VERS UNE DIDACTIQUE DU FRANÇAIS INTERNATIONAL EN …
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Pour citer cet article :
Merlo J.-O., 2011. Vers une didactique du FLE « Français international » en Italie : quelques réflexions à
partir du cas québécois. In SILTA, Studi Italiani di Linguistica Teorica e Applicata, Pacini editore, Pisa,
vol.1. In corso stampa.
JONATHAN-OLIVIER MERLO Siena
VERS UNE DIDACTIQUE DU FLE « FRANÇAIS INTERNATIONAL » EN
ITALIE : QUELQUES REFLEXIONS A PARTIR DU CAS QUEBECOIS
1. INTRODUCTION
Les représentations mentales quant au français élaborées par les apprenants universitaires italiens de FLE,
Français Langue Etrangère, témoignent fréquemment d’une vision confuse et réductrice de la langue, perçue
comme un objet linguistique homogène et dont la dimension sociolinguistique est largement ignorée. En
effet, l’exposition à des documents de toutes natures – audio, vidéo ou écrits – utilisant des variantes
géographiques, sociales ou de registre a très fréquemment un effet déstabilisateur, notamment du point de
vue de la compréhension, sur le groupe d’apprenants.
En particulier dans le cas de variations diatopiques, les jugements de valeur émis par les apprenants finissent
immanquablement par souligner que le « bon français » est sans conteste celui de Paris, soulignant ainsi dans
les discours épilinguistiques formulés une nette corrélation entre pureté de la langue, Bon usage et idéal de la
langue à atteindre par le biais de l’apprentissage.
Or, comment favoriser chez l’apprenant le développement de sa capacité à une correcte réception et
identification des messages dans une langue qui ne correspond que rarement à celle de la norme
pédagogique, c’est-à-dire à celle qui est décrite dans les manuels ?
C’est bien cette interrogation qui fait office de toile de fond au travail que nous présentons.1 La langue telle
que la rencontre l’apprenant lors d’un séjour en France ou dans tout autre pays francophone se présente
comme beaucoup plus variée que celle décrite et prescrite par la norme pédagogique (Blanchet : 1996 ;
Bigot : 2008 ; Canut : 2001 ; Gagné : 1984 ; Moreau : 2008, Pöll : 2000, Valdman, 1982). Les manuels et les
ouvrages de référence en didactique du FLE eux-mêmes ne consacrent souvent qu’une place réduite à la
réflexion sur la norme et par conséquent à la prise en compte des variations, en particulier diatopiques
(Molinari : 2009 ; Cuq : 1996).
Dans une tout autre optique se place la réflexion canadienne et en particulier québécoise quant à la
didactique du français. Pour répondre à la nécessité d’élaborer une norme pédagogique qui ménage à la fois
compétence en français international – dans un soucis d’intercompréhension avec le reste du monde
francophone – et en français standard québécois – comme modèle de référence au sein de la communauté,
cette réflexion a abondamment enquêté en direction de la norme pédagogique. Et ce, aussi bien en ce qui
concerne l’enseignement du français langue d’enseignement, que du français langue seconde – FLS – à
destination des migrants ou encore des autres communautés linguistiques au premier rang desquelles les
anglophones.
Même si l’élaboration d’une norme complète de référence pour le français québécois reste toujours en
chantier (Bouchard : 2002, Gagné : 2000, Raunet : 2001, Vézina : 2009), la nécessité de fixer des cadres
pédagogiques de référence pour les enseignants a imposé des aménagements pragmatiques. Nous entendons
ainsi décrire dans ce travail quelques pistes significatives ouvertes par la réflexion québécoise ainsi que
l’approche adoptée dans un certain nombre de documents ministériels – programmes de français pour le
Secondaire et indications pour l’enseignement du FLS à destination des migrants – et nous essayons de
comprendre en quoi la didactique du FLE pourrait s’enrichir de cette expérience dans la perspective d’un
enseignement de la langue tenant compte du français dans sa diversité afin de développer chez l’apprenant sa
propre conscience linguistique et à terme l’ensemble de ses compétences langagières.
2. PROBLEMATIQUE
Bien que langue internationale, le français n’en est pas pour autant une lingua franca,2 du moins pas dans les
proportions que connaît l’anglais. Sa dimension internationale dérive plutôt de la position qu’il a acquise en
tant que langue maternelle, langue d’Etat ou encore langue des systèmes éducatifs, dans nombre de pays ou
régions où il s’est implanté au cours des derniers siècles, aussi bien en Europe qu’en Afrique noire, au
Maghreb qu’en Amérique du Nord.
Malheureusement, cette dimension internationale est pratiquement absente de l’enseignement du FLE. S’il
ne s’agit pas de contester le poids historique ou démographique de la France sur le reste de la francophonie et
qui n’est pas sans exercer une influence déterminante dans l’évolution du français tout court, on peut
cependant se demander s’il n’y a pas là une sorte d’excès de francocentrisme, surtout en une époque de
mondialisation croissante – par exemple avec l’accroissement des phénomènes migratoires ou le
développement exponentiel des sources d’informations sur la Toile – qui rendent les contacts avec le reste du
monde toujours plus fréquents.
2.1. Perception du français dans l’enseignement de la langue
2.1.1. Les discours des apprenants
Comme nous l’avons signalé en introduction, les jugements portés par les apprenants italiens de FLE
indiquent très clairement une attitude négative envers les variantes de la langue auxquelles ils se trouvent
confrontés – par exposition en classe avec des matériels authentiques repérables en ligne ou au terme d’un
séjour plus ou moins long à l’étranger. Ces variantes sont perçues comme des déviances par rapport à un
français idéalisé qui serait celui que l’on parle à Paris.
Si les sociolectes des banlieues suscitent un certain intérêt, plus probablement dû chez les apprenants à un
processus d’identification avec des jeunes de leur âge, l’exposition à des variantes de la langue
géographiquement originaires de toute la francophonie au cours de l’apprentissage laisse rapidement
apparaître, après un premier moment de curiosité, un mouvement de refus : le français étant celui de Paris,
pourquoi « perdre son temps » sur des documents dont la langue utiliserait une norme différente/divergente.
Cette perception peut affleurer très vite, comme lors de comparaisons entre extraits de journaux
radiophoniques ou télévisés francophones en classe, parmi lesquels s’expriment entre autres des journalistes
de Radio-Canada. Dans ce dernier cas, les étudiants finissent fréquemment par rendre explicite une critique
mettant en évidence l’éloignement de la variété nord-américaine par rapport au « bon français », et ce sans
qu’il y ait eu sollicitation de la part de l’enseignant. Ces représentations trahissent un « imaginaire de la
langue » dans lequel le français est doté d’un centre qui associe l’origine géographique au concept de pureté
linguistique vers lequel diriger toute l’attention de l’apprentissage.
Le positionnement des apprenants italiens quant à la nature de la langue est d’autant plus surprenant si l’on
considère que leur langue maternelle, l’italien, est une langue nettement moins mono-centrique que le
français dans la mesure où les variantes régionales sont bien plus affirmées qu’en France même, qu’elles ne
font pas l’objet d’une stigmatisation a priori négative – même si cette affirmation doit être nuancée sur la
base des nombreux stéréotypes liés à l’origine géographique de leurs locuteurs – et qu’elles sont légitimées
par l’usage que peuvent en faire des personnes qui, par status, se posent en modèles de référence –
politiciens, artistes ou encore intellectuels.
2.1.2. Les ouvrages de référence
L’origine des représentations et des stéréotypes quant à la nature de la langue française sont à rechercher
notamment dans les manuels de FLE disponibles sur le marché italien, qui proviennent de maisons d’édition
nationales ou françaises et qui contribuent à entretenir cette vision d’une langue mono-normative et mono-
centrique. Y sont proposés presque exclusivement des thèmes relatifs à la France. Les rares pages parfois
dédiées à la présentation d’une aire géographique francophone hors de France ne proposent au mieux que
quelques termes en usage au sein de la communauté francophone présentée, comme s’il ne s’agissait là que
d’un aspect « folklorisant », et l’on ne rencontre jamais de mise en contexte systématique présentant la
variété de la langue hors de l’Hexagone.
Les ouvrages de référence, normatifs par définition, sont bien plus encore représentatifs de cette tendance.
Comme le souligne Moreau (2008 : 101), les manuels de grande diffusion sont dans leur grande majorité
muets quant à la variation diatopique et les rares variantes géographiques admises dans la 14° édition de
l’ouvrage Le Bon Usage lui-même sont principalement régionales, comme si elles acquéraient une certaine
légitimation de part leur existence à l’intérieur des confins de la nation.
La norme pédagogique décrite dans ces ouvrages est prescriptive non seulement en ce qui a trait aux
structures de la langue, mais aussi en ce qui concerne les aspects phonologiques et lexicaux. Les
dictionnaires disponibles sur le marché relayent eux-mêmes cette vision mono-centrique puisqu’ils sont
conçus en France et pensés pour des locuteurs français (Cajolet-Laganière, 2008 : 150). Ainsi, comme l’a
relevé Moreau (1999), un terme en usage dans tout pays francophone autre que la France, s’il a la chance
d’être recensé dans un dictionnaire monolingue comme Le Robert ou Le Larousse, sera étiqueté comme
africanisme, helvétisme ou encore québécisme.
Enfin, des instruments comme le correcteur d’orthographe des traitements de texte sur l’ordinateur
perpétuent cette tendance, puisque des mots qui sont de l’usage courant et standard des québécois seront
parfois soulignés en rouge, étant considérés comme des erreurs (Cajolet-Laganière, 2008 : 156) : c’est le cas
par exemple de termes d’usage courant comme « clavardage » et « clavarder ».
