreplusfutéequejenelepensaisetcen’estpasbon.
—Iln’yarienentrenous.Tasœurm’exaspère.Jenepourraisjamaissortiravecunefille
commeelle,mêmesion...
Soudain,Brandiéclatederire.
—Tuplaisantes,j’espère?
Elletentedereprendresarespiration.Ellesetientleventrecommepourempêcherlebébé
detournoyerviolemmenttandisqu’ellerigole.
—OmonDieu!C’esthilarant!Sansvouloirt’offenser,tun’espasdutoutlegenredema
sœur.Jevoulaisjuste...
Elleéclatederireencoreunefoisetfinitmêmepargrognercommeuncochon.
— Je voulais juste... Attends, tu croyais vraiment que j’imaginais quelque chose entre
Ashtynettoi?
Euh...
—Non.C’estquoi,legenredetasœur?Elles’essuielesyeuxetseretientderire.
—Elleaimelestypessérieux,dévoués,droits.Tun’espasdutoutcommeça.
Non, jene suispas commeça.Et aucune filleneme changera, surtoutpasune fillequi
aimelesgarçonssérieux,dévouésetdroits.Ashtynetmoi,çanefonctionnerajamais.
Quandbienmêmej’avaisenviedemeglissersouslesdrapsavecellehiersoir.
CHAPITRE24ASHTYN
AprèsmontouravecFalkor,cematin,jevaisdanslachambredeDerekpourvoircomment
il va.Breeest là, assiseà côtéde lui sur le lit.Commesi cettevisionne suffisaitpasàme
rendremalade,elleluimetdescookiesdanslabouche,telleunemamanoiseaunourrissant
sonoisillon.
—Salut,Ash,s’exclameBreequandelleremarquemaprésence.Jevenaisjustem’assurer
queDerekallaitsurvivre.Jeluiaipréparédescookiesàlacaroubeetaublébio.Tum’avais
ditqu’ilfaisaitattentionàsanourriture.
—C’estvraiment...mignon.
—Jesais,hein?
Elleluitendunautrecookieetilal’airtoutcontent.
—Tuparsàl’entraînement?Amuse-toibien.
Jelessaluedelamainetquittelamaison,conscientequejen’aiaucundroitd’envouloirà
Breed’avoirprismaplacesurlelitetdevouloiryrester.Letruc,c’estqu’ellesecontentede
cequ’on luidonne.SiDerekdevait subitement se lasserde leur relation, ellene seraitpas
anéantie. Elle en pincerait aussitôt pour quelqu’un d’autre. Mes émotions à moi ne
fonctionnent pas de la même façon et je prends conscience, soudain, que Landon et moi
n’avionsplusrienàfaireensemblebienavantnotreséparation.
Landon... Jedois annoncer lanouvelle aux autres. Jen’ai pashâtede le faire,mais il le
faut.
Aubeaumilieudel’échauffement,jerassembleTrey,JetetVictor.Cesontmesunis,mes
coéquipiers, des garçons que je ne veux jamais décevoir.Mais ilsméritent de connaître la
vérité.
—Qu’est-cequ’ilya,Cap’taine?
Jetbranditunebouteilled’eauetlavidedirectementdanssabouche.
S’ilsavaientsuquem’élirecapitainepousseraitLandonàquitterl’équipe,ilsauraientsans
doute votédifféremment. J’aurais dumal à leurdemander ce qu’ils penseraient si j’offrais
monposteàLandonpourlerameneràFremont.
—VoussavezqueLandonvitàlafrontièredeFairfield,n’est-cepas?
Victormetapedansledos.
—Ash,onsaitqu’ilchanged’école.Quoi?
—Vouslesaviez?
Lestroisconfirmentenmêmetemps.
—Depuisquand?
JetetTreyregardentVictor,quiprendlaparole:
—Monpèreaapprisçaceweek-end.Undesassistantsdel’entraîneurestenaffaireavec
luietilluiaannoncélanouvelle.Dieteraussiestaucourant.Disonsqu’onattendaitqu’ilte
l’annoncepournepasavoiràlefairenous-mêmes.
J’ignoresicelafaitd’euxdebonsoudemauvaisamis.
Aupointoùj’ensuis,jenecroisplusenrien,nienpersonne.
Deretouràlamaison,jetrouvemonpèredevantlatélévisiondusalon.
—Papa,ilfautquejeteparledustagedefootball.Ilbaisseleson.
—Aquelsujet?
—Landonetmoiétionscensésallerlà-basavecsavoiture,maisonachangénosplans.Il
vayallerdesoncôté.Jen’aipersonned’autrepourm’accompagneretjesaisquemavoiture
ne tiendrapas lecoup,alors jemedemandaissi,peut-être, tupouvaism’yconduireoume
prêtertavoiture.
J’espèrequ’ilcompatirasuffisammentpourm’aider.
— Impossible,Ashtyn, je travaille. Trouve un autre ami pour t’emmener ou alors n’y va
pas.
Ilremontelesondelatélévisionenconcluant:
—Cetteformationmecoûteunefortune,jeseraisraviderécupérermonargent.
—J’aienvied’yaller,Papa.J’aibesoind’yaller.
—Alorsdébrouille-toi,dit-il lesmains levées.Tusaisceque j’enpense :courirauTexas
dansl’espoird’êtreremarquéepardesrecruteurs,c’estunepertedetemps.Situcroisquetu
vasêtreremarquéeetquetuvasobtenirunebourse...Ilsnerecrutentjamaislesfilles.
—KatieCalhounaétérecrutée.Etc’estunefille.
—KatieCalhoun va probablement se couper ou se blesser dès sa première saison.C’est
moiquiteledis.
JetéléphoneàMonika,maisellepartenclassed’étéetnepeutpasm’aider.J’appelleBree,
maissonagentvientdeluitrouverunrôledansuncourt-métragedontletournagesedéroule
àChicago.Trey,lui,doittravaillerpourfinancersesétudes.Jetdoitresterchezluipouraider
sonpèreàcausedel’ouvertured’unnouveaurestaurantetlepèredeVicmenacecedernier
deluicouperlesvivress’ilquittelaville,c’estsansespoir.
Quatrejoursplustard,jebatailletoujourspourtrouverunesolutionquandonfrappeàla
portedemachambre.
—C’estDerek,ouvre.Ilal’airsurlesnerfs.
—Qu’est-cequinevapas?
—Toi.
—Quoimoi?
Iljettelesbrasenl’air.
— Ce n’est plus drôle de vivre avec toi. Où est passée la fille qui se moquait de mes
smoothiesetquimetraitaitderacaille?Oùestpassée la fillequibâille lorsque j’enlève le
hautalorsqu’elleestdansmonlit?
—Jen’étaispasdanstonlit.Jesoignaistesblessures.
—Allez, franchement, on installe un truc entre nous et tu brises tout.Qu’est-cequ’il se
passe?
—Tuesénervéparcequ’onnes’engueuleplus?
Je suis complètementperdue.Qu’est-ce qu’il en a à faire que je fasse attention à lui ou
pas?Onsedisputeenpermanence,alorspourquoienfairetouteunehistoire?Ilapasséson
tempsavecBree,cettesemaine,tandisquemoijetraîneenpleinedéprime.
—Tuterendscompte,aumoins,que jepromènetonsatanéchientous les joursetqu’il
dortdansmachambre?Sérieusement,Ashtyn,jepariemacouillegauchequetun’asmême
pasremarquéquejel’avaisrebaptiséDuke.
—Tacouillegauche?Pourquoipas ladroite?Lesmecs,vouspariez toujours lagauche,
jamaisladroite.Onpeutsavoirpourquoi?
—Parcequechezlesgarçons,ladroiteestladominante,alorsparierlagauche,c’estsans
danger.Maintenant,nechangepasdesujetetrépondsàmaquestion.
Je n’ai jamais rien entendu de plus ridicule. J’essaie de me contenir, mais un rire
m’échappe.
—Tucroisvraimentquetacouilledroiteestladominante?Tuplaisantes,j’espère?
Ilrestetrèssérieux.
—Répondsàmaquestion.Jelèvelesmainsenl’air.
—Fiche-moilapaix,Derek.Jen’aipasledroitdedéprimer?
—Acausedequoi?
Detoi.Dufootballaméricain.Detout.Jevoudraisluidirelavéritémaisaulieudeça:
—Cenesontpastesoignons.
— Très bien. Ça fait des jours que Landon et toi avez rompu, dit-il d’une voix agitée et
irritée.Secoue-toiunebonnefoispourtoutes,c’estsoûlantàlafin.
—Etsijemesecouaisquandtuauraslulalettredetagrand-mère?
Avecça,ildevraitmeficherlapaixetpenseràautrechosependantquelquetemps...Derek
faitvolte-faceetdescendl’escalier.
—Tu ne vas pas t’en tirer aussi facilement, dis-je en lui emboîtant le pas. Avecmoi, tu
cherches juste unedistractionpournepas penser à cette lettre.Mais, en réalité, tumeurs
d’enviedelalire,n’est-cepas?
—Absolumentpas.
Jen’aipasdutoutpenséàcettelettreniàmagrand-mère.
—Menteur.Tuaimeslesdéfis?Jet’enoffreun.DerekmanquetrébuchersurFalkoren
allantverssachambre.
—Jet’interdisdeparlerdemagrand-mèreoudecettelettre.Surcecoup-là,Ashtyn,jene
plaisantepas.Tuignorestotalementcedontcettefemmeestcapable.
—Aurais-tupeurd’unevieilledame?
—Jen’aipaspeur.
Ilritpoursauverlesapparences,maisjen’ycroispasuneseuleseconde.
—Tufaissemblant.Elleveutquetuvienneslavoiravantdemourir,Derek.Ilfautquetuy
ailles.Ellesaitqu’elleacommisdeserreurs.
—At’entendre,oncroiraitquetulaconnais.
Il ouvre la boîte de cookies à la caroube préparés par Bree. Il en avale un et grimace,
commes’ilavaitungoûtdeterre.
—Tune sais riende cette vieillepeau.Tu lisune lettre et tu croisque c’estunepauvre
vieillefemmemourantequiméritequ’onluiaccordeunedernièrevolonté.Jel’emmerde!
—Engros, tuesentraindedirequeçaneteposepasdeproblèmed’ignorer ladernière
volontéd’unevieillefemme?Vraiment,Derek,tuessanscœur.
— Tu en veux un ? demande-t-il en me tendant la boîte. Je te préviens, on dirait un
mélangedeboueetdecarton.
—N’essaiepasdechangerdesujet,s’ilteplaît.
Lalettredesagrand-mèrem’afaitpleurer.J’aimeraisqu’unmembredemafamilleveuille
passerdutempsavecmoicommesagrand-mèreveutpasserdutempsaveclui.
Àprésent,noussommesdanslebureauetDereks’efforced’ignorerl’enveloppequitrône
surundescartons.C’estmoiquil’aimiselà,ilfautqu’illisecettelettre.
—Quand je t’aidit que je voulaisque tu redeviennes commeavant, jeneparlaispasde
l’Ashtynquimesoûle.Jeparlaisde l’Ashtynqui sépare sesSkittles,me fourredesglaçons
danslefrocetneregrettepassonabrutidecopain...
—Pourtagouverne,jeneregrettepasLandon.Illèvelesyeuxauciel.
—Continuedetevoilerlaface,Ashtyn.
—Situm’interdisdeparlerdetagrand-mère,jet’interdisdeparlerdeLandon.
Jen’aipasenviedeluidirequeLandonjoueàFairfieldpoursevengerdemescoéquipiers.
—Ok.
—Bien.Maistudoisquandmêmelirecettelettre.Enpartant,jel’entendscrier:
—EtLandonestquandmêmeunabruti!
CHAPITRE25DEREK
Jerefermelaporteetregardel’enveloppe.Hiermatin,j’étaistentédelalire,delabrûleret
neplusjamaisyrepenser.Jen’airienfait.
Non, je l’ai fixéependantuneéternité.SiAshtyninsistepourque je lise la lettre,Falkor,
lui,s’enfiche,ilmeregardeànerienfaire.
—Falkor,attrape!
Jeluijettel’enveloppecommeunFrisbeeetillaregardeatterriràquelquescentimètresde
sespattesétirées.Cedoitêtrelechienleplusinutiledumonde.
Ashtynpensequej’aipeurdelirecettelettre.Maisc’estfaux.
J’avais peur à l’idée de perdremamère. Le jour où ellem’a fait asseoir etm’a annoncé
qu’elleavaituncancer,j’aieupeur.Etj’aieupeurchaquejourquiasuivi.Lorsquesesbilans
sanguinsétaientmauvais,jepensaisquec’étaitlafin.Lorsqu’elletournaitdel’œilouavaitla
nausée à cause de la chimio, je paniquais. Lorsqu’elle perdait ses cheveux et paraissait
vulnérable,jemesentaisimpuissant.
Lorsque je tenais samain frêle à l’hôpital, qu’elle n’était plus que l’ombre d’elle-même,
j’étaisanéanti.
Maisjen’aiabsolumentpaspeurdelirelalettred’uneétrangèrequisetrouvesimplement
êtremagrand-mère.
Alorsfais-le,qu’onenfinisse.
Je ramasse le pli et l’ouvre enm’asseyant surmon lit. La lettre est écrite sur unpapier
cartonnéroseépaisauxinitialesdemagrand-mèreenlettresdorées.Ils’endégageuneodeur
deparfumdefemme.
Pour qu’enfin Ashtyn arrête deme soûler avec ça, et seulement pour cette raison, je la
déplieetcommenceàlire:
MontrèscherDerek,
Jet’écriscettelettrelecœurlourd.J’aivulemédecinetjeréfléchisàprésentauxerreurs
que j’aicommisesdansmavie. Ilyacertaineschosesque jedoisrépareravantdemourir
bientôt.Puisquetuesmonseuletuniquepetit-fils,ilestimpératifquenousnousretrouvions
aprèsmontraitementle20juinprochain.
Je formule ici ma dernière volonté. Il y a certaines choses que tu ignores, que tu dois
savoir,illeFAUT.
Avecmonamourétemel,
ElizabethWorthington(tagrand-mère)
Ashtynavait raison,elleestmourante.Elleneditpasprécisémentquelleestsamaladie.
Est-ceuncancerdupoumon,commemamère,quiavaitchopéçasansavoirjamaisfumé–à
croire que l’hérédité et l’environnement étaient seuls responsables... ? Ou un cancer du
pancréas–condamnationàmortpourtoutpatientdiagnostiqué?Ouunehorriblemaladie
débilitantetroppénibleàévoquer?
Merde,jesuisincapabledepenseràautrechose,maintenant.
N’importequeladoauraitcertainementdéjàembarquédansunavion,à l’heurequ’ilest,
se précipitant aux côtés de sa mamie souffrante. Mais Elizabeth Worthington n’est pas
n’importe quelle grand-mère, elle qui pense faire l’admiration de tous par son seul statut
social.Elledoitserendrecompte,maintenant,qu’ellen’apaslesangbleu,etquelasanténe
s’achètepas.
Jerelislalettredeuxfoisavantdelarangerdanssonenveloppeetdetenterdel’oublier.
J’aimeraisnel’avoirjamaislue.Toutestdelafauted’Ashtyn.Sanselle,jen’auraispasàme
sentircoupable.Jedoism’aérerl’esprit,oujevaiscogitertoutelanuit.
Uneseulepersonneestcapabledemefaireoubliercettelettre.
Ashtynestdevantsonordinateurportable,danssachambre –mursrosesrecouvertsde
fleurspeintes, petit colibri enpeluche sur son lit.Au-dessusdubureau sont accrochésdes
postersdesChicagoBearsetunephotograndformatd’unecertaineKatieCalhounenmaillot
defootballdel’équipeduTexas.
—C’estvraimentunechambredefille.Rienqu’enentrant, j’aimontauxdetestostérone
quidescendenchutelibre.
Elledécollelatêtedesonordinateur.
—Tuplaisantes,j’espère?
—Presque.
Jemeraclelagorgeetm’appuiecontresacommode.
—Jevenaissimplementtedired’êtreprêteàseptheurescesoir.
—Pourquoi?
—Tuasperduunpari,tut’ensouviens?
—Ouais,enfin, jen’aipasàhonorerceparipuisquetuprétendaisque la lettreétaitune
invitationàrejoindrel’équipeolympiquedetrampolinesynchronisé.Tuasmenti.
— Ça ne change rien. Tu as dit qu’il n’existait pas d’équipe olympique de trampoline
synchroniséetj’aipariélecontraire.C’étaitclairetnet,Ashtyn:tuasperdu.Etc’estlegrand
CHAPITRE26ASHTYN
Jeresteassisedansmachambreàregarderl’heure.Dix-huitheurestrente.Jen’avaispas
enviedesatisfaireDerekenallantàcerendez-vousquin’enestpasun,maisjeneveuxpas
qu’ilme croie incapabled’honorermapartdumarché. Il s’attendpeut-être à ceque jeme
pomponne,maisilvavitedéchanter.
Jedoisavoirdespochessouslesyeuxetunairaffreux–jen’aipasbeaucoupdormicette
nuit–,c’estparfait.Déterminéeàallerjusqu’aubout,jepiétinejusqu’àlasalledebainspour
prendreunélastiqueetm’attacher les cheveux, et je tombe surDereken trainde se raser,
uneserviettenouéeautourdelataille.
—Tun’avaispasfermélaporte.
Jemecouvrelesyeuxaveclamainpournepasvoirsoncorpsàmoitiénu,tellementbeau
queçaendevientridicule.
—Tumetsvraimentçacesoir,Sucred’orge?UnjoggingetunT-shirt?
—Oui,luidis-je,lamaintoujoursplaquéesurlesyeux.Jel’entendsrincersonrasoir.
—Sexy...
—Jenecherchepasàêtresexy.
—Ashtyn,regarde-moi.
—Pourquoi?
Noussommessiprèsl’undel’autrequejesenscommeunpicotementdansmonventre.
J’essaiedemaintenirunecertainedistance,quoiquejen’enaiepasdutoutenvie.
—Tudevraisremontertaserviette,elleestentraindeglisser.
—Elleneglisserapassitunetirespasdessus.
—Danstesrêves,dis-jeenretirantmamain.Jecroisquetuasunproblèmed’ego.
—D’ego?
Ilpenchelatêtedecôtéetricane.
—Onluidira.
—Derek,dis-jeavecunevoixféminineetdouce,reconnaîtresonproblème,c’estlepremier
pasverslaguérison.
—Jedispasquej’aipasdeproblèmesmaismonego,lui,seportetrèsbien.Jesuiscontent
quetusoisredevenuetoi-même.Tuveuxresterlààmeregardermeraser?Çameva.
—Jen’aipasenviedeteregarder.Jesuisvenuechercherunélastique.
Je passemonbras à côté de lui et en sors undu tiroir. L’odeur de sa peau fraîchement
lavéemêlée à sonparfuméveillemes sens. J’aurais préféréqu’il neprennepasdedouche
commes’ilsepréparaitàunvéritablerendez-vous.Ils’agitjusted’honorerunpari.
—Tumedonnesun indice surcequ’onva faire?Commeça, jepourraimepréparerau
pire...
—Tun’aimespaslessurprises?
J’aiétésurprised’apprendrequemesparentsallaientdivorcer.J’aiétésurpriselorsquema
mèreafaitsesvalisesetnousaquittés.J’aiétésurpriselorsqueBrandis’estvolatiliséeavec
Nick.Alorsjelefixeavectoutlesérieuxdumonde.
—Pas.Du.Tout.
Illèveunsourcilavecunsourireespiègle.
—C’estvraimentdommage.Moi,j’adorelessurprises.
Jefermelaporteetretournedansmachambreenattendantqu’ilsoitpiledix-neufheures
pourdescendreetallerànotrerendez-vousquin’enestpasun.
Dixminutesplustard,donc,jetombesurmasœuretJulianquijouentauxcartesdansle
salon. Derek est probablement dans sa chambre, à chercher le moyen de me torturer. Il
ignorecequejeressenspourluietnedoitpassavoir.Jevaisavoirdumalàluicachermes
sentiments.Pourcommencer,jevaisdevoirsaboternotresoirée.
—Derekm’aapprisquevoussortiez,ditBrandi.C’esttropsympaquevousvousentendiez
bien.Ondiraitquevoustournezunepage.Jesuiscontente.
—Mouais.
—Qu’est-cequetuvasmettre?demandemasœurtoutexcitée.
—Ça,dis-jeenmontrantmonsurvêt.
—Ah...Tuneveuxpasm’emprunterdesfringues?
—Non,ça ira trèsbien.C’estconfortable.Visiblement,unhabitconfortablen’estpasun
habitdigned’unsamedisoir,àsesyeux.
—Essaie quelque chose d’autre.Ne cherche pas forcément le confort, surtout si tu sors
avecungarçon.
—Onneparlepasd’ungarçon,onparledeDerek.
—T’esprête?demande-t-ilalorsenentrantdanslapièce.
Ilporteunjeanetunechemisequejen’avaisjamaisvue.Etunepairedebottesdecow-
boy.Ilestrasédeprèsetsescheveuxsontencoremouillés.Ondiraitqu’ilserendàunvrai
rendez-vous.Jedoisluifairecomprendrequecettesoiréen’arien...d’officiel.
Jejetteunœilàmontéléphone.
—Ok,ilestseptheurescinq.Oùest-cequ’onvaetquandest-cequ’onrentre?
JemetsmesbottinesàfourrurequifontrigolerDereketeffraientmasœur.
—Jet’aiditquec’étaitunesurprise,dit-ilenbrandissantsesclésdevoiture.Onestpartis!
— Je dois être rentrée pour vingt-deuxheures, je précise alors quenous commençons à
rouler.
—Tuesvachementcanondanscesurvêt.
—Merci.Onvaoù?
—Ettescheveux,tuasdûmettreuntempsfouàobtenircerésultat!
C’est sûr qu’il m’a fallu un certain temps pour faire un chignon bordélique avec des
mèchessortantdetouslescôtés.
—Tuasditqu’onallaitoù?
—Jen’airiendit.
Ils’engagealorssurl’autoroute,directionChicago.
—Pourquoiest-cequetujouesaufootballaméricain?demande-t-ilauboutd’unmoment.
Jeconnaisunpaquetde fillesquiaimentcesport,maisellesdeviennentsoitgroupies,soit
pom-pomgirls.Ellesnejouentpas.
—Tunepourraispascomprendre,tuasarrêtédejouer.
—Distoujours.
Jerefused’aborddeluiparler,maisvoyantsonvisagesisérieux,jefinisparcéder.
—Jeregardaistoujourslefootballaméricainavecmonpère.Tuasdût’apercevoirqu’ilest
plutôt...difficileàaborder.Iln’apastoujoursétécommeça.Autrefois,cesportnousliaittous
lesdeux.Ilétaitkickerpourl’équipedeFremont.
—Tuasvoulujouerpourattirersonattention.
—Çan’apasmarché,dis-jeenhaussantlesépaules,maistantpis.J’étaisdouéeetçame
permettait d’échapper à toutes les emmerdes quime tombaient dessus. Tu dois trouver ça
idiot.
—Jenetrouvepasçaidiot,Ashtyn.Pasuneseuleseconde...
Aprèsuninstantdesilence,ilembraie:
—Tonpèrepasseàcôtédebeaucoupdechoses.
C’estlapremièrepersonneàmeledire.Jenerépondspascarjesensleslarmesmonteret
je ne peux plus parler. Je souhaitais quemon pèreme regarde jouer, qu’il soit fier que je
suivesestraces.Maisilnemevoitpas.
DerekfinitpargarersavoituredevantunétablissementappeléleJumpin’Jack.
—Qu’est-cequ’onficheici,Derek?
Nouspénétronsàl’intérieurd’ungigantesquegymnaseremplidetrampolines.Ungarset
unefilleportantlemêmejustaucorpsrougenoussaluentàl’entrée.
—BienvenueauJumpin’Jack!Jem’appelleJacketvoicimapartenaire,Gretchen.Vous
devezêtreDereketAshtyn?
Derekluiserrelamain.
—Ouais.Mercidenousaccueilliràladernièreminute.
—Tout le plaisir est pour nous. Ashtyn ira avecGretchen dans le vestiaire des filles, et
nousdansceluidesgarçons.
J’aivudesvidéosdetrampolinesynchroniséetj’ailaterriblesensationque,cettefois,je
nevaispasêtresimplespectatrice.JetapeDerekdansledos.
—Rassure-moi...Nousn’allonspasfairecequejecroisquenousallonsfaire?
Ilmefaitunclind’œil.
—Mamèredisaittoujoursqu’enétantimprévisible,onnes’ennuiejamais.
Je n’ai pas envie d’être imprévisible. L’imprévu, c’est irréfléchi et dangereux. L’imprévu
mène à l’inconnu. Je croyais Landon prévisible et c’était tout le contraire. Derek, lui, est
imprévisible, je le sais. Je n’ai pas envie de tomber dans sa toile, cela se terminerait
forcémentendésastre.
Contre toute logique, je suisGretchen etme retrouve au vestiaire face à un justaucorps
bleupétantpendudansuncasier.Gretchen,qui tiendraitdansun troude souris tellement
elleestfine,meditavecunfortaccentrusse:
—Habille-toietretrouve-moidanslasalle.
Unefoisseule, jescruteleLycrableuetmedemande:quellehorriblechosej’aipufaire
dansmaviepourmériterça?
CHAPITRE27DEREK
Qu’est-cequej’ail’aircon!Enmedécouvrantdanslemiroirdestoilettes,j’aienviedefaire
marche arrière. Je suis coincé dans un justaucorps moulant, certainement conçu par des
femmesquin’yconnaissentrienentuyauteriemasculine;lecontourdemonsexeestonne
peutplusvoyant.J’aidéjà faitdu trampoline,mais jamaisde trampolinesynchronisé,et je
comprendspourquoi...Moiquicroyaisqu’uncoursparticulieravecdeuxprosseraitmarrant,
décalé...Mevoilàdansdebeauxdraps.
—Onyva,Derek!s’écrieJackdel’autrecôtédelaporte.
Quand j’arrive dans le gymnase, Ashtyn est debout sur le trampoline central dans un
justaucorpsmoulantidentiqueaumienquinelaisseaucuneplaceàl’imagination.
Sonregarddescendlelongdemoncorpsetelleéclatederire.
—OmonDieu...Derek...
—N’enrajoutepas,tuveux?J’aidéjàl’impressiond’êtreàpoil.
Ellecroiselesbrassursapoitrined’ungestebrusqueens’apercevantquejenesuispasle
seulàm’exhiber.
—Prenez-vouslamain,s’exclameGretchen.
—Onnesautepassurdestrampolinesséparés?jem’étonne.
J’aivisionnédesvidéossurInternet.Onestcenséssautersurdeuxtrampolinesdifférents.
— Il faut d’abord que vous trouviez et sentiez le rythme de l’autre, explique notre
professeur.
J’offredoncmesmainsàAshtyn,qui inspireprofondémentavantd’yglisser lessiennes.
Son contact me fait comme une décharge électrique et j’essaie de voir si elle a la même
sensation.Manifestementnon,puisqu’elledétournelesyeux;ellepréféreraitêtren’importe
oùailleursqu’ici.
—Allez-y,sautez!ordonneJack.
Ashtyntentederesterdroitemaispartàlarenverseetjemanqueluitomberdessus.
—Désolé,dis-jeenmarmonnant.
Noussommesbeaucoupplusprèsquejenevoudraisetçameperturbe.Cettesoiréeétait
censéemefaireoubliermagrand-mère.Ondevaits’amuser.Jemeseraismoquéd’elleetdu
fauxrendez-vousdanslequeljel’aipiégée.
Ashtynserelèveetm’offresesmainspourqu’onrefasseunetentative.
—C’estridicule.Tut’enrendscompte,n’est-cepas?
— Essaie de suivre mon rythme, lui dis-je avec un clin d’œil pour tenter de détendre
l’atmosphère.
—Vatefaire...,répond-elleavecungentilsourire.Elleessaiealorsd’enleversesmainsdes
miennes,maisjelestiensfermementetcontinuedesauter.
—Sentezl’énergiedevotrepartenaire,expliqueJack.
Neluttezpascontreelle.Prenez-la,imitez-la,jusqu’ànefaireplusqu’un.
—Laprochainefoisqu’onsort,rappelle-moideprévoirunsoutifdesport,marmonnema
partenaire.
J’essaiedecontenirunsourire.
—Tupensesdéjààlaprochainefois?
—Non.Jedisaisjuste...Oubliecequejevoulaisdireetconcentre-toi.
—Tuesmignonnequandtutemetsàbaliser,Sucred’orge.
—Jenebalisepas.
—Benvoyons!Tuaslespaumesmoiteset...
—Concentrez-vous!hurleGretchen.
Quinzeminutesencoreetnoussommesprêtsànousséparerpourtesterdestrampolines
côteàcôte.Achaquesaut,Ashtynsembledeplusenplusdétendue.Onafinipartrouverle
trucet elle commencemêmeà sourire lorsqu’on sedécale.Nosprofesseursprennent cette
histoire beaucoup trop au sérieux.Gretchen se fâche chaque fois que nous parlons, ce qui
nousfaitrire.
—Lorsquevoussautezensemble,explique-t-elleaprèsqueJacknousamontréquelques
figures, vos corps et vos esprits deviennentune seule etmêmeentité.Commequandvous
faitesl’amour.
Nosregardsse figent.Jem’imaginedans l’intimitéavecAshtyn.Ellemeregarderaitavec
sesyeuxsiexpressifsetseslèvrespleines.J’aborderaisleschosesdoucement,poursavourer
chaqueinstant,puisjelalaisseraischoisirsonrythme.Est-cequ’ellelaisseraitenfintomber
sonarmure?
Mince,jedevraisarrêterdepenseràçaavantquetoutlemondedanslegymnasenesache
les idées dingues quimepassent par la tête. SiAshtyn savait ce que j’ai à l’esprit, elleme
mettraitcertainementuncoupdanslesparties...Jemerépètequejedoisêtrefrustréparce
quejen’aipastouchéunefilledepuisdesmois.Jedoism’enoccuper,maispasavecunefille
commeelle.Elleestfaitepourdesgarçonsquisouhaitents’engager.Moi,jesuisfaitpourdes
fillesquicherchentdubontemps.Onabeauêtresynchrones,ici,enmatièredesentiments
ons’accordecommelefeuetlaglace.
Alafindel’heure,etaprèsunephotonousimmortalisantdansnostenuescolorées,nous
savons sauter et exécuterquelques figures ensemble.Gretchen et Jack sont impressionnés
parnosprogrèsetnousinvitentàrevenirbientôtpourunnouveaucours.
Danslavoiture,Ashtynetmoirestonssilencieuxtandisquejenousconduisaurestaurant.
Jepersisteàessayerdemeconvaincrequejenesuispasattiréparelle.Pasvraiment.
—Cetrampolineétaitvraimentuneidéestupide,s’écrie-t-ellesoudain.
Avecsonjogging,onladiraitprêtepouruneséancedemuscuplutôtquepourundîneren
ville.
—Çat’aplu,avoue.
Ellesetournesursonsiègeetregardeparlafenêtre.
—Jen’avoueriendutout.Maintenant,ramène-moiàlamaisonquejepuissemegoinfrer.
J’aifaim!
—Justement,jet’emmènedîner.
J’entresurleparkingdeWhiteFenceFarm,àRomeoville.
—LeWhiteFenceFarm?
—Ilparaîtqu’ilsserventlemeilleurpouletdumonde,avecduvraipouletdedans.Rienà
voiraveclabouffecongeléequetasœurréchauffetouslessoirs.
—Jeterappellequej’aimebiencettebouffecongelée.
Ilyauneheured’attentepourobtenirnotre table,alorsAshtynsepromènedans lepetit
muséeàl’intérieurdurestaurant.Elleadmireunedesvoituresanciennesderrièreunevitrine
quand,toutàcoup,untypesuantetsoufflant,visiblementenchasse,s’approched’elle.Illui
ditquelquechosed’inaudiblepuisilsouritenentendantsaréponse.
— Qu’est-ce qu’il se passe, ici ? dis-je au type en passant le bras autour des épaules
d’Ashtyn.
Ilcomprendlesignalets’enva.
—Qu’est-cequetufais?Peut-êtrequ’ilétaitsimplementgentil...
—Jenecroispas,non.
Ellesefaufileàtraverslemuséebondéetretourneàlaréception.Ons’assoitenfinenface
d’ungroupedegarçonsauxcouleursdulycéedeRomeovilleetelleresteunmomentmuette,
l’airgêné.
—Tuvasfinirparparler?
Ellenelèvepaslesyeuxdupouletdessinésursonassiette.
—Jen’enaipasenvie.
—Ehben,heureusementquecen’estpasunrendez-vous.Sinon,ceseraitvraimentraté.
Elleouvrelabouchepourprotesterquandlaserveuse,quis’appelleTracie,débarquepour
prendrenotrecommande.
—Nosaccompagnementssontàvolonté,alorsn’hésitezpas,dit-elleavecunsourireavant
de se pencherpournousmurmurer quelque chosede fondamental :Nosbeignets demaïs
sontàsedamner.
—C’est parfait, lui dis-je. Parce quema copine, ici présente, est à se damner, elle aussi.
N’est-cepas,Sucred’orge?
Ashtynsecouelatêteetmedonneuncoupdepiedsouslatable.Tracie,gênée,enprofite
pourpartir.
—Dieu soit loué, ce n’est pas un vrai rendez-vous, enchaîne Ashtyn. Si c’était le cas, je
seraisdéjàdansuntaxipourFremont.
—Sic’étaitunvrairendez-vous,onseraitdéjààl’arrièredelavoituresansnosvêtements.
—Berk!Tuveuxparier?
Jeluifaisungrandsourire,maisellelèvelamain.
—Oubliecequejeviensdedire.
CHAPITRE28ASHTYN
HeureusementquelestypesdeRomeovillenem’ontpasreconnue.Onajouécontreeux
cetteannéeetonlesabattus21à20danslepremiertourdeséliminatoires.Unebagarrea
éclatéentrelesjoueursaprèsmontir,quinousaassurélavictoire.Lapoliceadûintervenir
pourymettreunterme.Derekagitelamaindevantmonvisage.
—Arrêtederegarderlesautresgarçonslorsquetuesavecmoi.
—Jeneregardepaslesautresgarçons.
—Jenesuispasidiot,Ashtyn.Touteslesdeuxsecondes,tujettesunœilverslesjoueurs
defootballassisàlatablederrièremoi.Tuenpincespourlesathlètes,çanefaitaucundoute.
—Cen’estpasça.Cesont...nosrivaux.J’espèrequ’ilsnevontpasmereconnaître.
