8/3/2019 La Liberte Des Enfants de Dieu
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T E X T E S S P I R I T U E L S
collection dirige par le R. P. Adrien-M. Brunet, O.P.
SAINT THOMAS D'AQUIN
LA LIBERTDES
ENFANTS DE DIEU
DITIONS DE L'ARBRE
60 ouest, rue Saint-JacquesMontral
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Biblio!que Saint Librehttp://www.liberius.net
Bibliothque Saint Libre 2009.
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Lalibert... 2
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!' ME COLLECTION
P.irns :
. < n . i f u l . trait de Vunion a Dieu
h : < I ' I M , i . l l c m a n l , s ; : Doctrine spirituelle (extraits)
Pre de Caussade, vj. : Vabandon la Providence divine
(extraits)
Pre Chardon : /../ Croix de Jsus
Saint Thomas d'Aquin : Rites et Prires de la Messe
Saint Athanase : Vie de Saint Antoine
Thcodn'c d'Antyrc et sa int Lon le Grand : Sermons pour
la \..;.\
>!,: r ^ : ' . ' j u ! ! , / ; libert des enfants de Dieu
paratre :
lauier : Sertn
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N l H I t OBSTAT :
fr. Jdouard-M. Marcotte, O.P.Lecteur en thologiefr. Hyacinthe-M. Robillard, O.P.
Lecteur en thologie
IMPRIMATUR :
Philippe Perrier, P.A., V.G.Montral, 10 novembre 1944
IMPRIMI POTEST :
fr. Pie-M. Gaudrault, O.P.Provincial,
Montral, 2 novembre 1944
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INTRODUCTION
Saini Thomas n'a pas compos un trait spcial sur lalibert des enfants de Dieu, mais il nous a laiss un ensemblede considrations inspires par la Sainte Ecriture. En corn- mentant certaines paroles du Christ et des aptres, il aexpos la conception qu'un chrtien doit se faire de lalibert et l'attitude d'homme libre qu'il doit adopter, s'ilveut tre la fois le serviteur et l'ami de Dieu. L'ide fon
damentale de cette doctrine est que la loi divine, loin de s'opposer la libert humaine, en est l'ducatrice, puisqu'elleapprend a l'homme bien user de sa libert. Et lorsqu'ils'agit de la loi nouvelle, justement appele loi d'amour, ellefait mieux encore : elle engendre la charit, elle nousincline spontanment nous comporter en enfants de Dieu.Donner libre cours cet esprit d'adoption, c'est tre libre,car celui qui aime, se plat rpter saint Thomas, se meutde lui-mme, et ses actes accomplis par amour sont de tousles plus volontaires.
A celui qui connat l'amour divin et y croit, Dieu
n'apparat plus comme un matre exigeant et un adversaire redoutable dont les ordres sont autantd'atteintes a la libertde ses sujets. Il est le Pre, l'Ami qui nous indique la voie suivre pour Le rejoindre dans l'lan conscient et volontairede notre libert. En nous attachant Lui-mme, Il nousgarde de tout ce qui pourrait nous asservir, Il nous rend
vraiment libres l'gard de tout ce qui n'est pas le Bien absolu. Sans doute, Il exige des sacrifices; mais sont-ils
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autre chose que la libre prfrence accorde a des biens suprieurs, et se peut-il plus noble usage de la libert ?
Cette doctrine thomiste est de la plus haute importance
pour Vorientation de la Die chrtienne . qu'elle prsente sous son vrai jour, la lumire de la parole si profonde desaint Paul : L o est l'Esprit du Seigneur, l est la libert.L'Eglise dans ses oraisons liturgiques demande pour le peuple chrtien la grce d'une parfaite libert et celle d'aimerce que Dieu commande. Cette prire qui doit tre aussi la ntre ne sera-t-elle pas plus fervente et plus srementexauce si nous comprenons mieux le don trs prcieux dela libert que Dieu accorde ses enfants avec son amiti ?
La mditation des textes runis ici nous y aidera.
Joseph-Marie PARENT, O.P.
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Libert imparfaite et peccabilit
La libert des enfants de Dieu, loin de pactiser avec le
pch, tend son limination ; le chrtien est d'autant plus
libre qu'il pche moins. A la limite, le chrtien parfait oule bienheureux uni pour toujours Dieu ne peut plus pcher.Ces affirmations supposent que le pouvoir de pcher ou de
choisir le mal n'est pas un lment essentiel de la libert,
qu'il convient seulement une libert imparfaite comme
celle de l'homme ici-bas.
Il est de l'essence du libre arbitre de pouvoir s'orienter
en divers sens. Mais cette diversit peut elle-mme s'entendre
de trois faons. Premirement, selon la multiplicit des
moyens choisir en vue d'une fin. A chaque tre, en effet,
convient naturellement une fin qu'il dsire ncessairement
d'une ncessit qui surgit de sa nature parce que la
nature tend toujours un but unique; mais cette fin
unique divers moyens peuvent tre ordonns, et c'est pour
cela que l'apptit d'une nature intellectuelle ou raisonna
ble peut s'tendre divers objets, dans le choix des
moyens.De cette faon, Dieu veut naturellement comme fin
propre sa bont, et II ne peut pas ne pas la vouloir. Mais,
parce que divers ordres de choses peuvent tre ordonns
cette bont, la volont de Dieu ne se porte pas sur l'un
de ces ordres de telle faon qu'elle ne puisse se porter sur
un autre ; et pour autant, le libre arbitre convient Dieu.
De mme, l'ange et l'homme ont une fin qui leur est
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assigne par la nature, et c'est le bonheur. Ils le veulent
donc naturellement et ne peuvent pas vouloir son contraire,
la misre, selon la remarque de saint Augustin. Mais, parce
que divers biens peuvent tre ordonns ce bonheur, la
volont de l'homme, comme celle de l'ange bon ou mauvais,
peut dans le choix des moyens s'orienter en divers sens.
La deuxime diversit relative au libre arbitre consiste
dans la diffrence qui existe entre le bien et le mal. Mais
cette diversit-l n'appartient pas essentiellement la facultdu libre arbitre; elle n'a qu'un rapport accidentel avec cette
facult, provenant de ce qu'elle se trouve dans une nature
faillible. Puisqu'en effet la volont est de soi ordonne au
bien comme son objet propre, le fait qu'elle tende au
mal ne peut provenir que de ce que le mal est envisag
comme un bien ; et cette erreur suppose une dfaillance de
l'intelligence ou de la raison cause de la libert. Or, il n'est
pas essentiel une facult de faire dfaut dans son acte:
par exemple, il n'est pas essentiel la puissance visuelle
que quelqu'un voie seulement de faon obscure. C'est
pourquoi rien n'empche de trouver un libre arbitre qui
tende au bien avec une telle sret qu'il ne puisse d'aucune
manire tendre au mal, soit en vertu mme de sa nature
comme en Dieu, soit grce une perfection surnaturelle
comme dans les anges et les hommes batifis.