2.1.3. La tradition de l’enseignement et les enseignants
A cela, il faut ajouter que la norme pédagogique adoptée dans l’enseignement propose elle aussi une vision
de la langue clairement mono-normative, dans la tradition de l’enseignement du français tel qu’il a été et
continue d’être conçu dans l’Hexagone (Boyer, 2003 : 50). Bourdieu (1982 : 75-76) a d’ailleurs noté
combien l’école française a dès le début élaboré cette unicité de la norme linguistique à travers un processus
d’unification du marché scolaire construit parallèlement à la création de diplômes de valeur nationale et à
l’unification du marché du travail, ce qui jouera le rôle le plus déterminant dans la dévaluation des dialectes
et l’instauration de la nouvelle hiérarchie des usages linguistiques.
Mais si l’on constate aujourd’hui encore une dévalorisation non seulement des dialectes et langues
régionales, mais aussi de toute pratique langagière faisant usage de variétés du français autre que le standard,
il s’agit plutôt d’un corollaire d’une sorte d’idéalisation de la langue, puisque les discours élaborés
trahissent :
[…] une représentation puriste, représentation conservatrice de l’usage de la langue, tout entière investie vers
le caractère exclusif de la Norme, celle qui fonde Le Bon Usage, le seul légitime. Norme que l’on qualifiera
donc de « puriste », car à travers elle, toute « différence [perçue comme "fautive"] est considérée comme une
menace, sa généralisation comme un facteur de désintégration » (Leeman-Bouix, 1994 : 35) d’un patrimoine en
danger qu’il convient de maintenir dans sa pureté originelle. (Boyer, 2003 : 42)
Par ailleurs, en mettant en évidence l’opposition qui se joue entre la langue comme objet homogène pour le
linguistique et pour l’institution scolaire d’une part et d’autre part la langue comme objet hétérogène pour le
sociolinguiste, Auger (2007 : 122-124) a souligné combien l’enseignant se retrouve en difficulté face à
l’écart quotidien qu’il constate entre les pratiques des apprenants et la norme à enseigner, c’est-à-dire entre
normes sociolinguistiques – où la variation est la norme – et norme pédagogique – prescriptive et tendant à
l’unicité.
Il serait à ce sujet intéressant d’enquêter sur les représentations des enseignants du système scolaire italien,
même si présentement nous retenons probable qu’eux-mêmes, héritiers d’un enseignement universitaire où la
part du lion est encore réservée à la littérature française et se réfère à cette même tradition liée au Bon usage,
nécessairement dépendants des mêmes ouvrages de référence que leurs élèves, partagent une vision de la
langue similaire.
2.2. Le développement de la conscience linguistique : enjeux
L’objectif de notre réflexion n’est certainement pas de proposer ici une didactique pluri-normative du
français : la relation forte qui unit le Bon Usage de la langue comme norme de référence – y compris sur le
plan social – avec la pratique pédagogique telle qu’elle est observée en France ainsi que dans les autres pays
de la francophonie ne permet pas d’envisager aujourd’hui une telle possibilité. La didactique du FLE ne
saurait donc se poser pour objectif d’enseigner deux ou plusieurs variétés de français mais plutôt de favoriser
en classe l’exposition à celles-ci afin de favoriser le développement des compétences de compréhension
écrite et orale (Fox, 2002 ; Klein, 1986 : 139-140 ; Marquillò Larruy, 2003 : 31-32, Valdman, 1982). Cette
démarche permettrait ainsi de sensibiliser les apprenants au fait que l’on ne communique pas de façon
identique avec tous les locuteurs potentiels (Stegu et Wochele, 2008 : 122) et que la langue ne se limite pas à
la seule norme grammaticale mais qu’au contraire elle varie en fonction des interlocuteurs et des situations
de communication (Bourdieu, 1982 : 60-61).
Il est indéniable en effet que la confusion entretenue autour de la définition de ce qu’est la langue française
crée une insécurité certaine chez l’apprenant lorsque celui-ci est en contact avec des variantes géographiques
du français. Surtout, cette confusion trahit une acquisition imparfaite des savoir-faire avec la langue –
compétences socio-pragmatiques et culturelles. Ainsi, combien d’étudiants au retour d’une expérience
Erasmus de quelques mois au sein d’une université hexagonale, à la question « cela s’est-il bien passé ? »,
répondent-ils à l’enseignant « ouais, c’était super cool… ». Ils démontrent d’avoir par là notablement accru
leur répertoire lexical et d’une manière générale l’ensemble de leurs compétences linguistiques, mais aussi
de ne pas toujours opérer de distinction, par exemple, entre les divers registres de langue – de l’ordre des
savoir-faire déjà soulignés.
2.2.1. La conscience linguistique de l’apprenant
Les observations ci-dessus nous interpellent sur la vision déficitaire que l’étudiant a souvent de l’objet
langue et qui est le résultat – au moins partiellement – de son apprentissage antérieur et de ses
représentations mentales relatives à la langue en général. Cette vision a une influence directe sur les objectifs
d’apprentissage que se fixe l’étudiant et comporte le risque que celui-ci ne se concentre exclusivement sur la
variété qu’il considère comme seule légitime – la norme pédagogique. Or,
une langue vivante porte bien son nom. Il faut l’analyser comme telle, ne pas se contenter de critiquer le
concept de « registre de langue » comme un archaïsme, mais prendre le français dans toutes ses dimensions,
parmi lesquelles la dimension académique. (Porcher, 1995 : 41)
Comme le rappelle Eloy (2003 : 7-9), un locuteur allogène ayant une maîtrise de la seule variété standard,
pour excellente qu’elle soit, n’en reste pas moins qu’un simple locuteur du standard, alors qu’un apprenant
qui réussit tout au moins à percevoir les spécificités des variantes utilisées par ses différents interlocuteurs
retirera un bénéfice certain en termes d’intégration au groupe.
Cuq (1996 : 69) insiste sur la nécessité de développer, parallèlement au processus d’acquisition des
structures de la langue et du développement des capacités langagières, une compétence qui déborde du strict
cadre linguistique et dans laquelle les faits langagiers vont s’insérer : la justesse du choix des signes
linguistiques (compétence linguistique) est en effet assujettie à une perception correcte des symboles qu’ils
véhiculent et qui sont, eux, de l’ordre de la compétence culturelle – et ajoutons-nous socio-pragmatique.
Dans cette optique, l’apprentissage doit aussi se pencher sur le développement de la conscience linguistique
de l’apprenant, entendue dans son acceptation la plus large. Dans la mesure où celle-ci se présente comme un
concept souvent vaste car employé avec des nuances variées chez les auteurs de référence (Stegu et Wochele,
2008 : 118), nous entendrons ici par conscience linguistique la conscience qu’un locuteur a du
fonctionnement et de la nature de la langue ainsi que la réflexion qu’il opère sur sa propre activité langagière.
On distingue à l’intérieur de la conscience linguistique elle-même plusieurs consciences partielles, comme
l’a synthétisé Delbart (2005 : 139-142). L’un des points saillants soulevés par ce dernier est lié à cette
conscience de langue, qui donne lieu à l’élaboration des jugements de valeur, d’acceptabilité et de
grammaticalité. Il rejoint en cela la conscience normative telle que définie par Dabène (1994, cité dans
Wantz-Bauer, 2001 : 55) et qui correspond à l’idée que le locuteur se fait des formes correctes et acceptables
de la langue – conscience de norme et conscience d’erreur, ce qui n’est pas sans implications didactiques.
Les capacités langagières et communicatives des apprenants restant toujours limitées (Stegu et Wochele,
2008 : 122), un travail des apprenants sur leurs propres représentations mentales aura donc pour objectif de
donner à ceux-ci accès à un méta-savoir pour qu’ils puissent tenir compte de ce que leurs performances
potentielles peuvent créer chez l’interlocuteur.
2.2.2. La dimension sociolinguistique de la langue
Si par principe d’économie, l’apprenant peut penser qu’une fois qu’il maîtrise la langue standard,
l’intercompréhension sera assurée, le but de l’enseignement de la langue étrangère ne saurait au contraire se
limiter à la transmission d’un simple ensemble de compétences linguistiques. Il est d’ailleurs utile à ce
propos de rappeler que le Cadre européen commun de référence pour les langues, dans son chapitre 5
consacré aux compétences de l’utilisateur/apprenant, distingue dans l’objet de l’apprentissage des langues
étrangères, à côté des compétences linguistique et pragmatique, une compétence sociolinguistique. Celle-ci
prend en compte en particulier les marqueurs des relations sociales, les règles de politesse, les registres, mais
aussi les différences de dialectes ou les accents (CECR, 2001 : 93-96). Sur ce dernier point il est spécifié que
la compétence sociolinguistique recouvre également la capacité de reconnaître les marques linguistiques de,
par exemple : la classe sociale, l’origine régionale, l’origine nationale, le groupe professionnel.
Nous insistons sur l’utilisation du verbe « reconnaître » qui se réfère implicitement à une compétence
passive puisque, comme cela a été signalé précédemment, il ne saurait être réaliste de viser à une maîtrise
active de toutes les variations de la langue.
L’acquisition de cette compétence ne peut, selon nous, s’effectuer sans susciter à certains moments de
l’apprentissage une réflexion sur ce que comporte l’utilisation de la langue, ou en d’autres termes,
sensibiliser l’apprenant aux fonctions que celle-ci remplit (Defays, 2003 : 23-26) :
Les fonctions de la langue ne représentent pas seulement l’objectif de l’apprentissage, mais elles en sont
également le moteur : une langue ne s’apprend que si l’on s’en sert. La classe – comme l’usine ou la famille –
constitue un microcosme où les interactions verbales doivent entraîner ou au moins encourager séance tenante
l’apprentissage de la langue. Une langue est une chose abstraite, inerte, inutile, et risque de le rester, quand on
la présente en dehors de tout usage ou qu’on remet cet usage à plus tard. Mais encore faut-il savoir à quoi une
langue est utile dans la société pour la mettre en pratique en classe.
