Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements
Chapitre IV Propriétés anticorrosion
Etude électrochimique et à haute température
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Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements
Comme nous l’avons décrit dans les chapitres qui précèdent, les revêtements étudiés
dans ce travail sont destinés à être employés dans l’industrie de coupe ou de mise en forme
des matériaux, particulièrement dans des secteurs tels que l’usinage, l’emboutissage ou le
moulage. L’outil utilisé dans ces procédés est non seulement soumis à une sollicitation
d’ordre mécanique, mais aussi à des agressions thermiques, liées au frottement inhérent à son
utilisation, ou chimiques, par exemple lors de l’emploi d’un lubrifiant. Un accroissement des
propriétés de résistance à la corrosion électrochimique ou à haute température des dépôts
commercialisés est alors indispensable et leurs études font l’objet de ce chapitre.
Dans une première partie, nous nous proposons de tester les propriétés électrochimiques en
milieu aqueux des différents revêtements déposés. Un modèle de corrosion, expliquant le
processus électrochimique de dégradation des couches sera alors développé sur la base des
résultats expérimentaux.
La seconde partie de ce chapitre est consacrée à l’étude des propriétés réfractaires des
différents revêtements.
IV.1. Résultats des tests électrochimiques
Dans la première partie de ce paragraphe, les résultats des mesures d’électrochimie
sont présentés pour permettre de déterminer quels dépôts sont les plus aptes à protéger le
substrat métallique contre la corrosion dans une solution de NaCl 0,5 M naturellement aérée.
Dans une deuxième partie, nous proposons un modèle original permettant d’interpréter les
résultats et d’expliquer les processus de dégradation observés.
IV.1.1. Revêtements élaborés par évaporation à arc électrique.
Les résultats présentés dans ce paragraphe concernent les revêtements élaborés par le
procédé d’évaporation à arc électrique. Trois types de revêtements ont été testés. Deux
revêtements monocouches de TiN et de CrN, et un revêtement nanostructuré multicouche
d’une période de 40 nm. Comme décrit dans le chapitre 3, ce revêtement possède une couche
externe plus épaisse en nitrure de chrome d’environ 350 nm. La figure IV.1 présente
l’évolution dans le temps du potentiel à l’abandon de chacun des revêtements et du substrat.
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Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements
0 5 10 15 20 25 30-600
-550
-500
-450
-400
-350
-300
-250
-200
-150
-100
Substrat
TiN
CrN
2D-TiN/CrNpote
ntie
l, m
V/E
CS
temps, h
Fig.IV.1. Evolution des potentiels à l’abandon des revêtements déposés par évaporation à arc électrique.
Quel que soit le revêtement considéré, le potentiel décroît, dès le début de l’immersion, depuis
une valeur noble, pour d’abord se stabiliser à un palier situé entre –300 et –400 mV/ECS,
c’est à dire à une valeur comprise entre le potentiel du substrat (-580 mV/ECS) et celui du
revêtement. Il s’agit donc d’un potentiel mixte (potentiel de couplage galvanique). Après une
durée variable suivant la nature du revêtement, le potentiel chute ensuite brutalement à une
valeur plus faible (-510 mV/ECS) à nouveau située entre le potentiel du substrat et celui du
revêtement. Dans cette deuxième partie de la courbe, les pièces revêtues subissent une
corrosion localisée (piqûres).
Remarque : Le potentiel de corrosion intrinsèque de ces revêtements n’a pas pu être mesuré.
En effet, une telle étude nécessite le dépôt des revêtements sur un substrat inerte tel que du
verre. Les tentatives d’élaboration de ces échantillons ont systématiquement conduit, sous
l’effet du bombardement ionique et du choc thermique, à la destruction des lames de verre
utilisées comme substrat. Comme nous le verrons dans le paragraphe IV.2, le même type de
dépôts par le procédé de pulvérisation cathodique magnétron a été réalisé et a montré que les
revêtements TiN et CrN ont des potentiels de corrosion très nobles (> +200 mV/ECS).
89
Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements
L’observation d’une tension mixte traduit l’existence d’une porosité débouchante que nous
avons quantifiée comme décrit dans la suite de ce paragraphe.
Par ailleurs, la chute de potentiel s’explique par une augmentation de cette porosité
débouchante (écaillage), c’est-à-dire par une augmentation de la surface du substrat en contact
avec l’électrolyte. En effet, dans l’hypothèse où l’acier est uniquement le siège de la réaction
anodique et le revêtement celui de la réaction cathodique nous pouvons écrire qu’au potentiel
de couplage galvanique,
0=×+× oxacieracier
redrevrev iSiS Eq.IV.1
Srev étant la surface du revêtement, Sacier la surface du substrat en contact avec l’électrolyte à
travers les pores du revêtement, la densité de courant cathodique de réduction de
l’oxygène dissous au niveau du revêtement et la densité de courant anodique d’oxydation
du métal à travers les pores du revêtement. De plus,
redrevi
oxacieri
Sacier<<Srev ≈ Stotale Eq.IV.2
donc,
0=×+ oxacier
redrev ipi Eq.IV.3
p étant le taux de porosité
Or, la loi de Bütler-Volmer permet d’écrire l’évolution du courant de réduction avec le
potentiel imposé à l’électrode :
⎟⎟⎠
⎞⎜⎜⎝
⎛−= rev
redo
cOHo i
iEE
0
0/
2
22log1
β Eq.IV.4
βc étant le coefficient de Tafel cathodique.
donc au potentiel mixte, d’après l’équation IV.3,
⎟⎟⎠
⎞⎜⎜⎝
⎛ ×−= rev
oxacier
cOHom i
ipEE
0
0/ log1
22 β Eq.IV.5
Ainsi, une diminution de la tension mixte est observée si la porosité débouchante du
revêtement augmente. La chute de potentiel observée est donc la conséquence d’une
90
Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements
augmentation brusque de la porosité des couches induite vraisemblablement par la piqûration
(figure IV.2). Elle traduit donc le début de la dégradation du revêtement.
Fig.IV.2. Micrographies optiques des revêtements élaborés par évaporation àarcs électriques après 21 heures d’immersion dans NaCl 0,5 M. (a) TiN, (b)CrN, (c) 2D-TiN/CrN. (d) Image MEB en électrons secondaires d’une coupe métallographique autravers d’une piqûre.
Dans ces conditions, le palier peut être utilisé pour étudier le vieillissement des dépôts dans la
solution. Nous pouvons aisément constater que les échantillons revêtus par TiN présentent un
palier de potentiel bien moins long que ceux des pièces revêtues par CrN ou par le
multicouche. TiN a donc une "durée de vie" plus courte.
D’autre part, comme le montre la figure IV.3, les courbes de polarisation des différents
échantillons montrent que les revêtements qui contiennent du nitrure de chrome présentent un
mécanisme de corrosion différent de celui du substrat nu ou revêtu par TiN.
91
Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements
-800 -700 -600 -500 -400 -300 -200 -100 0
-9
-8
-7
-6
-5
-4
-3
-2
2D-TiN/CrN
CrN
TiN
substratlo
g(i),
i en
A/c
m²
potentiel, mV/ECS
Fig.IV.3. Courbes de polarisation des échantillons obtenus par évaporation à arc électrique,tracées à 10 mV/min dans NaCl 0,5 M.