Une troisime diversit se rencontre dans le libre arbitre,
selon qu'il est changeant: cette diversit ne consiste pas vouloir diffrentes choses, car Dieu lui-mme veut la rali
sation de divers vnements selon qu'ils conviennent des
poques et des personnes diffrentes. Mais les variations
du libre arbitre consistent en ce qu'une mme personne ne
veut plus ce qu'elle voulait d'abord ou veut maintenant
ce qu'elle ne voulait pas. Ce caractre changeant n'est pas
essentiel au libre arbitre, mais il s'attache la condition
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propre d'une nature muable. II n'est pas essentiel, par
exemple, la puissance visuelle de voir tantt d'une faon,
tantt d'une autre ; mais cela provient de la disposition de
celui qui voit, dont l'oeil peut tre normal ou troubl.
De mme, la mutabilit ou la versatilit du libre arbitre
ne lui est pas essentielle ; mais elle vient s'y ajouter lors
qu'il se trouve dans une nature changeante. En nous, le
libre arbitre est expos "au changement par l'intervention
d'une cause intrinsque ou extrinsque : cause intrinsque,du ct de la raison, par exemple chez celui qui ignorant
d'abord une chose l'apprend ensuite; ou du ct de l'apptit
qui sous l'influence de la passion ou de l'habitude se porte
vers un objet comme lui convenant, tandis qu'une fois la
passion ou l'habitude disparue, ce mme objet ne lui con
vient plus. La cause extrinsque est Dieu qui par sa grce
fait passer la volont de l'homme du mal au bien, selon
cette parole du livre des Proverbes ( X X I , 1) : Le coeur des
rois est dam la main de Dieu, et II l'incline partout o H
veut. Qu. disp. de Maio, 16, a, 5.
Libert parfaite et hnpeccabilit
L'acte propre du libre arbitre est le choix qui porte sur
les moyens, non sur la fin moins que celle-ci soit une fin
subordonne et premie le caractre de moyen par rapport la
fin ultime qui, elle, s'impose l'agent libre. Le choix est
donc bon lorsqu'il est conforme aux exigences de la finultime, et la constante rectitude du choix, loin de nuire aulibre arbitre, en atteste la perfection.
Cette parole de l'Ecclsiastique (XV, 14) : Dieu a laiss
l'homme dans la main de son conseil, ne signifie pas qu'il
est permis l'homme de faire tout ce qu'il veut; elle signifie
que l'homme dans sa conduite n'est pas contraint par une
ncessit de nature, comme les tres dpourvus de raison,
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mais qu'il agit en vertu d'un libre choix auquel il s'est
dtermin lui-mme, Sum. theol.,11-11, q. 104, a. 1, ad 1.
Le libre arbitre est par rapport au choix des moyens
ce qu'est l'intelligence par rapport la dduction des con
clusions. Or, il est manifeste que la perfection de l'intelli
gence consiste pouvoir se diriger elle-mme vers les con
clusions, partir de principes donns ; mais que l'intelli
gence dans la dcouverte des conclusions ne respecte pas
l'ordre exig par les principes, cela dnote une dfaillancede sa part.
De mme, il appartient la perfection de la libert
de pouvoir choisir diffrents moyens, en respectant l'ordre
impos par la fin ; mais faire un choix sans tenir compte
de cet ordre, autrement dit pcher, c'est une dfaillance de
la libert. La libert est donc plus parfaite dans les anges
qui ne peuvent pcher qu'en nous qui gardons cette pos
sibilit. Sum. theol., I, q. 62, a. 8, ad 3.
Ce qui est vrai des anges l'est aussi des bienheureux, duChrist et de Dieu. Leur libert qui ne peut se porter qu'au
bien est parfaite.
Il n'est pas essentiel au libre arbitre de se porter indiff
remment au bien ou au mal. Le libre arbitre est de soi
ordonn au bien, celui-ci tant l'objet de la volont ; il ne
tend au mal qu' la suite d'une erreur qui le fait envisager
comme un bien ce qui en ralit est un mal, la volont oule choix ne pouvant se fixer que sur un bien au moins
apparent.
C'est pourquoi, l o le libre arbitre est absolument
parfait comme en Dieu, il ne peut nullement tendre au nul
parce qu'il ne peut souffrir aucune imperfection ni erreur.
Ce qui est essentiel au libre arbitre, c'est de pouvoir agir ou
non, et cela convient Dieu ; car les biens qu'il cause, 11
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pourrait ne pas les causer ; Il ne peut cependant faire le
mal. In Sent., lib. II, d. 25, q. 1, a. 1, ad 2.La crature raisonnable dsire naturellement tre heu
reuse ; d'o il suit qu'elle ne peut pas vouloir n'tre pas
heureuse. Elle peut cependant se dtourner par la volont de
l'objet dans lequel consiste la vraie batitude ; la volont
est alors perverse. Et cela arrive parce que Ton considre
comme constituant la batitude, non l'objet en lequel elle
se trouve vraiment, mais quelque autre chose vers laquelle
la volont dsordonne dvie comme vers sa fin : ainsi,
celui qui met sa fin dans les plaisirs corporels, les estime
comme ce qu'il y a de meilleur et y cherche la batitude.
Or, ceux qui sont dj dans la vie bienheureuse consi
drent l'objet dans lequel se trouve la vraie batitude
comme constituant vraiment le bonheur et la fin dernire;
autrement leur dsir ne se reposerait pas dans cet objet, et
par consquent ils ne seraient pas heureux. Il est donc im
possible tous ceux qui sont dj bienheureux de dtour
ner leur volont de l'objet dans lequel se trouve la vraie
batitude. Donc ils ne peuvent avoir une volont perverse.
Sum. Contra Gentile s, lib. IV, c. 92.
La droiture de la volont accompagne ncessairement la
batitude ; celle-ci en effet consiste dans la vision de l'es
sence divine qui est l'essence mme du bien et ainsi la
volont du bienheureux qui voit Dieu dans son essence aime
ncessairement tout ce qu'elle aime par rfrence Dieu,selon l'ordre voulu par Dieu, de la mme manire que la
volont de celui qui ne voit pas l'essence divine aime n
cessairement tout ce qu'elle aime par rfrence au bien en
gnral qui prside ses choix. Or, cette rfrence Dieu
est justement ce qui rend une volont droite. Il est donc
vident que la batitude ne peut exister sans la droiture de
la volont. Sum. theol., I-II, q. 4, a. 4.
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Dieu, objet d'un choix mritoire
Ce dernier texte nous fournit l'explication de la situation
paradoxale de l'homme. Il veut ncessairement le bien engnral ou la batitude, et cependant il ne veut pas toujoursDieu qui est pourtant concrtement le Bien absolu, la Bati
tude subsistante, Aussi longtemps, en effet, que Dieu n'est
pas vu intuitivement et en son essence, Ildemeure pour
l'homme l'objet d'une option libre et par consquent
mritoire.
Il y a des biens qui sont relis la batitude par un
lien de connexion ncessaire ; tels sont les biens par les
quels l'homme s'attache Dieu en qui seul consiste la
vraie batitude. (La volont devrait donc leur donner son
adhsion tout comme elle veut ncessairement la batitude).
Cependant, tant que la vision de l'essence divine ne nous
a pas manifest avec vidence ce lien de connexion nces
saire, notre volont n'adhre pas ncessairement Dieu ni
aux biens qui s'y rapportent. Mais la volont de celui qui
voit Dieu dans son essence ne peut pas ne pas adhrer
Dieu de mme que maintenant nous ne pouvons pas ne
pas vouloir tre heureux. Sum. theol. I, q. 82, a. 2.
