Vélo levier Béthune 19 - Une Voirie pour...
Transcript of Vélo levier Béthune 19 - Une Voirie pour...
Rencontre régionale de l’aménagement en Hauts-de-France Bicyclette et territoires innovants : des rouages à dégripper ?
Jeudi 14 mars 2019, à La Fabrique, à Béthune
Frédéric Héran – économiste et urbaniste [email protected] – http://heran.univ-lille1.fr/
Le vélo, un levier pour des territoires innovants ?
La place du vélo dans le cocktail transport
Vélo et espaces publics
Éléments pour une politique de ville cyclable
Pour une approche omnimodale des déplacements urbains
Constat Le nombre de déplacements par personne est une constante 3,5 à 4 déplacements par jour (« loi de Zahavi »)
Conséquence Impossible d’encourager un mode de déplacement sans que ce soit au détriment d’autres modes de déplacement
Exemple 1 Si on encourage l’usage du vélo classique, quels seront les modes affectés ? > D’abord les piétons, puis les usagers des transports publics et enfin les automobilistes
Exemple 2
Si on rend les transports publics gratuits, quels seront les modes affectés ? > D’abord les cyclistes, puis les piétons et enfin les automobilistes
L’approche omnimodale
= Tenir compte d’emblée de tous les modes de déplacement et des interrelations entre ces modes (c’est une approche systémique et non plus cloisonnée)
Une représentation de l’approche omnimodale
Au moins 6 modes de déplacement à prendre en compte (+ livraisons…) Rond blanc : situation initiale Rond gris : situation finale
NB : flux nets + entrants / sortants + intermodalité + multimodalité…
L’impasse du tout automobile
Quelques nuisances et bien d’autres
Des externalités négatives très étudiées
– Pollution atmosphérique – Bruit – Congestion – Accidents
D’autres négligées car difficiles à monétariser
– L’épuisement des ressources non renouvelables (métaux…) – La consommation d’espace par les transports – Les effets de coupure des infrastructures en milieu urbain – L’impact des transports sur le paysage – La pollution des sols et des eaux – Les vibrations – Les îlots de chaleur – L’artificialisation des sols – Les odeurs des gaz d’échappement – Les déchets en tous genres…
Des nuisances qui font système
Le système de nuisances des transports en milieu urbain
(Héran, 2011)
Trafic moto-risé
effets de coupure
désaffection pour les modes non motorisés
pollution
bruit
insécurité routière
dégradation de la santé humaine
diminution des relations de voisinage
dégradation du cadre de vie consommation d’espace
effets sur les paysages
Impacts directs séparables
4 impacts indirects à causes multiples et liés
Cause
………
Des nuisances qui provoquent quatre cercles vicieux
Les spirales négatives des quatre impacts indirects majeurs
Désaffection pour les modes actifs (≈ dépendance automobile) ñ ò
nuisances accrues ï report vers les modes motorisés
Diminution des relations de voisinage ð recherche de relations lointaines ñ ò
nuisances accrues ï report vers les modes motorisés
Dégradation de la santé humaine ð abandon des modes actifs ñ ò
nuisances accrues ï report vers les modes motorisés
Dégradation du cadre de vie ð fuite des ménages en périphérie ñ ò
nuisances accrues ï report vers les modes motorisés
La nécessaire protection des modes actifs
Des modes en concurrence
Pour l’espace, pour les financements, pour la sécurité… et non pas seulement complémentaires comme le disent nombre d’élus
Soumis à la loi du plus fort
En l’absence de régulation, c’est forcément le plus fort qui gagne c’est-à-dire le plus massif et le plus rapide (cf. la loi de l’énergie cinétique : e = ½.m.v2)
Une modération de la circulation auto nécessaire
Réduction de la vitesse et du volume du trafic Cf. l’histoire européenne de cette tendance (Faure 2018)
L’essor des politiques de modération de la circulation auto en Europe
Pays-Bas 1970… Ségrégation des circulations sur les artères Intégration des circulations dans les quartiers limités à 30 km/h Dès 2000 : 80 % du linéaire de voirie urbaine en zone 30
Italie 1970… Zones à trafic limité (ZTL) dans les centres (historiques) Principe : interdites aux véhicules motorisés, sauf ayant droits Ferrare (1969), Bologne (1984), Milan (1999)…
Allemagne 1980… Modération de la circulation (Verkehrsberuhigung) Principe : généralisation des zones 30, sauf sur les grands axes Hambourg, Cologne, Berlin, Munich…
Royaume-Uni 1990… Traffic calming, après l’époque Thatcher
France 1990… 50 km/h en ville + zone 30 + aire piétonne dans code de la route Lignes de tramway gênant le trafic automobile Reconquête des espaces publics Zone de rencontre dans le code de la route…
Une hiérarchisation logique des modes de déplacement