—Alorsarrêtedelesmateretconcentre-toisurnotrerendez-vous.
—Cen’enestpasun.
—Soisgentilleetfaiscommeci.
—QuediraitBreesielleapprenaitqu’onsortensemble?
Ilsemetàrire.
—Bree?Ellecherchejusteàs’amuser.Riendesérieux.
Jeneveuxpassavoiràquelpointils’estamuséavecelle.Jen’aimepaslesgarçonsquise
considèrent comme un cadeau du ciel fait aux filles et dont le seul but est de caresser un
maximumdepoitrines –engrostoutleportaitdeDerekFitzpatrick.Alorspourquoiest-ce
quejemesensbienaveclui,àessayerdejouerauplusmalin?Ilfaitdesblaguesstupideset
neprendjamaisrienausérieux,surtoutconcernantlesfilles.Franchement,quiauraitl’idée
d’inviterunefillefairedutrampolinesynchronisé?
Laserveuseapportenosbeignetsdemaïsempilésdansunpetitbolblancencéramiqueet
j’engoûteun,quifondavecdouceurdansmabouche.Tracieavaitraison:àsedamner.
Je les avale les uns après les autres tandis que Derek m’observe de ses yeux bleu
électrique.
—Ilfautquetuengoûtesun,luidis-je.Lorsquej’aiterminédedévorerlapremièreration.
Tracieenapporteuneseconde.
—Non,merci.
—Ilssontincroyables,Derek.Vraiment.
—Jevoisça.
Jemepencheau-dessusdelatableetluitendsunbeignet.
—Vas-y.C’estcommeunbonbon.
Ilscrutelebeignet,puismoi.
—Toi,mange.
Puisquec’estpeineperdue,jelefourredansmabouche.
Cela ne servirait à rien de gâcher un si bon beignet pour quelqu’un qui ne saurait pas
l’apprécier.
Tracie apporte la suite. Derek se sert aussitôt un morceau de poulet et pousse un
gémissement:
—Voilà,çac’estdupoulet!
Jem’étonnequ’ilaimeautantlepoulet.Lorsquej’aileventreplein,ilattrapel’ailerestée
dansmon assiette. Çame rappelle Trey etMonika qui partagent toujours leur nourriture.
Landonetmoinepartagionsjamais.
D’accord,jel’avoue,cettesoiréeressemblefinalementbienàunrendez-vous.Quandnous
étionsmaindans lamain, sur le trampoline, j’étais incapablede le regarderdans les yeux.
Mon cœur s’est affolé lorsqu’il a faillime tomber dessus – son corps si près dumien. Et
lorsque nous sautions ensemble, j’ai senti une vraie connexion. Quelque chose
d’authentique.J’aibienconsciencequec’estridicule,etjesuiscertainequ’ilsemarreraitsije
lui en parlais,mais je pouvais sentir lemoment où il allait sauter sans avoir besoin de le
regarder.
A la findudîner, ilnous ramèneà lamaison.Alorsqu’il segaredans l’allée, je fuis son
regardpournepasêtretentéedel’embrasser.
—C’étaitvraiment...unesoiréeintéressante.
Je n’ai pas envie qu’il sache que pour la première fois depuis longtemps, j’ai laisséma
déprimeauplacard.Jesuisextrêmementconfuseetémotive,et jeneveuxrienfairequeje
pourraisregretter.J’ouvrelaportière,maisDerekm’empêchedesortir.
—Attends!Jevoulaistedonnerquelquechose...
Ilétirelebrasverslabanquettearrièreetattrapeunballon.
— Tiens. Il est signé par les Cowboys de Dallas de 1992. Il y a même l’autographe
d’Aikman.
Mesdoigtsparcourentlessignatures.J’aientrelesmainsunvéritablemorceaud’histoire
duTexas.
—Commenttul’astrouvé?
—Ma grand-mère me l’avait envoyé pour mon anniversaire, il y a longtemps, dit-il en
haussantlesépaules.
—Ilestvraimentsuperbe,Derek.Tudevraislegarder.
—J’aienviequ’ilsoitàtoi.
Jeleserrefortdansmesbras.
—Merci,Cow-boy.
Jecomptemedétachertoutdesuite,mais lorsqu’ilmeserreàsontourdanssesbras, je
me surprends à fermer les yeux et àm’oublier dans la chaleur de son étreinte. J’en avais
envie. Je l’attendais.Mon cœur s’emballe et j’ai le souffle coupé par sesmains puissantes
contremondos.
Puisjem’écartelentementetnosregardssecroisent.Sesyeuxétincellentpresquedansla
pénombre.
Ilportealorssonregardsurmeslèvres.
—J’aiterriblementenviedet’embrasser,maintenant.
—D’habitude,tudemandesàlafilleoutulefais?
—D’habitude,jelefais.
Etlasuitesortdemabouchesansquejeréfléchisseauxconséquences:
—Alors,qu’est-cequetuattends?
Ilaunpetitsouriresurpris.Ildoitêtreétonnéquejeneluiaiepasmismonpoingsurla
figure.Samainenveloppemanuqueetsonpoucecaressedélicatementmapeausensible.Je
suisvraimentdanslepétrin,etj’enaitellementenvie!
Je retiens ma respiration et mouille mes lèvres du bout de la langue, impatiente de
connaîtrelasensationdesabouchecontrelamienne.
—Çadevientchaud,là,dit-il,haletant.
— Tu sais qu’on ne devrait pas jouer à ce genre de jeux, je le préviens avec un grand
sourire.
Meslèvrestaquinessontàunsouffledessiennes.
—Jesais.C’estunetrèsmauvaiseidée.
Pourtant,ilnebatpasenretraite.
—Tuasintérêtàêtreaussidouéquetuledis.
—Jesuisdoué,Sucred’orge.
Jereculeuntoutpetitpeu,conscientequejedevraiscourirmeréfugieràl’intérieurdela
maison,mais je n’ai aucune envie de cesser ce jeu. Je connais les garçons comme lui : ils
aimentlesdéfisetjouerauchatetàlasouris.
Etcesoir,c’estmoilasouris.
—Attends.
Jeposeunemaincontreson torse.JesenssesmusclessoussonT-shirtet lebattement
frénétiquedesoncœur.
—Onn’estpeut-êtrepascompatibles,finalement.
—Onvavoirça,murmure-t-il.
Il s’avanceetdéposedespetitsbaisers très lentssurmes lèvres.Jemeretiensdegémir.
Cesbaisers-làmerendentdingue.MauditDerek!
—Qu’est-cequetuendis?
—Euh...
Salangueglisseentremeslèvres.
—Etdeça?
C’estsibon.Jem’abandonnecomplètement,cettefois.Jel’attrapeparlanuqueetl’attire
contremoi.Mes lèvres s’écrasent contre les siennes, et on s’embrassepleinement. Il est si
différent,sibon...Moncorpscommenceàbouillir...
Seslèvresentrouvrentlesmiennesetnoslanguess’entrelacentdansunedansesensuelle.
J’yprendsbeaucouptropdeplaisir.
—Jecroisvraimentqu’onestcompatibles,soupire-t-ilcontremabouche.
—Tucrois?
Jesuishorsd’haleine,tropheureusedecontinuer.
—Ondevraitpeut-êtrepoursuivre, justepourvérifier. Il lève lamainetretire lentement
l’élastiquedemescheveuxquitombentsurmesjoues.
—Dis,pourquoitufermeslesyeux?Jehausselesépaules.
—Ashtyn,regarde-moi.Jeneveuxpasêtreungarçonquelconque.
J’ouvrelespaupières.Seslèvresbrillentdanslafaiblelumièreduperron.
—Tuesuneprincesse,uneguerrière,tulesais?Ilécartedoucementmescheveuxdemon
visage.
—Tuessibelle.
L’instantestintense,ettellementvrai.Onestloindujeu.Mesémotions,déjàmisesàmal,
sontsensdessusdessous;c’estexactementcequ’ilcherche.
—Tuessérieux?
Maquestionn’estpasanodine;s’ilestsérieux,alorslapartieestvraimentterminée.
Ilhésite,puisseredressesursonsiège.
—Tudevraismeconnaîtreàprésent,jenesuisjamaissérieux.
—C’estbiencequimesemblait.
—En fait, ajoute-t-il, j’espérais que tume laisseraisprendreunephotode toi etmoi en
traindenousembrasserpourlapubliersurInternet,histoired’emmerdertonex.Çatedit?
NotrephotosurInternet?J’aimanquédemefairepiégerenluidéballantmessentiments
alorsquetoutçan’estqu’unevasteblague?Uneblagueàmesdépens?
—Notrefauxrendez-vousestofficiellementterminé.
Jelerepousseetmeprécipitehorsdelavoitureenmejurantdenejamaisrejoueràaucun
jeuavecDerekFitzpatrick.
CHAPITRE29DEREK
Voilà,jesuisofficiellementunenfoiré.Jen’avaispasprévud’embrasserAshtyn.C’étaitsi
bon... Et j’ai eu envie de lâcher prise avec elle. Ce qui explique pourquoi j’ai inventé cette
histoiredephotodébile.Jenevoyaispasd’autremoyendelarepoussersuffisammentfort.
Ashtynn’estpasn’importequellefille.C’estlasœurdeBrandietelleneserapprocherait
jamaisd’ungarçon sansattendrederelationssérieuses.Samère l’aabandonnée,sasœur l’a
abandonnée,sonpèrec’esttoutcomme.Elledoitsedirequejesuisunconnard,illefaut,et
peuimportecequisepasseraentrenous,jereparsbientôtetnereviendraipas.
Jeposeleballondevantlaportedesachambre,conscientquec’estunetentativeminable
defairelapaix,maisj’ignorequoidireouquoifaired’autre.
Aumatin,Brandientredansmachambrealorsquejesuisencoreàmoitiéendormi.Elle
porte un short et un T-shirt qui moulent son corps de femme enceinte. Falkor trottine
derrièreelleavecunballonmâchouillédanslagueule.Ils’assoitprèsdemon litet lâchele
balloncrevéetcouvertdebave.Lasignatured’Aikmanestarrachée;ilenmanquemêmeune
partie.
—Ill’amangé,dis-jesouslechoc.
— Je sais, c’était tropmignon ! Ashtyn le lui jetait, ce matin, dans le jardin, pour lui
apprendreàrapporter.
Merde,alors...Ashtynsaitmedired’allermefairefoutresansprononcerunmot.
— J’ai rendez-vous pour une échographie la semaine prochaine, annonce fièrement ma
belle-mère.J’aimeraisquetuviennesavecmoi.
—Non,merci.
—Oh,allez!Commetonpèren’estpaslà,j’aivraimentenviequeJulianettoiveniezavec
moi.
Elleneseditpasuneseulesecondequeçapourraitêtrebizarre,pourmoi,d’assisteràson
échographie.
—Après,jevousemmènerai,genre...
J’entendspresquefonctionnerlemécanismerouilléquiluisertdecerveau.
—Jevousemmènerai,genre,cueillirdespommes.Vousallezadorer!
—Lespommessecueillentenautomne,pasavant.
—Ah,c’estvrai.Onpourrafaireautrechosealors.Untrucsupermarrant.
— On pourrait peut-être juste déjeuner ensemble ? Au moins cela m’évitera de devoir
mangerundesesrepasmaison.Jem’assoissurmonlitenessayantdenepasfixersongros
ventre.
—Çaveutdirequetuviens?
Sonvisagesuppliantmefaitdelapeine.J’imaginequesic’étaitmafemme,j’apprécierais
quequelqu’unl’accompagne.
—Ouais,jeviendrai.
—Merci,Derek!Tuestropchou!
Elletentedes’asseoirauborddulit,perdl’équilibreetmanquedesecasserlafigure,mais
jelarattrapeàtemps.Abandonnantsonidée,ellerestedeboutàcôtédulitetposelesmains
sursonventre.
— Au fait, un petit oiseau m’a dit que tu avais reçu une lettre de ta grand-mère. C’est
sympa.
—Ouais.
Siellesavaitquemagrand-mèrenes’intéressequ’àelle-mêmeetqu’ellel’insulteraitsans
douteàlasecondeoùellelaverrait,jedoutequ’ellelatrouveraitsympa.
—Qu’est-cequ’elleteraconte?
—Qu’ellerejointuncirque,pourjouerunefemmeàbarbe.
—Vraiment?
—Non,pasvraiment...EllevamouriretelleveutquejeluirendevisiteauTexas.
—C’estencoreuneblague?
—Non.Etjevaisyaller.
Après la nuit dernière, j’ai réalisé qu’Ashtyn était ma kryptonite. Je m’en suis trop
approché,ilfautquejeprennemesdistances.
J’entends claquer la porte d’entrée. Ashtyn a dû partir pour l’entraînement, encore
furieuse.Deuxheuresplustard,ellegaresavoituredéglinguéedansl’alléealorsquejesuis
entrainderéparerletoitducabanon,cherchanttoujourscequejepourraisbienluidire.
Elle se traîne à l’intérieur, les cheveux en queue-de-cheval et de l’herbe sur tout le
pantalon.L’entraînement a étédur,manifestement. Jedevrais la laisser tranquille,mais je
n’arrivepasàlachasserdemonesprit.Jelaretrouvedanslesalon,entraindetremperses
piedsdansun seaude glace.Brandi se fait les ongles et Julian regarde la télé à côtéde sa
tante.
—Ashtyn,onpeutdiscuter?
—Non,jesuisoccupéeetj’enaimarredejouer.Tun’asqu’àappelerBree.
—Nemetraitepascommedelamerde.Jen’avaispasprévuquelasoiréed’hiersefinirait
commeça.
Julianmetapotelajambe.
—Derek,tuasditmerde.
—Merden’estpasunvilainmot.
Je regardeAshtyn en attendant qu’elle confirme ; elle hausse les épaules comme si elle
n’avaitpasd’avissurlaquestion.Alorsj’insiste:
—Jeconnaisuntasdemotsquisontbienpiresquecelui-ci.
—Arrête,s’exclameAshtyn,inquisitrice.Tupervertismonneveu.
—Tum’enveuxpourhiersoir?
—Tuastoutfaux.Tunepourraispasavoirplusfaux.
—Attendez,j’airatéunépisode?demandeBrandi.Qu’est-cequis’estpasséhier?
Sasœurmefusilleduregard.
—Rien.Pasvrai,Derek?
—Vrai.
—Vousêtesallésoù?
—Fairedutrampoline,etensuiteàlaWhiteFenceFarm,expliqueAshtyn.
Sasœurreposesonvernisenfronçantlessourcils.
—Pourquoituluienveux,alors?C’étaitplutôtmarrant,non?
—Jen’aipasenvied’enparler,Brandi,d’accord?
ContinuedecroirequeDerekestparfait,commetoutlemonde.
—Personnen’estparfait,luidis-je.Toinonplus,Ashtyn.
—Jen’aijamaisditquej’étaisparfaite.Enréalité,jesuisuneidiote.
—Bienvenueauclub.
Gusdébarquequelquesminutesplustard,jetteunœilauseaudeglacedanslequelsafille
trempesespiedsetmarmonnequelquechoseausujetdel’annulationd’unstagedefootball,
etdesonargentqu’ilaimeraitrécupérer.
—Quelstagedefootball?demandeBrandi.
—Tasœurveutconduire jusqu’auTexas,oùa lieusonstagedefootball.Seule!Cen’est
pasprèsd’arriver.
—Attends,j’aiuneidée!
Ma belle-mère au cerveau ramolli se tourne vers moi et me regarde comme si j’allais
sauverlemonde.Elletapedanslesmains,enfaisanttoutdemêmeattentionànepasgâcher
samanucuretoutefraîche,ets’écrieavecexcitation:
—Derekva rendre visite à sa grand-mèreauTexas, justement. Il peutdéposerAshtynà
sonstage.Illarécupéreraàsonretour.C’estlasolutionidéale!
Tout le monde a les yeux rivés sur moi. Est-ce que Brandi pense réellement que nous
mettretouslesdeuxdansunevoiturevarésoudrelesproblèmesdesasœur?Ellerêve!
—Jenecroispas,non.
—Jenecroispasnonplus,confirmeAshtyn.C’estuneidéepourrie.
CHAPITRE30ASHTYN
Jepasselesdeuxheuressuivantesàappelertoutesmesconnaissanceshorsdemesamis
proches.Envain.Iln’yaaucunesolution.Sauf...SaufDerek.
Jepréféreraisneboirequedes smoothies vertspendantune semaineentièreplutôtque
d’être coincée avec lui sur la route. Je me suis complètement ridiculisée le jour de notre
rendez-vousquin’enétaitpasunetjemesensidiote.Chaquefoisquejerepenseàsesmains
sur mon corps, ou à sa langue glissant sur la mienne, j’ai les genoux qui tremblent et le
ventrequiseserre.Jem’enveuxtellementd’êtretombéedanssonpiège.
Jefermelesyeuxetrespireprofondément,puisj’essaiedetrouverunplanpourmerendre
auTexas sans lui.Pourtant, jedoisme rendreà l’évidence : c’est impossible !Derekest le
seulquipuissem’aider.
Je le retrouve dehors, sur le toit du cabanon, torse nu. Il plante un clou et je ne peux
m’empêcher de repenser à la façon dont jeme suis laissée aller contre son ventre, la nuit
dernière.J’aimeraispouvoireffacercesouvenirdemamémoire,maisrienàfaire.
—Ilfautquejeteparle.
Ilcontinuedetaperaveclemarteau.
—Pourquoi?Tuesprêteàmedirepourquoitum’enveuxautant?
—Jen’aipaslechoix.
Jepousseunsoupiravantdecontinuer:
—Jen’auraispasdût’embrasser.Nitelaisserm’embrasser.C’estuneénormeerreurque
jeregretteraipourl’éternité.Jet’enveuxdem’avoirtentée,commejem’enveuxdetel’avoir
permis.Tum’aseuedansunmomentdefaiblesseetçametuedenepaspouvoirremonterle
tempsettouteffacer.Voilà,c’estdit.
—L’éternité,c’estlong,tusais.
—J’enai toutà faitconscience, je teremercie.J’aibesoinde tonaidepourcevoyageau
Texas;jetiensvraimentàfairecestage.J’aitéléphonéàtoutlemonde.Personnen’estdispo.
—Jesuistondernierrecours,c’estça?
—Ouais.
Ilsautedutoitetmarchejusqu’àmoi.
—C’est toiquiasdécidéque l’onnedevaitpassemêlerdesaffairesde l’autre,non?La
nuitdernière,onaenfreintlarègleettuasvulerésultat.Teconduirehorsdel’Étatetfaire
ducampingensemblenevapasnoussimplifierlavie.
Uneminute...Est-cequej’aibienentendu?
—Ducamping?
—J’aimebienmecompliquerlatâche.
Mecompliquerlavie,cen’estpasmonhabitude.
Cependant,jesuisauboutdurouleau,alorsjemensavecungrandsourire:
—J’adorelecamping!
—Jenetecroispas,dit-ilensecouantlatête.
—Écoute,jesuisprêteàreprendrenotrepetitjeu,finalement.Maisonnes’embrassepas,
onnesetouchepas.Songeàtoutletempsquenousauronspournousdisputersurlaroute.
—Aprèslanuitdernière,c’estsansdoutelapireidéequ’onpouvaitavoir.
Ilmemontreleballonmâchouillé.
—Au fait,merci de l’avoir filé au chien. Ce doit être un sacrilège de détruire un ballon
signéparTroyAikman...Net’inquiètepas,jen’enparleraipasàtescoéquipiers.
Ilsedirigeverslamaison.Jelerattrapeetmemetsentraversdesonchemin.
—Désolé,Ashtyn,jepeuxpast’aider,medit-ilenmerepoussantsurlecôté.
Lemomentestvenudetoutdéballer,peuimportedansquelétatj’enressortirai.
—Attends!Derek, lefootballaméricain,c’esttoutemavie.Il fautquej’ailleauTexas.Il
fautquejeprouveaumondeentieretàmoi-mêmequejemérited’yêtrecommen’importe
quelgarçon.Jenetel’aipasdit,maisLandonalâchénotreéquipepourjoueravecnosrivaux.
Jerefusedebaisserlesbras,quandbienmêmetoutsembleperdu.
Jedétourneleregardcarjesensleslarmesmemonterauxyeux.
—Tunecomprendspas.Endehorsdufootball,jen’aiplusrien,dis-jeavecungestevers
Falkorquiaposélatêteàsespieds.Mêmemonchiennem’appartientplus.Jenetedemande
pasgrand-chose.Tuesmondernierespoir.
Jetremble,àdeuxdoigtsdefondreenlarmes.Dereksefrottelanuque,enpleineréflexion.
—Désolé,jenepeuxpas.
—Tuveuxcombien?luidis-je,àbout.
—Combien?
—Ouais,disunchiffre.
—Unmilliondedollars.Benvoyons...
Jecalculecombienj’aipuéconomiserenbaby-sittings,fêtes,anniversaires...
—Jeteproposecentdollarsetonpartagel’essence.
—Seulement?répond-il,impassible.C’estmoinsquelesalaireminimum.
—Tuseraspayécomptant,aumoins.
—Tuoublieslefacteurstress.Cohabiteravectoi,Sucred’orge,cen’estpasunepartiede
plaisir.
—Jerajoutedeuxboîtesdebarresdecéréalespourletrajet.Vendu?
Ilscrutemamainlevéeunbonmomentavantdesecouerlatête.
—Écoute,Ashtyn,jene...
—Allez,Derek ! Jeneplaisantepas. Jen’ai personne sur qui compter.Mon copainm’a
larguée,nousn’avonsplusdequarterback,etmavieestenbordel.Jemenoie,là!Montre-
moiqu’ilresteunpeud’espoir.
Ilsefrotteencorelanuquepuissoupireplusieursfoisenregardantauloin.
—Trèsbien,lâche-t-ilenfin.Vendu!
CHAPITRE31DEREK
Onm’aforcéàvenirenIllinoisetonm’obligeàpartirpourleTexas.Àpartirsurlesroutes
avecunefillequej’aienvied’embrasseretderepousserenmêmetemps.
Commentsefait-ilquejemeretrouvetoujoursdansdesplansgalère?QuandAshtynm’a
racontécequelefootballaméricainetcevoyagesignifiaientpourelle,jen’aipaspudirenon.
A une certaine époque, le foot représentait autant, pour moi. J’ignore ce qu’elle pense
accomplir enparticipantà ce stage,mais je suispersuadéqu’elleuserade tous lesmoyens
pourimpressionnerlesrecruteurs.L’étincellequej’aivuedanssesyeuxnetrompepas.
Quatre jours plus tard, nous chargeons le SUV de mon père. Ashtyn a insisté pour
emporter toute lamalbouffequ’elleapu trouver.Demoncôté, j’aiprisquelquesbarresde
céréalesetdequoicuisiner.
—Qu’est-cequec’estqueça?demande-t-ellequandjesorsdelamaison.
—Unmixer.
—Tuemportesunmixerpourlaroute?
—Oui.
Quelquesbananes,desépinards,etçaferaunpetitdéjeunerdélicieux.Siellecroitqueje
vaismangerdesbonbonsetdesgâteauxmatin,midietsoir,ellesemetledoigtdansl’œil.
NousdisonsaurevoiràBrandi,JulianetGusetnoussommesprêtsàpartir.
Aumomentoùj’ouvrelaportière,Falkorbonditsurlabanquettearrière.
—Tun’espasinvité,toi.
Ilmeregardedesesyeuximplorants.Ashtynessaiedelefairesortirmaisilresteplantélà,
jusqu’àcequejememetteàcrier:
—Sors!
SoudainJulianapparaîtàcôtédemoietmeserrelesjambesdesespetitsbrasd’enfant.
—Tureviens,hein?
—Biensûrquejereviens,luidis-jeenm’agenouillant.Ashtynpasselatêteparlavitre.
—Hé!Julian,tumefaisuncâlin,àmoiaussi?
Ellesortde lavoitureetposeungenouausol.Elle le tirecontreelleet leserre fort.On
diraitqu’elleabsorbetoutl’amourqu’illuioffreencetinstant.Jeneseraijamaiscapablede
luioffrirlamêmechose.
PuisjedémarreetAshtynenlèveseschaussuresetprendsesaises.Trèsvite,nousquittons
lavilleetnecroisonsplusquedesfermes.J’aperçoisunaiglesolitaireplanantau-dessusde
nostêtes.
Elleplongelamaindanssonsacetsortdescrackersetdelacrèmedefromage.
—Tuenveux?
—Nan.
—Çanevapastetuer,Derek.
Elleenprendunetmelemetsouslenez.
—Goûte.
J’ouvrelabouche;lesboutsdesesdoigtseffleurentmeslèvresetreposentpresquedessus
letempsquejelesreferme.Ceseraitpresqueunmomentintime.
Ellemetendunnouveaugâteau.Jesuistentédel’accepter,maisjeneveuxplusqueses
doigtsapprochentdemeslèvres.Sarègle:onnes’embrassepas,onnesetouchepas,estbien
ancréedansmonesprit.
—Çavacommeça.
—Situledis.
Gardermesdistancesestlameilleurechoseàfaire,quoiqu’uneunevaguesensationqueje
nesauraisexpliquermecrielecontraire.
Onnes’embrassepas,onnesetouchepas...
Jetournelatêteetlavoisentraindelécherlefromagerestésurseslèvres;elleneréalise
pasqu’ellemerenddingue.
Soudain,ellecrieenposantlesdeuxmainssurletableaudebord.
—Derek,attention,unécureuil!
Jetourneviolemmentlevolantpourl’éviter;lavoituresedéportedansuncrissementde
pneus.
—Tul’asécrasé?demande-t-elle,paniquée,enregardantdanslerétroviseur.
—Non.
—Surveillelaroute.Tuauraispunoustuer!
En attendant, il faudrait qu’elle arrête deme provoquer. J’attrape le fromage et le jette
derrière.Commeçaplusdedistraction...
Ellesouffleavecénervement.
—Pourquoituasfaitça?
—Pourpouvoirmeconcentrersurlaroute.
Elle secoue la tête, l’airdenepascomprendre.Sielle croitque jevais luiexpliquer,elle
peuttoujoursattendre.Parfois,ilvautmieuxsetaire.Sansautregarniturepoursescrackers,
ellelesrangedanslesacqui,j’ensuissûr,doitconteniruntasd’autrescochonneries.
Jem’arrêtepourfairelepleind’essenceetluipasselevolant.Elleconduitpendantqueje
me repose sur le siègepassager. J’aimerais être ànouveaudans ledortoirde l’internat, en
train deme demander comment je vais passer l’été sans être convoqué dans le bureau de
Crowe.Amonentréeau lycée, j’avaispourtant toutprévu.Jedevaisentrerà l’universitéet
joueraufootballaméricain.
Toutachangéàlamortdemamère.
Je fouille dansmes souvenirs, enfermés dansmon cerveau comme dans un coffre-fort.
J’entendsencoresonrire,danslacuisine,quandelleteignaitsescheveuxenbleu.C’étaitla
couleurpréféréedemonpèreetellevoulaitpenseràluichaquefoisqu’elleseregardaitdans
lemiroirlorsqu’ilétaitenmission.
Etpuisunjour,onluiadiagnostiquéuncancer.
C’était un calvaire chaque fois qu’elle devait aller à sachimio alors que j’étais coincé en
cours.Quandsescheveuxontcommencéàtomber, je l’airetrouvéedanslasalledebainsà
pleurerdevantlemiroir,sabrossepleinedemèchesàlamain.
Finalement, elle a demandé de terminer le travail avec la tondeuse demon père. Après
m’êtreoccupéd’elle,jemesuisrasélatêteaussi,maiscelanel’apasempêchéed’éclateren
sanglots.Sij’avaispucombattrecefléauàsaplace,jel’auraisfait.
Maisonnenégociepasaveclecancer.
Jemesuisoccupédemamèredumieuxquej’aipu,envain.Jen’aipaspulasauveretje
n’étais même pas là lorsqu’elle a rendu l’âme. Je sais qu’elle m’aurait voulu à ses côtés.
J’étaisleseulmembredelafamilledanslesparagesetelleestmorteseuleparcequej’avais
unentraînementdefootballetquejesuisarrivétroptardàl’hôpital.
J’auraisdûêtrelà.J’auraisdû.
Unlongsilences’installepourplusieursheuresdanslavoiture.Nousnousarrêtonspour
manger, puis je reprends le volant en direction d’un camping. Ashtyn, appuyée à la vitre,
admire lesmaisons de campagne qui défilent. Tout à coup, ellememontre un garçon qui
pousseunefillesurunebalançoire.
—C’esttropromantique,soupire-t-elletouthaut.Derek,est-cequetuasdéjàeuunevraie
petiteamie?
—Ouais.
—Qu’est-cequis’estpassé?
Celafaisaitlongtempsquejen’avaispluspenséàStéphanie.Enseconde,onétaitallésàla
soirée du lycée ensemble, et ellem’avait offert sa jarretelle et sa virginité. Elle prétendait
qu’onseraitensemblepourtoujoursetàcetteépoque,j’ycroyais.
—J’aidéménagéenCalifornieetelleestrestéedansleTennessee.Onaessayélarelationà
distancemaisçan’apasduré.
Etpourtoujourss’étaitsoldéparseptmois.
—Quandest-cequetuassuquec’étaitfini?
—Quandjel’aivueentraindecoucheravecmonmeilleurami.
CHAPITRE32ASHTYN
—Ashtyn,onestarrivés.
Jenesuispastoutàfaitconscienteetj’aijusteenviedemerendormir.C’estpeineperdue
puisqueDerekmetapotel’épauleavecinsistance.
—Jesuisréveillée,dis-jefébrilement.
Ilpersisteàmesecouerquand,enfin, jemeredresseetregardedehors.Devantnous,un
grandpanneauannonce:
CAMPINGDUJOYEUXCAMPEUR
OùlaNaturevousnourrit!
Houlà.LaNature.Jedevraispeut-êtreluidirequejenesuispasfandesaraignéesetquele
simplebruitdescriquetsmefoutlecafard.
—Sionoubliait lecampingpourallerà l’hôtel?Entre l’argentquetuasgagnéaujeuet
mesfaibleséconomies,jesuissûrequ’onpourraitselogerdansunendroitdécent.
—L’argentquej’aigagnéaujeu?
—Nefaispasl’innocent.Monikaatrouvéuneliassedebilletsdanstesbottesetdesjetons
depokerdanstavalise.
—Ducoup,jesuisunflambeur?
—Ouais.
—Ecoute,Sucred’orge,faispastadiva,etnejugepaslesgenstropvite.
Ildescenddevoitureetsedirigeversl’accueil.
L’homme à la réception nous salue de toutes ses dents en nous tendant un formulaire
d’inscription.Puisilnousassigneunpetitemplacementaveceaucouranteetélectricité.
PendantqueDerekachèteduboisetdesallumettes,jem’occupedessaucissesetdupain.
Finalement jecraqueetprendsaussidesguimauves.Puisque jesuiscoincée ici,autantme
faireplaisir.
Dehors,Derekestpenchésurlavoitureetjetteunœilauplanducamping.Ilnevoitpas
quedeuxfillesassisesàunetabledepique-niquelefixentcommesiellesallaientledévorer.
—Qu’est-cequetuasprispourledîner?medemande-t-il.
—Situcroisquej’aiachetédessteaksdedindebiooudesgrainesdelin,tuvasavoirune
surprise.
—Tuasprisduvinaigredecidre?
—Pourquoifaire?
—Pourmonrégime.
Jeledétailledehautenbas.
—Tun’aspasbesoinderégime,Derek.Tuasbesoindehotdogs.
Iléclatederire.
—Onn’aqu’àmonterlatenteetallumerunfeu,quejepuissemeremplirdecochonneries.
Miam!
—Tucommencesvraimentàm’énerver.
—C’estlebut,Sucred’orge.
Nouslongeonsunchemindegravierstortueuxjusqu’àl’emplacement431.Ilyaquelques
arbresmaisc’estprincipalementunegrandeprairie.
—Bienvenue chez nous ! s’exclame-t-il.Quelques voisins jouent au football américain ;
unefamilleestentraindecuisinerau-dessusd’unfeuetdesfillesbronzentenBikini.
Dereksautehorsdelavoitureetsortnotretenteducoffre.
Jelislesinstructionssurlecôté.
—C’estunetentetroisplaces.
—Exact.Nousseronsdeuxdansunetentetroisplaces.Onauradel’espacepours’étirer.
Jenesuispasconvaincue:
—Elleal’airpetite.Jenepensepasquemonmatelasgonflableentreralà-dedans.
—Tonmatelasgonflable?
—Ouais,j’aibesoind’êtreàl’aise.
Jesuishabituéeàmetrouverdansdesespacesconfinésavecd’autresgarçons.J’aidormi
dansdesbusavectousmescoéquipierset jemesuisretrouvéesouventdans lesvestiaires
alorsquelaplupartd’entreeuxétaientàmoitiénus.Maislà,c’estdifférent.Jedoispartager
unetenteaveclegarçonquimeplaît,alorsqu’ilnedevraitpas.
Derekétendlatentesurlesol.
—Tuveuxdel’aide?
—Nan,c’estbon.
Jem’assois surune souched’arbre et l’observemonternotre abri commeunpro. Il fait
chaud bien que le soleil soit bas.Derek enlève son haut et essuie la transpiration sur son
visage. IlcoincesonT-shirtdans laceinturedeson jeanet soudain, ses yeuxbleuprofond
rencontrentlesmiensetjemesenstoute-chose.
Jedétournevite leregardenessayantdenepasavoir l’aircoupable.Jeneveuxpasqu’il
sachequej’admiresontorsenuetbronzé.
Notretente,verteavecunebandeviolettesurlecôté,estlapluspetiteducamping.Faceau
refusdeDerekd’installermonmatelasàl’intérieur,jel’yrentremoi-mêmeetlegonfletoute
seule.Iloccupepresquetoutl’espace,mais,aumoins,j’yseraibien.
Derekprépareunfeudansl’emplacementprévuàceteffet,quandundestypesdelatente
voisinejettesonballondansmadirection.Instinctivement,jemeprécipitepourl’attraper.
—Waouh!s’écrieuntypeauxcheveuxblondsetbouclés.Belleréception!
Jerelanceleballondansunetrajectoireparfaite.
—Jolilancer!meditsonami,aucrânetatouésurl’avant-bras.Commenttut’appelles?
—Ashtyn.
—Moi,c’estBen.Tuviensd’où?
—Chicago.
Leblondinetmefaitsignedelesrejoindre.
—Tuveuxjoueravecnous?
Dereksembleprêtà intervenir, commesi j’avaisbesoind’unhérospourmesauverd’un
mauvaispas.Jen’aipasbesoindesonaide.Cesgarçonssontjusteentraindes’amuser.
