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Juillet 2013
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KAMITIS est une société spécialisée en expertise scientifique, en veille stratégique et technologique et en financement de l’innovation. Elle opère principalement auprès des entreprises innovantes mais également auprès des structures institutionnelles. KAMITIS réalise pour ses clients des états de l’art technologique, des études de marchés et des analyses technico-économiques. Elle les aide également à identifier et à obtenir les meilleurs financements pour leurs projets.
Lyon 6 Place Bellecour 69002 Pour plus d'informations : [email protected] - www.kamitis.com
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Sommaire
Éditorial L’hydrogène : clé de voûte de la troisième révolution industrielle ?
Expertise scientifique
Batteries imprimées en 3D Matériau textile intelligent Test de recharge sans fil de véhicules électriques
Financement Financement d’un projet d’efficacité énergétique
Intelligence économique Suppression des obligations de publication des comptes pour les TPE Informations stratégiques : que protéger ?
Focus : H2 levier énergétique
Energie – Les changements qui s’opèrent L’hydrogène comme levier de transition énergétique ?
I3 Autonomie énergétique 100% renouvelable – par JEAN-MICHEL AMARÉ L’électrolyse durable et Hydrogène vert – par ARTHUR MOFAKHAMI Hydrogène naturel : Une réalité ! – par VALERIE BEAUMONT Question commune
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L’hydrogène : clé de voûte de la troisième révolution industrielle ?
Déjà en 2002, dans son ouvrage visionnaire « l’économie hydrogène », l’essayiste américain posait les bases
de sa théorie : « Un nouveau régime énergétique apparaît, susceptible de reconstruire la civilisation sur
d'autres fondements. Si cette nouvelle technologie n'est pas abandonnée aux grands fournisseurs
d'électricité, les piles à combustible permettront à chaque être humain de produire et même d'échanger sa
propre électricité. L'ensemble de nos institutions économiques, politiques et sociales, ainsi que nos modes
de vie s'en trouveraient transformés ».
Or, la technique de production de l’hydrogène est connue depuis très longtemps. Si elle tarde à se
généraliser c’est autant pour des raisons de manque de volontés politiques que de réelles difficultés
techniques pour passer à la grande échelle : réseaux de transport, pression importante pour conditionner le
gaz, réservoirs de dimensions rédhibitoires, faible rendement, matériaux rares nécessaires à la technologie
(platine)... Cette technique existe dans les laboratoires, pour des applications réservées aux véhicules
spatiaux et dans quelques prototypes. Mais elle n’arrive pas à franchir la rampe de l’industrialisation pour
des applications autres que les batteries miniatures pour petits appareils.
Alors, l’hydrogène sera-t-il le moteur de croissance de demain ?
C’est à cette question que tentent de répondre nos intervenants dans ce numéro. Jean-Michel Amaré,
co-fondateur de la société Atawey, nous parlera du stockage de l’électricité grâce à l’hydrogène.
Arthur Mofakhami, Directeur associé chez Ceram Hyd nous fera découvrir une technique innovante
améliorant la performance des électrolyseurs. Enfin, Valérie Beaumont, chercheur à l’IFPEN, reviendra sur
la découverte de gisements d’hydrogène naturel et partagera avec nous les résultats des travaux
exploratoires sur le sujet.
Bonne lecture,
Éditorial
Lors du forum de l’innovation, organisé par l’ADEME au palais Brongniart en
juin dernier, Jeremy Rifkin, fondateur et président de la Fondation pour les
tendances économiques (Foundation on Economic Trends ou FOET), n’a pas
manqué d’expliquer sa théorie de la troisième révolution industrielle. Il a
demandé à l’audience d'imaginer un monde où des centaines de millions de
personnes produisent leur propre énergie verte à domicile, au bureau, à
l'usine et la partagent sur un « Internet de l'énergie », de la même manière
que nous créons et partageons en ligne aujourd'hui de l'information. Car,
selon sa théorie, il sera possible de construire un réseau énergétique mondial,
décentralisé sur le modèle du web et géré avec des algorithmes de
supervision issus du monde numérique. Ce système ne sera possible qu’avec
l’avènement et le déploiement d’une ressource énergétique inépuisable
et « propre » : l'hydrogène.
Par Khaled Baaziz
Dirigeant de Kamitis
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Batteries imprimées en 3D
Pour la première fois, une équipe constituée de
chercheurs de l'Institut Wyss, à l'Université
Harvard, Massachusetts, et de l'Université
d'Illinois à Urbana-Champaign, Illinois, a
démontré en juin 2013 qu'il était possible
d'imprimer en 3D une mini-batterie de la taille
d'un grain de sable, avec une capacité de
stockage d'énergie suffisante pour l'alimentation
de petits dispositifs électroniques.
Les chercheurs sont partis du constat qu'ils
pourraient condenser plus d'énergie s'ils
pouvaient créer des empilements d'électrodes
ultrafines entrelacées. Ils ont ainsi créé une large
gamme d'encres fonctionnelles présentant les
propriétés chimiques et électriques requises. Ces
encres ont été utilisées pour imprimer en trois
dimensions des structures précises présentant
les propriétés électroniques, optiques,
mécaniques ou biologiques recherchées. Pour
réaliser l'anode, l'équipe a créé une encre à partir
de nanoparticules d'un matériau à base de
dioxyde de lithium, et de même pour la cathode,
mais avec un autre matériau également à base
de dioxyde de lithium. L'imprimante dépose
ensuite les encres sur les dents de deux peignes
d'or, en créant un empilement fin
d'entrelacement d'anodes et cathodes. Le tout
est alors incorporé dans un petit container et
rempli d'un électrolyte liquide.
Les performances électrochimiques de ces
batteries sont comparables aux batteries
commerciales en termes de taux de charge et
décharge, cycle de vie et densité d'énergie.
