ARGUMENTS CÔTÉ ENTREPRISES - Anact

16
ARGUMENTS (P. 4 À 7) Marie-Christine Oghly (Medef), Jacques Bauquier (CGT), Alain Gatti (CFDT), Christian du Tertre (Atemis), Gontran Lejeune (CJD), Claude-Emmanuel Triomphe (Astrees) CÔTÉ ENTREPRISES (P. 8 À 13) Automobile Réorganisation en rodage Télécommunication Rester connecté avec le marché du travail Plasturgie Un parfum de changement dans l’air Franche-Comté Passeport professionel pour un parcours sans encombre Industrie L’intendance à froid N O 326 JUILLET/AOÛT 2009 Revue de la qualité de vie au travail Bimestriel du réseau Anact pour l’amélioration des conditions de travail

Transcript of ARGUMENTS CÔTÉ ENTREPRISES - Anact

ARGUMENTS (P. 4 À 7)

Marie-Christine Oghly (Medef),

Jacques Bauquier (CGT),

Alain Gatti (CFDT),

Christian du Tertre (Atemis),

Gontran Lejeune (CJD),

Claude-Emmanuel Triomphe

(Astrees)

CÔTÉ ENTREPRISES (P. 8 À 13)

AutomobileRéorganisation en rodage TélécommunicationRester connecté avec le marché du travail PlasturgieUn parfum de changement dans l’airFranche-Comté Passeport professionel pourun parcours sans encombreIndustrieL’intendance à froid

NO 326 JUILLET/AOÛT 2009 Revue de la qualité de vie au travail

Bimestriel du réseau Anact pour l’amélioration des conditions de travail

TRAVAIL ET CHANGEMENT N°326 juin/juillet 2009 ENJEUX

page 2

Traditionnellement, l’emploi

et le travail relèvent de logiques et

de prises en charge institutionnelles

distinctes. Et si la crise était

l’occasion de faire travailler ensemble

ces deux pôles ? L’information

économique est en première ligne :

quel est l’état de santé de l’entreprise

et de l’établissement ? Le rôle

du comité d’entreprise n’est plus ici

à démontrer dans les procédures

prévues dans le code du travail

(information-consultation sur un plan

de sauvegarde de l’emploi).

Les services de l’emploi sont

également mobilisés : internes

à l’entreprise – responsables RH,

formation –, mais aussi externes

avec le service public de l’emploi

(Pôle emploi, Afpa, etc.), les OPCA

et les acteurs régionaux qui peuvent

être interpellés dans le cadre

de mesures alternatives au chômage

partiel. Les acteurs s’occupant

des conditions de travail peuvent

trouver des solutions concrètes

aux problèmes d’organisation

qui se posent sur le terrain, les

représentants du personnel (le CHSCT)

ainsi que le médecin du travail.

les questions de travail. Au contraire…Elles les rendent même plus intéres-santes à bien des égards. D’abord, ducôté des entreprises fortement impac-tées par la crise: problèmes de tré-sorerie, de réduction d’effectifs, derecherche d’économies, fusions, réor-ganisations en profondeur… Cela aforcément des répercussions signifi-catives sur les conditions de travail et

la santé des salariés. Beaucoup d’en-treprises se resserrent sur leur métieret tentent de passer ce mauvais cap enfonctionnant, souvent, sur un modedégradé. Une situation difficile à tenirdans la durée et qui ne prépare pasl’avenir… Ensuite, pour les entreprisespas ou peu touchées, s’appuyer surla qualité du travail reste un levier deperformance et d’attractivité plusimportant encore.

«Depuis le début de la crise,je prends du recul. La pro-duction est divisée par

deux et les effectifs aussi… J’utilise ceralentissement pour réfléchir àl’organisation de ma ligne de produc-tion. J’essaie de trouver de meilleuressolutions pour améliorer la qualité desproduits et les conditions dans les-quelles les opérateurs les réalisent… »

Cette réflexion peut surprendre tantl’amplitude de la crise mobilise lesénergies autour des questions d’emploi.Elle provient pourtant d’un responsabled’une ligne de production de ValeoReims, un équipementier automobile qui,comme tant d’autres, est touché deplein fouet par la crise (voir articlepages 8-9). Elle montre que si les ques-tions d’emploi sont essentielles en cemoment, elles ne rendent pas taboues

À l’heure où la crise économique plonge prioritairement les entreprises dans la lutte pour sauvegarder

leur activité et les emplois, les conditions de travail peuvent passer au second plan des préoccupations.

Un réflexe naturel qui n’est pourtant pas forcément, sur le long terme, la meilleure des stratégies…

Plans de départs volontaires, planssociaux ou suppression des contrats en CDD ou de l’intérim… Des risques,comme l’intensification et une chargede travail accrue, la désorganisation,la perte de savoir-faire et de compé-tences clés, le stress… menacentdavantage les salariés et le manage-ment durant cette période. « On sait que les effets d’une restructurationsont encore tangibles dans l’entre-prise cinq ans après. La diminutiondes effectifs se traduit par une montéedes exigences : faire plus en moins detemps. Ce sont des contraintes sup-plémentaires. Avec, en fonction de lademande, des pics de production quiobligent à réaménager les temps de travail. Cela peut entraîner l’aug-mentation des troubles musculos-quelettiques et des accidents du travail.Les risques de voir également monteren puissance le stress lié à l’incertitudeface à l’avenir et à la pression de cesexigences accrues. Attention à la sortiede crise: l’entreprise ne pourra pascontinuellement jouer le mode dégradéet laisser ce type de fonctionnements’installer », explique Thierry Rousseau,chargé de mission du départementChangements technologiques et orga-nisationnels de l’Anact.

> L’occasion de mieux

penser le travail

Autre point crucial sur lequel les mana-gers, et plus particulièrement les res-ponsables des ressources humaines ouformation, ont à porter leur attention:les compétences. Certaines, straté-giques pour l’entreprise, peuvent disparaître au moment d’un plan social ou lors d’une réorganisationmal menée. Comment les maintenirdans l’entreprise? Pour éviter des conséquences bru-tales sur les conditions de travail, laquestion de l’anticipation est primor-diale. L’urgence productive se faisant

Traverser la crise

Emploi et travail ne s’opposent pas face à la crise

« Attention à la sortie de crise: l’entreprise nepourra pas continuellement jouer le mode dégradéet laisser ce type de fonctionnement s’installer. » Thierry Rousseau, coordinateur de ce dossier (département

Changements technologiques et organisationnels de l’Anact)

page 3

Et si la crise invitait

les entreprises à être plus

offensives en matière de qualité

de vie au travail? Si le court terme

et la gestion de l’urgence imposent

d’abord de sauvegarder le chiffre

d’affaires et de préserver

les emplois, à travers des solutions

de trésorerie et de financement,

qu’en est-il du plus long terme pour

la performance de l’organisation?

Pour ne pas laisser trop de forces

dans la tempête et préserver

sa capacité future, (re)considérer

la façon de travailler recèle un fort

potentiel de ressources… trop

souvent ignoré ou oublié. Alors?

Il est urgent de prendre du temps:

pour transformer les façons

de travailler, pour mieux intégrer

les collaborateurs dans

la conception de l’organisation

du travail, pour initier des projets

améliorant la qualité de vie

au travail. Lorsque la concurrence

mondiale entre les coûts de

production fait rage, les démarches

les plus innovantes en matière

de gestion des ressources humaines

permettent toujours de créer

de nouveaux atouts concurrentiels.

C’est l’un des rares intérêts de

la crise actuelle : elle rappelle que

la performance d’une organisation

repose surtout sur la capacité

de travail collective des femmes

et des hommes qui la composent.

« Par temps de crise,(re)considérer la façon

de travailler recèle un fort potentiel

de ressources… »

Jean-Baptiste Obéniche,directeur général de l’Anact

ÉDITORIALdes entreprises européennes prévoient de réduire leurs recrutements,

prévoient de se séparer de leurs salariés intérimaires,

prévoient de licencier des salariés en CDI.

locuteur à privilégier. Adapter un postede travail, vérifier qui peut le tenir,s’assurer de l’état de santé des salariéssont des nécessités pour traverser cemoment difficile (voir encadré) », pour-suit Thierry Rousseau.