—Plustard,peut-être.Merci.
Deretourprèsdufeu,jevoisDerekquisecouelatête.
—Quoi?
—Ilst’onteue.
—Commentça?
IlfaitunegrimaceendirectiondeBenetdesesamis.
—Cestypestemataientbienavantqueleballonn’arriveverstoi,Ashtyn.Cen’étaitpasun
accident.
J’ajoutedesbranchesramasséesparterreauboisachetéparDerek.
—Etalors?
Ils’accroupitetallumelepetitboisavecunbriquet.
—Alorsjesuispayépourêtretonchauffeur,pastonbaby-sitter.
—Jen’aipasbesoind’unbaby-sitter.Jen’aibesoindepersonne.
Ilsecouelatêteetreposelestalonsausol.
—Ça,c’estcequetucrois.
CHAPITRE33DEREK
Ashtyn a vraiment mal pris mon histoire de baby-sitter. Maintenant, elle refuse de me
parler.Une foisnoshot-dogsavalés, elle est entrée sous la tente etn’enestplus ressortie.
Est-cequ’ellecontinueraàm’ignorerlorsquej’iraimecoucher?
— On peut s’asseoir avec toi ? demande une voix de fille depuis l’emplacement voisin.
Notrefeuestéteintetonn’aplusdebois.
TroisfillesenT-shirtdesSt.LouisCardinalsetbasdeBikinis’avancentversmoi.Ellesont
toutesdescheveuxlissessuperlongs.L’uned’ellesaunemècheteinteenrose.
—Biensûr.
Les filles se présentent, puis nous nousmettons à discuter. Ashtynne tarde pas à nous
rejoindre,ainsiqueles joueursdefootavecuneglacièrepleinedebières.Enpeudetemps,
l’ambiancetourneàlafête,avecdelamusiqueprovenantd’unvanproche.
Ashtynsemetalorsàdiscuter.Lesgarçonsontlesyeuxrivéssurelletandisqu’elleraconte
unmatchsousunepluiebattante lorsde ladernièresaison.Cettefilleaunpouvoirsur les
mecs...Unpouvoirquin’arienàvoiraveclefaitqu’ellejoueaufootball.C’estjustequ’ellene
balancepassescheveux,nericanepas,nemetpassapoitrineenavantpourattirerl’attention
commelesautresfilles.Elleestsimplement...elle-même.
—Ashtynesttacopine?medemandeunecertaineCarrie.
Jejetteunœilpar-dessuslefeu,verscellequimerendfou,avantdemerépéterquejedois
cesserdelaregarderetdevouloirsavoircequ’ellefait.
—Non,Ashtynn’estpasmacopine.
Jejetteuncoupd’œilautourdemoi,commesij’allaisluidévoilerunsecret.
—Enréalité,elleappartientà la familleroyaledeFregolia,unpetitpaysenEurope.Elle
voulaitfairel’expériencedevivreavecdeslocauxaméricains,etelleesticiincognito.Jesuis
songardeducorps.
—Oh!
Carrieadmiremesbicepsetselècheleslèvres.Puisellesepenchesurmoi.
—Tuasdesyeuxmagnifiques.Tuviensd’où?
JepariemacouillegauchequesijedisaisFregolia,ellemecroirait.
—C’estassezcompliqué.
—Commentça?
—Disonsquejeviensdepartout.
—Quelmystère!
Elleseredresse,toutexcitéeàl’idéed’enapprendreplussurlesendroitsoùj’aivécu.
—Laisse-moideviner,alors.Toncôtésexydoitbientevenirdequelquepart.
—Alabama,Tennessee,Texas.Carriemetouchelebicepsets’écrie:
—OmonDieu!TuviensduTexas?Tuparlesd’unecoïncidence!J’adorelesTexasiens!
CHAPITRE34ASHTYN
Jeparle,jerisàm’encasserlavoixaveclesgarçonsducampingetsoudainjesuisépuisée.
Ilsm’invitentàjoueraustrip-pokeretjerefusepoliment.Pasquestiondejoueràcejeu-là,
encoremoinsavecdesgarsquejeconnaisàpeine.
Derek discute avec une des filles près du feu. Elle ricane, lui touche le bras... Il est
intéressé,c’estsûr;ilnel’apasquittéedelasoirée.
De retour des sanitaires, je passe devant eux e tf ais mine de les ignorer en ouvrant la
tente.
Allongéesurmonmatelas,j’entendsleursricanements.Arg...Pourquoiçamechiffonneà
cepointqueDereks’intéresseàcettefille?Lavérité,c’estquej’aimeraisêtreaveclui.J’en
meursd’envie.Jefermelesyeuxettented’effacersonimagedemonesprit.
Qu’est-ce que je raconte ?Ai-je envie d’un garçon qui tremble à l’idée d’avoir une vraie
relationplutôtqu’uncoupd’unsoir?Jeneveuxpasd’unjoueurinvétérénid’unséducteur.
Commejeleluiaiditavantdîner,jen’aibesoindepersonne.
J’essaie en vain de dormir. Entendre leurs murmures est déjà une épreuve, mais
j’entrevoiségalementleurssilhouettesàtraversleNylon.Leursricanementsmeportentsur
lesystème;ilssonnenttellementfaux.
Jemeretourneetmetsmesécouteurs.LalumièredemoniPodprojetteunlégeréclatdans
latente,et,ducoinde l’œil, j’aperçoisunebestiolequicourtsur latoile :c’estuneénorme
araignée,justeau-dessusdematête!
Jemerecroquevilledansuncoin.
Pitié !Jedéteste leschoses répugnantesquicourentpartoutavec leurscrochetset leurs
pattesetleurshorriblestoilestoutescollantes!
Elleavanceetjememetsàhurler:
—Va-t’en!
Enuneseconde,onouvreleZipdelatenteetDerekpasselatêteàl’intérieur.
—Qu’est-cequ’ilsepasse?
Jeluimontrel’horriblecréature.
—Écrase-la,tue-la!
—Tuesd’uneviolence...Ashtyn,c’estunearaignée,pasunscorpion.
Ill’attrapeetlajettedehors.
—Voilà, elle est partie. Tu es une redoutable joueusede football. Tupeux certainement
gérerunepetitearaignée.
—Lefootballn’arienàvoiraveclapeurdecesbestiolesrépugnantesàhuitpattes,Derek.
Etcelle-làétaiténorme.J’aivusescrochets.
—Ben, voyons,dit-il enhochant la tête.Tu croyaisquoi, qu’il n’y aurait pasd’araignées
dansuncamping?Onestenpleinenature.
—Jenem’attendaispasàentrouverunedansmatente.J’ai lusurInternetqu’iln’était
pas rare de manger une araignée dans son sommeil. Je n’aurais pas pu m’endormir en
imaginantcetrucrampersurmonvisage.
—Bon,elleestpartie, tudevrais t’en tirer.Jesuisétonnéque lasécuritéducampingne
soitpasintervenue.Ilestinterditdefairedubruitaprèsvingt-deuxheures,tusais.
Ilattrapesesaffairesdetoilettedanssonsacetmelance:
—Tonmatelasprendtoutelaplace.Oùest-cequejesuiscensédormir?
Jepointedudoigtl’espacerestant.
—Justelà.
—Tuplaisantes,j’espère?
—Non.
Ilsecouelatête.
—Onenreparleàmonretour.
—Etlafilleàquituparlais?dis-jeenessayantdecachertoutsignedejalousiedansma
voix.Est-cequ’ellet’attenddehors?
—Non,ellenem’attendpas.
—Tuasvusescheveuxroses?Sérieusement,elleestprêteàtoutpourqu’onlaremarque,
çafaitpitié.
—Elleestcanon.
—Hein?Ondiraitquelesbactériesdetessmoothiesauxalguest’ontattaquélecerveau.
Ilseretourneversmoi.
—Tuesjalouse?
—Jenesuispasjalouse.Jesuisjusteinquiètepourtoi.Jesurveilletesarrières.
—Tudevraissurveillerlestiens,Ashtyn.Paslesmiens.
Derekpartselaveretj’ailecœurserréàl’idéequ’ildormesouslatenteavecmoi.Jerefuse
d’admettrequej’aienviequ’ilaitenviedemoi.Etpourtant...J’aimerais l’entendredireque
cettefilleétaitennuyeuse,qu’elleétaitstupide.Bref...qu’ellen’étaitpasmoi.
Asonretour,monmatelasgonflableremuelorsqu’ils’assoitdessus.
—Tun’imaginespasquejevaistelaisserdormirdansmonlit?
—Écoute,Sucred’orge,tunemelaissesaucuneplace,alorsonpartage.Situpréfères,j’ai
uncanifquejeseraisravideplanterdedans.
Jemerassois.
—Tun’oseraispas!
Ilplongelamaindanssonsacetbranditsoncouteau.
—Tuparies?
Malheureusement,Derekn’estpasdugenreàlancerdesmenacesenl’air.
—Trèsbien.Tupeuxdormirdessus,maisfaisbienattentionàresterdetoncôté.Souviens-
toidenotrerègle:onnesetouchepas.
Ilfaitnuitnoire,et,endehorsdenosrespirations,iln’yapasunbruit.Mêmelescriquets
sesonttus.
Jeluitourneledosetjel’entendsretirersonjeanavantdes’allongeràcôtédemoi.Jeme
demande s’il a déjà passé une nuit entière avec une fille. Peut-être avec cette fille du
Tennesseequil’atrompé?
Jerestebiendroitepourquel’onnerisquepasdesetoucheraccidentellementlesjambes,
lesmains, lesbras...Derekapeut-êtreenviedemoiphysiquementparcequec’estunmâle,
maisiln’éprouveaucuneenviedemeserrercontreluietdemerassurer.
C’estdeçaquej’aienviechezungarçon.
C’estdeçaquej’aibesoin.
Soudain,lecalmeabsolum’oppresseetmoncerveaus’emballe.QuandmamèreetBrandi
sontparties,lamaisonestdevenuetropcalmeetdepuis,lesilencen’acessédem’angoisser
enmerappelantleurabsence.
Dereka sesécouteursdans lesoreilles et je tends l’oreillepourentendre samusiqueen
espérant qu’ellem’apaisera un peu. De vieilles chansons des années 50 et 60 remplissent
alors doucement la tente et je me détends en remerciant secrètement Derek de m’avoir
débarrasséede l’araignée etd’être restéprèsdemoi au lieudepartir s’amuser avec l’autre
fille.
—Merci,dis-jedansunmurmure,conscientequ’ilnepeutm’entendre.
C’estsibondesavoirquelui,aumoins,nem’apasabandonnée.
Je rêvede l’Alaska.J’ai froidetneparvienspasàmeréchauffer.Jedonneraisn’importe
quoipourarrêterdetrembler,mais jesuisprisonnièrede laglaceet leventestglacé.Puis,
soudain,jesuislibérée,commeparmagie,etmarchedanslaneige,complètementnue...
Encore endormie, je me tourne pour trouver une position plus confortable, à peine
consciente que je suis de retour dansma tente. La température a chuté et je grelotte.Ma
mainseposesurquelquechosedechaud.Unesorted’île.Jemerapprochedelachaleuret
mepressecontreelle.
—Ashtyn,qu’est-cequetufous?demandeunevoixgraveetmasculine.
Derek. Je ne peux pas ouvrir les yeux,mais je reconnais son timbre unique. Irrésistible
comme...duchocolatchaud.J’aimeraisqu’ilmeprotège,justecesoir.S’ilmequitte,jeserai
denouveauseule.
Jeneveuxplusêtreseule.Pascettenuit.Pasdanscefroid.
—Nemelaissepas,dis-jecontresontorseenfrémissantdemanièreincontrôlée.
—Jenetelaisseraipas.
Sesbrasm’enveloppentetjemesensenfinensécurité,loindesglacesdemonrêve,dela
solitudedemoncœuretdeladouleurdeperdretousceuxquej’aime.
CHAPITRE35DEREK
Jemeréveilleaveclebrasautourd’Ashtyn.Etuneérection.Nousnoustenonscommeun
couplemariéetsescheveuxlongsreposentsurmonvisage.L’odeurfleuriedesonparfumme
rappelleque,malgrésoncôtégarçonmanqué,c’estunefilleàcentpourcent.J’aifaitdemon
mieuxpourresterdemoncôtédumatelas,maisellen’apascessédeserapprocher.Encoreet
encore.Puisellem’aditqu’elleavaitfroidetm’ademandédelaserrercontremoi,cequej’ai
fait.Grossièreerreur.
Jeretirerapidementmonbrasetm’écarted’elle.J’aibesoindemerafraîchir.Elledormait
àmoitiéenmedemandantdelaserrercontremoi;avecunpeudechance,elleauraoublié.
Carrieauxcheveuxrosesesttoutàfaitmontype.Elleafaitlamouequandj’airefuséson
invitationàpasserlanuitsoussatente.J’aidûprétexterquemondevoirdegardeducorps
m’attendait.
Cettefillevoulaitpasserdubontemps.
Ashtyn,elle,veutquelqu’unquinel’abandonnerapas.
Est-cequ’elles’esttournéeversmoisimplementpourquejeluitiennechaud?Ouétait-ce
pour moi ? Peu importe. J’ouvre la tente et entreprends d’allumer un feu. Comment j’ai
atterrilàalorsquejepourraisêtrepeinardenCalifornie?C’estàcausedecettefoutueblague
aveclescochons.Saletésdecochons!
Soudainj’entendsdubruitdanslatenteetAshtynsortlatête.
—Salut,dit-elle.
—Salut.
Jeluimontreuneboîtedegâteauxsurlecapotdelavoituresansleverlesyeuxdufeu.
—Jet’aiprisçapourlepetitdéjeuner.
Elleouvrelaboîte.
—Merci,marmonne-t-elleenseservant.
Jeposelescoudessurlesgenouxetréfléchisàcequejevaisbienpouvoirluidire.Enfin,
j’annonce,stoïque:
—Ondevraitplierbagageetrepartirvite.Onabeaucoupderouteàfaire.
Nouspassonslesvingtminutessuivantesàranger.Ellenem’adressepasunregardtandis
quenousquittonslecampingetnousdirigeonsversnotreprochainedestination.
—Tuveuxqu’onparledelanuitdernière?demande-t-elle.
—Dufaitquetuflirtesaveccesmecsoudufaitquetumedemandesdeteserrerdansmes
bras?
—Jeneflirtaispasaveccesgarçons.Ondiscutaitfootball.
—Ah!c’estvrai.Tun’aimesquelesgarçonsquijouentaufoot.
—Qu’est-cequeçapeuttefaire?
Devantmonmutisme,elleenchaîne:
— Peut-être qu’on devrait commencer par la façon dont la fille aux cheveux roses s’est
rapprochéedetoi?Ellecherchaitjustedubontemps?
—Cequi rend la choseencoremeilleure.Aucuneémotion,aucuneobligation.Pourmoi,
c’estlarelationparfaite.
—Pourmoi, vousêtesabjects,dit-elle en retroussant la lèvrededégoût. Je suisdésolée
pourtafuturefemme.
—Moi,jesuisdésolépourtonfuturmari,quinepourraquetedécevoir,toiettesattentes
démesurées.
—Mesattentesdémesurées?Jen’aipasd’attentedémesurée.
—Vraiment?Alorspourcommencer,net’attendspasàcequejejouelesbouillottestous
lessoirs.
—Trèsbien.
Ashtyn tient à s’entraîner quotidiennement pendant notre périple. Elle est dévouée à sa
passion, je ne peux pas le nier. Elle cherche un parc proche de la route sur son téléphone
commenouslongeonsunterraindefootballàl’arrièred’unlycée.
—Regarde.C’estmieuxqu’unparc,tupourrastirerentredevraispoteaux.
Ellesecouelatête.
—C’estunepropriétéprivée.Ilyaunegrilleetelleestfermée.
—Etalors?
—Tunecomptespasnousfaireentrerpareffraction?
—Pourquoipas?
Ellecontinueàprotesterpendantquejemegaresurleparkingprèsdel’entrée.
— Allez, c’est l’été et il n’y a personne. Fais-moi confiance, ce n’est pas grave. Tout le
mondes’enfout.
Alors que jemarche vers la grille, Ashtyn reste dans la voiture quelques secondes, puis
récupèresonballonetsonsoclesurlabanquettearrièreetmesuit.
—C’estunemauvaiseidée,Derek,insiste-t-elle.Jeneveuxpasfairedechosesillégales.Si
onsefaitprendre...
—Arrêtedetefairedessus,Sucred’orge.Onnerisquerien.
J’inspecteleverrou;lefairesauternemeprendrapaslongtemps.Al’écoleRégents,mon
ami Sam etmoi nous sommes entraînés des semaines à ouvrir des cadenas pour pouvoir
pénétrerdanslacafétériaetpiquerdelanourriturependantlanuit.
—Tuesuneracaille,déclareAshtynenmevoyantforcerlepassage.
Jel’inviteàentrersurleterrain.Racailleoupas,elleadésormaisunlieuoùs’entraîner.
Jem’appuiecontreunpoteauetl’observependantqu’elles’installe.
—Tuveuxque je temontrecommenttenir leballon,histoireque jepuissetirerdansde
vraiesconditionsdejeu?
—Non,çaira.
Ellehausselesépaules,puisshootesanseffortdepuislaligned’unmètre,enpleinmilieu
despoteaux.
—Tupourraisme renvoyer le ballonune fois que j’ai tiré ?Comme ça, je n’aurai pas à
courirentrechaquetir.
—Non.
—Tuesunevraiefeignasse.
Ellepartrécupérersaballeetl’installe,cettefois,surlalignedesquatremètrescinquante.
Pendant plus d’une heure, elle répète les mêmes gestes, et, chaque fois qu’elle tire, le
ballonvoleentrelespoteaux.Jelavoisseconcentreret,enrespirantcalmement,calculerla
distanceàatteindreavantquesonpiednetoucheleballon.
Elleestimpressionnante.
Nous reprenons la routeaprès sonentraînement.Elle s’allonge, les yeuxclos, et seperd
danslamusiquedesesécouteurs,oublianttoutcequil’entoure.
Jeconduisversnotreprochainarrêt,uncampingprivéminusculeprèsd’OklahomaCity,
dont deux des quatre emplacements sont encore libres. Nous nous dépêchons de monter
notretenteavantlatombéedelanuitetnousallonsnouslaver.
Ensuite,commeilfaitencorejour,Ashtynseremetàl’entraînement.Ellecommencepar
s’étirer et je me surprends à la regarder comme si elle présentait la meilleure émission
d’aérobicdumonde.Soudain,ellelèvelesyeux.
—Tumeregardes?
—Non.
—Viensici.
Jem’approcheetellemetendunballon.
—Tuterappellescommentonlance?
Etcomment!Maisjescruteleballoncommesic’étaitlapremièrefoisquej’entenaisun
entrelesmains.
—Pasvraiment.
—Tonpapanet’apasapprisquandtuétaispetit?
—Disonsqu’il était surtout occupé àdéfendre le pays.Cen’est qu’àmoitié vrai. Il était
absent laplupartdutemps,mais ilm’abienapprisà lancerunballondefootball.Jedevais
avoir trois ans la première fois qu’il m’a montré comment faire. A huit ans, je suppliais
constammentmesparentspourqu’ils jouentavecmoi.J’étaisdevenuaccroetpassaismon
tempsàm’entraîner.
Jeluirendssonballon,maisellelerepousse.
—Tuesdroitierougaucher?
—Droitier.
Elleattrapemesdoigts,lesplacesurlaballeetcommenceàm’expliquercommentfaire.
—Laclé,c’estdelelaisserglisserentretesdoigts.Jeteprometsqueçamarchesiturestes
décontracté.
Je fais semblant de ne rien y connaître et résiste à l’envie de sourire à ses explications
beaucouptropdétaillées.
—Situestellementforteaulancer,pourquoiest-cequetun’espasquarterback?
Maremarquelafaitrire.
—JenelancepasaussiloinniavecautantdeprécisionqueLandon...
Ellehausselesépaules.
—Certainsgarçonssontnéspourlancer.Ilsontçadanslesang.
—Jesuissûrqu’ilyauntasdetypesmeilleursquelui.
—Jen’enconnaispas.Sonpèrejouaitauniveauprofessionnel.
AlafaçondontelleparledeLandon,oncroiraitquec’estunsurhomme.Çamedonnerait
presqueenviedeluimontrermontalent.Presque.
Elles’éloigneentrottinant.
—Allez,lance!
Cenem’estpasfaciledefaireunmauvaislancer,maisjeparviensàdonnerlechange.Le
ballongrimpedanslesairs,puisrebonditsurlesolavecunbruitsourd,loindesacible.
—Pathétique,Derek.
—Jesais.J’étaisunjoueurplutôtmoyen.
—Recommence,dit-elleenm’encourageant.Souviens-toidelaisserleballonglisserdetes
doigtsquandtulelances.
Jerecommenceetparviensàl’approcheràdixmètres,maistoujourshorsdesaportée.
—Tuessûrd’êtreaméricain?Onnediraitpasàtafaçondelancer.
— Tout le monde ne peut pas être aussi bon que Landon, le dieu des quarterbacks,
j’imagine.
—Bon,lecoursestterminépouraujourd’hui,dit-elleencoinçantlaballesoussonbras.Et
situesjalouxdeLandon,n’aiepashontedel’admettre.
— Je ne suis pas jaloux de lui. Avec un peu d’entraînement, je parie que je pourrais le
surpasser.
—Benvoyons,répondAshtynenseretenantderire.
—Qu’est-cequiteplaît,danscesport?
—Jet’expliqueraiunjour.Pourmoi,c’estbienplusqu’unsport.
Elleportelamainàsapoitrine:
—Quandtuaimesquelquechoseautantquej’aimelefootballaméricain,tuleressensau
fonddetoi.Est-cequetuasdéjàaiméquelquechoseaupointqueçateconsume.
—Ilyalongtemps...
—Lefootballaceteffetsurmoi.C’estmapassion,mavie...Monéchappatoire.Quandje
joue,j’oublietoutcequinevapas.Etquandongagne...
Ellebaisselesyeux,commesielleavaithonte.
— Je sais, ça a l’air idiot, mais quand on gagne, je me dis que les miracles peuvent se
produire.
—Desmiracles?
—Jet’aiditqueçaavaitl’airidiot.
—Cen’estpas idiot.Espérer, c’estbienmieuxqued’abandonneretde sedireque lavie
seratoujoursaussinaze.
Nous marchons jusqu’à notre emplacement, où Sylvia, notre voisine, que nous avons
rencontréeauxsanitaires,noussaluedelamain.
—Venezdoncdîneravecnous.Irving,valeurchercherleschaises.
Nousavançonsjusqu’àlapetitetabletandisqu’elledéballelanourriture.
—Nousnevoudrionspasinterromprevotrerepas,ditAshtyn.
Enréalité,ellescrutelepouletaurizavecgourmandise,desétincellespleinlesyeux.
—Merci,m’dame,dis-jeenm’asseyant.
Sylvia se charge de la conversation pendant que nous mangeons. Irv et elle se sont
rencontrésquandilsétaient jeuneset ilsonteuquatreenfants.L’und’euxestmédecin,un
autreavocat,etunautrepharmacien.
—JenesaispascequefoutnotrefilsJerry,s’exclameIrv.
—Neparlepas comme çadevant ces jeunes, Irv, le rabroue sa femmeen lui tapant sur
l’épaule.
Ilmarmonnedesexcusesetseremetàmanger.
Lepouletesttendreetlasaucenousfaitsaliver.Lerizestdélicieux,luiaussi.Celafaisait
uneéternitéquejen’avaispasaussibiendîné.
—Depuisquandsortez-vousensemble?demandeSylvia.
—Nousnesommespasensemble,luidis-je.
—Pourquoipas?
Ashtynlèvelatête.
—Parcequ’iln’aimequelesidiotesquicherchentuncoupd’unsoir.
—Etellen’aimequelesgrosbrasquijouentaufootballaméricain.
Sylvia me dévisage avec des yeux pleins de reproches. Irv, lui, me regarde avec un air
complice.
—Ilnefautpaspasseràcôtédelafilledetesrêves,reprendSylvia.Raconte-lui,Irv.
Sonmariestoccupéavecsanourritureetnesemblepaspressédeparler.
—Irv!
—Quoi?dit-ilenreposantsafourchette.
—Tuasmistonappareilauditif?
Ilfaitunsignedetête,etellerépèteplusfort:
—RaconteàDerekpourquoiilnedoitpaspasseràcôtédelafilledesesrêves!
AlorsIrvingportelamaindeSylviaàseslèvresetl’embrassedoucement.
—Lorsquej’aivuSylviapourlapremièrefois,onm’avaitengagépourpeindresamaison.
Elle était promise à son petit ami,mais j’ai su immédiatement qu’elle était l’élue demon
cœur. Elle n’était pas censée discuter avec le petit personnel ; pourtant, elle me regardait
peindreetvenaitmetenircompagniependantmontravail.
Ils’arrêtepourlaregarderdanslesyeuxavecpassion.
—Alorsquandilafallupeindresachambre,j’aiécritVEUX-TUM’ÉPOUSER?surlemur.
Etilsemetàrire.
—Elleaécritsaréponseàcôté,etjel’aidécouvertelelendemain.
—Etqu’est-cequi s’estpassé ?demandeAshtyn,prisepar l’histoire comme si c’était un
contedefées.
—Évidemment,elleaditouipuisqu’ilssontmariés,luidis-je.
— A vrai dire, Irving n’a jamais vu ce que j’avais écrit, parce quemes parents l’avaient
renvoyé.Ilsrefusaientquej’épouseunpeintreenbâtiment.
—Maisjen’aipasbaissélesbras.Jesuisvenuchezelletouslesjourspourdemandersa
main.
—Mesparentsont f ini par céder, raconteSylvia en lui tapotant lamain.Etnousnous
sommesmariéssixmoisplustard.C’étaitilyasoixanteans.
Ashtyns’enfoncedanssonsiègeensoupirant.
—C’estunehistoiremerveilleuse.Tellementromantique!
—Voilàpourquoiilnefautpaspasseràcôtédelafilledesesrêves,Derek,conclutSylvia
enagitantundoigtdevantmoi.
J’imagineàquoiressembleraitAshtyndanssoixanteans,assiseàtableenfacedemoi.Je
suissûrqu’elleaurait toujourscetéclatdans lesyeuxetces lèvressidésirables.Etelleme
seraitreconnaissanted’êtrerestétoutescesannéesàsescôtésalorsquetoutlemondel’avait
abandonnée.
Seulement,jesuisincapablederemplircerôle.
Etsijemouraisàtrente-cinqans,l’âgeauquelestdécédéemamère?
Acetinstantprécis,enregardantdel’autrecôtédelatablecellequipourraittrèsbienêtre
la filledemesrêves, jesaisque jene l’épouseraipas.Jevais laisserquelqu’und’autreêtre
sonIrving.
J’ailanauséeenreprenantlaparole:
—Ouais,ben,notreAshtynest tyranniqueet intransigeante.Etcommejen’aimepas les
fillestyranniquesetintransigeantes,cen’estpaslafilledemesrêves.
—Derek est aussi le garçon leplus énervantque j’aie jamais rencontré, s’amuseAshtyn
avecunfauxsourire.Alorss’ilpeignaitVEUX-TUM’ÉPOUSERsurmonmur, jedessinerais
uncercleautouretunegrandecroixenpleinmilieu!
CHAPITRE36ASHTYN
PasquestionquejelaisseDerekcroirequesescommentairesmetourmentent.Deretourà
notreemplacement,jeluiannoncequejesuisfatiguéeetveuxallermecoucher.
Cesoir, jenemourraipasde froidpuisque j’ai enfilédeuxpairesdechaussettesetdeux
joggings.Peuimportequejeressembleàunegrosseguimauve:jeneveuxpasêtreobligéede
luidemanderdemeserrerdanssesbras.
Pendant qu’Irving racontait son histoire, j’ai pensé au garçon demes rêves. J’imaginais
Derekmeregardantdepuisl’autrecôtédelatabledanssoixanteans.
MaisDerekn’apasenvied’êtremonpetitami.Ilditqu’ilnepourraitpasêtreavecmoicar
jesuistyranniqueetintransigeante.Maisest-cequejepourraisêtredifférenteàsesyeux?Si
jechangeais,est-cequ’iltomberaitamoureuxdemoi?
Le problème, c’est que, la nuit dernière, j’ai ressenti quelque chose que je n’avais pas
ressentidepuislongtempsQuandilm’aditqu’ilnemequitteraitpas, je l’aicru.Jemesuis
surpriseàvouloirêtrevraimentamoureusedelui.
Enréalité,jecroisquejelesuisdéjà.Oh,jenesaisplusquoitaire.
J’entendslecrissementdesfeuillessoussespiedsalorsqu’ilapprochedelatente.
—Tuessûrequetuneveuxpast’asseoirunpeudehors?demande-t-ild’unevoixgraveen
passantlatêteàl’intérieur.Ilfaitbonautourdufeu.
—Jesuistrèsbienici.Vavoirtonfeuetlaisse-moitranquille.
Jeluiaboiepratiquementdessuspourqu’ils’éloigneetmelaisseseuledansmonmalheur.
Jesuistotalementperdue.
—Qu’est-cequetuasmiscommevêtements?
—Pratiquementtoutcequej’avaisdansmonsac,dis-jeavantdetapotermoncoussinetde
luitournerledos.Jen’auraipasfroidcettenuit,net’inquiètepas.Tupeuxdormirtranquille.
—Jene...
—Tunequoi?
Unlongsilences’installe.
—Oublie,dit-ilenfin.Bonnenuit,Ashtyn.Ademain.
Les larmes me montent aux yeux. Ça ne doit pas se passer comme ça lorsqu’on est
amoureux.Ilaraisondecroirequejesuisautoritaire:j’aimeraispouvoirdéciderdecequ’il
ressentpourmoi.Maisc’estimpossible.Jesaisquecequ’ilyaentrenousvaau-delàdujeu,
maiscommentleluimontrer?J’aimeraistantpouvoirdéciderdemesémotions.
Je ferme lesyeuxetessaiedenepaspleurer.Pourtant, les larmescommencentàcouler
CHAPITRE37DEREK
Jeresteassisseuldevantlefeu.Irvingsejointàmoi,unecannettedebièreàlamain,etje
luiproposelachaisevided’Ashtyn:
—Vousvoulezvousasseoir?Ashtynestalléesecoucherilyaunmomentetjenesuispas
contreunpeudecompagnie.
Ils’installeetavaleunegorgéedebière.
—Ashtynal’aird’êtreunechouettefille,déterminée.
—Elle n’attire que des problèmes. Surtout pourmoi, dis-je en jetant un bâton dans les
flammes. Mon père a épousé sa sœur, alors on se retrouve coincés ensemble, du moins,
temporairement.
—Ilyapirequed’êtrecoincéavecunejoliefillesurlaroute!
—Ellemerenddingue.Irvingricanejoyeusement.
—Lesfillesquienvalentlapeinerendenttoujoursleshommesdingues,Derek.Imagineà
quel point le monde serait ennuyeux si les filles n’étaient pas là. Ma Sylvia a un sacré
caractère,maisonsecomplète.Pourlemeilleuretpourlepire,danslasantécommedansla
maladie...Nousavonstout traverséensemble,etçanousarendusplusforts.
JerepenseàtoutcequiestarrivédepuisquejeconnaisAshtyn.
—Elleaétabliunerègleselonlaquellenousnedevonspas,vousvoyez...
—Est-cequetuapprouvescetterègle?
—Ben...ouais.
Ilhausselesépaules.
—Jecroisquec’estuneerreur.
—Jenesaispas,peut-être.
Etpeut-êtrequec’étaitsurtoutuneexcusepourmetenirloind’elle.
Nouspassonsvingtminutesàregarderlefeu.Irvingaétémilitaire,jeluiracontedoncque
monpèreest enmissionet je luidemandesiSylviaa eudumalà supporter sesabsences.
Apparemment,oui,maisilsgardaientcontactparlettresetquelquesrarescoupsdefil–les
courrielsn’existaientpasàcetteépoque.
Ilterminesabièreetétirelesjambes.
—Allez,jevaismereposer.Bonnenuit.
Puisilfaitunsigneendirectiondenotretente.
—Nelaquittepasdesyeux,oujetepariequ’ungringaletviendratelapiquer.
—Oui,m’sieur.
Ilmelaisseseul,assissurmachaisedevantlefeu.Est-cequejevaisdormiravecAshtyn?
Jepensetellementàellequejenepeuxpasallerm’étendreàcôtéd’ellecommeça...
Jecroiselesbrassurlapoitrineetfermelesyeux.Çavaêtrelanuitlaplusinconfortable
demavie,maisçaira.Aujourd’hui,jeneveuxrienfairequipuissebouleversermavie.
Demain...ehbien,demainestunautrejour.
CHAPITRE38ASHTYN
Jeme réveille au beaumilieu de la nuit, brûlante et couverte de sueur.Derekn’est pas
danslatente.J’enlèvemesjoggings,meschaussettes,etmerendors.Unpeuplustard,jeme
réveilleausondelapluiequibatsurlatoile.Derekn’esttoujourspaslà.J’imaginequ’iladû
aller aux toilettes, mais au bout d’un quart d’heure, toujours aucun signe de lui. Je
commenceàm’inquiétersérieusement.
Ets’ils’étaitfaitattaquerparunours?Ous’ilavaitglissédanslabouesurlechemindes
sanitairesets’étaitcognélatêtecontreunepierre?
J’attrapeune lampetorchedansmonsacetsorssous lapluie.Derekestassisdevant les
restesdesonfeu,lesbrascroiséssurlapoitrine,unecasquettedebase-ballsurlatête.
—Tuesfou?C’estledéluge!
—Jesais.
—Alorspourquoitun’espassouslatente,ausecetauchaud?
—Parcequej’aitropenvied’enfreindrenotrerègle:onnesetouchepas,onnes’embrasse
pas.
Ilbaisselesyeux.
—Jet’aidanslapeau,Ashtyn.
—Tuveuxvraimentenfreindrenotrerègle?
—Ouais,répond-ilenhochantlentementlatête.
—Pourquoi?
—Parcequej’essaiedeterejeteralorsquej’aijusteenviedeteserrercontremoi.Jesais
quetun’aspasbesoind’unhérosmaismince,commej’aimeraisêtreceluiquiteprotège.
Sesmots pénètrent au plus profond demon cœur.Nos yeux vissés l’un à l’autre, jeme
metsàcalifourchonsursesgenoux.
—Moiaussi,j’aienvied’enfreindrenotrerègle.Moncœurbatviolemmentetj’ailatêtequi
tourne.
