Une visite à La Valette
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[-T1 ;r ;-151 r'a- À 1,.r. oÀ;-E'r-t:.. Pour moi, auto-
mobiliste orclinaire habitant Marseille,
La Valette, c'était une sortie d'autoroute à
deux coups, en épissure, en.tre Toulon et
La Garde. Limage était plus que confuse,
puisclue, avant de retrouver dans ma
mémoire cette localisation autoroutière,j'avais vaguement confondu La Valette avec
les Sablettes, de l'autre côté de Toulon.
Puis, j'ai été invitée à La Valette, et j'y suis
venue en visite.Deux images de la Valette se sont alors
imposées à moi , en tension l'une avec
I'autre, presque tête-bêche comme les figu-
res des cartes à iouer: I'une là-haut, vers ie
cie1, l'autre dans le fond de la vallée'
Fli'I lir,l-Il. ir11 ; irl{,rj}iti ii, lLli.',.tLt. Là-haut,
Ie ciel de La Valette était occupé par une
divinité tutélaire: le Coudon.
Quelque chose 1à-haut, 1a déesse mère,
la terre, la montagne, quelque chose qui
côtoyait le clel et les dieux venait répondre
à ce coup d'ceil, instinctif et antédiluvien
des humains vers le cie1, pour déchiflrerl'avenir, le sien ou celui du temps, dans 1a
forme des nuages ou dans le vol des oiseaux,
ou encore, presque sans y penser, adresser
une émotion, une prière, une rêverie de
I'instant. Partout dans la ville, entre 1es
toitures, au bout des rues ou en haut des
arbres, pointe ie museau du Coudon, tour
à tour conquérant, embr:umé, facétieux,
78
ou menaçant sous la nuée. Et quand il nele croise pas, le regard rencontre d'autresfigures tutélaires, certaines presque aussiarchaïques, d'autres sophistiquées jusqu'aubaroque: des statues de vierges nichées à
l'angle des rues ou au creux des murs.La peinture spécialement, mais aussi la 1it-
térature, retiennent ces emblèmes telluri-ques qui marquent de leur signe l'identitéde villes ou de territoires: le mont Fuji, leVésuve ou I'Etna, mais aussi, plus près de
nous la Sainte-Victoire. ou le mont Ven-toux.
Au roNo EN BAS, uN DRAGoN. Tout en bas,
au fond du talweg serpentait i'autoroutequi, ce n'était pas banal, coupait la com-mune en deux. Après le bon génie d'enhaut, celui-là faisait figure de dragon, undragon qui n'était pas près d'être maté, quin'avait pas encore rencontré le saint Geor-
ges ou le saint Michel qui le mettrait autapis.
Une sorte de monstre en effet, ou de chi-mère, car cet espace qui traverse La Valettede bout en bout et au beau milieu, estd'abord une fibre neutre, froide, une longueparcelle non seulement étrangère à la ville,mais sans commune mesure avec elle, à 1a
fois extra-territoriale et hors d'échelle. Deson vrai norn A57-C52, elle est un microsegment du vaste maillage que lance leréseau autoroutier à travers toute la France
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et 1'Europe. Mais ce corps étranger et quasi
sans attache, à f identité ..globaler, que la
localité ne retient que par ses deux petites
bretelles, est également un hybride: espace
privé par son statut, nul ne peut I'emprunter
sans payer un droit d'entrée, espace public
par son usage. Un espace privé appartient
à quelqu'un, un espace public appartient
à tout le monde: cet espace chimérique,ni privé, ni public est un espace qu'il est
impossible de s'approprier. I1 fait partie de
ces espaces paradoxaux, dont la place et
les effets sont particulièrement difficiles à
métaboliser, à intégrer dans 1'ordinaire de
la vie courante.
Au rrrrrru, uNr rnoNrIÈnr. En coupant
la commune par son milieu, cette traverse
autoroutière retourne comme une pieuvre
ia topologie la plus communément admise,
qui veut que la place d'une frontière soit
autour d'un territoire. Ici, la frontière tra-
verse le territoire par son milieu, renver-
sant l'ordre des choses d'une façon aussi
radicale qu'avait pu le faire en son temps
le mur de Berlin. Ce qui était le centre, ce
vers quoi regardaient les tracés, conver-
geaient les chemins, est devenu un dos,
un bord, des confins ou, comme on dit en
géomorphologie, un <bout du mondett.
