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Le Canada toujours à la croisée des chemins
Le Canada toujours à la croisée des chemins
1 Le Canada toujours à la croisée des chemins
% de la population
suivie par un médecin
de famille
Le Canada est, à juste titre, fier de son système de santé. Conçu à l’origine pour offrir une assurance hospitalisation aux habitants
d’une seule province, il est devenu, cinquante ans plus tard, un régime d’assurance maladie universelle couvrant 36 millions
de personnes. Le système a ses lacunes et les Canadiens en sont conscients. Il leur suffit toutefois de se comparer à leurs voisins
du Sud pour se rendre compte que les soins de santé leur coûtent deux fois moins cher alors qu’ils vivent plus longtemps
et en meilleure santé. Tommy Douglas, qui a pavé la voie au régime d’assurance maladie canadien, fait figure du héros national
au pays.
faut avouer que bien qu’il soit relativement nouveau, le régime canadien demeure très traditionnel. Parce que le Canada a tardé
à adopter des innovations comme le regroupement des soins, l’optimisation de la valeur et la multidisciplinarité des équipes,
le personnel peine aujourd’hui à répondre à la demande croissante de soins d’une population vieillissante. Les listes d’attente sont
longues. L’accueil de patients dans les couloirs constitue un grave problème, une personne sur six n’a pas accès à un médecin
de famillei et les cas d’épuisement professionnel se multiplient.
Dans un récent articleii, la revue The Lancet reprochait
au Canada sa lenteur à entreprendre une réforme pour
améliorer la formation, ainsi que la productivité
et l’efficacité de son régime.
Le système canadien n’est pas
à proprement parler en crise, il fait plutôt
du surplace. Dans l’ouvrage In Search
of the Perfect Health System publié
en 2015, l’auteur comparait les régimes
de santé dans diverses régions du monde,
consacrant un chapitre au Canada qui,
selon lui, se trouvait « à la croisée des
chemins ». De toute évidence, peu
de progrès ont été réalisés depuis.
Le régime d’assurance maladie universelle favorise
la cohésion sociale et la solidarité, et si la fierté des Canadiens est justifiée, elle ne doit
pas être complaisante. Dans un récent sondage du Commonwealth, le Canada
se classe en queue de peloton en matière d’équité, de résultats et d’accèsiii. À moins
qu’il n’entreprenne une réforme radicale, son modèle de soins de santé universels
pourrait bientôt atteindre ses limites.
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2Le Canada toujours à la croisée des chemins
La situation en chiffres
Services en milieu rural
Par rapport à d’autres pays de l’OCDE, le Canada affiche une
faible densité de médecins. Avec un coefficient de seulement
2,7 médecins et 9,9 infirmières pour 1 000 habitants,
le Canada se classe respectivement au 26e et au 16e rang sur
un total de 36 paysiv.
Cela n’a pas toujours été le cas. Dans les années 1970,
la proportion de médecins par rapport à la population était
l’une des plus élevées au monde. À tel point qu’en 1992,
le rapport Barer-Stoddart sur les ressources humaines
concluait que le Canada comptait trop de médecins.
Le gouvernement canadien a réagi en prenant une série
de mesures, réduisant de 10 % les inscriptions en faculté
de médecine, imposant des restrictions d’exercice aux
titulaires de diplômes étrangers et adoptant des politiques
pour plafonner la rémunération des médecins, provoquant
une fuite de cerveaux vers les États-Unis. En 2000, le nombre
annuel net de nouveaux médecins amorçant une carrière
au Canada était tombé de 1 040 à 313v. C’est ce qu’on
appelle passer de l’abondance à la famine.
L’équilibre s’est quelque peu rétabli depuis. Pour contrer
la chute du coefficient de médecins, le gouvernement a révisé
sa tactique. Ainsi, de 2003 à 2013, le nombre d’emplois
disponibles a bondi de 48 %vi. Il est de notoriété publique que
les diplômés internationaux ont fortement contribué à combler
l’écart. En 2015, plus du quartvii des médecins exerçant
au Canada avaient obtenu leur diplôme dans un autre pays.
Les titulaires de diplômes étrangers ont joué un rôle
particulièrement important pour assurer la prestation de soins
dans les régions rurales et éloignées. Bien que celles-ci
accueillent près du cinquième de la population du pays,
seulement 10 % des médecinsviii y travaillent -- ce faible
pourcentage étant aggravé par une répartition inégale.
