Une stratégie d'éducation à l'environnement et au développement ...
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Ndordre NNT : 2016LYSE2096
THESE de DOCTORAT DE LUNIVERSIT DE LYON
Opre au sein de
LUNIVERSIT LUMIRE LYON 2
cole Doctorale : ED 485
ducation Psychologie Information Communication
Discipline : Sciences de lducation
Soutenue publiquement le 7 octobre 2016, par :
variste YOGO
Une stratgie dducation lenvironnement et au dveloppement
durable au Burkina Faso
Les ateliers dducation lthique co-citoyenne
(A3E) Markoye
Devant le jury compos de :
Dominique BERGER, Professeur des Universits, Universit Lyon 1, Prsident
Jean-Marc LANGE, Professeur des Universits, Universit de Montpellier, Rapporteur
Caroline LEININGER-FREZAL, Matre de Confrences, Universit Paris 7, Examinatrice
Ren JAM, Inspecteur dAcadmie, Expert
Philippe MEIRIEU, Professeur mrite, Universit Lumires Lyon 2, Directeur de thse
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Universit Lumire Lyon 2
cole doctorale : ducation, Psychologie, Information et Communication (EPIC) 485
Laboratoire : ducation, Culture, Politique (ECP)
Une stratgie dducation lenvironnement et au
dveloppement durable au Burkina Faso
Les ateliers dducation lthique co-citoyenne (A3E) Markoye
Thse de Doctorat en Sciences de lducation
Prsente et soutenue publiquement le 07 octobre 2016
Par variste Magloire YOGO
devant un jury compos de Madame et Messieurs :
BERGER, Dominique, Professeur des Universits en Sciences de lducation, Laboratoire HESPER EA 7425, Universit Jean Monnet Saint-Etienne, Universit de Lyon
MEIRIEU, Philippe, Professeur des Universits mrite en Sciences de lducation, ECP, Universit Lumires Lyon 2, Lyon (Directeur de thse).
LANGE, Jean-Marc, Professeur des Universits, Centre de recherches Interdisciplinaires sur les Valeurs, les Ides, les Identits et les Comptences (CIVIIC), Universit de Rouen, Facult dducation de Montpellier.
LEININGER-FREZAL Caroline, Matre de Confrences, Universit Denis Diderot, Paris VII
http://www.insd.bf/n/http://www.decroissance.org/textes/latouche.htm
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Je ddie cette thse tout particulirement ma famille.
Je la ddie galement lauteur de lAppel de GAOUA1, qui, en fin
visionnaire, rvait de faire de son pays un havre de dveloppement durable.
1LAppel de Gaoua est un discours prononc par le Capitaine Thomas SANKARA,
Prsident du Faso et pre de la Rvolution daot 1983 au Burkina Faso. Dans ce discours en date du 17 octobre 1986, il donne sa vision de lcole burkinab.
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Remerciements
La prsente thse de doctorat marque un moment important de ma vie.
Elle est laboutissement, le couronnement dun effort dont nul nignore les
sacrifices consentir pour y parvenir, mais aussi lindispensable
accompagnement multiforme que cela requiert.
Jadresse mes profonds remerciements mon directeur de thse, le
Professeur mrite Philippe Meirieu, dont la renomme de pdagogue se
conjugue avec humanit, conviction et simplicit.
Mes remerciements sincres vont galement au Laboratoire ducation,
Culture et Politiques (ECP) lcole Doctorale ducation, Psychologie,
Information et Communication (EPIC) et lInstitut des Sciences et Pratiques
de lducation et de la Formation (ISPEF), de Lyon2.
De mme, je tiens adresser mes remerciements les plus sincres aux
membres de lAssociation lEau partage, en particulier Ren Jam.
Agns Pautard et Dominique Snore, jadresse ma gratitude pour
lintrt manifest vis--vis de mes travaux.
M. et Mme Berger, Catherine et James Durnerin, Frank et Jette
Runchel, Marie-Hlne et Jean Parisot, Paul Navergoni, Alain Jaubert, je
dis un grand merci pour lamiti partage.
Mes chaleureux remerciements vont aux enseignants et aux lves de
ma zone dtude.
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Rsum
Notre thse relve du champ des sciences de lducation, plus
particulirement de la psychologie de lapprentissage et de la pdagogie. Elle
sappuie sur des travaux de psychologues, philosophes et pdagogues :
Jacques Lvine (2008), Philippe Meirieu (2009), Lucie Sauv (2003), et se situe
dans le prolongement de thories dveloppes antrieurement par John Dewey
(1925), Henri Wallon (1942) ou encore Lev Vygotski, (1926). Dans leur sillage,
nous analysons les stratgies et les conditions mettre en place pour amorcer
un processus dapprentissage visant dvelopper chez le sujet enfant une
pense gnratrice dactes responsables. En effet, lun des enjeux majeurs de
lducation aujourdhui est de promouvoir des valeurs, comportements et
attitudes de manire favoriser ldification dun monde plus viable, plus
vivable et plus solidaire tant pour les gnrations prsentes que futures. La
complexit des questions souleves par une telle exigence ducative requiert
que, sur chaque territoire, lon recherche les modalits les plus adaptes et les
plus pertinentes. Ces interrogations nous ont conduit formuler la question
suivante comme point de dpart : comment, dans un pays o subsistent encore
dans lcole, des relents dacculturation et denfermement du sujet, peut-on
favoriser son mancipation afin de mieux le prparer devenir co-citoyen ?
travers les trois grandes parties que comporte notre thse, nous
prsentons dans un premier temps la situation problmatique de lducation au
Burkina Faso, qui appelle des volutions ncessaires. Ensuite, nous abordons
la question du renouvlement des approches de lducation lEnvironnement
et au Dveloppement Durable (EEDD), pour enfin traiter de limpact et des
effets de la nouvelle dmarche que nous prconisons.
Ainsi, prenant appui sur lexprimentation du dispositif des Ateliers
dducation lthique co-citoyenne (A3E), dans le contexte spcifique du
Burkina Faso, la prsente thse dmontre la ncessit de construire une
pense rflexive chez le sujet, laquelle est fondatrice de perspectives de
changements, la fois de reprsentations et de comportements. Dvelopper
des comptences sociales et thiques chez lenfant dge scolaire, ncessite
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avant tout, de crer le cadre et les conditions pour quil apprenne penser par
lui-mme et penser les interactions entre lui et les autres et lui et le monde.