Parmi les fonctions de la langue énumérées par Defays, retenons celles dont l’observation explicite contribue
directement à l’élaboration de la conscience linguistique :
- la fonction communicative : s’informer, s’exprimer, communiquer ;
- la fonction sociale : (s’)intégrer au groupe ;
- la fonction symbolique : comprendre les représentations identitaires liées à la pratique d’une langue
ou variété de langue ;
Il s’agit ainsi, tout au cours de l’apprentissage, de familiariser les apprenants au fait que la langue possède
certes une unicité qui est celle de la norme de référence, à travers en particulier la norme pédagogique et
l’approche prescriptive dont elle se fait l’écho, mais aussi qu’elle est changeante et malléable en fonction de
ce qu’en font les locuteurs – approche sociolinguistique – et par conséquent que d’une part la langue est
variation par définition, et que d’autre part la norme linguistique est un produit social (Bouchard, 2002 :
207).
Parallèlement à l’acquisition de compétences strictement linguistiques, l’un des objectifs de l’apprentissage
de la langue étrangère est ainsi de favoriser une compréhension des phénomènes sociolinguistiques ayant
trait aux notions de normes et d’effraction à la norme, afin de permettre à l’apprenant de développer de
meilleures capacités en termes de 1- élaboration et compréhension des messages en fonction des situations de
communication et de son(ses) interlocuteurs(s), 2- identification du(des) locuteur(s) à travers le type de
langue / lecte utilisé, 3- intégration au groupe de locuteurs dans lequel il se trouve en cherchant à reproduire,
s’il le désire, le type de langue utilisé.
2.3. Norme pédagogique et variation diatopique
Toute langue est façonnée par les locuteurs en fonction de multiples facteurs. Comme le rappelle Gadet
(2007 : 13-14),
il n’est pas de langue que ses locuteurs ne manient sous des formes diversifiées, ce qui permet d’établir
l’observation empirique à tous les niveaux, quoique selon des amplitudes diverses. La réalité des pratiques des
locuteurs, comme de leurs évaluations sur les façons de parler, attestent de différences, d’inégalités, de
jugements de valeur et de discriminations. […] Les façons de parler se diversifient selon le temps, l’espace, les
caractéristiques sociales des locuteurs, et les activités qu’ils pratiquent.
Nous avons déjà souligné combien cette variabilité de la langue contraste avec une forte tradition normative
mono-centrique dont la norme pédagogique est le meilleur représentant. Or, cette représentation rigide de la
langue entretient deux confusions qu’il est nécessaire de clarifier : d’abord à propos de ce qu’est la langue
française, et ensuite à propos de ce qu’est la norme.
Pour ce qui du premier point, Blanchet (1998 : 55) a clairement illustré combien la langue française peut se
définir comme l’ensemble des actes de paroles produits perçus par l’ensemble des locuteurs comme étant du
français. Même si le message produit est considéré comme étant du mauvais français, l’utilisation même de
l’épithète « mauvais » ne contredit en rien la nature de la langue : il s’agit tout de même de français, cette
représentation étant partagée par l’ensemble du groupe social.
Bigot (2008 : 26-30) affine cette analyse en mettant en évidence la relation que la langue française entretient
avec les concepts de communauté linguistique et de communauté socio-culturelle, à partir d’une triple
dimension : spatiale ou géographique, culturelle et temporelle. Ainsi, français, belges, camerounais et
québécois forment des groupes spécifiques dans la mesure où même s’ils partagent des traits communs plus
ou moins prépondérants notamment linguistiques – communauté linguistique, ils n’en forment pas moins des
communautés sociales ou communautés socioculturelles (Verreault, 1999 : 23) différentes.3 Or, chaque
communauté se dote de ses propres modèles de référence endogène, même si non nécessairement explicites,
par rapport à l’ensemble des pratiques linguistiques. Ce qui conduit Bigot (2008 : 61-62) à insister sur la
polysémie du terme « norme » : il n’y a donc pas une norme, mais bien des normes.
Par ailleurs, ces normes ne sont pas seulement multiples puisque chaque communauté aurait une norme
spécifique, mais bien parce qu’au niveau de la langue parlée en particulier, ces mêmes communautés
possèdent un ensemble de normes, comme le rappellent Ostiguy et Tousignant (2008 : 22) :
définir également la langue orale comme lieu de variation linguistique en fonction des situations fait percevoir
la norme linguistique à l’oral comme un produit d’une certaine hiérarchisation portant sur l’adéquation d’une
forme linguistique en fonction des situations de communications. Cette définition admet l’existence de
plusieurs normes linguistiques, ou normes d’usage, en fonction des circonstances.
Plusieurs normes pour la langue française : il s’agit d’insister sur cette évidence car, dans le cas de la langue
française, le mono-centrisme véhiculé par la norme pédagogique tend à l’élaboration de représentations
mentales offusquant cette réalité. Ce n’est pas un hasard si dans un article consacré notamment au(x) français
en Afrique, Canut (2001 : 455-460) s’élève contre ce fantasme de la pureté et de l’unicité du français,
dénonçant par là une vision essentialiste qui met au premier plan le rapport une langue pour une nation, une
langue pour une communauté.
Du point de vue de la pluralité de la norme et de la variation, Valdman (1982 : 218) – dans une perspective
FLE – et Gagné (1984 : 467) – dans l’optique de l’enseignement du français au Québec – rappelaient déjà
que la langue française orale pouvait se définir synthétiquement comme étant à l’intersection de trois axes
principaux : une variation géographique ou diatopique, une variation sociale ou diastratique et une variation
diaphasique ou de l’ordre des registres de langue. Le français proposé comme modèle de référence, et repris
par la norme pédagogique, est donc en quelque sorte assimilable à la langue parlée par le parisien
d’extraction bourgeoise en situation de communication formelle.
Nous avons ci-dessous tenté de modéliser cette conception du français tenant compte des principales
variations sociolinguistiques de la langue.
Figure 1. Langue française : norme standard et axes variationnels
Si l’on considère ainsi la langue comme un ensemble de variations, on relève dans la pratique de classe que
la variation géographique représente sans aucun doute pour l’apprenant la facette la plus aisément
identifiable et visible de cette variabilité. Cependant, c’est aussi celle dont la légitimité est le plus
fréquemment remise en cause par l’idéologie du Bon Usage. Cela conduit à s’interroger sur la manière
d’intégrer la didactique du FLE d’une dimension réellement internationale par l’exploitation des possibilités
offertes par les nombreuses variétés diatopiques existantes et l’utilisation dans la pratique didactique de
documents originaires de toute la francophonie. En effet, cette approche présente l’avantage à la fois de
ménager l’objectif d’une maîtrise des structures centrales de la langue et d’appréhender la diversité
intrinsèque de celle-ci.
Le cas québécois que nous prenons en observation est, dans le cadre de notre réflexion, exemplaire à plus
d’un titre. D’abord, comme déjà signalé peu avant, il s’agit de la variante qui présente le plus grand écueil de
compréhension pour les apprenants, du moins dans la mesure où il s’agit de celle qui suscite chez eux le
sentiment d’insécurité le plus immédiat, et qui met le plus rapidement à nu leurs représentations mentales
quant à la nature de la langue. Ensuite, parce que les québécois eux-mêmes, afin de concilier d’un côté
qualité de la langue et intercompréhension avec le reste du monde francophone et d’un autre côté
préservation de spécificités langagières propres à leur communauté, ont poussé le plus loin la réflexion sur la
norme, entendue sous toutes ses nuances : norme(s) d’usage(s), norme(s) de référence, mais aussi norme(s)
pédagogique.
Cette réflexion répond, du point de vue pédagogique, à une double nécessité de la part des québécois : quelle
langue adopter pour le français langue d’enseignement – pas nécessairement langue maternelle – et quelle
langue proposer aux migrants qui viennent s’installer au Québec – FLS ou Français Langue Seconde – ou
aux jeunes scolarisés dans les réseaux des autres minorités linguistiques comme les anglophones eux aussi en
situation de FLS.
Dès 1977, l’Association des professeurs de français du Québec a choisi de promouvoir dans l’enseignement
la norme du français québécois standard. Or, cette dernière prise de position soulève de nombreuses
interrogations. 1- Qu’est-ce que le français québécois standard ? 2- Que propose la réflexion québécoise
quant à la langue à prendre en compte dans l’enseignement du français langue maternelle ? Quelles pistes
pédagogiques ont-elles été explorées et lesquelles sont exploitables ou d’ores et déjà exploitées, notamment
en FLS ? 3- Et enfin, en quoi cette réflexion ouvre-t-elle des pistes à la didactique du FLE, dans la
perspective du développement chez l’apprenant de sa capacité à identifier et à recevoir correctement les
messages dans une langue qui n’est pratiquement jamais celle qui est décrite dans les manuels ? Comment
cette réflexion vient s’ajouter à celle qui existe déjà en enseignement de la langue étrangère ?
3. QUEBEC : ENJEUX SOCIOLINGUISTIQUES ET PEDAGOGIQUES AUTOUR DE LA NORME
3.1. Le français au Québec4
Il ne saurait être dans notre propos d’offrir ici une description de la langue telle qu’elle est pratiquée au
Québec : maintes études ont eu lieu ou sont en cours pour tenter d’offrir un panorama complet de la langue
française dans cette partie de l’Amérique du Nord ainsi qu’une description du français québécois standard.
On peut cependant noter que depuis les années soixante, la langue parlée au Québec s’est progressivement
rapprochée du français standard international (Martel et Cajolet-Laganière, 2000 : 380-382) et du français
normatif, même si elle est caractérisée par une forte créativité lexicale, autonome par rapport au reste de la
francophonie, et par des traits de prononciations spécifiques valorisés par l’ensemble de la communauté
(Bouchard, 2007 : 85-86).