Le Canada est le deuxième plus vaste pays au monde et 95
% de son territoire se trouve en zone rurale où les médecins
de famille composent entre 72 et 84 % des effectifs
médicauxix. En plus des soins primaires, ceux-ci sont souvent
appelés à prodiguer des soins d’urgence, des soins
secondaires, voire parfois des soins tertiaires – grâce aux
outils leur permettant de travailler en jumelage avec des
spécialistes des grands centres.
Certes, la tâche est exigeante et à la pénurie de médecins
s’ajoute le taux de roulement élevé. En 2007, la durée des
mandats des médecins en région s’établissait à 9,5 ans contre
12,6 ans dans les zones urbainesx. Les régions rurales ont
pu compter sur le soutien de nombreux diplômés
internationaux en vertu de permis de travail restrictifs assortis
d’une « obligation de service ». Toutefois, même si les
diplômés étrangers sont plus nombreux à s’installer en région,
ils sont moins enclins que leurs homologues canadiens
à y rester.
Pour permettre aux habitants des régions d’accéder aux soins
de santé, diverses initiatives ont été mises en place – réseaux
régionaux, télémédecine, augmentation des actes confiés
à des non-médecins, etc. – dont certaines sont
particulièrement dignes de mention.
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3 Le Canada toujours à la croisée des chemins
En Nouvelle-Écosse et en Saskatchewan, les médecins
utilisent une liaison vidéo standard combinée à une
technologie d’analyse diagnostique et à des outils robotisés
contrôlés à distance pour examiner les patients des régions
difficiles d’accès, poser des diagnostics et assurer le suivi.
Avec le soutien des travailleurs médicaux sur place, ils
peuvent ainsi utiliser des instruments d’auscultation –
stéthoscopes, appareils à ultrasons, électrocardiographes
et autres – connectés pour voir, toucher et entendre le patient
à distance, contribuant ainsi à pallier la pénurie
de main-d’œuvre dans ces collectivitésxi.
Au Nunavut, autre vaste territoire composé de petites
collectivités disséminées et parfois très isolées,
la télémédecine constitue une option vitale pour les enfants
et les jeunes aux prises avec des problèmes de santé
mentale. Le partenariat établi entre Nunavut Telehealth
et l’Hospital for Sick Children de Toronto permet aux patients
et aux intervenants en santé mentale du Nunavut
de communiquer avec des spécialistes à Toronto. Ces
derniers ont ainsi la possibilité de poser un diagnostic
et de proposer un traitement, mais également de partager leur
expertise et leurs compétences avec les fournisseurs en soins
de santé locaux, améliorant ainsi la prestation de services
en région éloignéexii.
L’École de médecine du Nord de l’Ontario illustre bien les
mesures prises en amont pour aplanir les disparités
en matière de répartition des effectifs. Première école
de médecine à ouvrir ses portes au Canada depuis 50 ans,
elle a été créée pour favoriser le recrutement et la rétention
de diplômés en médecine familiale dans les régions rurales.
Dans une mesure de 92 %, les étudiants en médecine
de cette université ont grandi dans le nord de l’Ontario, les
autres provenant d’autres régions rurales ou éloignées
du pays. Une politique qui porte ses fruits puisque plus de 70
% des résidents choisissent de s’établir dans une collectivité
rurale après leurs études. Malgré les coûts élevés d’une telle
politique, l’investissement dans la collectivité locale a donné
à la région un élan économique estimé entre 122 et 134
millions de dollars (2016/2017) xiii.
Cette orientation est encouragée par le Collège des médecins
de famille du Canada (CMFC). Dans son mémoire
prébudgétaire (2019) au Comité permanent des finances
de la Chambre des communes, le CMFC souligne que 28 %
de la population active du Canada vit dans des régions rurales
où, dans de nombreux cas, le soutien en matière de soins
de santé est insuffisant ou inadéquatxiv. Les politiques
s’inspirent souvent de modèles urbains qui ne répondent pas
aux besoins des populations locales – et en particulier, à ceux
des communautés autochtones, ce qui aggrave les inégalités
existantes en matière de santé.
Le document du CMFC propose de donner aux régions
la capacité d’innover et fait à cette fin deux
recommandations : premièrement, que le financement des
services de santé en région soit proportionnel au nombre
d’habitants (soit 18 % du budget pour 18 % de la population)
et, deuxièmement, que le développement de solutions locales
soit confié à un réseau pancanadien de générateurs
d’innovation en santé rurale.