Ici aussi les continuités sont interrompues,
les chemins butent, se détournent et glis-
sent le long de la frontière, ou se retournent,
80
ou font des impasses, ou encore s'enfouis-
sent. Une maison de ville paraît mainte-nant aussi coupée de son univers. aussi
abandonnée que si on l'avait déposée surune voie ferrée, une maison des champs,qu'on imaginerait en lisière, aux confinscampagnards, se retrouve presque sur laligne, en plein sur le centre géométriquede la carte urbaine, non loin des grandes
halles du commerce automobile que I'ontrouve d'ordinaire le long des nationales à
la sortie des villes. Parfois, la frontière et
ses rapides passe au fond d'un jardin.
Auroun DE LA FRoNTTÈnr, No vraN's raNoËT GALoNS. Une frontière, même intérieure,engendre ses défenses, ses protections,l'étagement de ses bordures successives:
lices, talus, glacis, murs de soutènement,grilles, grillages, fossés.
Ici il ne s'agit pas d'une limite féconde pourle paysage et ses habitants, comme unehaie retenant la terre, abritant les oiseauxet les insectes, comme un bocage drainantles pierres du champ et l'eau du sous-sol,
non plus comme des rives, tournées vers le
fleuve avec lequel elles dialoguent.Ici les confins entourant la frontière évo-
quent plutôt le minimum légal des répon-
ses techniques de sécurité, avec leur cor-
tège de No man's land,s et de dépotoirs.
Mais une frontière ne peut échapper à sa
dimension métaphysique de limite, d'invi-
81
tation au voyage, d'attirance pour les loin-tains et l'au-delà; ni à sa qualité de marge,
où peuvent s'épanouir le flou, le mystère,
la rêverie, parfois la solitude et l'oubli des
autres. Les lieux abandonnés aux détrituset les lieux investis par le jeu des enfants
sont parfois les mêmes.
Lr raprs. Létablissement de frontières, de
limites protectrices, est pourtant bien l'une
des premières caractéristiques de f installa-
tion humaine, de I'investissement du pay-
sage par les humains, que cet investisse-
ment prenne la forme de champs, de villes
ou de jardins. I1 s'agit de séparer l'univers
du chaos, de protéger du monde sauvage
un espace organisé par le sens, hiérarchisépar ce que l'on appelle la civilisation. Les
lisières successives, comme l'ordre mani-festé par l'espace, construisent, acclima-
tent, enseignent, conduisent du sauvage au
civilisé, du plus naturel au plus culturel;et inversement avertissent de la sortie de
la ville (de ce que 1'ordre féoda1 désignait
comme le ban), puis de la banlieue, vers
la campagne, la forêt et, au-delà, vers les
gouffres.Un objet rend compte de cette élaboration
de la bordure, de la lisière et de l'étagement
des motifs, autour de polarités extrême-
ment hiérarchisées, civilisées, un objet à la
limite de l'art et de l'artisanat, c'est le tapis.
Un tapis, c'est un univers en miniature.
82
C'est ce que les humains, qu'ils soient de
Perse, dAnatolie ou de Chine ont inventéde plus matériel et de plus symboliquepour s'isoler du sol froid, humide ou pous-
siéreux, mais aussi pour se démarquer dumonde sauvage et désordonné des forêtset des gouffres. Le jardin idéal de l'Eden,la ville parfaite ..du bon gouvernement>>,
la ville métaphysique se trouvent miniatu-risés et soigneusement entourés dans ces
cartographies laineuses ou soyeuses de
I'utopie qui, comme la ville, ont su traver-
ser quelques millénaires.