> Un révélateur

des capacités d’adaptation

Et ensuite ? La crise aura poussé àadopter une gouvernance spécifiquepour revenir à un mode habituel defonctionnement ou de nouvelles pro-cédures auront peut-être été mises enplace. Elle aura engagé des choix etentraîné des changements, bons oumauvais pour l’avenir, et déterminédes orientations sur le court et le longtermes. «Réagir à ce défi exige la mobi-lisation de tous les acteurs et la valo-risation des modes de coopération. Lesentreprises qui auront réussi à mobi-liser leurs ressources humaines et seseront davantage prémunies de cer-tains risques rebondiront plus facilementet plus rapidement. Celles qui s’en sor-tiront le mieux seront parvenues à fairedu travail un vecteur de développe-ment stratégique et un enrichisse-ment», conclut Thierry Rousseau. ■

Béatrice Sarazin (rédactrice en chef)

moins sentir, le moment de se poserpour réfléchir à la façon de s’organiser,comme le fait le responsable de lignechez Valeo, est peut-être venu. Mettrefin aux doublons, clarifier les respon-sabilités, mieux définir les priorités,améliorer la qualité du service auxclients, faire une place plus grande audialogue avec l’encadrement sur lesdifficultés quotidiennes… L’entreprisepeut s’appuyer sur ses propres mesureset ressources en se posant des ques-tions très concrètes: qui va travailler àtel poste, comment et avec quelsmoyens? Avec quelle organisation dutravail? Quelles compétences serontnécessaires et avec quelle autonomie? « Il peut s’agir aussi d’infléchir cer-taines pratiques: repenser la flexibilitépour mieux construire les parcours,revisiter l’utilisation systématique du fluxtendu, réfléchir à une meilleure conci-liation entre les vies professionnelleet privée… Dans tous les cas, ce travailde l’entreprise sur elle-même passepar une mobilisation des ressourcesinternes: il faut savoir utiliser les com-pétences disponibles dans les collec-tifs de travail. La crise peut êtrel’occasion de soutenir le dialogue entreles acteurs : salariés comme enca-drants sont sur le même bateau. Lamédecine du travail est aussi un inter-

Source : étude Boston Consulting Group (BCG) et European Association for People Management (EAMP), mars 2009,33 pays européens, 348 dirigeants et responsables RH.

TRAVAIL ET CHANGEMENT N°326 juin/juillet 2009 ARGUMENTS

La crise est-elle l’occasion de revisiter le dialogue social territorial? Les dangers qui guettent, notamment les plus fragilisés des salariés, ont décuplé les énergies pour mettre en place des pare-feu adaptés.

Unanimité face à la crise : il faut faire vite!

MARIE-CHRISTINE OGHLY,présidente du Medef Ile-de-France(Mouvement des entreprises de France)LLa situation des entreprises

franciliennes explique-t-elle cette réaction rapide des partenaires sociaux ?Oui car, au premier trimestre 2009, lesdépôts de bilan se sont accélérés. Notam-ment dans les secteurs traditionnels telsl’automobile ou le BTP; beaucoup moins,il est vrai, dans des secteurs d’innovationcomme l’aéronautique. Il faut rappelerque les licenciements sont les dernièressolutions auxquelles les dirigeants ontrecours. Nous travaillons plutôt dans uneperspective de long terme et, autant quepossible, en cherchant des solutions avecles salariés. C’est bien l’objectif de l’accordsigné en alternative au chômage partiel.Il faut en saluer la rapidité et l’esprit pari-taire puisque État, Région et partenairess o c i a u x l ’ o n t c o n c l u e n s e m b l e . La CGT et FO ne l’ont pas signé mais sontmembres observateurs du comité de suivi.Des partenaires comme l’Agefiph, l’Afpa,l’OPCA, l’Aract et l’agence de développe-ment économique y apporteront leur expertise, en fonction des besoins expri-més par les entreprises.

Comment allez-vous déployer le dispositif dans les entreprises ?Ce sont les entreprises qui n’ont pas trouvéde solutions en interne qui sont les plusconcernées. Le dispositif est expérimen-tal et nous avons donc sélectionné les entre-prises pilotes, prioritairement petites etmoyennes. Les actions mises en œuvrepeuvent établir des liens, au travers detransferts de compétences, vers les sec-teurs et entreprises ayant besoin de recru-tement. Nous nous sommes donc aussicentrés sur une logique de sécurisationdes parcours, prioritairement pour les

publics les plus fragiles. On parle énor-mément dans les médias des négociationsdifficiles, alors que beaucoup d’accords etde conventions sont signés en ce momentpour sauvegarder les emplois.

Vos adhérents peuvent-ils penser « responsabilité sociale » en ce moment?Oui, car contrairement aux idées reçues,les dirigeants ne se situent pas dans uneréduction d’effectifs à tous crins. Aucontraire. Une enquête menée par le MedefIle-de-France sur les comportementsmanagériaux en période de crise montrequ’ils profitent de cette période pour res-serrer les liens avec leurs salariés et davan-tage communiquer. Ils réfléchissent aussià leur stratégie sur le plus long terme :certains se sont lancés dans des innova-tions ou dans de nouveaux créneaux, pre-nant des risques sur des évolutions futures,plus encore qu’avant la crise, pour main-tenir leur entreprise hors du marasme etgarder les salariés. Licencier, c’est la solu-tion de facilité à laquelle personne ne sou-haite céder. Cette attitude très volonta-riste exprimée par ces dirigeants estévidemment celle du Medef national dontle positionnement plus sociétal, porté parLaurence Parisot, suscite attentes etespoirs. Cela explique, peut-être, la duretéde certaines positions…

page 4

Le point de vue des partenaires sociaux Propos recueillis par Béatrice Sarazin

Face à l’ampleur de la crise,

les partenaires sociaux

de quatre régions ont souhaité

réagir rapidement et proposer

des solutions concrètes

aux salariés et aux entreprises.

Signés aux premier et

deuxième trimestres 2009,

des accords proposant la

formation comme alternative

au chômage partiel ont été

conclus en Nord-Pas-de-Calais,

Ile-de-France, Franche-Comté,

Pays-de-la-Loire et Lorraine.

Les dispositifs diffèrent dans

leur déploiement, mais tous

ont un objectif commun :

permettre aux salariés,

notamment les moins qualifiés

des TPE et PME, d’utiliser les

périodes de sous-activité de

l’entreprise pour partir en

formation et acquérir de

nouvelles compétences.

Les points de divergence entre

organisations syndicales

et patronales ont porté sur

le moment de la formation,

en dehors ou pendant le temps

de travail, et les contreparties.

Différents partenaires,

Agefiph, OPCA et Afpa,

accompagnent leur mise

en œuvre.

LES PARTENAIRES SOCIAUXS’ENGAGENT À TRAVERSCINQ ACCORDS RÉGIONAUX

JACQUES BAUQUIER, secrétaire régional de la CGTFranche-Comté (Confédération générale des travailleurs)

L ALAIN GATTI,secrétaire général de la CFDT Lorraine (Confédération françaisedémocratique du travail)

P

page 5

La récurrence des difficultéséconomiques de la Région Lorraineexplique-t-elle la rapidité d’action des partenaires sociaux locaux ?Notre habitude de travailler sur des dos-siers délicats avec l’État et la Région, commerécemment avec Gandrange, joue en notrefaveur. Les rencontres entre les partenairessociaux lorrains sont régulières et per-mettent de construire une vision partagée.Même s’il existe des points de désaccord,nous savons avancer ensemble. Cela a étéle cas pour l’accord* proposant, à traversla formation professionnelle, une alterna-tive aux difficultés des entreprises et dessalariés face à la baisse d’activité. Tous lespartenaires – organisations syndicales etpatronales, préfecture, direction du Travail,Région, Afpa, OPCA, Agefos PME – avaientconscience de devoir agir vite. La CFDT aproposé la mise en place du dispositif etl’accord a été bouclé en trois mois.

Comment allez-vous le décliner de manière opérationnelle ?Nous avons mis en place un comité depilotage chargé d’un suivi mensuel. Nousavons aussi insisté sur une évaluation

de savoir combien nous parviendrons àen financer. La dynamique de l’accord doitservir de levier pour mobiliser d’autresressources, en particuliers celles du Fiso(Fonds d’investissement social).

Est-ce difficile de parler organisationet compétences en ce moment ?Nous avons la conviction que c’est main-tenant que se construit l’action sur le longterme. Cette crise est exceptionnelle parson ampleur. Il faut être conscient que rienne sera plus comme avant et que les métiersde l’industrie, par exemple, ne seront pasforcément les mêmes demain. Dans cecontexte, la question des conditions de tra-vail doit être en permanence gardée à l’esprit.Surtout, celle de la sécurisation des par-cours est fondamentale : il y a besoin deréaffirmer les compétences, de revenir auxfondamentaux pour que, à la sortie de lacrise, les salariés soient adaptés. L’accordlorrain participe à cela en créant une dyna-mique territoriale nécessaire pour passercette période difficile.