Ilesttrempéetjelesuisbientôttoutautant.Jen’ainichaud,nifroid...Jesuisseulement
là,aveclui,dansl’obscuritédelanuit.
Lalampetorchegisantparterre,jenevoispasgrandchose.Maisjeressensbeaucoup.Je
sensseshanchespuissantessouslesmiennesetsesgrandesmainsautourdemataille.J’ai
envied’enressentirplus,bienplus.Lecheminjusqu’àcemomentaétéremplidedisputeset
d’incompréhensions,mais,maintenant,noussommesparfaitementsynchrones.
Ilplacesamainsurmanuqueetm’attireà luipourm’embrasser.Lorsquenos lèvresse
rejoignent,jemesenstoutebizarre.Ildéposealorsdepetitsbaiserssurmeslèvresaupoint
demefairegémir...J’ai tellementenviequ’il lâchepriseetcessedevouloirmeprotégerde
lui-même.
J’ouvre la bouche pour un baiser plus intime. Nos lèvres humides et nos langues
s’entremêlent.
J’interrompsnotrebaiseravecunmouvementderecul.
—Jeneveuxpasfairesemblantdenepasavoirenvie,Derek.Pascesoir.
—Moinonplus,admet-il.
Je glisse son haut par-dessus sa tête et caresse ses épaules du bout des doigts, puis je
descendsetsenslerapidebattementdesoncœurcontremapaume.Jeparcourslesmuscles
desonventre,effleuresestétonsetl’entendsgémir.
J’airéussiàbrisersafaçadedemachoetsesvéritablesémotionsserévèlent.
Atraversl’obscurité,jeperçoissonregardsurmoi.Ilenlèvemonmaillotau-dessusdema
tête.Jefermelespaupières,laisselapluiecoulersurmoietjouisdelacaressedesesdoigts
surmapeau.Jemepressecontrelui, incapabledemecontrôler.J’aienviedecontinuer,de
luimontrercequesignifieunlienquidureplusd’unesimplenuit.
—Tuesbelle,tulesais?murmure-t-il.Jedétournelatête.
—Non,cen’estpasvrai.
—Jenepeuxpasimaginerunefilleplusbelle.Mêmesituestyranniqueetintransigeante.
—Tudoisavoirraison.
Nos doigts s’entrelacent, mais il se fige lorsque mon bracelet porte-bonheur frôle son
poignet.Ilcherchealorslefermoir,l’ouvre,etjettelebijouauloin.
—C’étaituncadeaudeLandon.
—Jesais.Jet’enoffriraiunautre.Ilrepassesesdoigtsentrelesmiens.
Nous nous embrassons pendant une éternité. Il lèche la pluie sur mon cou et j’ai
l’impressionquemoncorpsestenfeu.
Je le regarde dans les yeux, sans dire un mot, et il comprend ce que je lui demande :
«Aime-moi.»
—Tuasfroid,dit-il.
—Non,çava.
—Alorspourquoiest-ceque tu trembles?J’enveloppemesbrasautourdesoncouet le
serrefort.
Ilm’enlaceà son tour etmeconduitdans la tente. Il y fait aussi froidquedehors,mais
nousysommesausec.Ilretiresonjeanmouillé,et,trèsvite,noussommestouslesdeuxnus
souslescouvertures,peaucontrepeau.Sesbrasfortsetagilesm’enveloppent.Moncœurse
calmeetjecessedetrembler.
Derekécartemescheveuxmouillésdemonvisageavecdesdoigtsdouxettranquilles.
—Jenepeuxpastepromettretoutcequetusouhaites.
—Promets-moiseulementcesoir,Derek.
CHAPITRE39DEREK
Ashtynn’apaslamoindreidéedel’effetqu’elleasurmoi.Quandjel’aivuedeboutdevant
moi,souslapluie,jepensaisêtreenpleinrêve.Àprésent,elleestallongéeàcôtédemoi,son
corps pressé contre le mien et je suis sans défense. J’ai envie de lui racontermon passé,
comment le football américain était tout, pourmoi aussi, autrefois. J’ai envie de lui faire
l’amour.
J’aimeraisquecettenuitdurepourtoujours.Maisc’estimpossible.
Mince,jevoisbienqueçam’affectetrop.Jedevraispartirencourant,maislelienquinous
unitesttropfort.
Elleparcourtmamâchoire,meslèvres,medévisagecommesij’étaislaréponseàtout.Ce
n’estpaslecasetjenedevraispasfairesemblant.
—Arrêtederéfléchir,medit-elle.
—Jen’yarrivepas.
Ilyatellementdenon-ditsentrenous.
—Jesaisàquelpointtusouffresaufonddetoi.Jelelissurtonvisage,jelevoisdanstes
yeux...
Elleposesamaincontremoncœur.
—Cettenuit,jevoislevraiDerek.Celuiquetuessaiesdecacher.
Elleneconnaîtqu’unepetitepartiede l’histoire,mais jesaisis l’ampleurdesesmots.Je
n’aijamaisressentiçaauparavant,avecaucuneautrefille.
Je l’embrasse à nouveau et la douceur de ses lèvres pleines m’envoie des décharges
électriquesdans tout lecorps.Sa jambeautourdemoi, je trace lecontourdesahanchedu
boutdesdoigts.Elleronronneetsecambre,etjemesensperdrelecontrôle.
—C’esttellementbon,dit-elle,àboutdesouffle,contremapoitrine.
Sesmotsmepénètrentlecœur.
Mais merde, ce n’est pas comme ça que ça devait se passer... Je devais garder mes
émotions pourmoi,me taper des filles qui ne cherchent que du bon temps, pas des filles
désespéréesquitransformenttoutenmomentsessentiels.
Pourtant, Ashtyn ne demande pas d’engagement éternel, ni de rejouer au football
américain. Elle me demande d’être avec elle ce soir, rien de plus. Je n’ai qu’à prendre
simplementcequ’ellemedonne.
J’attrapesonpoignet, l’embrassedoucementetsenssonpoulsàtraverssapeaudouceet
tiède.
Je parcours son corps avec les doigts, puis avec la langue. Son cœur bat à toute vitesse,
comme lemien.Elle gémit etme presse contre elle ardemment, avec frénésie.Désormais,
c’estmoiquigémis,etj’ail’impressionquejevaisexploser.
—Tuesprêt?demande-t-elle.
—Oui!Ettoi?
—Moiaussi.
Pourquoimon corps agit-il comme si cette soirée allait changer le coursdema viepour
toujours ? C’est hallucinant. Pourquoi ne puis-je simplement m’amuser sans penser à
demain?
Lapluiebatcontrelatenteetonentendl’orageéclater,auloin.
—Onvavraimentlefaire,murmure-t-elleensepenchantau-dessusdemoi.
Unelarmetombealorssurmapoitrine.
—Tupleures?Ellenerépondpas.
Jepasselepoucesursajoue.Encoredeslarmes.Mince,ilfauttoutarrêter.
—Çanevapaslefaire,Ashtyn.
Jemeredresseetpasseunemaindansmescheveuxavecénervement.J’aiétéstupidede
penserqu’onpourraitcoucherensembleettoutoublierlelendemain.
—Jepars en janvier, dis-je. Je rentre enCaliforniequandmonpère revient. Jenepeux
pas...jenepeuxpasêtreceluidonttuasbesoin.
Ellerestesilencieuse.
—Disquelquechose,Ashtyn.
— Je n’ai pas envie de parler. Laisse-moi tranquille. Elle se rassoit et cherche des
vêtementssecsdanssonsac.
—Jesuisdésolé...
Maisquelcon!J’aimeraisluidireautrechose,maisquoi?Quejeseraiauprèsd’ellepour
toujours ? Qu’elle pourra toujours compter sur moi ? Ce serait des conneries, des
mensonges.
Ellemetourneledospourserhabiller.
—Dors,Derek.
Jem’allongeensoupirant.
Etquand lesrayonsdusoleilpercentenfinà travers la tente,elledortprofondément,en
metournantencoreledos.
CHAPITRE40ASHTYN
Auréveil,ondiraitqueDerekn’apasfermél’œilde lanuit.Ilsefrotte lespaupières, les
cheveuxenpétard.Jemesensmalàcaused’hiersoir.Jesuispasséepartouteslesémotions,
pour finalement être abattue à l’idée qu’il ne puissemême pas faire semblant dem’aimer
pourunenuit.
—Salut,dit-ildesavoixbriséedumatin.
—Salut.
J’essaiedecontenirmonémotionpournepascraquer.Plutôtquede le laisserparler, je
lèveunemain.
—Nemedemandepassij’aienviedeparlerdelanuitdernière,laréponseestnon.Jene
veuxplusjamaisqu’onenparle,alorsrends-moiserviceetgardepourtoi toutcequetuas
enviededire.
Ilacquiesceetquittelatentesansunmot.
Lanuitdernière, j’aieuenviedeluidirecequejeressentaispourlui.Lesmotsontfailli
m’échapperdehorssous lapluie,puissous la tente.Jemesuismiseàpleurerparceque je
savaisque,sijeluidisaislavérité,ilmefuirait.
Toutcequ’ilvoulait,c’étaitdusexesansconséquence,niengagement,etc’estcequejelui
aiproposé.Ilfautcroirequ’aufonddemoi,jem’attendaisàlevoirsubmergéparl’émotionet
m’avouer son amour indéfectible. Quelle idiote j’ai été ! Finalement, c’est moi qui étais
tellementsubmergéeparl’émotionquejenepouvaisempêchermeslarmesdecouler.
Lanuitdernière,laréalitéadétruitmonrêveidiot,voilàtout.
Jeramènemesgenouxcontremoietmerépètedenepaspleurer,qu’avecletemps,mon
cœurcesserademefairesouffrir.
Je rassemblemes affaires et sorsme laver.C’est difficile de garder la tête haute etmes
émotionsenordre.J’enfilemeslunettesdesoleilpourcamouflerlesdégâts.
Je ne vois Derek nulle part. Quand je sors des douches, il a déjà chargé la voiture et
m’attendderrièrelevolant.
NousneprononçonspasunmotenroulantdevantSylviaet Irvingqui jouentauxcartes
surleurtablepliante.Jelessaluedelamain,ilsmesaluentàleurtour.Avoircecouplequi
s’estbattuetasuresterunipendanttoutescesannées,j’aiungoûtamer.Mesparentsenont
étéincapables,toutcommemasœuretNick...Dereketmoin’avonspastenuunenuit.
Surlaroute,jegardelesyeuxrivéssurlavitre,jusqu’àcequeDerekseglissedanslafile
d’undrive-inetmedemandecequejeveuxpourlepetitdéjeuner.
—Rien,merci.
—Ilfautquetumanges.Jeretiremeslunettes.
—Jen’aipasfaim.
Ilcommandedeuxverresdejusd’orangeetdeuxbagelsauxœufs,puisgarelavoiture.
—Tiens,dit-ilenposantunbagelemballésurmesgenoux,mange.
Jeleluirendsetdescendsdevoiture.
—Ashtyn!
Jem’éloigneenfaisantminedenepasl’entendre.
—Ashtyn!
Ilme rattrape.Mes lunettesde soleilnepeuvent cacher les larmesqui coulent surmon
visage.
—Qu’est-cequetuveuxquejedise?
Ilmebarrelarouteetsepasseunemaindanslescheveux,levisagetendu.
—Jesuisdésoléquetoietmoisoyonsattirésl’unparl’autre.Jesuisdésoléquetuveuilles
quelqu’unquisoitprésentpourtoialorsquetun’aspersonne.Jesuisdésolédenepasavoir
pu poursuivre notre coup d’un soir alors que tu pleurais. Je suis désolé de ne pas être le
garçondonttuasenvie.
—Jem’enfousquetusoisdésolé!
J’aienvied’entendrequejereprésentequelquechoseàtesyeux.Maislesmotsrefusentde
sortir.Jesuisunelâche,quicrainssaréactionsijeluidiscequejeressensréellement.
—Etjeneveuxpasd’unstupidebagelenguisedeconsolation.
—Lebageln’étaitpasuncadeaudeconsolation,Ashtyn!C’étaitunpetit-déj,j’essayaisde
fairecommesitoutétaitnormalentrenous.
—Normal?Rienn’estnormaldansmavie,Derek.Maissituveuxquejefassesemblant,
trèsbien.Pourça,jesuistrèsforte.
Alorsjeposelesdeuxmainssurmoncœur.
—Mercibeaucouppour le bagel, dis-je d’une voix faussement douce. Je vais lemanger
toutdesuite,commeça,tuaurasl’impressionquetoutestnormal.
Jefaisdemi-touretretourneàlavoiture.Jen’ainullepartoùaller;autantmerésigner,je
suiscoincéeavecDerekjusqu’ànotrearrivéeauTexas.
Onmangedansunsilencetendu.Monbagelterminé,jeluimontrel’emballagevide.
—Satisfait?
—Absolumentpas.
J’ai besoin de m’entraîner. Il me conduit à un terrain proche. Je m’étire, tape dans le
ballon,pendantqueDerekresteappuyécontrelavoiture,occupéàécriresursontéléphone.
Ilneproposepasdem’aider.Ilgardelesyeuxrivéssursonstupideportablejusqu’àcequeje
luidisequejesuisprêteàrepartir.
Jeconduisunpeupendantqu’ilserepose.Puisnouséchangeonsnosplaces,jeposelatête
contrelavitreetjem’endors.
—Ashtyn,onestarrivés,m’annonceDerekdesavoixgrave.
J’ouvre les paupières, encore dans le brouillard. Il me secoue doucement. Je remarque
qu’ilmeregardedesesmagnifiquesyeuxbleus.Cen’estpasjustequ’ilaitdesyeuxpareils,ils
embrouillentlesfilles...ilsm’embrouillent,moi.
Derek avance la voiture jusqu’à l’entrée d’Elite. Mon cœur s’emballe. Nous y sommes,
voilà;toutcequej’attendaisestici.Desrecruteurssontlàpourrepérerlesmeilleursjoueurs
et en informer les universités pour lesquelles ils travaillent. D’un seul coup d’œil, je
remarquequejesuislaseulefille.
Unefouledeparentsetdejeunesoccupeunegrandepelouse.Certainsfontlaqueuepour
l’accueil,d’autresrientetjouentcommes’ilsseconnaissaientdepuisdesannées.
Derekmetunecasquettedebase-balletdeslunettesdesoleil.Ondiraitunestardecinéma
quiveutresterincognito.
Ilm’aideàrécupérermesbagages.
—Tuvastedébrouiller?
—Çaira,dis-jesansleregarder.
—Écoute,j’attendraisbienquetusoisinstalléemais...Iljetteunœilverslesjoueursqui
traînentetbaissedavantagesacasquette.
—Jevaisfilerchezmagrand-mèreetvoircequiluiarrive.
—Trèsbien.
Jeluiprendsmessacsdesmains.
—Onsevoitdansunesemaine,alors.
—Ilfautcroire,soupire-t-il.
Ilaévitédemetoucherdepuislanuitdanslatente,jel’aibienremarqué.Onnesedispute
pascommed’habitude.On...cœxiste,voilà.Ilm’adresseunpetitsourire.
—Aplus,Derek.
—Aplus.
Jecommenceàpartirmaisilmeretientparl’épaule.
—Amuse-toibien.Déchiretoutetmontre-leurcequetuvaux.Tupeuxlefaire,tulesais.
—Merci.
—Écoute,Ashtyn,jenesaispasquoidire.Hiersoir...
Jen’aipasenviedel’entendredireencoreunefoisqu’ilestdésolé:
—C’estbon,file.
Ilacquiesced’unsignedetête,puismonteenvoiture.
J’aienviedel’appeler,deluidirequ’ilfauttoutarrangerentrenousmaisjenebougepas.
Jenepeuxpas.Jeluiaidemandédem’aimerpourunenuit,iln’apaspu.
Jeregarde lavoitures’éloigneretdisparaîtreaucroisement.Queçameplaiseounon, je
suisseuledésormais.
Jeredresselesépaulesetmeplaceàlafindelaqueueversl’accueil.Jesurprendsquelques
regardsde joueursetdecertainsparents.Jepratiqueunsportdegarçonset,bienquemon
équipe se soit habituée à une présence féminine, certains pensent encore qu’une fille ne
devraitpas jouerau football américain. Ilsnous croient trop fragiles. Jen’aiqu’àgarder la
têtehauteetmontrerquejemérited’êtreiciautantquelesautres.
LesparolesdeDerekrésonnentdansmatête:«Tupeuxlefaire.»
Deux garçons devantmoi se donnent des coups de coude et font signe à leurs amis de
regarderlapauvrefilleseuledanslafile.L’und’euxsetourneversmoietmedit:
—Hé,tut’esperdue:lestagedepom-pomgirls,c’estauboutdelarue!
Sesamiséclatentderire.
Jeremontel’ansedemonsac.
—Jesuisaubonendroit.Tuessûrquecen’estpastoiquit’estrompé?
—Oh,j’ensuissûr,chérie.
Jesuissurlepointdeluibalancerunephrasebiensentielorsquel’hommeaubureaudes
inscriptionss’écrie:
—Suivant!Tonnom?Jemeraclelagorge.
—AshtynParker.
L’hommemesondedehautenbas.
—Alorsc’esttoi,lafille.
—Ondiraitbien.
Cethommeestunvraigénie...Ilmetendunsacàdostoutneuf,unebouteilled’eauetun
classeur,letoutestampillédulogoEliteFootball.
—Tuaslàtonemploidutempspourlasemaineetlaclédetachambre.Lesmaillotsvous
seront distribués demain, avant l’entraînement. Fais bien attention à toujours porter
l’étiquetteavectonnom.
Etilm’encolleunemaladroitementsurleT-shirt,sousmoncoucar,detouteévidence,il
estmalàl’aiseàl’idéedelaplacersurmapoitrine,commepourlesautresjoueurs.
—Lacafétériaestaurez-de-chausséedubâtimentdesdortoirs,àcôtédubar.
—D’accord.
Alorsquejem’éloigne,undesentraîneursm’interpelle:
—BienvenueàElite,Ashtyn!Jesuis lecoachBennett,c’estavecmoiquetutravailleras
toutelasemaine.
Jeluiserrelamain.
—Jesuisravied’êtrelà,coach.Mercipourcetteopportunité.
—Aucasoùtul’ignores,tueslaseulefilleàavoirintégréleprogramme.Commeiln’ya
pasdesalled’eauréservéeauxfemmes,lesdouchesserontferméesaurestedesjoueursde
cinqheuresàcinqheuresquarante-cinq lematinetdeseptheuresàseptheuresquarante-
cinqlesoir,histoirequetuaiesunpeud’intimité.
—Compris.
—Unedernièrechose:onnetolèreaucuneformedeharcèlementsexuel,quelqu’ilsoit.Si
jamaison t’ennuieàunmomentouàunautre, viensnousen informer,moioun’importe
quelmembredupersonnel.Celaétant, j’espèreque tuas lesreinssolides, lesgarçonssont
commeilssont.
Après cette charmante discussion, jeme dirige vers le dortoir et trouvema chambre au
bout du couloir. Tous les joueurs ont un coloc, saufmoi. Je posemes affaires par terre et
m’assoisauborddulit.Ilyaunepetitearmoire,unefenêtre,unlitsimpleetunbureau.C’est
basiquemaisc’estpropreetsansaraignées.EtsansDerek...Jem’étaishabituéeàlevoirdans
lesparages,àentendresavoix.Mêmemaintenant,ilmemanque.
Jenemetspaslongtempsàm’installer.Uneautrequemoiseraitsûrementrestéecachée
danssachambrejusqu’àdemain,débutofficielduprogramme.Aulieudecela,jevaisaubar
rencontrer les garçons avec lesquels je vais jouer pendant toute la semaine. J’aperçois
Landon assis avec deux types sur un canapé. Je ne ressens rien, sinon le désir de leur
prouver,àluietàtouslesautres,quej’enaidansleventre.
Ilesthorsdequestionquejelelaissem’intimider.Jesuiscapitaine,etjesuisaussilàpour
représentermescoéquipiers.Jenesuispasseule.Jemepostedevantlui:
—Salut,Landon.
Il lève les yeux, m’adresse un « salut » moqueur et reprend sa conversation sans me
présenterauxautres.Visiblement, ilne souhaitepasque jem’asseyeà côtéde lui, alors je
m’installesurunfauteuilàl’autreboutdusalon.J’essaied’entamerlaconversationavecles
garçons autour demoi. Ils me répondent brièvement avant de s’éloigner comme si j’étais
contagieuse.
Enretournantversmachambre,j’entendslaconversationd’ungroupequialaissésaporte
ouverte.Sic’étaitmescoéquipiers, jeseraisaveceuxàcetteheure-ci.Jesuisuneétrangère
enterrainhostile.Maispourquoifairematimide?Resterseulenem’apporterariendebon
surleterraindemain.
Jeredressemesépaulesetm’apprêteàentrerdanslachambrepourmeprésenter,quand
j’entendsundesgarçons:
—Vousavezvucettenanadanslaqueue,cematin?Unautresemetàricaner.
—Ilyaunmec,McKnight,quim’aditqu’elleavaitintégréleprogrammepourqu’ilsaient
unquotadefilles.Ellesefaitdesillusionssielles’imaginequ’elleasaplaceici.
—Elleapasintérêtàêtredansmonéquipe,déclareuntroisième.
Lesautresapprouventet,soudain,jenesuisplusd’humeuràmefairedesamis.
Jemeprécipitedansmachambreetmejettesurlelit.Normalement,jeseraisprêteàles
défier,àleurmontrerqu’ilsnemefontpaspeur.Pourl’instant,jenemesenspascapablede
prouverquoiquecesoitetjesuistotalementabattue.
Pourlapremièrefoisdepuisqu’onm’aéluecapitaine,jenemesenspasdignedecerôle.
CHAPITRE41DEREK
Aprèsm’êtreannoncéàl’Interphone,jelèvelatêteverslagrilleautomatiquequis’ouvre
lentement.Certainsseraient impressionnéspar lapropriétégigantesquedemagrand-mère,
maisjetrouveridiculed’affichersonargentousonstatutsocialdelasorte.
Jeme gare dans l’allée circulaire et observe les grands piliers qui encadrent l’immense
ported’entrée.Je transpiremais lesoleildumatinn’yestpourrien.Rencontrermagrand-
mèresursonpropreterrain,c’estcommesebattrecontreuneéquipeinconnue.Onnepeut
passepréparerefficacementpourlematchetonrestenerveuxjusqu’àlafin.
Unhommeencostumenoir,l’airgrave,m’attendàl’entrée.
—Vousêtesdesservicessecrets?luidis-jepourdétendrel’atmosphère.
Ilneritpas.
—Suivez-moi.
Onme conduit à l’intérieur. Avec ses hauts plafonds et ses larges couloirs, l’endroitme
rappellelesmaisonsdestarsquel’onvoitàlatélévision.Lesescalierssontenmétalverni,les
meublescertainementhorsdeprix.L’hommeencostumes’arrêteàl’entréed’unepiècequi
surplombe la piscinedans le jardin en contrebas.Elle est décoréedemeubles blancs et de
coussinsviolets.Uneambianceféminineetclinquante.Est-cequ’Ashtynaimeraitcetendroit
ouest-cequ’ellepréféreraitsesvieuxmeublesusés?
Cematin,j’avaisenviederesteravecellejusqu’àcequ’elles’installedansledortoir.C’était
avantd’apercevoirdestypesquirisquaientdemereconnaître.J’auraisaiméluiracontermon
passé,maisàquoibon?C’étaitplusfaciledenerienexpliqueretdepartir.
J’observelagrandepiscinedujardinparlafenêtre.J’auraisaiméqu’Ashtynsoitavecmoi.
Soudain,j’entendsquelqu’unentrer.Jemeretourne,etreconnaisimmédiatementmagrand-
mère. Elle est en tenue d’un blanc éclatant, les cheveux gonflés, avec un maquillage
extravagant. Je m’étonne qu’elle soit bronzée ; elle semble tout droit rentrée de vacances
plutôtquedel’hôpital.
Ellesetientlatêtehaute,commeunereinedevantsessujets.
—Tunesaluespastagrand-mère?
—Bonjour,Grand-mère.
Jerestedemarbre.Jenemasquepasmonressentimentmais,aumoins,jenereculepas
lorsqu’elles’avanceetmimeunfauxbaiserdansl’air.
Ellemetientàboutdebras.J’ail’impressiond’êtreunebêted’élevagequel’onévalueetje
suispresquesurprisqu’ellenem’ouvrepaslabouchepourinspectermadentition.
—Tuasbesoind’unenouvellecoupe.Etdenouveauxvêtements.Ondiraitunmendiant,
aveccejeantrouéetceT-shirtquejen’utiliseraismêmepascommetorchon.
—Heureusementpourtoi,c’estmoiquilesporte.
Ellepousseunpetit«hmmph !».Une femme, en tenuededomestique, entre avecdes
petits sandwichsetdu thé surunplateauenargent.Lorsqu’elle repart,magrand-mèreme
désigneundescanapésenosier.
—Assieds-toietprendsquelquechose.Jerestedebout.
—Écoute,jenevaisrient’apprendre,maistuneressemblespasvraimentàquelqu’unsur
sonlitdemort.Tum’asditquetuétaismourante.
Elles’assoitaubordd’unfauteuiletverseduthédansunetassetrèschic.
—Jet’enprie.Jen’aipasexactementditquej’étaismourante.
—Tuasditquetuconsultaisunmédecin.Tuasuncancer?
—Non,assieds-toi.Lethévaêtrefroid.
—Diabète?
—Nonplus.Lessandwichssontfaitsavecunfromagefrançais.Goûtes-enun.
—Parkinson?MaladiedeCharcot?AVC?
Elleagitelamaincommepourchassertouteslesaffectionsquejeviensdeciter.
—Situveuxtoutsavoir,jemereposais.
—Tutereposais?Tum’asditquetuvoyaisunmédecin.Tuasécritquemevoirétait ta
dernièrevolonté!
—Nousavonstousunedernièrevolonté,Derek.Nousqui,chaquejour,nousrapprochons
delamort.Maintenant,assieds-toi,avantquematensionnegrimpe.
—Tuasdesproblèmesdetension?
—Tuvasm’endonnerunsitucontinues.Commejenebougepas,ellesoupireungrand
coup.
—Bon,j’aisubiunepetiteintervention.J’étaisenconvalescencedansunspaenArizona,
jusqu’au20.
Uneintervention?Jesuistombédansunpiège,onm’amanipulépourmefairevenirici.
Quelcrétinjesuis!
—C’étaitdelachirurgieesthétique,n’est-cepas...
—Appelonsçaplutôt...unerévision?Tudevraisdéjàconnaîtrecetermepuisquetonpère
aimetraficotersesvoituresplutôtquedelesameneràunprofessionnel.
—Sic’estuneinsulte,c’estraté.
Magrand-mèrelèvelesyeux,sanslemoindresignedehonte.
—Cequejeveuxdire,c’estqu’ilestéprouvantdesevoirvieillir.Tuesmonpetit-filsetla
seule famillequimereste.Jesuisveuvedepuisdixans,et tamèrenousaquittés.Tues le
dernierdesWorthington.
—JenesuispasunWorthington.JesuisunFitzpatrick.
—Ouietc’estbienmalheureux.
ElleesttellementhabituéeàseprendrepourlareineduTexasqu’ellenedoitpasserendre
comptedesonarrogance.
—Jenecroispasquemonpèreseraitd’accordavectoi.Elleseraclelagorgecommesielle
avaitquelquechosedecoincé.
—Commentseportececherserviteurdel’armée?
—IlestdanslaNavy.
—Peuimporte.
—Jesuissûrqu’il t’envoiesessincèressalutations,mais ilestdansunsous-marinpour
lescinqprochainsmois.
—Ilaabandonnésanouvellefemmesipeudetempsaprèslemariage?Queldommage!
ajoute-t-elle d’une voix lasse. Derek, assieds-toi. Tu me stresses. C’est déjà bien assez
compliquéqueturefusesd’encaisserleschèquesdetonfondsdepensionetquejedoiveme
résoudreàt’envoyerdessommesenespèces.
—Jen’aijamaisdemandéd’argent.
Mesgrands-parentsenavaientdécidéainsiàmanaissance.Jecroisquec’étaitleurfaçon
de m’attirer au Texas dans l’espoir de me voir un jour travailler pour les industries
Worthington.
—Aufait,lamaisonderetraiteSunnysideteremerciepourtagénéreusedonation.
Ellesoupireànouveau.
—J’ai reçu lacartederemerciements.Jesuisdéjà labienfaitricedenombreusesœuvres
caritatives. C’est ton argent, Derek. Je ne veux pas que tu vives comme un nécessiteux.
Maintenant,assieds-toietmange.
— Je n’ai pas faim. Écoute, Mamie, dans ta lettre tu écris que tu as quelque chose
d’importantàmedire.Pourquoitunecracheraispaslemorceau,qu’onenfinisse?Pourêtre
honnête,tonpetitjeupourunirlafamille,çanemarchepas.
—Tuveuxsavoirlavérité?Jesouhaitequetuviennesvivreavecmoi.
Elleneclignepasdesyeux,nesouritpas.Jecroisqu’elleestsérieuse.Ellen’estpeut-être
pasmaladeàencrever,maiselleaclairementpétéunplomb.
—Oublieça,tumefaisperdremontemps.
—Jedisposed’unesemainepourtefairechangerd’avis.Demanièretrèsposée,elleprend
unegorgéedethépuisreposesatassesurlatable.
—Tupeuxbienm’accorderunesemaine,Derek,n’est-cepas?
—Donne-moiuneseulebonneraisondenepasrepartird’icitoutdesuite.
CHAPITRE42ASHTYN
Premierjourd’entraînement.Nousallonsêtrerépartisenéquipespourlesmêlées.Jeme
réveilleàcinqheuresausonduréveiletmedirigeverslesdouches.Ilyaunegrandeaffiche
surlaportedelasalled’eau:
5H00-5H45OUVERTAUXFEMMESUNIQUEMENT
Quelqu’uns’estamuséàbarrerAUXFEMMESetaécritÀLAPUTEDEFREMONTà la
place.Lesmotsblessentbiencommeilfaut.
Jem’attardesousl’eauchaude.J’aienviederentrerchezmoi.Peut-êtrequeLandonavait
raison, que l’onm’a acceptée à Elite parce que je suis une fille et qu’on avait besoin d’un
certainquota.
Qu’est-cequejefaislà?
Je sors de la salle de bains et arrache l’affiche. Jene vais pas cédermaintenant à cause
d’unpanneaudébile quime traitede«putedeFremont». Jeperdraismadignité si jene
pouvais pas encaisserunemauvaise blague.Cinq garçons fontdéjà la queue, une serviette
autourdelataille.Landonestlà,ilricanequandjepassedevantluietditquelquechoseau
typeàcôté.
Deretourdansmachambre,jejetteunœilàmonportableetdécouvrecinqtextos.
Jet:Trouve-nousunnouveauquarterbackpourFremont,mêmesi tudoiscoucheravec
lui!Unpetitsacrificepourl’équipe.Jedéconne(quoique).
Vic:Faispasdelamerde!Jedéconne(quoique).
Trey:N’écoutepasJetetVie.(Monikam’aditdet’écrireça.Elleestassiseàcôtédemoi.)
Monika:Bonnechance!Pleindebisous!
Bree:Vsêtesarrivés?Envoiedesphotos!
Ilsme rappellent que j’ai unemission à accomplir,maintenant que Landon s’est révélé
être un salaud et a laissé tomber notre équipe. Si je peux inciter les recruteurs à venir à
Fremontmevoirjouer,touslesautresaurontleurchanced’êtrevus.Jenepeuxpasbaisser
lesbrasetfairedemi-tour.
Montéléphonesonnejusteavantquejeneparteàl’entraînement.C’estDerek,mieuxvaut
ignorersonappel.J’aitellementdechosesàluidire...Maispasmaintenant;cettesemaine,je
doismeconcentrersurlefootball,etriend’autre.
Sur leterrain, l’entraîneurprincipaldonneuncoupdesifflet.Pendantqueles joueursse
rassemblent,ilnoussermonnesurleharcèlementsexuel.Riendemieuxpourquelesautres
merejettentencoreplus...Touslesyeuxsontrivéssurmoietjevoudraisjustedisparaître.Je
n’entendsmême pas le petit discours d’encouragement qui précède réchauffement, encore
trop absorbée par les regards. L’entraînement est fermé au public, les parents et les
recruteursnepeuventpasyassisteraujourd’hui.Aucungarçonnes’approchedemoi,aucun
nem’adresselaparole.
L’entraîneur de tir, le coach Bennett, fait travailler longuement la technique puis, dans
l’après-midi,nousfaittirerverslalignedebut.Ilaugmenteladistanced’unmètreàchaque
tirréussi.Jesuislameilleuredugroupejusqu’aumomentoùlecoachBennettordonneaux
quarterbacksdenoustenirlesballonsetderecréerlesconditionsdejeu.
Landon doit me tenir le ballon. Il avance vers moi avec un sourire arrogant. Je
demanderaisbienàl’entraîneurdechangerdeporteur,maispersonnen’aimeunjoueurqui
seplaint.Etpuis,qu’est-cequejeluidirais?QueLandonestmonexetquejeneveuxpas
êtresympaaveclui?Ilmeriraitaunezetm’enverraitpromener.
Lefootballaméricainn’estpasunsportpourlesfaibles,quecesoitsurleplanphysiqueou
mental.
Je peux le faire. Je regarde les autres tireurs qui passent les premiers. Ils se donnent à
fond, comme desmachines entraînées spécialement qui savent exactement quoi faire et à
quel moment. Je remarque quelques types dont j’avais déjà entendu parler mais que je
n’avaisjamaisrencontrés,desmini-célébritésaugrandtalentetàl’egosurdimensionné.
BennettnousappelleLandonetmoi.Jemeprépare,tenteuntirparfait,bienaumilieudes
poteaux,maisLandonfaitoscillerauderniermomentleballonquiroulesurlesol,commeje
l’aifrappéàlapointeetnonenpleincentre.Ill’afaitsisubtilementquepersonnenes’enest
renducompteàpartmoi.
—TufaistaputeavecDerek?marmonneLandonalorsquejememetsenpositionpour
unnouvelessai.
Jepréfèrel’ignoreretjemeconcentre.Cettefois, il lâcheleballonàladernièreseconde,
ducoupjeleratecomplètementetatterrissurlesfesses.Landonfaitminedes’inquiéter:
—Oh,non!Çavaaller?
Ilmetend lamainpourm’aideràmerelevermais jedonneuncoupdedanset luihurle
dessus:
—Tienscefoutuballon,quejepuissetaperdedans!Iltournesespoingsfermésdevantses
yeux.