Surtout, lorsqu’on évoque le français québécois, ou toute autre variété géographique de français, il est
nécessaire de tenir compte de la différence entre langue écrite, codifiée et nettement plus prescriptive que la
langue orale qui, elle, est sujette à l’ensemble des variations linguistiques – géographiques, sociales ou de
registre (Gagné, 1984 : 464). En effet, pour l’écrit, l’existence d’une orthographe et d’une grammaire unique
n’est aucunement contestée : la grammaire décrite dans les ouvrages de référence européen fait l’unanimité
et les rares exceptions ne concernent que la féminisation des titres et des professions et d’autres points de
détails (Gagné, 1984 : 465 ; Vézina, 2002 : 43).
3.1.1. Qualité de la langue et positionnement des locuteurs
Le rapprochement vers le français international évoqué ne répond cependant pas à une démarche consciente
mirant à l’élaboration d’un nouveau cadre normatif de la langue. Il est dû à un ensemble de facteurs
historiques parmi lesquels l’ouverture de la société québécoise à l’internationalisation et l’augmentation des
liens culturels et économiques avec la France durant les dernières décennies. Ces dynamiques ont renforcé
l’attraction du modèle parisien avec, dans une moindre mesure, le passage d’éléments principalement
lexicaux en sens inverse – des termes comme courriel, clavardage, niaiseux peuvent désormais se rencontrer
en France et la féminisation des professions est appliquée dans certains organes de presse nationaux (Vézina,
2002 : 45).
La recherche continue d’un modèle de référence distinct du modèle parisien, soucis qui voit le jour en
particulier au lendemain de la Révolution Tranquille dans les années soixante, n’a pas encore abouti à une
description exhaustive d’un standard propre. Comme le relève Martel (2000 : 739), le désir de définir la
langue telle qu’elle est pratiquée en Amérique du nord s’est traduit par une production abondante de
dictionnaires à destination du public québécois et d’œuvres descriptives et normatives, à vocation
scientifique et/ou de vulgarisation, ayant pour but de recenser les traits distinctifs de la langue. Or, il ne s’agit
pas d’une intervention planifiée mais plutôt d’un mouvement spontané dans la mesure où aucun plan n’a
encore été élaboré en ce sens ni par l’Office québécois de la langue française – OQLF – ni par le Conseil
supérieur de la langue française du Québec.
Cela ne signifie toutefois pas que l’OQLF se désintéresse du problème lié à l’élaboration d’un modèle de
référence pour la langue. En effet, lorsque dans les années soixante l’Etat québécois s’empare de la question
linguistique, émerge très vite le problème de la qualité de la langue. En 1965, l’OQLF nouvellement créé
recommande de s’aligner sur le français international, c’est-à-dire implicitement sur celui de Paris.
Cependant, les limites de cette approche se font rapidement sentir et le même Office publie en 1969 une
première liste des « canadianismes de bon aloi », soulignant déjà à l’époque qu’il ne saurait être question de
promouvoir un alignement aveugle sur le français parisien. L’OQLF intervient fréquemment dans le débat et
en 1985 spécifie que le discours sur la norme de la langue s’insère dans le processus d’aménagement
linguistique et doit tenir compte du contexte culturel et sociolinguistique du Québec, de sa situation
géographique et de son appartenance à la francophonie (Vézina, 2002 : 33-34).
Ce dernier rappel évoque indirectement la difficulté du positionnement des locuteurs québécois par rapport à
leurs propres pratiques linguistiques, tel que nous l’avons déjà brièvement évoquée : tenir compte du
contexte spécifique de la langue dans la société québécoise mais aussi de son appartenance à la francophonie,
c’est-à-dire préserver/légitimer des pratiques endogènes – propres à la communauté socioculturelle – tout en
ménageant l’intercompréhension avec le reste de la francophonie, pour laquelle la norme parisienne est
largement prépondérante – modèle perçu comme extérieur à la communauté. On a là les termes de
l’insécurité linguistique des francophones du Québec comme partout ailleurs hors de France, que Haugen a
indiqué comme une situation de schizoglossie (1962, cité dans Moreau, 1999) : le bon français est celui des
français, mais il ne faut pas parler comme eux, sous peine de perdre sa spécificité et son identité.
Les nombreuses études ayant pour objet la question de la qualité de la langue ne vise pas toutes
nécessairement à la définition de la norme de référence, mais abordent également cette question des
pratiques linguistiques des locuteurs (Dubuc, 2001 ; Maurais, 2003 ; Ostiguy, Champagne, Gervais et
Lebrun, 2005 ; Raunet, 2001 ; Reinke, 2005) et des discours épilinguistiques liés aux représentations
mentales de ceux-ci (Bouchard et Maurais, 2001 ; Laurendeau, 2007 ; Maurais, 2008 ; Mottet, 2006;
Razafimandimbimanana, 2005).
La principale observation formulée de façon récurrente dans l’ensemble des études souligne combien
l’insécurité linguistique des locuteurs amène ceux-ci à juger négativement les pratiques linguistiques de
l’ensemble du corps social ainsi que leurs propres pratiques individuelles – même si de manière moins
systématique dans le second cas – et ce quelle que soit la réelle conformité des énoncés par rapport à un idéal
de langue plus ou moins évanescent.
3.1.2. Modèle de référence à l’oral et norme(s)
Parallèlement aux recherches scientifiques, l’ensemble du corps social s’est reconnu spontanément dans un
modèle de langue parlée : le français pratiqué par les journalistes de la télévision Radio-Canada. Si à
l’origine, ce modèle a une assise moins large qu’aujourd’hui, car largement orienté vers le modèle parisien, il
s’en émancipe peu à peu et s’impose comme la langue à imiter dans les situations de communication
formelle – pour la langue des médias et de la télévision on renvoie à Raunet (2001) et Reinke (2005).
Progressivement, notamment avec l’apparition de nouveaux concurrents dans la sphère audiovisuelle puis
avec l’apparition des médias électronique, la distance entre la langue populaire et la langue pratiquée à
l’antenne se réduit (Reinke, 2005 : 9-11, 14-15), dans ce que Martel (2000 : 112) a défini comme un
paradoxe apparent : la langue des médias s’est légèrement relâchée – car ménageant plus de place à des
émissions où la langue familière/informelle est privilégiée (Reinke, 2005 : 43-44) – mais dans le même
temps, la langue pratiquée par l’ensemble de la population s’est rapprochée de la norme du français standard.
Ce phénomène est dû à plusieurs facteurs comme un accroissement qualitatif et quantitatif du niveau de
scolarisation de la population francophone depuis les années soixante, ainsi qu’un contact majeur avec
d’autres variétés de français et avec le français de référence à travers l’apport de l’immigration provenant des
pays francophones, l’exposition aux médias francophones et l’augmentation du tourisme français.
L’existence même d’un modèle de langue orale formelle divergent de la norme parisienne est confirmé par
les discours et les pratiques des locuteurs, qui valorisent certains traits spécifiques au français québécois au
détriment d’autres perçus comme des marqueurs sociaux dévalorisants. Ainsi, certaines prononciations ne
font pas partie du français international mais appartiennent à la langue soignée des québécois, comme
l’affrication des consonnes /t/ et /d/ devant /i/ et /u/ – « qu’est-ce que tu dis / [tsy dzi] ? » (Ostiguy et
Toussignant, 2008 : 31).
Lorsqu’en 1977, le congrès de l’Association québécoise des professeurs de français demande que la norme
du français dans les écoles soit le standard d’ici, il est immédiatement spécifié que le français d’ici est la
variété de français socialement valorisée que la majorité des québécois francophones tendent à utiliser dans
les situations de communication formelle (cité dans Mottet, 2006 : 39). La variété de français en question est
donc définie non seulement géographiquement, mais aussi du point de vue social – diastratique – et des
registres de langue – diaphasique. C’est d’ailleurs aux mêmes conclusions qu’aboutit Vézina (2009 :11)
quand il observe que s’intéresser au français québécois ne signifie pas tant s’intéresser à un écart topolectal
qu’à un phénomène social.
La langue française au Québec étant, comme toute langue, un ensemble de variations, la question de la
norme requiert une approche pluridisciplinaire – linguistique, sociolinguistique, psycholinguistique,
pédagogique – d’autant qu’un cadre explicatif unique et universellement admis n’existe pas (Gagné, 1984 :
463-464). En effet, du point de vue strictement linguistique, l’abondante réflexion relative à la variété du
français québécois a certes débouché sur des descriptions lexicographiques ou phonologiques exhaustives de
la langue parlée, mais force est de constater que le français québécois standard est resté très proche du
français international et qu’aucune norme explicite n’a été diffusée.
Comme évoqué plus haut, l’Office n’a pas opté pour un interventionnisme planifié afin de définir une norme
qui deviendrait alors prescriptive, et se limite à légitimer certaines pratiques comme relevant de la langue
soignée des québécois, n’hésitant d’ailleurs pas à se positionner sur certaines questions contre l’avis de
l’Académie française – c’est le cas par exemple de la féminisation des titres et des professions déjà signalée.
Parmi les motifs pouvant expliquer cette prudence, Vézina (2002 : 43) indique la crainte d’établir une norme
puisqu’une fois que celle-ci serait explicitée, il n’y aurait plus nécessairement de garanties d’un rattachement
au français international, avec le risque – plus ou moins réel ou fantasmé – de l’isolement linguistique, de la
perte de contact avec le reste du monde francophone et de la créolisation du monde québécois.
En fait, comme le rappelle Maurais (1999), une norme du français québécois viable, c’est une norme
d’audience internationale qui tient compte des particularités légitimes du français québécois.
3.2. L’ENSEIGNEMENT DU FRANÇAIS AU QUEBEC
3.2.1. La langue orale : enseignants et étudiants
Ces difficultés de positionnement des locuteurs entre leurs propres pratiques langagières et la langue soignée
proche du français standard, surtout reconnaissable dans la confusion des registres de langue, ainsi que
l’absence d’une norme établie du français québécois standard, se retrouvent également dans les études
prenant en considération les acteurs de la transmission de la langue, qu’ils soient enseignants ou futurs
enseignants.