Cette découverte ouvre ainsi la voie à la
miniaturisation de tout dispositif électronique.
Matériau textile intelligent
Tecnalia Research & Innovation, à travers
l'initiative FIK vient de concevoir "Varstiff". Ce
concept allie une combinaison de tissus
assemblée à un système de vide permettant de
rigidifier le composite et de lui permettre de
revenir à son état initial. Lorsque l'on applique le
vide, ce matériau textile intelligent se rigidifie
instantanément et atteint même une dureté
Expertise scientifique
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équivalente à celle d'un matériau plastique
conventionnel. L'intérêt réside aussi dans le fait
que le matériau revient à son état flexible
lorsque le vide est libéré. La première utilisation
du produit Varstiff constituera l’immobilisation
d'urgence pour les victimes d'accidents mais
pourra surement trouver d'autres applications
dans le futur.
Test de recharge sans fil de véhicules électriques en stationnement et en
mouvement
Ces 30 derniers mois, le centre de recherche Flanders' DRIVE a collaboré intensivement avec neuf entreprises et deux universités flamandes sur un dispositif de recharge sans fil des batteries de véhicules électriques. Ce système vise à recharger des voitures en stationnement mais également des autobus en stationnement et en mouvement. Ce principe semblerait parfaitement réalisable, sûre et efficace, même en mouvement. Une véritable avancée aurait été obtenue, en outre, grâce aux connaissances et aux technologies développées par les partenaires flamands. Renilde Craps, directrice de Flanders' DRIVE, commente cette avancée : « Nos recherches prouvent que la recharge sans fil par induction, est presque aussi efficace qu'avec un câble : les systèmes mis au point lors de notre étude dépassent les 90 % de rendement pour la recharge statique, mais aussi pour la recharge de véhicules en mouvement avec une vitesse allant jusqu'à 70 km/h. Nous nous sommes bien sûr particulièrement attardés sur la sécurité de ces systèmes et sommes parvenus à maîtriser le champ magnétique généré lors de la recharge sans fil. »
Le système de recharge par induction est composé de deux éléments. Le premier est placé sous le plancher du véhicule électrique, une voiture ou un autobus. Le deuxième élément est soit intégré dans une voie de circulation pour une recharge en mouvement, soit intégré dans une place de parking pour une recharge statique. Dans le cadre de cette étude, le deuxième
élément a été placé dans une aire de recharge statique à Flanders’ DRIVE, et aussi dans un tronçon de la N769 à Lommel. Le système permet une recharge en 3,6 kW ou 22 kW, une version en 80 kW étant à l’étude. Pour les autobus, les deux méthodes de recharge statique et dynamique ont été étudiées. Les deux processus de recharge ont montré la même efficacité sur une chaussée bétonnée ou asphaltée. Toutefois, la recharge en mouvement requiert plus de concentration du chauffeur afin de garder le véhicule aligné dans de la voirie. Bombardier, Energy ICT, Infrax, Inverto, Katholieke Universiteit Leuven, Mobistar, NXP, OCW, Van Hool, Volvo Cars Company et la Vrije Universiteit Brussel sont les partenaires impliqués dans le projet.
Sources : http://phys.org/news/2013-06-3d-tiny-batteries.html http://www.madrimasd.org/informacionidi/noticias/noticia.asp?id=56960&origen=notiweb&dia_suplemento=martes http://www.youtube.com/watch?v=81am7XDy0WQ http://www.auto-innovations.com/actualite/actualite-energy.html
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Financement
Financement d’un projet d’efficacité énergétique
Le débat national sur la transition énergétique débuté en janvier 2013 aboutira à un projet de loi à l’automne prochain. L’un des axes de travail est le financement. Le financement des projets d’efficacité énergétique est aujourd’hui identifié comme l’un des principaux
freins au déploiement des opérations. Plusieurs subventions publiques locales, nationales et européennes
ont pour objectif de soulager les entreprises de tout ou partie de leurs dépenses.
Des dispositifs d’aide et des subventions Ademe existent pour accompagner les différentes phases d’un
projet :
- Phase de réflexion concernant la réduction des dépenses énergétiques (pré-diagnostic) : l’objectif
est d’identifier les optimisations possibles et trouver les solutions techniques et
organisationnelles envisageables.
- Phase de diagnostic et d’étude de faisabilité de l’investissement : investiguer et comparer les
différentes solutions (coût de mise en œuvre, calendrier, …)
- Mise en œuvre des investissements : l’Ademe intervient à travers le fonds "Chaleur". Doté de
1,2 milliard d’euros sur 5 ans, ce dernier permet de financer sous forme de subventions des
projets de taille importante dans différents secteurs (solaire thermique, bois, biomasse, pompes à
chaleur géothermiques, géothermie profonde, réseaux de chaleur,…). L’entreprise obtient son
financement au cours des trois mois suivants.
Les entreprises ont également la possibilité de
combiner ce financement avec une aide
européenne telle que celle du Fonds européen
de développement régional (Feder). Le FEDER
avec 10.1 milliards d'euros d'engagés, représente
43.3% du montant européen investit en France
entre 2007 et 2013.
Les certificats d’économie d’énergie (CEE) : les
CEE ont été mis en place par la loi Grenelle I en
2005, puis renforcé par la loi Grenelle II
(multiplication par six le volume
d’investissements pouvant faire l’objet de CEE).
Une enveloppe de 1 milliard d’euros est ainsi
disponible.
Il est possible parfois de cumuler plusieurs
subventions, alors que dans certains cas des
choix stratégiques sont à opérer. C’est le cas par
exemple entre les subventions Ademe et les CEE
pour un même investissement. Il est donc
important de bien analyser les différentes
solutions de financement d’un projet.
Un projet d’efficacité énergétique passe par
- La rénovation énergétique d’un bâtiment pour qu’il consomme moins,
- Le déploiement de méthodes de gestion de l’énergie plus efficientes
- L’installation d’équipements de production d’énergies renouvelables
(hydraulique, solaire, photovoltaïque).