Une deuxième mention spéciale en enseignement
de la médecine revient au Cursus Triple C axé sur les
compétences du CMFC qui vise à arrimer les compétences
des ressources en soins de santé aux besoins des
populations locales. Les programmes de résidence offerts
dans le cadre de cette initiative définissent les compétences
requises pour l’exercice de la médecine familiale en région.
Tout en étant soumis aux mêmes exigences de base fixées
par le Collège, les diplômés sont mieux préparés pour
répondre aux besoins de la population locale et relever les
défis qui s’y rattachent.
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4Le Canada toujours à la croisée des chemins
Soins primairesLa pénurie de médecins de famille ne sévit pas qu’en région.
Selon l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS),
aujourd’hui, un Canadien sur six ne serait pas régulièrement
suivi par un médecin de famille.
Le problème est en partie historique, la médecine familiale
ayant longtemps été une option peu populaire. Dans les
années 1990, l’image du médecin de famille surmené,
sous-payé et peu apprécié a fait fléchir la proportion
d’étudiants optant pour la médecine familiale comme premier
choix de spécialité. En 2003, cette proportion atteignait
le niveau plancher de 25 % (fig. 1)xv.
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En 2004, un certain nombre d’initiatives
lancées simultanément par les
gouvernements et des établissements
d’enseignement – programmes de mentorat
pour les stagiaires, modernisation des
programmes d’études, incitatifs financiers,
etc. – ont eu une influence favorable. Entre
2001 et 2013, le nombre de programmes
de résidence au Canada a triplé et les
inscriptions ont plu que décuplé (fig. 2).
Source: Revue de la médecine familiale dans les régions
rurales et éloignées du Canada : éducation, pratique
et politiquesHommes
Révision despolitiques
45 %
Sommet (femmes)
40 %
35 % 35%
25%
36%
Femmes Premier choix
SOMMET
20 %
Plancher (hommes)
15 %
Plancher (femmes)
30 %Sommet (hommes)
PLANCHER 25 %
Source : Revue de la médecine familiale dans les régions rurales et éloignées du Canada : éducation,
pratique et politiques
* À l’exclusion des 38 programmes du volet DHCEU et des 33 programmes des Forces armées.
† Suite à la deuxième itération, la proportion de postes comblés a atteint 97 % en 2013.
Contingents attribués Hausse de 303 %!
Hausse de 300 %!
Hausse de 1 159 %!
Nombre de programmes
Nombre de demandes d’admission
Proportion de postes comblés
2001 2013
1,424469
87*29
49,0085,093
79% 92%†
5 Le Canada toujours à la croisée des chemins
Aujourd’hui, environ 38 %xvi des diplômés choisissent
de se spécialiser en médecine familiale et les médecins
de famille constituent 51 %xvii de tous les médecins exerçant
au Canada. Ce n’est donc plus la pénurie – mais plutôt
la productivité – qui pose maintenant problème.
Les causes de l’écart de productivité sont multiples
et le modèle de prestation centré sur le médecin et assorti
d’un mécanisme de remboursement qui favorise le volume
plutôt que la valeur en fait certainement partie.
Si la médecine familiale est centrée sur le médecin, c’est que
ce dernier est au cœur du système de prestation de soins.
Certains professionnels œuvrant dans des domaines
connexes, comme les infirmières et les physiothérapeutes,
sont souvent sous-utilisés parce que leurs services ne sont
pas directement facturables.
Il serait utile ici de rappeler l’historique de la relation entre
la profession médicale et le système d’assurance à payeur
unique. Lorsque ce système a été introduit en Saskatchewan
en 1962, il s’est heurté à l’opposition du milieu médical. Les
médecins ont même fait la grève pendant 23 jours, arguant
que le fait de travailler directement pour le gouvernement
brimerait leur autonomie professionnelle et leur liberté
de décision. Les parties en sont finalement arrivées à une
entente selon laquelle les médecins s’engageaient à participer
au programme à condition de conserver leur statut
d’entrepreneur indépendant et d’être rémunérés à l’acte
(et non comme employés et salariés comme d’autres
professionnels de la santé). L’« accord de Saskatoon »,
comme on l’a appelé par la suite, a servi de modèle aux
autres régimes instaurés au Canada. Pendant des décennies,
ce cadre de prestation de soins primaires a régi les activités
des professionnels de la santé, principalement celles des
médecins travaillant seuls ou en petits groupes.
