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Copyright FEDEPSY.ORG Document PDF généré le 24/03/2015 Les pulsions II -2- Jouissance et pulsions Freymann J.R., Ritter M., Scherrer F. (01/12/2009) Jean-Richard Freymann[1] : Merci à Marcel Ritter[2], à vous tous de venir participer à cet événement strasbourgeois puisque aujourd’hui Marcel Ritter a articulé deux questions fondamentales et très difficiles en tant que telles, la question des pulsions et la question de la jouissance. Merci aussi à Ferdinand d’avoir accepté de discuter un peu tout ça. C’est un honneur pour moi, pour vous que Marcel se joigne à nous. Par la suite nous aurons aussi Jean-Marie Jadin, Gabriel Boussidan et autres qui faisaient partie d’un séminaire qui a travaillé autour de la question de « La jouissance au fil de l’enseignement de Lacan »[4]. Pour ceux qui ne l’ont pas encore acheté, je crois que cela vaut la peine de mettre en place un document de ce type. J’en profite aussi pour vous dire que Marcel Ritter est un grand travailleur et a publié à Arcanes « Qu’est-ce que l’inconscient »[5] Trois tomes qui ont été faits avec Jean-Marie Jadin et Jean-Pierre Dreyfuss. Aujourd’hui nous nous situons dans cette tradition strasbourgeoise, très typique, qui réussit à la fois à articuler l’invention de Freud, le retour à ses textes, avec les différents apports de Lacan. Je crois que c’est une spécificité que Marcel a toujours soutenue. C’est bien pourquoi nous allons voir qu’il y a une assez grande difficulté à déplier cette notion de jouissance et pulsion puisque d’un côté la pulsion fait partie de la mythologie freudienne alors que la jouissance est essentiellement un apport de Lacan. Donc nous avons là deux opérateurs qui ne s’articulent pas aussi simplement que ça. Je rappelle que Marcel Ritter a traversé nombre d’Institutions d’Analystes, je ne dis pas d’institutions analytiques, c’est un autre débat — on a beaucoup travaillé la différence entre associations et institutions — et en particulier il a été Analyste Membre de l’École Freudienne de Paris, qu’il a été au Directoire de l’École Freudienne de Paris puis un court moment au Directoire de la Cause Freudienne, il a été signataire avec quelques autres dont Jean-Pierre Bauer, Safouan, moi, Clavreul de feu la Convention Psychanalytique. Je dis tout cela parce que je crois que c’est important de savoir qu’il y a quelque chose au-delà de la question institutionnelle qui traverse les avancées de Marcel. Il a fait partie d’un ensemble qui a assuré la transmission, à Strasbourg plus particulièrement, et a eu des répercussions sur ce qui se passe actuellement et en particulier sur le fait d’être ici à ce séminaire depuis des années. C’est une des suites logiques. Il y en a d’autres à savoir qu’un cartel a fonctionné qui a eu une grande importance pour Strasbourg en particulier autour des fins d’analyse avec Jean-Claude Schaetzel, Marcel Ritter, Jean-Pierre Bauer, Lucien Israël et Jean-Claude Depoutot. J’en profite pour dire que vous savez que nous sommes très touchés, atteints par la disparition de Jean-Claude Schaetzel qui est décédé le 27 novembre dernier et qui a poursuivi son travail jusqu’au dernier moment. Il l’avait repris quelques jours avant de disparaître. Je voudrais lui rendre un hommage tout particulier parce que je lui dois beaucoup mais je dirais que je dois beaucoup aux cinq membres du cartel. Ils n’ont jamais lâché du côté de ce qu’il en est de la spécificité analytique tout en étant présent tout du long. Jean-Claude Schaetzel qui comme vous le savez était plutôt dans une position d’extraterritorialité par rapport aux institutions a toujours été présent dans ces dites institutions, il était au courant de tout ce qui se passait et il ne se privait absolument pas de donner son avis au fur et à mesure des choses. Il était en particulier venu au dernier congrès de la Fedepsy sur la question de la déshumanisation et il avait donné un certain nombre d’échos tout à fait intéressants sur ce qu’il avait entendu. C’est quelqu’un qui nous a montré que Strasbourg était une sorte d’entité analytique où le problème n’était pas tant la question d’appartenance des gens que ce en quoi ils étaient capables ou non de soutenir du désir. Comme disait Lacan « Ne pas céder sur son désir ». Quelque chose s’est situé là. Jean-Claude Schaetzel a été quelqu’un qui a bien sûr été pris dans le discours de Lacan mais aussi dans celui de Moustapha Safouan qui a tout de même été le chef de file à Strasbourg d’un certain nombre de questionnements en particulier sur la formation des analystes[6] qui se poursuit ici de différentes manières alors que pour peu qu’on se promène dans les institutions analytiques, on voit bien que cette question n’est pas du tout au premier plan des autres institutions analytiques. Jean-Claude Schaetzel avait un rapport à la culture et une manière de pousser très loin le rapport à la singularité des choses c’est-à-dire de permettre aux gens de pousser leur analyse sur des points qui avaient été jusqu’à présent peu abordés. C’est de plus quelqu’un de la tradition orale, il n’a pas beaucoup écrit. Nous avons quelques textes à disposition que nous allons dès que possible publier dans « Analuein ». Sachez que nous perdons un grand analyste, quelqu’un qui a toujours su garder rapport à l’humanisation, une douceur, une finesse, sans jamais pour autant être prêt à la moindre compromission. Avant de donner la parole à Marcel qui vous développera les choses — on va procéder d’une manière un peu différente puisque c’est une question qui mérite d’être développée — et pour ne pas l’interrompre dans le fil lui-même, je voudrais en quelques mots poser l’équation et la problématique des thèmes qu’on a choisis. Après l’exposé de Marcel Ritter, je donnerai la parole à Ferdinand Scherrer qui fera un écho. Ce n’est pas une équation simple. On reprend l’affaire des pulsions à un niveau très naïf. Dans les définitions de ceux qui sont purement freudiens les pulsions concernent une sorte de processus dynamique qui consiste en quelque chose de l’ordre d’une poussée ayant une certaine charge énergétique à l’origine d’un facteur de motricité faisant tendre l’organisme vers quelque chose de l’ordre d’un but. C’est déjà la question du but qui est posée, de manière assez vague, du côté de ce qu’il en est de cette satisfaction des pulsions. 1

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Les pulsions II -2- Jouissance et pulsionsFreymann J.R., Ritter M., Scherrer F. (01/12/2009)

Jean-Richard Freymann[1] : Merci à Marcel Ritter[2], à vous tous de venir participer à cet événement strasbourgeois puisque aujourd’hui MarcelRitter a articulé deux questions fondamentales et très difficiles en tant que telles, la question des pulsions et la question de la jouissance. Merciaussi à Ferdinand d’avoir accepté de discuter un peu tout ça. C’est un honneur pour moi, pour vous que Marcel se joigne à nous. Par la suite nousaurons aussi Jean-Marie Jadin, Gabriel Boussidan et autres qui faisaient partie d’un séminaire qui a travaillé autour de la question de « Lajouissance au fil de l’enseignement de Lacan »[4]. Pour ceux qui ne l’ont pas encore acheté, je crois que cela vaut la peine de mettre en place undocument de ce type. J’en profite aussi pour vous dire que Marcel Ritter est un grand travailleur et a publié à Arcanes « Qu’est-ce quel’inconscient »[5] Trois tomes qui ont été faits avec Jean-Marie Jadin et Jean-Pierre Dreyfuss. Aujourd’hui nous nous situons dans cette traditionstrasbourgeoise, très typique, qui réussit à la fois à articuler l’invention de Freud, le retour à ses textes, avec les différents apports de Lacan. Jecrois que c’est une spécificité que Marcel a toujours soutenue. C’est bien pourquoi nous allons voir qu’il y a une assez grande difficulté à dépliercette notion de jouissance et pulsion puisque d’un côté la pulsion fait partie de la mythologie freudienne alors que la jouissance estessentiellement un apport de Lacan. Donc nous avons là deux opérateurs qui ne s’articulent pas aussi simplement que ça.

Je rappelle que Marcel Ritter a traversé nombre d’Institutions d’Analystes, je ne dis pas d’institutions analytiques, c’est un autre débat — on abeaucoup travaillé la différence entre associations et institutions — et en particulier il a été Analyste Membre de l’École Freudienne de Paris, qu’ila été au Directoire de l’École Freudienne de Paris puis un court moment au Directoire de la Cause Freudienne, il a été signataire avec quelquesautres dont Jean-Pierre Bauer, Safouan, moi, Clavreul de feu la Convention Psychanalytique. Je dis tout cela parce que je crois que c’estimportant de savoir qu’il y a quelque chose au-delà de la question institutionnelle qui traverse les avancées de Marcel. Il a fait partie d’unensemble qui a assuré la transmission, à Strasbourg plus particulièrement, et a eu des répercussions sur ce qui se passe actuellement et enparticulier sur le fait d’être ici à ce séminaire depuis des années. C’est une des suites logiques. Il y en a d’autres à savoir qu’un cartel a fonctionnéqui a eu une grande importance pour Strasbourg en particulier autour des fins d’analyse avec Jean-Claude Schaetzel, Marcel Ritter, Jean-PierreBauer, Lucien Israël et Jean-Claude Depoutot.