Gagné (2000 : 392-399) avait relevé le lien existant selon lui entre l’absence chronique d’indications sur
l’oral et les registres de langue et le niveau plus faible en français des élèves québécois par rapport à leurs
homologues belges et français, notamment pour la langue soignée à l’oral.5 Or les enseignants sont bien
évidemment les premiers à souffrir l’absence d’indications précises ; comme le notent Bergeron, Lafontaine
et Plessis-Bélair (2007 : 4) :
malgré les différents programmes d’études et courants de recherche en didactique de l’oral, les enseignants
québécois semblent encore osciller entre un réel enseignement de l’oral, considéré comme un objet à part
entière et comme un outil réflexif, et des pratiques de l’oral calquées sur l’écrit.
Plusieurs enquêtes (Gervais, Ostiguy, Hopper, Lebrun et Préfontaine, 2001 ; Ostiguy, Champagne, Gervais et
Lebrun, 2005 ; Gervais et Mottet, 2007) ont en outre montré que les étudiants universitaires se destinant à
l’enseignement éprouvent des difficultés à s’exprimer en situation formelle, dues en particulier à de
fréquentes confusions de registres. Les futurs enseignants de français sont également touchés par ce
phénomène, même si dans une moindre mesure que leurs confrères des autres matières.6
L’une des causes imputables réside probablement dans la faible attention portée à la spécificité de la langue
orale par rapport à l’écrit. Comme le rappellent Bergeron, Lafontaine et Plessis-Bélair (2007 : 31) :
l’oral a un statut particulier : élément transversal, il est à la fois outil, support et objet de savoir à maîtriser à
l’école primaire et secondaire. Il prend des formes très différentes selon les situations de communication dans
lesquelles il est produit. De plus, il constitue un lieu de variation au moins aussi complexe que celui de l’écrit :
de l’oral spontané à l’oral très formel, toute une panoplie de situations d’oral est possible, que ce soit en
contexte de prise de parole ou en interaction.
Or, Razafimandimbimanana (2005 : 70-71) a souligné combien l’école primaire ne se consacre presque
exclusivement qu’au développement des compétences écrites – pour lesquelles seul le français standard est
pris en compte, l’évaluation des compétences orales n’étant pas tenu en considération. Cette tendance reste
forte tout au long de la scolarité puisque les élèves dédient approximativement plus de 80% de leur temps à
travailler sur l’écrit.
La pratique de l’oral reste donc marginale : toujours pour Razafimandimbimanana (2005 : 74-75), on part du
principe que les jeunes apprenants ont déjà une connaissance des variations linguistiques vu que les
programmes n’explorent que le seul aspect lexical de ces phénomènes et que ce n’est que dans les dernières
années de scolarisation, à la fin du Secondaire vers 15-17 ans, qu’ils y seront sensibilisés. En outre,
manquent des manuels à destination du public scolaire décrivant de manière systématique les variétés de
français et explicitant la dimension sociolinguistique de la langue (Gagné, 2000 ; Razafimandimbimanana,
2005 : 75), ce qui a pour conséquence d’entretenir la confusion autour de la norme de référence et
l’insécurité linguistique telles que décrites précédemment.
Cela est d’autant plus surprenant qu’il n’est d’abord pas possible d’enseigner la langue orale formelle comme
la langue écrite (Ostiguy et Tousignant, 2008 : 31), mais surtout, comme souligné à plusieurs reprises, que
l’objectif déclaré de l’OQLF, de l’Association québécoise des professeurs de français ou des autorités en
général, est de favoriser l’acquisition d’un standard spécifique au Québec.
3.2.2. Les indications des programmes ministériels
Suite à la réforme de l’éducation des années 1995-1996 et aux programmes élaborés par le Ministère de
l’éducation dans les années 2000, l’enseignement du français met en avant la nécessité d’enseigner non
seulement l’écrit mais aussi l’oral : celui-ci est considéré comme un objet d’enseignement et les activités
orales sont davantage contextualisées dans des projets de communication (Bergeron, Lafontaine et Plessis-
Bélair, 2007 : 10).
Ces programmes scolaires sont relativement dénués d’indications quant à la langue orale jusqu’au milieu du
Secondaire. Aussi avons-nous consulté les programmes des trois dernières années du Secondaire,7 dans la
mesure où l’enseignement collégial de deux ans qui suit le Secondaire au Québec est plutôt destiné à
préparer l’entrée à l’université et que l’examen final de langue française – Epreuve unique de français du
collégial, Langue d’enseignement et littérature – à l’issue de ces deux ans est justement focalisé sur la
littérature selon des modalités écrites.8
Deux types de programmes sont disponibles sur le site du Ministère en fonction du type d’apprenant : celui
de français, langue d’enseignement – FLDE, qui s’adresse non seulement aux francophones mais aussi à la
majeure partie des migrants après un passage dans des classes d’accueil – la législation contraignant les
nouveaux arrivants à intégrer le système scolaire de langue française, et le français langue seconde,
programme de base – FLSPB, destiné aux élèves des réseaux scolaires d’autres communautés linguistiques,
principalement anglophones.
- le français, langue d’enseignement
A l’issue des trois dernières années de Secondaire, les élèves sont censées avoir acquis trois types de
compétences distinctes en français : 1- lire et apprécier des textes variés, 2- écrire des textes variés, 3-
communiquer oralement selon des modalités variés (FLDE, 2009 : 9). On peut se demander si l’attention
nouvelle dédiée à la communication orale à ce niveau de la scolarité n’est pas liée à l’introduction de thèmes
dédiés à la vie en société : déjà présentes dans le programme de français depuis le début du secondaire, les
dimensions « langue » et « culture » s’enrichissent de l’élément « société », qui associe développement de la
conscience linguistique de l’apprenant et apprentissage de la vie sociale en français (FLDE, 2009 : 13).
Surtout, en relation avec le développement de la compétence 3 – communiquer oralement selon des
modalités variés,
on amène les élèves à connaître, à utiliser, à justifier et à discriminer les différents registres de langue en
contexte selon les régions du Québec, dans les provinces canadiennes (milieux minoritaires) et dans la
francophonie (Europe, Afrique, etc.), à favoriser l’utilisation des registres de langue correct et soutenu dans
toutes les disciplines afin de préparer les élèves à la vie en société (accès à la culture, à la vie sociale et
professionnelle) ainsi qu’à justifier et discriminer les différences entre l’oral et l’écrit (Bergeron, Lafontaine et
Plessis-Bélair, 2007 : 11).
Cette compétence, elle-même divisée en diverses composantes, contient deux points qui retiennent
l’attention à l’intérieur de la composante 5 intitulée « mettre à profit et acquérir des connaissances sur la
langue, les textes et la culture » (FLDE, 2009 : 78) :
- point 4 : reconnaître des marques de l’évolution et des variétés du français parlé au Québec et dans la
francophonie ;
- point 5 : se référer au français standard en usage au Québec.
Les élèves apprennent à exprimer leurs idées et à les expliciter en utilisant une variété de langue
appropriée… l’enseignant leur propose des situations qui leur permettent d’accroître leur habilité à utiliser
une variété de langue standard (FLDE, 2009 : 79). Surtout, pour indiquer la langue appropriée aux situations
de communication formelle en classe ou en société, le programme se réfère à de nombreuses reprises à la
langue soignée et à une langue de qualité.
Or, hormis une unique note destinée à l’enseignant relative aux emprunts et aux anglicismes dans la rubrique
« lexique » (FLDE, 2009 : 133) à l’intérieur des contenus de formation et deux seules indications relatives à
des aspects phonologiques caractéristiques du Québec – affrication du /t/ et du /d/ et diphtongaison de
certaines voyelles – pour lesquels n’est d’ailleurs pas soulignée la spécificité par rapport à la langue parlée en
France, on ne trouve aucune trace de référence explicite à la variation diatopique ou au français québécois
standard.
Ceci conduit donc Ostiguy, Gervais et Lebrun (2006 : 33) à s’interroger sur ce que signifie une langue de
qualité en l’absence d’indications et de descriptions détaillées.
Sur le versant du développement de la conscience linguistique par contre, le programme offre des éléments
de réflexions sur les « variétés de langue » (FLDE, 2009 : 139-140), aussi bien en ce qui concerne les
« connaissances à construire et à mobiliser » chez l’apprenant que dans la partie dédiée aux « précisions
complémentaires à l’usage de l’enseignant ». Ces connaissances à acquérir par l’étudiant sont de nature plus
strictement sociolinguistique : à l’issue du Secondaire, celui-ci doit être apte à 1. distinguer les différents
types de variation linguistique – diachronique, diatopique, diastratique et diaphasique, 2. comprendre les
différents concepts ayant trait à la norme linguistique explicite et implicite, 3. distinguer ce qu’est la
francophonie en fonction de la position du français dans la société – langue maternelle et/ou véhiculaire – et
enfin, outre la capacité d’identifier les caractéristiques des divers registres de langue, 4. se représenter la
langue soignée, c’est-à-dire (FLDE, 2009 : 140)
le français standard en usage au Québec comme:
- la variété de référence pour situer les autres variétés de langue
- l’usage socialement valorisé au Québec
- comprenant tout le vocabulaire (mots, sens, expressions) que les Québécois tendent à utiliser dans
leurs échanges écrits et oraux quand ils veulent s’exprimer de façon correcte
- présent dans les textes soignés
- conforme aux normes de la grammaire et respectueux du code linguistique.
On peut se demander si cette introduction aux concepts sociolinguistiques de la variation de la langue ne
constitue pas une sorte d’outil destiné à compenser l’absence d’une norme explicite en français québécois
standard, plusieurs fois soulignée ici et stigmatisée comme l’une des causes de l’insécurité linguistique des
enseignants comme des apprenants. Notons d’ailleurs qu’en France, cette dimension est presque
complètement absente des programmes officiels de français au collège et au lycée, toutes filières confondues,
ce qui laisse s’interroger sur les motifs, idéologiques et/ou pragmatiques, de cette « lacune ».