—Ouin,ouin!Tuestristeparcequetoiettonéquipe,vousnevalezriensansmoi?
—McKnight,surlebanc.Hansen,remplaceMcKnightauballon!crieBennett.
CharlieHansentrottinesurleterrainetlesdeuxquarterbackssetapentdanslamainense
croisant.
Jeme remets en position et Hansen s’agenouille. A la dernière seconde, il fait pencher
légèrement leballonet je ratemon tir.C’estunéchecabsolu. J’entends lesmoqueriesdes
garçonsrestéssurlatouche.
Audîner,jem’assoisseuleàunetable.Jesuisfatiguéeetabattue.
Lesdeux jourssuivantsnesontque larépétitiondupremier.Onm’intègreàuneéquipe
mais aucun joueur nem’adresse la parole. Je tire parfaitement quand le ballon est sur un
soclemaislorsquecesontlesgarçonsquiletiennent,jesuistotalementdémunie.Landona
réussisoncoup.
Mercrediaprèsl’entraînementdusoir,l’entraîneurprincipal,lecoachSmart,meconvoque
dans son bureau, dans le bâtiment principal. J’entre toujours en tenue et trouve le coach
BennettdeboutàcôtéducoachSmart,messtatistiquesdujouràlamain.
—Qu’est-ce qu’il se passe, Parker ? demande le coach Smart. On t’a fait venir ici parce
qu’on avait vu ton potentiel. Peu de joueuses continuent au-delà du lycée, mais nous
pensionsquetuavaiscequ’ilfallaitpourêtrel’exceptionàlarègle.
Ilmemontremesstatistiques.
—Tesperformancesnousdéçoivent,etlemotestfaible.
—Mesperformancesmedéçoiventégalement.Lesgarçonsmemettentdesbâtonsdansles
roues.
Aucunecompassion,aucunecompréhension.L’entraîneurveutseulementquesonjoueur
donnelemeilleurdelui-même.
—Tudoistrouverlemoyendejouersanstenucomptedeshistoiresqu’ilpeutyavoirentre
vous.Ilyauratoujoursdesgarsquichercherontlesennuis.Chacundoits’éleverau-dessus
de ça et trouverune solutionpourque tout fonctionne.Onva fairedesparties amicales le
restede la semaine,puis il yaungrandmatchvendredi soir.Enprésencedesparents,des
recruteurs,desmédias...lesgradinsserontpleins.Situveuxrentrercheztoietabandonner,
Parker,tun’asqu’àledire.
—Jeneveuxpasrentrerchezmoi.
—Est-cequetuesvenueicipouruneraisonparticulière?
—Oui,monsieur.
Jel’avaissimplementoubliée.
— Très bien. Voilà la situation, poursuit-il en se penchant en avant. Si tu veux jouer
vendredi sans te ridiculiserni ridiculiser le programme, tu as deux jours pour arranger les
chosesetpersuaderlesgarçonsdet’accepter.
Jedéglutismaissensunnœuddansmagorge.
—Oui,monsieur.
Je quitte son bureau en me disant que ce n’est pas important de savoir comment et
pourquoijesuisvenueici:jesuislà,etjedoismontrerdequoijesuiscapable,aujourd’hui
plus que jamais.Tu peux le faire. Jeme répète lesmots de Derek encore et encore, dans
l’espoirdefinirparycroire.
Avantdesortirdubâtiment,jem’arrêtepourregarderlesphotosdesjoueursaccrochéesau
mur, ceux qui ont intégré le programme Elite et ont construit de vraies carrières en ligue
nationale.Ilyamêmeunmurdédiéauxmeilleurs.
Soudain,jebloquesurunedesphotos.Non,cen’estpaspossible.Sousleclichésetrouve
unepetiteplaquedoréesurlaquellesontgravéslesmotsDEREKFITZPATRICK«LEFITZ»
-MVP[I]
.Surlaphoto,unjoueurestentraindesauterpourmarqueruntouchdown.
MVP chez Elite ? Ce ne peut pas être le Derek Fitzpatrick que je connais, incapable de
lancerunballoncorrectementmêmesisavieendépendait.LemêmeDerekFitzpatrickqui
me fait fondre chaque fois que je suis avec lui. Le Derek Fitzpatrick à qui j’ai failli faire
l’amoursousunetente.
Jem’approche. Il n’y apasd’erreur : c’est bienDerek. Ses yeux, son regard intense... ce
souriredeposeur.Sestraitsmesontsifamiliers,aujourd’hui.
Nousnousconnaissonsdepuisplusieurssemaines.J’aidormiavec lui.Jemesuiséprise
delui...ettoutcetemps,ils’estcachésousuntissudemensonges.
Je revois Derek m’écouter parler alors que je stressais parce que Landon nous avait
abandonnés et qu’on se retrouvait sans quarterback au niveau. Il savait que je ferais
n’importe quoi pour trouver un joueur digne de ce nom pour Fremont. Et pourtant, il n’a
jamaislaisséentendrequ’ilétaitunquarterbackaguerri,etmêmeunMVP.
LecoachBennettmerejoint.Jepointeledoigtverslaphoto.
—Ilétaitvraimentbon?
—Fitz?C’étaitlemeilleurquarterbackquej’aiejamaisvu.Certainssontnéspourjouerau
footballaméricain.Fitzenfaitpartie.Iléblouissaittoutlemondeparsontalentetsacapacité
àlirelejeudeladéfense.
—Qu’est-cequ’ilestdevenu?L’entraîneurhausselesépaules.
—Ila cesséde joueretn’est jamais réapparu.Çanousa choqués, c’estpeudire.Onn’a
jamaisretrouvéquelqu’unavecunteltalentdepuis.
—EtLandonMcKnight?
—McKnight,çava.
— C’est un des meilleurs joueurs de son Etat et il n’a pratiquement jamais perdu, l’an
dernier.
—Lebut,c’estdenejamaisperdre.Compris?Jeluifaisunsignedetête.
—Avecsuffisammentd’entraînementetdepratique,McKnights’ensortira.
IltapotealorslaphotodeDerek.
— Dès le début du lycée, Derek Fitzpatrick a mené son équipe jusqu’au championnat
d’État.
Sesmotsflottentdansl’air.Derekestalléauniveaud’État.Waouh!Quelleimpressionça
doitfairedejoueràceniveau?Lui,illesait.
Deretourdansmachambre, jesorsmonportableetcherche«DerekFitzpatrickfootball
américain ». Le premier résultat est un article de presse sur un jeune prodige du football
américainquiaattirél’attentiond’établissementsdepremièredivisiondèsl’âgedequatorze
ans.Aumilieudulycée,ilavaitdéjàtroisoffresdeboursecomplèteàl’université.Unautre
articles’intitule«DerekFitzpatrick,quarterbackdegénie».Alafinsetrouveunephotodu
petitprodige.
Jevaisd’articleenarticle,tousplusélogieuxlesunsquelesautres.C’estdifficiledecroire
quelapersonnequioccupemespenséesaunpassésecretqu’ilnem’ajamaisdévoilé.Est-ce
quel’idéedejouerpourFremontàmescôtésluiatraversél’esprit,cesdernièressemaines?
SatrahisonmeblesseencoreplusquecelledeLandon.Etpourtant,jesuissortieavecce
dernier, même si je sais à présent qu’il ne m’a jamais vraiment aimée.Moi, j’essayais de
comblerunmanquedansmavie,unvideque je traîneavecmoi. Il s’est fichudemoi et a
complotéavecBonkdeFairfield.
Enréalité,Dereks’estencoreplusmoquédemoi.Tupeuxlefaire,qu’ildisait.Est-cequ’il
lepensaitvraiment,ouétait-ceuneautredesesblagues?
Nous nous étionsmis d’accord de ne pas nousmêler de la vie de l’autremais tant pis.
J’appelleuntaxipourqu’onviennemechercher.AFremont,lecoachDieterdittoujoursque
nousdevonsjouerdanslesrègles,proprement.
Jenesuispasd’accord.Ilesttempsdesesalir.
CHAPITRE43DEREK
JescrutelecostumecoûteuxqueHarold,lemajordome,aétendusurmonlit.Jesuissûr
quema grand-mère lui a demandé de l’y déposer dans l’espoir de faire demoi le petit-fils
qu’ellevoudrait. Je suisarrivé ici il ya trois jourset j’aihâted’aller chercherAshtynetde
rentrerenIllinois.Jelaissetomberlecostumeetretrouvelavieilledanssonimmensesalleà
manger.
Ellelèvelesyeuxversmoietfroncelessourcils.
—Derek,faisplaisiràtagrand-mèreetmetsautrechosequeceshaillonsquiteserventde
vêtements.Haroldnet’apasapportélecostumequejet’aiacheté?
—Si,ill’afaitmaisjeneleporteraipas.
Jeprendsunmorceaudepaindugrandbuffetmaisellemetapelamain.
—Attendslesinvités.
—Lesinvités?Quelsinvités?
J’aisoudainunmauvaispressentiment.
Elle semble bien trop fière d’elle. Ce faux sourire qu’elle essaie de cacher est le signe
qu’ellemanigancequelquechose.
—J’aiorganiséunepetitesoiréeavecquelquesjeunesdelaville,c’esttout.Jeconnaisde
nombreusesjeunesfillescélibataires,poursuit-elleenmetenantlevisageaveclesmains,qui
proviennentdelignéesirréprochables,Derek.
—Deslignées?Tucomptesm’accoupleravecunejument?Franchement,çafaitvieuxjeu,
mêmepourtoi.
—Aurais-tudéjàunebonneamie?
—Situparlesd’unepetiteamie,laréponseestnon.Jen’encherchepas,detoutemanière.
—Foutaise,ilfautqu’ontetrouvequelqu’un.C’estaussisimplequecela.
Ellemarcheavecdéterminationjusqu’àl’autreboutdelapièce.
—Tuesgrand,séduisant,etilsetrouvequetueslepetit-filsdefeuKennethWorthington.
Il est temps que tu acceptes le fait que tu es l’héritier des industriesWorthington, le plus
granddistributeurdetextiledumonde.Tuesunexcellentparti,moncherpetit-fils.
—Çamefaitunebellejambe.
— A ton attitude, on comprend que tu n’as pas encore rencontré de fille digne de tes
attentions.Maiscelachangeraquandtucroiseraslajeunefillequ’iltefaut.
J’attrapeunmorceaudepaindubuffetetmordsdedans.
— Merci pour l’offre, dis-je la bouche pleine, mais je n’ai pas besoin qu’on joue les
entremetteurspourmoi.
Salèvresupérieureseretroussededégoût.
— Je croyais que tu fréquentais une école privée. On ne t’y apprend pas les bonnes
manièreslesplusélémentaires?
J’ouvrelabouchepourrépondremaisellem’arrêted’unemain:
— Ne parle pas la bouche pleine. Simplement... monte à l’étage, enfile ton costume et
redescendslorsquetuserasconvenablementhabillé.Lesinvitésvontarriversouspeu.
Voyant que je n’ai pas lamoindre envie deme déguiser pour sa fête, ellem’adresse un
sourirehypocrite.
—S’ilteplaît,Derek,fais-moiplaisir,justeletempsd’unesoirée.
—Situosesdirequemamèreauraitvouluquejemettececostume,jetejurequejepars
etque jenereviendrai jamais.Nefaispassemblantdesavoirquoiquecesoitdemamère,
c’esttoiquiasdisparudesavie.
—Jelaconnaisplusquetunelepenses,Derek.
Jesecouelatête,prêtàl’envoyerbalader,lorsqu’ellemefaitsignedelasuivrehorsdela
pièce.
—Viensavecmoi,ilfautquejetemontrequelquechose.
Mon instinctme dit deme comporter commeun enfoiré et de partir, juste pour qu’elle
comprenne.Maisunevoixdansmatêtemepressederesteretdesuivrelavieille.
Elle me conduit dans une grande bibliothèque contenant suffisamment de livres pour
ouvrirunepetite librairie.Elle ferme laporteet faitglisseruneétagèrederrière laquellese
cacheuncoffre-fort.Desesdoigtsagiles,ellel’ouvredélicatementetentireuneenveloppe.
Elleensortunelettrequ’ellemetend.
Jejetteunœilàlafeuilleetreconnaisinstantanémentl’écrituredemamère.Lalettredate
dedeuxsemainesavantsamort.Elleétaitalorsaffaiblieetsavaitqu’ellen’enavaitpluspour
trèslongtemps.Jeluiavaisdemandésielleavaitpeur...J’avaisétéincapabledeterminerma
phraseàhautevoix.«Demourir?»avait-ellepoursuivi.Jeluiavaisditouietelleavaitpris
mamaindanslessiennesendisant:«Non.Jen’auraiplusmalàcemoment-là.»Quelques
jours plus tard, elle ne parlait plus et restait allongée dans son lit toute la journée, en
attendantlamort.
Magrand-mèresetientdevantmoi,têtebaissée,letempsquejeliselesmotsdemamère.
Maman,
Jemesouviensquandj’étaispetitefille,jeparlaispeuparcequej’étaistimide.Maistoi,tu
disaisauxautresmèresque j’étais trop intelligentepourparler.J’aidécouvertque tuavais
payéundes jugesduconcoursdebeauté auquel j’avais participé au collège pourme faire
gagner. Je ne t’ai jamais dit que je savais que lemanager du BurgerHut avait refusé de
m’engagerpourl’étéavantmaterminaleparceque tusouhaitaisque je fasseunstageavec
PapaauprèsdesindustriesWorthington.
Pendant longtemps j’aipenséque tu faisais toutcelapourcontrôlerma vie.Maintenant
quejesuismèreàmontour,jecomprendsquetucherchaisàmecréeruneexistenceparfaite
parcequetum’aimais.
Soisrassurée,j’aieuunevieparfaite.StevenFitzpatrickestmonvéritableamour.Derek
estmonpetitchampiondefootballetunfilsincroyable:ilestdrôleetbeaucommesonpère,
déterminéetsauvagecommesamère.Ilestparfait.
Jenetedemandequ’unechose,Maman:prendssoindemonfilslorsqueStevenn’enaura
pas lesmoyens.Faisattentionà lui,car jeneseraibientôtplus làpourm’en occupermoi-
même.
Avectoutmonamour,
Katherine
Jereplielalettreetretiensmeslarmesenlarendantàmagrand-mère.
—Jevaismechanger.
Iln’ya rienàajouter.Jecomprendspourquoi je suis làetpourquoielle souhaiteque je
reste.
Une demi-heure plus tard, je descends l’escalier dans le costume qu’elle m’a offert. Je
laisse la cravate à l’étage et déboutonne les deux boutons du haut de ma chemise pour
prouverquel’esprit«sauvage»demamèrevittoujoursàtraversmoietquecelanerisque
pasdechanger.
L’entrée est pleine à craquer de jeunes filles en robe claire et à la chevelure soignée.
Sachantcommentmagrand-mèreopère,ellem’adéjàchoisiuneépouseappropriéeetadéjà
faitrédigerlecontratprénuptial,prêtàsigner.
Heureusementpourmoi,ilyaaussidesgarçonsparmilesinvitésetjenesuispasleseul
mâleexposé.
Ashtynsemarreraitàunesoiréepareille,oùl’ongagneenpopularitégrâceàl’argentetau
statut plutôt que par l’alcool que l’on ingère avant de vomir. Je parie que personne ici n’a
jamaisfaitdejeuxavecdesshots.
—Derek!hurlemagrand-mèrequiseprécipiteàtraverslamassedegens.Tuasoubliéta
cravate.
—Non,jenel’aipasoubliée.
Elleportelamainàmoncoletreboutonnelesdeuxboutonsdemachemise.
—Ilest indispensabled’avoirunecravatequandtue saunévénementofficiel.Onva te
prendrepourlejardinier.
— C’est peut-être un événement officiel pour tous les autres mais pour moi, c’est un
spectacled’animaux.Tuveuxquejefassesemblantd’êtrecommeeux,voilàlerésultat.
—Tunepourraispasfaireunpeumieuxsemblant?CassandraFordhametsamèrenete
quittentpasdesyeuxdepuisquetuasdescendul’escalier.
Jemedéboutonneànouveauetdéfaisuntroisièmeboutonjustepourlaforme.
—Quic’est,CassandraFordham?
—Laplusbelle filleduTexas.Ellegagne tous lesconcoursdebeauté,elleaungrainde
peauincroyableetjouedupiano.
Graindepeau?Concoursdebeauté?Çanevautrienfaceàunefillequin’apaspeurdese
salirsurunterrain.
—Ellejoueaufootballaméricain?
—Au football ? rigolema grand-mère.Derek, les jeunes filles ne jouent pas au football
américain,ellesregardent.Et,oui,jesuiscertainequeCassandraFordhamappréciecesport.
C’estuneTexanepuresouche.Nousavonscesportdanslesang.Elleestjusteici.
Elle fait de son mieux pour me montrer discrètement une fille en robe jaune, épaules
dénudées.
Magrand-mèremeprendlebrasetmeguidejusqu’àCassandraFordham.Jevoisbienque
tous les regards sont sur nous. Cassandra a été désignée d’office la plus belle fille dans la
pièce.Commejesuisl’invitéd’honneur,jedoisêtreprioritaire,j’imagine.
— Madame Fordham, Cassandra, laissez-moi vous présenter mon petit-fils, Derek
Fitzpatrick,annoncemagrand-mèred’unevoixassurée.
Cassandra est digne d’unmannequin. Elle a un petit nezmignon et des yeux bleus qui
s’illuminentlorsqu’ellesourit.Elleesquisseungenrederévérence.
—Alors,Derek,leTexasteplaît?
—Tuveuxlavérité?
Magrand-mèremedonneuncoupdecoudediscretetpousseungrandéclatderire.
—Derekm’atenucompagnietoutelasemaine.Vousdevriezlevoirjouerautennis.Nousy
jouonstouslesaprès-midi,aprèsledéjeuner.Ilaunvraidon.
Jen’aipasmislespiedssurunecourdetennisdepuismonarrivéeici.
—J’yjouemoiaussi,ditCassandrad’unevoixdouceetféminine.Peut-êtrequ’onpourrait
jouerensemble,unjour.
Magrand-mèremesecoueànouveau.
—Biensûr.N’est-cepas,Derek?
—Oui.
Après un peu de conversation de circonstance, ma grand-mère demande l’avis de Mrs
Fordham sur la nouvelleœuvre d’art qui orne son salon etme laisse avec Cassandra. J’ai
l’impressiond’avoirremontéletemps.Toutlemondediscuteetmangeausond’unquartetà
cordes.Cassandrameprendparlebrasetmeprésenteauxautresinvitésdelasoirée.
J’aiunpetitmomentderépit lorsqu’elles’excusepouralleraux toilettes.J’entredans la
salleàmangeretattrapequelquechose.Dèsque je trouveuneplaceà table,ungroupede
filless’installeprèsdemoi.Jenevaispasmentir :ellessontcanon.LeTexasoffre lesplus
jolies filles que j’aie jamais vues, et j’ai vécu dans bien des endroits différents. Je me
demandeuncourtinstantcommentellesfontpourresteraussimincesaveccettenourriture
richeetgrasse.Puisjeremarquequeleursassiettessonttoujourspleinescarellesnemettent
absolumentriendanslabouche.C’estunscandale,selonmoi.
Ashtynseserviraitunemontagnedenourritureetengloutirait toutsanssesoucierdece
quelesgarçonspenseraient.Jel’appelletouslesjours,maisellenerépondpas.Cematin,je
luiaienvoyéuntextopourluidiredem’appeler.Rien.
Aprèsavoirmangéetdiscutéavecdeuxgarçonsde football américain, leur seul sujetde
conversation, je vois revenir Cassandra. Elle débite des statistiques de football américain
commeunrobot,àcroirequ’onl’aéduquéepourparlerdecesportsansvraimentl’apprécier.
Jem’échappe etm’assois sur un des fauteuils, dans l’espoir d’être seul. La lettre dema
mèrechange tout.Quand j’ai lu sesmots, c’était commesi ellemeparlaitdepuis l’au-delà.
Ellem’a appelé son « petit champion du football ». Ça a rouvert une plaie que je croyais
referméedepuislongtemps.
Matranquillitéestdecourtedurée,puisquedesmainsdefemmemecouvrentlesyeuxet
lavoixaiguëdeCassandramurmureàmonoreille:
—Devinequic’est?
CHAPITRE44ASHTYN
EnarrivantdevantlemanoirWorthington,prêteàaffronterDerek,jeréalisesoudainque
j’aurais dûme changer. Jeporte un short de sport etmonmaillot d’entraînement, couvert
d’herbeetdeterreaprèslaséanced’aujourd’hui.
Jesonneàlaporte.Unhommegrand,levisagegrave,m’ouvre.
—Puis-jevousaider,mademoiselle?
Jejetteunœilàl’intérieur.Lafouledegensenrobesetencostumesmemontrebienque
je ne suis pas correctement habillée. Mais ce n’est pas important. Je suis en mission et
personnenepourram’arrêter.
—J’aibesoindevoirDerekFitzpatrick.
—Etquidois-jeannoncer?
—Ashtyn.
Voyantqueçaneluisuffitpas,jecomplète:
—AshtynParker.
Unefemmeplusâgée,auxcheveuxblondséclatantsetuneparuredediamantsautourdu
cou,seprésenteàlaporteaucôtédumonsieur.Elleporteunerobesurmesurebleupâleet
unevesteassortie.Monregardplongedanssesyeuxsaphiret j’ai subitementunéclair.Ce
sontlesyeuxdeDerek...cettedameestsagrand-mère.
Saufqu’ellen’apasdutoutl’airmourante.
A vrai dire, elle paraît en meilleure forme que la plupart des gens que je connais. Elle
scrutemonmaillotetsepinceleslèvrescommesiellevenaitdecroquerdansuncitron.
—Quiêtes-vous?demande-t-elled’untonhautain.
—AshtynParker.
J’auraisdûamenermonétiquetted’Elite.Ellepenche la têtedecôtéet se concentre sur
mesjambesnues.
—MademoiselleParker,trèschère,voussavezquevousportezdesvêtementsdegarçon?
Hum...Commentexpliqueràunefemmeimpeccablementhabilléequej’arrivedirectement
del’entraînement?
— Je joue au football américain. J’ai eu entraînement toute la journée et n’ai pas eu le
tempsdemechangeravantdevenir.Dereketmoi sommesvenusensembleenvoiture,de
l’Illinoisjusqu’ici.
Faceàsonmanqued’enthousiasme,j’ajoute:
—Sonpèreestmariéàmasœur.
Celapourraitpeut-êtrel’intéresserdavantage.Visiblementpas.
—Monpetit-fils est actuellement occupé,mademoiselle Parker. S’il n’y a pas d’urgence,
veuillezreveniruneautrefois.
Elletentedem’intimider.Çafonctionne,mais jetiensbon.Il fautquejesachepourquoi
Derekm’amenti.
—Je suisdésolée.Saufvotre respect, il fautque je levoie toutde suiteet il esthorsde
questionquejem’enaille.C’estuneurgence.
Lagrand-mèredeDerekm’ouvreenfinlaporteetmefaitsigned’entrer.
—Suivez-moi.
Elle donne alors l’ordre au monsieur de trouver son petit-fils et de l’escorter dans la
bibliothèque.Ellemeconduitàtraverslafouledejeunesinvités.L’endroitestmonumental,
ondiraitunmusée.Certainesfillesnemequittentpasdesyeuxetchuchotententrecopines.
Jem’arrêtenetenapercevantDerekencompagnied’une fille,à traversunedes fenêtres
quidonnentsurlejardinimmense.Ellealesbrasautourdeluietj’ail’impressionqu’onme
passe lecœurà larâpeà fromage.Ilnes’estpasécouléunesemainedepuis l’épisodede la
tente.Savoirqu’ilpourraitsirapidementsetrouveruneautrefillemerendmalade.
Je ferme les yeux et prie pour qu’elle disparaisse. Je devrais savoir depuis le tempsque
mesvœuxneseréalisentjamais.J’ouvrelesyeuxet,évidemment,elleesttoujourslà.
—MademoiselleParker,machère,nefixezpaslesgens.C’estimpoli.
La grand-mère de Derek me prend par le bras et me conduit jusqu’à une grande
bibliothèque.
—Jen’avaispasl’intentiondeperturbervotrefête,luidis-je.
J’essaiedemeconvaincrequeDerekpeutbienêtreavecuneautrefille.Jen’aiaucundroit
sur lui. Je suis làpourm’expliquer avec lui, paspourqu’il tombeamoureuxdemoi. Jene
peuxpascontrôlerlebéguinquej’aipourluietc’estmonproblème.Jeregardesagrand-mère
enespérantqu’ellenemepercepasàjour.
—Cedoitêtredifficiled’accueillirautantdemondedansvotreétat.
—Monétat?
—Voussavez,avecvotremaladie,toutça.
—Machère,jenesuispasmalade.
—Vousnel’êtespas?
—Non.
Lavieilledames’assoitsurunpetitcanapéaumilieudelapièce,leschevillescroisées.Elle
posedélicatementlesmainssursesgenoux.
—Asseyez-vous,mademoiselleParker.
Jem’assoisavecmaladresseen faced’elle.Dois-jecroiser leschevilles?Jesuisdansun
autremonde.Lafemmegardeunairautoritaireetsupérieur.Ellem’observedesesyeuxvifs,
comme si elle sondait lemoindre demesmouvements. Je croisemes chaussures de sport
maisjedoisavoirl’airidiote.
—Quellesrelationsentretenez-vousavecmonpetit-fils?
—Je,euh,nesuispassûredecequevousvoulezdire.Ellesepencheenavant.
—Jeprésume,mademoiselleParker,quelaraison«urgente»quivousamèneicisignifie
queDereketvousêtesproches.
—Cen’estpastoutàfaitça.Laplupartdutemps,Derekchercheàm’énerveretjel’ignore.
Endehorsdeça,onsedispute,celaarriveassezsouvent.C’estunjoueur,unmanipulateur,et
il a un ego énorme. Il a aussi cette habitude agaçante de passer lamain dans ses cheveux
quandilesténervé.Etilm’apratiquementvolémonchien.Voussaviezqu’ilétaitobsédépar
les smoothies ? Il refuse de manger des Skittles ou d’avaler quoi que ce soit avec des
conservateurs,mêmesic’estunequestiondevieoudemort.Cen’estpasnormal.Iln’estpas
normal.
—Hum,c’estintéressant.
Jem’emportetellementquejepoursuismatirade:
—Etilm’amenti.Voussaviezqu’iljouaitaufootballaméricain?
Lagrand-mèredeDerekacquiesce.
—Jesuisaucourant,eneffet.
—Aucourantdequoi?demandeDerekquientredanslapièce.
Jen’avaispasremarquéplustôtmaisilporteuncostume,commes’ilallaitàunmariage,
ouàunenterrement.Ilreculed’unpasens’apercevantquejesuisdanslapièce.
—Ashtyn!Qu’est-cequetufaislà?
Cesderniers jours, celam’amanquédenepas voir son visage chaquematin.Quand les
garçonsmerendaientlavieimpossible,jerepensaisàsesparoles:Tupeuxlefaire.Maisj’ai
prisunegifleenpleinefigureendécouvrantlemurdesmeilleursjoueurs...
Jen’arrivepasàréfléchir.J’aimeraisluiparlerdelafille,maislasimpleidéequ’ilsoitavec
uneautremeretourneleventre,etlesmotsrefusentdesortir.Alorsjemeconcentresurla
raisonquim’aamenéeici.
—Tuesunputaindeprodige!Derekpâlit.
—Commenttuassu?
Jem’avanceetluienfoncemondoigtdanslapoitrine.
—TaphotoestaffichéesurlemurdesMVP,chezElite.Quelmenteur!Etjen’arrivepasà
croirequetuvoiesuneautrefille,aprèscequ’ils’estpasséentrenous.
—Hum ! fait sa grand-mère en se raclant la gorge bruyamment. Mademoiselle Parker,
visiblement,vousenavezsurlecœuretsouhaitezvidervotresac.Jenesuispassûrequece
soit le moment ou l’endroit appropriés pour avoir cette conversation. Derek, pourquoi ne
l’invites-tupasàrevenirdemainpourdiscuterfootballetautre?
—Onpeutparlermaintenant,dit-il.
—Oui,maintenant.Jemefichedesavoircequetufaisoupasavecd’autresfilles,Derek.
Laseuleraisonpourlaquellejesuisvenueici,c’estquejeveuxsavoirpourquoitum’asmenti
surlefootball.
— Je n’ai pasmenti, Ashtyn, répond-il sans lamoindre trace de culpabilité. Écoute, j’ai
omisquelquesdétails.
J’éclatederire.
—Omisquelquesdétails?Commec’estbeau.Tum’asmenti,purementetsimplement.Tu
m’asassuréêtreunjoueurmoyen.Moyen,moncul!
Jereprendsmonsouffleettented’arrêterdetrembler.
—J’ailuquetuavaisététitulairedèstonentréeaulycéeetquetuavaismenétonéquipe
dansdeuxchampionnatsd’Etat.Tusaiscequejedonneraispourquemonéquipearriveàce
niveau?Jedonneraisn’importequoi!
—Jenejoueplus.Etquoiquetupenses,jenesuissortiavecpersonned’autredepuisque
nousavonsétéensemble.
Sagrand-mères’interpose.
—Puis-jevousrappelerqu’ilyaunefêtede l’autrecôtédecetteporte?Unefêteenton
honneur,Derek.
— Une fête que je ne t’ai jamais demandée, tu te souviens ? réplique-t-il avant de se
tournerversmoi.Tuveuxqu’onparledemensonges,bien,onvatoutmettresurletapis!Tu
n’espas innocentenonplus : tum’asditqu’uncoupd’unsoir, ça teconvenait.Onest très
loindelavéritéettulesais.
Moncœurs’arrête.Jenepeuxpasleregarder,niluirépondre,carjeseraistentéed’avouer.
—Jeneveuxpasqu’onparledetoietmoi.Jeveuxqu’onparledefootball.Tunepeuxpas
arrêter alors que tu es excellent. Non, certaines personnes sont excellentes. Toi, tu es...
qu’est-ce que j’ai lu ? Ah oui, exceptionnel ! Et ce n’est pas tout... un article disait qu’on
n’avait jamais vu un jeune quarterback comme Fitzpatrick, capable de lire le jeu de ses
adversairesetd’adaptersastratégiependantlematchcommeunpro.
Lecommentairelefaitrigoler.
—Onaunpeuexagéré.Tuessûreque tuesvenueparlerde football?J’ai l’impression
que tu es venue ici parce que je te manquais. Pourquoi tu n’as jamais répondu à mes
messages?
—Nechangepasdesujet.J’ailuaumoinscinqarticlesenligne.Ilsdisentpresquetousla
mêmechose.TuétaisMVPchezElite.Les joueurs, là-bas,sont lesmeilleursdesmeilleurs,
desgarsqui intégrerontcertainement la liguenationaleaprès la fac.Joueavecmoi,Derek.
Unedernièresaison.
—Jeretourneàlafête.
Derekouvrelesportesmaisfaitdemi-touravantdepartir,lamaintendue.
—Tuviensavecmoi,Sucred’orge?
—Jenesuispashabilléepourunefête,dis-jeenbaissantlesyeuxversmonmaillot.Ettu
n’aspasréponduàmaquestion.
—J’airépondu.Tuviensoupas?
Finalement,ilquittelapiècesansmoi,melaissantseuleavecsagrand-mère.
—Ehbien,voilàquiétait...divertissant,c’estlemoinsquel’onpuissedire.
—Jesuisdésoléedevousavoirdérangée.Jevaisappeleruntaxietpartird’ici...
—Non,vousdevriezrester.
—Jevousdemandepardon?
—J’aidécidéquevousdeviezresterpourlanuit,répète-t-elle.Venezàlafêteetvoyonsce
quelanuitnousapportera.
— Je ne suis pas tout à fait prête pour une soirée et je vous ai suffisamment dérangée
commeça,jelevoisbien.
—C’estdommagequecenesoitpasunesoiréedéguisée.
Elleattrapealorslemaillottachéd’herbeentrelepouceetl’index.
—Votremèrenevousapasapprisàregarderdanslemiroiravantdesortir?
—Mamèreestpartiequandj’avaisdixans.Ellenem’apasapprisgrand-chose.
—Etvotrepère?
—Disonsqu’ilvitdanssonmonde.
—Jevois.Ehbien,vousallezdevoirvousfaireà l’idéequevousnerentrerezpasàvotre
stagedefootballcesoir.JedemanderaiàHarolddevousyreconduiredemainàl’aube.
Ellesedirigealorsverslaporteetseraclelagorge.
—Prenezunedoucheetpréparez-vouscommeilsedoit.Unevoisinepossèdeuneboutique
enville.Ellevousprêteraquelquechosededécent.
Lavieilledamemeconduitàl’étage,versunechambreavecsalledebainsprivative.Jen’ai
aucune envie de me montrer à cette fête mais mon avis semble peu lui importer. Je ne
souhaitequ’unechose:convaincreDerekdejouerpourFremont,maiscen’estpasgagné.
Aprèsunedoucherapide, j’appelle lecoachBennettpourleprévenirquejenereviendrai
quedemainmatinpourl’entraînement.Jeraccrocheetdécouvreunerobedesoiréeblanche,
courte,sansbretelles,étenduesurlelit.Commentlagrand-mèredeDereka-t-ellefaitpour
l’obtenir si vite ? Sur le sol se trouve également une paire d’escarpins rouges. La tenue
complèteestéléganteetdoitcoûtercher.Jem’approcheetvoisquel’étiquetteestrestéesur
larobe.Jeretournelemorceaudecarton.Larobevautseptcentsdollars!Jepariequec’est
cequevautlecontenuentierdemonarmoire,etjen’aipasuneseulepaired’escarpins.Jene
pourraijamaisporterunerobeaussichèrenidestalonsaussihauts.
Jetoucheletissusoyeuxdelarobe.Jelaissetombermaserviette,ouvreleZipetenfilela
robe. J’ai l’impression d’être une princesse, portant une des nombreuses robes de mon
armoireimmense,remplied’habitsdegrandcouturier.
Jeme regarde dans lemiroir etme reconnais à peine. La robe soulignemes courbes et
rehausse mes seins, offrant un décolleté généreux. Je me sens sexy et, j’ose le dire,
puissante.
Derekm’aaccuséed’êtrelàparcequ’ilmemanquait.Enréalité,j’aibeaucouptroppenséà
lui. J’aimerais que son image s’efface. Chaque fois que j’ai besoin d’encouragements, je
repense à ses mots. Chaque fois que je me sens seule, je repense à nos baisers et à son
sourire.Quarterbackdegénie.