* Le texte de l’accord et les documents de présentationsont téléchargeables sur www.lorraine.cfdt.fr (rubriquessecteurs revendicatifs > emploi).

régulière pour mesurer ce que produitl’accord afin de réajuster, si besoin, le dis-positif. L’accord concerne les entreprisesde moins de 250 salariés, les salariés peuqualifiés et les moins bien rémunérés.Dès qu’il y a une demande, l’OPCA et l’Afpadéfinissent les besoins de l’entreprise etconstruisent un dispositif adapté. La Régionprend en charge le coût des salaires. Ilfaut éviter l’effet d’aubaine pour ne pasaider des entreprises qui utiliseraient ledispositif pour licencier. Nous avons étéconfrontés à ce cas : nos critères ont per-mis de repérer l’entreprise incriminée.Mais il s’agit d’une situation d’exception.Beaucoup d’entreprises ont de réelles dif-ficultés de survie et cela impose de trou-ver des réponses partagées entre parte-naires sociaux, au-delà des antagonismesclassiques… En moyenne, 35 000 eurossont engagés par projet. La question est

Pourquoi l’accord franc-comtois a-t-il connu autant de péripéties ?Un premier accord, passé entre l’ensembledes partenaires sociaux et le conseil régio-nal, a été signé en mars. Mais l’État ne l’apas ratifié, considérant que la formationproposée en alternative au chômage par-tiel ne pouvait avoir lieu durant le tempsde travail. Nous avons donc engagé de nou-velles négociations avec l’objectif de main-tenir le contrat de travail et le salaire lorsdes périodes de sous-activité. Ces périodesdoivent permettre aux salariés de sortirde cette crise grâce à la formation profes-sionnelle, avec un meilleur niveau de com-

pétences et de qualification afin d’éviterles licenciements. La base est la même,mais la négociation a encore achoppé surla question de la formation hors temps detravail. Malgré tout, la CGT s’est engagéedans le processus, considérant que ce pro-tocole reste un point d’appui pour les futuresnégociations qui seront engagées dans lesentreprises et qui permettront de garan-tir l’emploi, les salaires et la formationprofessionnelle qualifiante. Comment les entreprises sont-ellesimpliquées ?Il s’agit d’une expérimentation menée parun comité de pilotage (les représentantsdes signataires de l’accord) qui a choisivingt-cinq entreprises pour déployer ledispositif. Nous menons un suivi et allonsétablir un premier bilan à six mois. Selonles résultats, nous le reconduirons ou pas.La CGT a souhaité qu’y soit intégré le pas-seport professionnel, outil de la sécurisa-tion des parcours professionnels*. Le choix

des entreprises se fait l’engagement desemployeurs qui souhaitent élever les com-pétences de leurs salariés et traverser lacrise en maintenant tous les contrats detravail. Il s’agit de PME et TPE mais sanscritères d’effectifs trop précis.

Est-ce difficile de parler organisation et compétences en ce moment?La préoccupation sociale est effective-ment celle des emplois et du maintien dessalaires dans une situation d’urgence.C’est ce que nous avons revendiqué depuisquelques mois pour que le chômage par-tiel soit payé à 100 %. Mais nous essayonsaussi de voir plus loin et de travailler surun dispositif structurant pour pérenniserles emplois et les entreprises. C’est encela que notre accord est intéressant carnotre région, très industrielle, compte45 % de salariés peu qualifiés.

* Voir article page 12.D

R

TRAVAIL ET CHANGEMENT N°326 juin/juillet 2009 ARGUMENTS

PPeut-on établir un lien entre crise et santé?Tout d’abord, de quelle crise parle-t-on? En matière de santé, ce n’est pastant à la crise financière actuelle qu’ilfaut s’intéresser qu’à une crise struc-turelle du travail qui s’est installée, elle,depuis des années. Cette crise du tra-vail est liée à deux phénomènes conver-gents: d’une part, le glissement d’uneéconomie principalement industriellevers une économie majoritairementorientée vers les services; d’autre part,la mutation d’une économie de produitsquantifiables vers une économie plusimmatérielle où il devient très difficilede mesurer ce que l’on produit. Cettedouble tendance a eu pour effet uneintensification massive du travail, quin’est pas toujours reconnue par les entre-prises, sans doute parce que difficile àappréhender. Il existe en effet tout unedimension du travail qui n’est pas visible.Et cela se traduit nécessairement d’unpoint de vue clinique.

Si l’on peut analyser l’impact de la crise sur la santé des salariés, peut-on le quantifier ?C’est difficile. Prenons le cas des nou-velles technologies, qui ont égalementcontribué à la crise structurelle du tra-vail. Toutes les études montrent quel’introduction de nouveaux logicielsdans les entreprises, si elle est censéediminuer le nombre de tâches, produitexactement l’effet inverse. Ce, parcequ’elle s’inscrit dans une intention tour-née vers une information formelle etqui occulte la part informelle deséchanges. Avec les nouvelles techno-logies, on augmente non seulement letravail de saisie de l’information, maisaussi, et de manière considérable, lamasse des informations. On a sures-timé l’intelligibilité de l’informationnumérique, alors que le numérique

affaiblit le sens à mesure qu’il augmentela puissance de traitement des informa-tions comme données. On peut analyserles effets d’une telle évolution sur la santé.Quant à les analyser de manière chiffrée…

C’est cette dimension non formalisée du travail qui renddélicate toute mesure ? La logique de services inscrit de plus en plusles tâches professionnelles dans une rela-tion à l’autre, que ce soit en interne ou à l’ex-térieur de l’entreprise. Ce qui compliquesensiblement la délimitation des respon-sabilités. Le management, qui reste atta-ché à des réflexes et à une culture indus-triels, a du mal à mesurer les effets de cetteporosité, à préciser les responsabilités desuns et des autres et donc à organiser le tra-vail. Pour les salariés, cette dilution va créerdes déséquilibres objectifs et subjectifs enmatière de charge de travail. Certains vonten faire beaucoup, d’autres moins; certainsvont verser dans le trop-plein, d’autres dansla culpabilité ou le sentiment de rejet. L’im-pact sur la santé, physiologique et mentale,est inévitable. Le problème, c’est que lasanté au travail est encore considérée auprisme de critères indexés sur des modèlesindustriels et mécaniques: maladies décla-rées, accidents du travail. La réflexion surles organisations est rare. Or, c’est cetteréflexion qui permettrait de réaliser uneévaluation du travail réel, dans sa dimen-sion collective, d’identifier les défaillancesdes modes de coopération.

page 6

Et la crise financière que nous traversons actuellement :quels effets sur la santé au travail ?La financiarisation de l’économie a accen-tué les effets de la crise structurelle dutravail. Dans le modèle industriel, on sta-bilisait la qualité, puis on pouvait gagneren productivité et dégager des marges sansaltérer la qualité. Dans un modèle de ser-vices gagné par la finance, les cycles deperformance ont été inversés : on fixed’abord des objectifs de rentabilité et,ensuite seulement, on induit des objectifsde productivité, la qualité devenant rési-duelle et forcément non stabilisée. Entermes de santé, cela signifie que l’on pro-voque les causes de la maladie en créantd’une part un travail considéré comme«mal fait» – ce que les salariés vivent trèsmal –, d’autre part les conditions d’uneintensification sans borne du travail.

Analyste du travail, jeunes dirigeants d’entreprises et cofondateur d’Astrees tombent d’accord:si la crise actuelle correspond à une forte poussée de fièvre qu’il faut endiguer, le monde du travailn’en était pas moins déjà patraque avant sa survenue.

Les invités du réseau Anact Propos recueillis par Muriel Jaouën (journaliste)

La crise, révélatrice de dysfonc

CHRISTIAN DU TERTRE, professeur de sciences économiques,université Paris Diderot - Paris 7,directeur d’Atemis (Analyse du travail et des mutations des industries et des services)

GONTRAN LEJEUNE, président du CJD (Centre des jeunesdirigeants d’entreprise)

CComment le CJD aborde-t-il la question de la gestion de la crise ? Le CJD a été créé en 1938, après deuxpériodes très troublées, à savoir 1929 et1936. À l’époque, il s’agissait de rompreavec les pratiques d’un patronat qui n’avaitpas pris en compte la dimension humainedes entreprises. Notre discours n’a paschangé aujourd’hui : la finalité d’uneentreprise, ce n’est pas seulement gagnerde l’argent. C’est aussi engager une com-munauté de salariés dans une tripledimension sociale, sociétale et environ-nementale. Cette crise est une hydre à

travail et la santé des salariés. Deuzio, cettecorrélation n’est en rien nouvelle, elle faitl’objet d’analyses depuis le XIXe siècle et larévolution industrielle. Tertio, il est d’au-tant plus surprenant de voir à quel point celien, malgré son caractère avéré, est occultépar le management.