Cela dit, même les cabinets prêts à engager davantage
de membres de professions apparentées ont des obstacles
à surmonter, notamment sur le plan législatif, la liste
de ce qu’un professionnel peut ou ne peut pas faire différant
sensiblement d’une province à l’autre. En Ontario, par
exemple, les infirmières praticiennes sont autorisées
à prescrire des médicaments, à demander des tests
et à signer les congés des patients, ce qui en fait
de précieuses ressources pour la prestation de soins
primaires dans les
régions rurales et éloignées du nord de la province. Dans
d’autres provinces, cependant, le champ d’exercice des
infirmières praticiennes est plus limité. Comme le souligne
la Dre Shamian, ancienne présidente de l’Association des
infirmières et infirmiers du Canada, « les infirmières
praticiennes sont plus nombreuses à sortir des universités,
mais elles ne trouvent pas d’emploi, car les provinces n’ont
pas changé leurs pratiques et leurs lois. Il y a trop d’infirmières
sans emploi au Canada, ce qui est un non-sens quand on sait
que près de 5 millions de Canadiens n’ont pas de médecin
de famille »xviii.
La rémunération à l’acte a eu comme effet de centrer
le modèle sur le médecin et, du même coup, de stimuler
la demande. Cela tient en premier lieu au fait que ce modèle
privilégie le volume plutôt que la valeur, mais également
à l’absence d’incitatifs favorisant la prévention et la promotion
de la santé. Une fois la réforme du système de rémunération
accomplie, Tommy Douglas aurait eu, paraît-il, l’intention
de réformer les services de santé en mettant l’accent sur
la santé publique et les facteurs sociaux déterminants –
un but qu’il n’aura pas réussi à atteindre de son vivant.
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6Le Canada toujours à la croisée des chemins
Source: Canada’s Health Care Systems and Health Workforce by the Numbers
Réforme des soins primairesLe rapport Romanow de 2002xix, référence incontournable
en la matière, rappelait la nécessité d’une réforme,
préconisant la création d’un modèle de soins accessibles
en tout temps, assurés par des équipes multidisciplinaires
et centrés sur la promotion de la santé. En 2004, les
gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux se sont tous
engagés à faire en sorte que 50 % des Canadiens aient accès
à des équipes multidisciplinaires de première ligne avant
2011. Le rapport Romanow suggérait également que les
provinces soient autorisées à développer leur propre
approche dans le respect de certains principes directeurs
de juridiction fédérale.
En 2018, le North American Observatory on Health Systems
and Policies a publié un rapportxx évaluant les résultats des
différents territoires à cet égard. Les progrès ont été mesurés
en fonction de six critères fondés sur des données probantes
qui allaient de la prestation de services multidisciplinaires
à l’accès aux soins, en passant par l’utilisation des TI, les
modèles de rémunération et la responsabilité des médecins.
L’étude a démontré que même si les nouveaux modèles
de rémunération (mixtes, par capitation, salariaux, etc.) étaient
en progression, l’ancien modèle de rémunération à l’acte
prédominait toujours et que la plupart des provinces étaient
loin d’atteindre la cible de 50 % en matière d’accès à des
équipes multidisciplinaires.
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7 Le Canada toujours à la croisée des chemins
Cela n’a pas empêché l’innovation et les pratiques
exemplaires de se manifester un peu partout au pays.
En Ontario, la proportion de médecins de famille rémunérés
à l’acte est passée de 94 % en 2002 à moins du quart
en 2015, et, le plus souvent, les médecins y avaient recours
pour des services spécialisés comme les soins palliatifs
ou la psychothérapie. D’autres avancées s’annoncent
prometteuses. Des évaluations indépendantes effectuées par
des équipes de médecine de famille multidisciplinaires
de l’Ontario ont révélé que les services préventifs et le taux
de dépistage des cancers du col de l’utérus, du sein
et colorectaux se sont améliorés, et que le niveau des soins
du diabète était supérieur à celui des soins primaires
standard, et cela, dans une province où la densité
de médecins de famille est inférieure à la moyenne.
Dans la même veine, l’adoption de nouveaux modèles
de rémunération dans les régions rurales des Territoires
du Nord-Ouest et du Nunavut a permis aux infirmières des
centres de santé communautaire de prodiguer la majeure
partie des soins primaires tout en bénéficiant du soutien, des
consultations à distance et des visites occasionnelles des
médecins. Au Manitoba, des « Quick Care Clinics », dont
le personnel est entièrement composé d’infirmières
et d’infirmières praticiennes, traitent les problèmes de santé
mineurs comme les éruptions, les entorses, l’administration
de vaccins et le contrôle des naissancesxxi.