Y a-t-il quelque mrite vouloir ce que l'on veut
naturellement ? La nature a mis dans l'homme un dsir de
la fin ultime prise en gnral, de manire que l'homme
dsire naturellement ce qui peut le parfaire ou le rendreheureux. Mais en quoi consiste cette perfection de l'homme
est-elle dans les vertus morales ou intellectuelles, dans
les plaisirs ou quelque autre bien de ce genre cela n'est
pas dtermin par la nature.
Quand donc l'homme, avec l'aide de la grce divine et
en suivant sa propre raison envisage comme sa batitude
un bien spcial dans lequel se trouve vraiment cette bati-
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tude, il accomplit un acte mritoire : non du fait qu'il
dsire la batitude, mais parce qu'il se porte vers un bien
spcial, la vision de Dieu par exemple, bien qui n'est pas
dtermin par la nature mais dans lequel se trouve en
vrit la batitude de l'homme.
Si, au contraire, par une erreur de sa raison, l'homme
est amen dsirer comme sa batitude un bien particulier,
par exemple les plaisirs corporels, en lequel ne consiste
pas la batitude, il dmrite, non parce qu'il dsire la
batitude, mais parce qu'il dsire indment comme batitude
ce en quoi elle ne peut se trouver.
Il est donc manifeste qu'il n'y a de soi ni mrite ni
dmrite vouloir ce que l'on veut naturellement, comme
la batitude ; mais il peut y avoir mrite ou dmrite selon
que ce vouloir naturel du bonheur se porte sur tel ou tel
bien concret. Et ainsi, les saints mritent en dsirant Dieu
ou la vie ternelle. Qu. disp. de Veritate, 22, a. 7.
Peccabilit de la crature libre
L'impeccabilit n'est naturelle qu' Dieu. Quant l'hom
me, il a reu le libre arbitre pour accepter librement l'ordretabli par Dieu, pour y conformer ses choix. Mais il peut
aussi abuser de sa libert pour s'carter de cet ordre.
De mme que le bien de toute chose est de demeurer
dans l'ordre qui lui convient, de mme son mal est
d'abandonner cet ordre. Or, Tordre de la crature raisonnable
est d'tre soumise Dieu et de dominer les autres cratures.
C'est donc un mai pour la crature raisonnable de se sou
mettre, par l'amour, aux tres infrieurs ; c'est aussi un
mal pour elle de ne pas se soumettre Dieu, mais au con
traire de L'attaquer prsomptueusement ou de Le mpriser.
Or, la crature raisonnable considre dans sa nature est
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expose ce mal, par suite de la flexibilit de son libre
arbitre ; mais chez les bienheureux la perfection de la
gloire exclut ce mal. Sum. theol., II-II, q. 19, a. 11.
Les fins, comme les agents, sont ordonnes entre elles
de sorte que la fin secondaire dpend de la fin principale,
de mme que l'agent secondaire dpend de l'agent principal.
Or, il y a dsordre ou pch quand l'agent secondaire sort
de l'ordre fix par l'agent principal : ainsi, lorsque la jambe,
cause d'une inflexion, n'excute pas le mouvement com
mand par la volont, ce dfaut produit une dmarche
vicieuse. De mme toutes les fois que la fin secondaire
cesse d'tre subordonne la fin principale, la volont
pche, bien que son objet soit bon et constitue une fin.
Or, toute volont veut naturellement le bien propre de
son sujet, c'est--dire sa perfection, et elle ne peut vouloirle contraire. Le pch de la volont est donc impossible
dans l'agent volontaire dont le bien propre est la fin
suprme ou le souverain bien ; car cette fin n'est pas subor
donne une autre, mais toutes les autres lui sont subor
donnes. Cet agent volontaire est Dieu dont l'tre mme
est la bont souveraine c'est--dire la fin dernire. Il ne
peut donc y avoir de pch de la volont en Dieu.
Mais, si Ton considre dans sa nature tout autre tre
dou de volont dont le bien propre doit tre subordonn
un bien suprieur, Je pch de Ja volont est possible.
Bien qu'il y ait, en effet, dans chacun de ces tres uneinclination naturelle de la volont vouloir et aimer sa
propre perfection, en sorte qu'il ne puisse vouloir le con
traire ; il ne lui est pas donn par la nature de subordonner
sa perfection une fin suprieure, sans jamais pouvoir
s'carter de cet ordre ; car la fin suprieure n'est pas la fin
propre de sa nature, mais celle d'une nature plus leve.
Il dpend donc de son libre arbitre de subordonner sa
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ralis. En eux, la charit parfaite qui les unit entirement
Dieu domine jamais l'inclination naturelle de la volont;
aussi leur est-il impossible de pcher, et ils sont parfaite
ment confirms dans le bien par la grce.
A un degr moindre, on est confirm dans le bien
lorsqu'en vertu d'un don spcial de la grce on se trouve
inclin au bien de telle sorte qu'on n'en peut tre facilement
dtourn. Cependant, on n'est pas prserv du mal au point
de ne plus pouvoir du tout pcher, du moins sans une
protection spciale de la divine Providence. Ici-bas, on peut
tre confirm dans le bien de cette deuxime manire, non
de la premire.
En effet, il est impossible d'tre rendu entirement im
peccable, moins que ne soit abolie la source mme du
pch. Or, cette source, c'est ou bien l'erreur de la raison
elle-mme se trompant concrtement sur la fin pour
suivre ou sur les moyens qui y conduisent, fin et moyens
qu'elle aime naturellement dans l'abstrait ; ou bien quelque
passion infrieure venant intercepter le jugement de la
raison. Il est vrai que, mme ici-bas, les dons de sagesse et
de conseil pourraient prserver la raison de toute erreur sur
la fin poursuivre et les moyens qui y conduisent.
Mais, que le jugement de la raison ne puisse tre
intercept, c'est une perfection qui dpasse notre condition
prsente pour deux raisons : d'abord et principalement
parce qu'il est impossible sur la terre que notre raison soittoujours en acte de droite contemplation, ce qui ferait de
Dieu la rgle de toutes nos actions. En second lieu, parce
que dans le mme tat prsent les puissances infrieures ne
sont jamais soumises au point de ne pouvoir empcher en
aucun cas l'exercice de la raison. Le Seigneur Jsus-Christ
fait exception, qui tait la fois en route vers Dieu et dj
en possession de Dieu.
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Ce qui est compatible avec notre condition prsente, c'est
une grce attachant l'homme au bien de manire qu'il lui
soit trs difficile de pcher. Ses puissances infrieures se
trouvent alors refrnes par les vertus morales, sa volont est
fortement incline vers Dieu, sa raison est rendue parfaite
en la contemplation de la divine vrit, contemplation dont
la continuit provenant de la ferveur de la charit retire
l'homme du pch. Ce qui manque encore cette confirma
tion, la protection de la divine Providence le supple chez
ceux que l'on dit tre confirms dans le bien. Toutes les fois
qu'il surgit une occasion de pcher, leur esprit est divine
ment excit y rsister. Qu. disp. de Veritate, 24, a. 9.
La vraie libert
Ceux qui sont ainsi confirms dans le bien jouissent dela vraie libert dont parle saint Paul, lorsqu'il compare la
condition de l'homme justifi par lagrce celle du pcheur.Du reste, le Christ lui-mme, (Jean VIII, 34) avait affirm :
Quiconque se livre au pch est esclave du pch.