Ces investissements permettent de diviser par dix la consommation
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Tableau: Les prestations pouvant bénéficier d’un soutien financier de l’Ademe
Type de prestation Objet Condition d’aide
Pré-diagnostic
- Bilan technique
- Identification des enjeux
- Hiérarchisation des axes d’amélioration
Taux maxi : 70 %
Plafond assiette : 5 000 €
Diagnostic
- Etude comparative des différentes solutions
techniques et/ou organisationnelles envisageables
- Mise en œuvre des préconisations d’actions
Taux maxi : 70 %
Plafond assiette : 50 000 €
Étude de faisabilité
- Définition d’une solution technique adéquate à
l’investissement
- Définition et dimensionnement de l’opération
Taux maxi : 70 %
Plafond assiette : 100 000 €
Sources :
H. Aboulouard, "Gestion des coûts – Comment financer un projet d’efficacité énergétique", Option Finance n°1226, Juin 2013. http://www.europe-en-france.gouv.fr/Configuration-Generale-Pages-secondaires/FEDER http://www2.ademe.fr/servlet/KBaseShow?sort=-1&cid=96&m=3&catid=25130
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Intelligence économique
Suppression des obligations de publication des comptes pour les TPE : un outil de lutte contre les distorsions de concurrence internationale
L'obligation de publication disparaitra pour les entreprises de moins de 10 salariés et réalisant moins de 700.000 euros de chiffre d'affaires et sera allégée pour celles réalisant un chiffre d'affaires jusqu'à 8 millions d'euros.
Ce sujet a été identifié par la Délégation interministérielle à l’intelligence économique (D2IE), notamment
lors de ses nombreux contacts avec les entreprises. Sur mandat du gouvernement, la D2IE a piloté une
réflexion interministérielle, en liaison avec les organisations professionnelles et les organismes concernés.
Sur cette base, la D2IE a transmis des propositions au gouvernement en 2012.
L’objectif des mesures annoncées est double :
• Simplifier les procédures administratives pour les TPE ;
• Eviter des distorsions de concurrence entre les PME françaises et leurs concurrentes. Les PME
françaises sont en effet astreintes à des obligations de publication nettement plus contraignantes
que celles auxquelles sont assujetties, d’une part, leurs homologues de certains Etats membres de
l’Union européenne, d’autre part, et surtout, des principaux états extracommunautaires, où
n’existe quasiment aucune obligation de publication des comptes pour les entreprises non cotées.
Ces mesures de simplification permettront ainsi aux « start-ups » et TPE françaises de préserver la
confidentialité de leurs activités, et de rétablir de cette façon un équilibre face à leurs concurrentes
internationales.
Informations stratégiques : que protéger ?
En matière de sécurité économique, l’important est de trouver un équilibre entre une naïveté excessive, qui laisserait les acteurs économiques trop vulnérables, et une paranoïa stérile incompatible avec une économie ouverte et avec le bon fonctionnement des entreprises. Cet équilibre correspond à un bon niveau de vigilance.
Une information peut être qualifiée de
stratégique lorsque sa possession donne au
détenteur un avantage certain par rapport à
celui qui ne la possède pas. Sa valeur est liée au
fait que sa diffusion ou sa destruction pourrait
faire perdre l’avantage concurrentiel qu’elle
procurait à son détenteur premier. Une
information est cependant rarement stratégique
en elle-même. Elle le devient dans un contexte
précis qu’il convient d’identifier. Ainsi, par
exemple, le montant d’une offre commerciale
perd son caractère stratégique lorsque le marché
a été remporté. Il est donc impossible de définir
de façon générale ce qu’est une information
stratégique. Cela dépend de l’entité, du
moment, et du contexte dans lequel cette
information peut-être utilisée. Et seul le chef de
l’entreprise ou ses représentants sont à même
d’évaluer si l’information doit être protégée.
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Les actes d’ingérences concernent néanmoins la plupart du temps trois grands types d’informations :
La politique de recherche et développement. Les résultats mais aussi, parfois, l’objet de la recherche et
les thèmes de travail constituent des données de grande valeur, tant pour les entreprises que pour les
établissements de recherche. Bien souvent leur captation par la concurrence est de nature à mettre en péril
l’entreprise ou le laboratoire.
La stratégie commerciale et le marketing. Les fichiers clients, les marchés en cours, la politique tarifaire,
les campagnes promotionnelles, les projets de rachat de concurrents, les perspectives de développement à
l’international sont autant de données dont la divulgation à un tiers est susceptible de créer un préjudice à
l’entreprise.
Le fonctionnement de l’entreprise. Les données personnalisées sur les employés, les organigrammes
détaillés, les plans des locaux de l’entreprise, les informations sur l’architecture informatique et sur les
systèmes de sécurité, sont des informations très précieuses pour le concurrent déloyal comme d’ailleurs
pour le délinquant de droit commun qui souhaite s’en prendre aux valeurs de l’entreprise ou du laboratoire
de recherche.
Sources :
http://www.intelligence-economique.gouv.fr/actualites/suppression-des-obligations-de-publication-des-comptes-pour-14-million-de-tpe-un-outil-de http://www.intelligence-economique.gouv.fr/dossiers-thematiques/securite-economique
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Focus : H2 levier énergétique
Energie – Les changements qui s’opèrent
- L’objectif commun des pays européens est de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 20% en
2020 et d’au moins 80% à l’horizon 2050 par rapport au niveau de 1990.
- Le prix du pétrole qui, en moyenne, a été multiplié par quatre en dix ans (environ 25 à 100 dollars le
baril). En moyenne, en 2010, le prix du baril de Brent s’établissait à 79 dollars puis à 111 dollars en 2011.