J’en profite pour dire que vous savez que nous sommes très touchés, atteints par la disparition de Jean-Claude Schaetzel qui est décédé le 27novembre dernier et qui a poursuivi son travail jusqu’au dernier moment. Il l’avait repris quelques jours avant de disparaître. Je voudrais lui rendreun hommage tout particulier parce que je lui dois beaucoup mais je dirais que je dois beaucoup aux cinq membres du cartel. Ils n’ont jamais lâchédu côté de ce qu’il en est de la spécificité analytique tout en étant présent tout du long. Jean-Claude Schaetzel qui comme vous le savez étaitplutôt dans une position d’extraterritorialité par rapport aux institutions a toujours été présent dans ces dites institutions, il était au courant de toutce qui se passait et il ne se privait absolument pas de donner son avis au fur et à mesure des choses. Il était en particulier venu au derniercongrès de la Fedepsy sur la question de la déshumanisation et il avait donné un certain nombre d’échos tout à fait intéressants sur ce qu’il avaitentendu. C’est quelqu’un qui nous a montré que Strasbourg était une sorte d’entité analytique où le problème n’était pas tant la questiond’appartenance des gens que ce en quoi ils étaient capables ou non de soutenir du désir. Comme disait Lacan « Ne pas céder sur son désir ».Quelque chose s’est situé là. Jean-Claude Schaetzel a été quelqu’un qui a bien sûr été pris dans le discours de Lacan mais aussi dans celui deMoustapha Safouan qui a tout de même été le chef de file à Strasbourg d’un certain nombre de questionnements en particulier sur la formationdes analystes[6] qui se poursuit ici de différentes manières alors que pour peu qu’on se promène dans les institutions analytiques, on voit bien quecette question n’est pas du tout au premier plan des autres institutions analytiques.

Jean-Claude Schaetzel avait un rapport à la culture et une manière de pousser très loin le rapport à la singularité des choses c’est-à-dire depermettre aux gens de pousser leur analyse sur des points qui avaient été jusqu’à présent peu abordés. C’est de plus quelqu’un de la traditionorale, il n’a pas beaucoup écrit. Nous avons quelques textes à disposition que nous allons dès que possible publier dans « Analuein ».

Sachez que nous perdons un grand analyste, quelqu’un qui a toujours su garder rapport à l’humanisation, une douceur, une finesse, sans jamaispour autant être prêt à la moindre compromission.

Avant de donner la parole à Marcel qui vous développera les choses — on va procéder d’une manière un peu différente puisque c’est unequestion qui mérite d’être développée — et pour ne pas l’interrompre dans le fil lui-même, je voudrais en quelques mots poser l’équation et laproblématique des thèmes qu’on a choisis. Après l’exposé de Marcel Ritter, je donnerai la parole à Ferdinand Scherrer qui fera un écho. Ce n’estpas une équation simple. On reprend l’affaire des pulsions à un niveau très naïf. Dans les définitions de ceux qui sont purement freudiens lespulsions concernent une sorte de processus dynamique qui consiste en quelque chose de l’ordre d’une poussée ayant une certaine chargeénergétique à l’origine d’un facteur de motricité faisant tendre l’organisme vers quelque chose de l’ordre d’un but. C’est déjà la question du but quiest posée, de manière assez vague, du côté de ce qu’il en est de cette satisfaction des pulsions.

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Selon Freud déjà une pulsion, on l’a vu de différentes manières, pour le dire schématiquement, a sa source dans une excitation corporelle quiprovoque un état de tension. Le but de l’opération pulsionnelle c’est supprimer cet état de tension qui règne à partir de la source pulsionnelle.Vous vous rappelez aussi que les problèmes qu’on avait posés sur cette histoire, c’est la question de la constance énergétique qui pose beaucoupde problèmes. Au sens des freudiens classiques, comme le disaient Laplanche et Pontalis[7], c’est dans l’objet ou grâce à l’objet que la pulsionpeut atteindre son but. Nous savons depuis Lacan que nous avons, de ce côté-là, un certain nombre de graves nouveautés. Ce qui nous arrêteaujourd’hui c’est que le concept de pulsion fait référence à un montage spécifique autour du rapport à l’objet et de la recherche de satisfaction. Laquestion que je poserais à Marcel Ritter c’est comment penser les différentes formes de satisfaction d’une pulsion ? Y en a-t-il une seule ? Y ena-t-il plusieurs ? Est-ce que par exemple dans les différents destins des pulsions, on aurait différentes formes de satisfaction suivant qu’on soit ducôté du refoulement, de l’idéalisation, de la sublimation, du retournement sur la personne propre? D’autre part quelle est la part de la question dela répétition ou plutôt de l’automatisme de répétition dans cette articulation entre les pulsions partielles et ce qu’il en est du couple libido-pulsionde mort ? Dit simplement, peut-on dire que la jouissance est satisfaction de la pulsion ou d’une pulsion ? Ce qui n’est pas pareil. Bien entendu il yaurait déjà à différencier les plans entre ce que serait une satisfaction du désir ou quelque chose de l’ordre d’une satisfaction vue sous l’angle dufantasme, ce qui est encore une autre affaire.

Donc nous avons d’un côté cette affaire de pulsion qui est déjà à différentes entrées, et de l’autre côté nous avons le concept de jouissance quifait partie avant tout de la théorie de Lacan qui va donc — j’ai repris dans le livre qui est très bien exprimé, étape par étape, vous pouvez toutsuivre à la manière de Marcel, très rigoureux, on passe tout en revue — de 1957 au moment de « La relation d’objet »[8] jusqu’en 1975 « Lesentretiens à l’université américaine »[9] et « Le sinthome »[10]. Donc quand on parle de jouissance comme satisfaction de la pulsion, de quoiparle-t-on ? Cette jouissance dont on parle à quoi est-elle attribuée ? Est-ce au rapport à la Chose, un des temps de Lacan ? Cette jouissanceest-elle attribuée à quelque chose du corps, comme on dit « Il n’y a de jouissance que du corps » ? S’agit-il d’une jouissance liée à la question del’objet a telle qu’on la trouve en particulier dans « La logique du fantasme »[11] ? Est-on donc obligé, au moment où se pose la question durapport jouissance du corps, jouissance du signifiant, de nous référer à la différence entre une jouissance phallique et une jouissance Autre, pourle dire très vite. Donc la question que nous voudrions t’entendre déplier, c’est celle de savoir si jouissance et satisfaction ce serait une synonymie,ou la jouissance est-elle une des formes de cette satisfaction et si oui à quoi se réfère-t-elle ? Ce d’autant plus qu’on a un problème dedécentrement fait par Lacan concernant la lecture de la question des pulsions à savoir que cette pulsion partielle fait bel et bien le tour de l’objetsans jamais l’atteindre, est-ce que c’est l’objet a — inventé par Lacan — qui viendrait satisfaire ce qu’il en est de la jouissance ? Du coup si onconsidère cette place de l’objet a et le fait, qu’à aucun moment, la pulsion fait autre chose que le tour alors — et cela le livre semble le montrer demanière assez claire — la satisfaction de la pulsion ne serait qu’une insatisfaction. Ce qui ouvre à la nécessité de déplier complètement laquestion du rapport à ce qu’on appelle chez Freud la satisfaction de la pulsion et chez Lacan ce que serait cette satisfaction dès lors qu’on tombejustement sur une insatisfaction, ce d’autant plus que tout le moteur de l’affaire de l’objet a en particulier tourne autour du passage de laplus-value au plus de jouir avec toute la dialectique de la perte de jouissance qui a à voir dans cette affaire.

Merci Marcel de te lancer là-dedans.

Marcel Ritter[2] : Je ne sais pas si je vais pouvoir satisfaire à toutes les questions, je vais toujours m’y essayer.

Je voudrais d’abord remercier Jean-Richard de m’avoir invité à venir prendre la parole ici, dans votre séminaire. Je dois dire que j’ai reçu soninvitation comme une marque de confiance, ce qui fait que je n’ai pas hésité un instant pour lui donner mon accord. Mais ce premier moment futsuivi d’un autre qui portait la marque d’un grand embarras. J’avais indiqué comme titre de mon intervention : « Jouissance et pulsion », dansl’après-coup de notre travail sur la jouissance dans l’enseignement de Lacan. Et au cours du déroulement de ce fil nous avions évidemment croiséà plusieurs reprises ce concept de pulsion. Mais comment ne pas se perdre dans un thème aussi vaste ? Je savais aussi que le même thèmeallait faire l’objet d’une intervention de Ferdinand Scherrer bien que j’avais repéré que, dans l’énoncé de son titre, l’ordre des deux concepts étaitinversé, ce qui laissait présager un abord différent de celui que je pouvais à priori envisager. Finalement, après réflexion, j’ai pris l’option decentrer mon propos sur l’examen des deux concepts à la lumière du rapport entre le corps et le langage et de l’articulation de ce rapport avec leprocessus de la constitution de l’inconscient, ce qui pourrait dans l’après-coup être le titre de mon intervention.