Les cadres nationaux impactent-ils la nature de la relation crise-santé au travail ? Il serait sans doute plus pertinent de par-ler ici de cultures nationales que de cadresnationaux. Pour autant, je ne pense pas quel’on puisse établir de généralités quant àdes bons et des mauvais élèves européens.Ce qui est frappant, c’est le décalage entrele niveau effectif de «protection» de l’emploiet le sentiment d’insécurité sociale dessalariés. En France, par exemple, où existeun cadre juridique relativement «protec-teur», le sentiment d’insécurité par rap-port à l’emploi est plus fort que dans unpays comme la Pologne.

La gestion des restructurations passepar le dialogue social…Le dialogue social ne suffit pas. Encore faut-il prendre des décisions, agir et s’assurerque tout le monde bénéficie des dispositifsmis en place. Dans les faits, le relais entre

CLAUDE-EMMANUELTRIOMPHE, cofondateur d’Astrees (Associationtravail emploi Europe société),ancien inspecteur du travail.

page 7

Y

plusieurs têtes. Elle soulève des questionsde sens: « À quoi bon perdre sa vie à vou-loir la gagner? » Elle affecte également lesanciens paradigmes de développement :avant, on produisait pour pouvoir consom-mer; aujourd’hui, on consomme pour gar-der l’emploi. Dans les entreprises, on neparle plus de travail, mais de job. Le tra-vail lui-même est devenu un produit deconsommation. Face à ces mutations, ilnous faut explorer de nouvelles voies.

C’est-à-dire ?Il est clair que le dialogue social ne fonc-tionne pas bien. Notamment parce qu’il estfondé, en France, sur l’idéologie et non surune démarche de coresponsabilité. Or,l’entreprise doit être considérée et recon-nue comme une société de capital et unecommunauté de salariés. C’est à partir deces deux identifiants que tout doit être négo-cié et décidé. Le management à partir dela tour de contrôle, c’est fini.

Comment limiter les effets de la crisesur le bien-être et la santé des salariés? Cette crise a eu pour effet, dans l’ensemblede la société civile, de faire prendreconscience de la nécessité de mettre lesrelations humaines au cœur de l’entre-prise. Avec un certain nombre d’orga-nismes, nous avons relayé la « Charte desbonnes relations humaines dans l’entre-prise », qui s’inscrit dans le cadre desréflexions sur le stress et les risques psy-chosociaux au travail, initiées courant 2008par le ministère du Travail. Il s’agit d’uncode de bonne conduite qui engage les diri-geants dans le respect d’attitudes propresà garantir des relations humaines de qua-lité dans l’entreprise.

Vous voulez dire que le bien-être au travail repose sur des attitudes ?Et sur une révision des codes organisation-nels. On est noyé dans une culture de l’hy-perperformance: je dois gagner tout, seul

et contre les autres. Il faut réhabiliter le col-lectif pour faire vivre les relations humaines.Dans mon entreprise, j’insiste beaucoupsur la mise en avant de la fragilité. Pourchaque projet, je demande à mes collabo-rateurs: « Quelles sont vos peurs? Quelssont vos attraits? Quelles sont vos tenta-tions? » Chacun doit pouvoir s’exprimer.C’est un levier d’appropriation des projetset donc de responsabilisation. Même approcheen ce qui concerne la transmission dessavoirs: quand quelqu’un ne sait pas, il estimmédiatement pris en charge par un sala-rié qui sait et qui lui explique. Autre exemple:les travailleurs pauvres. Nous avons misen place des structures qui permettent àchacun de donner l’alerte, avant de tomberdans le surendettement. Je crois égalementbeaucoup à la proximité. C’est le rôle d’uneentreprise de se poser des questions quiengagent son attachement au territoire :doit-on soutenir le club de foot? S’impli-quer dans telle action solidaire?

tionnements bien plus anciens?management et comités d’entreprises d’unepart, et entre comités d’entreprises et sala-riés d’autre part est loin de fonctionner demanière optimale. Par ailleurs, il faut bienreconnaître que les médecins du travail, etde manière plus générale les profession-nels de santé, ne s’intéressent que trèsminoritairement à l’impact sanitaire descrises. Même constat pour les inspecteursdu travail. L’inspection du travail en Franceest sans doute la seule à intégrer les restruc-turations dans son champ de compétences:elle examine les plans sociaux, les procé-dures de dialogue social associées, ellepeut émettre des constats de carence… Ehbien, malgré cela, lorsque les inspecteursdu travail pensent « plan social », ils nefont pas le lien avec la santé.

La généralisation des restructurationsappelle-t-elle de nouvelles normes en matière de gestion sanitaire ? Je ne pense pas que la solution se trouvedans la définition de nouvelles normes.L’article 5 de la directive-cadre sur la santéau travail pose que l’employeur a le devoirde s’assurer de la santé de son salarié danstous les aspects liés au travail. Les restruc-turations sont justement l’un de ces aspects.La norme existe déjà. Pourquoi en inven-ter une nouvelle?

Y a-t-il un lien avéré entre crise et santé ? On ne compte plus les études qui mettenten évidence cet impact sanitaire de la crise:qu’il s’agisse des liens entre restructura-tions et TMS et invalidité, entre fermeturesd’entreprises et surmortalité, entre planssociaux et prise de psychotropes, sansmême parler des suicides… Le rapportHires (Health in Restructuring), rendupublic le 15 janvier dernier à Bruxelles, estla première synthèse européenne desétudes scientifiques et empiriques sur lesrestructurations et leur impact sur la santédes personnes. Il fait l’objet de séminairesnationaux, baptisés Hires Plus, dans treizepays, dont la France.Sur cette équation restructurations-santé,je ferai trois constats. Primo, la crise a un impact évident sur les conditions de

TRAVAIL ET CHANGEMENT N°326 juin/juillet 2009 CÔTÉ ENTREPRISES

page 8

précédent : l’entreprise ne rem-porte plus aucun marché et la pro-duction chute. En outre, le site estreconnu pour son expertise enmatière de transformation de l’aluminium pour la fabricationd’échangeurs de chaleur.

Une mutation.

Quels impacts?

La direction décide d’investir pourmoderniser l’outil de productionet passer à l’automatisation de

ses trois lignes de produits, avecune réorganisation quasi com-plète de l’usine en trois ans. Pour

Garder les murs et tout reconstruire. C’est, en résumé, ce qu’a entrepris le site de Valeo Reims

lorsque, en 2005, la direction a dû faire un choix: fermer ou se restructurer en profondeur.

Retour sur un chantier de modernisation centré sur la dimension humaine.

VALEO REIMSSecteur: automobile

Activité: équipementier automobile, fabriquant

de radiateurs, condenseurs et refroidisseurs d’air

Effectifs: 650 salariés

Région: Champagne-Ardenne

Réorganisation en rodage

Premier point visible dèsl’ a r r i vé e s u r le s i te ,l’aménagement des espaces

a permis de créer deux zonesuniques: une pour l’expédition etune pour la réception. Sur les zonesde production, l’impression qui sedégage est celle d’une usine en…vitesse de croisière. C’est en partievrai puisque, depuis la fin 2008, lacrise économique a contraint lesite à réduire de 50 % son activité.Les contrats d’intérimaires n’ontpas été reconduits mais le chô-mage partiel n’est pas envisagé. Enfait, du côté des trois lignes récem-ment automatisées, la vitesse decroisière n’est qu’apparente :l’effervescence est palpable, notam-ment autour de la dernière lignedont les machines ont été installéesen décembre 2008. Les pannes etaléas sont encore fréquents, maisla ligne, tout comme l’ensembledu site, est encore en rodage.Bienvenue sur le site rémois del’équipementier automobile Valeo.Un site qui, en 2005, doit choisir:fermer ou continuer? À l’époque,la direction du groupe n’a pasd’autre alternative, l’usine de Reimsétant plongée dans une crise sans

Une intervention d’envergureLors de la restructuration décidée

en 2005, Valeo Reims mène de front

deux chantiers: le plan social d’un côté,

avec la réduction de 30 % des effectifs,

et la réorganisation de l’autre.

C’est, bien entendu, sur ce deuxième

front que l’Anact intervient, même si,

en toile de fond, Le Plan de sauvegarde

de l’emploi (PSE) a joué un rôle et rendu

l’approche parfois difficile. L’intervention

menée avec un comité de suivi paritaire

durera quelque dix-huit mois.