Pour comprendre la condition du pcheur dcrite par
saint Paul, on doit considrer que l'homme possdant natu
rellement, en vertu de sa raison et de sa volont, le libre
arbitre, ne peut tre vraiment contraint bien qu'il puisse tre
inclin en tel ou tel sens. Il demeure donc, par sa libert,
libre de toute contrainte mais non de toute inclination.
Parfois, en effet, le libre arbitre est inclin au bien parla grce habituelle ou la justice surnaturelle : il est alors
le serviteur de la justice et il est libre l'gard du pch.
Parfois, au contraire, il est inclin au mal par l'habitude du
pch : alors, il est esclave du pch et affranchi de la
justice. C'est ce que dit saint Paul : Au temps o vous
tiez libres l'gard de la justice.
Servitude qui entrane l'homme consentir au pch
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contre le jugement de la raison ; libert qui le fait se prcipiter
dans le pch parce que le frein de la justice ne le re
tient plus : ce qui est vrai surtout de ceux qui pchent de
propos dlibr, car ceux qui pchent par faiblesse ou par
passion y mettent quelque retenue de sorte qu'ils n'appa
raissent pas compltement affranchis de la justice. On lit
dans Jrmie (II, 2 0 ) : Depuis longtemps tu as bris ton
joug, tu as rompu tes liens et tu as dit ; Je ne servirai plus,
et dans Job (XI , 1 2 ) : Uhomme vain se dresse dans son
orgueil, et il se croit affranchi de tout joug comme le petit
de Vonagre.
Il faut cependant remarquer que cet tat comporte un
vritable esclavage et une libert apparente seulement. Puis
que l'homme est ce qu'il est par sa raison, il est vraiment
esclave lorsqu'il se laisse loigner du bien conforme laraison par quelque chose d'tranger la raison. Secouer tout
frein spirituel pour suivre ses convoitises n'est donc une
manifestation de libert qu'aux yeux de celui qui met le
souverain bien dans la satisfaction des convoitises.
La condition du juste est tout autre : il est affranchi du
pch, de sorte qu'il n'est pas domin par lui au point
d'y consentir. C'est pourquoi saint Paul dit : Maintenant
affranchis du pch, vous tes devenus les serviteurs de Dieu.
De mme que dans l'tat de pch, on est esclave du
pch auquel on obit ; ainsi dans l'tat de justice,
on est serviteur de Dieu auquel on obit volontairement, selon ce mot du Psaume (XCIX, 2 ) :
Servez le Seigneur dans la joie.
Voil la vraie libert et la meilleure servitude : par la
justice, en effet, l'homme est inclin ce qui lui convient,
au bien proprement humain ; il se dtourne de ce qui
satisfait les convoitises ou de ce qui le rapproche davantage
des btes. In Rom., c, VI, lect. 4.
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LA LIBERT DES ENFANTS DE DIEU 21
La conduite de l'esclave n'est point rgle par son
propre jugement, mais par celui du matre. Le pcheur,
dira-t-on, agit selon son jugement propre ; il n'est donc
pas esclave, A cela il faut rpondre qu'un tre est avant
tout ce qui lui convient selon sa nature. Quand donc il est
mis en branle par un principe tranger sa nature, il
n'agit pas de lui-mme, mais sous une impulsion extrieure,
ce qui est une vritable servitude.
Or, l'homme est selon sa nature un tre raisonnable.Quand donc il agit selon la raison, il se meut de son
propre mouvement, il agit de lui-mme, ce qui est le
propre d'un homme libre. Mais, quand il pche, il agit en
marge de la raison, il est m pour ainsi dire par un autre,
il est prisonnier de puissances trangres ; et c'est pourquoi
il est crit : Quiconque se livre au pch est esclave dupch, et dans la deuxime ptre de saint Pierre (II, 1 9 ) :
On est esclave de celui par qui on s'est laiss vaincre.
Mais, plus on est m par un principe tranger, plus on
est rduit en servitude ; plus on est domin par le pch,
moins on agit de son propre mouvement, c'est--dire selonla direction de la raison, et plus on devient esclave. On voit
par l que certains sont d'autant plus enchans par l'escla
vage du pch qu'ils se livrent au mal avec plus d'apparente
libert, comme le dit saint Grgoire. Cette servitude est
srement trs lourde parce qu'on ne peut y chapper : o
que l'homme aille, son pch l'accompagne, mme une fois
que l'acte et la dlectation sont disparus. In joami., c.
VIII, lect. 4.
Dans l'ordre spirituel, il y a une double servitude et une
double libert : la servitude du pch et la servitude de la
justice ; la libert ou l'affranchissement l'gard du pch
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22 LA LIBERT DES ENFANTS DE DIEU
et la libert l'gard de la justice. C'est ce que dit l'Aptre
aux Romains (VI, 20) : Lorsque vous tiez les serviteurs du
pch, vous tiez libres Vgard de la justice ; maintenant
affranchis du pch, vous tes devenus les serviteurs de Dieu
ou de la justice.
Or, il y a servitude ou esclavage du pch chez celui
qui est inclin au mal par l'habitude du pch ; il y a
servitude ou mieux service de la justice chez celui qui est
inclin au bien par l'habitude de la justice. De mme, celui
qui ne se laisse pas dominer par l'inclination au pch est
libre l'gard du pch ; au contraire, celui que l'amour de
la justice ne dtourne pas du mal est libre l'gard de la
justice.
Cependant, dans l'apprciation de cette double libert,
on doit se rappeler que l'homme est inclin la justiceselon la raison naturelle, tandis que le pch est toujours
oppos cette mme raison; d'o il suit que l'affranchisse
ment l'gard du pch est la vraie libert et se trouve uni
au service de la justice : par l'un et l'autre, en effet, l'homme
tend au bien qui lui convient. De mme, le vritable escla
vage est celui du pch, accompagn de l'affranchissement
l'gard de la justice, parce que l'un et l'autre empchent
l'homme d'atteindre son bien propre, le bien conforme
la raison. Sum. theol., II-II, q. 183, a. 4.
Les degrs de la libert
Cet esclavage du pch laisse subsister le libre arbitre,
mais pratiquement il en empche le bon usage, plus ou
moins selon l'intensit de l'habitude mauvaise qui s'est im
plante dans le pcheur. Si l'on parle de l'augmentation ou
de la diminution de la libert, ce sera donc en considration
des inclinations vertueuses ou vicieuses qui facilitent ouentravent ce bon usage.
Le libre arbitre est dit libre du fait qu'il ne peut tre con-
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LA LIBERTDES ENFANTS DE DIEU 23
traint. Mais la contrainte est elle-mme double, selon qu'elle
force quelqu'un ou l'incline dans un sens plutt que dans
l'autre. Il est naturel et essentiel au libre arbitre, quel que
soit son tat, de n'tre pas soumis la premire contrainte ;
la libert ainsi entendue n'augmente ni ne diminue essen
tiellement, mais seulement de faon accidentelle, c'est--dire
selon la perfection de nature des tres libres, En effet, toute
proprit dcoulant d'une nature est possde d'autant plus
parfaitement que la nature elle-mme est plus leve endignit ; de cette faon on dit de l'homme qu'il est moins
intelligent que l'ange. Il en est de mme de la libert qui
chappe toute contrainte ncessitante : elle est plus
parfaite en Dieu que dans l'ange, dans un ange que dans
un autre, et dans l'ange que dans l'homme.