- L’épuisement des ressources mondiales en hydrocarbures est inéluctable. L’échéance de la pénurie est
simplement retardée par la découverte impromptue de ressources d’hydrocarbures non
conventionnels. En effet vers 2030, les Etats-Unis pourraient acquérir une quasi-autonomie (en pétrole
et en gaz) ce qui ne sera pas le cas des pays européens et de la France en particulier. Il faudra donc gérer
une concurrence accrue pour accéder aux ressources notamment avec l’Asie fort importatrice
(aujourd’hui, la chine doit importer 53% de sa consommation en pétrole et passera probablement à près
de 80% en 2030).
Production du Pétrole en 2012
Pays non OPEP
Pays de l'OPEP
Arabie Saoudite
USA
Russie
Par Myriam Moussaoui
Chargée de développement chez Kamitis
Le contexte énergétique mondial est marqué par la hausse durable de la
demande énergétique (+35% d’ici 2035). Pour y faire face, les énergies
fossiles (pétrole, gaz, charbon), qui représentent 81% de la consommation
d’énergie primaire mondiale, devraient continuer à assurer l’essentiel des
besoins (75% en 2035). Le pétrole restera la principale source d’énergie
(32% aujourd’hui, 27% en 2035).
Pour prendre la mesure des efforts de transition énergétique dans
lesquels la France s’est engagée, il faut prendre connaissance de certains
chiffres :
Le choc pétrolier larvé que subissent les pays occidentaux est une crise de la demande (non une crise de l’offre comme pour les trois précédentes crises de 1973, 1979 et 1990). Jamais la production de pétrole n’a été aussi importante : entre 2000 et 2011, elle a augmenté de 11% pour permettre de suivre le rythme de la consommation mondiale. Depuis 2000, la production mondiale de pétrole a augmenté de 11%, celle de gaz de 35% et celle de charbon de 63%. Et l’avènement des hydrocarbures non conventionnels (gaz de schiste), aux Etats-Unis notamment, vient dynamiser la production. En 2012, les Etats-Unis produisaient 9.1 millions de barils par jour. Cette production devrait atteindre 11.9 millions de barils par jour en 2018.
10.7%
53.3%
37.6%
9.5%
9.1%
12
Les pays européens et plus particulièrement la France doivent maîtriser leurs importations en faisant des efforts d’efficacité énergétique et miser sur les énergies renouvelables (EnR) pour les décennies à venir. Jusqu’à présent les EnR sont peu utilisées. Elles représentent 8 % de l’énergie consommée dans le monde. Les précédentes révolutions énergétiques (le charbon au XIX
e siècle et le pétrole au XX
e
siècle) ont été plus rapides, car leurs avantages technico-économiques étaient incontestables
(au niveau des coûts et de la simplicité d’utilisation). La transition énergétique actuelle est plus difficile car la mise en œuvre et le déploiement des EnR sont complexes et nécessitent de lourds investissements. Cela dit, l’utilisation des EnR progresse régulièrement et la forte production d’énergie fossile ne doit pas masquer cette réalité. L’Allemagne, par exemple, a pour objectif de porter à 80% la contribution des EnR dans sa production électrique d’ici à 2050 contre 23% actuellement.
L’hydrogène comme levier de transition énergétique ?
L’hydrogène est l’élément que l’on trouve le plus en abondance sur terre, et parmi tous les combustibles
connus, celui qui possède le contenu énergétique le plus élevé par unité de poids. Comme le présente la
figure 1, la quantité d’énergie produite par la combustion d’hydrogène est plus élevée que pour tout autre
carburant. La comparaison des pouvoirs calorifiques montre que celui de l’hydrogène est plus élevé que
celui du méthane, de l’essence et du charbon.
L’hydrogène existe rarement seul en tant qu’élément. L’atome d’hydrogène apparaît soit dans les chaînes
d’hydrocarbures CxHy), soit dans les molécules d’eau (H2O). Les travaux menés par l’IFPEN ont démontré
l’existence de sources naturelles d’hydrogène (voir le témoignage de Valérie Beaumont dans la rubrique I3).
L’hydrogène naturel existe donc sur terre, mais pour le moment, la phase de recherche est en cours.
Figure 1. Densité d’énergie massique pour différents vecteurs d’énergie.
0
20
40
60
80
100
120
140
Hydrogène Méthane Propane Essence Gasoil Méthanol
Les énergies renouvelables sont intermittentes, ce qui fait d’elles une force d’appoint dans la production énergétique totale. Ce handicap sera levé dès lors que l’on maîtrisera le stockage de l’électricité produite pour l’utiliser lorsqu’il n’y a pas de soleil ou de vent.
Densité
d’énergie
massique
(MJ/Kg)
13
Avant d’être utilisé comme combustible ou
matière première chimique, l’hydrogène doit
être séparé des autres éléments par électrolyse
(en faisant passer un courant électrique dans
l’eau), par gazéification (chauffage à haute
température en l’absence d’oxygène), ou par
reformage (chauffage à haute température qui
fait appel à un catalyseur). L’industrie l’extrait
notamment du méthane, en produisant du gaz
carbonique. L’eau en présente une réserve
quasi infinie, mais il faut beaucoup d’électricité
pour séparer oxygène et hydrogène. Plusieurs
hypothèses ont été étudiées. Les partisans de la
«révolution hydrogène» défendent le fait
d’utiliser les EnR pour accélérer la mutation vers
un mix énergétique plus « propre ».
La figure 2 présente les éléments d’un système d’énergie à base d’hydrogène ainsi que la position de la
production et de la purification de l’hydrogène au sein de la chaîne d’approvisionnement globale.
Figure 2 : Système d’énergie à base d’hydrogène
Figure 3 : Prospective de l’utilisation de l’Hydrogène
Source d’énergie Production et purifiction de l’hydrogène
Stockage et distribution
Service s
énergétiques
La source énergétique utilisée est très souvent conditionnée par le mode de production d’hydrogène. Différents types d’énergie peuvent être mobilisés (électrique, chimique …).