La vrrrr TRADITIoNNELLE, uN CHAMP
rnrrÈnrurnt rtacNÉrrsÉ. Le tapis dessine
une ville et la ville dessine un tapis. Lunet l'autre montrent que I'espace habité parles humains, ville ou jardin, est un champentièrement vectorisé, dans lequel chaquepoint est doué d'un sens et d'une valeursymbolique, et par là souvent d'une valeurmarchande. Ici en noir et blanc, le tapisdessiné par la ville de Rome au XVIII"siècle. Le plan de Rome gravé par Nolli en
r74o colorie en noir les pleins de la ville,I'espace privé invisible et inaccessible, et
laisse en blanc cet espace en creux, visibleet accessible, qui constitue l'espace public.Dans l'enceinte d'un théâtre ou d'un opéra,
chaque lieu est une place, une place avec
une valeur propre, hiérarchisée par rap-port aux autres et selon la polarisation
.83
de l'espace autour de la scène. Il en va de
même à I'intérieur d'un palais de justice
mais aussi sur l'esplanade d'un marché et,
en fait, dans tout l'espace habité, même au
cimetière. Chaque point de la ville a unevaleur vectorielle, chaque emplacementse situe par rapport à des,polarités et des
plus values: que ce soit une église, unefontaine, un commerce, une gare, ou unlieu emblématique. Dans la ville tradition-nelle, il n'est pas un centimètre carré quiéchappe à la hiérarchisation des espaces, à
cet ordonnancement.Ce que nous montre également ce plan,c'est l'équivalence des pleins et des creux,
chacun des dessins qu'ils forment peuttour à tour venir au premier plan, êtresélectionné par le regard comme la <,bonne
formerr. I1 n'y a pas une forme sur un fond,il y a deux formes emboîtées, chacune étantla matrice et la contre forme de l'autre. Ce
tissage des pleins et des creux, c'est ce que
l'on appelle aujourd'hui le tissu urbain,désignant ainsi la vil1e millénaire, qui a
été jusqu'à très récemment, exactementjusqu'au milieu du XX" siècle, I'un des
universaux de l'être humain.
La rtoonnnrtÉ, re oÉsecnÉcarrox. C'est
à cette époque, qui correspond à l'époquemoderne en architecture, que la figure s'est
renversée et que le processus de tissage
des pleins et des creux (que I'on voit sur la
tiIt
3
F'f,i.: i:
Ef".t ,
rl
84
figure du bas) a été remplacé par l'instal-Iation (en haut) d'objet pleins et solitaires,
des immeubles, sur des territoires devenus
selon l'expression des modernes une < table
rase>>: les pleins et les creux ont cessé de
s'engendrer mutuellement, les pleins ont
cessé de modeler ces creux doués de forme
et de sens, qui sont pourtant le support de
la vie citoyenne et que l'on appelle I'espace
public. Avec la désagrégation concomitante
de l'espace public et de l'espace privé, la villetissée devient caduque: elle est désormais
désignée sous le nom de centre ancien ou
de ville historique.
Ln V.a,rrrrr pRrsE DANS rrs Nrarrrrs. L.q.
V.nrrrrr ET srs RoNDs-porNTs. Revenons
maintenant à nos tapis et à tenter de com-
prendre comment La Valette s'arrange de
ce tapis moderne dont le dessin est nonpas entouré mais traversé par sa bordure.
Son motif principal, le centre ville que l'onappelle ici le noyau villageois, s'il compose
bien un tissage urbain, paraît à la fois
réduit et décentré. Quant à l'échelle glo-
bale autoroutière, qui semble prendre La
Valette dans sa maille un peu au hasard,
elle n'est pas sans influence, loin s'en faut,
sur la structure même de son paysage.
La grande maille tubulaire engendre quasi
automatiquement ses propres sous-systè-
mes, des mailles d'échelle moyenne, pres-
que aussi tubulaires: les rocades, puis les
85
voies rapides ou boulevards, ponctuées et
articulées entre eux par des ronds-points.Dans les mailles sectorielles et sur les
ronds-points, dans ces non lieux propres à
la modernité, ces non lieux où, en parti-culier, se gomme f identité d'une ville, laValette dilapide une partie de ses trésors.
Elle y abandonne ses plus-values urbainesque sont I'hospitalité (ses hôtels sont loca-
lisés dans les mailles extraterritoriales et
non dans le tissu urbain de la localité) et
Ies emblèmes: ses objets de gloire ou de
commémoration ne sont guère mis à l'hon-neur, ils ne sont entourés ni de parvis, nide motifs ou d'espaces galonnés, ils se
trouvent exposés, aux quatre coins des
ronds-points et des carrefours, à 1a foisexposés et déposés là, au même titre que
les objets fonctionnels, les pancartes et le
tri sélectif avec les rebus et les canisettes
(ou, en provençal, les cagadou), derrièreune bordure de trottoir jaune et une languede macadam rose. L'arbre de la paix est
garé le long de la voie parmi les véhiculeset derrière les poubelles.