Ce que je vous propose donc c’est une tentative de tricoter, avec plus ou moins de bonheur, quelques mailles entre jouissance et pulsion. Aucours de ce travail, je suis tombé sur un certain nombre de difficultés dont vous repérerez aisément les traces dans mon exposé. Cetteperspective du rapport entre le corps et le langage, entre le vivant et l’inconscient ou le sujet de l’inconscient en tant qu’il est effet de signifiant,cette perspective renvoie à un trait commun à ces deux concepts. Si Freud a expressément désigné la pulsion comme un concept limite entre lepsychique et le somatique, tout notre parcours concernant la jouissance nous a amené au même point, soit à le situer comme un concept-frontièreentre le corps et le langage ou lalangue. « Concept frontière », c’est le terme que j’ai employé dans le livre. Aujourd’hui je préfère dire comme unconcept-littoral en référence à « Lituraterre »[12] où Lacan distingue littoral et frontière. Littoral, définit un domaine tout entier faisant pour un autredomaine frontière ou mieux bord de ce qu’ils sont étrangers, n’ayant rien en commun, jusqu’à n’être pas réciproques. Dire que la jouissance et lapulsion sont tous les deux un concept-littoral donne ainsi à entendre qu’elles font office de bord entre le corps et le langage. On peut rapprocher lelittoral, envisagé comme bord, de ce que Lacan appelle la frontière sensible entre savoir et vérité, frontière qui est le lieu du discours analytique.Ce qui est bien aussi le cas en ce qui concerne la pulsion et la jouissance. Cette frontière est à la fois séparation et point de jonction commeLacan l’a montré au moyen du cercle de rebroussement sur la figure topologique de la bouteille de Klein. Vous trouverez ça dans le séminaire «D’un Autre à l’autre »[13]. J’ajoute que cette même fonction de bord caractérise la lettre. La lettre, qu’elle soit élément de la structure littérante dusignifiant ou plus généralement trace d’une inscription. Dans son rapport à la jouissance, la lettre se définit comme littorale soit comme dessinantce que Lacan appelle « le bord du trou dans le savoir », à entendre comme le refoulé. Bord qui fait littoral entre la jouissance et le savoir qui gît aufond de ce trou. Et la lettre remplit la même fonction de bord au niveau de la pulsion, comme Serge Leclaire l’a admirablement décrit à propos del’ouverture ou de l’inscription d’une zone érogène dans le corps[14], qu’il s’agisse d’une zone orificielle, prédisposée donc, ou bien d’une zone dutégument livré au doigt caressant d’une mère. Dans tous ces cas il y a inscription et fixation d’une marque, d’un trait qui fait office de lettre et qui

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renvoie à une expérience de différence exquise. Cette lettre est à la fois une limite par rapport à la jouissance absolue qui serait au-delà et queSerge Leclaire conçoit comme une annulation, je reviendrai sur ce point, et un accès mesuré à la jouissance sous forme de plaisir. Événementmarquant, à tous les sens du terme, dans le cours de la constitution du corps érogène, cette inscription-fixation fonctionne dès lors comme un lieud’appel à une répétition insistante visant le retour impossible du même.

Alors qu’est-ce qui nous permet de poser la jouissance et la pulsion comme concept-littoral entre le corps et le langage ?

D’abord la jouissance.

En ce qui concerne la jouissance l’implication du corps est essentielle. Il faut un corps pour jouir, il n’y a de jouissance que du corps. Lacan necesse de le répéter depuis 1966[15]. Il ne s’agit pourtant pas du corps naturel, mais du corps marqué par le langage, par le signifiant, par le traitunaire soit le corps corporisé de façon signifiante ou le corps parlant selon les termes mêmes de Lacan. Il s’est servi également de la notion desubstance chez Aristote, Ousia, pour qualifier ce corps marqué du signifiant du terme de « substance jouissante »[16]. Et sur un plan tout à faitgénéral, Lacan définit la jouissance comme le rapport de l’être parlant avec son corps[17]. Quant au langage, il est reconnu pour être l’appareil dela jouissance. Il y a pour Lacan un rapport primitif du savoir inconscient — savoir inconscient est toujours à entendre dans le sens la connexiondes signifiants — avec la jouissance. Le savoir inconscient est le moyen de la jouissance dit Lacan dans le séminaire « L’envers de lapsychanalyse »[18], et c’est aussi, pour nous, à son niveau, qu’une certaine forme de jouissance peut être reconnue dans notre pratique. Par lejeu des marques en tant que signifiants inscrits d’emblée dans le corps, ce corps est d’origine le lieu de l’Autre. C’est ainsi que s’opère larencontre entre la constitution du sujet dans son rapport à l’Autre et le corps. Le sujet se fonde à partir de l’inscription de ces marques. Quant à cequi constitue le reste du processus de subjectivation, à savoir l’objet a, il se sépare du corps et il polarise la jouissance[19]. C’est donc cet objet aqui supporte la jouissance, et la question ne saurait se poser qu’a son niveau. Et à partir de là on peut dire que cet objet a noue le corps àl’inconscient, comme Lacan l’a donné à entendre un peu plus tard dans « La troisième »[20].

La pulsion

J’aurais évidemment à revenir à cet objet a essentiellement quant à sa fonction de trou, de trou au cœur et de la jouissance et de la pulsion. Cequi me permet maintenant de passer à la pulsion dont le rapport au corps est tout aussi marqué.

Le corps y est présent sous deux formes

— D’abord les orifices corporels en tant que zones érogènes qui interviennent comme bord ou trait de coupure et renvoient à la fonction du trou.

— Ensuite la poussée constante dont il a souvent été question dans votre séminaire jusqu’à présent, qui passe par ces orifices et qui se réfère àla notion de quantité. Il s’agit là d’éléments de ce que Lacan appelle le réel du corps et qui définissent ce qu’il a aussi appelé, ici même àStrasbourg, le réel de la pulsion.[21]

En ce qui concerne le rapport de la pulsion au langage, à l’inconscient, permettez-moi tout juste de rappeler que pour Freud, la pulsion en tant quereprésentant psychique de ce qui se passe dans le corps n’existe qu’en ses représentants. Et dans ce représentant, ce Vorstellungrepräsentanzde Freud, Lacan a donc reconnu le signifiant. Il s’agit là de choses connues, je passe. Je reviendrai un peu plus loin sur ce nouage entre lapulsion et le langage.

C’est par le biais du refoulement originaire — cela a aussi déjà été dit ici — de ce représentant que la pulsion — cela je l’ajoute maintenant —participe à la constitution de l’inconscient ou du sujet de l’inconscient.

De tout cela il faut en conclure qu’il y a sur le plan de l’inconscient, du symbolique, quelque chose qui est analogue à la fonction du trou au niveaudu réel du corps. Ce trou c’est le refoulé originaire, l’Urverdrängt, l’impossible à dire dont l’ombilic du rêve, comme vous le savez, est une desmanifestations. Et Lacan met ce refoulé originaire en rapport avec le réel de l’origine particulière d’un être parlant, en clair avec le ventre dont il estsorti. Plus précisément avec le désir ou le non désir de l’Autre qui a présidé à sa venue au monde et qui de ce fait le situe d’une certaine façondans le langage[22], c’est-à-dire qui détermine sa structure.

Faisons maintenant un pas de plus :

La jouissance et la pulsion ont toutes les deux à voir avec le sexe et avec la mort.

Du côté de la jouissance, ce rapport a permis à Lacan de nommer une jouissance mortelle, dite aussi fondamentale, et une jouissance sexuelle.La jouissance mortelle a été introduite dans le séminaire « L’éthique de la psychanalyse »[23] avec la jouissance de la Chose, la Chose étantdéfinie comme le lieu de la jouissance. Ce lieu de la Chose est défini entre autres comme le lieu du mal, le lieu de la destruction, donc le lieu de lapulsion de mort. Par la suite l’accent est mis sur le corps et en premier lieu sur le corps propre. Corps propre dont cette jouissance dite mortellemarque le chemin ou la descente vers la mort[24]. Jouissance dirigée contre ce corps propre, elle correspond à un excès de tension, excès limitédans la mesure du possible par le principe de plaisir. C’est là le trait masochique de la jouissance. Mais cette jouissance mortelle concerneégalement le corps de l’Autre et elle intervient à cet égard dans le rapport au prochain marqué par l’agressivité fondamentale de l’humain.

L’autre pôle d’articulation de cette jouissance mortelle est la répétition freudienne. Toujours la pulsion de mort mais mise en jeu dans soninsistance au niveau de l’inconscient. Ceci pour la jouissance mortelle.

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Quant à la jouissance sexuelle, Lacan la dit phallique et il la dissocie de la fonction de la reproduction. À première vue le terme phallique semblese rapporter à l’organe du même nom. Effectivement il arrive à Lacan d’utiliser l’expression jouissance phallique dans ce sens. En particulierlorsqu’il parle de la jouissance de l’idiot, à propos de la masturbation, ou encore de la jouissance de l’organe dont jouit l’homme et qui estl’obstacle par quoi il n’arrive pas à jouir du corps de la femme[25]. En fait la jouissance phallique s’articule non pas autour de l’organe mais autourde la fonction phallique donc la castration dans le rapport à l’Autre. Cette fonction supportée par le signifiant phallus — noté grand phi dansl’algèbre lacanienne, désigné expressément comme signifiant de la jouissance — est mise en jeu dans le langage sous la forme de la significationphallique, laquelle conditionne toutes les significations engendrées par l’exercice de la parole. Je vous rappelle au passage la définition que Lacandonne dans un de ses textes canoniques « La signification du phallus »[26] dans les « Ecrits » où il définit la fonction du signifiant phallus commeétant de désigner dans leur ensemble les effets de signifié. C’est-à-dire que toutes les significations quand nous parlons en dernier lieu serapportent au phallus donc en clair à la jouissance. Et c’est à partir de là que Lacan a pu définir le langage comme étant l’appareil de lajouissance. Je dois ajouter qu’il appelle cette jouissance, jouissance phallique, mais il parle également de la jouissance de la parole ou du blabla.L’introduction ultérieure de la notion de lalangue, en un mot, dérivé de lallation, permettra par la suite de dire que la jouissance sexuelle, en tantqu’elle est phallique, est liée à l’exercice de lalangue dans l’inconscient. C’est là le jouir de lalangue par le biais de son trésor d’équivoques et parle biais des processus métaphoro-métonymiques qui renvoient évidemment aux processus primaires de Freud. C’est aussi la jouissance ditesémiotique, sémiotique en raison de son rapport avec les sèmes soit avec ce qui fait sens dans lalangue. Lacan a avancé ce terme à son retourd’un congrès, à Milan je crois, sur la sémiotique. Vous trouverez la référence à cette jouissance sémiotique dans le séminaire « Les non dupeserrent »[27]. Cette jouissance sémiotique est une jouissance qui se surajoute à celle du corps, qui anime le corps en le trifouillant, en lechatouillant, en le grattant jusqu’à la fureur. Ce sont là les métaphores utilisées par Lacan pour signifier le parasitage du corps par cettejouissance. Jouissance phallique, jouissance sémiotique, c’est enfin — là je franchis un pas sur lequel il va falloir que je m’explique — laj’ouis-sens, terme qui conduit au rapport de la jouissance avec le sens.