En effet, compte tenu de la différence importante entre le potentiel du substrat (≈ -600
mV/ECS) et celui des différents revêtements ( > +200 mV/ECS), nous pouvons faire
l’hypothèse que le revêtement est uniquement le siège de la réaction cathodique, et le substrat
celui de la réaction anodique. Les branches anodiques traduisent donc la cinétique de
dissolution du fer en fond de pore des revêtements. Il est clair que les branches anodiques des
courbes caractéristiques du substrat nu et revêtu par TiN sont parallèles indiquant un
mécanisme de corrosion identique et la diminution du courant de corrosion observée sur les
échantillons de TiN sur acier est simplement à attribuer au masquage partiel de la surface
métallique par le revêtement.
Pour les deux autres revêtements, en revanche, les branches anodiques sont plus plates,
révélant un mécanisme de corrosion différent de celui du substrat nu. Cet infléchissement des
courbes anodiques est observé, en général, dans le cas d’une passivation.
Plus quantitativement, les mesures de résistance de polarisation (Rp) relevées à différents
instants (1, 6, 11 et 21 heures), présentées à la figure IV.4 montrent que la cinétique de
corrosion est plus lente dans le cas des revêtements contenant du nitrure de chrome.
92
Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements
16
1121
subs
trat Ti
N CrN
2D
0
50
100
150
200
250
300
350
t, h
Rp,
koh
ms
Fig.IV.4. Evolution temporelle de la résistance de polarisationmesurée sur les échantillons d’acier revêtus par évaporation àarc électrique. Surface 0,5 cm².
La résistance de polarisation de l’échantillon revêtu par TiN est initialement élevée (100 kΩ),
après la première heure d’immersion dans l’électrolyte. Les échantillons revêtus par les deux
autres types de dépôts, contenant tous deux du nitrure de chrome, attestent de valeurs de Rp
beaucoup plus grandes et relativement stables dans le temps. Les valeurs encore plus
importantes obtenues pour le dépôt multicouche peuvent s’expliquer par une porosité
débouchante plus faible (tableau IV.1).
Tableau IV.1 : taux de porosité débouchante des revêtements élaborés par évaporation à arc électrique,
mesurées par deux techniques électrochimiques.
Technique de mesure
Chrono-ampérométrie Superposition des courbes de polarisation
TiN 0,3 % 0,2 %
CrN 0,02 % 0.03 %
2D-TiN/CrN 0.008 % 0.006%
La comparaison des taux de porosité avec ceux de la littérature est difficile car les valeurs
sont très variables. A titre d’exemple, voici quelques valeurs des taux de porosité de TiN
publiés : Creus [30] : 47,8 % ; Aromaa et al. [98] :4,9 % ; Tato et Landolt [99] : 0,13 % ;
93
Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements
Chen et al. [100] : 0,035 %. Il apparaît que les valeurs dépendent beaucoup du procédé
d’élaboration et, eu égard aux avancées technologiques dans ce domaine depuis les 20
dernières années, sont beaucoup plus faibles dans les publications les plus récentes.
L’ensemble des ces résultats montrent donc que le nitrure de chrome est bénéfique à la tenue
à la corrosion.
IV.1.2. Revêtements élaborés par pulvérisation cathodique magnétron
Quatre types de revêtements élaborés par pulvérisation cathodique magnétron ont été
testés : deux revêtements monocouches TiN et CrN, un dépôt nanocomposite TiBN et un
dépôt à structure multicouche TiN/CrN de 4 nm de période. Hormis les pièces revêtues par
TiN qui sont soumises à une attaque sévère puis à un écaillage massif dès le début de
l’immersion, l’évolution du potentiel libre de chaque échantillon est similaire à celle
précédemment décrite (Figure IV.5). Cependant, les durées des paliers obtenus avec le
revêtement multicouche sont très variables. Deux lots d’échantillons se distinguent. Un
premier dont la durée du palier est courte, que nous nommerons 2D_1, et un second qui
présente un palier plus long, nommé 2D_2.
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20
-550
-500
-450
-400
-350
-300
CrN
Substrate
TiN TiBN
2D_1
2D_2
Pot
entie
l, m
V/E
CS
Temps, h
Fig.IV.5. Evolution des potentiels à l’abandon des revêtements déposés par pulvérisation cathodique magnétron.
94
Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements
Chacun de ces lots correspond en fait à deux séries d’élaborations distinctes et réalisées dans
les mêmes conditions. En effet, le réacteur de dépôt utilisé a une capacité limitée, si bien que
pour traiter une grande quantité de pièces, plusieurs charges sont nécessaires. Comme
précédemment, les revêtements qui ont un palier de longue durée contiennent du nitrure de
chrome. De même l’évolution des résistances de polarisation (Figure IV.6) souligne, à
nouveau, la meilleure tenue à la corrosion des pièces contenant CrN (revêtement CrN
monocouche ou 2D_2).
16
1121
subs
trat
TiB
N TiN
2D_1 C
rN 2D_20
50100150200250300350400450
t,h
Rp,
koh
ms
Fig.IV.6. Evolution temporelle de la résistance depolarisation, mesurée sur les échantillons d’acierrevêtus obtenus par pulvérisation cathodiquemagnétron. Surface 0,5 cm².
Les tracés voltampérométriques (figure VI.7) soulignent la similitude de comportement entre
TiN et TiBN et laissent apparaître un assez mauvais comportement avec le temps en milieu
agressif, leur interdisant toute utilisation durable. D’autre part, l’allure des courbes anodiques
révèle que le comportement électrochimique des dépôts multicouches 2D_1 et 2D_2
s’apparente respectivement aux revêtements TiN et CrN.
95
Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements
-800 -700 -600 -500 -400 -300 -200 -100
-9
-8
-7
-6
-5
-4
-3
-2
CrN 2D-2
2D-1
TiBN
Substrat
TiN
log(
i), i
en A
/cm
²
potentiel, mV/sce
Fig.IV.7. Courbes de polarisation des échantillons obtenus par pulvérisation cathodiquemagnétron, tracées à 10 mV/min dans NaCl 0,5 M.
Pour tenter d’élucider les comportements différents du revêtement multicouche, une analyse
par spectrométrie de masse de la surface de chacun des lots 2D_1 et 2D_2 a été entreprise
(Figure IV.8).
0 100 200 300 400 500 600106
107
108
109
Cr
Nom
bre
de c
oups
, u.a
.
Temps, s
0 100 200 300 400 500 600106
107
108
109a
TiTi
b Cr
Nom
bre
de c
oups
, u.a
.
Temps, s
Fig.IV.8. Analyse SIMS de la surface d’un échantillon multicouche type 2D_1 (a) et 2D_2 (b).
96
Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements
Il apparaît que les échantillons 2D_1 ont une couche externe en TiN, puisque la détection du
titane est plus intense que celle du chrome au début du test, tandis que le dépôt 2D_2 a une
couche externe en CrN. Ainsi la signature électrochimique de TiN pour le revêtement 2D_1 et
celle de CrN pour 2D_2 est expliquée par la nature différente de la surface en contact avec
l’électrolyte, constituée respectivement de TiN et de CrN.