Cest ainsi que nous avons modlis le dispositif des ateliers dducation
lthique co-citoyenne qui travaille sur les questions de lEEDD et part du
postulat que lart de la discussion favorise la dcentration qui induit le
changement de reprsentations mentales, propice au dveloppement de
comportements autonomes. Le protocole comporte quatre phases distinctes
mais complmentaires : une phase rflexive, une phase de recherche, une
phase de projet et une phase dvaluation. Le tout formant un processus
spiralaire cumulatif o les diffrentes sances de la mthode sarticulent et se
rtro alimentent.
Notre tude, conduite dans la commune de Markoye sous la forme dune
recherche-action, a concern un chantillon de 02 coles primaires comprenant
13 classes avec un effectif total de 780 lves, dont 401 garons et 379 filles et
encadrs par 16 enseignants. Lexprimentation sest droule sur deux (02)
annes scolaires (2012-2013 et 2013-2014) au cours desquelles nous avons
jou le rle de prpos. Ici, en tant que chercheur, nous avons particip 15
sances dateliers, 15 visites de terrain, ralis 25 entretiens semi-directifs et
nous avons reu 42 rapports trimestriels produits par les sept (07) enseignants
titulaires des classes de CE2, CM1 et CM2. (Lcole Markoye A disposant de
deux classes de CM2.)
Les rsultats de notre recherche montrent que, malgr le fort ancrage de
pratiques enseignantes rptitives et dirigistes hrites de lre coloniale, les
acteurs ducatifs du systme scolaire burkinab sont ouverts aux innovations
pdagogiques si certaines conditions sont runies. Le dispositif tel que conu et
expriment, se veut une dmarche de transformation des pratiques
pdagogiques parmi dautres, dans le sens dune plus grande efficacit
mancipatrice des futurs co-citoyens. Le cadre dans lequel il est mis en
uvre, parce quinteractif, dialogique et coopratif, favorise lveil de la pense
rflexive et suscite chez les sujets le dsir de sengager librement en adoptant
des comportements nouveaux, plus responsables vis--vis de problmatiques
en relation avec lenvironnement et le dveloppement durable. Dveloppe
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lcole, cette pratique pdagogique amne le groupe de pairs tous se sentir
co-chercheurs. Elle favorise en plus la construction identitaire, le sentiment
dappartenance la communaut humaine, tout en donnant accs au sens des
savoirs. En particulier, nous dmontrons que le dveloppement de la pense
rflexive apparat comme un pralable aux changements de comportements
voulus ou attendus et que, pour construire un comportement adapt, lenfant
doit dabord comprendre les choses, se reprsenter mentalement les situations,
et ce, en plus de leurs reprsentations verbales. ce titre, lA3E est un
dispositif efficace de mdiation, une activit structurante qui participe la
dcentration des lves. Cette dcentration est consubstantielle de la nouvelle posture quadopte lenseignant accompagnateur et du nouveau statut
quacquiert llve. Cest--dire que notre recherche met en lumire lexistence
dune corrlation entre le type de relation qui sinstaure au fil des ateliers et ces
effets sur les acteurs. Cest partir de ces interactions entre pairs que les
lves apprennent dcouvrir dautres points de vue. Ils accordent, par
consquent, plus dattention lautre, via lacceptation de laltrit et des rgles
qui rgissent la vie du groupe. Ils oprent alors la dcentration indispensable
un approfondissement des relations humaines et des valeurs qui les fondent.
Parce que lenfant est encourag implicitement former une autre image de
son Moi, vivre autrement sa condition denfant, alors il apprend se passer
des actes pulsionnels pour sapproprier limage dun tre en capacitation.
Mots-cls : Burkina Faso ducation thique co-citoyenne- Dcentration - Dveloppement Durable ducation lEnvironnement- Atelier
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Abstract
This thesis belongs to the science of education, more specifically to the
psychology of learning and pedagogy. It draws on the works of psychologists,
philosophers and pedagogues: Jacques Lvine(2008),Philippe Meirieu (2009),
Lucie Sauv, (2003),extending the earlier developed theories of John Dewey
(1925), Henri Wallon (1942), and even Lev Vygotski (1926). Following their
examples, this thesis analyses the conditions and strategies required for
initiating a learning process for developing in the child-subject a generative
thinking of responsible action. In fact, one of the major efforts of current
education is to promote values, behaviour and attitudes with a view to create a
more viable, liveable and solidary world for the present as well as for future
generations. The complexity of questions raised by such educative expectations
again require research, within each of these domains, of the most pertinent and
adapted modalities. These interrogations have led to formulation of the following
question as point of departure: In a country where acculturation and enclosure
of the child-subject still pervade in school, how could his or her emancipation be
promoted in order to best prepare him or her to become an eco-citizen?
This thesis presents in the first of the three major parts the problematic
situation of education in Burkina Faso, which calls for necessary developments.
Secondly, it elaborates on the question of renewing the Environmental
Education and Sustainable Development (EESD) in order to, thirdly, address
the impacts and effects of this new recommended approach.
Thus, based on experimentation in the specific context of Burkina Faso,
by means of Eco-citizen ethical education (3E) workshops, the present thesis
demonstrates the need to construct a reflective thinking by the child-subject,
which is fundamental from a change and behaviour perspective. To develop
these social and ethical skills in a school child requires first and foremost that
the conditions and framework be created in order for the child to learn to think
by itself and to think about the interactions between him/herself and the others,
and between him/her and the world. This is the manner in which the
methodology of Eco-citizen ethical education (3E) workshops has been
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modelled, elaborating the questions concerning EESD, departing in the
postulate that the art of discussion favours decentration, which in turn induces
change of mental representations and favours development of autonomous
behaviour. This protocol concerns four distinct yet complementary phases: a
reflective phase, a research phase, a project phase and an evaluation phase.
All of these create a circular-cumulative spiral where the different sessions of
the method are articulated and provide feed-back.