Constat En cas de libre concurrence, les plus forts gagnent Or ils produisent beaucoup d’externalités négatives
D’où le principe
Priorité aux plus faibles et aux plus urbains 1. Les piétons 2. Les cyclistes 3. Les usagers des transports publics 4. Les automobilistes
Rappel Les piétons et les cyclistes sont au fondement de l’urbanité
(Jacobs, 1961 ; Paquot, 2009 ; Gehl, 2013)
Objectif Un nouvel équilibre à trouver entre les modes Car le « tout modes actifs » n’est pas viable
La hiérarchie des modes préconisée à Mexico
Un changement de paradigme : vers des rues pour tous
Mais avec de nombreux décalages temporels
Pays-Bas à Allemagne à France Centres à Proche périphérie à Grande périphérie Grandes villes à Villes moyennes à Petites villes Classes aisées à Classes moyennes à Classes populaires
(Monheim 1990, European Commission 2004, CNT 2005)
Schéma de principe montrant un de ces décalages temporels Le vélo est le mode qui en profite le plus…
1. La place du vélo dans le cocktail transport
2. Vélo et espaces publics
3. Éléments pour une politique de ville cyclable
Des modes alternatifs à l’automobile économes en espace
Demande d’espace-temps en circulation et stationnement par mode, pour un déplacement domicile-travail à l’heure de pointe, par rapport au piéton
Piéton 1
Vélo 5 Bus 12 m dans couloir 7
Tramway 2 Voiture 72
Un espace public stérilisé par le stationnement auto
Au détriment – des trottoirs et des places publiques – des plantations – des jeux pour enfants – des commerces (terrasses, étalages)…
Des modes actifs peu coûteux
Pour les ménages
Très économiques par déplacement Un peu moins par km parcouru, car lents
Pour la collectivité
Très économiques pour les infrastructures Contribuent à réduire les dépenses de Sécurité sociale
Vélo Voiture
Piste cyclable ≈ 200 000 € / km Autoroute urbaine ≈ 100 M€ / km Bande cyclable ≈ 10 000 € / km Carrefour dénivelé ≈ 8 M€ Arceau posé (2 places) ≈ 100 € Place de parking en surface ≈ 2 500 € Place de parking sous abri ≈ 600 € Place de parking en ouvrage ≈ 15 000 € Passerelle de 30 m ≈ 1 M€ Pont : 5 à 30 M€ Mini giratoire ≈ 30 000 € Carrefour à feux > 100 000 €
Piétons et Vélos Transport collectif
Zone 30 ≈ 1 M€ / km Bus en site propre ≈ 5 M€ / km Zone de rencontre ≈ 1 M€ / km Tramway ≈ 20 M€ / km Aire piétonne ≈ 1 M€ / km Métro ≈ 80 M€ / km
Des modes actifs qui dynamisent les commerces de proximité
Source : Brichet et Héran 2003 (résultats comparables à d’autres enquêtes européennes)
Par visite, l’automobiliste dépense 50 % de plus que les piétons mais par semaine, il dépense 2 fois moins que les piétons, un peu moins que les cyclistes Car les automobilistes viennent 3 fois moins souvent (ils sont peu fidèles)
Des modes actifs inclusifs
Des modes très démocratiques
La marche est le mode de déplacement universel Le vélo est utilisable par plus de 90 % de la population Il permet même à certains PMR de devenir plus mobiles
Des modes « actifs »
Comme toute activité physique régulière, ils contribuent à prévenir et à guérir les maladies chroniques liées à la sédentarité pathologies métaboliques (obésité, diabètes), cardiovasculaires, pulmonaires, ostéo-articulaires (arthrose, lombalgie, rhumatismes), cancers, dépression, etc.
(INSERM, 2019)
Des modes très urbains
Piétons et cyclistes contribuent à animer et à sécuriser les rues (Jacobs, 1961)
Des modes générateurs d'urbanité
Des modes actifs respectueux de l’environnement
Les modes actifs champions
Très peu générateurs d’externalités négatives
Les transports publics ensuite
Peu générateurs d’externalités négatives par personne transportée, si le taux d’occupation est suffisant
1. La place du vélo dans le cocktail transport
2. Vélo et espaces publics
3. Éléments pour une politique de ville cyclable
Mise en place et cohérence d’un « système vélo »
Définition = L’ensemble des aménagements, des matériels, des services, des règlements, des informations et des formations permettant d’assurer sur un territoire une pratique du vélo efficace, confortable et sûre La modération de la circulation automobile est la pierre angulaire d’un système vélo
Problèmes de cohérence
Pour qu’un système vélo se développe, toutes les composantes du système doivent progresser de concert
Méthode Beaucoup de pragmatisme et de persévérance = Lever un à un les freins en commençant par les plus manifestes – Modérer la circulation automobile – Créer des aménagements sur les artères et des zones apaisées dans les quartiers – Réduire le risque de vol – Communiquer, notamment sur les bienfaits du vélo – Former les différents publics…
Les quatre cercles vertueux du système vélo