De telles innovations foisonnent au sein du système de santé
canadien, mais elles transcendent rarement les frontières
provinciales. Si, contrairement à ce qu’on pourrait croire, notre
réseau à payeur unique ne facilite pas la diffusion
de l’innovation, c’est en raison du manque de collaboration
entre les instances fédérales, provinciales et territoriales.
Faisant référence à ce phénomène connu de tous, un ancien
ministre de la Santé avait même qualifié le Canada de « pays
champion des projets pilotes ».
Les organisations pancanadiennes de la santé (il en existe
neuf) sont des organismes fédéraux indépendants ayant
comme mission d’assurer l’uniformité de l’expérience
en matière de soins de santé à l’échelle du pays. Elles
établissent des normes, diffusent les meilleures pratiques
et accomplissent certaines tâches au niveau national, ce qui
évite aux 13 provinces et territoires d’avoir à les exécuter
individuellement. Un examen externe réalisé en 2018
a toutefois conclu que les résultats n’étaient pas entièrement
à la hauteur des aspirationsxxii. Plutôt que de s’en tenir à une
liste de recommandations, le rapport évoquait quatre avenues
possibles pour l’avenir de ces organisations, chacune étant
guidée par un principe directeur différent : efficacité,
innovation, mobilisation ou équité. Une façon très intéressante
d’aborder les choses. Reste à savoir ce qu’en fera le ministre
fédéral de la Santé.
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8Le Canada toujours à la croisée des chemins
Soins secondairesLes soins secondaires ne sont pas à l’abri de ces problèmes
de productivité – comme en témoignent la longueur des listes
d’attente et le nombre de civières dans les couloirs des
hôpitaux. Environ 30 % des patients traités en clinique externe
ou pour des soins non urgents attendraient plus de deux mois
pour rencontrer un spécialiste, ce délai dépassant quatre
mois xxiii pour 18 % des patients en attente d’une chirurgie
non urgente.
Or, les faits démontrent que la pénurie de spécialistes n’est
pas la cause du problème. Selon une récente étude
du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada,
le nombre de spécialistes sous-employés ou sans emploi
serait en hausse au Canada – environ 16 % des spécialistes
nouvellement agréés et 21 % des surspécialistes affirment
n’avoir pas trouvé de travail après l’obtention de leur
diplômexxiv. Le rapport ne permet pas de déterminer
si la situation est due à la saturation du marché
ou à l’insuffisance des ressources affectées à l’embauche
de spécialistes, ou à une combinaison des deux facteurs.
Ce qui est sûr par contre, c’est que la formation d’un plus
grand nombre de spécialistes n’est pas la clé du problème.
Peut-être faudrait-il plutôt s’employer à améliorer
l’organisation du temps des spécialistes. Le cas de l’Alberta
Bone and Joint Institute de Calgary est instructif à cet égard.
L’organisation a réussi à ramener de 145 à 21 jours le délai
d’attente pour une consultation en chirurgie de la hanche
ou du genou en normalisant les pratiques professionnelles,
en travaillant en multidisciplinarité et en améliorant
l’acheminement des patients dans le réseau hospitalierxxv.
De tels exemples d’excellence opérationnelle demeurent
cependant rares au Canada. La remise en question des
pratiques professionnelles exige une mobilisation importante
de la part des médecins qui y perdent forcément une part
d’autonomie et les gouvernements ont parfois dû « acheter »
leur adhésion à de telles initiatives. Ainsi, jusqu’en 2012,
l’Ontario a consacré 1 milliard $ par année à la réforme des
soins primairesxxvi – somme qui a servi en grande partie
à bonifier la rémunération des médecins.
Les médecins sont nombreux à croire que l’excellence
opérationnelle et les nouveaux modèles de prestation des
soins visent essentiellement à accroître leur charge de travail,
alors qu’en fait, c’est exactement le contraire. Gigi Osler,
présidente de l’Association médicale canadienne (AMC), est
persuadée pour sa part que même s’il est plus difficile et plus
coûteux de s’attaquer aux facteurs de stress en milieu
de travail, cette méthode est beaucoup plus efficace que les
formations sur la « résilience » pour prévenir l’épuisement
professionnel. Le nouveau plan stratégique de l’AMC place
le patient au centre de la mission de l’organisme et les
associations médicales d’au moins deux provinces se sont
engagées à appuyer les gouvernements dans leurs efforts
de réforme du système de santé, deux initiatives qui laissent
entrevoir un vent de changement dans le secteur.