D'autre part, la libert l'gard des influences qui peu
vent nous incliner dans un sens plutt que dans un autre,
augmente ou diminue, s'acquiert ou se perd, selon que ces
influences augmentent ou diminuent, apparaissent ou dispa
raissent. Une telle libert augmente donc ou diminue essen
tiellement dans l'homme, selon les divers tats o il se
trouve.
Ajoutons que le libre arbitre n'est jamais tellement do
min ou asservi par les passions qu'on soit contraint de
pcher, car alors la responsabilit n'existerait plus ; mais
on dit qu'il est soumis au pch en tant qu'il y est inclin
par de fortes dispositions.Quant au pouvoir de pcher, il est essentiellement le
mme chez tous ; mais il est plus prompt l'acte chez celui
qui a l'habitude du mal : car l'opration conforme une
habitude est dlectable pour celui qui possde cette
habitude. C'est pourquoi les gens vicieux accomplissent avec
plaisir et sans aucune rpugnance des actes abominables ;
on dit qu'ils les font librement parce que chez eux l'oppo-
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24 LA LIBERT DES ENFANTS DE DIEU
sition de la raison est touffe par le vice qui obscurcit
l'esprit ; ce qui ne peut se produire en l'absence du vice.
In Sent., lib. II, d. 25, q. 1, a. 4, c. ; ad 4-5.
La loi, ducatrice de la libert
Ce qui nous affermit dans le bien nous libre, c'est--direrend notre libert de plus en plus parfaite. C'est le rle desvertus naturelles et surnaturelles qui nous aident faire de
bons choix, en tout premier lieu de la charit, la vertu lib
ratrice par excellence, comme nous le verrons plus loin. Maisce rle bienfaisant convient aussi la loi. Quoiqu'on
l'oppose couramment la libert, la loi en est l'auxiliaire,
parce qu'elle-mme est ordonne la vertu, et en dfinitive,
lorsqu'il s'agit de la loi divine, la charit.
Il y a dans l'homme une certaine aptitude naturelle lavertu ; mais son parfait dveloppement suppose la discipline
ou l'exercice. En cela l'homme ne saurait aisment se suffire
lui-mme. En effet, l'acquisition parfaite de la vertu con
siste loigner l'homme des plaisirs indus auxquels les
hommes sont principalement ports, surtout les jeunes pour
qui la discipline est d'une plus grande efficacit.
Cest pourquoi les hommes doivent recevoir d'autrui
cette discipline par laquelle on parvient la vertu. Certes,
pour les jeunes gens qui sont ports aux actes de vertu par
une heureuse disposition de leur nature ou par l'accoutu
mance et surtout par le secours divin, il suffit de la disciplinepaternelle qui s'exerce par des conseils. Mais, parce d'autres
sont pervers ou enclins au vice et ne se laissent pas facile
ment diriger par des paroles, il a t ncessaire qu'ils
fussent contraints par la force et la crainte s'abstenir du
mal ; de la sorte, ils cessent au moins de mal agir et laissent
la paix aux autres. Et puis, pour leur bien, ils sont amens
par une telle accoutumance accomplir de bon gr ce qu'ils
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LA LIBERTDES ENFANTS DE DIEU 25
ne faisaient auparavant que par crainte, et finissent ainsi
par devenir vertueux. Cette discipline qui oblige par crainte
des chtiments est prcisment la discipline des lois. Aussi
fut-il ncessaire pour la paix des hommes et le dveloppe
ment de la vie vertueuse de porter des lois. Sum. theol., I-II,
q. 95, a. 1.
La fin de toute loi, et surtout de la loi divine, est de
rendre les hommes bons. On dit de l'homme qu'il est bon
lorsqu'il a une volont bonne au moyen de laquelle ilfait passer l'acte tout ce qu'il y a de bon en lui. Or, la
volont est bonne par l mme qu'elle veut le bien, et
surtout le souverain bien qui est la fin ultime. Donc la
bont de l'homme augmente mesure que sa volont veut
plus ardemment ce bien.
Or, l'homme veut plus ardemment ce qu'il veut par
amour que ce qu'il veut seulement par crainte ; le vouloir
qui procde uniquement de la crainte est pour une part
involontaire, comme dans le cas du navigateur qui par
crainte du danger veut jeter ses marchandises la mer.
Donc l'amour du souverain bien qui est Dieu, rend les
hommes aussi bons que possible, et c'est la fin principale
de la loi divine.
La bont de l'homme dcoule de la vertu, car c'est la
vertu, au dire du Philosophe, qui le rend bon. C'est
pourquoi la loi vise rendre les hommes vertueux, et ses
prceptes portent sur les actes de vertu. Mais, c'est une condition de la vertu que le vertueux agisse avec fermet et dlecta
tion ; condition que ralise surtout l'amour, car c'est lui qui
donne nos actions d'tre la fois fermes et agrables. Donc
l'amour du bien est la principale fin de la loi divine.
Par l'autorit de la loi, les lgislateurs dirigent ceux
qui elle s'adresse. Or, de tous les tres qui sont mus par un
premier moteur, celui-l est le plus parfaitement m qui
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26 LA LIBERTE DES ENFANTS DE DIEU
participe davantage l'impulsion et la ressemblance du
premier moteur. Dieu qui est l'auteur de la loi divine fait
tout pour son amour. Donc celui qui se porte vers Dieu de
la mme manire, c'est--dire par amour, est dirig vers Lui
de la faon la plus parfaite. Puisque tout agent recherche la
perfection dans ce qu'il fait, la fin de toute lgislation est
donc que l'homme aime Dieu.
C'est pourquoi il est dit dans la premire Timothe
(I, 5) : la fin du prcepte est la charit, et dans Matthieu,(XXII , 37) que le premier et le plus grand commandement
est : Vous aimerez le Seigneur votre Dieu. C'est pourquoi
nous appelons la loi nouvelle, loi d'amour, comme la plus
parfaite ; et la loi ancienne, loi de crainte, comme tant
moins parfaite. Sum. Contra Genfiles, lib. III, c. 116.
La loi nouvelle et la libert
Parce qu'elle est tout ordonne la charit, la loi
nouvelle jouit d'une incontestable supriorit ; elle n'est pas
seulement une promesse de libration, elle en est le facteur
le plus efficace par son lment principal, la grce duSaint-Esprit.
Toutes les diffrences que l'on remarque entre la loi
ancienne et la loi nouvelle sont celles qui existent entre
deux ralits dont l'une est parfaite et l'autre imparfaite.
Les prceptes de toute loi portent, en effet, sur les actesvertueux. Or, l'inclination ces actes de vertu ne se trouve
pas de la mme manire chez ceux qui sont encore impar
faits, n'ayant pas en eux l'habitude de la vertu, et chez
ceux qui sont dj perfectionns par cette habitude.
En l'absence de la vertu, on n'est inclin aux actes que
par une cause extrinsque, comme la menace de chtiments
ou la promesse de rcompenses extrieures, l'honneur par
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LA LIBERT DES ENFANTS DE DIEU 27
exemple, les richesses ou quelque autre bien de ce genre.
C'est pourquoi la loi ancienne impose des sujets
imparfaits qui n'avaient pas encore reu la grce du Saint-
Esprit, tait appele loi de crainte, en tant qu'elle induisait
l'observance de ses prceptes par la menace de certains
chtiments. De mme, on dit qu'elle promettait des biens
temporels.