Il semble donc que le comportement électrochimique des revêtements multicouches soit
principalement influencé par la couche externe en contact avec l’électrolyte. Ce constat est en
outre confirmé pour les revêtements stratifiés déposés par évaporation à arc, pour lesquels les
propriété électrochimiques (longue durée du palier, Rp élevées, infléchissement de la branche
anodique des courbes de polarisation) sont attribuables à la couche externe en CrN
IV.2. Interprétations des résultats – Proposition d’un mécanisme de corrosion
La figure IV.9 présente l’évolution de la résistance de polarisation après une heure
d’immersion en fonction de la porosité débouchante, tous procédés d’élaboration confondus.
0,0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,80
50
100
150
200
250
300
350
400
450
Rés
ista
nce
de p
olar
isat
ion,
kΩ
porosité débouchante,%
Fig.IV.9. Evolution de la résistance de polarisation des différents revêtements(évaporation à arc et pulvérisation cathodique) après une heure d’immersion dans NaCl0,5 M en fonction de la porosité débouchante moyenne.
97
Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements
Globalement, les revêtements qui ont les résistances de polarisation les plus élevées sont ceux
qui sont les moins poreux. Cependant, cette règle souffre de quelques exceptions, puisque
pour des porosités du même ordre de grandeur, des variations importantes de Rp peuvent être
parfois observées. Si la porosité débouchante joue un rôle indéniable dans le mécanisme de
corrosion, comme cela paraissait vraisemblable compte tenu du caractère cathodique des
revêtements, celle-ci n’est donc a priori pas le seul paramètre influent. Afin de déterminer
d’éventuels autres facteurs clés, une étude électrochimique intrinsèque des revêtements a été
entreprise.
IV.2.1. Etude électrochimique des revêtements TiN et CrN déposés sur substrat inerte
Pour déterminer les caractéristiques électrochimiques intrinsèques des revêtements,
TiN et CrN ont été déposés sur lame de verre par pulvérisation cathodique magnétron, pour
s’affranchir du couplage galvanique existant entre le substrat et les dépôts. Comme expliqué
dans le paragraphe IV.1.1, de tels échantillons n’ont pas pu être obtenus par évaporation à arc,
procédé trop énergétique, les essais réalisés ayant conduit à un éclatement de la lame de verre
consécutif au bombardement ionique ou au choc thermique. La figure IV.10 présente
l’évolution des potentiels à l’abandon en fonction de la durée d’immersion.
0 5 10 15 20-200
-150
-100
-50
0
50
100
150
200
250
CrN/verre
TiN/verre
E, m
V/E
CS
temps, h
Fig.IV.10. Evolution temporelle du potentiel libre des revêtements TiN et CrN déposéssur lame de verre par pulvérisation cathodique et immergés dans NaCl 0,5 M.
98
Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements
Pour les deux revêtements, l’évolution peut être divisée en trois étapes :
- Phase 1 : une chute initiale du potentiel est observée pendant la première heure
d’immersion,
- Phase 2 : le potentiel augmente rapidement jusqu’à des valeurs très nobles,
- Phase 3 : le potentiel se stabilise et tend de manière asymptotique vers une
valeur d’équilibre.
Cette évolution particulière a déjà été observée dans le cas des aciers inoxydables [101] et
serait liée à un phénomène de passivation. Selon l’auteur, la phase 1 correspondrait alors à
l’hydratation initiale du film passif formé à l’air. Les phases 2 et 3 sont connues pour être
relatives à sa croissance respectivement en champ fort puis faible. En effet, la croissance d’un
film passif sur acier inoxydable est contrôlée par la migration des cations métalliques de
l’acier vers la solution. Au début de sa croissance, le champ électrique qui s’établit dans le
film est très important (de l’ordre de 108 V/m ! [102]) : c’est la croissance du film en champ
fort. Lorsque le film est plus épais, le champ électrique diminue et la croissance du film
ralentit progressivement : c’est la croissance en champ faible.
Cette analogie avec les aciers inoxydables tend à montrer que TiN et CrN seraient des
matériaux passivables. Pour s’en convaincre, des expériences de voltamétrie cyclique ont été
menées sur TiN (figure VI.11).
-400 -200 0 200 400 600 800 1000 12001E-4
1E-3
0,01
0,1
1
10
Log(
i), i
en µ
A/c
m²
potentiel, mV/ECS
Fig.IV.11. Courbe de voltamétrie cyclique de TiN déposé sur verre parpulvérisation cathodique magnétron et tracée à 10 mV/min.
99
Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements
Il apparaît d’une part, un anoblissement de la surface lors du tracé dans le sens anodique et,
d’autre part, une chute du potentiel de corrosion pendant le balayage retour (sens cathodique).
Cette variation du potentiel de corrosion est probablement liée à la modification de l’état
physique de surface par la polarisation. La ″passivabilité″ de TiN semble donc avérée.
Dans la suite de ce chapitre, nous rendons compte de la détermination de la nature chimique
des couches passives formées sur TiN et CrN, ainsi qu’à l’explication de leur influence sur les
réactions électrochimiques. L’épaisseur d’une couche passive étant de l’ordre de quelques
nanomètres, nous avons eu recours à la spectroscopie de photoélectrons X (XPS), capable non
seulement de déterminer la nature des atomes, mais aussi de connaître leur environnement
chimique.
IV.2.2 Détermination de la nature des oxydes formés
Cas du nitrure de titane :
Deux échantillons de TiN ont été testés, l’un, brut d’élaboration, l’autre porté pendant 1 heure
à un potentiel anodique de +250 mV/ECS dans la solution électrolytique (polarisation utilisée
pour la caractérisation des films passifs). Les spectres N1s et O1s et Ti2p sont donnés à la
figure IV.12.
100
Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements
N1s
526 527528 529 530 531 532 533 534 535536
Energie de liaison (eV)
0
TiN-témoin
TiO
2
TiN
xOy
C-O
CN
TiN
xOy
TiN
0
TiN-Témoin
TiN-oxydé 1h
a
Energie de liaison (eV)
403 402 401 400 399 398 397 396 395 394 393 392
b
TiN-oxydé-1h
TiN-témoin
c
467 466 465 464 463 462 461 460 459 458 457 456 455 454 453
Ti2p
TiN
xOy
TiN
TiO
2
Fig.IV.12. Spectres XPS des liaisons O1s (a),N1s (b) et Ti2p (c) réalisés sur TiN passivé etTiN vieilli à l’air (témoin)
Energie de liaison (eV)
Le spectre O1s déterminé à partir de l’échantillon de TiN passivé montre, une fois déconvolué,
3 pics, dont deux sont attribuables à TiO2 et aux liaisons C-O représentatives d’une inévitable
contamination organique [103,104]. La nature du troisième pic est plus floue, attribuée selon
divers auteurs à un composé ternaire TiNxOy [105-108].
101
Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements
La présence de ce composé, associé à TiO2 est en outre confirmée par les spectres N1s et Ti2p
[105,107,108].
Remarque : à notre sens, le pic C-N serait dû à une contamination d’origine organique, mais
certains auteurs, sans réellement le démontrer, l’attribueraient à de l’azote adsorbé, libéré
par l’oxydation de TiN en TiO2 [106,107,110,111].