This action-research study was conducted in the commune of Markoye,
comprising a sample of two primary schools consisting of 13 classes with a total
of 780 pupils, of which 401 boys and 379 girls, and 16 teachers. The
experiment had a duration of two school years (2012-2013, 2013-2014) during
which the author played the role of attendant. As researcher, he participated in
15 workshop sessions, 15 field visits, realised 25 semi-structured interviews and
received 42 quarterly reports by seven teachers of classes CE 2, CM 1 and CM
2. (Markoye School has two CM2 classes).
The results of this research show that, in spite of the strongly ingrained
repetitive and directive teaching practices, inherited from the colonial era, the
education agents in the burkinab school system are open to pedagogical
innovations, under certain conditions. The methodology as conceived and
tested applies, inter alia, an approach of transforming pedagogical practices so
that there is a much more effective emancipation of future eco-citizens. The
framework in which this is implemented favours, because it is interactive,
dialogic, and cooperative, an awakening of reflective thinking and desire in the
child-subject to freely engage him/herself by adopting new and in adopting new
and more responsible behaviours in relation to EESD. Developed at the school,
this pedagogical practice directs the group of peers to feel as co-researchers. In
addition, the methodology favours an identity construction, a sense of belonging
to a human community and not least access to know-how. In particular, it is
demonstrated that development of reflective thinking appears to be a precursor
to the intended or desired change of behaviour ; further, in order to construct
such adapted behaviour, the child must first of all understand things, to mentally
present the situations as opposed to verbally present them. In this way, 3E
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workshops are an effective mediation method, a structuring activity that
contributes to decentration by the pupils. This decentration is inseparable from
the new posture that the accompanying teacher adopts and from the new status
to which the pupils is elevated. This research thus highlights the existence of a
correlation between the types of relation that manifests during the workshops
and their effects on the actors. It is from the interaction between peers that
pupils learn to make discoveries from the point of view of others. By
consequence, they are more attentive to each other, by accepting the difference
of the rules governing the life of the group. They thus apply the indispensable
decentration to a deepening of human relations and the values that are their
foundation. Because the child is implicitly encouraged to form another image of
its Self and to live its condition as child in a different manner, He/She learns to
overcome acts of instinct to acquire an image of a capable human being.
Keywords:Burkina Faso Education for Eco-citizen Ethical - Decentration- Sustainable Development - Environmental Education - Workshop
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Sommaire
Introduction gnraleduquer au dveloppement durable au Burkina Faso : pourquoi ?17
Problmatique de recherche ............................................................................................... 21
Notre objet dtude.............................................................................................................. 23
Hypothses et objectifs de la recherche .............................................................................. 28 Hypothses de recherche ............................................................................................... 28 Objectifs de la recherche ................................................................................................ 29
Mthodologie de recherche ................................................................................................. 30
Orientation paradigmatique de la recherche ........................................................................ 34
Premire partie Lducation au Burkina Faso : une situation problmatique, des volutions ncessaires ......................................................................................................... 39
Chapitre I : Les problmes denvironnement dans lconomie burkinab ............................. 41 1.1 Brve prsentation du Burkina Faso ....................................................................... 42 1.2 La Stratgie de croissance acclre et de dveloppement durable (SCADD) .......... 52 1.3 Les politiques environnementales du Burkina ......................................................... 54
Chapitre II : le systme ducatif du Burkina Faso ................................................................ 61 2.1 Une cole inadapte depuis ses origines .................................................................. 62 2.2 La rforme en cours du systme ducatif (2007-2015) .............................................. 71 2.3 Le continuum ducatif : une rforme dans la rforme? .............................................. 89
Chapitre III : LEEDD, une rponse insuffisante du systme ducatif aux enjeux cologiques
......................................................................................................................................... 115 3.1 Principales approches en cours dans le systme ducatif ..................................... 118 3.2 Les orientations pdagogiques en matire dEEDD .............................................. 126
Deuxime partie Vers un renouvellement de lEEDD ....................................................... 129
Chapitre IV : Les modles classiques de lEEDD ............................................................... 131 4.1 mergence du dveloppement durable................................................................. 132 4.2 La ncessit de faire voluer les pratiques ducatives au-del du discours .......... 141
Chapitre V : Le choix dun modle centr sur la rflexivit ................................................. 155 5.1 Clarification conceptuelle ...................................................................................... 156
Chapitre VI : Une mthodologie stabilise: les A3E ........................................................... 167 6.1 Le protocole des A3E ........................................................................................... 168
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Troisime partie La mise en uvre et les effets dune nouvelle dmarche en EEDD Markoye ............................................................................................................................... 177
Chapitre VII : Lexprimentation des A3E .......................................................................... 179 7.1 mergence et constitution du projet de recherche-action ...................................... 180 7.2 Le projet dducation la sant et de promotion de lhygine et de lassainissement
Markoye ....................................................................................................................... 185
Chapitre VIII : De la perception des acteurs ...................................................................... 207 8.1 Analyse et interprtation des donnes .................................................................. 208 8.2 Articulation des donnes ...................................................................................... 218
Chapitre IX : Les effets de lexprimentation sur lcole ..................................................... 221 9.1 De limpact de notre dmarche au niveau scolaire ................................................... 222 9.2 De la pertinence du dispositif des A3E .................................................................... 227 9.3 Les A3E, comme processus dindividuation ............................................................. 239
Conclusion gnrale Le modle des A3E peut tre une approche intressante de lEEDD pour le Burkina, condition ............................................................................................ 245
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Introduction gnrale
duquer au dveloppement durable
au Burkina Faso : pourquoi ?
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Le plus grand dfi, au cours de ce nouveau sicle, est de prendre une ide qui semble abstraite le dveloppement durable - et den faire une ralit quotidienne pour tous les peuples du monde.
(Annan, K. (2005). Dclaration de M. Kofi Annan, secrtaire gnral de lorganisation des Nations Unies).