Derekpourrait sauvernotreéquipe. Iladitqu’ilne jouaitplus,désormais.Est-cequ’il a
déjàsongéà retournersur le terrain?Si j’avais lepouvoirde le faire tomberamoureuxde
moi,est-cequ’ilchangeraitd’avisetrejoindrait l’équipedeFremont?Jem’observedans le
miroiretenfilelesescarpins.
Iln’yaqu’uneseulefaçondelesavoir.
CHAPITRE45DEREK
Magrand-mèrenefaitsubitementplusattentionàmoi.J’aiessayédeluifairesignetrois
foisdepuisque j’aiquitté labibliothèque.Jesaisqu’Ashtynn’estpaspartiepuisque jen’ai
pasquittélaported’entréedesyeuxdelasoirée.
Jefinisparretrouvermagrand-mèrealorsqu’elleserendausalon.
—Oùest-elle?
Elleposeunemainsursapoitrine.
— Tum’as fait peur. Ne surprends pas une vieille dame commemoi. Tu aurais pume
provoquerunecrisecardiaque.
—Toncœurvabien.OùestAshtyn?
—Tuveuxdirecettepauvrefillehabilléecommeungarçon?
—Mouais.
—Cellequetuappellesmonpetitsucre?
—Sucred’orge.
—C’estcela.
Elleretireunepelucheimaginairedemavesteetreboutonnemachemise.
—Onlitentoicommedansunlivreouvert,Derek.Tuescommetamèreàtonâge.
—Situcroiscequejecroisquetucrois,tutetrompes.
—Alorstuteficherasd’apprendrequej’aiinvitéSucred’orgeàpasserlanuitici.
Je ne veux pas qu’Ashtyn approche dema grand-mère. Elle a quelque chose derrière la
tête. Cette femme calcule et élabore tout ce qu’elle fait. Elle ne cherche pas à semontrer
gentilleavecAshtynenl’invitantàrester.Jelevoisdanssesyeux,elleveutluisoutirerdes
informations, des informations sur nous. C’est aussi dangereux que de donner des
renseignementssecretsàl’ennemi.
—Jelareconduiraiàsondortoir,luidis-je.
—Foutaise,répond-elleenagitantlamain.Ilseraitdemauvaisgoûtdefairedormircette
pauvrefilledansundortoirauxinstallationsdouteusesquandnousavonstoutelaplacedu
mondeici.
L’enfer!Inutiled’argumenter,jevaisperdrelabataille.
—Oùest-elle?
—Dansunedes chambres d’ami.Et il se peut que je lui aie fait apporter une robe à se
mettre. Elle ne peut certainement pas venir à une de mes soirées vêtue d’un maillot de
footballsaleetd’unshort.Dieuduciel!
Oh,non!Est-cequ’ellevientbiendedire:«Dieuduciel»?Cheznous,cettephraseest
unearmeredoutable,quipeutservird’insulteoudegentillesseselonletonetl’intentionde
lapersonne.
—Netemêlepasdemesaffaires,Mémé.
—Etdequellesaffairesest-ilquestion,Derek?Commejenerépondspas,ellemetapotela
poitrined’ungestecondescendant.
— Ne t’avise plus de m’appeler Mémé. Comporte-toi en gentleman, digne d’un
Worthington.
—JesuisunFitzpatrick.Ellelèveunsourciletrepart.
—Dieuduciel.
Jelèvelatête,enmedemandantsimamèreestpliéeendeuxousiellemauditlejouroù
elleaécritlalettreàmagrand-mère.
Jediscuteavecungroupedegarçonstoutensondantlapièce;est-cequ’Ashtyncomptese
montrer?Après tout,ellepourraitbiens’êtreenfermée là-haut, refusantdedescendre.Cet
univers n’est absolument pas le sien, avec des filles surmaquillées, surhabillées, et des
garçonssouriantdansleursbeauxcostumes.Sic’étaituncombatdecatchdanslaboue,elle
seraitsansdoutelapremièreàsauterdansl’arène.
Unéclatblancdansl’escaliercaptemonattentionetsoudain,jebloque.Waouh!
Ashtyn apparaît dans une petite robe blanche qui embrasse ses courbes et des talons
aiguillesrougesquimettentenvaleurseslonguesjambes.Jesuisclouésurplaceetnepeux
pasdétournerleregard.Ellecapteégalementl’attentiondemagrand-mèrequihochelatête
ensigned’approbation.
—Quiestcettefille?demandeungarçon.
—Jamaisvue,répondunautre.
Untroisième,prénomméOwen,sifflediscrètement.
—Oh!lala!elleestcanon.Elleestpourmoi!
Tantque je seraidans lesparages,Ashtynne sera àpersonne.Sanshésiter, jem’avance
verselle.Sondécolleté fascinetous lesgarçonsprésents,etseschaussuressexyalimentent
sansaucundouteleursfantasmes.
—Comment tu t’es fringuée ? je lui glisse à l’oreilled’unevoixplus agressiveque jene
l’auraisvoulu.
—Alors,çateplaît?
Elle fait un tour sur elle-même, nous offrant, à moi et à tous les garçons qui la fixent
toujours, une vue à trois cent soixante degrés. Ellemanque de trébucher sur ses talons et
s’agrippeàmonépaulepourgarderl’équilibre.
—Tagrand-mèremel’aprêtée.Leschaussuresaussi.C’estpasgénial,franchement?
—Jetepréféraisenmaillotdefoot.
—Pourquoi?
—Parcequeçatecorrespondplus.
— Peut-être que ça aussi, ça me correspond, rétorque-t-elle avant de se diriger vers le
buffet.J’aifaim.Tulesais,fairedesmanœuvrestoutelajournée,c’estduboulot.
—Oui,jesuisaucourant.Tun’aspasenviederetournerdanstondortoir?
—Onveutsedébarrasserdemoi?
Elleattrapenonchalammentunepâtisseriesurl’undesplateauxetcroquededans.
—Non,j’essaied’empêchertouscesmecsdetetomberdessus.
—Pourquoituferaisça?
Elleprendunesecondebouchée.Puisuneautre,etencoreuneautre.Ellelècheleglaçage
restésurseslèvres.Siellechercheàmerendredingue,ellesedébrouilletrèsbien.
—Parcequeje...tiensàtoi.
—Oh,jet’enprie!J’aidéjàentenducesmotsdanslabouchedemamère,demasœur,de
monpère,etmêmedeLandon.Ilsnesignifientrien.Pourmoi,ilssignifientquelquechose.
—Tucroisquejemefousdetoi?
—Oui, je t’aivuavec la filleenrobe jaune, toutà l’heure.Elleaussi, tu luiasditquetu
tenaisàelle?
Elle est tellement déterminée qu’elle mâche sa pâtisserie comme si c’était la dernière
qu’elle allait jamaismanger de sa vie.Une fois qu’elle a fini, elle se frotte lesmains pour
enleverlesmiettes.
—Jecroisquejevaismeposteraupieddel’escalieretrencontrerdefuturspetitscopains
potentiels.Cesgarçonsontl’airtrèssoignésethonnêtes.
Ellenecherchequ’àmeblesser.
—Netelaissepasavoirparlescostumes.
—Commetum’aseueausujetdufootball?
Avantquejenepuisseluidirequejenesuispaslaréponseàsesprières,quejeneserai
paslenouveauquarterbackdeFremont,Ashtynrejettelesépaulesenarrière.Est-cequ’elle
serendcomptequeçanefaitqueressortirdavantagesapoitrine?Lesgensautourvonten
avoirpourleurargent.Ellemetourneledosetsedirigeverslesgarçonsquicontinuentdela
regarderavecintérêt.Jelasuis.Pasparcequ’elleabesoinquejelaprotège...
Jelasuisparcequejesensqu’ellevafairequelquechosedeparticulièrementstupide.
CHAPITRE46ASHTYN
Ungroupedegarçonsestrassemblédansuncoindelapièce.Ilsontlesyeuxrivéssurmoi
etjefaisdemonmieuxpourlesrejoindreenmarchantcommeunmannequin.D’ordinaire,je
nesuispasnerveuseencompagniedegarçons,alorspourquoiest-cequejemesenstroublée
toutàcoup?Jeressenscommeunpicotementlelongdelanuque.Jepréfèrel’ignorer,bien
queçamerendefolle.
Jeposeunemainsurlahancheetsouris.
— Coucou, les garçons. Je m’appelle Ashtyn. Deux d’entre eux froncent les sourcils et
s’éloignent sans tarder. Un troisième plonge les mains dans les poches et fait un pas en
arrière.
—Moi,c’estOren,dit-ilnerveusement.
Sesyeuxjonglentdegaucheàdroite,commes’ilcherchaituneissuepours’échapper.
—Moi, c’est, euh,Regan, lanceunquatrième.Reganesthypnotiséparmapoitrinequ’il
fixelesyeuxécarquillés.J’aienviedeluidire:«Tuesgentil,monvisageestplushaut!»
Orenfaitunsigneàquelqu’unàl’autreboutdelapièceetbafouille:
—Macopineestlà-bas.Jeferaismieuxd’allerlarejoindre.
Regan,lui,sortsubitementuntéléphonedesapoche.
—J’aiunappel,désolé.
Pourtant,jen’aientendunisonnerienivibreur.
Jeresteseule,medemandantcommentj’airéussiàfairefuirquatregarçonsenseulement
troissecondes,quandDereks’approchedemoi.
—Ondéclareforfait?
Jesuissexydansuneminirobeextraordinaire,avecdestalonshauts,etaucungarçonne
veutmeparler.SaufDerek.J’essaiedelerendrejaloux.Maiscommentfairealorsquequatre
garçonsontprisleursjambesàleurcoucommesij’étaiscontagieuse?SiseulementJetétait
là.Çaneluiposeraitpasdeproblèmedefairesemblantdeflirteravecmoietilseraitravide
fairecroireauxautresquejesuisunexcellentparti.OualorsVictor,quisetiendraitprêtde
moicommeungardeducorpsets’assureraitquepersonnenes’enailleencourant.
JemeretourneversDerek.
—Tuesvenuremuerlecouteaudanslaplaie?jegrogneengrattantrageusementmoncou
pourfairedisparaîtreladémangeaison.
—Houlà,Ashtyn!
—Quoi?
Ilalesyeuxrivéssurmapoitrine.
—Cow-boy,matêteestplushaut.Arrêtedematermesseins.
—Jenematepastesseins,sedéfend-ilenpointantundoigtsurmapoitrine.Tudoisfaire
unesortederéactionallergique.
J’examine mes bras. Ils sont chauds et en y regardant de plus près, je vois qu’ils sont
rougesetgonflés.Oh,non!
—Maisc’estvrai!
Laseule façonque je connaissede flirteravecDerek, c’estde lui rentrerdedansetde le
battreàsonproprejeu.Seulement,c’estpratiquementimpossiblelorsqu’onfaituneénorme
réactioncutanée.
J’inspectemesbras,ilsgrattent,ilsrougissent.Etmoncou...ondiraitquej’aiunecentaine
depetitespiqûresdemoustique.Lagorgecommencevraimentàmegratter.Unbruitindigne
d’unedemoisellesortdemaboucheàmesurequej’essaied’apaiserladouleur.
Derekal’airpaniqué.
—Sérieusement,tuarrivesàrespirer,ouj’appellelesurgencestoutdesuite?
—Bien sûrque j’arriveà respirer. Jenevaispasmourir,Derek. Ilme fautduBenadryl,
aprèsçaira.
Jem’appuiecontrelemuretmefrottelesépaulesdessus.
Derek me prend vite par la main et me tire jusqu’à sa grand-mère mais je trébuche
plusieursfois.Jen’aipasl’habitudedemarcheravecdestalonshauts.
—TuasduBenadryl?luidemande-t-il.Jecroisqu’elleestallergiqueàuningrédientdans
lapâtisseriequ’elleamangée.
—Allergiqueàlapâtisserie?
Jemegrattelesbraspouressayerd’arrêterlesdémangeaisons.
—Jesuisallergiqueaucolorantviolet.
—LetraiteurainscritunWsurlescookiesenviolet.C’estlacouleurdelanoblesse.
—Delanoblesse?s’exclameDerekensecouantlatête.Maisonn’enfaitpaspartie!
— Exactement. C’est pourquoi je lui ai demandé de changer cela en jaune à la dernière
minute.Ducoup,onamisunglaçagejaunepar-dessuslevioletpourlecacher.
Sagrand-mèreafficheunvisageinquietetindiqueviteàDerekoùtrouverlemédicament.
Etilmetireàtraverslafouletandisquej’essaiedenepasm’arracherlapeauducou.
Jetrébucheencore.
—Derek,ralentis.Jenepeuxpasmarcherviteavecdestalons.
Je couine de surprise lorsqu’il me soulève, un bras sousmes genoux et l’autre qui me
soutient le dos. Normalement je lui hurlerais de me reposer par terre mais je suis trop
angoisséeetmalàl’aisepourmemontrerforte.Jepassemesbrasautourdesoncouetme
serrecontrelui.Soudain,jesuisenveloppéeparsonparfumquejerespireprofondément.
—Tuasuneodeurd’homme,dis-jedanslecreuxdesoncou.
—Pastoi.Tuasunparfumdefleur.
—Ce doit être le savon que ta grand-mère amis dans la douche. Il était rose, avec des
petitsmorceauxdefleurdedans.J’avaisl’impressiondemelaveravecunbouquetderoses.
J’ignore comment il fait pour me porter tout en haut de l’escalier sans trébucher ni
s’arrêter.A-t-ilconsciencequetoutlemondenousregarde?Sic’estlecas,apparemmentça
neledérangepas.
Nousarrivonsdansl’immensechambreprincipale,dontilouvrelaported’uncoupdepied.
L’endroitestgigantesque,avecunpetitsalonàcôtédelachambreet,plusloin,unesallede
bains.Derekmereposedans la salledebainset fouille l’armoireàpharmaciede sagrand-
mère.
—Arrêtedetegratter,ordonne-t-ilenattrapantmamain.
IltrouveenfinlaboîtedeBenadryletmetenddeuxcomprimés.
—Tiens.
Jelesavaleavecunpeud’eaudurobinetetDerekcroiselesbras.
—Sitonétatnes’améliorepasd’iciunedemi-heure,jet’emmèneàl’hôpital.
—Çaira.
—C’estcequetum’asditl’autresoirsouslatente,ettuvoisoùnousensommes.Arrête
detegratter,Ashtyn.Tuvastefairedesmarquessurtoutlecorps.
Jefaisdemonmieuxpouroublierlesdémangeaisonsmaisc’estcommeignorerlegarçon
quiestenfacedemoi...c’estpratiquementimpossible.
J’ailesoufflecourtquandilprendmesmainsetmelestientderrièreledos.
—Arrête!Tuvasfinirparsaigner.
Il garde malgré tout une petite distance entre nous, pourquoi ? Est-ce que tous ses
sentimentssesontévaporésàlasecondeoùilm’adéposéeàElite?
J’ailesidéesembrouilléesetcetteallergien’aidepas.JesuiscenséeenvouloiràDerekde
m’avoirmenti sur sonpasséet, enmême temps, je comptebien le faire craquerpourmoi,
pourqu’ilseremetteàjoueraufootballaméricain.Jemetsdecôtémesvéritablessentiments
pourlemomentcarsijelesaffronte,jevaism’écrouler.
Je saisqueDerekm’appréciemais àquelpoint ? Il cherchedésespérémentà garder ses
distances. Ilneveutpasnonplusadmettreque cequi s’estpasséentrenousallait au-delà
d’unsimpleflirtetpourraitdonnerquelquechosedegrand,jelesais.
Jemedébatsmaisilnelâchepasprise.
—Çagratteencore.
Ilbaisseleregardversmoncouetmapoitrine.
—Soispatiente,letempsqueleBenadrylfassesoneffet.
—Jenesuispasquelqu’undepatient.
— Je sais, dit-il en me lâchant les mains. Tiens, laisse-moi t’aider. Tu as déjà fait
suffisamment de dégâts... tu as des traces sur tout le cou. On va croire que quelqu’un t’a
agressée.
—Laseulefaçondesoulagerunedémangeaison,c’estdegratter.
—Tuneréussirasqu’àirritertapeau.Situmeprometsderestertranquille, jeveuxbien
t’aider.
—Qu’est-cequetuveuxfaire?
—Gardelesbraslelongducorpsetfais-moiconfiance.Laconfiance.Encorecevilainmot.
—Fermelesyeux,m’ordonne-t-il.
—Non.
Jesoutienssonregardmaiscommeladémangeaisonempire,jefinisparcéderetattends
patiemmentsonremèdemiracle.
Jerespirebrusquementalorsqu’iltracesurmoncoudescercleslentsetréguliersdubout
desdoigts;mapeauchatouilleplusqu’ellenegrattefinalement.Jerenverselatêteenarrière
etgardelesyeuxclos,c’estunevraieréussite.
—Turessemblesàunchatcommeça,dit-ilàvoixbasse.
Ilparcourtmamâchoire,lecontourdemoncou,mapoitrine...passantdélicatementdans
lecreuxdemesseins,avantderemonter.Sesdoigtssontunecaresse.J’ensuistoutétourdie,
j’ailatêtequitourne.Alorsjem’accrocheàlui.
Le toucher sensuel de ses doigts provoque des petites décharges électriques dans mes
veines.
—Hum...
Sesdoigtss’aventurentsurmesépaulesavantderecommenceraudébut.
—Tuenprofitesbeaucouptrop,Sucred’orge.
—Tuasraisonalorscontinue,Cow-boy.Iléclated’unriregrave,chaleureux.
—Bien,m’dame!
Auboutd’unmoment, je sens ladouceurde sesdoigts remplacéepar ladouceurde ses
lèvreschaudes.Sonsouffleapaisemapeauàmesurequelesdémangeaisonss’estompent.
JesensunfeuliquidemeparcouriretjepresseDerekcontremoi.
—Qu’est-cequevousfaites,touslesdeux?résonnelavoixdesagrand-mèreàlaporte.
Je redresse la tête et perds l’équilibre mais il me rattrape solidement dans ses bras.
Comment va-t-on lui expliquer ? Cette dame n’est pas aveugle. Impossible de cacher les
lèvresdeDereksurmoncouetmonenviedelesentirplusprès.
—Jeluidonnaisuncoupdemain,lance-t-il.
—Hum, fait sa grand-mère, visiblement peu convaincue. Elle plisse les yeux et agite le
doigtànotreintention.
—Jenesuispasnéedeladernièrepluie.Jesaisquevousfaitesdesgalipettesensemble.
Viens,Derek.Un certain nombre d’invités s’apprêtent à partir. Tu es l’invité d’honneur, tu
doislessaluer.TufinirasdedonneruncoupdemainàAshtynplustard.
Derekinspectelesmarquessurmesbrasetmapoitrinepours’assurerqu’elless’envont.
—Tuveuxm’accompagnerenbasou tuattends ici?Lesdémangeaisonssesont toutde
même estompées. Je tressaille en me voyant dans le miroir. Ma peau est encore toute
gonflée.Cettenuitnes’estpasdérouléecommejel’espérais.J’étaisprêteàmesalir,maisje
n’imaginaispascelacommeça.
—Peut-êtrequejedevraissimplementretourneraudortoir.
—Non,turestesicicesoir.JetereconduiraichezElitedemainmatin.D’accord?
Je vais donc à la chambre que l’on m’a attribuée, tandis que Derek et sa grand-mère
passent l’heure suivante à dire au revoir aux invités. Mon maillot et mon short ont été
nettoyésetétendussurmonlit.Jerangelarobepuisenfilemonmaillotetmeglissesousla
couette.J’ail’impressiondedormirsurunmatelasenguimauvetellementilestconfortable.
Jem’enfoncedanscecoconetallumelatélévision.Lagrand-mèredeDerekestlapremièreà
frapperà laporte.Elleentredans lapièce, toujoursaussi élégante,mêmeaprèsunesoirée
passéeàdistraireunepetitecentained’invités.Pasunseulcheveunedépasse.
Jedoisavoirunemineaffreuse.
—Mercidem’avoirlaisséeempruntercetterobe.Elleestmagnifique.
—Nemeremerciepas.Ettupeuxlagarder.
—Jenepeuxpas.
—Biensûrquesi.Paslapeinederésisteràunevieillefemmebornéecommemoi,tune
gagneraspas.Commentvonttesdémangeaisons?
Ellesepencheenavantpourinspectermoncou.
—Bienmieux,jecrois.
Raviedevoirquemaréactionauglaçagevioletdisparaît,elles’assoitsurunechaiseàcôté
du lit. Elle pose lesmains sur ses genoux etme fixe de ses yeux si semblables à ceux de
Derek.
—Alors... jesaisqu’ilyaquelquechoseentremonpetit-filset toi.Pourrais-tum’endire
plus?
J’éteinslatélévisionetluiaccordetoutemonattention.
—Hum...àvraidire,jenesaispas.Peut-êtrefaudrait-ildemanderàDerek.
—C’estdéjàfait.
—Etqu’est-cequ’iladit?
—Monpetit-filsnesemontrepastrèscoopératiflorsqu’ils’agitdemefairepartdesavie,
Dieuduciel.
—Parcequetut’enserviraiscontremoi,répliqueDerekenentrant.
Il ne porte plus son costume,mais un jogging et un T-shirt. Il ressemble davantage au
Derekquejeconnais.Ilavanceaupieddulitetfaitungesteversmoncou.
—Çava?
—Mieux,dis-jeenlevantlatêtepourluimontrer,iln’yaplusquequelquesrougeurs.
—Bien.
Jemeperdsbeaucouptropfacilementdanssonregard;sesyeuxendisenttellementplus
quelesmots.
— Je dois aller parler au personnel etm’assurer que toute la nourriture a été emballée,
déclare sa grand-mère en se levantpourquitter lapièce.Laissez laporte ouverte.Une fois
qu’elleestpartie,Dereksoulèvelacouette.
—Décale-toi unpeu, que jem’asseye à côtéde toi. Jem’exécute.Çame fait dubiende
l’avoirauprèsdemoiàcet instant,maisnousavonsbeauêtreprochesphysiquement,dans
nosespritsnoussommesàdeskilomètresl’undel’autre.
Jerallumelatéléetessaiededétendrel’atmosphère:
—Ilfautquej’achèteunetélépourmachambre.C’estgénial,cetruc.
Nousnedisonsplusrienpendantunmoment.Nousregardonsunfilmmaisjenefaispas
attentionàl’action,tropconcentréesurDerekàcôtédemoi.
— Je n’ai rien fait avec la fille que tu as vue ce soir, dit-il enfin. Elle voulait que je
l’emmèneàl’étagemaisjenel’aipasfait.
—Pourquoi?
Pendantun longmoment, ilnerépondpas.Mais il finitparprendre la télécommandeet
coupelesondelatélé.Ilsepasseunemaindanslescheveux,jeretiensmarespiration.Ilse
tournealorsversmoi,sesyeuxtranspercentlesmiens,etilditfinalement:
—Pourtoi.
CHAPITRE47DEREK
La règle numéro un du football américain, c’est de ne pas révéler ses intentions à
l’adversaire.Etjeviensdedévoilerlesmiennes.Cen’estpasparcequ’ellenequitteplusmes
penséesquejesuisceluiquiarrangeratoutdanssavie.
—Jen’aipasenviedetefairedemal.
—Tousceuxquimesontchersmefontdumal,dit-elle.J’ail’habitude.
—Jenecomptaispasajoutermonnomàlaliste.
— Parce que tu n’as pas envie de t’attacher à quelqu’un qui pourrait avoir de vrais
sentimentspourtoi?
Ellem’adresseunpetitsourirefragile.
—Ecoute,ilm’estarrivédesmerdesdanslaviedontjen’arrivepasàmedébarrasser...du
moins,pasencore.
—J’enaiconnuaussi,Derek.Jepasseleplusclairdemontempsàencaisser.Jemebats
enpermanence,pourtout.Ettoi,tunetebatsjamaispourrien.Ondiraitquetucherchesàte
punirdequelquechose.
—Tuasraison.
Cette fille indépendante, qui joue au football et a la peau plus dure que la plupart des
garçonsque je connais,medonne enviede révélerdes chosesque jen’ai jamaispartagées
avecpersonneauparavant.Jeprendsuneprofondeinspirationetdéballecequejegardeau
fonddemoidepuissilongtemps:
— Le jour où ma mère est morte, après les cours, j’ai reçu l’appel d’une infirmière de
l’hôpital.Ellem’aditquemamèrem’avaitréclamétoutelajournée.
La tête en arrière, je tressaille ; la douleur est encore tellement forte, putain ! Je ferais
n’importequoipourremonterletempsetreprendrecettejournéeàzéro.
—Jesuisalléd’abordàl’entraînement.Ashtyn,j’aifaitpasserlefootballavantmamère...
je le faisais passer avant tout. Quand je suis enfin arrivé à l’hôpital, elle nous avait déjà
quittés.Deuxjoursplustard,onl’aenterrée.Jel’aiabandonnée.Jen’auraijamaisdeseconde
chance,jenepourraijamaismeracheterauprèsd’elle.Alorsj’aijurédeneplusjamaisjouer
aufootballaprèssamort.
—Cen’estpasdetafautesielleestmorte,Derek.Ashtynposeunemainsurmonbras,ses
doigtsfinsmeréchauffentetmeréconfortent.Depuislamortdemamère,jem’étaisditque,
si je ne m’attachais à rien ni à personne, je n’aurais plus à rien ressentir du tout. Ça
fonctionnait.Jusqu’àcequejerencontreAshtynParker.
—Toutirabien,unjour,m’assure-t-elle.
Elle s’enfoncedavantagesous lacouetteetpose la tête surundesénormescoussins,en
regardantdemoncôté.Elletendlamainetattrapelamienne.
—Tuesfatiguée.Tuveuxquejeparte?
—Non.
Ellefermelesyeux,maisnelâchepasmamain.
—Justepour info,murmure-t-elleens’endormantpeuàpeu, j’aivraimentétémauvaise
austagecettesemaine.Landonaconvainculesautresgarçonsdememettredesbâtonsdans
lesroues.Maisjerepensaistoujoursàcequetum’asdit.
—Qu’est-cequejet’aidit?
—Tupeuxlefaire.
Assisdans lesgradins, j’observeAshtynsur le terrainpendant lematchdevendredi.Elle
ne sedoutepasque je suis là et j’essaiedeme fairediscretpourqu’aucundesgarsneme
reconnaisse.Jeportedes lunettesnoiresetunecasquettedebase-ball,noyédans lamasse
desparentsetdesrecruteurs.
Elles’étiresurlatouche,onlavoittrèsconcentrée.Danslepremierquartdumatch,ellea
raté deux tirs. J’ai observé de près ceux qui lui tenaient le ballon. Ils l’ont fait pencher au
momentoù elle approchait, du coup elle l’a frappé sousunanglebizarre.Plusd’unparent
dans les gradins s’estmoquéd’elle tandis que les autres se sont plaints qu’il ne fallait pas
laisserjouerlesfilles.
Pluslesgarçonssabotentsonjeu,plusj’aienviededéboulersurleterrainpourqu’Ashtyn
puisse enfin prouver à tout lemonde qu’ellemérite d’être là.Mais ce n’est pas ce qu’elle
voudrait.Elleveutmenercecombattouteseule.
J’appuiemescoudes surmesgenoux,absorbépar lematch.Lesgars sedonnentà fond,
chacunessaiedesefaireremarquerpar lesrecruteurspostéssur lescôtés.McKnightest le
quarterbackdel’équiped’Ashtyn.C’estunjoueurtalentueux, jecomprendspourquoielle le
voulaitdanssonéquipe.Maisilalagrossetêteetnarguelesadversairesdèsqu’ilmarque,au
lieuderesterconcentré.
—Derek!Derek!résonneunevoixstridentedanslesgradins.
Oh,non!C’estpasvrai!
Ma grand-mère est en train de se faire remarquer par tout lemonde, avec son tailleur-
pantalonmauve et son ombrelle assortie, en agitant lamain commeune folle pour attirer
monattention.Jefaisminedel’ignorer,enespérantqu’elles’enaillesijeneluirépondspas.
Onpeuttoujoursrêver.Toutlemondelaregarde,danslesgradinsetsurleterrain.
—Quic’est,ça?demandequelqu’un.
—ElizabethWorthington,répondungars.LapropriétairedesindustriesWorthington,une
femme très influente. Son petit-fils s’est entraîné ici jusqu’à la mort de sa mère. Un
quarterback.
—Oh,c’esttroptriste.
Génial.Jesuis l’objetdescomméragesdesparents.Jemecrispe lorsquemagrand-mère
approcheenhurlant:
—Hou!Hou!Derek!
Tous les spectateurs, recruteurs compris, nous regardent bêtement et font des messes
basses.J’auraistoutaussibienpuveniriciavecuneenseignelumineuseDerekFitzpatrick.
Magrand-mèreneserendabsolumentpascompteduremue-ménagequ’elleestentrain
decauseralorsqu’elles’assoitàcôtédemoi.
— Je te prie dem’expliquer pourquoi j’ai dû apprendre de la bouche de Harold que tu
partaiscematin.
—Parcequejenevoulaispasquetuviennesicipourtedonnerenspectacle.
— Foutaise, rétorque-t-elle en étirant son cou pour sonder le terrain. Je ne vois pas
Ashtyndepuiscepoulailler.Oùest-elle?
—Surlatouche,àcôtédufiletlà-bas.Jetejure,situluifaiscoucou,tusors.
Ellegardesesmainsàleurplace.
—Trèsbien,trèsbien,nesoispassisusceptible.
—Pourquoicesoudainintérêtpourlefootball?Tun’esjamaisvenuemevoir lorsqueje
m’entraînaischezElite.
Ellesetournesursonsiègemaisgardelesyeuxsurleterrain.
—Ça,c’estcequetucrois.
—Jenet’yaijamaisvue.
Ellem’adressecettefoisunsouriremalin.
—Peut-êtrequejenesouhaitaispasêtrevue.
Puiselleseraclelagorgeetreportesonattentionsurlejeu.
—J’aicommisdeserreurspar lepasséque jenecomptepasrépéter.Tu feraisbiend’en
faireautant.
Deserreurs,j’enaidéjàfaitassez.
Après lapartie,nous sommescernésparune foulede recruteursquimebombardentde
questions.Moiquivoulais rester incognito... Je leur répèteque jen’aiaucune intentionde
rejoueraufootball,maiscertainsmetendentleurcarteetmedisentdelesappeler,sijamais
jechanged’avis.
Ma grand-mère annonce qu’elle va attendre Ashtyn à la sortie des vestiaires quand
soudain, j’aperçois McKnight qui marche vers le dortoir. Je vais à sa rencontre dans les
partiescommunes,prêtàluirentrerdedansàproposdesoncomportement.
—Putain!s’écrieJustinWade,unarrière.
Justinetmoiétionscolocatairespendantmatroisièmeannéeici.
—«LeFitz»enpersonne.Hé!Fitz,qu’est-cequetudeviens?
UnautrejoueurnomméDevonmetapedansledos.
—Eh,mongars,j’arrivepasàcroirequetusoisrevenu.Jetecroyaispartipourjouerdans
laNFL,moi.Quandj’aiapprisquetuavaisarrêté,j’étaischoqué!
—Monéquipes’estfaitavoirpendantlematch,enchaîneJustin.Onauraitbieneubesoin
detoi...
—Jenesuispaslàpourjouer.
—Attendsuneseconde,intervientLandon.C’esttoi,DerekFitzpatrick?
—Leseuletl’unique,mec,s’amuseJustin.
—Unelégendelocale,ajouteDevon.C’estdeluiquejeteparlais,l’autresoir.
—C’estpasvrai,j’ycroispas!
Landonsecouelatête,sedemandantsûrementcommentjepeuxêtreletypesurlesphotos
dumurdesMVPd’Elite.
—Qu’est-cequetufaislà?
—JegardeunœilsurAshtyn.
—Pourquoi,tuveuxlagarderpourtoi?Tuasenviedetelataperdepuislejouroùtul’as
rencontrée.
J’aialorsunpetitrirequirésonnedanstoutelapièce.
—Tusaisrien,McKnight.
—Jesaistout,mechuchote-t-ilàl’oreille.SijeluidisquejejoueraipourFremont,jepeux
larécupérerd’unclaquementdedoigts.
Jelepousse.
Ilmepousseàsontouretmebalanceuncoupdepoing.
Sentantmonsangbouillir, jefaispleuvoir lescoups.Luinemanquepasuneoccasionde
répliquer;onyvatouslesdeuxsansaucuneretenue.
Ungroupedemecstentedenousséparer,maisjerésisteetlesdégagevitefait.
Soudain,j’entendsAshtyncrier:
—Derek!
Jemetourne,découvresonvisagehorrifié,etmeprendsunepêcheenpleinemâchoire.Ça
faitmal!McKnightaquandmêmeunsacrécrochetdudroit.
Comme si la situationn’était pas déjà assez grave, les entraîneurs débarquent. Le coach
Smart,l’entraîneurenchef,responsableduprogrammeElite,s’interpose.
—Qu’est-cequisepasseici?
McKnightessuielesangaucoindesabouchedureversdelamain.
—Rien,coach.
—Onnediraitpas.Derek,qu’est-cequetufouslà?Tuesvenuchercherdesembrouillesà
mesjoueurs?
Sesjoueurs.J’enfaisaispartie,autrefois.
—Pardon,coach.
Il aboie des ordres à l’un de ses assistants pour qu’ils s’occupent de McKnight puis
m’attrapeparlecoletmetiredansuncouloirvide.Jemedisqu’ilvamedégagerdelàmais
au lieu de cela, ilme regarde droit dans les yeux comme il le faisait lorsque j’étais sur le
terrain.
—Tuétaisunmodèlepourlesautres,Derek...
Ilm’attrapelementon,quimefaitmal,pourexaminermesblessures.
—Qu’est-cequit’estarrivé?Jehausselesépaules.
—Oùesttonpère?
—Quelquepartaumilieudel’océan.
—J’aientendudireque tu t’étais faitvirerd’unétablissementenCalifornie.Tupréfères
t’attirerdesennuisplutôtquedejouersurunterrain?
Ashtyn apparaît à la porte, elle me scrute avec colère. Ma grand-mère et son ombrelle
dépassentderrièreelle.
—Tu saisque tudevrais continuer à jouer,n’est-cepas ?Tun’aspaspuoublier tout le
travailquetuasfourni.
—Jen’aipasoublié,coach.Jenejoueplus.Pointfinal.
—Tunepeuxpasmettreunpointfinalàquelquechosequin’ajamaiscommencé.
—Cetteconversationestterminée,coach.
JesuisvenuicimebattrepourAshtyn,paspourmoi.