Lors de la polarisation anodique, la hauteur relative du pic TiO2 (529,5 eV) décroît au
bénéfice du composé ternaire, ce qui laisse à penser que l’oxydation favorise la croissance du
composé oxynitrure de titane aux vertus passivantes. Ainsi, la structure triplex suivante du
film passif formé sur TiN peut être envisagée : TiN/TiNxOy/TiO2.
102
Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements
Cas du nitrure de chrome :
524525526527 528 529 530 531 532 533 534 535 Energie de liaison (eV)
CrN-oxydé 1h
CrN-témoin
386388390392394 396 398 400402404
Energie de liaison (eV)
CrN-oxydé 1h
CrN-témoin
406
N1sO1s
c Cr2p
CrN-témoin
Fig.IV.13. Spectres XPS des liaisons O1s(a), N1s (b) et Ti2p (c) réalisés sur CrNpassivé et CrN vieilli à l’air (témoin)
3
575 585
CrN-oxydé 1h
Cr
CrN
C
r 2O
Cr(
OH
) 3
590 580 570
CN
CrN
C-O
Cr .(
OH
) 3
Cr 2
O3
a b
565
Energie de liaison (eV)
Comme pour TiN deux échantillons de nitrure de chrome ont été analysés : le premier brut
d’élaboration (échantillon témoin) et le second ayant subi une oxydation anodique à +250
mV/ECS pendant une heure.
103
Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements
Trois pics identifiés comme caractéristiques des composés Cr2O3, Cr(OH)3 et d’une
contamination (liaisons C-O) [103,105,111] apparaissent sur le spectre O1s des deux
échantillons CrN. La couche passive formée spontanément sur CrN est majoritairement
composée d’hydroxyde de chrome tandis que ″ l’anodisation ″ favorise la croissance de Cr2O3
(figure IV.13a).
L’indexation des spectres Cr2p conduit à la même nature des composés. De plus, elle montre
la présence de chrome métallique en surface du dépôt [103]. Sa présence est probablement
due au procédé de pulvérisation cathodique, technique de dépôt avec laquelle il est difficile
d’élaborer un nitrure de chrome parfaitement stoechiométrique.
Ainsi, une structure du film passif formé sur CrN similaire à celle obtenue sur acier
inoxydable peut être proposée (CrN,Cr/Cr2O3/Cr(OH)3) et les mêmes mécanismes de
formation peuvent être postulés [113,114].
IV.2.3 Etudes des propriétés semi-conductrices des films passifs formés.
La structure de l’interface électrode / électrolyte dans le cas d’un métal et d’un
semiconducteur est radicalement différente et sera exposée en première partie. En second lieu,
le caractère semiconducteur des films passifs présents à la surface des différents revêtements
étudiés sera démontré.
IV.2.3.1. Electrochimie du semi-conducteur.
La présentation de l’électrochimie du semi-conducteur qui va suivre restera très succincte.
Seuls les éléments utiles à la compréhension des mécanismes qui seront développés dans le
paragraphe IV.2.3.2 sont détaillés. Pour une description plus complète, le lecteur pourra se
reporter aux références [115,116].
Différence entre une interface métal / électrolyte et semi-conducteur / électrolyte.
L’électrode métallique est considérée, suivant les conditions de polarisation, comme
un puits ou une source parfaite d’électrons, si bien que la charge superficielle de l’électrode se
trouve confinée dans une épaisseur beaucoup plus petite que l’épaisseur de la couche
d’Helmoltz (Figure IV.14.a). La différence de potentiel qui s’instaure entre l’électrode et
104
Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements
l’électrolyte s’établit dans ce cas presque exclusivement dans la solution, dans la double
couche électrochimique.
b a
potentiel
ELECTRODE METALLIQUE
ELECTRODE ELECTROLYTE ELECTROLYTE
∆ϕ ∆ϕ
Région de charge d’espace
Couche d’Helmoltz
Couche de Gouy-Chapman
potentiel
SEMICONDUCTRICE
Fig.IV.14. Représentation schématique de l’interface métal / électrolyte (a) et semi-conducteur /électrolyte (b).
Dans le cas d’un semi-conducteur, le nombre de porteurs de charges est beaucoup plus faible
et la charge au sein du matériau se répartit sur une épaisseur non négligeable, typiquement de
quelques dizaines d’Angströms : c’est la région de charge d’espace. La quasi-totalité de la
différence de potentiel s’établit cette fois dans l’électrode. Comme pour la double couche
électrochimique, la région de charge d’espace est assimilable à une capacité que l’on nomme
capacité de charge d’espace.
Conduction électrique des semi-conducteurs - Echange des électrons avec l’électrolyte.
La différence de potentiel, qui s’établit dans un semi-conducteur en contact avec un
électrolyte conduit à une courbure des bandes énergétique de conduction et de valence. Trois
situations sont alors possibles :
- L’équilibre électrochimique est tel qu’aucune différence de potentiel ne
s’établit entre l’électrode et la solution, ou bien l’électrode est polarisée de
105
Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements
manière à ce que cette différence soit nulle: les bandes sont plates (figure
IV.15.a). Le potentiel pour lequel cette situation est observée est nommé
potentiel de bande plate (Vbp).
- Pour un semi-conducteur de type-n (resp. type-p), l’électrode est polarisée
anodiquement (resp. cathodiquement) (figure IV.15.b). Les porteurs
majoritaires (électrons pour un semi-conducteur de type-n et trous pour un
type-p) sont transférés profondément dans l’électrode et ne peuvent participer
aux réactions électrochimiques. Le semi-conducteur est dit alors en situation
d’appauvrissement.
- Pour un semi-conducteur de type-n (resp. type-p), l’électrode est polarisée
cathodiquement (resp. anodiquement) (figure IV.15.c). Les porteurs
majoritaires s’accumulent cette fois à la surface de l’électrode. L’établissement
d’un courant entre l’électrode et l’électrolyte est possible. Les éventuelles
réactions électrochimiques sont possibles. Le semi-conducteur est dit alors en
situation d’accumulation.
Dans tous les cas, la différence entre l’énergie des bords des bandes de conduction ou de
valence (Ecs et Evs) et celle des bandes au sein du matériau (Ec et Ev) est appelée courbure de
bandes.
106
Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements
Bande de conduction
Bande de valence
Energie
potentiel
ELECTROLYTE
ELECTRODE
potentiel
Energie
Ev
Ec ---
Bande de conduction
Bande de valence
Energie
potentiel
Ecs
Evs
--
Transfert d’électronsim
possible
courbure de bandes
Ev
Ec
Bande de conduction
Bande de valence
Ecs
Evs
- - -
- -
Transfert d’électronspossible
-
cb a
Fig.IV.15. Situations énergétiques possibles d’un semi-conducteur de type-n. Situation de bandes-plates (a) ; Situationd’appauvrissement (b) ; situation d’accumulation (c).
La situation d’appauvrissement interfaciale (Figure IV.15.b) est très utile pour caractériser la
nature d’un semi-conducteur (type-n ou type-p). En effet, dans une telle configuration de
charge, la capacité d’interface C vérifie la relation de Mott-Schottky :
)(211
00022 e
kTVVNeCC bp
dc
−−+=εε
Eq.IV.6
Cdc étant la capacité de double couche, ε la constante diélectrique du milieu d’étude, ε0 la
permittivité du vide, N le taux de dopage, e0 la charge de l’électron, k la constante de
Boltzman, T la température, Vbp le potentiel de bande plate et V le potentiel appliqué à
l’électrode. V-Vbp représente la courbure des bandes du semiconducteur et le tracé de 1/C² en
fonction du potentiel appliqué conduira donc à une droite de pente positive pour un semi-
conducteur de type-n et négative pour un de type-p.