Dans le cas du Québec enfin, il serait en outre intéressant d’analyser la manière dont les manuels scolaires
répondent à ce défi et, dans la mesure où il semble que ces contenus aient été récemment introduits dans les
programmes, d’en étudier les effets à moyen et à long terme.
- le français langue seconde
Le français langue seconde au Québec regroupe plusieurs situations d’apprentissage relativement
hétérogènes :
- langue enseignée dans les écoles des commissions scolaires des minorités linguistiques, pour lesquels la
langue d’enseignement est autre que le français – l’anglais chez les anglophones ;
- apprentissage intensif et par immersion dans les classes d’accueil où sont dirigés les jeunes migrants
nouvellement arrivés en attente d’intégrer le cycle traditionnel de scolarisation une fois atteints les objectifs
linguistiques requis ;
- cours de FLS pour adultes nouveaux migrants et cours de FLE comme le cours de Francisation en ligne –
FEL – conçu et géré par le Ministère de l’immigration et destiné aux candidats à l’émigration vers le Québec
en attente d’un visa encore résidents dans leur pays d’origine.
Les indications ministérielles contenues dans le français, langue seconde, programme de base de 2009 ne
proposent pas d’éléments se référant directement à un français spécifique au Québec, tout au plus trouve-t-on
une référence générique à la nécessité de reconnaître les différences entre la langue parlée et la langue
écrite et de porter attention aux différentes façons de communiquer ou de dire quelque chose dans les
stratégies cognitives à mettre en œuvre (FLSPB, 2009 : 53).
Le nouveau programme daté du 20 août 2010 et mis en ligne au cours du dernier trimestre de la même année,
s’il est plus concis que la version précédente, est par contre plus précis quant à l’enseignement de l’oral et de
la dimension sociale de la langue. On sensibilise l’élève à connaître les éléments constituant la situation de
communication et les intentions liées à celle-ci, en particulier à adapter ses réalisations langagières à son
intention de communication et aux autres éléments de la situation de communication (FLSPB, 2010 : 7).
En outre, certains phénomènes linguistiques propres au Québec sont même explicités quant au lexique –
reconnaître les québécismes (FLSPB, 2010 : 12), et à la phonétique – affrication, relâchement des voyelles
[i], [y], [u] en syllabe fermée, diphtongaison de certaines voyelles (FLSPB, 2010 : 14-15).
Mais surtout, un volet est entièrement consacré à la dimension sociolinguistique de la langue dans le chapitre
intitulé « Repères culturels ». Certains points s’attachent à la maîtrise des registres de la langue orale, mais
d’autres évoquent clairement la capacité à reconnaître certains traits phonétiques qui illustrent des variétés
du français (ex. : la prononciation du [r] ou du [ə] dans la syllabe finale dans certaines régions ou certains
pays) et à l’utilisation de la langue comme les francophones du Québec en respectant les conventions
sociolinguistiques qui s’y rattachent (FLSPB, 2010 : 8-9).
Cette ouverture à la dimension sociolinguistique, absente de la version précédente du programme pour le
français langue seconde, rejoint le soucis d’éveil à la compréhension des phénomènes linguistiques non plus
strictement du point de vue des compétences langagières et qui est déjà présent dans le document ministériel
du FLDE de 2009.
Là encore, il serait intéressant d’observer comment les manuels accueilleront et élaboreront ces instructions.
Dans le cas de l’apprentissage du français pour les migrants, l’impression retirée de la consultation de
quelques ouvrages qui leur sont destinés est celle d’un certain pragmatisme dans l’approche retenue par les
auteurs canadiens de méthodes FLS, qui n’ont pas attendu les instructions du Ministère de l’éducation pour
affronter le problème de la description des faits de langue caractéristiques des québécois. En effet, les traits
saillants de la langue au Québec, dans ses aspects lexicaux et phonétiques, sont mis en relief de différentes
manières au fil des unités didactiques et introduits par des thèmes et situations spécifiques à la réalité nord-
américaine environnante.9
3.2.3. Le cours de Francisation en ligne – FEL
Outre les programmes officiels du Ministère de l’Education pour le français comme langue d’enseignement
et comme langue seconde, le Ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles du Québec
organise des cours pour migrants. Dans le cadre de cette politique d’intégration linguistique, un cours de
Francisation en ligne – FEL10
– destiné aux candidats à l’immigration encore résidents dans leur pays
d’origine et en attente de Visa a été créé ces dernières années. L’attente pouvant se prolonger plusieurs mois,
cette période est mise à profit pour enseigner le français grâce à un programme d’apprentissage en ligne, en
autonomie ou en tutorat, selon une approche didactique FLE dans le strict sens du terme.
Le site de FEL propose des cours des niveaux 5 à 8 selon le descriptif des niveaux de compétences utilisé par
le Ministère,11
c’est-à-dire qu’il s’adresse à des apprenants ayant déjà atteint le niveau A2 du CECR et en
mesure de suivre les instructions dispensées. Comme indiqué sur le site du Ministère, ce descriptif établit 12
niveaux de compétences regroupées en trois étapes – débutant, intermédiaire, avancé – pour l’apprentissage
des langues et s’inspire directement du descriptif établi par le Centre des niveaux de compétence linguistique
canadiens.12
Nous avons déjà souligné que le CECR considère que la compétence à communiquer langagièrement peut
être considérée comme présentant plusieurs composantes : une composante linguistique, une composante
sociolinguistique, une composante pragmatique (CECR, 2001 : 17-18). La composante sociolinguistique,
différenciée des composantes linguistique et pragmatique, est par contre bien moins présente dans le
descriptif des Niveaux de compétence linguistique canadiens – NCLC – dans sa version 2006 disponible en
ligne. En tout cas, il ne l’est pas explicitement – le terme même de sociolinguistique n’apparaissant que trois
fois dans les quelque 250 pages du document – même si des indications relatives à la langue à utiliser, aux
formes de discours à privilégier et aux situations de communication tant formelles qu’informelles viennent
s’ajouter à la capacité à :
reconnaître et appliquer les normes sociolinguistiques, les conventions socioculturelles et les habiletés en
communication interpersonnelle qui s’y rapportent, en fonction de certaines compétences en communication et
de certains sujets. (NCLC, 2006 : 19-89-175).
Bien que ne permettant pas une comparaison ni avec le CECR ni avec le NCLC car offrant des informations
sous forme concise, la lecture du Tableau de synthèse – Structure pédagogique du cours de français langue
seconde en ligne – dénote une approche à la fois plus explicite et plus pragmatique quant à l’acquisition de
savoir-faire liés à la dimension sociolinguistique de la langue. Ce Tableau de synthèse considère 6
compétences de base : compréhension, production et interaction orales et écrites. Sauf pour la production
écrite, les blocs d’apprentissage correspondant au B2 du CECR spécifient que l’apprenant doit non
seulement comprendre mais aussi réemployer des « expressions idiomatiques et québécoises ».
On peut s’interroger sur cette formulation, plusieurs fois reprise, étant donné que cela pourrait a priori
induire à considérer d’un côté les idiomatismes et de l’autre des expressions caractérisées par leur dimension
géographique. Cependant, cette mise en parallèle entre « expressions idiomatiques et québécoises »
accompagne systématiquement des indications sur le type de communication – et de registre formel ou
informel – de sorte qu’on assiste à un intéressant renversement de perspective, puisqu’implicitement, les
expressions québécoises sont présentées sous un angle clairement diaphasique et non diatopique.
Ces indications sont relayées par les contenus des différentes unités didactiques qui, dès les premières
instructions à l’adresse de l’apprenant, utilisent sans complexe la langue telle que parlée et écrite au Québec,
aussi bien dans ses spécificités phonologiques que lexicales. En outre, tout au long du parcours de formation,
glossaires, fiches explicatives, exercices et règles de phonétique mettent régulièrement en évidence ces
particularités.
De fait, les mises en situations abordées le long des activités didactiques étant toutes destinées à illustrer les
besoins de communication qu’auront des adultes migrants une fois rendus au Québec – de la recherche d’un
logement à celle d’un emploi en passant par tous les aspects relatifs à l’insertion dans la vie sociale et au
quotidien – les éléments notamment lexicaux exploités introduisent naturellement les québécismes, perçus
par l’apprenant comme partie intégrante de la langue, même s’il reste clair qu’ils n’ont pas cours dans le
reste de la francophonie.
4. LA VARIATION EN DIDACTIQUE DU FLE
4.1. Dédouaner la variation diatopique, sensibiliser aux variations sociale et de registres
Comme cela a été souligné dans la partie précédente, les approches pédagogiques préconisées par le
Ministère de l’éducation du Québec dans ses programmes de FLDE et de FLSPB et dans le cours de FEL du
Ministère de l’immigration et des communautés culturelles ont en commun de ne plus se focaliser sur une
opposition entre variété de langue légitime et variétés proscrites. En un certain sens, on assiste à une mise en
pratique de ce que Verreault (1999 : 36) recommandait déjà il y a une dizaine années :
il serait souhaitable d’abandonner la stérile opposition du français du Québec / français de France, d’autant que
les différences entre ces variétés s’amenuisent au fur et à mesure que l’on s’élève dans la hiérarchie des
discours. […] Au contraire, on devrait se concentrer sur les types de variation que les élèves et les étudiants ont
intérêt à maîtriser pour réussir socialement et pour devenir des francophones plus sûrs de leurs usages
linguistiques.
Cette approche a le mérite de promouvoir une sensibilisation de l’apprenant à deux aspects fondamentaux de
la langue : d’une part la distinction entre langue orale et langue écrite, et d’autre part l’importance des
variations diaphasiques et diastratiques à l’oral.