Actuellement, la production d'hydrogène est issue à 96% de processus de transformation d'énergies fossiles (ces derniers demeurent les plus efficaces au niveau énergétique et économique).
Parmi les technologies matures figurent les réseaux d’hydrogène gazeux, le stockage de l’hydrogène dans des bouteilles (sous forme de gaz ou de liquide). Citons également parmi les technologies innovantes les hydrures, les nanotubes ou les nanocornets de carbone.
Au-delà des usages liés au raffinage, l’hydrogène est utilisé dans des procédés chimiques tels que la sidérurgie, la plasturgie, la microélectronique, la verrerie... (Figure 3). L’hydrogène intervient par exemple :
Pour la fabrication de polymères, méthanol et ammoniac
Dans le processus de désulfuration des carburants
Lors de la production de sorbitol, intégré dans les cosmétiques entre autres
Comme vecteur d’énergie, pour le transport et le stockage des énergies
renouvelables notamment.
Répartition des usages de l’hydrogène énergie estimés
pour 2020 (Pike Research)
Flotte de chariots élévateurs
Flottes de véhicules utilitaires légers Systèmes de secours et de continuité d’alimentation électrique
Autres
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Plus de 900 000 tonnes d’hydrogène sont produites et consommées chaque année en France. À l’échelle de l’Europe, on estime que les besoins en hydrogène devraient croître de 4% par an. En France, la production vers 2030 devrait dépasser 1 million de Tonnes par an. Il existe plusieurs technologies de production d’hydrogène, avec divers niveaux de maturité. En 2010, 95% de l’hydrogène produit dans le monde provenait du méthane (issu du gaz naturel) par vaporeformage. Les 5% restants étaient majoritairement produits par
électrolyse de l’eau, ou par électrolyse chlore-soude. Actuellement, la production d'hydrogène est issue à 96% de processus de transformation d'énergies fossiles (ces derniers demeurent les plus efficaces au niveau énergétique et économique). La production par vaporeformage génère environ 10 kg de CO2 par kg d’H2 produit. Ainsi, les procédés de production d’hydrogène sont responsables de quasiment 3% des émissions totales de CO2.
Seule la décomposition de la biomasse ou de l'eau est susceptible de produire de grandes quantités d'hydrogène en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Nous nous intéressons ici à l’électrolyse de l’eau : L’électrolyse de l’eau permet de dissocier les molécules d’eau en oxygène et hydrogène, grâce à un apport électrique. Cette technique permet l’obtention d’hydrogène avec une pureté élevée. Les émissions provenant de ce procédé sont nulles, mais dépendent de la chaîne d’approvisionnement de la source d’électricité. L’électricité peut provenir d’une source traditionnelle (émettrices de CO2), ou d’une source renouvelable, comme l’énergie éolienne ou solaire. Principalement, deux types de technologies d’électrolyseur existent : électrolyseur à membrane (PEM pour Proton Exchange Membrane), et électrolyseur alcalin. On notera que :
La pureté de l’hydrogène obtenue est meilleure avec un électrolyseur PEM (99.99% contre 99.8% pour l’alcalin)
La densité de courant supérieure (1 à 2 A/cm2 contre 0,4 A/cm2 pour l’alcalin), Les électrolyseurs PEM disposent d’une meilleure flexibilité aux variations du courant (Ils sont donc plus
adaptés à un couplage EnR), Faute d’un retour d’expérience suffisant à ce jour, il demeure une incertitude quant à la durée de vie des électrolyseurs à membrane. Et la présence de métaux nobles tels que le platine comme catalyseurs rendent cette technologie plus coûteuse que la technologie alcaline.
L’hydrogène, une partie intégrante du nouveau mix énergétique! Parmi les solutions avec un possible déploiement à court terme, celles qui utilisent les EnR pour produire de l’hydrogène via un électrolyseur sont les plus prometteuses. L’hydrogène est ensuite stocké et permet, par le biais d’une pile à combustible, de fournir une alimentation électrique continue, même en cas de couplage entre un électrolyseur et une EnR intermittente. Ce système garantit donc l’accès continu à l’électricité dans des zones non reliées au réseau électrique (voir l’interview de Mr Amaré, co-fondateur d’Atawey). Le principal obstacle à l’implémentation d’une telle solution n’est pas d’ordre technique mais économique. Étant donné que la production d’électricité renouvelable est associée à des frais initiaux élevés et que des électrolyseurs peuvent engendrer des coûts élevés, le choix de cette option peut se montrer problématique aux niveaux déploiement et coût. Dans la rubrique I
3, nous verrons avec nos experts qu’il est possible de lever ces barrières grâce aux
innovations qu’ils ont développées au sein de leurs entreprises.
Sources : P. Geoffron, "Que faire du gaz de schiste européen? ", Diplomatie Mai-juin 2013
F. Lafargue, "Les enjeux géopolitiques de la transition énergétique", Diplomatie Mai-juin 2013
G. Marbán et T.Valdés-Solís, "Towards the hydrogen economy? ", J. Hydrogen Energy, 32(2):1625–1637, 2007. http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/14_Hydrogene_et_piles_a_combustible.pdf
L'hydrogène obtenu par électrolyse de l'eau grâce aux EnR peut être conservé, puis recombiné pour
produire de l'électricité dans une pile à combustible en fonction des besoins.
15
I3 ce sont trois interrogations pour échanger avec un expert sur l'environnement
de l'entreprise.