107
Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements
IV.2.3.2. Caractérisation des revêtements TiN et CrN passivés
La figure IV.16 présente les tracés de Mott-Schottky obtenus à partir d’échantillons de
nitrure de titane ou de chrome, déposés par pulvérisation cathodique magnétron sur lame de
verre et polarisés anodiquement pendant une heure à +250 mV/ECS .
-600 -400 -200 0 200 400 6000,0
0,5
1,0
1,5
2,0
2,5
3,0
3,5
4,0
4,5
5,0
1/C
², x1
0-8 F
-4.c
m2
E, mV/ECS
-200 0 200 400 6000,0
0,5
1,0
1,5
2,0
2,5
3,0
3,5
1/C
², x1
0-8 F
-4.c
m2
E, mV/ECS
b
a
Fig.IV.16. Evolution de la capacité d’interface en représentation de Mott-Schottky pour TiN (a) et CrN(b) déposés sur verre par pulvérisation cathodique magnétron et oxydés pendant 1 heure à +250 mV/ECSdans NaCl 0,5M.
108
Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements
Dans les deux cas, les courbes présentent une partie linéaire sur un large domaine de potentiel
(environ 300 mV). La droite relative à TiN passivé (figure IV.16a) montre une pente positive
et met donc en évidence le comportement semi-conducteur de type-n de l’oxyde formé.
Inversement, la pente négative (figure IV.16b) de la droite relative à CrN passivé montre le
caractère semi-conducteur de type-p de son film passif.
IV.2.4. Discussion : cas des revêtements déposés sur acier – Mécanisme de corrosion
proposé.
Comme nous l’avons vu dans le paragraphe IV.2.1, quel que soit le revêtement considéré, son
potentiel de corrosion intrinsèque est très noble, de l’ordre de +200 mV/ECS. De plus, lorsque
ces revêtements sont déposés sur l’acier, et immergés dans une solution de NaCl 0,5 M, un
équilibre s’établit au voisinage de –400, –500 mV/ECS (figure IV.5). Chaque revêtement est
donc polarisé cathodiquement par rapport à son potentiel de corrosion. Or, d’après Sato [116],
le courant issu d’une surtension η appliquée à un semi conducteur de type-n ou p s’écrit :
pour un type-n : ))exp(1.(0
kTeii nnη−−= Eq.IV.7
pour un type-p : )1).(exp(0 −=kTeii ppη Eq.IV. 8.
En conséquence, lors d’une forte surtension cathodique, le courant qui s’établit dans un semi-
conducteur se simplifie en première approximation :
pour un type-n : )exp(.0
kTeii nnη−= Eq.IV.9
pour un type-p : Eq.IV.10. 0pp ii =
in0 (resp. ip
0) étant le courant d’échange (ou courant de corrosion) du semi-conducteur de type-
n (resp. type-p) et η la surtension appliquée. La figure IV.17 représente schématiquement le
processus de corrosion qui a lieu dans le cas d’un acier revêtu par un matériau plus noble. La
réaction cathodique de réduction de l’oxygène dissous a lieu au niveau du revêtement tandis
que la réaction anodique de dissolution de l’acier se déroule en fond de pores.
109
Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements
Fe
Fe2+
O2OH-
Fig.IV.17. Représentation schématique du processus decorrosion ayant lieu dans le cas d’un acier recouvert d’unrevêtement cathodique en solution aérée.
Ces deux demi-réactions électrochimiques donnent lieu, à l’équilibre, à un courant égal pour
chacune d’elles, les électrons produits par l’oxydation du fer étant consommés par la réaction
de réduction de l’oxygène. Or, comme décrit précédemment, au potentiel d’équilibre de
l’ensemble, le revêtement est polarisé cathodiquement. En supposant que les deux
revêtements TiN et CrN se passivent comme lorsqu’ils sont déposés sur verre, un fort courant
cathodique peut s’établir sur le revêtement de TiN puisque le courant cathodique évolue
exponentiellement avec la surtension dans le cas d’un semi-conducteur de type-n. En
conséquence, la réaction d’oxydation du fer en fond de pores est rapide. Inversement, avec
CrN (semiconducteur de type-p), le courant cathodique est limité et donc le courant de
dissolution du fer aussi.
Ainsi, ce sont les propriétés semi-conductrices de l’oxyde formé sur le revêtement de nitrure
de chrome qui seraient à l’origine de la très bonne protection qu’il confère à l’acier. La
couche passive qui se forme sur le nitrure de chrome ralentit la cinétique de corrosion par
limitation du courant cathodique.
Ce modèle montre que dans le cas des revêtements multicouches, une optimisation de la
résistance à la corrosion sera obtenue pour une couche CrN en contact avec l’électrolyte. Les
deux comportements contraires observés avec les revêtements multicouches élaborés par
pulvérisation cathodique ayant des couches externes différentes, confirment ce modèle.
L’exceptionnelle résistance à la corrosion dénotée par les revêtements multicouches trouve
donc deux origines : la première repose sur une limitation par le caractère semiconducteur de
type-p du nitrure de chrome en couche externe. L’autre est basée sur une meilleure
110
Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements
″densification″ du dépôt lors de l’édification des différentes strates, au point d’aboutir à un
taux de porosité infime.
Si l’évaluation de l’aptitude des dépôts 2D et 3D à protéger le substrat contre la corrosion
aqueuse est intéressante pour déterminer leurs potentialités d’utilisation dans des applications
anticorrosion, c’est le plus souvent une haute résistance à l’oxydation que doivent présenter
ces dépôts lorsqu’ils sont dévolus à l’industrie mécanique. La résistance à la corrosion sèche
des pièces revêtues est donc une caractéristique cruciale qu’il convient d’optimiser. De
surcroît, les recommandations environnementales actuelles imposent le recours minimum aux
fluides de coupe, rendant encore plus fondamentale une bonne résistance thermique. Dans ces
conditions, le frottement induit un échauffement considérable sur les arêtes des outils dont la
température peut facilement excéder 500°C. L’objet de la partie qui va suivre est donc
d’évaluer la tenue à la corrosion sèche des revêtements PVD étudiés.
IV.3. Résistance à l’oxydation haute température
Certains des résultats présentés dans cette partie sont le fruit des travaux de J.VERRAT,
étudiant à l’INSA de Lyon, dans le cadre de son projet de fin d’étude.
IV.3.1 Etude qualitative – Détermination des produits d’oxydation
Comme décrit dans le chapitre II, dans le but de déterminer la nature des produits de
corrosion formés sur chaque pièce, un maintien isotherme à 700 °C pendant 24 h a été réalisé
suivi d’observations microscopiques et d’une analyse par diffraction des rayons X (DRX). Les
différents diffractogrammes obtenus sont présentés en annexe.