Face aujourdhui aux mutations acclres et inattendues qui
caractrisent notre monde, suscitant ainsi apprhensions et incertitudes, et aux
conclusions scientifiques qui dmontrent notre part de responsabilit vis--vis
de la dgradation de la plante, des voix ne cessent de slever pour donner
lalerte. La terre se meurt et il faut agir. Pour cela il est de plus en plus fait appel
lducation comme moyen de promotion de valeurs, de comportements et
dattitudes indispensables ldification dun monde nouveau, plus solidaire et
plus viable. Un monde o les Hommes entre eux et avec la Nature, vivraient en
harmonie. Il sagirait de rendre plus viable et certainement plus vivable notre
monde, tant pour nous-mmes que pour les prochaines gnrations. Il apparat
de ce fait vident quon ne peut plus ni ignorer ni occulter la part importante que
fait peser lHomme sur les ressources de la Terre, et de mme, le rle
prpondrant quil peut et doit jouer dans linvention et lappropriation de
nouveaux modes de vie. En effet, selon Jacques Delors (1996, p. 71) le
modle de croissance actuel rencontre des limites videntes, en raison des
ingalits quil induit et des cots humains et cologiques quil comporte. 2 Ce
constat a sans aucun doute largement inspir lAssemble Gnrale des
Nations Unies pour la mise en place dune commission mondiale dite
Commission Brundtland en 1983.
Le Dveloppement Durable, promu par la communaut internationale depuis
plus dune bonne trentaine dannes, participe de cette invention dun autre
mode de dveloppement, considr comme beaucoup plus en adquation avec
notre avenir tous. (Rapport Brundtland, 1987). Cest pourquoi il nous parat
important et intressant de nous pencher sur ce type de dveloppement que le
secteur de lducation est fortement convi promouvoir et den faire notre
objet dtude car, sortant du discours, le dveloppement durable gagne de plus
2 Jacques Delors. (1996). LEducation : un trsor est cach dedans. Unesco, Paris : Edition Odile Jacob
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en plus toutes les sphres de lactivit humaine. Du mme coup, ce paradigme
nouveau est sujet des contradictions multiples, en particulier sur les plans
idologique, politique, smantique, et stratgique. Malgr les raisons qui sous-
tendent les diffrents courants, sa mise en uvre, notamment en milieu
scolaire, se propage, simposant aux ducateurs comme lun des champs
privilgis de matrialisation de leurs bonnes intentions. En effet, tous les
courants semblent unanimes quant au rle important que lducation doit jouer
dans ce processus dadaptation. Un tel phnomne ouvre des perspectives
nouvelles pour lcole do son intrt pour les chercheurs en sciences de
lducation. Cest galement cet intrt qui a pouss lenseignant et le
formateur que nous sommes, nous poser la question de savoir comment
duquer au mieux nos jeunes afin quils prennent une part active cette
rinvention ? Comme le disait si bien Durkheim (1890, p. 38), le but de
lducation nest pas de donner llve des connaissances toujours plus
nombreuses, mais de constituer chez lui un tat intrieur et profond, une sorte
de polarit de lme qui loriente dans un sens dfini non seulement pendant
lenfance, mais pour la vie . 3Nous osons dire, pour prolonger et prciser
l'intuition de Durkheim en nous rfrant la phnomnologie de la vie de
Michel Henry (1990), mais de rvler chez lui l'tat intrieur et profond d'auto-
dploiement et d'accroissement de soi, une sorte de polarit corps/me qui
l'oriente dans un sens dfini non seulement pendant l'enfance, mais pour la
vie . Se pose alors nous la question de savoir par quels chemins4 aller au
dveloppement durable ? Quel type dcole pour ce faire et pour quel type
denfant, de futur adulte ?
Lducation lenvironnement et au dveloppement durable (EEDD)
invite se questionner sur la pertinence de lducation actuelle, des choix
curriculaires, des modes denseignement et dapprentissage, des dmarches et
outils pdagogiques, ainsi que de lenvironnement scolaire. Elle ouvre la voie
lentre dans lcole dune nouvelle conception des apprentissages, des
dmarches pdagogiques et du statut de chaque acteur, dans un contexte
3Durkheim, (1890). Evolution pdagogique en France, Paris : PUF.p.38
4 Nous crivons dessein chemins au pluriel, pour la simple raison que la prescription en pdagogie relve de labsurde.
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encore marqu dans de nombreux pays, par la prdominance des pdagogies
traditionnelles, de type frontal. Lentre de lEEDD lcole vise galement la
recherche dune ducation qui responsabilise et dveloppe la citoyennet, en
permettant aux apprenants de se forger leur propre opinion (esprit critique) et
dadopter, selon leur libre choix, de nouvelles attitudes. Ce modle ducatif
dfendu par des auteurs comme Lucie Sauv, Rene Brunelle (2004) et
certains rseaux associatifs 5dans la mouvance de lERE, se construit dans
laction, en valorisant la participation active des sujets. Le clbre historien
burkinab Joseph Ki-Zerbo (1990), dans son ouvrage intitul, duquer ou
prir6, soutient le rle prpondrant de lducation dans la construction de
citoyens acteurs en crivant qu aprs la mise au monde, il reste lducation .
Pour lui, lducation est un processus, cest le processus qui consiste
permettre quelquun de se construire, de souvrir au monde et daccder sa
propre pense critique . Joseph, Ki-Zerbo. (1990, p. 15). Nous partageons
cette option ducative. Pour nous, lducation est la mise en situation de
conditions ncessaires en vue de permettre lclosion dun sujet libre. Cest
pourquoi, en inscrivant notre thse dans cette optique, nous avons voulu
explorer les moyens, les conditions et les situations runir pour une ducation
qui veille la pense rflexive. Nos travaux relvent donc du domaine de la
pdagogie, entendue comme lart dlaborer des stratgies ducatives. Il sest
agi alors pour nous dans notre recherche, dexprimenter et danalyser le
dispositif des ateliers dducation lthique co citoyenne (A3E) dans la
commune de Markoye. Dispositif qui sinspire du modle des ateliers de
philosophie pour enfant, plus prcisment des ateliers de rflexion sur la
condition humaine (ARCH), (Lvine, 2008) en y introduisant des thmes en
rapport avec les problmatiques environnementales vcues au Burkina Faso.