Lacan soutient à partir de Freud que le symptôme consiste en un nœud de signifiants, un nœud qui fait chaîne de la matière signifiante et qu’ils’agit de dénouer. Et il précise à ce propos, je cite « que ces chaînes ne sont pas de sens mais de j’ouis-sens »[28], laissant chacun libre d’écrirecette jouissance comme il veut conformément à l’équivoque qui fait la loi du signifiant. En effet, le sens qui se donne à lire dans l’écriturej’ouis-sens n’est pas n’importe quel sens, c’est le sens sexuel. À savoir ce par quoi le langage bouche la béance du non-rapport sexuel[29]. Lacandira encore « qu’à partir du sens se jouit »[30]. Néanmoins si vous vous reportez à la figure du nœud borroméen, vous verrez que la zone de lajouissance phallique, à l’intersection du symbolique et du réel, est séparée de la zone du sens, à l’intersection du symbolique et de l’imaginaire,laquelle porte l’inscription sens tout court sans mentionner la jouissance

Nœud borroméen de « La troisième » 1974

Il y a donc une certaine ambiguïté dans le rapport de la jouissance phallique avec le sens. On peut dire que cette jouissance n’est pas sansrapport avec le sens. Serait-ce alors outrepasser le dire de Lacan que de rapprocher la jouissance phallique, en tant qu’elle est sémiotique,c’est-à-dire jouissance supportée par les équivoques signifiantes, de la j’ouis-sens en tant que jouissance du sens ? Je ne le pense pas. C’est lepas que j’ai franchi dans le livre[31] d’autant plus que je ne vois pas comment rendre compte autrement de notre pratique en tant qu’elle estpratique du signifiant avec ses effets de sens. Il en résulte — je reviens à la jouissance phallique en tant qu’elle est fondamentalement jouissancesexuelle — que la jouissance sexuelle ne se rapporte pas à l’Autre, dans le sens de l’Autre de l’autre sexe, soit le partenaire sexuel. Lacan précisequ’il n’y a, avec le partenaire sexuel, rapport que par l’intermédiaire de ce qui fait sens dans lalangue justement, soit ce qu’habite le corpsparlant[32]. Chacun des partenaires a rapport avec le phallus, mais pas en tant que phallus est médium entre l’homme et la femme, mais en tantqu’il est un tiers terme[33]. Et dans une formule paradoxale Lacan avance qu’on ne jouit que de l’Autre pas sexuellement mais mentalement.,c’est-à-dire par le biais des fantasmes[34].

Qu’en est-il maintenant du rapport au sexe et à la mort du côté de la pulsion ?

Le rapport au sexe, vous l’avez sans doute souvent entendu ici, est morcelé, étalé, éclaté en pulsions partielles. Impossible de le serrer de près. Iln’y a pas dans l’inconscient de pulsion génitale à proprement parler. Il n’y a pas non plus d’inscription de la différence des sexes donc pas derapport sexuel ou de rapport entre les sexes, formulable dans le langage. Le rapport au sexe est globalement déplacé, c’est-à-dire qu’il est partoutoù il ne devrait pas être. C’est par la voie des pulsions partielles qui représentent la sexualité dans l’inconscient que cette dimension de lasexualité se manifeste dans le sujet. Pour le vivant en tant qu’il est un vivant parlant il n’y a pas d’autre accès à l’Autre du sexe opposé que par lavoie des pulsions partielles où le sujet cherche un objet qui viendrait remplacer la part de vie qu’il perd dans le fait d’être sexué. C’est cela lemythe de la lamelle, le mythe de la libido comme lamelle, c’est-à-dire comme les formes de l’objet petit a, développé par Lacan en 1964 autantdans le séminaire XI[35] que dans son texte dans les Écrits, « Position de l’inconscient »[36].

Ce qui me conduit au rapport de la pulsion à la mort. Il y a certes sur le plan du réel, comme je viens de le rappeler, une perte du vivant liée aufait du sexuel. Mais l’essentiel pour nous réside ailleurs. L’essentiel réside dans le fait que l’expérience de l’inconscient a amené Freud à postulerl’existence d’une pulsion de mort définie à partir de la répétition. Par ce biais de la répétition, le rapport à la mort est donc également décelable surle plan du symbolique et il y est tout autant déplacé que le rapport au sexe. Lacan dans le séminaire sur la lettre volée[37] que vous trouvez dansles Écrits a avancé que le signifiant matérialise l’instance de la mort. Comme il l’a souligné ici même à Strasbourg, il y a donc cohérence du sexeet de la mort au regard de ce phénomène de déplacement. On peut en conclure avec lui que les pulsions partielles soutiennent en fait la présencede la mort, ce qui est en accord avec l’affirmation de Freud que toute pulsion se réfère à la pulsion de mort par son caractère répétitif, la contraintede répétition étant plus originaire, plus élémentaire, plus pulsionnelle que le principe de plaisir qu’elle écarte. La pulsion de mort est le pulsionnelmême, ce pulsionnel que Freud a qualifié de démoniaque et qui se manifeste par la répétition.

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Référée à l’inconscient, la pulsion a donc deux faces : elle y présentifie la sexualité et elle y représente en même temps dans son essence la mort,comme Pierre Jamet l’a déjà rappelé lors de son intervention.

Je vous propose maintenant de préciser encore quelques points concernant la jouissance.

La jouissance, Ferdinand Scherrer[3] l’a déjà souligné, n’est pas vraiment un concept freudien mais un concept lacanien. C’est en effet Lacan quil’a nommée en tant que notion à opposer à celle de désir le 5 mars 1958 au cours de son séminaire « Les formations de l’inconscient »[38].Certes Freud a apporté dans plusieurs de ses textes, en particulier dans « Au-delà du principe de plaisir »[39] des éléments qui vont à larencontre de la jouissance dans le sens de Lacan, mais il ne l’a jamais nommée en tant que concept. Lacan en fait emprunte le terme même dejouissance à Hegel. C’est lui-même qui le dit et il ajoute que c’est Hegel qui l’a introduit. On trouve déjà chez Hegel mais aussi chez Goethe dansle « Faust »[40] l’opposition princeps entre jouissance et désir.

Lacan utilise plusieurs qualificatifs pour parler de la jouissance. Ainsi parle-t-il d’une jouissance absolue[41] et d’une jouissance pure[42] enréférence au mythe freudien de « Totem et tabou »[43]. De même évoque-t-il un temps mythique de la jouissance en référence à la constitution dusujet dans son rapport à l’Autre. Il s’agit du temps du sujet de la jouissance qui est un sujet hypothétique, mythique car il aura encore à venir,d’une jouissance qui est elle-même mythique[44]. Et ce temps se situe dans une antériorité logique par rapport à l’intervention du signifiant. Cettejouissance ne saurait donc être qu’inférée dans l’après-coup de cette intervention. Jouissance pleine, au-delà de l’angoisse, en dehors de toutelimite, de toute loi, elle correspond à la satisfaction pleine (volle Befriedigùng) évoquée par Freud, laquelle est tout aussi impossible. La jouissanceclose de l’œuf que Pierre Jamet évoquait, il y a quinze jours, me semble également entrer dans ce cadre. Cette jouissance ne peut se formulerque comme une jouissance perdue, perdue du fait de l’intervention du signifiant qui instaure le sujet comme divisé, qui troue toute jouissance quise voudrait pleine ou absolue par l’objet a comme perte. En dehors de cette jouissance absolue, on assiste chez Lacan à une diffraction de lajouissance en un large éventail de jouissances repérées et nommées par lui. Et cet éventail finira par se refermer à partir du séminaire « Encore»[45] et de « La troisième »[46] sur deux jouissances : la jouissance phallique et la jouissance de l’Autre. Elles sont organisées autour de l’objet asitué au point central du nœud borroméen à la place dite du plus-de-jouir. Ce plus-de-jouir qui a été défini antérieurement comme la perte dejouissance ou encore comme un plus-de-jouir à récupérer, soit un manque à jouir. Il nous faut donc conclure qu’au cœur de la jouissance il y a untrou, l’objet a, cet objet dont Lacan dit qu’il ne se supporte lui-même que d’un trou, trou repérable par une lettre qui n’a aucun sens, et aussi qu’ilest l’objet dont il n’y a pas d’idée.