—Pasencore.Tusaisque j’aiunepolitiquede tolérancezéroconcernant laviolence.Tu
peuxtebattresurtonpropreterrain,quandçat’arrange,maispaschezmoi.
—Jem’envais.
—Neparspas,s’exclamealorsMcKnight.Deboutdanslecouloir,entourédesaclique, il
lèveunemaindevantlui.
—Désolé,mec.Sansrancune.
Jesecouelatête,dépité,etluipassedevant.J’ouvrelaporteetsuissurlepointdepartir
quandj’entendslavoixdeMcKnight:
—Cen’estpasgrave,Derek.Onsaittousquetuaspeurdenepasêtredignedetonstatut
delégende.
—Monpetit-filsn’apaspeur,intervientmagrand-mèrequibranditsonombrelledanssa
direction.
Jefermelesyeux.Lorsquejelesouvreànouveau,jevoislecoachSmart.JevoisMcKnight
etsatribu,magrand-mère,etenfinAshtyn.Toussedemandentcequejevaisfaire.
Finalement,jefaiscequej’aitoujoursfaitdepuislamortdemamère.
Jem’envaissansunregardenarrière.
CHAPITRE48ASHTYN
Je ne peux pas le laisser partir comme ça.Mon père prend la fuite chaque fois que les
choses se compliquent. Je ne laisserai pasDerek s’en tirer aussi facilement : jeme plante
devantsavoitureetluibloquelepassage.
Ilabaissesavitreetcrie:
—Qu’est-cequetufous?
—Sorsdecettevoiture!
Ildescend,monsangnefaitqu’untouretjefondssurluiàgrandesenjambées.
—Tuastoutgâché!
Etjeluiplantemespoingsdanslapoitrine.
—Arrêtedecrier,dit-ilenregardantlesautresautourdenous.
—Non, je n’arrêterai pas de crier, j’en ai ras le bol ! Tu sais que jeme casse le cul ici,
Derek.Jemebatspourqu’onmetraitecommelesautres.Jemebatspourprouveràtoutle
mondequejeméritemaplace.
Je sens l’émotion monter et je me fous que tout le monde à cent mètres à la ronde
m’entende:
—JemebatsdepuislasecondeoùjesuisarrivéechezElite.Mets-toibiençadanslecrâne,
jen’aipasbesoinquetutebattespourmoi.Çamerendfaibleauxyeuxdesautres,c’esttout.
J’aibesoindemebattreseule,sinonçanesertàrien.Maismerde,Derek,quandest-cequetu
vasfinirpartebattrepourtoi?
—Çan’arriverapas.
J’avalelenœudquicoincedansmagorge.
—Mamèreestpartiequand j’avaisdixans.Ellen’enavait rienà foutredemoiet jevis
chaquejourenpensantàça.Tuasdelachance,toi,tusaisquetamèret’aimait.
—Delachance?fait-ilavecunrirebrefetcynique.Aumoinstamèreestenvie,elle,ettu
peuxluiparler.Tusaiscequejeferaispourreparleràmamère,neserait-cequ’uneminute?
Uneseulepetiteminute!Jemecouperaislebraspouruneminuteavecelle.
Ilesttempsdeluiposercertainesquestions,qu’ilcracheenfincequ’ilasurlecœur:
—Tudisquetuneveuxt’attacheràrienmais c’estcomplètementfaux.Qu’est-cequetu
attendsdelavie!Quelssonttesbuts?
—Jen’enaipas.
—Toutlemondeaunbut.
Ildétournelatêteparcequ’ilsaitque,s’ilmeregarde,jeleperceraiàjour.Desplaiesqui
devraientmaintenantêtreguériessontencoregrandesouvertes,àcausede lamontagnede
culpabilité qu’il se trimballe depuis lamort de samère. Il continue de se punir pour une
décisionqu’ilapriseilyatrèslongtemps.
Je sais qu’il veut se battre pour quelque chose... au fond de lui, il a un désir intense à
assouvir.Çalerongedel’intérieur,denepasécoutersesinstinctsetderesterlefantômede
celuiqu’ilpourraitêtre.
S’engager dans l’armée après le lycée, c’est lemoyen qu’il a trouvé pour entretenir son
espritdecompétition...ils’estbattupourmoiaudortoirmaismonconflitavecLandonn’est
pas son combat, c’est le mien. Quand Landon a traité Derek de lâche, la bataille ne me
concernaitplusetDerekafui.
Ilcroisealorslesbrassursapoitrine.
—Bougedelà,quejepuissem’enaller.
— Ecoute-moi, dis-je d’une voix plus douce, il nous arrive toutes sortes d’emmerdes,
Derek.Laviecontinue,qu’onleveuilleounon.Lesgensmeurent,qu’onleveuilleounon.Ne
t’inventepasd’excuse, commequoi tuasarrêté le football américainpour tamère.Elle t’a
donnélavie.Tucroisqu’elleaimeraitvoirtonespritmouriraveclesien?
—Nemêlepasmamèreàtoutça.
—Pourquoipas?Baisserlesbras,çanelaramènerapas.Tudisquetun’aspasdebut?
C’estdesconneries!Ilfautquetutedonneslesmoyensd’avancer,sansteretenir.Quandtu
teserasdécidé,dis-le-moi,parcequejeparieraismacouillegauchequetuasunbutmaisque
tunetel’avouespastoi-même.
Lecoindesaboucheserelèvelégèrement.
—Tun’aspasdecouillegauche,Ashtyn.
— Ouais, eh bien, tu agis comme si toi non plus tu n’en avais pas. Il faut que tu te
pardonnes.
Aprèsunlongsilence,ilditenfin:
—Jenepeuxpas.
Ilregardepar-dessusmonépauleetjefaisvolte-face.Sagrand-mèresetientàl’autrebout
du parking, faisant mine de ne pas écouter notre conversation. Quand je me retourne à
nouveau,Derekalamaindanslescheveux.
—Magrand-mèresouhaitequejeviennevivreavecelle.J’aidécidéquec’étaitsansdoute
lameilleurechoseàfairepournousdeux,sijerestaisauTexasetfinissaislelycéeici.Jevais
t’acheterunbilletd’avionpourChicagodimanche.
Unegrandetristessem’envahitlapoitrine.
—C’estvraimentcequetuveux?
—Oui,répond-il,stoïque,indifférent.C’estcequejeveux.
CHAPITRE49DEREK
Jeroulesansbut lerestede la journée, tâchantdemefaireà l’idéeque jevaisresterau
Texasetemménagerchezmagrand-mère.Quandjerentrefinalementchezelle,jelatrouve
assise,àm’attendre,surunpetitbancdansl’entrée.
—Oùétais-tu?
—Dehors.
Ellehochelatêtelentement.
—J’aidiscutéavecAshtynaprèstondépart.Elleestplutôtcontrariée.
—Ouais,ben,elles’enremettra.
—Jecroisquetun’espasraisonnable,fait-elleensoupirantlourdement.Ellem’aditque
tuemménageaisavecmoi?
—Ah,ouais.J’aioubliédetedire,j’emménage.Bravo,tuaseucequetuvoulais.
Jecommenceàmonterl’escalier.
—Jeneveuxquetonbonheur,Derek.C’estcequej’aitoujoursvoulu.
Ellehésiteavantdepoursuivre:
—C’estcequetamèrevoulait.
—Qu’est-cequetuensais?Ellen’estpluslàpourqu’onluiposelaquestion,n’est-cepas?
Ondemandeàmonpèrecequ’ilenpense?Ah,ouais,ilestpaslànonplus!
— Eh bien, peu importe qui est présent, tu dois rentrer à Chicago pour récupérer tes
affairessitudoisvenirhabiteravecmoi.
—Appelledesdéménageurs!
—Foutaise,dit-ellebiendroite,sonnoblenezenl’air.Toutestdéjàarrangépourquelejet
del’entreprisenousemmèneàChicago.
Jem’immobilise.
—Nous?Quiça,«nous»?
—Toi,Ashtyn...etmoi.Non,non!
—Désolédeteledire,Mémé,maisçavapassepassercommeça.
—Oh!quesi.J’aidonnémesinstructionsettoutestarrangé.HaroldirachercherAshtyn
dimanchechezEliteetnouslaretrouveronsàl’aéroport.
Lesbrascroisés,ellemelanceunregardsévèreetdéfiant.
—Çavasepassercommeça!
CHAPITRE50ASHTYN
Jesuisassisedevant lescoachsBennettetSmart,dimanchematin,pourmonévaluation
finale.Jemeretiensdemerongerlesonglesalorsqu’ilspassentenrevuemesstatistiqueset
performances de la semaine. Ils sont également censés me communiquer les avis des
recruteursprésentsauxmatchsamicaux.
—Celaaétéunplaisirdet’avoirenstagecettesemaine,commence lecoachBennett.Le
coachSmartetmoi-mêmesommesimpressionnéspartadéterminationettonénergie.
Maispasparmesprestations.Smartacquiescedesoncôté.
—Tueslapremièrefilleacceptéedansnotreprogramme,Ashtyn.Noussavionsqu’ilallait
yavoirdesobstacles,maistulesasaffrontéscommeilsedoit.Celademandeducourageet
j’admireçachezmesjoueurs.
LecoachSmartprendletempsdememontrermesstatistiques;j’entressaille.
—Tesrésultatsdelasemainenesontpasterribles,Ashtyn.Lesretoursdesrecruteurset
des entraîneurs ne correspondent probablement pas à ce que tu espérais mais le coach
Bennettt’aobtenuunentretienavecl’entraîneurdeNorthwesternlasemaineprochaine.Cela
negarantitrienmais,aumoins,quelqu’unaacceptédeterencontrer.
Je devrais être excitée et heureuse à la simple idée de pouvoir parler avec l’entraîneur
d’unedesdixmeilleures équipesdupays. Jene comprendspas cequine vapas chezmoi.
C’est comme si, depuis la secondeoùDerekm’a annoncéqu’il déménageait auTexas, tout
s’était...éteint.
— Peu importe ce que ça donnera, nous tous, chez Elite, sommes certains que tu
parviendrasàaccomplircequetuveux.
LecoachBennettmesouritchaleureusementetmetendlamain.
—Sois certaine que nous suivrons les statistiques de ton équipe cette saison et nous te
souhaitonslemeilleur.
Jeleurserrelamainàtouslesdeux.
—Mercibeaucouppourcetteopportunité.
Je rassemble ensuite mes affaires au dortoir et attends que la limousine vienne me
chercher. J’ai en effet revu un appel la nuit dernière : Mrs Worthington affrète le jet de
l’entreprise.
Je m’assois dans le petit avion à côté de Derek. Sa grand-mère a insisté pour nous
accompagner. Elle dit qu’elle souhaite aider son petit-fils avec les cartons. Il paraît qu’il a
protestémaiselles’enfiche.
Difficiled’ignorerlaprésencedeDerek.Quandnousarrivonsàlamaison,Juliancourtvers
luiavecungrandsourireetmasœurapportedescookiessurlesquelsestécrit«Bienvenue»
avec du glaçage jaune. Je ne peux pas en manger. Ils me rappellent trop la nuit dans la
maisondelagrand-mèredeDerek,quandcedernieraenfinvidésonsac.
—Jem’appelleBrandi.VousdevezêtreLiz!s’exclameBrandi.
MrsWorthingtonsecrispeenentendantmasœurl’appelerLizplutôtqu’ElizabethouMrs
WorthingtonmaisBrandineremarquerien.
—C’estsuperquevoussoyezvenuenousrendreunepetitevisite.Derek,c’estpasgénial
d’avoirtamamieàlamaison?
—Pasvraiment,non.
MrsWorthingtonletapeavecsonsacàmain.
—Mon petit-fils pèche par sonmanque demanières en société,mais je compte bien y
remédier.
—OùestPapa?jedemandepourchangerdesujet.
—Ilregardelatélé.Jefileleretrouver.
—Papa,onestrentrés!
Ilfaitunsignedetête,commesijerentraisdescourses.
—Lagrand-mèredeDerekestlàaussi.
Jel’incitealorsàseleveretàvenirlasaluer.Ilselève,discuteavecMrsWorthingtonun
courtinstantpuisretournes’asseoirdevantlatélévision.
—Iln’estpastrèssociable,murmure-t-elleeninspectantlerestedelamaison.
—Disonsquemonpèreestintroverti.
—Hum.
MrsWorthington prend une bouchée d’un des cookies faits par Brandi, qu’elle recrache
dansuneserviette.
—Machère,essayez-vousdenousempoisonneroujustedenouscasserlesdents?
Brandiéclatederire.
—J’avoue,jenesuispasunegrandecuisinière.
— Ça ne fait pas de doute, dit Elizabeth en lui caressant la joue. On va vous donner
quelquescoursdecuisine,machère.Avantquevousnetuiezmonpetit-fils.
Brandi rit, pensant sans doute que Mrs Worthington plaisante. Je crains qu’elle ne
plaisanteabsolumentpas,maisilvautpeut-êtremieuxquemasœurnesacherien.
Un aboiement grave résonnedans lamaison et Falkor se jette surmoi etme couvre de
baisersmouillés.
—EtvoiciFalkor.
—Pouah!Ashtyn,machérie,s’ilteplaît...quecetanimalcessedetelécherpartout.C’est
sipeuhygiénique.
Dereks’agenouilleetFalkorm’abandonnesansyréfléchiràdeuxfois.Monchienroulesur
ledosetDerekluifrotteleventreetluiraconteàquelpointilluiamanqué.
UnefoisMrsWorthingtoninstalléedansmachambre,nousretrouvonslesautresdansla
cuisineetDerekannoncelanouvelleàmasœuretàJulian:ildéménageauTexas.
Lesouriredemasœurdisparaît.
—Maistuesmonfrère!s’écrieJulian.JeneveuxpasquetuaillesauTexas.Parspas!
Brandial’airsouslechoc,ellealeregardvitreux.
—Julian,jesuissûrequeDerekabeaucoupréfléchiavantdeprendresadécision,dit-elle
d’unevoixtristeetmonotone.Ildoitfairecequ’iljugeêtrelemieux.
—Désolé,bonhomme.
IltendlamainversJulianmaismonneveul’éviteetcourtàl’étage.Avecuneminetriste,
Derekmontederrièrelui.
—Jevaisdécevoirmonmari,murmureBrandi.Jedéçoistoutlemonde.
Ellesembletotalementabattue.
—Cen’estpasvrai,jeprotesteenlaprenantdansmesbraspourlaréconforter.Tuesune
mère extra avec Julian, Brandi. Tu as dû te débrouiller seule et c’est devenu un enfant
intelligentetsensible.
Ellehausse les épaules et essuie les larmesqui coulent sur sonvisagepâle en formede
cœur.
—Tum’asdéjà fait comprendreque j’étaisune sœurpourrie.De toute évidence, je suis
aussiunehorriblebelle-mère.J’auraisdûresterenCalifornie.
—Non.
Jelaserrefortdansmesbrastandisquedeslarmescoulentsurmesjoues.Quandelleme
serreàsontour,jesanglotepourdebon.Derekemporteraunepartiedemoiavecluilorsqu’il
partira,etjenepensepaspouvoirsupporterlapeinetouteseule.Jesuisfatiguée,triste,jene
veuxplusêtreforte.
—J’aibesoinde toi,Brandi.J’aibesoindemagrandesœuret je suis très, trèsheureuse
quetusoislà.
—Çava,toi?demande-t-elleenmetenantàboutdebras,surprisequejepleureavecelle.
—Non.
Elleessuieleslarmesdemesjouesetmeregardeaveccompassion.
—C’estunehistoireentreDerekettoi,c’estça?J’acquiesce,incapabledeparler.
Elletientalorsmonvisagedanssesmains.
—Jesuislàpourtoi,petitesœur.Jesuisdésolée,j’ail’impressionquetoutestdemafaute.
— Qu’est-ce que c’est que ces larmes ? s’exclameMrsWorthington en nous rejoignant
danslacuisine.Jevousjure,j’ail’impressiond’êtredansunfunérariumtellementonpleure,
parici.Vousneconnaissezpasleremèdeuniversel?
—Lequel?demandeBrandi.
Jesèchemeslarmesetattendslaréponse.
—Uneséanceauspa.
Elleprendalorssontéléphoneetcomposeunnuméro:
—Harold,utilisezcetruc-là,Google,ettrouvez-moiunsparespectableàFremont,Illinois.
Prenezunrendez-vouspourtroispersonnespourunmassageetunsoinduvisagecesoir.
Elleraccrochepuisrappelleunesecondeaprès:
— J’ai bien réfléchi, prenez un rendez-vous pour quatre. Le père d’Ashtyn est plus
grincheuxquemoi,ilabesoind’aide.
— Liz, je ne crois pas que mon père nous suivra au spa, rétorque Brandi une fois la
conversationterminée.
—Ohquesi!répondlagrand-mèresanslamoindrehésitation.Personneneditnonàune
Worthington.Etsivousm’appelezLizencoreunefois,jevousarrachecesrajoutscriardsde
latête.
CHAPITRE51DEREK
Ashtynm’aditque j’avaisbesoind’unbut.J’enaienfin trouvéun,mêmesicen’estpas
tantunbutqu’unemission.J’aidécidédenettoyerlecabanonavantmondépart.Ilétaitsale
etlaisséàl’abandonavantquej’arriveici,maisjeluiairedonnévie.Jel’aidéjàrepeintetj’ai
réparédesplanchescasséesdutoitetdesmurs.Cematin,j’aidécidéderangerl’intérieur.Je
l’aientièrementvidé,puisjesuisalléàlaquincaillerieacheterdenouvellesétagèressolides
etdu contreplaquépour remplacer le vieuxplancher. J’aimême recouvert le vieuxplande
travailpourqu’onpuisseleréutiliser.
J’ai aperçu Ashtyn partir de la maison ce matin avec Victor, venu la chercher pour
l’entraînement.Elle nemeparle pas. Juliannonplus. Je lui ai dit que je lui rendrai visite
régulièrement,mais ils’enfiche.Ilm’ademandéde le laissertranquilleetdepuis, ilneme
regardeplus.Çafaitdeuxjours.
Jereculeetadmirel’avancéeduprojet.
—Pasmal,pouruneseulejournéedetravail.
Falkor, haletant, remue vigoureusement la queue à côté de moi. Il semble tout à fait
d’accord.
—DouxJésus,quefabriques-tudonc,Derek?criemagrand-mèredepuisleperron.
—J’arrangelecabanon.
—Engageplutôtquelqu’unpourfaireça.
—Pourquoiengagerquelqu’unalorsquejepeuxlefairemoi-même?
Ellepointesurmoiundoigtautoritaire.
— Parce que cela contribue à l’économie. Si tu engages quelqu’un, la personne a plus
d’argentpouracheter.C’estlabase,Derek.
Je reconnais volontiers la créativité de ma grand-mère. Elle croit véritablement aux
sottisesquisortentdesabouche.
—Ben,labase,pourmoi,c’estdelefairemoi-même.
—Bon,soupire-t-elle,alors...lave-toiensuite,pournepasavoirl’aird’unclochard.
Jericanealorsqu’elles’éloigne.Pourêtrehonnête,magrand-mèreestassezmarranteet
de tempsentemps,elle faitdeschosesquimerappellentmamère :sa façondedormirau
bord du lit, la manière dont elle se couvre la bouche quand elle rit. D’un autre côté,
lorsqu’ellesecomportecommeunebourge,ellepeutêtretrèsagaçanteetmefairehonte.Si
elleal’intentiondefairedemoisonclone,pendantlesneufmoisoùl’onvavivreensemble,
moij’ail’intentiondeladébarrasserdesoncôtésnob.C’estsûr,cen’estpasgagné.
Enfindejournée,magrand-mèreannoncequ’elle invitetoute lafamilleàdînerenville.
ElleadûréserverauPumpRoom,unendroitappréciédescélébritésàChicago.Aucoursdes
deuxderniersjours,Gusaapprisqu’ilvalaitmieuxobéirauxordresdemagrand-mèrequede
luirésister.Jecroisqu’ilavaitbesoindequelqu’uncommeelledepuisledébut,unefollequi
lefasseinteragiraveclafamilleplutôtquedelafuir.J’yseraisallévolontiersmaispourêtre
honnête,avoirAshtynenfacedemoitoutelasoiréeetsavoirquejelaquittedansquelques
joursnes’annonçaitpastrèsagréable.
Jesuisenfinparvenuàrangertoutlecabanonquandjem’aperçoissoudainqu’ilfaitnuit
dehors.Jeprendsunelampetorchedanslamaisonetinstallelesétagères,puisj’accrocheles
outilssurlemur.
—Arrêtezouj’appellelapolice!criederrièremoiunevoixdefillequejeconnaisbien.
Ashtynsetientdansl’encadrementdelaporte,avecsafameusefourcheenguised’arme.Il
faitsombremaislefaibleéclatdelalampesereflètesurlemétaldanssesmains.
Jeluifaisunpetitsourireetapprochedelafourchejusqu’àl’avoiràdeuxcentimètresde
montorse.
—Tun’aspasvraimentenviedemeplanter.
—Tuasraison,admet-elleenbaissantsonarme.
Jeluiôtelafourchedesmainsetlajettedecôté,aussiloinquepossibledemonpied.
—Qu’est-cequetuficheslà?Jecroyaisquetuétaisenvilleaveclesautres.
—J’aidécidéderester.
Sontonestséducteur,pasmoyendes’ytromper.
Elle avance.A la faible lumière, je remarquequ’elleporte sonmaillotdehockey, et rien
d’autre.Mesyeuxseposentsursoncorpsàmoitiécouvert,incapablesdes’endécoller.
Jedéglutis,bruyamment.Ilfaitsombreetlapiledelalampefaiblitrapidement.Quandj’ai
rencontréAshtyn, jenemedoutaispasdecequ’elleallaitdevenirpourmoi.Quandelleest
dans lesparages, j’aienviede larepousseret,enmêmetemps,de l’attireràmoi.Elleparle
commeunmecmaisalecorpsd’unange.Ellesaitquejem’envaismaiselleestlàavecmoi,
maintenant...
—Pourquoies-turestéeàlamaisoncesoir?
Lalampescintilleavantdes’éteindrecomplètement.Alorsellememurmureàl’oreille:
—Pourtoi.
CHAPITRE52ASHTYN
Jesuisrestéeassisesurmonlitpendantuneheureavantdetrouverlecouraged’allerau
cabanon,cesoir.Dereks’enva,jelesais,maisj’aienviequ’ilserappellelasensationd’être
avecquelqu’unqui l’aime inconditionnellement.J’essaiedemeconvaincrequ’il fautque je
soisheureusepuisquenousavonscettedernièrenuitensemble.Jamais jen’aurais imaginé
m’attacherautantàquelqu’un,surtoutensipeudetemps.Etpourtant...
Jen’ai jamais cru au coupde foudre, jusqu’àma rencontre avecDerek.Çame consume
entièrement,c’estdélicieux,merveilleuxetexcitant.Enmêmetemps,çamerendnerveuse,
émotive,etjedoutedemoi.L’amourexiste.Jesaisqu’ilexisteparcequejesuispleinement,
follement,désespérémentamoureuse.
Jepasselesbrasautourdesoncouetsenssesmainssurmataille.Ilm’attireàlui.Nous
nous embrassons et j’ouvre la bouche pour un baiser encore plus intime. Nos langues
s’entremêlent.
—Sil’oncommence,jenevaispasvouloirm’arrêter,dit-ild’unevoixrauque,profonde.
—Moinonplus.
Sansunmotdeplus,jefermelesyeuxpendantquesesdoigtss’accrochentàmonmaillot
puis lentement, subtilement, il fait glisser le vêtement surma peau sensible et le jette de
côté.
Il faitnoir.Onnepeutrienvoirmais jepeuxentendresarespirationetsentir letoucher
lentetsensueldesesmainssurmapeau.
Jepassemesdoigtssursesbicepsetparcoursleslignesdesesabdosetdesespectoraux
parfaitementdessinés.
—Jet’aimenti,j’avoueenbaissantlamainjusqu’àsaceinture.
—Hum...surquoi?
—Jet’aiditquejen’étaispastroublée,niimpressionnéepartoncorps.
Jel’embrassedanslecouetsonparfummusquéd’hommeenvahitmessens.Jeglissemes
lèvresplusbas,sursontorse,sesabdos,plusbas.
—J’aimenti.
Il jette latêteenarrièreetsamainpassedansmescheveuxpendantqueje luimontreà
quelpointj’appréciesoncorps.Ausonsaccadédesarespiration,jecomprendsqu’ilaimeça.
Beaucoup.
—Amoi-même,reprend-ilauboutd’unmoment,d’unevoixtendue.
Jepousseunpetitcridesurprisequandilmesoulèveetmereposesurlenouveauplande
travaildevantlui.
Ilm’embrassefougueusementetjemecolleàlui.J’aienviedeplus,enviedelui,envieque
cettenuit dure toujours.Nos corps sont couverts de sueur et noushaletons tous les deux,
nousnousbattonspourqueceladureplus longtemps,mais jesensquenoussommestous
lesdeuxsur lepointdecéder.Mesmainss’égarentsursoncorpsmagnifique tandisque je
goûtesaboucheetluilamienne.
Jem’allongesurledosetilrecouvremoncorpsaveclesien,avecdouceur,avecpassion.Je
senssonsoufflechaudsurmapeauglissante,toutmoncorpsestenalerte.
—Tun’aspasidéedel’effetqueçamefait.
—Ohsi,répond-ildesavoixrauqueenretirantlerestedesesvêtements.
Jel’entendsalorsdéchirerunemballagedepréservatifetmoncorpssefige.
—Tul’assortidetonportefeuille?
—Ouais.
—Jecroyaisquetunegardaispasdepréservatifdanstonportefeuille.
Ilricane,etjepeuximaginersonsourireespiègle.
—Dansuncompartimentsecret.
Puisjememetsauborddel’établietdeboutentremesjambes,ilenfilelepréservatif.Je
poselesmainssursontorse.
—Derek?
—Ouais?
Savoixs’étirealorsqu’ilseretient.Jesuiscontentequ’ilfassenoiretqu’ilnepuissepas
voirmonvisageàcetinstantprécis,rouge,troublé,nerveux.
—Jenesaispascequejesuisentraindefaire.
Ilmeprendlamainpourmemontrersondegréd’excitation.
—Ondiraitquesi.
—Nonmais,jeveuxdire,j’aifaitdeschosesavant...maispas...
—Quoi?Jenesavaispas!
Ilexpireungrandcoup,puisposesonfrontcontrelemien.
—Onn’estpasobligésdecontinuer,Ashtyn.Tapremièrefoisnedevraitpassefairedans
uncabanon.
—J’enaienvie,dis-jeenprenantsonvisageentremesmains.Jet’aime,Cow-boy.Etc’est
l’endroitparfait... l’endroitoùl’ons’estrencontrés.Riennepourraitêtremieuxqu’avectoi,
ici,maintenant.
Alors,nousfaisonsl’amour.Derekesttrèsdoux.
—Çava?Jenevoudraispastefairemal.
Jesuistellementsubmergéeparl’émotionquej’aidumalàréalisercequisepasse.C’est
commesij’étaisenpleinrêveetjen’avaispasenviedemeréveiller.Alorsdansunmurmure,
jeluiréponds:
—Net’inquiètepaspourmoi.
—Jem’inquiètetoujourspourtoi,Ashtyn.Jesaisquetuescapabledetedébrouillerseule
mais...
Ilpassesesmainssousmesfesses,m’incitantàserrermesjambesautourdesataillealors
qu’ilmesoulèvedel’établi.
—Maisparfois,c’estaussibiendelaisserquelqu’uns’occuperdetoi,Sucred’orge.
JefermelesyeuxetlaisseDerekprendreledessus.I l araison.Onnem’ajamaisautant
aiméeetprotégéedemavie. Il est sidouxetpatient, il saitexactementquoi faireet jeme
mets à crier subitement son nom et lui le mien. Je sais que ce rêve ne durera pas
éternellementmaisunepartiedemoivoudraittoujoursl’avoirdansmavie.
—Tuasprisunepartiedemoi,murmure-t-ilenmeserrantfortaprès.
—Bien.Etjenetelarendraijamais.
CHAPITRE53DEREK
Avant, je savais ce que je voulais et je fonçais pour l’obtenir. Quand j’étais plus jeune,
c’étaitlefootballaméricain.Jefaisaiscequ’ilfallaitpourêtrelemeilleur.
Le lendemain de la soirée passée avec Ashtyn dans le cabanon, je suis dans l’avion de
retourpourleTexas.Magrand-mèreestassiseenfacedemoiavecunvisageinexpressif.Je
saisqu’elles’estrapprochéedeBrandi,JulianetAshtyn.Jel’aimêmevuenourrirFalkoren
secret, sous la table, pensant que personne ne la verrait. A l’atterrissage, nous retrouvons
Harold.
—Avez-vouspasséunagréableséjour?demande-t-il.Magrand-mèreetmoiéchangeons
unregard.
—Le temps àChicago est affreusement chaud et humide, répond-elle d’un ton hautain.
MaisFremont estuneville charmante. Jeme suis faite auxhabitants, semble-t-il.N’est-ce
pas,Derek?
—Toutàfait.
Je rentre dans la maison de ma grand-mère et, soudain, rien ne va. L’endroit est trop
grand,tropvide.Lanuitvenue,jescrutelesmursblancsimmaculés;cen’estpasiciquej’ai
envied’être.
Avantleleverdusoleil,jedescendsl’escalieretm’étonnedetrouvermagrand-mèreassise
danslabibliothèquetouteseule.Elletientlalettredemamèreàlamain.
—Tunedorspas?
Ellesecouelatêteetreposelalettre.
—Cen’estpasfauted’avoiressayé.Ettoi,Derek?
—Moinonplus,dis-jeenm’asseyantàcôtéd’elle.Mamantemanque?
—Oui,beaucoup.
—Moiaussi.
Je regarde ma grand-mère et, pour la première fois depuis la mort de ma mère, je
comprends ce que je veux. Je veux être là pour Julian et Brandi, la famille que j’ignorais
vouloir.Jeveuxêtreprochedemagrand-mère,mêmesiellealedondemerendredingue.Je
veuxmontreràAshtyncequ’estunamourinconditionnel...parcequec’estlaseulefilleavec
laquellej’aienvied’êtreetjeneveuxplusjamaisqu’ellesesenteseule.
Jeveuxmebattrepourelle,etfoncer.
Çafaitlongtempsquejen’aipasprisd’initiative,maisjesenstoutemonénergierevenir.
Jesuisexcité,lesangcouledansmesveinesalorsquejeréfléchisàcequejedoisfaire.Cene
serapasfacile,loindelà.Maisjesuisprêtàreleverledéfi.
—Mémé?
—Oui,Derek?Net’ai-jepasdéjàditquejedétestequandtum’appellescommeça?
—C’estaffectueux,c’est lesignequejet’aime, je luirétorquetandisqu’ellem’envoieun
petitcoupdecoudedanslescôtes.JeveuxrentreràChicago,etj’aienviequetuviennesavec
moi.
—Jesuistexane,Derek.
—Moiaussi.Maispeut-êtrequ’onpourraitêtredesTexansquis’aventurentailleurs?
Elleyréfléchituneminute,etfinalementacquiesce.
—Oui.Oui,jepensequenouspouvonsfaireunessai.JevaisdemanderàHarolddenous
trouver unemaison décente qui ne soit pas trop loin de chez Brandi et Ashtyn. Bien sûr,
Haroldetlepersonneldevrontdéménageravecnous...etjedevrairevenirrégulièrementafin
de superviser le travail des industries Worthington. Tu sais que tu es l’héritier de notre
entreprise,n’est-cepas?
—Tumelerappellessanscesse.
—Bien.
Ilnes’agitplusseulementderéparermeserreurspassées.Ils’agitd’apporterunsensàma
vie,quelquechosequimanquaitjusqu’àprésent.Ashtynsavaitqu’aufonddemoi,jevoulais
encoremebattre...etellem’aaidéàcomprendrequej’avaisdesobjectifsetdesrêves,comme
elle.
Magrand-mèreestplusqueraviedem’aideràallerdel’avant.Quelquescoupsdefilàdes
universités et à des entraîneurs pour lesquels j’ai déjà joué, quelques pistons que seul un
héritier des industriesWorthington peut se permettre. Je prends un vol pour Chicago au
momentoùAshtynpassesonentretienavecl’universitéNorthwestern.Jesaisqu’ellenesera
pasàl’entraînement.Dèsquej’atterris,jefileaulycéeFremont.
J’avance sur le terrain et suis enveloppé par l’odeur familière de l’herbe fraîchement
coupée.L’entraîneurestenpleineconversationavecsesassistants.Jetrottinejusqu’àeux.
—CoachDieter!
L’entraîneurseretourneetmejetteunregarddesesyeuxbleusperçants.
—Oui?
Jedéglutis.Soudain,jemesensnerveux.Commentpuis-jestresserautantenm’adressant
simplementàl’entraîneurdel’équiped’unepetiteville?Probablementparcequelemoment
décisifestenfinarrivé.
—JesuisnouveauàFremont.Jecommenceraiiciàl’automneet...
—Fiston,j’aipastoutelajournée,vadroitaubut.
—Jeveuxjouer,commequarterback.Ilsemetàrire.
—Écoutez,jesaisquevousavezperduMcKnightetquesonremplaçantn’estpasvraiment
àlahauteur.
Jenepeuxpasmepermettredemontrerlamoindrefaille,seulementmonassuranceetma
détermination:
—JeseraimeilleurqueleMcKnightdesgrandsjours.LecoachDieterlèveunsourcil:
—Salepetitprétentieux!Commenttut’appelles?
— Derek, dis-je, la main tendue. Derek Fitzpatrick. L’entraîneurme serre la main. Une
prisevirile,forte,dugenreàtesterlaforcedel’autre.
—Oùest-cequetuasjoué?
— D’abord en Alabama, puis au lycée Sierra en Californie. Arrivé notamment en
championnatd’État...
—Tuentresenquelleclasse?
—Terminale.
Ilappellealorsundesesassistants.
— Derek Fitzpatrick, je te présente le coach Heilmann, il coordonne la défense. Coach
Heilmann,Derekiciprésentpensequ’ilferaunmeilleurquarterbackqueMcKnight.
L’entraîneurdeladéfensericaneunpeupuishausselesépaules.
—Etpourquoipas?Qu’ilessaie,Bill.Aupointoùonenest.
Puisilnouslaisse.
Dietertapotesonporte-blocavecsonstylo.
—Cequipourraitm’énerver,c’estqu’unpetitvantardégocentriquemefasseperdremon
temps.Suis-moi,ordonne-t-ilsansmelaisserletempsdeluiparlerdemesstatistiques.Onva
temettreentenueetvoircequetuasdansleventre.