Au programme: simulation

des activités futures, conception

et construction collective

des équipements avec réflexion

sur l’évolution des compétences

(voir Travail et changement n° 313,

pages 8-9). Un travail de longue haleine

qui a vu la nouvelle organisation

s’installer en 2007 et 2008,

avec l’automatisation progressive

des trois lignes, accompagnée

d’un important volet de formation.

l’aider à engager sa démarche,l’Anact accompagne Valeo Reimssur différents volets permettantd’agir sur les conditions de travail:l’organisation, l’aménagementdes postes et le développementdes compétences sur les nou-velles lignes automatisées (voirencadré). Plus d’un an après la finde l’intervention, le temps estvenu de dresser le bilan : larestructuration et la prise encompte de ces différentes dimen-sions permettent-elles le bon

fonctionnement de l’entreprise ?Le personnel est-il plus qualifiéet bien formé ? Les conditions detravail sont-elles meilleures quandl’automatisation a en partieconcerné des postes pénibles ?Et l’entreprise est-elle relancée?Retour sur le site où différentsinterlocuteurs, du côté de la direc-tion comme de celui des salariés,s’expriment sur cette mutationréalisée en profondeur. Frédéric Bousquet, directeur dusite, tire une synthèse optimistemais réaliste: « Tous les moyensautomatisés ont été installés surle site. La nouvelle organisationportera ainsi ses fruits en 2009.Nous commençons à y voir clair,même si la crise actuelle occulteles premiers bons résultats enre-

CONTACTS

Nathalie Martinet et Michel Parlier,départementCompétences, travail et emploi de l’Anact,[email protected],[email protected]

Pascale Bossard et Romain Chevallet, départementChangementstechnologiques et organisationnels de l’Anact,[email protected],[email protected]

« Il n’y a pas eu d’échec car nous avonstenu compte des souhaits des salariés. »Rui Rodrigues (responsable de la formation)

page 9

Les équipementiers automobilesmobilisés face à la crise* Consciente de l’ampleur de la crise, la Fédération des industries des équipements pour véhicules (Fiev) s’est mobilisée autour de la qualité du travail. Jacques Monnet, délégué général, en explique la stratégie :« Aujourd'hui, nous avons à gérer l'urgence, certes, maisnous devons aussi anticiper pour préserver les compétenceset dégager les financements nécessaires pour envisager un futur à long terme. Le besoin de développer l’attractivitéde nos métiers est encore plus important qu’avant. Cette thématique fait partie intégrante de la plate-forme de concertation et d’échanges créée entre les constructeurset les fournisseurs de l’automobile, de façon à “chasser en meute”. Nous devons savoir utiliser les “opportunités” de temps disponible que nous donne la crise pour poursuivrenos efforts. Améliorer les conditions de travail, ce n’est pasdu productivisme, ni du taylorisme, c'est un enrichissement. »

* Propos recueillis lors de la journée organisée le 12 mars dernier par la Fiev et les Aract Picardie, Nord-Pas-de-Calais, Champagne-Ardenne, Ile-de-France et Haute-Normandie : « Qualité du travail et qualité de l’emploi, quels leviers pour les entreprises ? ». Actes sur www.anact.fr.

gistrés au deuxième trimestre 2008.Une partie importante du personnela été formée – avec des opérateursqui ont passé des certificats dequalification paritaire de la métal-lurgie (CQPM) de conducteurs demoyens –, et la polyvalence préco-nisée sur les trois lignes se meten place. Tous les services ont étéimpactés par l’automatisation etont mobilisé leur personnel. Nousavons fait un pari fort: nous ins-crire dans une vision à long termeet mener de front l’automatisationet la formation. Ce n’était pas uneévidence. » Bilan plutôt positif donc, et une implication forte duservice formation: « Il n’y a pas eu d’échec car nous avons tenucompte des souhaits des salariés.Nous nous sommes inscrits davan-tage dans une politique d’évolutiondes métiers. Aujourd’hui, beau-coup d’opérateurs ont été rééva-lués et revalorisés sur leursnouvelles compétences », souligneRui Rodrigues, le responsable de la formation.

Adaptation

et polyvalence

Résultats : davantage de polyva-lence, des compétences adaptées,de nouvelles qualifications acquiseset moins d’accidents. Du côté desresponsables de ligne, et en par-ticulier de la dernière à avoir étéa u t o m a t i s é e , le s p h a s e sd’adaptation aux nouveaux postesont obligé à « réimaginer le travaildes salariés et à opérer une conver-sion technique pour imaginer leproduit autrement, en intégrantles contraintes des nouveaux pro-cess ». Les techniques ne sont pasencore toutes maîtrisées et cer-taines difficultés et aléas ne pou-vaient pas être anticipés. « Nousavons tout de même rendu leslignes plus ouvertes pour faciliterla communication. Il existe désor-mais des postes clés, de supervi-seurs de production, qui disposentd’indicateurs visuels pour mieuxvoir ce qui se passe sur la ligne.Nous sommes aussi devenus dra-

qui ne fonctionnent pas de la mêmemanière… Entre la crise actuelleet l’automatisation, nous sommesinquiets des compétences quipourraient partir. En revanche, enmatière de parcours et d’évolu-tion, il est vrai qu’il y a désormais

des possibilités. Notre chance: leretour des clients qui nous deman-dent des produits de pointe.» La période ne permet évidemmentpas une totale sérénité. Le site estencore en pleine mutation car, d’icià quelque temps, deux lignes vontfusionner… Une nouvelle trans-formation qui inquiète. Mais uneprise en compte humaine quisemble désormais imprégner lefonctionnement de l’entreprise.Rendez-vous en 2010… ■

Béatrice Sarazin

JACQUES MONNET, délégué général de la Fiev

coniens sur le respect des normesde sécurité et, point important, iln’y a pas eu d’accidents à déplorerdu fait de l’automatisation », pré-cise un des responsables de ligne.Enfin, la polyvalence n’est pas, etcela était une crainte, une poly-valence « bouche-trou »: c’est uneréelle modalité d’organisation dutravail avec une compétence col-lective sur l’ensemble de la ligne. Quel est le sentiment du côté dessalariés et des organisations syn-dicales? Brigitte, Mickaël, Patrick,Nathalie, Victor, pilotes four,marieurs ou opérateurs aux postesde finition… tous soulignent quel’amélioration de leurs conditionsde travail est réelle. Certains ontparticipé aux simulations surmaquette et à la mise au pointdes machines. Ils reconnaissent yavoir gagné en intérêt du travail.La polyvalence sur les moyensautomatisés est bien vécue: moinsde manipulations, moins de fatigue,plus de variété. Mais certainspostes traditionnels, partielle-ment automatisés, restent pénibleset difficiles à tenir, donc peuouverts aux femmes. Le pluspesant semble rester le contextelié à la crise actuelle qui obligeles salariés à travailler sans les

intérimaires et à fournir, par pic deproduction, de grosses périodesd’activité. Certains ont dû aussirevenir en équipes de jour, laissantles avantages financiers que pro-curait le travail de nuit. Des chan-gements pas toujours faciles àvivre… Mais une qualité d’écoutede la part des managers est sou-lignée. Patrick Rollot, secrétairedu CHSCT, reste de son côté vigi-lant : « Depuis l’automatisation,on a l’impression d’une cadenceplus élevée. Trois lignes, trois pro-cess différents et des machines

« Nous avons fait un pari fort: nous inscriredans une vision à long terme et mener de front l’automatisation et la formation. »Frédéric Bousquet (directeur du site)

«

»

TRAVAIL ET CHANGEMENT N°326 juin/juillet 2009 CÔTÉ ENTREPRISES

page 10

Soutien de consultants, aides àla reconversion ou à la recherched’emploi… Ericsson, acteur

mondial du secteur des télécom-munications, n’a pas été avare demoyens lorsque, de 2001 à 2005, legroupe a dû réduire ses effectifs de30 % en Suède (et de 50 % dans lemonde) pour faire face à une chutevertigineuse de ses ventes. Douzemille salariés ont été mis sur la touche.Ericsson reste pourtant reconnu enSuède par les ingénieurs et les infor-maticiens comme la deuxième marquela plus populaire. Si elle n’a pas perdu sa réputation,c’est que, avec l’aide de Manpower,elle a mis en place de nombreusesmesures pour ses salariés: 9500personnes ont ainsi bénéficié d’un« programme de changement decarrière », appelé aussi « Forumdu futur ». Mille cinq cents salariéssont partis en retraite anticipée.Mille salariés ont touché des indem-nités de licenciement. Seuls centemployés ont choisi de ne profiterd’aucune mesure particulière à la finde leur période de préavis.

Reconversions variées

Le programme de changement decarrière, instauré par Ericsson et lessyndicats, vise à offrir aux salariés

En Suède, Ericsson propose à ses salariés licenciés pour motif économique des mesures

d’accompagnement pour rebondir. Ainsi 9 500 personnes ont bénéficié d’un « programme de

changement de carrière ». Une mesure très bénéfique pour l’image de marque du groupe.