Si nous suivons ce fil et revenons un peu en arrière, d’abord au premier moment fort de l’enseignement de Lacan concernant la jouissance,c’est-à-dire le séminaire « L’éthique de la psychanalyse »[47], nous constatons que le cœur de la jouissance était déjà à cette époque constituépar un trou, à savoir la vacuole de la Chose en tant que lieu vide, béance au centre des représentations ou des signifiants qui gravitent autoursans l’atteindre. Entouré de barrières, ce champ central n’est accessible que par forçage, transgression. Et c’est alors la jouissance dite réelle,massive, hors du système signifiant. Mais dans le séminaire sur « Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse »[48] nous assistons àune réarticulation de la jouissance avec le signifiant et donc au passage de la jouissance massive de la Chose à la jouissance supportée parl’objet a. Et par la suite dans le cadre de l’élaboration de la jouissance dite sexuelle, déjà évoquée, la jouissance sera centrée par la fonctionphallique, à nouveau par une béance, la béance de la castration. Et ce n’est que dans « La troisième » et le séminaire « RSI »[49] qui l’a suivi,que l’objet a va décentrer le phallus. Cet objet a sera alors considéré comme constituant le noyau élaborable de la jouissance et comme étant auregard d’aucune jouissance sa condition. — je pense que c’est là la réponse à une de tes questions.

Il y a un point que j’ai déjà évoqué et auquel j’aimerais revenir : c’est le rapport de la jouissance avec la constitution du sujet. Jacques Alain Millerdans un travail datant de 1999, un excellent travail, « Les six paradigmes de la jouissance »[50] introduit dans son paradigme quatre le terme dejouissance normale ou fragmentée à partir de sa lecture du séminaire « Les quatre concepts fondamentaux ». Il s’agit en fait d’une reprise desdeux opérations de la réalisation du sujet dans sa dépendance signifiante au lieu de l’Autre. Il note que ces deux opérations ont pourconséquence une surimposition de la structure du sujet, résultat de l’aliénation qui est d’ordre symbolique, à la jouissance, résultat de laséparation, qui est réponse de jouissance. J’ajoute : réponse à la question sur le désir de l’Autre. D’où la superposition des deux manquesénoncée par Lacan, manque à être du sujet d’un côté, béance de l’objet a de l’autre. Et la jouissance est dès lors liée à ce qu’il appelle lefonctionnement normal de la pulsion, soit son aller-retour à partir de et vers le corps propre et les zones érogènes, ce que Lacan désigneexpressément comme étant le but de la pulsion partielle.

Si je fais référence à ce travail de Jacques-Alain Miller, c’est en raison de la conclusion qu’il en tire. Il en conclut que Lacan modèle la jouissancesur le sujet lui-même, c’est-à-dire l’appareil du corps constitué de zones érogènes sur l’inconscient. Où je retrouve mon fil. À partir de là lajouissance conçue comme jouissance pulsionnelle normale est fragmentée en objets a, soit en éléments de jouissance venant à la place de laChose. La jouissance est dès lors intégrée au système signifiant lui-même et la jouissance du corps passera par l’appareil pulsionnel lui-mêmenoué au signifiant, comme je vais maintenant essayer d’en faire la démonstration. Il convient néanmoins de ne pas se laisser induire en erreur parle terme de jouissance normale, la jouissance reste, après comme avant, marquée d’une béance.

Voilà ce qui me permet de revenir maintenant à la pulsion. Plus précisément au mode d’insertion de la pulsion dans le processus de la constitutiondu sujet. Si la jouissance s’inscrit dans ce processus, il en va de même pour la pulsion, et c’est le graphe qui en permet la lecture.

Ce graphe est une figure topologique construite par Lacan entre 1957 et 1960, destinée à articuler entre eux l’ensemble des termes par lesquelsle sujet est constitué comme effet du signifiant. Ce qui nous intéresse aujourd’hui pour notre propos, c’est l’étage supérieur, plus précisément laligne qui va de grand S barré poinçon de grand D ($◊D) à grand S de grand A barré (), ligne qui correspond à la chaîne signifianteinconsciente, et la ligne qui va de petit d (d) à S barré poinçon de petit a ($◊a) qui correspond à l’articulation du désir avec le fantasme.

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($◊D) le sujet en fading, c’est-à-dire évanescent dans la coupure de la demande est d’abord le point d’articulation du discours intentionnelde la demande de satisfaction du besoin avec le discours de l’Autre ou avec l’inconscient lequel subvertit cette demande de satisfaction et latransmue en question du sujet sur son être et son désir. ($◊D) est ainsi le trésor inconscient des signifiants de la demande, signifiants quilient les moments d’éclipse du sujet avec une demande. Ces signifiants déterminent[51] par ailleurs — point à retenir — l’identification du sujet àl’objet a dans le fantasme, cet objet qui sous-tend toute demande. Le message qui parvient au sujet du point opposé ) est qu’il y a dans l’Autrerien qui garantirait son existence, son être plus exactement, pas de signifiant, l’Autre est barré. Le seul

soutien possible pour cet être et pour son désir sera dès lors constitué par le fantasme que nous avons l’habitude d’appeler le fantasmefondamental, et qui fonctionne comme couverture du manque dans l’Autre.

Voilà pour ce qui est de l’articulation pulsion, demande, fantasme. Une première articulation.

Jean-Richard Freymann : C’est là où il y a la formule : « Le sujet s’évanouit dans la demande »

Marcel Ritter : Oui c’est dans « Subversion du sujet et dialectique du désir »[52]

Mais, pas suivant. Si le sigle $◊D désigne le trésor des signifiants inconscients, il désigne aussi pour Lacan la pulsion. Et là nousretrouvons une fois de plus le fil. La notation $◊D vient donc signifier l’amalgame entre la pulsion et le trésor des signifiants inconscients.En effet, ces pulsions, il s’agit des pulsions partielles, se manifestent dans notre expérience comme toujours déjà prises dans l’économie dulangage et elles ne sont repérables qu’impliquées dans la rhétorique de l’inconscient. Pour Lacan $◊D désigne, je cite, « Ce nœud radicaloù se conjoignent la demande et la pulsion. J’ajoute que c’est grâce à ce nouage que le désir — pour le situer également dans cette mosaïque —prend corps, se corporise, que « le désir est agi dans la pulsion » — formule de Lacan[53].

Ce détour par le graphe m’a paru indispensable pour saisir non seulement l’articulation de la pulsion avec la demande mais aussi avec lefantasme inconscient. Le nouage de la demande et de la pulsion donne ainsi lieu à une figure de recouvrement du symbolique et du réel. Lapulsion redouble avec le réel du corps la division du sujet. Autrement dit, la pulsion se situe à l’intersection de la division du sujet par le signifiantet du réel du corps sous la forme du trait de coupure. En effet par ce nouage, la pulsion implique dans la demande la présence d’un vivant, et cevivant à se reproduire par la voie du sexe est soumis à une perte, à un manque réel. La sexualité le fait mortel. Mais il est aussi un vivant quiparle, un vivant parlant. Sa subjectivité passe par la parole, par le lieu de l’Autre. Son avènement comme sujet dans la relation à cet Autre est àl’origine d’un autre manque qui lui est d’ordre symbolique et qui est manque à être. La demande a pour conséquence un je en exclusion ou ceLacan appelle un pas-je. C’est là une des manières d’entendre l’évanescence, le sujet évanescent dans la coupure de la demande.

Ainsi par ce nouage de la pulsion et de la demande il y a recouvrement de deux manques, celui que la sexualité porte au cœur du vivant et celuidont la parole frappe le sujet. Autrement dit les béances du corps redoublent les béances du signifiant. Cependant cette figure du recouvrementdes deux manques énoncée à l’instant, n’est pas à confondre avec cette figure déjà évoquée à propos des deux opérations de la réalisation dusujet, l’aliénation et la séparation, qui elle concerne l’insertion de la pulsion à la jonction de la constitution du sujet par le signifiant et de sarencontre avec le désir de l’Autre. Il y a deux figures de recouvrement de deux manques, d’une part le vivant et l’inconscient, leurs béances, etd’autre part le manque à être lié à l’aliénation et la béance de l’objet a du côté de la séparation.

JRF : Mais en 60 il y avait déjà la question de la séparation ?

MR : En 64

JRF : Parce qu’il en parle en 60 ? Non.

MR : En 64 dans « Les quatre concepts » et « Position de l’inconscient ».

Un autre point me paraît important à souligner. Lacan indique que le chemin de la pulsion partielle est la seule forme de transgression permise ausujet par rapport au principe de plaisir. La pulsion partielle témoigne du forçage de ce principe, mais c’est aussi le cas de la jouissance. Dans lerapport au principe de plaisir, la pulsion et la jouissance semblent donc avoir un statut identique, à ceci près que l’une ouvre sur l’autre, le cheminde la pulsion partielle ouvrant sur l’au-delà du principe de plaisir et donc sur la jouissance. Mais ouvrir sur la jouissance ne veut pas encore direl’atteindre. Le plaisir est fondamentalement une limitation de la jouissance et le principe de plaisir est un principe de régulation de la jouissance.Comme l’a dit Claude Conté[54] dans un travail sur la pulsion, travail qui est important, la pulsion partielle a une fonction ambiguë par rapport à lajouissance : elle fait surgir sa dimension et elle est en même temps une limite. D’ailleurs Lacan souligne que le forçage du principe de plaisir parles pulsions partielles permet de les situer sur la limite d’une pulsion de conservation, du maintien d’une homéostase[55].

Ce sur quoi je voulais mettre l’accent c’est donc cette ambiguïté des pulsions partielles par rapport à la jouissance. Question qui évidemment nousconduit tout droit à la question princeps qui est celle de la satisfaction de la pulsion.