Au contraire, ceux qui possdent dj la vertu sont
inclins en accomplir les actes par amour de la vertu,non cause d'un chtiment redout ou d'une rcompense
extrieure. Aussi la loi nouvelle, dont l'lment principal
consiste en la grce du Saint-Esprit infuse en nos coeurs,
est-elle appele loi d'amour. Et on dit qu'elle promet des
biens spirituels et ternels qui sont les objets mmes des
vertus, en particulier de la charit. Et ainsi, les hommes ver
tueux sont ports vers ces biens, non comme vers des ralits
trangres, mais comme vers leur propre perfection.
Pour la mme raison, on dit aussi de la loi ancienne
qu'elle retenait la main sans contenir les sentiments parce
qu'en celui qui s'abstient du pch par crainte du chtiment,
la volont ne s'loigne pas vraiment du mal, comme chez
celui qui s'abstient par amour de la justice. Et c'est pour
cela que la loi nouvelle, loi d'amour, est dite rectifier les
sentiments de l'me.
Cependant, mme sous le rgime de l'Ancien Testa
ment, il y eut des fidles possdant la charit et la grce del'Esprit-Saint, qui espraient surtout la ralisation de
promesses spirituelles et ternelles. Et en cela ils se ratta
chaient la loi nouvelle. Par contre, mme dans le Nouveau
Testament, il y a encore des hommes charnels, ne s'levant
point la perfection de la loi nouvelle, qu'il a fallu pousser
la pratique des actes de vertu par la crainte des chtiments
et par la promesse de certains avantages temporels. D'autre
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28 LA LIBERT DES ENFANTS DE DIEU
part, mme si la loi ancienne prescrivait la charit, elle ne
confrait pas le Saint-Esprit par qui la charit est rpandue
dans nos curs. Sum theol., I-II, q. 107, a. 1, ad 2.
Tout de mme, la loi vanglique ne restreint-elle pasnotre libert par ses prescriptions et ses dfenses? Non, laloi n'est une contrainte que pour celui qui, oubliant la finmme de la loi, l'observe sans amour. Celui-l demeuresous la loi.
Il n'y a pas de libert, dira-t-on, l o l'homme est tenud'accomplir ou d'viter certains actes extrieurs. La loi
nouvelle, tant une loi de libert, ne prescrit donc ni ne
dfend les actes extrieurs.
A cela il faut rpondre que selon Aristote est libre
celui qui est cause de soi . Agit donc librement celui qui
agit de lui-mme. Or, ce que l'homme accomplit en vertu
d'une habitude conforme sa nature, il l'accomplit de
lui-mme, parce que cette habitude l'incline l'acte avec la
spontanit d'une nature. Par contre, si l'habitude n'tait
pas conforme sa nature, l'homme n'agirait plus selon ce
qu'il est lui-mme, mais selon une altration l'affectant dans
son tre ou dans son activit.
Puisque donc la grce du Saint-Esprit nous est infuse
comme une habitude intrieure nous inclinant bien agir,
elle nous fait accomplir librement ce qui est conforme la
grce et viter ce qui lui est oppos. Et ainsi, la loi nouvelle
est une loi de libert un double titre : d'abord parcequ'elle ne nous oblige faire que ce qui est ncessaire au
salut et viter que ce qui lui est contraire : seules ces
deux catgories d'actes tombent sous le commandement ou
sous la dfense de la loi. Deuximement parce qu'elle nous
fait accepter librement ses prescriptions ou ses dfenses
dans la mesure o nous nous y conformons sous la pousse
intrieure de la grce. Et pour ces deux motifs, la loi
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LA LIBERT DES ENFANTS DE DIEU 29
nouvelle est appele par saint Jacques (I, 25) la loi de
libert parfaite. Sum. theol., I-II, q. 108, a. 1, ad 2.Relativement aux prceptes moraux, tre sous la loi peut
s'entendre en deux sens: cette expression dsigne premirement une obligation, et en ce sens tous les fidles sont sous
la loi parce qu'elle a t donne tous pour tre observe, et
le Christ a dit, Matthieu (V, 17) : Je ne suis pas venu
abolir la loi.
Ces mots expriment aussi une contrainte, et dans ce
deuxime sens, les justes ne sont pas sous la loi parce que
l'instinct de l'Esprit-Saint qui est en eux et qui les meut est
devenu leur propre instinct. En effet, la charit les incline
cela mme que la loi prescrit. Parce que les justes ont
ainsi une loi intrieure, ils font spontanment ce que la loi
commande, sans tre contraints par elle. D'autres qui ont la
volont de mal faire sont retenus par la pudeur ou la crainte
de la loi ; ceux-l subissent une contrainte. Et ainsi, les
justes sont soumis l'obligation de la loi, mais ils n'en
subissent pas la contrainte comme les pcheurs. In Gai., c. V,
lect. 5.
On voit que la libert des enfants de Dieu ne consiste pasdans le rejet de la loi, mais dans un accomplissement qui estlibre parce qu'il procde de la charit.
La o est VEsprit du Seigneur, l est la libert, dit saintPaul dans la deuxime ptre aux Corinthiens (III, 17) .
Il faut savoir que certains ont invoqu ce texte et celui dela premire Timothe (I , 9 ) o il est dit que la loi n'est
pas faite pour le juste l'appui de l'erreur suivante :
l'homme spirituel n'est pas tenu d'observer les prceptes de
la loi divine. Mais ceci est faux parce que les prceptes
divins sont la rgle de la volont humaine ; et il n'est
personne, ni ange ni homme, dont la volont n'ait besoin
d'tre rgle et dirige par la loi divine.
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30 LA LIBERT DES ENFANTS DE DIEU
Lorsque l'Aptre dit que la loi n'est pas faite poux
l'homme juste, il faut l'entendre ainsi : la loi n'a pas t
tablie pour les justes qu'une habitude intrieure incline
dj cela mme qui est prescrit par la loi, mais pour ceux
qui n'ont pas cette justice habituelle ; les justes sont
cependant tenus de l'observer.
Ce qui est affirm ici de la libert a la mme signifi
cation. Est libre celui qui est cause de soi ; est esclave
celui qui ne vit et n'agit que pour son matre. Agit donclibrement celui qui agit de lui-mme, mais non celui qui est
m l'action par autrui. C'est pourquoi celui qui vite le
mal, non parce que c'est le mal, mais cause des prceptes
divins, n'est pas vraiment libre ; celui, au contraire, qui
vite le mal, parce que c'est le mal, est libre.
C'est ce qu'accomplit le Saint-Esprit en nous : Il nous
perfectionne intrieurement par la grce habituelle de telle
manire que nous agissions par amour conformment la
loi divine. Et ainsi, on dit du juste qu'il est libre, non parce
qu'il cesse d'tre soumis la loi divine, mais parce qu'une
habitude intrieure l'incline faire ce que la loi commande.
In II Cor., c. III, lect. 3-
La vraie libert, don de l'Esprit-Saint
La vraie libert, celle qui ne subit pas la loi maisl'embrasse, dcoule de la charit et par consquent de
VEsprit-Saint qui la rpand dans nos coeurs, si bien qu'il n'ya pour l'homme d'authentique libert que celle qui lui vient de Dieu.