D’abord, en ce qui concerne la dialectique écrit / oral, la nette séparation qui est faite entre la langue écrite,
dont les caractéristiques structurelles sont plus assujetties à la norme prescriptive, et la langue orale, qui elle
est majeurement soumise à variation, est mise en évidence par une démarche à la fois explicite et implicite.
De type explicite car les concepts sociolinguistiques liés à la variation semblent pouvoir être évoqués même
d’un point de vue théorique, dotant ainsi l’apprenant d’outils grâce auxquels un travail sur sa propre
conscience linguistique et sur sa perception globale de l’objet langue est facilitée.
De type implicite ensuite, puisqu’à chaque étape de l’apprentissage, les mises en situation exploitées
permettent d’introduire des faits de langue caractéristiques de chacun des types de communication en usage.
Cela afin de favoriser entre autres choses l’acquisition d’une certaine flexibilité qui permettra à l’apprenant,
quand bien même il ne maîtriserait pas toutes les variations de la langue, une meilleure capacité
d’observation et d’identification de la langue liée à l’interlocuteur et à la situation de communication.
Deuxièmement, la réflexion québécoise souligne le fait que la variation diatopique n’est pas en soi un
obstacle à l’intercompréhension, puisque les structures de base de la langue ne sont sujettes à variation que
sur quelques rares aspects secondaires. Surtout, dans le cas de la langue orale, les variations du système
phonologique et du lexique ne créent réellement de problèmes de compréhension à l’apprenant FLE non pas
tant dans une optique diatopique que du point de vue de la variation sociale et des registres de la langue, dont
le contact est limité dans la pratique de classe. En effet, pour un hypothétique étudiant italien, il sera
initialement déstabilisant de devoir interagir en situation de familiarité ou avec des personnes recourant à des
variations sociales de la langue d’autant plus difficilement compréhensibles qu’elles seront éloignées de la
langue « soignée » ou formelle ; et cela, que ce soit à Paris, à Dakar ou à Montréal.
Dans l’enseignement de langue maternelle, mais de façon explicite dans le cas québécois, l’approche
préconisée à l’oral est celle d’un mode de gestion plurinormaliste de la variation langagière fondé sur la
reconnaissance, la compréhension et la maîtrise des codes sociaux. Or, comme le souligne Cuq (1996 : 65-
66), cette approche n’a pas lieu en didactique du FLE, puisque les méthodes restent muettes quant à la
variation dans toutes ses dimensions, géographique, sociale ou encore de registre. En particulier dans le
cadre de l’apprentissage des compétences orales, les méthodes communicatives ont progressivement intégré
au cours des années des mises en situation issues de la vie quotidienne, sociale ou professionnelle, leur
associant des documents authentiques toujours plus complexes à mesure que le niveau de l’apprenant croît.
Mais le souci de proposer, sinon une explication théorique, du moins une observation des faits de langue
caractéristiques des variations diaphasiques et diastratiques, reste épisodique.13
Or, même dans l’optique de l’enseignement/apprentissage du FLE, un grand débutant n’est pas vierge de
toute connaissance, ne serait-ce que parce qu’il a déjà des savoirs et des savoir-faire relatifs à sa langue
maternelle. Et la recommandation de Verreault quant à l’enseignement du français comme langue
d’enseignement pourrait aussi s’appliquer au FLE :
[…] pourquoi les maîtres ne profiteraient-ils pas de ce que leurs élèves ou étudiants connaissent déjà pour les
amener à une maîtrise éclairée de la variation linguistique et pour leur faire réaliser toute la force de ce
formidable instrument de pouvoir qu’est la langue ? (Verreault, 1999 : 36)
Quelques aménagements didactiques sont cependant nécessaires. En effet, une distinction doit être faite entre
l’apprenant de langue maternelle, qui est à la fois conscient et inconscient de sa propre utilisation des
variétés de la langue et de la distance entre la variété standard et les autres variétés, et l’apprenant de langue
étrangère pour qui la seule voie à suivre est de rendre conscient le processus d’utilisation des variétés de
langue à travers l’observation explicite (Klein, 1986 : 140-141).
Pour être plus précis, l’exposition à différentes variations de la langue doit être accompagnée d’un cadre
théorique, même succinct, afin que chaque nouvel acquis s’intègre à l’intérieur d’un système cohérent reliant
savoirs linguistiques et savoir-faire avec la langue. Il aurait là un avantage certain à tirer pour l’apprentissage
des différentes valeurs communicatives et sociales attachées aux variations, dans le cadre d’un
développement de sa propre conscience communicative (Cuq, 1996 : 64-66).
4.2. Considérations pragmatiques et perspectives didactiques
Nous avons déjà souligné qu’il n’est pas envisageable de concevoir une approche de type plurinormaliste
pour enseigner les structures centrales de la langue. De la même manière, tenter de faire acquérir une
compétence active des variétés de la langue, ne serait-ce que dans ses dimensions lexicales ou
phonologiques, est également à exclure pour un ensemble de considérations pragmatiques.
D’abord parce qu’il est illusoire de penser que même les enseignants les mieux formés soient capables de
maîtriser toutes les variations, et parce qu’il est difficile de concevoir des manuels prétendant à l’exhaustivité
en matière de description de la langue dans cette perspective.
Ensuite parce que le temps dédié à l’apprentissage étant toujours limité, il est plus réaliste de se concentrer
sur l’acquisition d’une compétence passive qui s’acquiert plus rapidement et avec moins d’efforts : on
retrouve là le concept de coût de la formation tel que l’avaient déjà explicité Gallisson et Coste (1976) et qui
oblige l’enseignant à opérer des choix.
En effet, comme il n’est pas possible d’acquérir l’ensemble des variations existantes, l’objet de
l’enseignement doit mirer à l’acquisition active de la variété et du registre les plus répandus pour réaliser les
fonctions langagières. Si pour l’écrit les priorités pédagogiques vont de soi, il n’en est pas de même pour la
langue orale puisque par nature celle-ci ne possède pas de norme prescriptive unique (Gagné, 1984 : 492).
Aussi, plutôt que d’enseigner qu’il existe un Bon Usage, vaudrait-il mieux enseigner quelle est la variété de
langue la plus adaptée à une situation spécifique : la priorité du didacticien est de choisir dans les possibles
de la langue ses priorités à enseigner tout en éveillant la conscience linguistique et la conscience langagière
qui passe par les valeurs sociales attachées à ces variations (Cuq, 1996 : 69).
Il ne s’agit donc pas, comme déjà souligné, d’opter entre approche normative et approche variationnelle,
mais bien de concilier acquisition des structures de base de la langue – morphologie et syntaxe – et
sensibilisation à l’utilisation de la langue par les locuteurs, en mêlant connaissances linguistiques et
compréhension des phénomènes sociolinguistiques liés à la variation – à partir d’observations conduites sur
la variabilité du lexique et des phénomènes phonologiques.
Dans cette optique, l’utilisation fréquente de documents audio ou vidéo qui s’ouvrent à l’ensemble de l’aire
francophone, mais aussi de brefs extraits littéraires – dans la mesure où la langue de la narration reproduit
fréquemment la langue orale chez nombre d’auteurs contemporains – multiplie les possibilités de contact
avec les variations en particulier lexicales de la langue et devrait être encouragée (Molinari, 2009 : 12-13). A
travers l’exposition régulière à des variantes de la langue présentes dans ces documents, l’apprenant est ainsi
amené à reconnaître des formes non standard de la langue et à développer ses compétences passives en
compréhension, de la même manière qu’un locuteur natif dont le répertoire passif est bien plus étendu que le
répertoire actif (Gagné, 1984 : 469 ; Eloy, 2003 : 12-13).
Partant d’une des différences plus évidente entre français écrit et français oral – présence/absence de la
particule « ne » de la négation, Regan (1996 : 180-182) a par exemple noté que ce « ne » est absent dans la
langue orale des locuteurs natifs selon de très grandes proportions, alors qu’il est toujours présent chez les
apprenants de FLE en classe. Même si le contexte communicatif en classe privilégie la langue formelle, ces
réalisations du « ne » restent très supérieures à celles produites par les français en situation formelle. Regan
(1996 : 188-189) préconise donc de procéder à l’observation et l’analyse de la langue parlée par exposition à
documents audio authentiques et de sensibiliser au contenu symbolique du « ne » du point de vue
sociolinguistique.
De la même manière et toujours à des fins de sensibilisation, Fox (2002 : 213-214) recommande, avant de
procéder à l’écoute d’un document audio authentique, de signaler aux apprenants les formes qui seront à la
fois les plus caractéristiques de la variation et les plus facilement identifiables par les apprenants. En partant
d’un document oral utilisant le français québécois, il suggère de présenter le phénomène de l’affrication du
/d/ et du /t/ comme typique de cette variation diatopique.
Dans tous les cas, il s’agit bien d’exposer les apprenants à l’ensemble des variations les plus fréquentes
présentes dans la langue cible – ce que Klein (1986 : 139-140) recommandait déjà. Les choix des
phénomènes variationnels doivent s’opérer au fur et à mesure que ces apprenants se construisent des savoirs
et des savoir-faire : les faits de langue retenus devront être à la fois utiles dans les situations de
communication présentées et exploitables pour le développement des outils de réflexion sociolinguistiques
indispensables à l’élaboration progressive de la conscience linguistique.
5. CONCLUSIONS
Cette brève réflexion nous amène à relever un certain nombre de considérations. D’abord, la réflexion
québécoise autour de la langue ne semble pas devoir aboutir, même à long terme, à l’élaboration d’une
norme définitive du français québécois standard, qui aurait une structure spécifique et dès lors indépendante
du français standard – avec toutes les conséquences que cela pourrait impliquer en termes
d’intercompréhension avec le reste des francophones. Par contre, la mise en valeur de certaines
caractéristiques lexicales ou phonologiques est constamment soulignée et accompagnée d’un rappel constant
de la nature variable de la langue en fonction de divers facteurs, principalement spatiaux, sociaux et de
situations d’énonciation.