Aujourd’hui nous faisons réagir trois experts : Jean-Michel Amaré, co-fondateur de la société Atawey, nous parlera du stockage de l’électricité grâce à l’hydrogène. Arthur Mofakhami, Directeur associé chez Ceram Hyd nous fera découvrir une technique innovante améliorant la performance des électrolyseurs. Enfin, Valérie Beaumont, chercheur à l’IFPEN, reviendra sur la découverte de gisements d’hydrogène naturel et partagera avec nous les résultats des travaux exploratoires sur ce sujet. L’hydrogène sera-t-il le moteur de croissance de demain ?
Kamitis : Comment définissez-vous votre positionnement sur le marché de l’énergie ?
JEAN-MICHEL AMARÉ : ATAWEY, société
installée à Savoie Technolac, est spécialisée
dans le stockage d'électricité grâce
à l'hydrogène. La société est spécialisée dans
la réalisation d'équipements d’énergie
décentralisée destinés aux sites isolés*.
Atawey propose des systèmes d’autonomie
énergétique 100% renouvelable.
Le système (voir la figure ci-dessous) couvre
l’intégralité des besoins des sites sur l’année
avec un très haut degré de fiabilité en
adéquation avec les conditions climatiques
extrêmes (altitude, chaleur…). Tout
cela en supprimant la problématique
d’approvisionnement en carburant, et
les nuisances habituellement générées par
le fonctionnement des groupes électrogènes
(bruit, fumées, odeurs, rejets de CO2…).
* Sites habités ou industriels qui ne sont pas raccordé au réseau énergétique. Par exemple en montagne,
sur des iles ou dans des territoires vastes…
I3
JEAN-MICHEL AMARÉ (gauche) & PIERRE-JEAN BONNEFON (droite)
Fondateurs d’Atawey
04 57 36 40 33
[email protected] www.atawey.com
Autonomie énergétique 100% renouvelable
Jean-Michel Amaré est le co-fondateur de la société ATAWEY.
Il nous présente sa société et décrit la technologie développée pour assurer une autonomie énergétique pour les sites isolés.
15
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Kamitis : Atawey est un créateur de solutions ‘clé en main’, en quoi consiste votre technologie ?
J-M A. : Les sites isolés produisent
généralement leur énergie à partir des énergies
renouvelables qui sont par définition
intermittentes à l’échelle de la journée mais
surtout de l’année. Pour couvrir l’intégralité des
besoins d’un site, le recours à du stockage de
grande capacité et de longue durée est
indispensable. En couplant la production
d’hydrogène (par électrolyse) et son stockage
(hydrures métalliques) avec une pile
à combustible, Atawey développe des systèmes
parfaitement autonomes de gestion de
l’énergie. Les composants clé du système sont
conçus par l’équipe R&D d’Atawey en propre
ou en codéveloppement avec des partenaires
stratégiques. Notre équipe développe
également la gamme de produits répondants
aux différents besoins des clients.
Kamitis : Comment envisagez vous l’avenir d’Atawey en termes de stratégie ? et quels sont vos axes prioritaires de développement à moyen et à long terme ?
J-M A. : Les principaux axes d’accès au marché
sont centrés sur l’Europe (en montagne ou dans
les iles) et sur le grand export dans un second
temps. En termes de développements,
la société cherche à multiplier les partenariats
pour adresser les marchés à l'international,
ce qui nécessite de muscler sa structure (dans
un délai de 5 ans, nos effectifs devraient être de
30 personnes) :
Nous sommes actuellement en recherche de
partenaires de commercialisation/distribution
sur les marchés internationaux de fourniture
d’énergie pour les sites isolés.
Atawey prépare également une levée de fonds
en 2014 pour accompagner le déploiement
commercial et développer les équipes
techniques de l’entreprise.
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Kamitis : Comment définissez-vous votre positionnement sur le marché de l’énergie ?
ARTHUR MOFAKHAMI : Fondée en 2005,
Ceram Hyd conçoit et commercialise des
générateurs d’hydrogène et d’acide
hypochloreux pour différentes applications
(gaz industriels, désinfection de l’eau, stockage
de l’énergie…).
Ceram Hyd a développé sa propre membrane
échangeuse ionique baptisée CERAPEM, qui lui
permet de concevoir des électrolyseurs
performants et compétitifs.
Cette membrane est fabriquée à partir de
matériaux céramiques (95% de céramique dans
la membrane) souples, écologiquement neutres
et peu couteux. Elle a une grande durée de vie
(raisonnablement entre 5 et 10 ans).
Nous sommes fabriquant de notre technologie
membranaire. Nous avons ainsi une réelle
flexibilité sur la taille, le prix et les volumes de
production de nos produits.
Kamitis : Quels sont les différents domaines d’activité dans lesquels intervient CeramHyd ?
A M. : La membrane que nous fabriquons est
particulièrement bien adaptée :
à l’électrolyse de l’eau en milieu acide qui
permet de produire de l’hydrogène et de
l’oxygène comme co-produit,
à l’électrolyse de saumure qui permet de
produire de l’acide hypochloreux et de la
soude comme co-produit.
L’acide hypochloreux est deux fois et demie plus
puissant que l’eau de javel. Il s’attaque aux
micro-organismes et cible les agents pathogènes
en priorité. Cela permet de désinfecter l’eau à
moindre coût.
Parmi les applications ciblées nous pouvons citer
:
L’agriculture : L’acide hypochloreux, en tant
que désinfectant, est une solution réelle pour un
problème majeur de santé publique (baisser
les concentrations de Trihalomethane "THM",
issue du traitement direct avec le chlore ou
l’hypochlorite de sodium). Nos expériences
montrent que le taux de THM est indétectable
dans les récoltes traitées avec de l’acide
hypochloreux.
Désalinisation de l’eau de mer et de saumure
Dépollution de l’eau des métaux lourds
Aujourd’hui pour avancer sur ces applications
diverses et variées, nous avons besoin de
maintenir notre niveau de R&D et de garder
l’avance que nous avons. Les dispositifs de
financement dont nous avons bénéficié jusqu’à
présent (CIR, JEI, OSEO) nous ont beaucoup
aidés à cela.