La jouissance est-elle la satisfaction d’une pulsion ?

Ferdinand Scherrer a déjà apporté une réponse et j’y souscris entièrement. Je voudrais simplement faire trois remarques à propos de cettequestion.

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Première remarque

Lacan précise que la satisfaction de la pulsion ne peut se situer que par rapport au terme de sujet[56]. Ce terme de sujet ne nous surprend guèreà cette occasion vue l’implication de la pulsion dans le processus de sa constitution, fil que je viens de dérouler. Alors je dois dire que j’éprouvequelque difficulté à penser la pulsion en-dehors de toute référence au sujet. Comment parler de la pulsion sans l’articuler aussitôt au langage,champ dans lequel elle se manifeste dans notre expérience ? Il y a certes ce moment originaire de la pulsion, évoqué par Freud. Cette irruptionpremière qui se perpétuerait sans changement et ne subirait aucun développement, point sur lequel Ferdinand Scherrer a attiré notre attention.Ce moment originaire ne nous oblige-t-il pas à supposer un temps d’avant toute intervention du signifiant, qui est aussi un temps où il n’y aeffectivement encore aucun sujet, dans le sens où nous entendons ce terme. Ne s’agit-il pas là à nouveau d’un temps mythique identique autemps mythique de la jouissance et du sujet hypothétique de cette jouissance auquel j’ai déjà fait allusion, ce temps qui se situe dans uneantériorité logique par rapport à l’intervention du signifiant et que Lacan a évoqué dans son séminaire « L’angoisse »[57]. Nous devons certesprendre en compte cette structure fondamentale de la pulsion dont Lacan parle, cette structure avec ses quatre coordonnées où tout est tensionsoit le Real Ich chez Freud. Mais Lacan précise par ailleurs que cette structure a rapport avec le sujet même si ce n’est que par l’unité topologiquedes béances en jeu, c’est-à-dire les béances du corps et les béances liées au fonctionnement de l’inconscient, point que j’ai développéabondamment. Pas moyen donc de faire abstraction du nouage de la pulsion et de la demande. Ce nouage est le passage obligé de la pulsion entant que structure à la pulsion en tant qu’historisation, selon le terme de Ferdinand Scherrer. C’est-à-dire en tant que manifestation de cettestructure chez un sujet particulier du fait qu’il est un vivant parlant. Nous faut-il dès lors considérer les pulsions partielles comme un phénomènecorporel d’origine se faisant ensuite représenter au niveau du psychique ? Ou ne convient-il pas plutôt de les considérer comme d’emblée fondéessur la rencontre du corps et du langage, du dire et des orifices du corps ? Et avec le langage, nous introduisons l’Autre, l’Autre et son désir,présent également chez Freud dans l’expérience de satisfaction, de même que l’Autre avec son corps et les refoulements qui pourront s’ymanifester au niveau de ce corps, ce que Serge Leclaire a particulièrement mis en lumière à propos du doigt inscripteur d’une mère ouvrant unezone érogène. D’où mon hypothèse concernant la naissance de la pulsion : elle serait le fruit d’un corps à corps entre deux êtres parlant, d’un traitinscrit par un corps sur un autre corps, d’un corps à corps sur fond de langage qui aurait à se répéter un certain nombre de fois pour chacun prisdans sa singularité.

Deuxième remarque

La deuxième remarque concerne la fonction de l’objet dans la satisfaction de la pulsion. Le but de la pulsion partielle pour Lacan réside dans sontrajet de retour en circuit sur la zone érogène[58], où s’indique déjà quelque chose de l’ordre du caractère répétitif. Si le but de la pulsion est sasatisfaction pour Freud, cette satisfaction consiste de ce point de vue lacanien dans le fonctionnement même de la pulsion. Dans cefonctionnement, la pulsion partielle fait le tour de l’objet, mais elle ne s’en satisfait pas directement, contrairement au besoin. La fonction de l’objetest de masquer ce qu’il y a, ou plutôt ce qu’il n’y a pas au cœur de la pulsion puisque l’objet a se réduit en dernier lieu à un creux, un vide, l’objetperdu, l’objet a[59]. Même si la pulsion s’appuie sur une fonction organique, aucun objet ne sera adéquat à sa satisfaction. Quel que soit l’objet dubesoin venant se loger dans son creux, il ne fera que correspondre au « Ce n’est pas ça » énoncé par Lacan, ponctuant l’écart entre ce que Freuda appelé le plaisir de satisfaction obtenu et le plaisir de satisfaction exigé[60]. La satisfaction de la pulsion partielle, donc libidinale, considérée dupoint de vue de l’objet est fondamentalement une insatisfaction par rapport à la jouissance absolue. La pulsion demeure une poussée, unepoussée constante, une contrainte s’exerçant en permanence à partir de l’inconscient. Il n’y a pas d’extinction de la pulsion. Le désir, l’appel de lajouissance se poursuit sans relâche. Je rappelle au passage que Lacan a énoncé le « Ce n’est pas ça » également à propos de la différence entrela jouissance obtenue et la jouissance attendue[61]. L’insatisfaction serait donc un trait commun à la pulsion et à la jouissance. La satisfactionobtenue ce n’est que le peu de satisfaction, un peu de satisfaction, une satisfaction somme toute leurrante, une satisfaction qui s’arrête toujourstrop tôt par rapport à l’appel d’une jouissance qui serait absolue, et ce à propos de la jouissance phallique considérée comme la jouissance del’organe. Dans l’enseignement de Lacan auquel j’ai fait mention tout à l’heure, Lacan précise que l’organe ne tient pas le coup, c’est le cas de ledire, quant à l’appel de la jouissance, il cède toujours prématurément. C’est dans le séminaire « L’angoisse »[62] où il articule le complexe decastration avec la détumescence.

JRF : Comment tu entends « ne tient pas le coup » ?

MR : Il cède

Maintenant un mot sur la jouissance absolue. C’est quoi ? Tu m’as déjà posé la question hier soir.

Cette jouissance absolue s’apparente à mon sens à ce que Barbara Low a introduit dans la théorie psychanalytique sous le terme de principe deNirvana c’est-à-dire la tendance à la réduction de toute excitation à zéro, principe que Freud a adopté comme exprimant la tendance de la pulsionde mort. C’est sans doute ce principe que Serge Leclaire a en vue lorsqu’il définit la jouissance comme l’immédiateté de l’accès à l’annulation —voilà le terme — que l’érotique vise dans son extrême limite d’avec la mort. Nous sommes sur cette arête entre le sexe et la mort. Ce serait aussi,je pense, l’anéantissement de la structure constitutive du fonctionnement psychique comme Ferdinand Scherrer l’a souligné lors de sonintervention.

Gabriel Boussidan : C’est dans le séminaire sur l’angoisse où Lacan dit[63] « Il n’est plus qu’un petit chiffon… »

[64]« Au niveau de la copulation, l’organe, donc, n’est jamais susceptible de tenir très loin sur la voie de l’appel de la jouissance. L’organe peutêtre dit "céder toujours prématurément."

Pour le dire plus simplement, c’est la détumescence de l’organe dans l’après-orgasme. " Il n’est plus qu’un petit chiffon, il n’est plus là pour la

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partenaire que comme un souvenir de tendresse. " »

Ferdinand Scherrer[3] : C’est très important. Le mot important là-dedans c’est le mot appel. C’est-à-dire que l’organe, le corps en général n’estpas en mesure de répondre aux exigences de jouir. Le corps ne demande rien par rapport à ça. Il répond à une exigence. Le corps, il n’a pas lesmoyens de répondre c’est pour ça qu’en général, l’être humain utilise des adjuvants pour renforcer les possibilités que le corps puisse répondre.Parce que le corps à un moment donné il dira stop, il n’a pas les moyens. La question qui est posée là-dedans et ce sur quoi il faut s’interrogerc’est d’où vient cette idée d’appel et d’exigence ? Je crois que parfois on a trop fait le glissement. On a tendance à prendre la jouissance demanière substantielle, de la substantialiser et de ne pas la prendre en termes d’appel ou d’exigence.

La jouissance absolue n’est pas définissable autrement que par l’appel à une jouissance. On ne peut pas faire autrement. Si on pouvait définir lajouissance absolue de façon substantielle, celui qui est capable de le faire, ferait fortune. Parce qu’il trouverait en même temps le moyen d’yaccéder. C’est exactement la même chose pour l’histoire de la pulsion, je dirais. Si la pulsion fait le tour de l’objet contrairement au besoin, si vousfaites le tour de l’objet, vous allez crever. Je ne peux pas faire le tour d’une bouteille d’eau quand j’ai soif. Je suis obligé de la boire. Le problèmede la pulsion c’est que l’objet est complètement indifférent. C’est un pur prétexte. Alors la question : pourquoi je nécessite la question d’en faire letour malgré tout ? Mais l’objet peut être strictement n’importe quoi, il est pur prétexte, pur alibi, mais se pose tout de même la question de savoirpourquoi il y a la nécessité d’en passer par ce prétexte ?

GB : Qui emploie la nécessité d’en faire le tour

JRF : C’est Lacan

MR : Il en fait le tour et il le rate.

GB : Lacan dit : il rate l’objet. Il insiste sur le ratage. C’est parce qu’ il y a ratage qu’il y a insatisfaction.