Lts curs-or-sAc, LEs coNTRE-sENs rr LËs
NoN-SENS. Ce maillage qui rythme et
enserre l'espace moderne de La Valette,
c'est ce que les historiens de la ville appel-
lent l'urbanisme de secteur. Le dessinn'est plus celui d'une hiérarchie entre des
motifs mais d'un quadrillage dans lequel
86
chaque subdivision est autonome et homo-
gène. À f intérieur de chacune d'entre e1les
la déclinaison de la voirie se poursuit en
réduisant successivement calibres, flux et
débits. Autour des immeubles solitairesposés sur la "table 14ssr>, les modernes
avaient également rêvé des < sept voies >>,
elles aussi autonomes dans leurs fonctions
respectives. Les voies n'ont plus rien à
voir avec la trame des rues, elles desser-
vent chacune exclusivement des espaces
privés, formant chacune un appendice
clui se termine par un cul-de-sac selon
une structure en arbre dans les cités ou
les lotissements. Cette ségrégation, con-
tagieuse par nature, spécialise les voies et
canalise les flux, offrant de façon répétitive
dans la ville le paradoxe de chemins quiparaissent faits pour cheminer et qui,pourtant, sont barrés. Le contre-sens et
1e non-sens n'appartiennent pas qu'à 1a
langue des mots, ils sont aussi le fait de
I'espace construit par les humains, I'espace
moderne, on 1e sait, en propose à foison, le
cinéaste Tati s'en est suffisamment gaussé,
mais par une sorte d'effet retour, ou si l'onpréfère, par osmose, l'espace traditionnelaussi envisage de fermer ses rues, et ses
trottoirs. Cette proposition de contre-sens
et de non-sens dans I'espace de la ville, ce
n'est pas avec La Valette, dans son identité,
qu'elle nous met en contact, au contraire,
elle nous renvoie à une version tout ce qu'il
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y a d'international de la modernité urbaine,homogénéisante, productrice de non-lieuxet donc de non-identité.
La prrunr suR LE crrr. Ainsi le dragonA57-C52, prenant le cæur de la ville dans
ses mailles, et se propageant en faisantdes ronds autour d'elle, cette frontièreintérieure était peut-être un visage de La
Valette, mais elle restait sans doute sa limitela plus technique. Elle ne me paraissait pas
délimiter un au-delà, un horizon qui me
parlerait de La Valette, de la métaphysique
de son paysage, du rêve de La Valette surelle-même.
Après l'idée furtive d'un au-delà de l'ère
automobile, à essayer de penser le visage
de La Valette sans son tronçon d'autoroute,
pourquoi pas, comme Berlin après le mur,le mouvement qui s'est imposé à moi a été
de relever Ie nez, quitter la pliure d'en bas
pour celle d'en haut, retrouver ce geste si
naturel à La Valette de lever les yeux vers
1e Coudon.
Déchiffrer La Valette, son tapis, c'étaitpeut-être chercher la lisière d'en haut. Les
tapis sont posés sur le sol, cela ne les empê-
che pas, pour certains, d'être des tapis de
prière. fe me suis demandé ce que racon-
terait le motif de la lisière dans une topolo-
gie différente, qui se polariserait autour de
cet autre motif, la figure du Coudon sur leciel, je me suis demandé quel galon faisait
I
I
I88
La Valette au bord et autour de son ciel. Si
.le ciel. par-dessus le toit. et par-dessus 1e
m17r,hli, nous parlerait de la Valette.
Cela me permettait en effet de renccintrer
la Valette dans son ,<calmerr, ses transpa-
rences. Cela me rassurait de la retrouver
à travers le désordre du vivant et de la fer-
tilité, de penser que sa modernité pouvait
encore être entourée par ses origines rura-les et varoises, et de voir que, partout, Ia
campagne poussait ses branches, ses brinsd'herbe et ses bourgeons. fe pouvais ainsime souvenir de La Valette à travers son
présent, dans sa façon d'ouvrir largementson paysage, entre luminosité et grain de la
pierre, entre palmiers et citronniers.