ARTHUR MOFAKHAMI
+336 80 00 48 25 [email protected]
www.ceramhyd.com
L’électrolyse durable et Hydrogène vert
Arthur Mofakhami, Directeur associé – CTO chez Ceram Hyd revient sur les enjeux cruciaux que présente l’hydrogène à travers la technologie développée par les équipes de Ceram Hyd.
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Kamitis : Quelles sont les prochaines échéances pour CeramHyd ?
A M. : Notre objectif est d’étendre nos
gammes de produits afin d’assurer une
croissance la plus forte possible et d’augmenter
notre chiffre d’affaires. Parallèlement, nous
continuons à développer notre technologie et
nous prévoyons de lancer au niveau industriel
les gammes d’électrolyseurs d’une capacité de
1000 m3/h pour fin 2014.
A moyen termes, nous souhaitons nous
focaliser sur notre savoir faire :
le développement et la fabrication de la cellule
électrochimique (stack) et collaborer avec des
partenaires industriels pour la fabrication des
machines.
Actuellement nous préparons une levée de fond
à des fins industrielles pour augmenter
la production. Nous sommes également à
la recherche de partenaires pour
le développement de systèmes ‘clé en main’.
Kamitis : Vous menez actuellement des travaux exploratoires et prospectifs sur l’hydrogène naturel, pouvez vous nous en dire plus sur vos recherches ?
VALERIE BEAUMONT : Depuis les années 70,
l'exploration des fonds sous-marins a révélé
l'existence d'émanations d'hydrogène naturel
aux dorsales médio-océaniques. De très
nombreux "fumeurs" noirs et blancs, au fond
des océans produisent des quantités
imposantes d'hydrogène naturel.
Et nous savons que l'hydrogène est un des
enjeux énergétiques majeurs de l'avenir : c'est
la source ultime de l'énergie décarbonée.
Toutefois l'exploitation de cette ressource dans
cette situation géographique relèverait d'un
scénario digne d'un roman de Jules Verne, voire
d'un mauvais roman d'anticipation. Notre
équipe s'est donc interrogée sur les possibles
sources d'hydrogène en milieu continental: si
la planète produit de l'hydrogène au fond des
océans, pourquoi n'en produirait-elle pas sur
Terre ? Nous nous sommes alors attachés à
rechercher des environnements géologiques
terrestres où pourraient avoir lieu les réactions
produisant de l'hydrogène en mer.
Un habitat géologique similaire à celui des
fonds océaniques se retrouve dans des
contextes tectoniques de compression très
particuliers où le fond des océans est exhumé à
la surface, exposant à l'atmosphère jusqu'aux
roches du manteau. Il s'agit des massifs de
péridotites. Plusieurs massifs de ce type
existent à la surface du globe.
VALERIE BEAUMONT
[email protected] www.ifpenergiesnouvelles.fr
Hydrogène naturel : Une réalité !
Géochimiste de formation, Valérie Beaumont est Ingénieur de recherche chez IFP Energies nouvelles. L’objectif de ses recherches est de fournir l’expertise et les outils pour les méthodes de prospection et de production de l’hydrogène naturel.
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Une analyse bibliographique révèle que des
émanations d'hydrogène ont effectivement été
observées sur le massif de péridotite d'Oman.
Une fois le contrôle sur place effectué en
Oman, notre équipe visite d’autres massifs de
péridotite à travers le monde autres massifs de
péridotite à travers le monde : l'hydrogène est à
chaque fois au rendez-vous. En Nouvelle
Calédonie, mes collègues Eric Deville et Alain
Prinzhofer mettrons sa présence en évidence
pour la première fois.
Toutefois la découverte majeure, celle qui nous
stimule le plus, c'est l'existence de flux
substantiels d'hydrogène en milieu intra-
continental, là où l'habitat géologique ne se
prête pas, a priori, aux réactions produisant de
l'hydrogène par interactions eau-roche.
Ce sont nos collègues russes, Vladimir et
Nikolaï Larin qui ont fait cette découverte sur le
craton russe, et nous l'on fait partager. Des
structures d'effondrements, petites caldeiras,
parsèment le paysage et émettent de
l'hydrogène. Ces structures se rencontrent du
nord de Moscou au Kazakhstan.
Ces chemins préférentiels de l'hydrogène vers
l'atmosphère, ne nous ont pas encore livré leur
secret de formation, mais nous pensons qu'ils
sont liés à la présence d'aquifères contenant de
l'hydrogène dissous. D'autre part, ils ne
constituent pas une exception russe: des
structures comparables existent sur la cote
atlantique nord américaine, laissant échapper
un flux continu d'H2 vers l'atmosphère.
Kamitis : Plus qu'un vecteur d'énergie, l'hydrogène pourrait donc être considéré comme une source
d'énergie?
V B. : Exactement!
Cette découverte ouvre un nouvel horizon pour
l'hydrogène, envisagé jusqu'alors comme un
vecteur d'énergie, propre à l'utilisation mais pas
forcément à la production! En effet,
l'hydrogène est aujourd'hui produit et il résulte
à 96% de la transformation d'hydrocarbures
fossiles! Sa préparation se réalise au prix d'une
émanation de CO2.
Sa production par électrolyse de l'eau,
aujourd'hui trop onéreuse, est toutefois
envisagée dans l'avenir comme mode de
stockage d'énergie pour compenser
l'intermittence du solaire ou de l'éolien, c'est
l'hydrogène vecteur énergétique.
Cependant, l'hydrogène naturel tel que nous
venons de le découvrir, s'il s'avère exploitable,
constituerait une nouvelle source d'énergie, une
source d'énergie propre à part entière,
disponible pour participer au mix énergétique
du futur, promesse de nouveaux marchés.
Kamitis : Quel est, d’après vous, l’origine de cet hydrogène terrestre et comment évaluez-vous
l’intérêt technico-économique d’une production industrielle d'H2 naturel ?