IV.3.1.1. Substrat
L’oxydation du substrat conduit à la formation d’une couche grise craquelée continue
parcourue d’un réseau de ″pustules″ en surface (Figure IV.18a). La DRX révèle la présence
d’hématite Fe2O3, et de magnétite Fe3O4. A un grandissement plus important (Figures IV.18b
et c), des aiguilles de carbure de tungstène apparaissent qui subsistent non oxydées compte
tenu des bonnes propriétés réfractaires de ce matériau. L’observation d’une ″pustule″ en
coupe transversale (Figure IV.18d) met en évidence la structure duplex de l’oxyde formé par
111
Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements
une couche externe de Fe2O3 d’environ 9 µm d’épaisseur puis par une couche plus fine (2
µm) d’oxyde Fe3O4.
Fe2O3
Fe3O4
d c
b a
Fig.IV.18 Couche d’oxyde formé sur le substrat après un maintien de 24 h à 700 °C. Surface(a,b,c) et coupe transversale (d).
IV.3.1.2. Revêtements à base de nitrure de titane : TiN, TiBN.
Quel que soit le procédé d’élaboration, le nitrure de titane s’oxyde en TiO2 rutile. Un
grand nombre de micro-cratères centrés sur un pore sont présents en surface (figures IV.19a à
c). L’analyse par diffraction des rayons X identifie, dans la couche d’oxyde, non seulement
TiO2, mais aussi l’hématite Fe2O3. Par ailleurs, une microanalyse EDX réalisée au centre
d’une ″pustule″ (figure IV.19d) révèle la présence massive de fer tandis qu’une autre, plus
éloignée et hors du micro-cratère, montre la prédominance de titane (figure IV.19.e). Ainsi, le
substrat aurait donc été oxydé au niveau d’un pore débouchant du dépôt puis le fer nécessaire
à la formation de l’hématite aurait été ″pompé″ pour se répandre sur le rutile environnant.
Cette analyse qualitative montre encore, comme dans le cas de la corrosion aqueuse,
toute l’importance de la notion de porosité débouchante sur la durabilité de la pièce. Une
coupe d’un échantillon de nitrure de titane après 9 heures d’oxydation montre un écaillage de
la couche d’oxyde (figure IV.19f). Des fissures transversales de l’oxyde et une décohésion à
112
Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements
l’interface oxyde/revêtement sont constatées. Un comportement similaire de TiBN a été
observé avec cependant un nombre moins important de cratères, très probablement à corréler
avec son plus faible taux de porosité débouchante.
b 50 µm
Oxyde de titane
Oxyde de fer
50 µm a
5 µm
TiN TiO2
20 µm
c
f
2
1
e
d
Fig.IV.19. Oxyde formé sur TiN après maintien isotherme 9h à 700 °C. Observation de la surfaceen mode électrons secondaires (a) et rétrodiffusés (b). Agrandissement d’un pore (c).Microanalyse EDX ponctuelle des points 1 (d) et 2 (e). Coupe transversale (f).
113
Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements
IV.3.1.3. Revêtements à base de nitrure de chrome : CrN, 2D-TiN/CrN.
Après le maintien isotherme, une couche d’oxyde bleutée apparaît en surface des
revêtements monocouches de CrN. L’analyse par diffraction des rayons X révèle la présence
de Cr2O3, mais l’observation de la couche par microscopie à balayage est rendue difficile par
son épaisseur fine, sub-micronique. Le revêtement est très peu oxydé. Le dépôt multicouche
TiN/CrN, issu de l’évaporation, présente un comportement similaire, ce qui peut être
rapproché du fait que sa couche externe est constituée de 350 nm de nitrure de chrome. La
chromine formée en surface semble donc agir comme une barrière cinétique limitant
l’oxydation ultérieure du matériau.
IV.3.2. Etude Cinétique
IV.3.2.1. Etude isotherme thermogravimétrique – Aspect quantitatif.
Les essais présentés dans cette partie consistent à suivre l’évolution de la masse des
échantillons soumis, après une phase de mise en température d’une demi-heure, à un maintien
isotherme à 700 °C pendant 9 heures. Les courbes de prise de masse en fonction du temps
(figure IV.20) montrent que la cinétique d’oxydation de tous les revêtements, exceptée celle
de TiN déposé par évaporation, suit une loi parabolique, caractéristique d’une limitation du
phénomène par diffusion. TiN évaporé présente une évolution temporelle plus complexe qui
peut être décomposée en trois phases :
- Une phase parabolique, pendant les trois premières heures, similaire à celle
observée pour les autres pièces.
- Une phase de transition, entre 3,5 et 4,5 heures, pour laquelle la vitesse
d’oxydation augmente très sensiblement.
- Une dernière phase où la prise de masse augmente continûment suivant un profil
linéaire (oxydation ″catastrophique″).
Ce profil particulier s’explique, dans la littérature, par la formation d’un oxyde duplex
composé d’une couche compacte en contact de TiN, se décomposant progressivement, à partir
d’une épaisseur critique, en une couche poreuse (modèle de Haycock-Loriers [117]).
En traçant dans chaque cas l’évolution de la prise de masse en fonction de la racine carrée du
temps (Figure IV.21), il est possible d’atteindre les constantes de vitesse d’oxydation de
chaque dépôt, constantes correspondant à la pente de la droite obtenue. Les valeurs extraites
114
Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements
sont consignées dans le tableau IV.2. Compte tenu de la présence d’un oxyde poreux sur TiN
déposé par évaporation, la prise de masse finale mesurée sur ces échantillons n’est pas
significative puisqu’elle n’est liée qu’à une modification de la surface spécifique de l’oxyde
par formation de pores. Aucune grandeur n’est donc donnée dans le tableau IV.2 pour ce
dépôt.
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 100,0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
0,7
0,8
TiBN
CrN
substrat
TiN
pris
e de
mas
se, m
g/cm
²
temps, h
b
Fig.IV.20. Evolution temporelle de l’oxydation isotherme à 700 °C des différents revêtements étudiés - Echantillonsélaborés par évaporation à arc (a) et par pulvérisation cathodique magnétron (b).
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 100,0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
0,7
0,8
Transition cinétique
CrN
2D
Substrat
TiN
pris
e de
mas
se, m
g/cm
²
temps, h
6 8 10 12 14 16 18 20 22 240,0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
0,7
0,8
CrN-e
CrN-ms
2D-e
TiBN
TiN-ms
substrat
TiN-e
Pri
se d
e m
asse
mg/
cm²
racine , mn1/2 du temps√t, min1/2
a
Tableau IV.2 : constantes de vitesse et prises de masse totales des revêtements après maintien isotherme à 7°C pendant 9h.
00
-e : élaboration par évaporation à arc -ms : élaboration par pulvérisation cathodique.
Constante de vitesse,
mg.cm².min-1/2
Prise de masse finale, mg/cm²
Substrat 0,018 0,55
TiN-e 0,014 -
TiN-ms 0,023 0,55
CrN-e 0,0013 0,12
CrN-ms 0,0029 0,15
TiBN 0,019 0,47
2D-e 0,0018 0,19
Fig.IV.21. Evolution, en fonction de √t, de la prise demasse des revêtements lors d’un maintien isotherme à700 °C pendant 9h.
115
Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements
La valeur de vitesse d’oxydation caractéristique de TiN élaboré par évaporation a été calculée
en utilisant la partie linéaire du profil correspondant, avant l’accélération de l’oxydation (entre
6 et 15 min1/2).