FS : L’objet est raté parce qu’il n’existe pas. Il est raté parce qu’il n’y en a pas d’adéquat. S’il y en avait un d’adéquat, on ne le raterait pas. On nerate pas un objet comme on rate un train où il suffit d’être au rendez-vous. Mais là il n’y a pas de rendez-vous possible puisqu’il n’y a pas de train.Donc on ne peut que le rater. L’objet n’est pas perdu parce qu’il est raté, il est raté tout simplement parce qu’il n’y a pas d’objet même pas perdu.Alors évidemment l’être humain il a toujours besoin de s’inventer la possibilité d’un objet qu’il aurait éventuellement raté, qu’il auraitéventuellement perdu. Il y a toujours peut-être une chance, c’est ce qui sous-tend le désir parce que si le désir n’était pas sous-tendu par ça ceserait une catastrophe. Il est sous-tendu par cette croyance que finalement, un peu comme le chevalier du « Septième sceau » de Bergman, il y apeut-être quelque part le Graal.

JRF : L’objet du fantasme

FS : L’objet du fantasme oui mais l’objet du fantasme qui est pure fiction

JRF : Voilà, mais c’en est un tout de même.

MR : J’arrive à la fin.

Troisième remarque

Ma troisième remarque, toujours à propos de la satisfaction de la pulsion va peut-être répondre à une de tes questions. C’est-à-dire qu’il n’endemeure pas moins que Lacan a soutenu que la jouissance est la satisfaction d’une pulsion. Je pense que vous avez tous été sensibles au faitqu’il ne dit pas la satisfaction de la pulsion. Il dit bien satisfaction d’une pulsion. Comment l’entendre ?

Mon interprétation c’est qu’il s’agit en l’occurrence de la pulsion de mort en tant que répétition. On peut dire que la pulsion de mort se satisfaitdans et par la répétition. Mais nous trouvons la répétition également au niveau des pulsions partielles, comme je l’ai évoqué tout à l’heure, nonseulement dans leur trajet d’aller et de retour mais aussi du fait de leur nouage avec la demande où la répétition se manifeste dans la requêteincessante de l’objet a. Avec l’accent mis sur la répétition, l’énoncé de Lacan que la jouissance est la satisfaction d’une pulsion est tout à faitsoutenable et vient effectivement corroborer l’affirmation de Freud que la pulsion de mort est la pulsion elle-même.

Si vous avez encore cinq minutes de patience, je vais terminer sur une note pratique. Je vais essayer d’énoncer :

Douze propositions concernant le repérage de la jouissance et de la pulsion dans la cure.

Ce sont des propositions, donc des points de départ pour un au-delà.

1 – Les représentants de la jouissance et de la pulsion sont refoulés.

2 – Le seul accès possible est le déchiffrage de l’inconscient qui porte sur le signifiant, plus précisément sur la lettre en suspens dans le signifiant,ce que Lacan a appelé dans « L’instance de la lettre »[65] la structure littérante du signifiant.

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3 – Cette structure littérante du signifiant est le substrat de la jouissance phallique.

4 – La jouissance phallique est jouissance sémiotique, c’est-à-dire qu’elle est liée à ce qui fait sens dans lalangue.

5 – Ce sens est le sens sexuel ou plutôt, précise Lacan, le non-sens sexuel, le sens n’étant sexuel que parce que le sexuel manque[66].

6 – La visée, le sens de toute interprétation est la jouissance soit la réduction de la jouissance phallique par l’abolition de ce sens, et ce en faisantjouer le jouir de lalangue supporté par les équivoques contre le jouir de l’inconscient lié à lalangue propre à un sujet.

7 – Ce jouir de lalangue propre à un sujet forme la trame de son symptôme et au-delà de son fantasme fondamental. Il est donc le chemin quimène à la réduction de l’un, le symptôme, et à la reconnaissance de l’autre, le fantasme.

8 – La pulsion partielle s’offre au déchiffrage en tant qu’elle est le trésor inconscient des signifiants de la demande, lesquels déterminentl’identification du sujet à l’objet a dans le fantasme.

9 – Le fantasme se situe ainsi au point de recoupement de la jouissance et de la pulsion. Il donne un cadre à la jouissance et il est ce à quoi seréduit la pulsion — du moins chez le névrosé, dit Lacan — dans la mesure où celui-ci identifie le manque de l’Autre à la demande de l’Autre. Lademande de l’Autre prenant dès lors la fonction d’objet dans son fantasme. Dans la formule du fantasme grand D vient à la place de petit a etalors la pulsion et le fantasme se recouvrent. On peut donc tout aussi bien dire que le fantasme se réduit à la pulsion, ce qui redouble l’affinitéentre les deux.

10 – La reconnaissance du fantasme dans la cure suppose le repérage du sujet par rapport à l’objet a. Ce qui a pour effet nous dit Lacan, quel’expérience du fantasme devient la pulsion. Autrement dit — voilà comment j’entends cette formule — le rapport à l’origine opaque du sujet à lapulsion s’en trouve un tant soit peu éclairé. Et ce repérage passe par le jeu des métaphores et des équivoques où cette identification dans lefantasme se donne à entendre. Elle se donne à entendre dans des formules telles — je vous en cite quelques-unes de mon expérience — « Jesuis celle qui tombe » pour l’objet anal, « Vivre en odeur de sainteté » pour l’objet oral, ou encore « l’or du Rhin » pour l’objet urétral bien quecelui-ci ne fasse pas partie du catalogue officiel des objets de la pulsion. Parallèlement sont concernées l’identification phallique et l’appréhensionde la castration comme castration de l’Autre, ce qui est illustré au niveau supérieur du graphe par la ligne fléchée qui va de la jouissance inscritesous grand S de grand A barré, , à la castration, soit la division sans remède du sujet inscrite sous grand S barré poinçon grand D, ($◊D).

11 – À suivre les indications de Lacan, le nouage inaugural de la pulsion et de la demande trouve l’occasion de se répéter dans la cure et ce dit-ilpar l’entremise du désir de l’analyste en tant qu’il est désir d’obtenir la différence absolue, c’est-à-dire la division radicale introduite par lerefoulement originaire. En effet si le transfert écarte la demande de la pulsion au profit de l’identification, le désir de l’analyste l’y ramène. Et noussommes dans le cadre qui conduit à la reconnaissance, à l’analyse du fantasme.

12 – Quant à la question soulevée par Lacan concernant l’au-delà de l’analyse, à savoir comment un sujet qui a traversé l’expérience du fantasmefondamental peut vivre la pulsion, cette question reste ouverte. La pulsion revient-elle à son état inaugural après reconstruction de l’histoirelibidinale ? C’est impensable. On ne se défait pas du rapport au langage. Peut-être, le sujet se donne-t-il simplement moins de mal pour sasatisfaction. Le poids du symptôme comme satisfaction substitutive étant allégé. Lacan n’a-t-il pas dit en 1975 dans les Universités NordAméricaines que quand l’analysant pense qu’il est heureux de vivre, c’est assez. Heureux de vivre, c’est sans doute ce que Freud indiquait sousla forme de la capacité d’aimer et de travailler. Mais ceci n’est pas à confondre avec le bonheur qui ne saurait être que l’impossible retrouvailleavec un objet, soit une jouissance non trouée de la vie.

Je vous remercie.

FS : À propos de l’analyse Freud disait plutôt, il ne parlait pas de « heureux », il était plus modeste par rapport au heureux, lui il disait « échangerune misère névrotique contre un malheur banal ».

Vous avez fait un exposé conséquent, mais j’aimerais juste revenir sur un point dont on avait déjà eu l’occasion de discuter mais qui de temps entemps revient et qui pose une terrible question mais qu’on ne peut pas débattre maintenant. C’est vrai quand vous parlez de la pulsion, vous nepouvez pas la concevoir sans rapport au langage, c’est bien ce que j’ai compris, mais pourtant dans votre manière de dire vous le font souvent.Par exemple quand vous parlez du nouage de la pulsion et du langage, vous faites précéder la pulsion. Le langage est là avant. C’est toute ladifficulté dont je parle. Mais cette contradiction, l peut trouver une solution. Mais ça demanderait un débat. D’ailleurs quand vous parlez de Lacanoù Lacan dit « La jouissance est la satisfaction de la pulsion » dans l’Ethique, c’est vrai qu’il l’utilise au singulier. Mais pourquoi il l’utilise ausingulier ? Parce que juste avant il utilisait le besoin au singulier. Et ensuite vous dites qu’il parle de la pulsion de mort. C’est vrai aussi. Maisquand il parle de la pulsion de mort, il reproche à Freud d’avoir inventé quelque chose de tout à fait bizarre, d’assez obscur. Il va même jusqu’àdire que c’est une sublimation de Freud. Mais s’il parle de la pulsion de mort ce n’est pas pour dire qu’à côté des pulsions partielles etc. il y a enplus une pulsion de mort, c’est pour dire que toute pulsion quelle qu’elle soit est par essence pulsion de mort. Une fois qu’on a dit ça il faut encoresaisir à peu près comment ça s’articule cette affaire que toute pulsion est par essence pulsion de mort. Ça permet évidemment à ce moment-là, sion répond à cette question de saisir qu’est-ce qu’entend Lacan lorsqu’il dit que la jouissance est la satisfaction d’une pulsion. Il veut dire à monavis d’abord quelque chose de très simple, que le nom qu’on peut donner à la satisfaction d’une pulsion c’est ce qu’on appelle la jouissance. C’estle nom mais avec la différence près qu’un besoin ne se satisfait que d’un objet. Ce dont se satisfait la pulsion c’est d’une jouissance, maisseulement cette jouissance-là est inaccessible et c’est cette inaccessibilité à la jouissance que Freud avec l’histoire de l’automatisme de répétitiontente de mythifier, c’est-à-dire d’en faire un mythe, de donner le mythe de cette inaccessibilité qu’il appelle — et moi je pense que la pulsion de

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mort ce n’est pas ni donnée de l’expérience ni quelque chose qui serait à ranger à côté des pulsions partielles, pour moi la pulsion de mort est unefiction épistémologique de Freud comme le mythe du père est une fiction qui permet de rendre compte de l’origine du symbole, comme lefantasme de la séduction sexuelle est un mythe qui permet… etc. D’ailleurs s’il n’y a pas de pulsion de mort à côté des autres pulsions, il y a desauteurs qui ont essayé de chercher une énergie des pulsions partielles donc des pulsions de vie, c’est la libido. Par contre Freud ne parle jamaisd’une énergie correspondant aux pulsions de mort. Alors il y a des gens qui l’ont cherché, ils en ont trouvé, ils appellent ça la destrudo. Je veuxtenter de dire par là que ce que Lacan à mon avis fait, il renvoie effectivement à ce qui fait l’essence de la pulsion chez Freud, c’est simplementl’impossible articulation — c’est ce que vous avez dit au début — entre deux réalités hétérogènes.