Nous avons alors cherch comprendre, quel est limpact de ce
dispositif sur les acteurs scolaires qui le mettent en uvre. Comment un projet
5 Collectif Franais pour lducation lEnvironnement vers un Dveloppement Durable CFEEDD, le GRAINE, le Rseau Ecole et Nature en France ; WEEC, World Environmental Education Congress Network linternational ; Polis - International Network in Environmental Education en Grce ; Rseau IDeasbl en Belgique ; le Rseau canadien dducation et de communication relatives lenvironnement (EECOM)
6 Ki-Zerbo, J. (1990).duquer ou prir, Unicef-Unesco, p.15
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dducation lco-citoyennet, conduit lcole primaire, peut-il aider les
lves prendre conscience des enjeux environnementaux et contribuer ainsi
ce quils acquirent un comportement respectueux vis--vis de leur milieu de
vie ? Peut-on, partir de lexprimentation des A3E en tirer des conclusions et
clairer des pistes sur une autre faon de penser les approches dducation, en
dehors des dmarches vises uniquement cognitives ? Pourquoi est-il
important dintroduire une telle dmarche dans le paysage ducatif du Burkina
Faso ? Pour comprendre pourquoi il est important dduquer lenvironnement
et au dveloppement durable au Burkina Faso, il y a lieu de connatre la
situation go climatique du pays et le mode de fonctionnement du systme
ducatif. Pour nous, lEEDD loin dtre une prescription fige, devrait prendre
en compte le contexte la fois environnemental et ducatif dans lequel il se
dploie.
Problmatique de recherche
Lducation est un levier essentiel pour impulser le dveloppement
durable, aujourdhui et dans le futur. Cependant, force est de constater que la
plupart des systmes ducatifs issus de la colonisation franaise se
caractrisent par la primaut accorde la transmission de connaissances
fragmentes et inoprantes, au lieu de sengager rsolument vers la formation
de sujets rflexifs, capables de cerner la complexit des tres et des choses. Le
systme ducatif du Burkina Faso nchappe pas cette caractrisation. Cest
pourquoi, notre recherche fait non seulement lanalyse des politiques et
pratiques ducatives de ce pays, mais veut faire connatre une exprience
russie dducation au dveloppement durable dont la dmarche est originale.
Lintrt de notre recherche au-del de la sphre retenue, rside dans la
rponse quelle pourrait apporter non seulement un problme denvergure
mondiale, celui de lenvironnement, mais aussi lcole daujourdhui, qui
souffre dune drive scolastique. Notre position dinspecteur de lenseignement
du premier degr aprs avoir t instituteur, nous a donn le privilge pendant
deux dcennies, dtre un acteur du systme ducatif de notre pays
diffrentes positions. Nous avons observ et appliqu et nous nous sommes
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interrogs sur les grands dfis de ce systme ducatif, des rformes et
programmes entrepris ces quinze dernires annes. Tout au long de notre
parcours professionnel, nous avons nourri et nourrissons encore la conviction
que lducation est la fois une science de lesprance et un art du possible.
Une esprance qui stimule et exalte, un art qui se veut fcond. Notre question
principale de recherche est donc de savoir comment promouvoir lducation
lenvironnement et au dveloppement durable lcole primaire travers, entre
autres, la pratique dateliers dducation lthique co citoyenne ?
Alors que le Burkina Faso est confront des problmes cruciaux de
dmocratisation de lcole, damlioration de la qualit de lducation, de
scolarisation continue des lves, notamment des filles, confront en outre un
manque criard denseignants, des questions de sant et de scurit
alimentaire, comment en mme temps accorder une place importante au
dveloppement de la pense critique et au libre choix chez les lves ? En quoi
la pratique dAteliers dducation lthique co-citoyenne (A3E), dmarche
pdagogique visant la formation de sujets rflexifs, peut-elle servir de cadre de
mdiation, de tuteur de rsilience pour lappropriation de valeurs, dattitudes et
de comportements tels que viss par les ducations (Lenvironnement, la
sant, la citoyennet, la paix, etc.), dans la perspective dun dveloppement
durable ? Comment dans le contexte de notre pays, o lcole est un outil
dacculturation, est-il possible de la solliciter pour prparer les enfants devenir
des co-citoyens ? Comment y positionner lducation comme le moyen par
excellence, pour lappropriation de valeurs et dattitudes utiles une meilleure
qualit de vie ? lorigine, comme le dit Albert Jacquard dans Voici le temps
du monde fini , (Albert, J. 1991) le terme ducation , E.ducere , signifiait
conduire un enfant hors de lui-mme, linciter sauto-construire, lui en donner
les moyens. Cest par la suite que ce rle minemment noble de lducation
sest transform en apport de savoir, de nourriture. E.ducere (conduire hors de)
sest dgrad en educare (nourrir). Dans la perspective dun dveloppement
durable, il y a donc lieu de sinterroger sur les finalits de lducation, de
changer le paradigme ducatif. Federico Mayor (2005) nous en donne une piste
quand il affirme que la clef du dveloppement durable et autonome est
lducation. Une ducation qui va au-devant de tous les membres de la socit
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selon des modalits nouvelles et avec des technologies neuves afin de fournir
tous de vraies possibilits dapprentissage permanent Nous devons tre prts
dans tous les pays donner lducation des formes nouvelles permettant de
promouvoir des attitudes et un comportement propices une culture tourne
vers la viabilit 7. Il est ici fait appel au sens de linnovation des acteurs de
lducation, surtout en face de phnomnes nouveaux auxquels nos systmes
ducatifs nont pas t conus pour apporter des rponses spcifiques.
Notre objet dtude
ducation la citoyennet, ducation la sant, ducation lhygine et
lassainissement, ducation aux droits de lhomme, ducation la paix,
ducation lenvironnement, ducation au dveloppement durable Et la liste
pourrait stendre volont. Par leurs intituls mmes, ces ducations ,
vers , relatives , pour , au , visent un mme et seul objectif
savoir : le dveloppement de comptences sociales et thiques. Elles posent
clairement le souci de faire adopter de nouvelles attitudes, des comportements
fonds sur une comprhension globale de la ralit, dpassant les clivages et
spcificits disciplinaires, et cela dans des domaines donns. Cest une autre
forme de citoyennet qui est attendue. Une citoyennet plus cologique ou plus
thique, mais toujours plus lucide et engage.