V B. : En ce qui concerne l'origine de
l'hydrogène, nous travaillons sur deux pistes
principales: des réactions eau/roche en
subsurface, que nous n'aurions pas
soupçonnées au préalable, ou un dégazage
d'hydrogène produit à des niveaux plus
profonds. Quoiqu'il en soit, cette production
participe au grand phénomène d'oxydation
globale de la surface de la planète.
C'est un phénomène géologique global, qui
existe depuis la formation de la Terre et dont
la production d'hydrogène est une des
manifestations, passée jusque là inaperçue,
faute d'intérêt. Dans cette perspective,
il pourrait s'agir d'une source durable.
Le marché de l'hydrogène est déjà un marché
très important en implications et en volume,
puisque l'hydrogène est essentiellement utilisé,
d'une part, dans la fabrication des engrais
azotés et, d'autre part, dans le raffinage des
pétroles, notamment les pétroles de moins
bonne qualité de plus en plus abondants sur
le marché. L'existence d'hydrogène "source
d'énergie" pourrait transformer les utilisations
et encourager d'autres besoins, par exemple,
impliquer l'hydrogène de manière plus
répandue en tant que carburant propre, aux
deux sens du terme!
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Glossaire :
Dorsales médio-océaniques : limite divergente de deux plaques lithosphériques formant une chaine de
relief sous-marin. Siège d'un volcanisme qui créé le plancher océanique. 64 000 km de dorsales dessinent
les limites de plaques au fond des océans. La dorsale médio-atlantique (7000 km) séparant les plaques
Europe-Afrique et Amériques est la plus longue d'entre-elles.
Péridotite : roche issue du manteau terrestre composée essentiellement d’olivine (jusqu’à 90%) et de
pyroxène (minéraux ferromagnésiens). Ces minéraux contiennent du fer réduit dont l’oxydation par l’eau
produit de l’hydrogène. Ces roches sont exposées à la surface des fonds océaniques ou terrestres dans
des contextes tectoniques particuliers.
Question commune
Kamitis : Quels constats faites vous concernant le marché de l’hydrogène en France, en Europe et dans
le monde ?
JEAN-MICHEL AMARÉ : Dans le domaine de
l’hydrogène, La France dispose d’un très grand
potentiel scientifique et industriel. En effet,
le travail de R&D mené depuis les années 2000
a porté ses fruits. Malheureusement ce travail
n’a pas été suivi d’un accompagnement
législatif et réglementaire, ce qui a entrainé
le retard de la France aujourd’hui au niveau du
déploiement des solutions à base de
la technologie hydrogène.
Notre pays est à la pointe de la technologie au
travers notamment de nombreux brevets
concernant l'électrolyse, le stockage
d'hydrogène sous forme solide, les piles
à combustible… De nombreuses start-up ainsi
que de grands groupes proposent des solutions
prêtes à être déployées sur terrain.
On constate donc un décalage! Reste à lever
les obstacles réglementaires et adapter
la législation française !
Concernant l’International. Plusieurs nations
déploient des solutions qui intègrent
l’hydrogène comme vecteur d’énergie : les pays
d’Europe du nord (Danemark, Norvège, Suède),
l’Allemagne, les Etats-Unis, le Japon …
Je pense sincèrement que l’hydrogène apporte
aujourd’hui une solution énergétique
décentralisée parmi les plus respectueuses de
l’environnement et les moins émettrices de gaz
à effet de serre. L’hydrogène apporte une
réponse au défi écologique et climatique qui
nous attend pour les applications stationnaires
mais également la mobilité décarbonnée.
Le futur est déjà là.
ARTHUR MOFAKHAMI : La France est très en
retard dans le domaine de l’hydrogène
énergétique, principalement à cause des
barrières au changement. Les grands acteurs
industriels ainsi que les politiques commencent
à peine à mesurer l’intérêt technico-
économique de l’hydrogène produit par ce
biais.
En Europe et à travers le monde il existe des
champions : l’Allemagne, le Japon et les USA
sont les leaders. Mais nous pouvons rattraper
notre retard en adaptant la réglementation,
en multipliant les synergies entre les grands
groupes, les PME, les start-up, les laboratoires
(CEA, CNRS, …), les régions et les politiques.
Et grâce à ce vivier de scientifiques, de
techniciens et d’industriels, nous sommes
capables d’aller très vite.
Il faut se donner les moyens de ces ambitions!
Il faut qu’il y ait une prise de conscience de
la part des politiques, des acteurs industriels et
du grand public quand aux réelles possibilités
offertes par l’hydrogène et son rôle dans le mix
énergétique.
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VALERIE BEAUMONT : En tant que scientifique,
ma vision du marché est sûrement très naïve!
Je peux toutefois imaginer le rôle que pourrait
jouer demain l'hydrogène dans le monde de
l'énergie propre.
Son utilisation en tant que vecteur est
séduisante: la molécule offre la possibilité de
produire en masse, tout en contrôlant
les émissions de carbone, ou en stockant de
l'énergie propre mais intermittente, tout en
consommant, à l'autre bout de la chaine, de
manière individuelle et propre.
L'éventualité d'une molécule d'hydrogène
"source d'énergie" est de ce point de vue encore
plus séduisante car l'émission de carbone
(lié à la production) est supprimée. Et cet
aspect du marché de l'hydrogène est
totalement à inventer!
J'imagine une consommation directe de
l'hydrogène naturel produit localement!
Les sources que nous avons identifiées
produisent un mélange d'hydrogène,
de méthane et d'azote, a priori idéal pour
la combustion et la production directe
d'énergie.
La ressource potentielle est répartie sur
les grandes zones habitées et industrielles,
elle invite à concevoir la possibilité d'une
production et d'une consommation locale avec
un impact environnemental minimal.
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