En se développant, le système vélo engendre quatre cercles vertueux qui se renforcent mutuellement : Un effet de parc Plus il y a de vélos, plus l’offre s’étoffe
et peut être adaptée à la diversité des usages
Un effet de réseau Plus le réseau est dense et maillé, plus il devient efficace et attractif
Un effet de club Plus la communauté des cyclistes s’agrandit, plus elle accroît son pouvoir d’influence
Un effet de sécurité Plus il y a de cyclistes, plus ils sont en sécurité
(Héran 2018)
Le potentiel des déplacements réalisables à vélo
L’importance des petits déplacements
La moitié des déplacements sont < 3 km Près des 2/3 des déplacements sont < 5 km La voiture utilisée majoritairement dans tous les déplacements > 1 km
(source : EMD)
Quelques études sur le potentiel cyclable
Attention : méthodologies variées, résultats non comparables 50 % des déplacements réalisables à vélo à Montréal
(Godefroy et Morency 2012) 49 % des déplacements réalisables à vélo dans l’agglomération lilloise
(Palmier 2012) 43 % des déplacements réalisables à vélo dans les agglos françaises
(Base unifiée des enquêtes déplacements, Rabaud 2016) 25 % des déplacements actuels effectués dans le Grand Londres « pourraient raisonnablement être faits habituellement à vélo »
(Transport for London 2010) 14 % au moins des déplacements réalisables à vélo en Île-de-France
(Éloy et Derré, 2014)
Quelques villes moyennes françaises assez cyclistes
Population concernée
Part modale du vélo Source
Dives-sur-Mer 057 000 8 % * Albi 077 000 8 % * Colmar 129 000 6 % ** Haguenau 078 000 6 % * Saint-Louis 114 000 5 % * Manosque 043 000 4 % * Arras 099 000 4 % * Thionville 155 000 3 % * * CEREMA, Mobilité dans les La Rochelle 143 000 3 % * villes moyennes. Trois échelles Niort 104 000 3 % ** territoriales d’analyse, 2019 Chalon-sur-Saône 104 000 3 % ** ** CERTU, La mobilité dans Arles 179 000 3 % ** les villes moyennes. Exploitation Blois 102 000 3 % ** des enquêtes déplacements villes Roanne 068 000 3 % ** moyennes 2000-2010, 2011
Merci de votre attention
Références
Brichet M., Héran F., 2003, Piétons et cyclistes dynamisent les commerces de centre-ville et de proximité, document réalisé par la FUBicy (Fédération française des Usagers de la Bicyclette) pour l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie), le Ministère de l’Equipement et des Transports (Direction de la sécurité et de la circulation routière) et le Ministère de l’Ecologie et du Développement durable, 16 p.
Conseil national des transports, 2005. Une voirie pour tous. Sécurité et cohabitation sur la voie publique au-delà des conflits d’usage. Paris : CNT. 2 tomes.
Éloy M., Derré I., 2014, Et si on utilisait le vélo ?, Service de la connaissance des études et de la prospective, DRIEA, 6 p.
European Commission, 2004, Reclaiming city streets for people. Chaos or quality of life?, Luxembourg: Office for Official Publications of the European Communities, 52 p.
Faure A., 2018, L’apaisement de la circulation en Europe. 30 ans d’échange et de travail en réseau, Rue de l’Avenir, 24 p.
Gehl J., 2013, Pour des villes à échelle humaine, Éditions Écosociété, Montréal, 273 p. Godefroy F., Morency C., 2012, “Estimating latent cycling trips in Montreal, Canada”, Transportation
Research Record, No. 2314, p. 120-128. Héran F., 2011, « Pour une approche systémique des nuisances liées aux transports en milieu urbain », Les
Cahiers scientifiques du transport, n° 59, p. 83-112. Héran F., 2018, « Le système vélo », nouvelle entrée du Dictionnaire du Forum vies mobiles, 9 p. En ligne. INSERM, 2019, Activité physique. Prévention et traitement des maladies chroniques. Synthèse et recom-
mandations, Éditions INSERM, Paris, XX et 124 p. Jacobs J., 1961, The Death and Life of great american Cities, Random House, traduction Déclin et survie
des grandes villes américaines, éd. Pierre Mardaga, Liège, 1991, 435 p. Le Gal Y., 2000, Bonnes pratiques pour des villes à vivre : à pied, à vélo…, GART, Paris, 125 p. Monheim H., Monheim-Dandorfer R., 1990. Straßen für alle. Analysen und Konzepte zum Stadtverkehr der
Zukunft, Rasch und Röhring, Hamburg, 530 p. Palmier P., 2012. Estimation du potentiel cyclable d’une agglomération. contribution au rapport de
recherche Politique globale de déplacement et politique cyclable : enjeux, méthodes et outils de diagnostic, CETE Nord Picardie pour le PREDIT 4.
Paquot T., 2009, L’espace public, La Découverte, coll. Repères, Paris, 125 p. Rabaud M., 2016, Les supers pouvoirs des vélos urbains ou pourquoi les vélos peuvent devenir le mode
urbain n° 1 !, CEREMA Nord Picardie, Lille, 42 diapos. Transport for London, 2010, Analysis of Cycling Potential, Policy Analysis Research Report, TfL, London.
55 p.