Deux groupes d’échantillons se distinguent radicalement : les revêtements à base de TiN et
ceux à base de CrN, ces derniers présentant une constante cinétique d’une décade inférieure.
Concernant les dépôts nanostructurés, une légère amélioration du comportement à l’oxydation
apparaît pour TiBN par rapport à TiN, tandis que le revêtement multicouche TiN/CrN
présente de bonnes caractéristiques, similaires à celles de CrN monocouche. Sachant que ce
dernier dépôt est caractérisé par une couche externe de CrN, et compte tenu de l’importance
que celle-ci revêt en corrosion humide, des essais isothermes complémentaires menés sur des
revêtements stratifiés à dernière couche différente, ont été entrepris. Ainsi, le comportement
des monocouches ″témoins″ a été comparé à celui des dépôts multicouches TiN/CrN en
présence ou non d’une couche externe épaisse de CrN ou de TiN. Les résultats apparaissent
figure IV.22 et dans le tableau IV.3.
6 9 12 15 18 21 240,0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
CrN
2D sans ext
2D + CrN
2D + TiN
TiN
pris
e de
mas
se, m
g.cm
-2
racine du temps, min1/2
Fig.IV.22. Evolution de la prise de masse, en fonctionde √t, des dépôts élaborés par évaporation, lors d’unmaintien isotherme à 700 °C pendant 9h. Influence dela couche externe. 2D+TiN : dépôt 2D avec couche externe en TiN 2D+CrN : dépôt 2D avec couche externe en CrN 2D sans ext : dépôt 2D sans couche externe plusépaisse.
Constante de vitesse,
mg.cm².min-1/2
Prise de masse finale,
mg/cm TiN-e 0,014 -
CrN-e 0,0013 0,12
2D + CrN-e 0,0018 0,19
2D + TiN-e k 10,018
k 20,0022
0,26
2D-e sans couche externe
? 0,2
Tableau IV.3 : constantes de vitesse et prises de masse totales des revêtements après maintien isotherme à 7°C pendant 9h.
00
√t, min1/2
Les essais de maintien isotherme des revêtements multicouches possédant une couche externe
en nitrure de titane (épaisseur 500 nm) permettent de distinguer deux cinétiques successives
d’oxydation. En effet, la courbe d’évolution de la prise de masse avec √t de ce dépôt (figure
116
Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements
IV.22) montre deux parties linéaires, parallèles dans un premier temps à TiN monocouche
(entre 5 et 7 min1/2) puis à CrN (au delà de12 min1/2). D’un point de vue quantitatif, les deux
valeurs de constantes cinétiques extraites de cette courbe (respectivement k1 et k2 dans le
tableau IV.3) sont du même ordre de grandeur que la constante de vitesse du nitrure de titane
et du nitrure de chrome monocouches. Une coupe métallographique de ce revêtement après
maintien à 700 °C (figure IV.23) indique que l’oxydation n’a concerné qu’une épaisseur de
l’ordre de 500 nm (figure IV.23a) et qu’une décohésion de la couche oxydée apparaît
localement (figure IV.23b).
5 µm
Perte d’adhérence de la couche oxydée
Couche oxydée
b a 10 µm
Fig.IV.23. Coupe métallographique d’un échantillon multicouche de couche externe en nitrure de titane (500 nm),après un maintien de 9 heures à 700 °C.
Il semble donc que seule la couche externe en nitrure de titane soit oxydée. La présence d’une
couche externe en nitrure de titane a donc peu d’influence sur la cinétique d’oxydation. Ainsi,
lors de l’échauffement, le nitrure de titane présent en surface s’oxyde totalement, puis
l’attaque est alors vraisemblablement bloquée par la couche de nitrure de chrome sous-
jacente, chromine formeuse, qui ralentit considérablement l’avancée du front d’oxydation.
Ainsi, la présence en couche externe de TiN, pourtant sujette à une oxydation rapide, n’est
elle pas extrêmement défavorable si elle recouvre une couche de CrN.
Considérons maintenant le revêtement multicouche sans sur-couche externe. La courbe
obtenue (figure IV.22) ne présente aucune partie linéaire évidente et évolue plutôt de manière
″chaotique″ entre la courbe caractéristique du multicouche avec une couche externe de nitrure
de chrome et celle du dépôt, de même structure, avec une couche externe de nitrure de titane.
117
Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements
Les variations de masse, tantôt croissantes, puis décroissantes, militent en faveur d’une
hétérogénéité de la nature chimique biphasée de la surface, et traduit la compétition entre une
couche de TiO2 rapidement oxydée, non adhérente, et le caractère bloquant de la chromine.
Ces essais complémentaires montrent donc, qu’à la différence de la corrosion
électrochimique, un contrôle de la dernière couche déposée n’est pas indispensable pour
obtenir un revêtement multicouche TiN/CrN justifiant d’une bonne résistance à l’oxydation
haute température.
IV.3.2.2. Mesure des températures critiques d’oxydation
Les températures critiques d’oxydation des échantillons revêtus, c’est-à-dire la
température à laquelle l’oxydation devient importante, ont été déterminées pour chaque pièce
par suivi de la prise de masse lors d’une chauffe linéaire à 10 °/min depuis la température
ambiante jusqu’à 1200°C. Cette grandeur est un paramètre important à déterminer car elle
permet de définir les limites d’utilisation des revêtements. Les résultats de ces mesures sont
présentés à la figure IV.24.
0 20 40 60 80 100 120 140 1600
2
4
6
8
10
12
14
16
18
20
multicouchesCrN-mCrN-e
TiN-eTiN-msSubstratTiBN
pris
e de
mas
se, m
g/cm
²
temps, mn
0
200
400
600
800
1000
1200
25°C/min
10 °C/min
Température, °C
0
0
0
0
0
0
1200
subs
trat
TiN-e
TiN-m
sCrN
-e
CrN-m
sTiBN
2D+C
rN
2D+T
iN
2D sa
ns ex
t
Tem
pér
atur
e cr
itiqu
e, °
Temps, min
a
20
40
60
80
100C
0
2
4
6
8
10
12
14
16
18
20
prise de masse finale, m
g/cm
Prisede
masse
finalem
g/cm²
Te
mpé
ratu
re c
ritiq
ue, °
C
b
Fig.IV.24. Thermogrammes obtenus lors des essais de balayage en température entre 25 et 1200 °C à 10 °C/min(a). Température critique d’oxydation et prise de masse finale après essai (b).
La température critique est définie comme étant la température pour laquelle la prise de masse
mesurée dépasse la valeur arbitraire de 0,01 mg/cm².
Durant la première heure, jusqu’à 600 °C, aucune oxydation marquée n’est détectée quel que
soit l’échantillon. Au delà de cette température et à l’instar des résultats obtenus en isotherme,
deux groupes de revêtements se distinguent : les dépôts à base de nitrure de titane qui ont les
118
Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements
températures de début d’oxydation les plus faibles (∼800 °C) et ceux qui contiennent du
nitrure de chrome, caractérisés par un comportement réfractaire élevé (>900°C et prises de
masses faibles : <2 mg/cm²). L’influence bénéfique du nitrure de chrome semble donc à
nouveau confirmée.