Cependant, les avis sont partags quant la pertinence et lorientation
des ducations , que Franois Audigier (2004)8 qualifie de bazar . Pour
lui, lide mme dducation , est lobjet de controverses, doppositions, plus
rarement de dbats intressants . Toute la polmique semble rsider, en effet,
sur lampleur des changements quappelle lintroduction de ces ducations
. Sinterrogeant sur les opportunits que pourraient offrir ces ducations
ou encore les drives idologiques dont elles peuvent tre porteuses, Jean-
7 Federico Mayor- Dcennie de lducation au dveloppement durable UNESCO 2005
8 Franois Audigier (2004). Les ducations ? Quel bazar !! Confrence plnire, Actes du colloque les Educations : Un (des) levier (s) de transformation du systme ducatif ? ESPE de lAcadmie de Rouen.
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Marc Lange (2014) conclue qu tout le moins elles replacent au-devant de la
scne la question de lducation et de ses rles et finalits au sein des
socits . Cette position qui vise faire des ducations , un moyen de
transformation sociale, est celle des tenants du courant de lapproche critique
sociale qui prne une ducation postmoderne (Sauv, 2000). Cette
approche est conteste par Alain Beitone (2014)9 pour qui la posture la fois
relativiste et normative des ducations , est en rupture avec la tradition
rpublicaine en matire dducation telle quelle tait formule par Condorcet .
Il reproche ce courant de vouloir une refondation globale de lcole travers
la fois des savoirs et des apprentissages. Dans sa remise en cause de
lapproche socialement critique, courant majoritairement rpandu dans le
domaine des ducations , Beitone napporte pas de propositions alternatives.
Les vraies questions sont souleves par Jean-Pierre Terrail (2016). Abordant la
question des enseignements transversaux et des ducations , il estime que
selon la vocation revendique par leurs promoteurs, ces enseignements
permettraient de munir les lves du bagage indispensable concernant des
questions socialement vives . De cette analyse, il dgage deux proccupations
majeures : sagirait-il pour ces ducations , de faire passer des messages,
dinculquer des convictions et quelles seraient les possibilits pour offrir tous
une ducation de masse de haut niveau ?
Les rponses ces interrogations se trouvent dans la nature mme des
ducations , qui nont pas pour ambition, au niveau scolaire, de faire lobjet
dun systme de notation des lves. Les ducations ne relvent pas de
limposition dogmatique de comportements, mais justement, trouvent leur sens
en mobilisant diffrents savoirs qui contribuent permettre de comprendre une
situation donne et y agir en toute connaissance, librement. Les ducations
visent justement une russite de tous, elles ne sopposent pas aux
enseignements disciplinaires mais sappuient sur elles ; on ne cherche pas y
crer de la concurrence, mais y dvelopper la libert de choix (qui nest pas
valuable selon les critres traditionnels) De ce fait, on ne saurait parler
dlves en difficult dducation, ni dexclus du systme, tant donn que les
9Beitone,A.(2011)http://skhole.fr/sciences-%C3%A9conomiques-et-sociales-et-p%C3%A9dagogie-invisible-par-alain-beitone
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ducations se font tout au long de la vie. Le bagage transmettre au
sujet serait, pour nous, de laider dvelopper une dmarche pour penser et
agir par soi-mme. En mme temps, cette ambition daider le sujet devenir
autonome, dvelopper des comptences de vie, reste confronte la
question de savoir comment amener un individu ou une communaut changer
de comportement de manire autodtermine, libre, responsable et durable ?
Lducation au choix, lducation laction co-citoyenne, passe par une
ducation la libert de penser.
Comment sy prendre pour amener les lves des coles A & B de
Markoye changer de comportement vis--vis de leur environnement,
notamment en matire de sant, dhygine et dassainissement ? Cette
question soulve ncessairement le problme de la mthode, des procds et
techniques, de la soumission librement consentie. Le comment susciter le
changement de comportement nous invite faonner dautres outils, mettre
en place dautres dispositifs (que ceux qui nous sont donns voir dans les
classes de nombreux pays du Sud) afin que les sujets se fraient eux-mmes le
chemin10 quils jugent le meilleur et en toute connaissance de cause. Pour E.
Morin (2000), une autre conception de la mthode est possible : la mthode
comme chemin, essai gnratif et stratgique pour et de la pense. La mthode
comme activit pensante du sujet vivant, non pas abstrait. Un sujet capable
dapprendre, dinventer et de crer sur et pendant son chemin. Il ajoute que
la mthode est ce qui sert apprendre ; elle est aussi lapprentissage . Cest
dire galement que la simple acquisition de connaissances cognitives nest pas
suffisante pour entraner toujours les comportements attendus en matire de
thmatiques mergentes.
Malheureusement, comme nous le soulignions dj, il nous est donn de
voir des systmes ducatifs caractriss par la primaut accorde la
transmission de connaissances, des connaissances fragmentes et trs
souvent inoprantes. Lcole daujourdhui est marque par son got du
quantifiable, de la comptition, du gavage et donc de la frustration. Comment
10 Chacun a son chemin et donc il faut viter de dresser un chemin unique pour tous en pdagogie
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dans ces conditions, o les droits lmentaires de lapprenant sont bafous,
russir former des citoyens respectueux des rgles, des devoirs mais aussi
des comportements et valeurs qui conduisent une qualit de vie ? Comment
adapter lducation aux enjeux actuels ? Comment concilier le besoin de
GRANDIR de lenfant avec nos attentes dADULTES ? Quelle est la part de
responsabilit de lENFANT face aux dangers qui menacent le MONDE ? Une
question de simple imputabilit qui devrait nous amener revoir nos pratiques,
nos mthodes et nos finalits. Rappelons-nous souvent cet adage bien connu
de Montaigne, mais trs peu appliqu : Mieux vaut une tte bien faite, quune
tte bien pleine. . duquer ce nest pas seulement dplier un corpus de
connaissances, mais aussi savoir donner aux sujets lapptence de forger leur
personnalit en smancipant. Osons former des sujets rflexifs, capables de
penser par eux-mmes afin de mieux apprhender lavenir. Cette
comprhension implique quil faille transformer lcole daujourdhui, dont les
cueils ne sont plus citer, en un lieu o lon se plat et o lon cultive une
pense rflexive. Et pour cela, ce nest pas lEEDD en soi-mme qui le
procurera, mais les approches, les dmarches que sous-tendent ses valeurs. Si
lon veut avoir demain des citoyens imprgns des valeurs, des ides et des
pratiques dun monde plus viable, il faut ds prsent, pendant quils sont
enfants, leur apprendre penser le monde et se penser dans le monde. Et
cela par la dmarche. Une dmarche mme de favoriser la construction de
sujets capables de sauto duquer pour dvelopper durablement
lenvironnement. Ces sujets deviendront de ce fait, des adultes duqus et
capables de dvelopper durablement lenvironnement, de leur propre chef et
par leurs propres moyens. Et cela, par et grce la mthode, la dmarche.