MR : C’est ça

FS : C’est ça qui fait trou et qui permet en fait d’éviter de parler d’une pulsion avant le langage ou après le langage, etc. Bien sûr il y a les quatrecoordonnées de la pulsion mais il y a aussi la structure même de la pulsion et la structure de la pulsion est biface. Exactement comme quandLacan dit à propos du littoral que c’est la rencontre de deux réalités hétérogènes — on pourra revenir sur cette idée de littoral — c’est exactementce que dit Freud lorsqu’il parle de la pulsion comme concept limite. C’est une limite interne à la pulsion

JRF : Bon on reprendra. Marcel, tu es d’accord à l’occasion de revenir qu’on continue cette affaire ?

MR : On peut

FS : On peut consacrer une séance où on reviendra là-dessus

JRF : Vous reviendrez là-dessus.

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<hr align="left" width="33%" />[1] JRF

[2] MR

[3] FS

[4] Jadin J.-M., Ritter M. (sous la dir.), La jouissance au fil de l’enseignement de Lacan, érès, 2009.

[5] Dreyfuss J.-P., Jadin J.-M., Ritter M., Qu’est-ce que l’inconscient ? Un parcours freudien, Arcanes, 1996.

[5] Dreyfuss J.-P., Jadin J.-M., Ritter M., Qu’est-ce que l’inconscient ?2 L’inconscient structuré comme un langage, Arcanes, 1999.

[5] Dreyfuss J.-P., Jadin J.-M., Ritter M., Écritures de l’inconscient. De la lettre à la topologie, Arcanes, 2001.

[6] Safouan M., Jacques Lacan et la question de la formation des analystes, 1983.

[7] Laplanche J., Pontalis J.-B., Vocabulaire de psychanalyse, PUF, 2004

[8] Lacan J., 1956-1957, La relation d’objet, Le Séminaire, Livre IV, Seuil, 1994. </font>

[9] Lacan J., 1975, « Conférences et entretiens dans des universités nord-américaines », Scilicet 6/7, Seuil, 1976.

[10] Lacan J., 1975-1976, Le sinthome, Le séminaire Livre XXIII, Seuil, 2005. </font>

[11] Lacan J., 1966-1967, La logique du fantasme, Le Séminaire, Livre XIV, inédit.

[12] Lacan J., 1971, « Lituraterre », Autres écrits, Seuil, 2001.

[13] Lacan J., 1968-1969, D’un Autre à l’autre, Le Séminaire, Livre, XVI, Seuil, 2006.

[14] Leclaire S., Psychanalyser, Seuil, 1968. </font>

[15] Lacan J., 1966-1967, La logique du fantasme, Le Séminaire, Livre XIV, inédit.

[16] Lacan J., 1972-1973, Encore, Le Séminaire, Livre XX, Seuil, 1975.

[17] Lacan J., 1971-1972, Le savoir du psychanalyste, Exposés faits à l’hôpital Ste Anne, inédit

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[18] Lacan J., 1969-1970, L’envers de la psychanalyse, Le Séminaire, Livre XVII, Seuil, 1991.

[19] Lacan J., 1966-1967, La logique du fantasme, Le Séminaire, Livre XIV, inédit..

[20] Lacan J., 1974, « La troisième », Lettres de l’Ecole Freudienne n° 16, 1975.

[21] Lacan J., « Réponse de Jacques Lacan à une question de Marcel Ritter » Lettres de l’École Freudienne, n° 18.

[22] Ibid.

[23] Lacan J., 1959-1960, L’éthique de la psychanalyse, Le séminaire, Livre VII, Seuil, 1986.

[24] Lacan J., 1969-1970, L’envers de la psychanalyse, Le Séminaire, Livre XVII, Seuil, 1991.

[25] Lacan J., 1972-1973, Encore, Le Séminaire, Livre XX, Seuil, 1975.

[26] Lacan J., « La signification du phallus », Écrits, Seuil, 1966.

[27] Lacan J., 1973-1974, Les non-dupes errent, séminaire inédit.

[28] Lacan J., 1973, « Télévision », Autres écrits, Seuil, 2001.

[29] Lacan J., 1973-1974, Les non-dupes errent, séminaire inédit.

[30] Lacan J., 1974-1975, R. S. I., Ornicar ? 1975, n°2 à 5.

[31] Jadin J.-M., Ritter M. (sous la dir.), La jouissance au fil de l’enseignement de Lacan, érès, 2009.

[32] Lacan J., 1973-1974, Les non-dupes errent, séminaire inédit.

[33] Lacan J., 1971, D’un discours qui ne serait pas du semblant, Le Séminaire, Livre XVIII, Seuil, 2006. </font>

[34] Lacan J., 1971-1972, … ou pire, Le Séminaire, Livre XIX, inédit.

[35] Lacan J., 1964, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Le Séminaire, Livre XI, Seuil, 1973.

[36] Lacan J., 1960, « Position de l’inconscient » Écrits, Seuil, 1966.</font>

[37] Lacan J., « Le séminaire sur "La lettre volée" », Ecrits, Seuil, 1966.

[38] Lacan J., 1957-1958, Les formations de l’inconscient, Le Séminaire, Livre V, Seuil, 1998.

[39] Freud S., 1920, « Au-delà du principe de plaisir », Essais de psychanalyse, Petite Bibliothèque Payot, 1971.

[40] Gœthe J. W., Faust, Nouvelle traduction de Jean Amsler, coll. folio théâtre, Gallimard, 1995, p.50.

[41] Lacan J., 1966-1967, La logique du fantasme, Le Séminaire, Livre XIV, inédit.

[42] Lacan J., 1971, D’un discours qui ne serait pas du semblant, Le Séminaire, Livre XVIII, Seuil, 2006.

[43] Freud S., 1913, Totem et tabou, NRF Gallimard, 1993.

[44] Lacan J., 1962-1963, L’angoisse, Le Séminaire, Livre X, Seuil, 2004.

[45] Lacan J., 1972-1973, Encore, Le Séminaire, Livre XX, Seuil, 1975.

[46] Lacan J., 1974, « La troisième », Lettres de l’Ecole Freudienne n° 16, 1975.

[47] Lacan J., 1959-1960, L’éthique de la psychanalyse, Le séminaire, Livre VII, Seuil, 1986.

[48] Lacan J., 1964, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Le Séminaire, Livre XI, Seuil, 1973.

[49] Lacan J., 1974-1975, RSI, Ornicar ? 1975, n°2 à 5.

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[50] Miller J-A, « Les six paradigmes de la jouissance » , La Cause freudienne n°43, p14 et 17

[51] Lacan J., 1964, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Le Séminaire, Livre XI, Seuil, 1973.

[52] Lacan J., 1960, « Subversion du sujet et dialectique du désir dans l’inconscient freudien », Ecrits, Seuil, 1966.

[53] Lacan J., 1964, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Le Séminaire, Livre XI, Seuil, 1973.

[54] Conté C., Le réel et le sexuel, Point Hors Ligne, 1999.

[55] Lacan J., 1964, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Le Séminaire, Livre XI, Seuil, 1973.

[56] Lacan J., 1964, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Le Séminaire, Livre XI, Seuil, 1973.

[57] Lacan J., 1962-1963, L’angoisse, Le Séminaire, Livre X, Seuil, 2004.

[58] Lacan J., 1964, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Le Séminaire, Livre XI, Seuil, 1973.

[59] Ibid.

[60] Freud S., 1920, « Au-delà du principe de plaisir », Essais de psychanalyse, Petite Bibliothèque Payot, 1971.

[61] Lacan J., 1972-1973, Encore, Le Séminaire, Livre XX, Seuil, 1975.

[62] Lacan J., 1962-1963, L’angoisse, Le Séminaire, Livre X, Seuil, 2004.

[63] Lacan J., 1962-1963, L’angoisse, Le Séminaire, Livre X, Seuil, 2004. P. 310

[64] Jadin J.-M., Ritter M. (sous la dir.), La jouissance au fil de l’enseignement de Lacan, érès, 2009, p. 162.

[65] Lacan J., « Le séminaire sur "La Lettre volée", L'instance de la lettre dans l'inconscient », Écrits, Seuil, 1966.

[66] Lacan J., 1973-1974, Les non-dupes errent, séminaire inédit.

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