IV.3.3 Discussion
L’étude de la tenue des pièces à l’oxydation haute température montre donc que,
quelle que soit l’expérimentation, une très nette suprématie des dépôts contenant du nitrure de
chrome se dégage. D’une manière générale, un bon pouvoir protecteur vis-à-vis de la
corrosion sèche est sous tendu par un caractère couvrant de l’oxyde formé. Cette
caractéristique est usuellement estimée par la valeur du coefficient de Pilling-Bedworth (kPB),
calculé selon la relation :
)()(
.1MV
OMVx
k yxPB = Eq.IV.11
x définissant la stoechiométrie de l’oxyde formé, V(M) et V(MxOy) étant respectivement les
volumes molaires du métal et de l’oxyde.
Pour un coefficient kPB<1, des contraintes en tension se développent dans l’oxyde et ce
dernier n’est pas couvrant.
Pour un coefficient kPB>1, des contraintes en compression se développent et peuvent causer
une délamination avec mise à nu du métal.
Le cas idéal (typiquement le système alumine/aluminium) est un oxyde couvrant avec de
faibles contraintes en compression, correspondant à une valeur proche de 1,3.
Dans le cas qui nous intéresse, les valeurs de kPB(Cr2O3)=1,28 et kPB(TiO2)= 1,58 tendent à
montrer, d’une part que l’oxyde de chrome formé sur CrN est parfaitement couvrant et
développe des contraintes internes en compression lui permettant de résister à de légères
sollicitations mécaniques, et d’autre part, que le rutile formé sur TiN est soumis à des
contraintes de compression supérieures et probablement trop importantes, expliquant la
décohésion observée à l’interface TiN/TiO2. Le comportement à l’oxydation de TiBN, voisin
de TiN, peut par ailleurs s’expliquer par la température d’essai de 700°C, très proche de la
température de recristallisation du dépôt et conduisant alors à la perte du caractère
nanocomposite [63]. En outre, comme nous l’avons souligné dans la partie IV.3.1.2, des
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Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements
cratères d’oxyde de fer apparaissent à la surface de ces deux revêtements, tandis que ce
phénomène ne survient pas dans le cas des revêtements à base de nitrure de chrome. Cette
absence d’oxydation du substrat à travers les dépôts contenant CrN est parfaitement corrélée
avec leur porosité débouchante d’une décade plus faible (tableau IV.1).
Pour finir, et dans le but de comparer nos résultats à une référence industrielle, les mêmes
essais que ceux précédemment décrits ont été réalisés sur des échantillons d’acier M2 revêtus
par un dépôt multicouche TiAlN/TiN de période 200 nm, élaboré par évaporation et
massivement employé actuellement en usinage pour ses vertus réfractaires. Les grandeurs
caractéristiques déterminées pour ce dépôt sont les suivantes :
kox(TiAlN/TiN) = 0,0032 mg.cm².min-1/2
Tcritique (TiAlN/TiN) = 950 °C
Ainsi, s’oxydant moins vite et autorisant une utilisation de 100 °C plus élevée, les
revêtements à base de CrN sont promis à un large développement en remplacement des dépôts
bases TiAlN, seule alternative actuellement disponible à l’échelle industrielle.
IV.4. Conclusion du chapitre IV
Les essais présentés dans ce chapitre nous ont permis d’évaluer les propriétés de
résistance à la corrosion aqueuse et sèche des revêtements nanostructurés 2D et 3D étudiés et
de les comparer aux caractéristiques des dépôts monocouches de nitrure de titane ou de
chrome.
Concernant tout d’abord la corrosion humide, les essais d’électrochimie, réalisés dans
une solution de NaCl 0,5 M, soulignent l’importance de la porosité débouchante des couches
sur leur aptitude de protection du substrat contre la corrosion, comme cela paraissait
envisageable compte tenu de leur caractère cathodique. D’une manière générale, les dépôts les
plus efficaces sont les moins poreux. D’autre part, l’exploitation des résultats expérimentaux
nous a permis de montrer que les revêtements les plus protecteurs contiennent tous du nitrure
de chrome. Ainsi, dans les conditions expérimentales choisies, le revêtement TiBN
nanocomposite ne permet pas d’améliorer à long terme la protection de l’acier
comparativement à celle que développe un revêtement TiN monocouche, les deux types de
dépôts ayant des propriétés électrochimiques comparables.
L’analyse des résultats obtenus avec les dépôts 2D-TiN/CrN a mis en évidence deux
comportements différents, suivant la nature de leur couche externe, en contact avec
l’électrolyte. Lorsqu’il s’agit de TiN, la protection conférée au substrat par le superréseau est
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Chapitre IV : Propriétés anticorrosion des revêtements
voisine de celle obtenue avec un dépôt monocouche de TiN, tandis que lorsque cette ″sur-
couche″ est composée de CrN, la protection est similaire à celle d’un dépôt CrN monocouche.
Ce phénomène a été interprété sur la base de la passivité de TiN et CrN. Nous avons en effet
montré que le film passif formé sur TiN présente un caractère semiconducteur de type-n,
tandis que celui formé sur CrN est de type-p. Cette différence de propriétés électroniques de
surface de TiN et CrN, immergés dans la solution d’étude, est fondamentale dans l’explication
de l’influence de la couche externe des dépôts 2D sur leur propriétés anticorrosion, puisque
l’oxyde semiconducteur de type-p présent à la surface de CrN agit directement sur la
cinétique de la réaction cathodique, ralentissant le processus global de corrosion. Cette
limitation étant impossible avec un oxyde semiconducteur de type-n, pour optimiser l’aptitude
de protection des superréseaux TiN/CrN, il convient de déposer une couche externe en nitrure
de chrome. Le revêtement combinera alors l’excellente protection du nitrure de chrome et une
porosité infime grâce à la structure stratifiée.
A l’instar de la corrosion humide, les essais d’oxydation à haute température ont, eux aussi,
révélé l’influence bénéfique du nitrure de chrome, sur la protection des pièces contre la
corrosion sèche. Nous avons en effet pu démontrer qu’une fine couche de chromine se
développe à la surface de ce matériau lors de l’échauffement, agissant comme une barrière
thermique limitant la cinétique d’oxydation. Inversement, la couche de rutile formée à la
surface de TiN est extrêmement fragile et très peu adhérente, conduisant à une oxydation
rapide des pièces revêtues par ce dépôt. Comme dans le cas précédent, le dépôt
nanocomposite TiBN présente des propriétés comparables à celles d’un revêtement
monocouche de nitrure de titane, tandis que les superréseaux TiN/CrN se comportent de la
même manière que le nitrure de chrome, leurs constantes cinétiques étant d’une décade plus
faibles que celles des dépôts à base de TiN. Contrairement à la corrosion aqueuse, la couche
externe des revêtements 2D n’a aucune influence sur la vitesse d’oxydation. L’utilisation
d’une telle structure stratifiée dans une application telle que l’usinage présente donc un intérêt
majeur, puisque la dégradation superficielle des dépôts, causée par le frottement auquel la
couche mince est soumise en service, générera constamment de nouvelles surfaces de nitrure
de chrome, fortement réfractaire, permettant une limitation de la dégradation des couches par
l’échauffement lié à la sollicitation mécanique. Quel que soit le type de corrosion contre
laquelle le substrat en acier doit être protégé, les résultats obtenus dans les conditions
expérimentales choisies montrent que les dépôts nanostructurés TiN/CrN multicouches sont à
privilégier.
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