ERICSSONSecteur: télécommunication

Activité: téléphonie

Effectifs: 78740 salariés dans le monde,

40000 employés en Suède (en 2005)

Région: Stockholm, Suède

Rester connecté avec le marché du travail

les accords ne soient signés. Parexemple, Manpower a aidé les mana-gers à expliquer les avantages duForum du futur, les a formés surdes méthodes de licenciement…

Au chevet de la santé

des travailleurs

Par ailleurs, des programmes desoutien adaptés à chacun ont étédéveloppés pour les salariés régu-lièrement en congé maladie pour lesreplacer sur le marché du travail.Des coopérations entre les ser-vices de santé au travail d’Ericssonet l’agence d’assurance sociale ontété instaurées. La difficulté pourcertains de trouver un nouveauposte a fait prendre conscience àManpower des problématiques desanté dans les entreprises engénéral. En effet, le fort tauxd’absentéisme dans les entreprisesreprésente un coût important pourles employeurs. C’est pourquoi lesorganisations doivent mettre enœuvre des stratégies et créer desoutils efficaces pour favoriser lasanté de leurs salariés. À partir deson expérience avec Ericsson,Manpower a ainsi développé unnouveau service dédié aux ques-tions de santé. L’entreprise d’intérims’intéresse à l’environnement detravail, la promotion de la santé…et vise à réduire l’absentéisme et lesmaladies dans les entreprises. ■

Céline Baujard (journaliste)

de nouvelles solutions financièresà long terme, plutôt que des indem-nités de licenciement valables surle court terme. Il rassure les « sur-vivants » – ceux qui ne sont pastouchés par la réduction d’effectifs– en montrant que leur employeursaura prendre soin d’eux s’ilsdevaient plus tard être licenciés.C’est aussi un moyen de ne pasternir l’image de la marque. Septmille cinq cents salariés sur les9500 ont ainsi pu, à l’issue du pro-gramme, trouver un nouvel emploi,se mettre à leur compte ou com-pléter leur formation. Durant cinqà douze mois, en fonction de lad u ré e d e t ra va i l a u s e i n d el’entreprise, les salariés se sontvus offrir différents services tout enrestant chez Ericsson et en conser-vant l’intégralité de leurs droits etde leurs salaires.Accompagnementsindividuels (accompagnement duchangement, plan de développe-ment…), séminaires de groupes,programmes de développementdes compétences… les salariés ontégalement pu profiter des servicesde recrutement de Manpower etde ses réseaux. Le gouvernement suédois a soutenule projet en dédiant spécifiquementune équipe de consultants pourassister les salariés de l’entreprise.En amont, ce programme a égale-ment permis de former les res-ponsables et les professionnels desressources humaines à la prépa-ration de la restructuration avant que

Ericsson est un fournisseur d’équipement de télécommunication et de services connexes pour les réseaux fixes et mobiles, à l’échelle mondiale. Il a été créé en 1876. Son siège social est à Stockholm, en Suède, et il possède également des filiales dans plus de 50 pays. Cet exemple d’entreprise est issu du rapportHires (Health in Restructuring) dont la version française est disponible sur www.anact.fr.

Un groupe planétaire

3 % du PIB de la Suède: c’est la contributiond’Ericsson en 2000.

page 11

En l’espace d’un an, les effec-tifs de Techniplast ont presquefondu de moitié. Cette entre-

prise de la filière plasturgie, spé-cialisée dans la fabrication d’ha-billage de flacons de parfum, doitfaire face depuis début 2008 à uneimportante baisse d’activité. Lessalariés en contrat d’intérim ou encontrat à durée déterminée, quiintervenaient dans le domaine dela production, n’ont de ce fait pasété renouvelés en attendant desjours meilleurs. Engagée dans undiagnostic de son organisation avecl’Aract Haute-Normandie, Techni-plast n’a cependant pas souhaitéarrêter le projet malgré ces diffi-

cultés conjoncturelles. «Au contraire,c’est dans les périodes de faibleactivité que l’on peut réfléchir à l’organisation du travail, estime Frédéric Simian, responsable deproduction. Quand le carnet de com-mandes est plein, il faut produire

vers les autres et de travaillerensemble, explique Frédéric Simian.Les difficultés de communication ont en effet un impact sur notreefficacité. Elles génèrent une non-qualité alors que dans une tellepériode nous devons être plus per-formants que jamais. »

Une qualité améliorée

La première phase a donc consistéà expliquer l’intérêt de travailleren bonne intelligence. Les indica-teurs de performance mis en placesont communs, et chaque serviceagit dessus. Les niveaux de contrôlesur la fabrication en cours ont aussiété hiérarchisés. «L’idée est d’ar-river à les adapter heure par heurepour faire du contrôle plus intelli-gent, précise Frédéric Simian. Celapermet aux personnels de seconcentrer sur les réels points dedifficultés. » Résultat : la non-qualité, c’est-à-dire les rebuts et/oules réclamations clients, a été diviséepar trois. Le travail de double impli-cation – celle du producteur dans laqualité et celle du contrôleur dansla production – porte ainsi ses fruits.Menées en période de baisse d’activité, ces actions ont permis àTechniplast de continuer à avancer.«Quand l’activité va redémarrer, il faut que nous soyons prêts »,conclut Frédéric Simian. ■

Caroline Delabroy (journaliste)

coûte que coûte, et nous n’avonspas le temps de traiter ces sujetscomme des priorités. Alors, autantsaisir l’opportunité. » Le diagnostic a permis de confirmerdes dysfonctionnements concer-nant la communication entre ser-vices, et l’organisation interne. Uneréflexion a ainsi été menée sur lemanagement, qui a été structuré.

Des responsables de services ont,par exemple, été désignés pour lecontrôle qualité. Avec comme objectifune meilleure connaissance dumétier de chacun. « Il s’agit demettre en place une organisation quipermette aux gens d’aller les uns

TECHNIPLASTSecteur: plasturgie

Activité: fabrication d’articles de packaging

pour la parfumerie

Effectifs: 25 salariés

Région: Haute-Normandie

Un parfum de changement dans l’airMoins de commandes mais plus de temps pour réfléchir à l’organisation. Techniplast, PME de la

filière plasturgie, perçoit cette période de baisse d’activités comme une opportunité pour

structurer le management et améliorer la communication interne.

CONTACT

Corinne Grandou, AractHaute-Normandie,[email protected]

« C’est justement dans les périodes de faible activité que l’on peut réfléchir à l’organisation du travail. » Frédéric Simian (responsable de production)

Une vision plutôt positive de l’avenirFaire en sorte que le produit imaginé par un designerdevienne une réalité industrielle, tel est le métier de Techniplast qui peut prendre en charge des projets de A à Z. Un bureau d’études s’attelle à la partie conception-réalisation, et un atelierd’injection plastique prend le relais en production. Les opérations de finition et d’assemblage, jusque-là réalisées en sous-traitance, ont été rapatriées au sein de l’entreprise pour pallier la baisse d’activité. De fait, avec la crise,

« l’activité en termes de production a été divisée par trois», indique Frédéric Simian,responsable de production. L’état d’esprit, pour autant, n’est pas au défaitisme. « Nous avons aujourd’hui des produits en développement, ce qui nous donne une vision plutôt positive de l’avenir, poursuitFrédéric Simian. Mais il va falloir le temps de les développer et de les produire. Toute cette période-là, il va falloir la passer. »

TRAVAIL ET CHANGEMENT N°326 juin/juillet 2009 CÔTÉ ENTREPRISES

page 12

La demande a d’abord émanédes syndicats. Face aux diffi-cultés croissantes que connais-

sait la filière automobile de la régionFranche-Comté, cela dès avant lacrise, les partenaires sociaux étaientsoucieux de mettre au point un outilqui, après une rupture du contratde travail, faciliterait le passagedes salariés d’une entreprise à uneautre. Le principal objectif était queces travailleurs voient officielle-ment reconnus leurs compétenceset savoir-faire et ne perdent pas lesavantages qui y sont liés. C’est dansce cadre que, en juin 2008, le secré-tariat général aux Affaires régio-nales (Sgar) de la préfecture deFranche-Comté a impulsé la créa-tion d’un groupe de travail.L’Association nationale pour la for-mation professionnelle des adultes(Afpa) s’en est vue confier l’anima-tion. Ce groupe a réuni la directionrégionale du travail, le conseil régio-nal, l’ANPE, l’Union de l’industrie et

La région Franche-Comté expérimente un passeport professionnel, validé dans sa forme par les

partenaires sociaux. Il est destiné à s’inscrire dans une démarche de reconnaissance et de

transférabilité des compétences du salarié d’une entreprise à une autre.