Partant de là, on peut se demander si vouloir définir une norme de français international pour le FLE n’est
effectivement pas un leurre pour les mêmes raisons : le français a des structures syntaxiques qui restent
pratiquement les mêmes – le noyau structurel de la langue dont l’écrit est représentatif – indépendamment
des variations considérées pour la langue orale. Toutefois dans une approche communicative, comme l’a
rappelé Valdman (2000 : 648), l’enseignement du FLE ne se limite pas à la simple transmission de
connaissances linguistiques mais vise aussi au maniement des divers niveaux et registres de la langue qui
seront utiles aux apprenants. Ce qui implique, selon nous, de travailler également sur les représentations
mentales de la langue et sur la conscience linguistique de l’apprenant, rendant indispensable une certaine
utilisation des variations de la langue en classe.
Celles-ci gagnent à être introduites non pas de façon aléatoire mais dans leurs contextes d’utilisation, et
devraient aussi être accompagnées d’un cadre sociolinguistique théorique minimum afin de mieux percevoir
la nature complexe de l’objet langue. Cela est particulièrement vrai dans le cas d’une langue comme le
français, dotée d’une dimension internationale et pour laquelle la norme pédagogique ne correspond qu’en
partie avec les différentes normes de l’oral pratiquées y compris en France.
Dans le cadre de l’apprentissage du français langue maternelle, Corbeil (1993 : 28, cité dans Mottet, 2006 :
40) a ainsi défini le rôle de l’institution scolaire : former des caméléons linguistiques, des locuteurs capables
de passer d’un registre à l’autre avec compétence et naturel, en langue parlée et en langue écrite. C’est à ce
même idéal que doit tendre l’enseignement de la langue étrangère, même si les spécificités des contextes
d’apprentissage et de l’apprenant de FLE nécessitent de se focaliser principalement sur les compétences de
compréhension. L’accent mis sur le développement de la conscience linguistique aura ainsi pour objet de
permettre une meilleure identification de la langue de l’interlocuteur et à utiliser dans chaque situation de
communication.
En une époque où l’éducation à l’interculturel est souvent invoquée, y compris dans le domaine de
l’enseignement des langues étrangères, la langue française dispose de nombreux atouts exploitables d’un
point de vue didactique. Dans cette optique, les variétés du français d’Afrique sont depuis plusieurs années
déjà introduites dans certains programmes universitaires italiens, en particulier par le biais d’une littérature
qui puise abondamment dans l’immense richesse lexicale résultant notamment de la multiplicité des langues
en contact avec le français. Cela est d’ailleurs parfaitement illustré dans le roman Allah n’est pas obligé
d’Ahmadou Kourouma qui est, certainement pas par hasard, l’un des plus fréquemment cité dans les
bibliographies à destination des étudiants.
Toutefois, l’intérêt des variétés du français présentes en Amérique du Nord, et en particulier du français
québécois, ne réside pas tant dans la perspective diatopique qu’il peut effectivement illustrer. En effet, en
partant de l’observation de documents audio ou vidéo ou encore d’extraits de textes littéraires d’auteurs
contemporains, l’apprenant peut être guidé à s’interroger sur la nature du français. Tantôt la langue sera,
hormis quelques innovations lexicales, conforme à la norme pédagogique – langue des médias écrits par
exemple – tantôt elle s’en éloignera, en particulier à l’oral, et ce phonétiquement, lexicalement ou par des
expressions idiomatiques.
Ainsi, l’exploitation de documents québécois multiples en cours de FLE présente l’avantage de travailler sur
les stéréotypes et les représentations mentales des apprenants quant au Bon Usage et aux pratiques
langagières des locuteurs natifs. Précisément parce que les difficultés de compréhension sont plus
directement attribuables aux variations diastratiques et diaphasiques qu’à une variété géographique,
l’exploitation de ces ressources remet en cause une vision de la langue basée sur le rapport centre-norme /
périphérie-déviance.
Surtout, dans une optique d’éducation à l’interculturel, elle a le mérite de nous remémorer que la richesse et
la diversité ne proviennent pas seulement du contact des langues et des cultures, mais qu’elle est déjà
intrinsèquement contenue dans la langue. D’où l’importance de réévaluer une sensibilisation à la dimension
sociolinguistique dans l’apprentissage des langues étrangères.
NOTES
1. Le travail ici présenté est la synthèse d’un projet de recherche intitulé « Les langues au Canada et la didactique du
FLE : initier aux contacts de langues et à la variation dans l’enseignement du français en Italie » et réalisé avec l’appui
du gouvernement du Canada.
2. Comme le note Balboni (2008 : 58-59) pour le cas de l’anglais, la lingua franca présente des spécificités en termes de
réduction du lexique, de la gamme des registres de langue et de certains traits grammaticaux de la langue qui se
présentent comme inutiles en termes de compréhension des messages élaborés. Cette relative simplification
caractéristique de la lingua franca est due au rôle de support de la communication entre individus de langues et cultures
différentes, aucun n’ayant, dans le cas de l’anglais, celui-ci pour langue maternelle. Or, c’est précisément cette fonction
de communication internationale entre locuteurs de langues tierces qui n’est que rarement jouée par le français, en dépit
de son statut de langue officielle et de travail de la plupart des organismes internationaux comme les Nations Unies ou
la Communauté Européenne.
3. Calvet (2009 : 85-86) a souligné à ce propos que dans « communauté linguistique », c’est bien le substantif
« communauté » qui est central, ce qui conduit à entendre l’observation de la communauté linguistique comme celle de
la communauté sociale sous son aspect linguistique.
4. Les informations reportées dans cette partie ayant trait à l’histoire de la langue française au Québec peuvent être
utilement approfondies dans Bouchard (2002) et Plourde (2000).
5. Ce jugement de valeur quant à l’expression orale en français ne doit toutefois pas être étendu à l’ensemble des
compétences. Pour ce qui est de l’écrit, par exemple, l’enquête PISA 2000 a démontré que les compétences des
adolescents québécois en lecture sont largement supérieures à la moyenne des pays de l’OCDE, y compris par rapport
aux jeunes français qui se situent tout juste en milieu de tableau.
www.oecd.org/dataoecd/29/61/33683989.pdf (dernière consultation : janvier 2011)
6. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si depuis plusieurs années les programmes universitaires de formation à
l’enseignement insistent sur la nécessité pour les étudiants maîtres d’acquérir une compétence fondamentale sur la
communication orale et écrite et une culture sociolinguistique dans la mesure où ils doivent absolument devenir, à
l’issue de leur parcours, des modèles linguistiques pour leurs élèves (Mottet, 2006 : 39).
7. Les trois dernières années du Secondaire correspondent approximativement aux classes de 3ème
, 2nde
et 1ère
en France
ou aux trois premières années de la Scuola Superiore en Italie.
8. Comme spécifié dans la section du site du MELS dédiée à l’Epreuve uniforme de français du collégial, le but de
l'épreuve uniforme est de vérifier que l'élève possède, au terme des trois cours de la formation générale commune en
langue d'enseignement et littérature, les compétences suffisantes en lecture et en écriture pour comprendre des textes
littéraires et pour énoncer un point de vue critique pertinent, cohérent et écrit dans une langue correcte. L'élève doit
rédiger une dissertation critique à partir de textes littéraires sur lesquels il appuie sa réflexion. L'élève dispose de 4
heures 30 minutes pour prendre connaissance des textes qui lui sont proposés et pour rédiger un texte de 900 mots.
L'épreuve se passe le même jour et à la même heure pour tous les élèves.
www.mels.gouv.qc.ca/ens-sup/ens-coll/eprv_uniforme (dernière consultation janvier 2010)
9. Citons à titre d’exemple les manuels de la série En avant la grammaire ! – Garcia F. 2002 niveau avancé / 2007
intermédiaire / 2006 débutant + corrigés, éditions Marcel Didier, Canada – qui spécifient la nature québécoise de
l’usage dans le lexique proposé à chaque étape de l’apprentissage. Ou encore le manuel Interaction : initialement publié
et conçu pour les Etats-Unis, il a fait l’objet d’une refonte complète à la demande de l’éditeur qui désirait l’adapter au
marché canadien. La majeure partie des lieux – et des situations correspondantes – utilisés comme supports des activités
didactiques ont été déplacées de la France au Québec et les caractéristiques lexicales et phonétiques propres au français
québécois ont systématiquement été mises en relief – St Onge S., St Onge R., Kaménova S. et Hamdani Kadri D., 2010.
Interaction, première édition canadienne. Nelson éducation.
10. Pour une présentation synthétique du programme de Francisation en ligne : Bohm K. et Rioux C., 2009. Franciser
pour mieux intégrer. In Le français dans le monde, 366, nov./déc., pp.18-19.
https://www.francisationenligne.gouv.qc.ca/
11. Pour une description sommaire des niveaux de compétence 5 à 8 du Ministère de l’mmigration et des communautés
culturelles :
www.immigration-quebec.gouv.qc.ca/fr/partenaires/partenaires-francisation/competence-langagiere/index.html
12. Version complète 2006 des Niveaux de compétence linguistique canadiens (NCLC) disponible à l’adresse suivante :
www.language.ca/cclb_files/doc_viewer_dex.asp?doc_id=344&page_id=398
13. Ce phénomène est d’ailleurs d’autant plus surprenant que, sur le versant de la variation géographique, les contenus
des formations FLE en France comme en Belgique témoignent depuis plusieurs années déjà d’une sensibilité accrue
quant à la dimension internationale de la langue française. Dans le même sens, le CIEP – Centre international d’Etudes
Pédagogiques – inclut désormais systématiquement des documents audio provenant de toute la francophonie dans les
épreuves d’écoute de la certification internationale du DELF à partir des niveaux B2. Ces observations induisent à
penser que le désir d’élargir les frontières de la langue à tout le champ francophone ne s’accompagne que d’une prise en
compte partielle de la dimension sociolinguistique de la langue.
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