Lr Nrz rN rkn EN vrLLE. Dans le <noyau
villageois >, en levant la tête on retrouvait
les autres génies du lieu, les petites statues
que la ville porte comme des amulettes
collectives, et les emblèmes, religieuxou républicains qui sont les insignes de
l'espace public, qui s'adressent à tous les
habitants et qui accueillent les autres en
leur disant : < Vous êtes ici chez vous n. Onrencontrait aussi les signes qui démontrent
ou qui affichent la qualité et la singularitéde La Valette. Qui disent en même tempsle plaisir de s'y trouver aujourd'hui et la
gloire de ses anciens qui font, eux aussi,
parties des fondations et des génies dulieu. On se retrouvait chez soi, en effet, les
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maisons étaient bien les maisons des villes
et des villages du coin, avec leurs murs quicachent les trésors de f intimité, avec leurs
débords de toiture emmêlés dans les bran-
ches de platanes, le tranchant de la pierre
sur le ciel un peu trop fort, le canal des
rues étroites comme la pupille rétrécie d'unfelin. Le mur du cimetière avait lui aussi
une façon particulière de dessiner sur leciel des dentelles emmêlées de fils, même
si, en comparaison, sa partie plus récente
semblait manquer un peu de lyrisme ou de
fantaisie.
Lr nÊvr arvrÉnrcain. Puis, quittant le
noyau villageois, je rencontrai quelque
chose comme 1e premier rêve américainde La Valette, cet étagement de corniches
en surplomb, ce paysage de pins d'Alep,
de palmiers et d'agaves, cette côte d'Azuentre 1es années 20 eT 3o qui avait séduitles riches Américains, non plus commeles Anglais pour son soleil hivernal, maispour son été luxuriant, sa folie et sa dou-
ceur, pour une perfection qui en faisaità leurs yeux un Éden. Lécrivain Rebecca
West note à cette époque : c'est < l'endroit le
plus proche du paradis que je connaisse. >
En se retirant les Hemingway, les Dos
Passos, les Murphy et les Fitzgeraldauraient laissé les reflets de cette splen-
deur dont rêve encore La Valette, quelque-
fois sous 1a forme d'un american way of
90
life à lravers les lotissements individuelsenrichis d'évocations hollywoodiennes. La
Valette-sur-ciel, c'est aussi quelque chose
de la Californie, chaque maison a son artde vivre, ses gardes du corps et ses emblè-
mes personnels, ses tapis et ses panoramas
ses tendresses pour les murs courbes, les
plantes en pot et les pots à feu pour les
pigeons, les tourterelles ou les lions,le rêve
s'est atomisé en une mosaïque où chacunexprime son propre génie.
D'un lion à l'autre tout un monde paral-
1è1e, avec son bestiaire semble habiter les
collines de La Valette. La production Hol-lywoodienne a quelquefois à voir avec le
Peplum, et Vénus avec sainte Blandine, Ies
fantassins veillent, sur le pied de guerre.
Même les HLM participaient de cette pro-vençalité rêvée, leurs entrées pouvaientprendre des airs Hitchcockiens et les auto-
mobiles ces héroïnes vénérées du débutdu vingtième siècle, ies voitures adorées,
trônaient encore en plein ciel, sur des
piédestaux.
La zoxr coMMERcrALr. Le second rêve
américain de La Valette, c'est sa mêgazonecommerciale. Toujours sous le museaubienveillant du Coudon, elle lance vers
le ciel ses annonces multicolores faisantvibrer ses points d'exclamation, ses méga
lettres et ses méga structures dans lalumière agitant ses tigres de papier et ses
91
fanions, dressant dans le ciel, sans peur
et sans reproche, les emblèmes maltraités
de ses bannières poussiéreuses et un peu
effrangées.
Lrs srnnrs. Voilà, je suis très heureuse de
mon voyage à La Valette, j,'y ai rencontré le
monde entier ou presque, l'ère agricole, la
modernité et la post-modernité.
Je rn'y suis surtout sentie bien accueillie
dans la généreuse ouverture de son pay-
sage sur le ciel et la lumière. La Valette n'est
pas maillée que de routes et d'autoroutes,
entre ciel et terre, elle est aussi veinée par
les reflets de la lumière captée et ramenés
au sol dans ce réseau qu'elle entretient soi-
gneusement: celui de l'eau, des rivières,
canaux et fontaines.Et puis elle brille matin et soir de ce mer-
veilleux réseau de pièges à lumière qu'elle
déploie sur son territoire : les serres.
t1
i
Éric DuyckaertsCucurbitacée sauvoge ......,...,....... p. 4
Suzanne HetzelPrendre place / Objets divers
/Attentions particulières.-.-.-.-. p. 18
Hendril< Sturm
. Transect ....,,..................*..-,.-_.... p. 4g
Chantal DeckmynUne visite à la Valette ...-..-......... p. 76
Entretiens Yannick Cricchi,tl1r lsabelleBourgeois,IExtraiis]
Porcours de santé.....,....,.............. p. 92