Passeport professionnel pour un parcours sans encombre

doivent être réalisés d’ici à septembreavec l’Afpa, l’UIMM et le Pôle emploi.Fact (Aract Franche-Comté) est char-gée, depuis janvier 2009, d’évaluercette expérimentation. Il faut en effets’assurer que ce nouvel outil ne vientpas s’ajouter inutilement à la liste –déjà longue – de ceux qui existentdéjà (comme le bilan de compétences,le portefeuille compétences, le pas-seport européen…). «C’est un outilde plus si on le considère simple-ment comme tel, explique DidierThomas, directeur de Fact. Mais ilen va tout autrement s’il sert une

démarche qui permet au salarié detravailler sur ses compétences, demieux se les approprier, de savoiren parler, de les mettre en pers-pective par rapport à une qualifica-tion, voire une certification. Dans cecas, cet outil a du sens.» Christian Valenza pointe égale-ment la plus-value envisageable«à partir du moment où cet outils’inscrit dans la politique RH del’entreprise. Cela permet à celle-ci d’avoir une photographie del’évolution et des besoins en com-pétence». Toutefois, la crise actuellechange quelque peu le contexte.Les mobilités étant davantagesubies que choisies, il importe sansdoute, plus que jamais, que ce pas-seport professionnel ne soit passeulement initié après la sortie del’emploi mais, au contraire, fasse,en amont, l’objet d’une appro-priation tant par les entreprisesque par les salariés. ■

Caroline Delabroy

des métiers de la métallurgie (UIMM)et les organisations syndicales CGT,CFDT et CGC. La réflexion a portésur la création d’un passeport pro-fessionnel, qui serait un véritablejournal de bord du salarié. « Nousavons travaillé à dégager les prin-cipes liés à la mise en œuvre d’untel outil, précise Christian Valenza,directeur régional de l’Afpa Franche-Comté. À quoi pouvait-il servir ?Quelle pouvait être sa plus-value?Comment l’utiliser? Autant de ques-tions qui nous ont permis de déga-ger six principes de base. »

Le premier de ces principes est quele passeport professionnel est lapropriété du salarié et doit pouvoirêtre enrichi tout au long de la vieprofessionnelle. Ensuite, il doit êtreun outil de sécurisation des par-cours qui s’inscrit dans une démarchecontractualisée par les partenairessociaux (voir encadré). Son but estde faciliter les transitions profes-sionnelles, y compris intersecto-rielles. Ce qui induit le cinquièmeprincipe stipulant que la mise enœuvre du passeport passe par l’accompagnement spécifique dessalariés, à l’intérieur comme à l’extérieur des entreprises. Enfin,ce document doit être valorisantpour les salariés.

Le temps des tests

Sur la forme, ce passeport a été validépar la commission paritaire inter-professionnelle régionale de l’emploi(Copire). Il est à présent en périodede test. Quelque 150 passeports

« C’est un outil de plus si on le considèresimplement comme tel. » Didier Thomas (directeur de Fact)

Une mise en œuvre qui posequestionsSi un accord a été dégagé sur la forme que devra prendre le passeport professionnel, les négociations sur sa mise en œuvre sont toujours en cours. « Or son expérimentation n’est pas suffisamment dirigéevers des salariés en activité, s’inquiète Jacques Bauquier,secrétaire régional CGT de Franche-Comté. Comment évaluerun outil avec des salariés qui sont demandeurs d’emploi et dont le passeport n’aura pas été rempli avec leurs employeurs ? La question qui reste aussi à régler estcelle de l’autorité qui va valider ce passeport. C’est un outilde certification des compétences acquises des salariés et de validation de la formation professionnelle qualifiante. À ce titre, il doit être reconnu au sein des entreprises, par les employeurs, et transférable entre entreprises. »

page 13

HARRY TOURET, directeur général adjoint ressources humaines

GROUPE SEBSecteur: industrie

Activité: fabriquant de petit électroménager

et articles culinaires

Effectifs: 20000 salariés

France, 10 sites industriels

s’est organisée autour de quatreprincipes: le temps, trois annéespour mener le projet à terme; desmoyens appropriés pour soutenirla réalisation de projets personnels

et favoriser des mesures de mobi-lité au sein du groupe; le finance-ment complet par l’entreprise depréretraites; et, enfin, la recherched’entreprises dotées de véritablesprojets industriels afin de reprendreles sites et de ne pas laisser defriches industrielles », expliqueHarry Touret, directeur généraladjoint ressources humaines.D’emblée, la communication auprèsdes salariés permet de poser lesbases de la restructuration. Et delimiter ses effets sur la santé et lesconditions de travail : « La pro-ductivité a diminué, cela est vrai.Mais la capacité de mobilisationest restée entière sur la plupart dessites. Les salariés ont continué àtravailler tout en se préoccupant dela gestion de leur emploi et de lapréparation de leur futur. Mêmesi trois années, il faut l’avouer,c’est assez long, pour les salariéscomme pour les managers »,résume Harry Touret. Deux cabi-nets de consultants ont accom-pagné le groupe: l’un pour l’emploiet la mobilité des salariés, l’autrepour accompagner la réindustria-lisation des sites. Objectif atteint

puisque les trois usines ont étéreprises par des entreprises qui ontembauché des opérateurs de Seb. Au final, la facture s’élève à plus de80 millions d’euros pour l’ensemblede l’opération… Le prix à payerpour l’anticipation et la gestiond’un dispositif complexe, lorsquel’entreprise est en capacité de lefaire. Sur l’ensemble des person-nels concernés, 97 % ont étéreclassés. ■

Béatrice Sarazin

«Gérer à froid, prendrele temps pour ne lais-ser personne au bord

du chemin.» C’est ainsi que RémiDescosse, directeur général adjointindustrie du groupe Seb, synthé-tise les principes clés qui ont pré-sidé au plan de restructurationentrepris par le groupe, l’obligeantà fermer les sites de Fresnay, Dampierre et des Vosges et à seséparer de 890 personnes, entre2006 et 2008. À cette époque, l’en-

treprise est en bonne santé finan-cière. Mais certains indicateurspeuvent rapidement virer au rougesi l’outil productif n’est pas adaptéà la concurrence des pays de l’Estet d’Asie. « Les choix ne se font pasau hasard… Nous devions renfor-cer nos pôles de compétences pouraccélérer l’innovation produits etprocessus de production, tout enredressant la rentabilité de cer-taines familles de produits », pré-cise Rémi Descosse. Pour résoudrel’équation entre coût de la main-d’œuvre directe et capacités d’in-novation, le leader mondial fait doncle choix de « sourcer » certains pro-duits. Mais la dimension socialedoit primer.

Trois années

d’accompagnement

Le groupe joue donc la carte del’anticipation pour laisser la placeà une prise en compte humainede la restructuration : action àfroid, donc, avec une réductiond’effectifs programmée sur troisans, et un accompagnement des890 salariés. « La restructuration

Durant trois années, le groupe Seb a mené une restructuration pour adapter son outil productif.

Huit cent quatre-vingt dix personnes ont été accompagnées pour poursuivre leur carrière hors

ou dans le groupe. Pas de drame grâce à un principe fort: l’anticipation.

L’intendance à froid

Un accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC)

Il y a deux ans, le groupe Seb a également négocié un accordde GPEC autour de deux volets. « Un volet offensif pourmaintenir l’employabilité. Des conventions avec l’État et l’Afpaont permis de monter un dispositif de formations qualifiantesque 400 personnes, la première année, ont déjà demandées.Et un volet défensif que nous venons d’appliquer sur le site de Pont-Évêque (Isère) – réduction d’une centaine de postespour redresser la compétitivité fortement compromise àcause de la crise actuelle. Il s’agit pour les seniors d’alternerdes périodes de plein-emploi (jusqu’à trois mois par an) etune dispense d’activité pour le reste de l’année sur le principe de la saisonnalité de l’activité. Ils conservent leur contrat de travail, leurs avantages sociaux et, de plus, leurrémunération maintenue à 65 % en période de non travail. Cela permet de gérer la dernière partie de carrière dessalariés, sans aucun licenciement », explique Harry Touret.

«

»

« Gérer à froid, prendre le temps pour nelaisser personne au bord du chemin. » Rémi Descosse (directeur général adjoint industrie)

TRAVAIL ET CHANGEMENT N°326 juin/juillet 2009 ALLER PLUS LOIN

POINTS DE VIGILANCE

Pourquoi parler de conditions de travail en temps de crise ?