Cest la thse de notre travail. Pour nous, lcole doit prparer les jeunes
comprendre, mieux apprhender la complexit des choses telles quelles se
manifestent aujourdhui, afin quils changent leur perception du monde et
sengagent vers une phase nouvelle. Meirieu (2008) rsume cela en disant quil
faut former des sujets capables de construire du bien commun . Et pour ce
faire, il faut donc balayer la maison cole bien avant, si lon veut viter de
mettre la charrue avant les bufs .
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Notre tude sest appuye sur lEEDD, parce quelle porte les promesses
de ce changement, pour modliser la dmarche, celle des A3E, analyser son
impact et rendre compte de ses effets. Notre thse est donc du type recherche-
action, organise autour des A3E.
LA3E part du postulat que lart de la discussion favorise la dcentration
qui induit le changement de reprsentations mentales, propice au
dveloppement de comportements autodtermins, aid en cela par le
processus d'idation groupale qu'il gnre, mergence d'une intelligence
collective. Il se veut une dmarche de transformation des pratiques
pdagogiques dans le sens dune plus grande efficacit mancipatrice des
futurs co citoyens. Cest en somme une vocation ducative quadruple
exigence mais en troite interdpendance et interaction : mettre en uvre une
pdagogie diffrencie, un questionnement rflexif, un statut positif de lerreur
et une dynamique dcole cooprative.
En effet, il est vident, au regard des limites des pratiques pdagogiques
actuelles dans nombre de systmes ducatifs des pays subsahariens, que le
changement rel des comportements ne pourra tre effectif que si laction
ducative sappuie sur une pdagogie diffrencie qui prenne en compte
les reprsentations mentales des diffrents acteurs et toutes les dimensions de
leur personnalit : rationnelle, corporelle, motive et imaginaire.
La dmarche chemin permet, partir dune problmatique donne, de
bien prendre en compte les contextes, les ressources et les contraintes locales.
Le concept de dmarche chemin a t forg par Edgar Morin, dans son essai
duquer pour lre plantaire. Il en donne la dfinition suivante : la mthode
comporte deux niveaux qui sarticulent et se rtro alimentent : dune part, elle
favorise le dveloppement de stratgies pour la connaissance et dautre part,
elle favorise le dveloppement de stratgies pour laction . Il sagit ajoute-t-il,
dun outil de pense complexe qui ne propose pas dans son dialogue un
programme mais un chemin (mthode) au cours duquel on pourra mettre
lpreuve certaines stratgies qui se rvleront fructueuses ou non pendant le
chemin dialogique. En ce sens, la pense complexe engendre sa propre
stratgie, insparable de la participation inventive de ceux qui la dveloppent.
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(Edgar, M. 2003.)11. Pour Ren Jam, la dmarche chemin est un processus
spiralaire cumulatif . Elle est une dmarche active, car en prise avec le terrain
et les ralits concrtes ; cest une dmarche participative en ce quelle valorise
le sujet, prend en compte ses reprsentations mentales et le place au centre de
laction ; cest une dmarche cooprative et dialogique par les interactions entre
les pairs. Cette approche, retenue et modlise par lassociation LEau
Partage constitue le socle des actions en cours Markoye. En effet, oprer
sur les reprsentations qui tmoignent du vcu de chacun, cest agir sur le
comportement (parce que nos reprsentations influencent nos comportements).
Une modification de reprsentation peut donc tre source de changement.
Hypothses et objectifs de la recherche
Hypothses de recherche
Hypothse 1
Le caractre innovant des A3E dans un contexte ducatif tel que celui du
Burkina Faso et le statut quacquirent les sujets ainsi que leur posture,
suscitent un engouement de la part des acteurs, lves et enseignants si bien
quau fil du temps, ce dispositif constitue un adjuvant qui favorise le
dveloppement de facults tant au plan du cogito quau plan socioaffectif et
comportemental. Ainsi, le processus de rflexion continu, enclench par les
questions en dbat et le conflit sociocognitif qui sinstaure notamment au cours
de la phase rflexive de la dmarche, conduit les sujets se remettre en cause,
oprer des changements de reprsentations mentales et de points de vue, et
se dcentrer progressivement. Cette dcentration tant une attitude
importante pour traiter de questions brlantes comme cest trs souvent le cas
dans les ducations .
11 Edgar Morin, Ral Motta, Emilio-Roger Ciurana.(2003).Eduquer pour l're plantaire: la
pense complexe comme mthode d'apprentissage dans l'erreur et l'incertitude humaines.
Paris : Editions Balland.
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Hypothse 2
Parce quils entranent chez les lves et les enseignants lacquisition de
nouvelles postures, de statuts nouveaux, beaucoup plus propices une relation
pdagogique plus fconde, plus rassurante, les ateliers dducation lthique
co citoyenne constituent un cadre o lengagement et lautodtermination des
sujets sont mieux mme de se faire jour, de se dployer. Sengager librement
pour telle ou telle cause, telle ou telle action, reprsente le but mme de
lducation lenvironnement et au dveloppement durable, qui appelle une
thique de la responsabilit. Les quatre phases qui composent le protocole de
la dmarche conduisent cette prise de conscience et cette volont dagir du
sujet contrairement aux approches pdagogiques qui sous-tendent
lenseignement disciplinaire.
Hypothse 3
La dmarche des A3E, au-del de son caractre doutil dducation
lenvironnement et au dveloppement durable, offre des perspectives
intressantes pour rsorber les questions dinadquation et dinadaptation dont
souffre lcole burkinab. Cest un dispositif dont les conditions de mise
lchelle et de transfert sont accessibles tous.