Le libre arbitre est cause de son mouvement ; par le
libre arbitre en effet, l'homme se meut lui-mme l'action.
Cependant, il n'est pas requis, pour tre libre, d'tre la
cause premire de soi-mme ; pas plus qu'il n'est requis pour
tre la cause de quelque chose d'tre sa cause premire. Ce
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LA LIBERT DES ENFANTS DE DIEU 31
rle de cause premire appartient en propre Dieu qui
donne le mouvement aux causes naturelles et aux causes
volontaires.
Et de mme qu'en mettant en mouvement les causes
naturelles, Dieu n'empche point leurs actes d'tre naturels,
ainsi en mettant en mouvement les causes volontaires, Il
n'enlve point leurs actes leur modalit volontaire, mais
bien plutt II la ralise en eux ; car Dieu opre dans les
tres selon leur nature propre. Sum. theol., I, q. 83, a. 1, ad 3.Le propre de l'amiti est de consentir ce que veut un
ami. Or, la volont de Dieu nous est manifeste par ses
prceptes. L'amour dont nous aimons Dieu comporte donc
que nous accomplissions ses commandements selon cette
parole du Christ, (Jean, XIV, 15) : Si vous m'aimez, gardez
mes commandements.Puisque le Saint-Esprit nous introduit dans l'amiti
divine, c'est Lui galement qui nous meut l'accomplisse
ment des commandements de Dieu, selon ce que dit l'Aptre
aux Romains (VIII, 14) : Tous ceux qui sont mus parl'Esprit de Dieu, ceux-l sont fils de Dieu.
Il faut observer cependant que les fils de Dieu sont
mus par l'Esprit-Saint, non comme des esclaves mais comme
des hommes libres. Puisqu'tre libre, c'est tre cause de
soi , nous faisons librement ce que nous faisons de nous-
mmes, c'est--dire de par notre volont. Au contraire, ce
que nous faisons contre notre volont, nous le faisons enesclaves non en hommes libres : soit qu'il y ait violence
absolue, le principe de l'action tant tout extrieur et le
sujet soumis la violence n'ayant aucune initiative, comme
dans le cas de celui qui est forc de se mouvoir ; soit que la
contrainte se mle au volontaire, comme lorsqu'on accepte
de faire ou de souffrir ce qui est moins oppos sa
volont, pour viter ce qui la contrarie davantage.
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LA LIBERT DES ENFANTS DE DIEU 33
Serviteur et ami de Dieu
Par la charit, Vhomme devient Vami de Dieu sans cesser
d'tre son serviteur parce qu'un tel service, command par
l'amour et la crainte filiale, n'a rien d'incompatible avec la
libert. Saint Augustin en faisait la remarque : Le service
du Seigneur est un service libre : ce n'est pas la ncessit
mais la charit qui le commande.
Il y a deux craintes de Dieu : Tune est la crainte servileque bannit la charit ; l'autre est la crainte filiale engendre
par la charit, qui fait redouter de perdre Celui que l'on
aime : c'est la crainte bonne et chaste dont il est dit dans
le Psaume (XVIII, 10) : La crainte du Seigneur est sainte,
elle subsiste jamais. De mme, il y a deux services de
Dieu : l'un procde de la crainte filiale : il est celui des
justes et des fils de Dieu ; l'autre procde de la crainte du
chtiment et il est oppos la charit : Notre-Seigneur y
fait allusion lorsqu'il dit : Je ne vous appellerai plus mes
serviteurs, mais mes amis.
Comme on sait, est proprement serviteur ou esclavecelui qui n'est pas cause de soi , qui ne peut disposer de
lui-mme ; est libre celui qui est cause de soi . Il y a donc
cette diffrence entre l'esclave et l'homme libre, que le
premier agit seulement cause d'un autre tandis que le
second agit pour lui-mme et de lui-mme, que l'on
considre la fin ou le principe de leur action. L'homme
libre agit pour lui-mme, ordonnant ses actions son
propre bien ; il agit aussi de lui-mme, m l'action par sa
propre volont. L'esclave, au contraire, n'agit pas pour lui-
mme, mais pour son matre ; il n'agit pas non plus de
lui -mme, mais en dpendance de la volont de son matre et
pour ainsi dire par contrainte.
Mais il arrive aussi parfois, et c'est le cas du serviteur
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34 LA LIBERT DES ENFANTS DE DIEU
de Dieu, qu'un serviteur agisse pour un autre considr
comme sa fin ; par ailleurs, il agit de lui-mme selon qu'il
se meut l'action de son propre gr. Ce service n'a rien
que d'excellent puisque dans le cas c'est la charit qui porte
bien agir ; mais on n'agit point pour soi, parce que la
charit ne cherche pas son avantage mais celui de Jsus-
Christ et du prochain. Ceux au contraire qui n'agissent qu'
cause d'un autre, c'est--dire par crainte servile, sont de
mauvais serviteurs. Il est donc manifeste que les disciplestaient de bons serviteurs, leur service procdant de l'amour.
De plus, le serviteur qui n'agit pas de lui-mme, qui
est entirement m par un autre, se trouve l'gard de
celui qui le meut comme l'instrument dans les mains de
l'artisan. L'instrument concourt avec l'artisan la ralisation
de l'uvre, mais il en ignore l'ide ; de mme, les esclaves
ne participent qu' la ralisation de l'uvre. Mais lorsque
le serviteur agit de son propre gr, il doit connatre le
plan de l'uvre : le secret lui en est rvl pour qu'il
agisse en connaissance de cause.
Or, les aptres s'appliquaient d'eux-mmes aux bonnes
uvres, la charit y inclinant leur volont ; c'est pourquoi
le Seigneur leur rvle ses secrets. Mais il est vrai d'affirmer
que les mauvais serviteurs ignorent ce que fait leur matre.
Qu'est-ce qu'ils ignorent ? Cela mme que Dieu accomplit
en nous ; tout le bien que nous accomplissons, en effet,
c'est Dieu qui l'opre en nous. // opre en nous le vouloiret le faire, dit saint Paul aux Philippiens (II, 13 ) . Le
mauvais serviteur gar dans les tnbres par l'orgueil de
son coeur s'attribue ce qu'il fait et ignore par l mme ce
que fait son matre. In Joann., c. XV, lect. 3.
La charit confre l'homme une grande dignit. Toutes
les cratures, en effet, ayant t faites par Dieu sont au service
de la majest divine, comme les uvres d'un artisan aux
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36 LA UBERT DES ENFANTS DE DIEU
Le service du prochain et la liberte
Le service de Dieu n'est pas oppos la libert ; cetut
du prochain non plus, tant comme le premier un libreexercice de la charit. Le don de l'Esprit, source de notrelibert, est un bien commun, le plus lev qui soit, parce quel'Esprit n'habite et ne se communique que dans la communaut des fidles. C'est donc au service de ce bien commun etde cette communaut que le chrtien exerce sa charit et par fait sa libert. Et celui qui est constitu en dignit doit considrer son autorit comme un service.
Vous avez t appels, vous, la libert chrtienne. Parla charit rendez-vous serviteurs les uns des autres, (Galates,V, 13) - Puisque l'Aptre dit aux Galates qu'ils ont t
appels la libert, pourquoi leur recommande-t-il d'tre
les serviteurs les uns des autres ? A cela il faut rpondre
que la charit exige que nous nous rendions service les uns
aux autres, et elle ne cesse pas pour autant d'tre libre.