• PARCE QUE LES RESTRUCTURATIONS

S’ACCÉLÈRENT

– Des réorganisations rapides peuvent avoir lieu – Des salariés s’en vont et leurs compétences

disparaissent– De nouveaux marchés et produits apparaissent– Les exigences sont encore plus grandes

• PARCE QUE LA SANTÉ DES SALARIÉS EST EN JEU

– Intensification due aux équipes restreintes – Augmentation du stress et des risques psychosociaux– Augmentation des troubles musculosquelettiques– Perte de sens et sentiment d’injustice plus forts

E Dans un moment de changement profond,

organisation et conditions de travail constituent

plus encore des facteurs de développement

stratégiques qui permettront de traverser la

crise. Et de préparer plus sereinement la

reprise.

Que peut-on faire pour s’emparer de ce sujet ?

Qui mobiliser?

1 2

3

• PRODUCTION, MAINTENANCE,

SERVICE D’INGÉNIERIE

ET RESSOURCES HUMAINES

– Faire dialoguer les différentes entités de l’entreprise pour trouverdes solutions adaptées

– Former et accompagner le management intermédiaire

– Redéfinir les relations avec les clientset les fournisseurs (stocks, délais de livraison, etc.)

• RAPPROCHER LA DIRECTION

DES RESSOURCES HUMAINES

ET LES SERVICES RESPONSABLES

DE LA SANTÉ AU TRAVAIL

– Analyser les situations nouvelles de travail et les postes avec le médecin du travail

– Faire intervenir le CHSCT dans le cadre de ses prérogatives(consultation mais aussi analyse du travail et enquête)

– Mettre en place un dialoguepermanent avec les représentants du personnel ou les délégués

• FAIRE APPEL À DES

COLLABORATIONS EXTERNES

– Services de l’emploi et du travail :faciliter le recours au chômage partielou à des formations qualifiantes

– Région : financement et besoinsd’aides

– Partenaires sociaux des branches et des territoires : soutenir le dialoguesocial territorial

– Le réseau de l’Anact (le fonds Fact) ou des consultants spécialisés en organisation du travail ou en restructuration d’entreprises

E De nombreuses ressources sont mobilisables, notamment sur les territoires. Lorsque l’entreprise

s’est enrichie des réflexions des acteurs externes, a procédé à une consultation du personnel, il est

parfois plus facile d’avancer et de redonner confiance aux salariés.

page 14

• À COURT TERME = À CHAUD

– Favoriser les coopérations – Dynamiser le dialogue social – Communiquer pour rassurer ou informer

objectivement de la situation – Prévenir les risques – Éviter le fonctionnement en mode dégradé

• À LONG TERME = À FROID

– Repenser les organisations – Anticiper les effets sur l’emploi, les métiers

et les compétences – Identifier les compétences critiques et anticiper

les besoins – Construire un plan d’action, notamment

s’il y a des reconversions professionnelles

E S’inscrire dans des approches en deux

temps participe à la réflexion sur la stratégie

de l’entreprise et pose, en anticipant, la question

de l’employabilité des salariés et la capacité de

régulation de l’organisation.

« Alternatives au licenciement:

les entreprises tentent d'amortir

la crise », Entreprise & carrières,n° 946, 17 mars 2009, pp. 23.

« Manager dans la tourmente »,

Lucie Delaporte et Lionel Steinmann,Enjeux - Les Échos, n° 254, février 2009, pp. 30-44.

« Négocier un accord GPEC

en temps de crise est

contre-productif », Fanny Bachelet,Liaisons sociales, n° 99, février 2009,pp. 6-7.

« Chômage technique? Pensez

formation », L’Usine nouvelle,n° 3136, 26 février 2009, pp. 44-50.

« C’est le creux de la vague,

préparez l'avenir », Olivier Vassal, L’Expansion Management Review, n° 130, septembre 2008, pp. 9-61.

« Anticiper et accompagner

les mutations des entreprises

et des territoires », dossier de Travail et changement, n° 311,novembre-décembre 2006, 16 p.

« Anticiper les restructurations

et les mutations économiques »,

Knock Billy, Inffo Flash, n° 689,novembre 2006, pp.17-20.

« L’Europe doit s’intéresser

aux restructurations »,

Claude-Emmanuel Triomphe,Liaisons sociales Europe, n° 164,décembre 2006, pp. 5-8.

« Qualité du travail, qualité de

Certaines formes de gestion des compétences, en laissant lessalariés seuls aux prises avec les exigences qui leur sont prescrites,se réduisent, de fait, au pur contrôle des comportements. Mais iln’y a là rien d’inéluctable, pour peu que soit mis en œuvre unauthentique « management du travail » qui conjugue exigencede performance et soutien organisationnel aux salariés. Il s’agitd’un véritable changement de paradigme, indispensable à toute entreprise qui sou-haite manager l’initiative, l’autonomie et la responsabilité qu’elle attend de ses col-laborateurs. Issu d’un séminaire réunissant chercheurs, consultants et intervenantsdu réseau Anact, l’ouvrage fait le bilan critique et approfondi d’une dizaine dedémarches conduites dans les entreprises petites et grandes. Il dégage les nécessitésd’un véritable management du travail et propose des solutions opérationnelles.

Du management des compétences au management du travail, coordonné par Bernard Devin, Christian Jouvenot et Florence Loisil, éd. de l’Anact, 2009. 304 p. Pour commander : www.anact.fr

TRAVAIL ET CHANGEMENT, le bimestriel du Réseau Anact pour l’amélioration des conditions de travail.Directeur de la publication : Jean-Baptiste Obéniche – directeur de la rédaction : Gilles Heude – responsable des éditions : Sylvie Setier – rédactrice en chef : Béatrice Sarazin, [email protected]éalisation Reed Publishing – chef de projet : B. Lacraberie ; journalistes : C. Baujard, C. Delabroy, M. Jaouën ; secrétaire de rédaction : G. Hochet ; illustrateur : Tino ; directri-

ce artistique : A. Ladevie ; fabrication : M-N Faroux – 2, rue Maurice-Hartmann, 92133 Issy-Les-Moulineaux – impression : imprimerie Chirat, 744, rue Sainte-Colombe, 42540 Saint-Just-La-Pendue. Dépôt légal : 3e trimestre 2009. Une publication de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, 4, quai des Étroits, 69321 Lyon Cedex 05, tél. : 04 72 56 13 13.

Comment procéder à des restructurationssocialement responsables dans le contexte de la crise actuelle, InnovativeRestructuring EuropeanNetworks of Experts,janvier 2009: un rapport de l’association Travail emploiEurope société (Astrees),téléchargeable surwww.astrees.org/crise-et-gestion-des-restructurations---rapport-final-irene_fr_70_art_198.html

Sommet et crise sociale : de nouvelles voies sontouvertes ? Interrogation du Centre des jeunes dirigeants sur www. cjd.net

Téléchargez le rapport Hires(Health and Restructuring),La Santé dans les restructurations: approches innovantes et recommandations de principe, sur

www.anact.fr

à l

ire OUVRAGES ET RAPPORTS

Les Restructurations d'entrepriseset leur impact sur la santé:exemples d'approches innovantesen entreprise, Thomas Kieselbach et Debora Jeske, Monitoring InnovativeRestructuring in Europe, 2009, 43 p.

Conséquences des fusions-acquisitions sur la gestion de la main-d’œuvre: une analyseempirique sur données françaisespour la vague de la fin des années1990, Matthieu Bunel, Richard Duhautois et Lucie Gonzalez,direction de l’Animation de la recherche,des études et des statistiques, coll.« Document d’études », janvier 2008, 97 p.

Les Cadres à l'épreuve des mutations:confiance, méfiance, défiance,Alain Pichon, Presses universitaires de France, coll. « Sciences sociales et sociétés », 2008, 239 p.

Gérer les conflits autrement:méthode de négociation et de résolution des conflits, WilliamUry, Jeanne Brett, Stephen Goldberg,François Mancy et Jacques Dermagne,A2C Medias, 2008, 254 p.

Les Mutations des industries et des services, Myriam Campinos-Dubernet, Marie-Christine Comes et Dominique Redor, Octarès éditions,2007, 201 p.

Flexi-sécurité: l'invention des transitions professionnelles, Danielle Kaisergruber, éd. de l’Anact,octobre 2006, 132 p.

Mieux vivre les restructurations:anticiper et coopérer, DominiqueThierry, Jean-Noël Tuillier et Jean-Pierre Aubert, éd. d’Organisation, coll.« Développement et emploi », 2003, 163 p.

ARTICLES« Les conditions de travail, parents

pauvres de la crise? », lettre de l’Aract de Haute-Normandie, Au filde l’Aract, n° 28, avril 2009, 8 p.

« Passer la crise sans perdre

ses forces vives », L’Usine nouvelle,n° 3143, 16 avril 2009, pp. 44-46.

DU MANAGEMENT DES COMPÉTENCES

AU MANAGEMENT DU TRAVAIL

su

r le

we

bs

ur

an

ac

t.fr