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9 Le Canada toujours à la croisée des chemins
Source: Canada’s Health Care Systems and Health Workforce by the Numbers
Comment l’argent est-ildépensé?
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10Le Canada toujours à la croisée des chemins
Soins intégrés
Auteurs
Personnes-ressources
Il ne reste qu’à espérer que les promesses se concrétisent. La prochaine étape, soit l’intégration des soins primaires et secondaires
et des services communautaires, bousculera encore davantage les modèles de travail. Encore une fois, l’Ontario est à l’avant-garde
dans ce domaine. Le projet pilote mené au North York General Hospital a démontré que l’intégration des soins pouvait réduire non
seulement la fréquence des réadmissions de patients, mais aussi la durée globale de leur séjour à l’hôpital. L’Ontario prévoit
maintenant fusionner 20 fournisseurs de soins de santé totalisant plus de 10 000 personnes sous la bannière unique de Santé
Ontario. Bien sûr, la fusion d’organisations et l’intégration des soins de santé sont deux choses bien différentes. Les travaux
effectués sur la question de l’intégration ont permis de dégager les neuf conditions essentielles à une bonne gestion
de la santé publique.
Cet ambitieux projet repoussera encore les limites des modalités et conditions établies dans l’accord de Saskatoon. Cependant,
à défaut de prendre des mesures vigoureuses pour améliorer la productivité, le Canada n’aura jamais assez de médecins pour faire
fonctionner son système de santé – ce qui pourrait faire vaciller sa noble ambition d’offrir une protection universelle équitable,
universelle et gratuite au point d’utilisation.
Dre Charlotte Refsum, omnipraticienne et responsable des soins de santé à l’échelle mondiale, KPMG International et
Dr Mark Britnell, président mondial et associé principal, Infrastructure, administrations publiques et soins de santé,
KPMG International
Deanna Heroux
Associée, Ressources
humaines et changement
organisationnel
416-777-8378
Gordon Burrill
Associé, leader national,
Santé et sciences de la vie
416-777-3061
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Référencesi Diverty, B., Canada’s Health Care Systems and Health Workforce by the Numbers, Institut canadien d’information sur la santé, 2e Sommet national sur l’emploi des
médecins, 5 novembre 2015.
ii Martin, D., Miller, A., Quesnel-Vallée, A., Caron, N., Vissandjée, B., Marchildon, G. “Canada’s universal health-care system: achieving its potential”, dans The Lancet, 2018,
(18) 30181-8.
iii THE COMMONWEALTH FUND. Health Care Systen Performance Rankings, [En ligne], [https://www.commonwealthfund.org/chart/2017/health-care-system-
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iv OCDE DONNÉES. Médecins, [En ligne], [https://data.oecd.org/healthres/doctors.htm].
v Malko, A., Huckfeldt, V. “Physician Shortage in Canada: A Review of Contributing Factors”, Global Journal of Health Science; 2017, Vol. 9, no 9.
vi Ibid.
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[https://secure.cihi.ca/free_products/Rapport_Sommaire_2015_FR.pdf].
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ix Bosco C, Oandasan I. Revue de la médecine familiale dans les régions rurales et éloignées du Canada : éducation, pratique et politiques. Collège des médecins de famille
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x Répartition et migration interne des médecins au Canada. Institut canadien d’information sur la santé, 2007, [En ligne],
[https://secure.cihi.ca/free_products/2007_phys_FR_web.pdf]
xi Allen, B. “5 ways robots are delivering health care in Saskatchewan”. CBC Saskatchewan, [En ligne], [https://www.cbc.ca/news/canada/saskatchewan/5-ways-robots-are-
delivering-health-care-in-saskatchewan-1.2966190].
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xiii Bosco C, Oandasan I. Revue de la médecine familiale dans les régions rurales et éloignées du Canada : éducation, pratique et politiques. Collège des médecins de famille
du Canada, Mississauga (Ontario), 2016.
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xv Bosco C, Oandasan I. Revue de la médecine familiale dans les régions rurales et éloignées du Canada : éducation, pratique et politiques. Collège des médecins de famille
du Canada, Mississauga (Ontario), 2016.
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