Jelesuisdanslesvestiairesoùlerestedel’équipeseprépare.Ilmefaitsigned’attendre
hors de la pièce des équipements le temps qu’il attrape des épaulettes et un casque. Je
m’assoissurunbancetobservemesfuturscoéquipiers.
J’aperçois Victor. Dès qu’il me voit, il bondit enme regardant droit dans les yeux avec
haine.
—Dégage,Fitzpatrick.Tucroisque tupeux fairedumalàAshtynpuis changerd’aviset
revenir pour l’utiliser encore une fois ? Tu te goures, mec. Je ne te fais pas confiance,
personnedansl’équipenetefaitconfiance,alorsretourned’oùtuviens.
—Jen’irainullepart.
—Ahouais?Situveuxt’enprendreàAshtyn,tudevrasd’abordpasserparchacund’entre
nous.
—Pasdesouci.
Peuimporte,jeneferaipasmarchearrière.Ilmebouscule.Jelebousculeàmontour.On
estsurlepointd’yallerfrancoquandDieterdonneuncoupdesifflet.Toutlemondes’arrête
et soudain les vestiaires deviennent complètement silencieux. Tous les yeux sont rivés sur
moi.Évidemment,siVictormeconsidèrecomme l’ennemi, ilsmeconsidèrent touscomme
l’ennemi.
—Toutlemondesurleterrain!hurleDieter.Leschosesnevontpasêtrefaciles.
Jetfaittombermoncasquedubanc.
—Net’attendspasàcequel’undenoustelèchelespompesparcequet’escenséêtreun
prodige.OnatousvuAshtynpleurerpendantdesjoursaprèstondépart.C’étaitflippant,elle
n’ajamaisétédanscetétat.Sit’asenviedemourir,t’esaubonendroit.
J’enfilematenueetcourssurleterrain.Victors’avancesansattendreversDieter.
—Coach, on veut queButter soit notre quarterback. L’entraîneur ne lèvemême pas les
yeuxdesafeuille.
—Moi,jeneveuxqu’unechose:quevousgagniezcettesaison!Crois-enmonexpérience,
rien ne vaut un bon coup dans la fourmilière pour renforcer une équipe. Un nouveau
quarterbackpourraitpeut-êtrevousdonnerlarage.
Victors’énerveetsesdoigtssecrispentsurlagrilleenmétaldesoncasque.
—Coach...
—Salazar,arrêtedepleurnicher.Maintenant,bougetesfessesetvat’échauffer!Toiaussi,
Fitzpatrick.
Victorsetourneversl’autreboutduterrainoùlerestedel’équipesautesurplace.Quand
jeluipassedevant,Dieterm’attrapeparlecoude.
—Ilnevapasterendrelaviefacile.
—Jen’aipasl’habitudequ’onmerendeleschosesfaciles.
Jeferaismieuxdemeconcentrersurlejeu,etpassurlafillequiaenvahimespenséeset
mavie.
Pendant l’entraînement, onm’ordonne de suivre le quarterback actuel, Brandon Butter.
Aprèsunpremiertour,Dieterlefaitvenirentoucheetmedemanded’imitercequ’ilvientde
faire. Je fais une passe classique à TreyMatthews, qui lâche le ballon à la seconde où ses
mainsentrentaucontactducuir.
—Qu’est-cequetufous?dis-jeàTreyquandillelâchelasecondefois.C’estunepassede
base.
Ilcommenceàs’éloigner.
—Pourunprodige,t’espasdoué,marmonne-t-il.
—Jet’emmerde.Jesuisdoué.
Jetnonplusnem’aidepas. Il s’efforcede récupérer lesballonsdeButter à chaque fois,
même lorsque les trajectoires sontmauvaises,mais il courtpratiquementdans ladirection
opposéedemeslancersdèsqueleballondécolledemamain.
Lesjoueurssurlaligned’attaquelaissentuntroubéantpourqueVictorpuissemefoncer
dessus.Ilnes’enprivejamais.
—Mec,t’esvraimentnul!lanceVictorquandonseremetenposition.
Ilricane,raviqu’onm’empêchedemontrerdequoijesuiscapable.
—Jeneseraispassinulsitescoéquipiersfaisaientleurboulot.
Alors que j’ai le ballon dans les mains, je cherche Jet du regard mais je me fais
immédiatementplaquerparVictor.Personnesurlaligned’attaquen’estlàpourmecouvrir.
—Ça,c’étaitpourAshtyn,déclare-t-ilenmejetantausol.
Il tendalors lamainpourm’aideràmerelevermais jene l’acceptepas.Plusénervéque
jamais,jemelèveetlepousseungrandcoup.Avecsacarrure,jenedevraispasêtresurpris
quesespiedsrestentvissésausol.
—Tumecherches?
Jets’interpose.Ilm’attrapeparlemaillotetmeprévientdemetenirloindeVie.Troptard,
lemalestfait.
—Montre-moicequetuasdansleventre,Salazar.Jemeprépareetcontrôlemoncentre
degravité alorsqu’il essaiedemeprojeter au sol.Ha !Cegrosbalaisepensaitpouvoirme
mettre par terre sans effort, mais je suis borné, l’adrénaline court dans mon corps, et je
refusedeperdre.Furieux,ilretiresoncasqueetcollesonvisagecontrelemien.Dieterdonne
un coup de sifflet. Je crois qu’il s’époumone depuis qu’on m’est rentré dedans, mais je
l’ignore,commetouslesautresd’ailleurs.
— Tu ne peux pas débarquer ici, claquer des doigts et croire qu’on va te servir, lance
Salazar.
J’enlèvemoiaussimoncasque.
—J’aijouéavecdescollégiensmeilleursquevous.
IlsejettesurmoisouslenouveaucoupdesiffletdeDieter.Cen’estpasfaciledesebattre
entenue.Onrouleausolenessayantchacundeprendreledessus.
—Arrêtezça!hurleDieter.
Lesautresnoustirentpournousséparer.
—Fitzpatrick,surlebanc!
C’estquoicebordel?C’estmoiquisors?Merde!
—Coach,vousrigolez.Cen’étaitpasma...
Ilpointeledoigtverslebancsansmelaisserfinir.
—Quejen’aiepasàmerépéter.
Cetteéquipe...cesconnards...brisenttoutesmeschances.Jem’assois,bouillantderage;
lesautressoutiennentButteràdeuxcentspourcentalorsqu’ilestnaze.
—Fitzpatrick,amènetesfessesparici!criesoudainDieterdel’autrecôtéduterrain.Les
autres,faitesuntourdeterrainavantdepartir.
Jeramassemoncasqueetmarchejusqu’àlui.Jenepeuxpasrestercalme.
—Jenesuispasvenupourêtresurlatouche.
—Ecoute,Derek,malgrécequis’estpassésurleterrain,jenepeuxpasnierquetuasdes
capacités.
—Sil’équipemesoutenait...
—Oublieça,dit-ilenenlevantsacasquette.J’auraisbeaum’égosilleràleurdire,pourune
raison ou une autre, mes gars ne te font pas confiance. Ils prendraient des coups pour
protégerButter.Ilfautquetugagnesleurrespectetleurfidélité.Quandtuyserasparvenu,
onauraunebonnechancedevictoirecetteannée.Toutdépenddetoi.Tuesprêtàreleverle
défi?
—Oui,coach.
—Bien.Alorsmaintenant,onlimitelesdégâtsetvousréglezlesproblèmesquevousavez
endehorsduterrain.Puistureviensicipourl’entraînement,lundimatin.
Surleparking,Salazarestsurlepointdegrimpersursamoto.Ilsecrispeenm’apercevant.
—J’essaiederécupérerAshtyn.
—Bonnechance,répond-ilenhochantlatête.Tutefaisdesillusions.
—Ecoute,Salazar...
Ilesttempsdetoutdéballer,jen’auraipeut-êtrepasdesecondechance.
—Jel’aime,dis-jeenouvrantgrandslesbras.D’aprèstoi,pourquoijefaistoutça?C’est
pourelle,pournous,pourmoi.Jesaispas,tuaspeut-êtreraison,jesuisleplusgrosenfoiré
delaplanète.Maistusaismieuxquequiconquecequ’elleressentpourmoi.Mêmesijen’ai
qu’unechanceminusculedelarécupérer...ilfautquejetentelecoup.Jenet’enveuxpasde
vouloirme casser la gueule.Mais, Salazar, elle veut gagner avec son équipe. J’ai envie de
l’aider.Toi,aide-moi.
Ilbaisselatêteetsoupire.
— Tu lui as fait mal, Fitzpatrick. Elle pleurait dans mes bras comme un bébé. Elle est
commeunesœurpourmoietjenetelaisseraipasluifairedemalànouveau.
—Jen’enaipasl’intention.Çametuedetedemanderça,maisj’aibesoindetonaide.
—Qu’est-cequejepeuxfaire?
—J’aibesoindesvidéosdetouslesmatchsdisputésparFremontcesdernièresannées.
—Detouslesmatchs?
Victor fronce les sourcils comme il l’a fait la première fois que l’on s’est vus, comme si
j’étaisunennemidansl’équipeadverse.
—Est-cequejepeuxtefaireconfiance?Jelefixealorsdroitdanslesyeux.
CHAPITRE54ASHTYN
Je prends une profonde inspiration en m’asseyant en face des entraîneurs de
Northwestern.C’estunegrandeuniversitéduMidwest,avecl’undesmeilleursprogrammes
defootballaméricain.L’endroitestunique,surlesbordsdulacMichigan.Commej’aimerais
queDereksoitlàpourmedire:«Tupeuxlefaire»...
Derek.J’aibeaum’employeràenfouirsonsouveniraufonddemamémoire,jen’yarrive
pas. Il faitpartiedemoi,qu’il ressente lamêmechoseounon.Quand je ferme lesyeuxet
repenseàsafaçondemetoucherdélicatementlevisage,depassersamaindansmescheveux
oujustedemeprendredanssesbrasparcequ’ilsaitquej’enaibesoin, jemesenssereine,
commejenel’avaisplusétédepuisledépartdemamère.
J’aienvied’allerauTexasetdeluidireàquelpointjeveuxqu’ilmechoisisse.Maissijele
faisais, je ne le laisserais pas choisir sa propre voie. Je refuse de le forcer oude l’inciter à
resteràmescôtés.Detouteévidence,iln’estpasprêtàs’engager,dumoinsavecmoi.Jene
souhaite que son bonheur. S’il est heureux sans moi là-bas, je dois trouver le moyen de
l’accepter.
Dequiest-cequejememoque?Jenel’accepteraijamaisetilmemanqueterriblement!
C’estmonmeilleurami,celuiquim’aapprisquejevalaislapeined’êtreaimée.Ilaréussià
mefairecomprendrequec’étaitmamèrequiperdaitdesmomentsprécieux.
Pourlapremièrefoisdemavie,j’ycroisvraiment.
—Sinoussommesimpressionnésparvosperformancesdel’annéedernièreetavonsreçu
une impressionnante lettre de recommandation des coachs Bennett et Dieter, nous ne
sommespasdisposésàvousoffrirunequelconqueaideoubourse,m’expliqueunentraîneur.
Nousavonsbeaucoupde candidaturesdekickers,Ashtyn.Vousnous intéressezmais,pour
être honnête, il y a un certain nombre de joueurs plus expérimentés, et nous devons être
réalistes. Toutefois, nous vous remercions pour votre temps et l’intérêt que vous portez à
Northwestern. C’est une école de qualité et nous aimerions vous compter parmi nos
étudiants.
Je hoche la tête, les remercie dem’avoir consacré du temps, et voilà que l’entretien est
terminé.Çan’aduréquequelquesminutes.Dansl’ascenseur,uneprofondetristesseenvahit
mapoitrinequandjeréalisequ’uneportevientdesefermer.
Ilsnemetrouventpassuffisammentbonne.
Quand l’ascenseur s’ouvre à nouveau, j’entends la voix autoritaire d’une vieille dame
acariâtrequejeconnaisbien:
—Jevousdisquejen’aipasbesoinderendez-vousavecl’entraîneur!J’aibesoindelevoir
immédiatement.
Lagrand-mèredeDerekbranditsonombrellecommeuneépéedevantlevisageduportier.
Ellesembleprêteàledécouperenmorceauxsiellen’obtientpasgaindecause.
—Madame,j’ail’ordredenelaisserpersonneprendrel’ascenseursansrendez-vous.
— Sacripant, vous n’avez aucun respect pour l’autorité, aboie Elizabeth Worthington,
furieuseetincontrôlable.Maintenantlaissez-moipasser,quejevoiemon...
Elleabaissesonombrelleetseraclelagorgedèsqu’ellemevoit.
—Bonjour,Ashtyn.
C’estextrêmementréconfortantdeseretrouverdanslamêmepiècequecettevieilledame,
mêmesielleestentraindemenacerquelqu’un.
—MadameWorthington,qu’est-cequevousfaiteslà?
—Cemauditportierm’amisedanstousmesétats.Ellesoupireet fouilledanssonsacà
mainpenduàsonavant-bras,pourensortirunmouchoiravecdesinitiales.Elleépongealors
unesueurinvisibledesonfront.
Elleévitemaquestion,maisiln’yapasmoyenquejelalaisses’entirercommeça:
—JecroyaisquevousétiezretournéeauTexas.Qu’est-cequevousfaiteslà?
Elleremetsonmouchoirdanssonsacetentireunpropre.
—Voilà,machère,uneexcellentequestion.
Elleseracleunenouvellefoislagorgeavantdepoursuivre:
—Jevaisêtrehonnête,Ashtyn,j’aiapprisquetuétaisicietjesuisrevenuepourêtreàtes
côtés.Mavoiturenousattenddehorspourteraccompagnercheztoi.
Pourmoi?
Elleestvenuepourmoi?
Personnenerevientjamaispourmoi.Onpart,commemasœur,mamère,Landon...même
Derek, la personne qui comptait le plus. Mais cette vieille dame à l’humeur terrible est
revenuepourmoi.
—Nemeregardepasdecettefaçon.
—Merci,dis-jed’unevoixtremblante.
MrsWorthingtonm’attireverselle.Elledéplie sonmouchoirpropreet semetàessuyer
meslarmes.
—Tavieestsensdessusdessouset...Disonsquelàtuvasdanslemur,tuasbesoind’aide.
Jesuislaseuleenmesuredefairedetoiunedemoiselledignedecenom.
J’arrête samain tremblantealorsqu’elle essuie lesnouvelles larmesqui coulentdemes
yeux.
—Moiaussi,jevousaime.
Soudainsesyeuxdeviennenthumidesàleurtour,maisellesereprend.
—Cessedepleurer,c’estbientôtmoiquivaisêtresensdessusdessous,etçanemeplaît
pas.
—Jesuisdésoléedevousavoirtraitéedesnob.
—Tunem’aspastraitéedesnob.
—Jel’aipensé.
Ellesepinceleslèvresettapesonombrellesurlesolcommeunecanne.
—Ehbien...envérité,jesuispeut-êtresnob,oui.Maintenant,rentronsàlamaison.
Une limousine l’attenddehors... nous attend. Jem’assois en faced’elle et remarque son
sourire,lesouriremalindeDerek.
Le soir venu, Brandi etMrsWorthington sortent dîner ensemble tandis que je surveille
Julian. Je lemets au lit et vais dansma chambre pour téléphoner à Victor. J’ai besoin de
parler de l’entretien à Northwestern. Julian entre alors dans son petit pyjama avec des
personnagesdedessinsanimés.
—Jen’arrivepasàdormir,dit-iltimidementprèsdemonlit.
Jeraccrocheetregardemonneveu.
—Tuveuxdormirdansmonlit?Ilmefaitouidelatête.
Jesoulèvelacouetteetilgrimpededans.Ilpasseunbrasautourdemoitoutensuçantson
poucedel’autremain.
—Jet’aime,Julian.
Etjel’embrassesurlesommetducrâne.Ilsortsonpoucedesaboucheetmeregardeavec
desyeuxadorables.
—Jet’aimeaussi,TatieAshtyn.
CHAPITRE55DEREK
Jen’ai jamais stressé avant unmatch. J’étais calme et je parvenais à repousser tous les
doutesquejepouvaisavoir.J’arrivaisàmeconcentrerpleinementsurlejeu.J’étaistoujours
sûretcertaindegagner,etçasevérifiaitàchaquefois.
Jen’aijamaiscrupossibledeperdre.Maisàcetinstantprécis,alorsquejemarcheversla
maisonetaperçoislecabanonàl’arrière,jemedisqueleschancessontcontremoi.L’attente
mefaittranspirer.Etsijefinissaisparperdre?J’aibeaumerépéterd’ycroire,jedoute.
Toutestprêtsaufunechose.
Jesonneàlaportemaispersonnenerépond,ducoupjemepermetsd’entrer.Gus,assis
sur son grand siège en cuir, regarde la télévision. Je m’assois sur le canapé, prends la
télécommandeetéteins.
Gussetourned’uncoupversmoi.
—Qu’est-cequetufiches?JecroyaisquetuavaisdéménagéauTexascheztagrand-mère,
lacheftaine.
—Ilfautquejevousparle,Gus.C’estimportant.
Jereposelatélécommandesurlatable.Ilseredressesursonfauteuiletgardelesmains
surleventre.Puisilregardesamontre.
—Qu’est-cequetuveux,Derek?Tuastroisminuteschrono.
Longtemps, je me suis fichu de ce que les gens pensaient. Maintenant, tout a son
importance. Même si Ashtyn n’a pas besoin de l’approbation de son père, il le faut.
Probablementplusqu’ellenesouhaitel’admettre.
Jem’essuielefrontetprendsuneprofondeinspiration.J’airépétécequej’allaisdiremais
j’aioubliémondiscours.Jeregardelepèred’Ashtyn,toujourssombre,etmeraclelagorge.
—Monsieur,j’aidessentimentspourAshtyn.Illèveunsourcil.
—Depuisquand?
—Depuisunmomentdéjà.Ilmejetteunregardglacial.
—Ettuveuxmonconsentement?
—Oui,monsieur.Nonpasquej’enaiebesoin,maiscelameferaitplaisir,oui.
Ilmesondedehautenbasets’enfoncedanssonfauteuilensoupirant.
—Jen’aipasfaitcequ’ilfallaitavecelle.Sisamèreétaitlà,Brandineseraitpaspartieet
Ashtyn n’aurait pas joué au football. Je me suis dit que, si je n’en parlais pas trop, elle
décideraitd’arrêter.Jemesuistrompé.
—Vousaveztoujourslapossibilitédevousrachetez,Gus.Elleabesoindevous.C’estune
filleforteetindépendantequisebatpoursesconvictions,maisceseracarrémentplussimple
pour elle si vous êtes là pour l’encourager. Si vous la regardiez, vous verriez que c’est une
grandejoueuse.Jel’aime,monsieur,plusquetout.Etjeseraiàsescôtés,avecousansvous.
Gushoche la tête. Je crois qu’il vient demedonner son avalmais je ne suis pas sûr. Il
faudras’encontenter.
JeretournechezVictorpourmechanger.L’heureestarrivée.C’estlequatrièmeetdernier
quartdujeu...lematchdemavie.
CHAPITRE56ASHTYN
Jen’ai jamaisvuquelqu’unmangeraussi lentementqueMrsWorthington.Ellea insisté
pourqu’ondéjeuneaurestaurantdegrilladeenfaceduMilleniumPark.Cettefemmeprend
unebouchéedesonburgeretmâchejusqu’àcequesanourritureseliquéfiecomplètement
avant de prendre une nouvelle bouchée. Elle regarde samontre toutes les deux secondes,
comme si elle se chronométrait. J’ai juste enviede rentrer à lamaison, fermer les yeux et
imaginerleretourdeDerek.C’estinutile,jesais.
— Bon, j’ai décidé de louer une maison dans ta drôle de petite ville, annonce Mrs
Worthingtonavantdeprendreuneautrebouchée.
Hein,commentça?
—VousvousinstallezàFremont?
— Je t’ai dit que tu avais besoin de moi. Tu fais désormais partie de ma famille. Et,
contrairementà ceque tout lemondepense, jeprends soindema famille.Ne te vexepas,
maistasœurestfofolleettonpèreauraitbesoinqu’onlesecoueunebonnefoispourtoutes.
Situveuxmonavis,leTexasdoitvousvenirenaide.
Cettevieilledamevientvivreavecnous,pourgarderunœilsurnous,ets’assurerquetout
vabien.Lasimpleidéememetlalarmeàl’œil.
—EtDerekalors?
Ellelèvesesyeuxbleusetvifsauciel,àlaDerek.
—Monpetit-filsestunélectronlibre.Jen’arrivepasà lesuivre.Unjour ildéménageau
Texas, le lendemain il rentre enCalifornie.Pour autant que je sache, il pourrait tout aussi
bienfiniràChicago.
J’évite de répliquer que cela n’arrivera pas. Çame fait affreusementmal de l’admettre,
maisDerekaprisladécisiondepartiretilnereviendrapas.J’esquisseunpetitsourire.
Ellevérifieànouveausamontre.
—Jedoisutiliserlescommodités,jereviens.
Elleemportesonombrelleaccrochéeaudossierdesachaise.
—Vousavezbesoind’aide?luidis-je,enmedemandantpourquoielleauraitbesoind’une
ombrelleauxtoilettes.
Ellel’agitedansmadirection.
— Je suis peut-être vieille mais je n’ai certainement pas besoin d’une escorte pour me
rendreaupetitcoin.
J’aidéjàapprisquecelaneservaitàrienderésisteràMrsWorthington.Ellesedirigevers
les toilettes, et je reviens àmon burger. J’ai commandé celui préparé avec une viande de
vachenourrieàl’herbefraîche.Derekseraitfier.Ilneserendpascomptedel’influencequ’il
aeuesurmavie.Toutcequejedisoufaismerappelleunsouvenirdutempspasséensemble.
Est-ce que la douleur qui rongemon cœur s’en ira un jour ou aurai-je a jamais une plaie
béante?
Avec le temps, ça iramieux,mais je me suis faite à l’idée que je sentirai toujours une
douleurqueseulDerekpeutapaiser.
Soudain,unefemmeauxcheveuxlongsetbrunsquejeneconnaispass’assoitenfacede
moi,devantleburgerdeMrsWorthington.Jesuispriseaudépourvu.Jem’apprêteàluidire
quelaplaceestoccupéelorsque,toutàcoup,j’aiunflash.
Non.Cen’estpaspossible!Çanepeutpasêtre...
—KatieCalhoun?jehurle.
Ellesesertunefritedansl’assiettedeMrsWorthington.
— Alors comme ça Northwestern n’a pas voulu t’offrir de bourse ? C’est vraiment
dommage.
Jerestebouchebée.Jeseraisincapabledeparlermêmesij’essayais.
—Écoute,Ashtyn,est-cequejepeuxêtrehonnêteavectoi?
J’acquiescelentement,toujourssouslechoc.
— Ne baisse pas les bras, poursuit-elle en agitant une seconde frite sous mon nez. Tu
n’imaginespas lenombredegensquipensaientquej’abandonnerais.Mais jene l’ai jamais
fait :même lorsque je n’avais pas le soutien absolu demes coéquipiers, je n’ai pas laissé
tomber.
Alorsellesepencheetmurmure:
—Jepensequetuesplusfortequetunelecrois.Derekestdemonavis.
Derek ?Petit à petit, je commence à comprendrequ’il a quelque chose à voir avec cette
histoire.
—C’estluiquiatoutorganisé,n’est-cepas?Elleacquiescepuistournesachaise.
—Regardel’écran,dit-elleenpointantverslatéléquidiffuselesmeilleursmomentsdela
chaînesportiveESPN.
Katiefaitunsignedetêteauserveur,commeuncodeentreeux,etjen’aipaslamoindre
idéedelasuitedesévénements.Là,l’écrandevientnoir,etsoudain«Lesmeilleursmoments
d’AshtynParker»apparaissentbrièvementsurlatélé.
Lesmeilleursmoments?Déjàquejen’aipaseudegrandmoment...
Leslarmesmemontentauxyeuxetmoncœurseserreàmesurequedéfilentdesimages
de moi jouant en première année au lycée. Puis l’année suivante... Je regarde chaque
séquenceoù je réussisdes tirs lesunsaprès lesautres, souvent suivisdesacclamationsde
monéquipe.
C’estDerek qui a fait tout ça. Il a pris le tempsde visionner chaquematch et a pris les
extraitslesplusmémorables.Ilamêmechoisiunebande-son.
Quand l’écran redevient noir, je me dis que c’est fini. Apparaît alors « UNE FILLE
DÉVOUÉE», et des imagesdemoi en traindem’entraînerpendantnotre voyage jusqu’au
Texas.Jemeplaquelamaincontrelabouche.Dereknejouaitpasàdesjeuxsursonportable,
iln’envoyaitpasdetextospendantquejem’entraînais.Ilmefilmaitavecsontéléphonealors
quejeluicriaisdessuslaplupartdutemps.
Enfin,unephraseconclutlavidéo:«ASHTYNPARKER,KICKER».
Toutlemondem’applaudit.Derekatoutorganisé.Commenta-t-iltrouvéKatieCalhoun?
Commentl’a-t-ilfaitvenirici?Pourquoi?
—Tuasdutalent,Ashtyn,jesuisimpressionnée.
Je lui pose quelques questions, ellem’adresse un derniermot d’encouragement puis se
lève.
—TusaisoùestalléeMrsWorthington?luidis-je.
—Elleestaubar.
Katiesaluelavieilledame,quiluirépondavecsonombrelle.
Alorsquejejubileencore,Katieposeuneenveloppesurlatableetlaglisseversmoi.
— Bonne chance, Ashtyn, tu as tout mon soutien. Et elle s’en va. Personne dans le
restaurant ne l’a reconnue alors qu’elle est une des rares femmes à avoir joué au football
américaindanslecercleuniversitaire.C’estunepionnière,unelégende.
Mesdoigtsplanentjusqu’àl’enveloppe.Jereconnaisl’écrituredeDerek:«Aprèsavoirlu
cemessage,traverselarueversleBean.»
LeBeanestunegrandesculptureenmétalargentédansleMilleniumPark.Jejetteunœil
versMrsWorthingtonquibranditnotreadditionetm’inviteàsortir.
Jerangelalettredansmapocheetmeprécipitehorsdurestaurant.Jen’aiqu’uneenvie:
courirjusqu’àDereketleprendredansmesbras.Ildoitêtrelà,auBean.J’aitoutlemaldu
monde à ne pas courir dans la rue bondée. J’attends au feu comme tout lemonde sur le
trottoir,lecouétiré.
Jenelevoispas.
Jefoncedel’autrecôtédelaruequandlefeupasseauvert,cherchantdésespérémentun
signedugarçonquiatrouvéunbut...j’espèreêtrecebut.
J’ai dit à Derek de se battre pour ce qu’il désire, de foncer, et il l’a fait. La vérité me
submerge.Jelecroyaispartialorsque,depuisledébut,ils’arrangeaitpourmeprouveràquel
pointiltientàmoi.
Lorsquej’arriveenfinauBean,jedécouvremasœur,
Julian,Falkor,etmonpère.JuliantientuneboîtedeSkittlesdanslesmains,qu’ilmetend.
—Derekm’aditdetedonnerça.Ouvre-la.J’ouvrelaboîteetregardesoncontenu.Pasun
seulbonbonviolet.
Brandimemontrealorsunarbreauloin.
—Onestcenséstedired’attendresousl’arbrelà-bas.
—Attendrequoi?
Monpèrehausselesépaules.
—OùestDerek?
J’aibesoindelevoir,deluiparler,deluidirequejesuisprêteàmebattrepourlui,pour
nous.Ensemble,onpeutyarriver.Sij’attendspluslongtemps,jevaisexploser.
Maisnimasœur,nimonneveu,nimonpèrenemedonnentd’indice,alors jesuis leurs
instructions.Quandj’arrivesousl’arbre,jedécouvredesSkittlesvioletsarrangéspourformer
ungroscœur.
—Hé,Ashtyn!éclatelavoixdeDerekàtraversleparc.Lèvelatête!
Ilapparaîttoutauboutduparc,dansununiformedefootballaméricaindulycéeFremont,
aveclecasqueetlesépaulettes.Etiltientdanslesmainsunballon.
Avecuneprécisiond’expert, il envoie laballequivoledroitdansmesmains,paréesà la
réceptionner,maisjesuistropnerveuseetlalaissetomber.
Ilretiresoncasque.
—Tul’asratée,sourit-il.
Il trottine et s’arrête devant moi ; j’ai le souffle coupé face à ses yeux brillants, et ses
superbestraits.
—Jesais.
—C’étaitunlancerparfait.
Ilajetéleballondepuisl’autrecôtéduparc,pratiquementdel’autrecôtédelarueetau-
dessusdedizainesdegens.Etilaatteintsacibledanslemille.
—Pourquoitunel’aspasrattrapé,Sucred’orge?
—Parcequejesuisnerveuseetj’ailecœurquibatterriblement.
Lecoindesaboucheremontelégèrement.
Jecontemple le joueurde footballaméricaindevantmoi.Pourtant, ilne joueplus.Peut-
êtreparlepassémaisc’étaitavantlamortdesamère.Jenevaispaslepousseràrevenirsur
leterrain.Ilm’aditquesadécisionétaitirrévocablealors...
—Pourquoiest-cequetuportescemaillotettoutcetéquipement,Derek?Qu’est-ceque
tufaislà?
— J’ai rejoint l’équipe, explique-t-il avec un haussement d’épaules. Je me suis dit que
c’était le seulmoyen de passer du temps avecma copine. Elle est kicker pour l’équipe de
Fremont,tusais.Etelleestsacrementdouée.
Jeportelamainàsonvisage.
— Merci pour la compilation des meilleurs moments. Et pour avoir contacté Katie
Calhoun.Jenesaispascommenttuasfait.
—Disonsquetescoéquipiersaimentbeaucoupleurcapitaine.
Ilmeprendlamain.
—Etlalettre?
—Lalettre?dis-jeenlasortantdemapoche.Jenel’aipasencoreouverte.
RetrouverDerekétaitplusimportant.
Ilm’inviteàlalire.Jedéchirel’enveloppeetensorsunpapier.Unefoisquej’aitoutlu,je
comprendssoudaintoutcequ’ilafaitcettesemaine.
Jebaisselafeuilleetlèvelesyeuxverslui.
—Tum’astrouvéuneplacedansuneécoledepremièredivision.
—Non,tuastrouvéuneplacedansuneécoledepremièredivision.Jen’aifaitqu’envoyer
tesmeilleursmoments.Etpasséquelquescoupsdefil.
—Tuasfaitçapourmoi?
—AshtynParker,jeferaisn’importequoipourtoi.Ilprendmonvisagedanssesmainset
s’avanceplusprès.
—Jet’aime.
—Tusaiscequeçasignifie,pasvrai?
—Quoidonc?
— Que tu dois te battre pour la première place. Actuellement, Brandon Butter a une
longueurd’avance.Jenepeuxpassortiraveclequarterbackremplaçant.J’aiuneréputationà
défendre,tucomprends.
—Tun’aspasconfianceenmoi?
—Oh, jenedoutepasque tuyarriveras.Après tout,Cow-boy, tuas fait l’impossible, tu
m’asfaittomberamoureusedetoi.
—L’impossible,tiens?Ilsemetàrire.
—D’aprèsmessouvenirs,tuascraquélapremièrefoisquetuasposétonregardsurmoi
danslecabanon.
—Turéécris l’histoire,Derek.Jecroismerappelerque jet’aiplantéunefourchedans le
piedlapremièrefoisquej’aiposémonregardsurtoi.
—MaisparcequetuétaisstupéfaiteparlecharmeetlabeautéduFitz.
—Çava,leschevilles?Jetrouvaisque tu ressemblaisàuneracaille.Etsituparlesencore
detoi àlatroisièmepersonneousitutefaisappelerleFitz,jeteplaque.
Jelesondedehautenbas.
—Mêmesitueslemecleplussexydelaplanètedanscettetenue,etsinousétionsàla
maison,je...je...
—Tuquoi?dit-ilensepenchantpourqueseslèvrestouchentlesmiennes.
Jepassemesbrasautourdesoncouetl’embrasse.
—LeFitzestderetour!déclare-t-il,fierdelui.
—Ouais,bentuluidirasquesapetiteamieveutqu’ilgagnecettesaison.
Ilmefaitundesesirrésistiblessouriresetmedit:
—Iladéjàgagné.
MerciàEmilyEastonainsiqu’à toute l’équipedeWalkerBooks forYoungReaderspour
avoirbravélestempêteslorsquej’aireprisl’écrituredecelivreàdenombreusesreprises.Je
tienségalementàexprimermagratitudeenversmonagent,KristinNelson,quim’avraiment
tenue par la main lorsque j’avais besoin de ses encouragements et d’un soutien
inconditionnel. Je suis probablement responsable de quelques cheveux blancs... j’en suis
désolée!
Karen Harris et Ruth Kaufman ne sont pas seulement des amies extraordinaires mais
également d’excellentes critiques. Sans vous deux,Derek et Ashtyn ne seraient sans doute
pastombésamoureux.Sincèrement,jenetrouvepaslesmotspourexprimeràquelpointje
suis reconnaissante de votre amitié et de votre aide sans borne. Vous êtes toutes deux si
généreusesetdespersonnesincroyablesquiresterontlesamiesd’unevie.
Mon assistante,Melissa Jolly, m’a aidée à trouver de nouvelles idées, m’a raisonnée, a
critiquémontravailquandj’enavaisbesoin.Merciunmilliondefoisdepréservermasanté
mentaledepuisquatreans.
Jen’oubliepasRobAdelman,quicontinuedememontrerquelavie,cen’estpasceque
noussavons,quinousconnaissons,niàquoinousressemblons.C’estcomments’amuseren
famille et avec les gensqu’onaime leplus...Rob, jen’aipasbesoinde tedireque tu es le
summumdugénialcartumeleprouvestouslesjours.Jet’aime.
Mafamillemériteunegrandedédicace!MerciàMoshe,Samantha(quiestallergiqueau
colorant violet, comme Ashtyn), Brett et Frances, vous êtes fous mais je ne voudrais pas
montersurcegrandhuitdelaviesansvous.
Enfin,jesouhaiteremerciertousmesfans,lesprofesseursetlesbibliothécairesquinous
soutiennent,meslivresetmoi,vousêteslaraisonpourlaquellejecontinued’écrire!Jene
seraispas làoù j’ensuisaujourd’hui sivousn’enparliezpasàvosamis,vosélèvesouvos
collègues.
Commetoujours,vouspouvezmeretrouversurFacebooketTwitter–àtrèsvite!
REMERCIEMENTS