Il est remarquer que l'homme libre, comme dit le
Philosophe, est cause de soi tandis que l'esclave est
pour ainsi dire caus par autrui, que l'on considre la cause
efficiente ou la fin de son agir : il n'agit pas de lui-mme,
mais par la volont de son matre et pour l'avantage de
celui-ci. Sous le premier aspect, c'est--dire comme cause
efficiente, la charit est entirement libre parce qu'elle agit
d'elle-mme. On lit dans la deuxime ptre aux Corinthiens(V, 14) La charit du Christ nous presse; cela veut dire
qu'elle nous incite la ralisation volontaire et spontane
de ce qu'elle commande. Par ailleurs, celui qui pratique la
charit est un serviteur parce qu'il fait passer l'intrt du
prochain avant le sien propre. In Gol., c. V, lect. 3.
Et nous sommes vos serviteurs en considration de Jsus-Christ, (II Corinthiens, IV, 5 ) . La raison en est que nous
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Ce qui fait dire saint Augustin( 1 )
: La convoitise des
biens temporels que Ton veut acqurir ou retenir est le
poison de la charit ; ce qui nourrit la charit diminue la
convoitise, car celle-ci est la racine de tous les maux. Qui
conque veut nourrir la charit doit s'appliquer diminuer
la convoitise. Or, la convoitise est le dsir d'acqurir ou de
possder des biens temporels ; on commence l'affaiblir en
craignant Dieu qui seul ne peut tre craint, comme II doit
l'tre, sans amour.
C'est pour cela qu'ont t tablies les diverses formes de
vie religieuse dans lesquelles et par lesquelles l'me se dta
che des choses mondaines et corruptibles pour s'lever aux
ralits divines : ce qui est exprim par cette parole du
deuxime livre des Machabes (I, 2 2 ) : Le soleil jusque-l
couvert de nuages resplendt. Le soleil, c'est--dire l'esprithumain, est couvert de nuages quand il se livre aux choses
terrestres ; mais il resplendit quand il se dgage et s'loigne
de leur amour.
Le deuxime moyen est une ferme patience dans les adver
sits. Il est manifeste en effet que si nous supportons de lour-
preuves pour celui que nous aimons, notre amour loin d'tre
dtruit est accru. Il est dit dans le Cantique des Cantiques
(VIII, 7) : Les grandes eaux, c'est--dire de multiples
tribulations, ne sauraient teindre l'amour. C'est pourquoi
les saints qui supportent pour Dieu leurs adversits sont
affermis dans son amour, tout comme l'artisan aime davantage l'uvre qui Jui a demand plus de travail. Il suit de l
que les fidles grandissent dans l'amour de Dieu en propor
tion des afflictions qu'ils endurent pour Lui. De duobus
Praec, c. 1.
(1) Li. 83 quaestionum, q.36 (PJL. 40, 25).
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LA LIBERT DES ENFANTS DE DIEU 39
Pour se protger contre les dfaillances toujours possiblesde la libert, le chrtien a la ressource de s'engager par vu la poursuite d'un bien meilleur. En prenant comme en
tenant cet engagement, il fait un excellent usage de sa libertet l'affermit dans le bien.
Certains ont pens qu'il tait insens de s'obliger par
vu obir quelqu'un ou faire quelque chose. Un acte
n'est-il pas d'autant plus vertueux qu'il est plus librement
accompli ? A cette libert s'oppose la ncessit qui nousastreint poser une action. Le mrite des actes vertueux
semble donc diminuer par l mme qu'ils procdent de la
ncessit d'obir ou de remplir un vu.
Ceux qui parlent ainsi paraissent ignorer la notion
mme de ncessit. Il y a en effet diverses ncessits. La
premire est la ncessit de contrainte qui diminue le mrite
des actes vertueux parce qu'elle est oppose au volontaire ;
car ce qui est fait par contrainte est contraire la volont.
Il y a une autre ncessit qui procde d'une inclination
intrieure ; loin de diminuer le mrite de l'acte vertueux,
elle l'augmente car elle fait que la volont se porte cet
acte avec plus d'intensit. II est vident que plus une
habitude vertueuse est parfaite, plus elle incline la volont
tendre au bien de cette vertu. Si cette habitude atteint la
perfection, elle impose une certaine ncessit de bien agir,
comme dans le cas des bienheureux qui ne peuvent pcher.
Toutefois, il n'y a rien en cela qui diminue la libert de lavolont ou la bont de l'acte.
Une troisime ncessit se tire de la fin : on dit, par
exemple, qu'il est ncessaire d'avoir un navire pour traverser
la mer. Une telle ncessit n'enlve rien la libert de la
volont ni la bont de l'acte. Au contraire, ce que l'on fait
comme tant ncessaire pour atteindre une fin, participe la
bont de cette fin.
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Or, la ncessit de remplir un vu ou d'obir celui
que Ton a pris pour suprieur n'est point une ncessit de
contrainte ; elle ne procde pas non plus d'une inclination
intrieure, mais plutt de l'ordination la fin. Celui qui a
fait un vu est dans la ncessit de faire ceci ou cela pour
que le vu soit accompli ou l'obissance pratique. Puisque
ces fins sont louables par elles l'homme se soumet
Dieu la ncessit qui en dcoule ne diminue aucunement
le mrite de la vertu. Sum. contra Gentiles, lib. III, c. 138.
Le fait de ne pouvoir pcher ne diminue pas la libert ;
de mme la ncessit o se trouve la volont affermie dans
le bien ne diminue pas la libert comme on peut le voir
chez les bienheureux et en Dieu. Telle est la ncessit du
vu qui a quelque similitude avec la confirmation dans le
bien des bienheureux. C'est une heureuse ncessit, ditsaint Augustin, ( 1 ) que celle qui nous pousse mieux agir.
Sum. tbeol. II-II, q. 88, a. 4, ad 1.
La libert des lus
Dans la dpendance entire o il se tient l'gard du
Dieu qu'il aime, le chrtien participe dj la libert divine,
il anticipe cette libert parfaite que le rgne de Dieu assure
aux lus.
Ce rgne de Dieu est souverainement dsirable en raisonde la trs parfaite libert qu'il comporte. Ici-bas, en effet, la
vraie libert n'existe pas, bien que tous la dsirent naturelle
ment. Mais au ciel une entire libert exclura toute servitude.
Toute la cration, dit saint Paul aux Romains (VIII, 2 1 ) ,
sera affranchie de la servitude de la corruption.
(1 ) Epht. 217 (P.L. 33, 48 7)
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Et les lus non seulement seront libres, mais ils rgne
ront. Vous nous avez faits rois, dit l'Apocalypse (V, 10) .
La raison en est que tous auront avec Dieu une mme
volont : Dieu veut ce que veulent les lus, et eux veulent
ce qu'il veut. C'est pourquoi, dans le rgne dfinitif de
Dieu, leur volont sera accomplie avec celle mme de Dieu,
et ainsi tous rgneront parce que leur volont sera faite et
parce que Dieu mme sera leur couronne, selon la parole
d'Isae (XXVIII, 5) : En ce jour-l, le Seigneur sera un brillant diadme et une couronne de gloire pour le reste de
son peuple. Collationes de Pater Noster.
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