Objectifs de la recherche
Objectif gnral
Notre thse, parce quelle se veut recherche pour lducation et non
recherche propos de lducation, vise contribuer la structuration du champ
de lducation lenvironnement et au dveloppement durable, par la
construction dun savoir stratgique base sur la dmarche. Partant de lessor
de lEEDD dans linstitution scolaire, elle offre des perspectives de nouvelles
pratiques pdagogiques mme de servir la refondation de lcole et partant de
lco citoyen.
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Objectif spcifique 1
Il sagit dans un premier temps pour nous, partir de lexprimentation
des A3E dans le contexte spcifique du Burkina, de comprendre les effets,
limpact et les conditions de recevabilit de lapproche rflexive et dialogique de
ce dispositif sur les acteurs.
Objectif spcifique 2
Ensuite, nous voudrions comprendre comment un projet dducation
lco-citoyennet, sous-tendu par la dmarche et le protocole formaliss, peut
aider la communaut ducative prendre conscience des dfis et des enjeux
environnementaux et sengager dvelopper des comportements
respectueux de leur milieu de vie ?
Objectif spcifique 3
Enfin, au regard de ltat des lieux du systme ducatif du Burkina Faso,
en pleine mutation institutionnelle, quelles stratgies proposer pour une
promotion de lducation lthique co citoyenne socle de tout dveloppement
durable ?
Mthodologie de recherche
Une dmarche qualitative
Notre recherche est consacre lanalyse dun dispositif susceptible de
favoriser le dveloppement dune pense rflexive chez lenfant, avec pour
intention de dgager des stratgies dintervention pour une ducation des
lves lcocitoyennet au Burkina Faso. Dans cette vise, la recherche du
sens prend naissance dans lexprience subjective et affective des sujets,
laquelle permet de dcouvrir la signification que ceux-ci attribuent aux situations
et aux expriences vcues. Les connaissances produire sont des faits
subjectifs et spcifiques car elles proviennent de contextes particuliers et se
fondent sur lexprience et le point de vue des acteurs. Cest pourquoi nous
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avons privilgi une mthodologie qualitative de type interprtative. Qualitative
en raison des donnes non mesurables quelle procure, (points de vue, rcits
dexprience) et interprtative car elle se fonde non seulement sur des
significations que les acteurs donnent leur ralit, mais aussi sur des
domaines complexes : interactions, reprsentations mentales des sujets. La
qute dune rponse notre question de recherche nous amne vers une
dmarche qui se situe dans un contexte de dcouverte et dinterprtation, plutt
que de preuve et de confirmation. Pour ce faire, la combinaison de certains
instruments permet une objectivation des connaissances et par consquent des
rsultats.
Trois instruments combins ont t retenus pour cette recherche.
Lanalyse documentaire
Mme si le document reste un instrument pour lequel on ne peut pas
exiger des prcisions supplmentaires, lanalyse documentaire constitue une
mthode de collecte de donnes qui limine, du moins en partie, lventualit
dune influence quelconque, quexercerait la prsence ou lintervention du
chercheur (Kelly, dans Gauthier, 1984, ide reprise par Cellard, 1997).
Lanalyse documentaire peut tre le seul moyen dtudier une situation surtout
lorsque des vnements passs ne peuvent plus tre observs directement ou
lorsquun rapport dj produit fait tat dune expertise technique sur laquelle
porte ltude (Saint Pierre, 1993). Dans cette tude, il sest avr
indispensable de recourir cette mthode puisque les A3E ont fait lobjet dune
exprimentation pralable et qui a donn lieu la production douvrages.
Lesquels dcrivent la dmarche et le protocole, constitus dinvariants et de
variantes. En vue de mieux prciser le contexte de transfert, lanalyse
documentaire a aussi permis de recueillir des lments thoriques et des
informations relatives aux activits ayant cours dans dautres localits.
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Des entretiens semi-directifs
Nous en avons ralis avec chacun des acteurs de la mise en uvre du
dispositif. Avec les enseignants exprimentateurs, avec les parties prenantes
la mise en uvre du projet sant Markoye et avec les lves eux-mmes.
Les enseignants et les lves reprsentant les acteurs directs de notre tude.
Soit au total vingt-cinq (25) entretiens denviron une heure chacun avec les
adultes, et un quart dheure dentretien avec chaque lve.
Deux guides dentretiens ont t utiliss, dont lun pour les lves et
lautre pour le personnel enseignant et les responsables associatifs. Le choix de
lentretien semi-directif visait recueillir les opinions et les reprsentations des
personnes sur les ralits de leur pratique. Partant de nos hypothses, nous
avons labor une grille dentretien, btie autour dune trentaine de questions
ouvertes sur les centres dintrt de notre sujet de recherche. La dsignation
des personnes interroger sest faite sur la base de leur position dans le
dispositif.
Les entretiens se sont drouls dans des cadres diffrents, mais qui
offraient tous le calme ncessaire aux changes. Les entretiens avec les
enseignants se sont drouls dans leur salle de classe, aprs les cours de
laprs-midi. Pour les lves, nous avons ralis les entretiens dans le bureau
du directeur de lcole, en sa prsence, pour nous conformer la lgislation
scolaire. Pour les entretiens, nous avons sollicit et obtenu lautorisation
denregistrer au dictaphone, aux fins de retranscription, tout en assurant les
personnes de lanonymat que nous aurions observer dans le traitement des
donnes. En plus de lanalyse documentaire, lentretien permet davoir un
tmoin privilgi, en quelque sorte un observateur de sa socit, sur la foi de
qui un autre observateur, le chercheur, peut tenter de constater et de
reconstituer la ralit. Le caractre non directif associ ce genre dentretien
offre lavantage de bien coller la ralit de linterview. De sorte que tout en
jouissant dun maximum de libert pour sexprimer sur un thme de la
recherche, linterview est plus susceptible de le faire selon ses propres
catgories et son propre langage. Lentrevue semi-dirige est aussi vue comme
une faon denrichir le matriel danalyse et le contenu de la recherche. En
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33
effet, le fait de laisser linterview libre pour aborder tout ce quil juge pertinent
de traiter favorise lmergence de nouvelles dimensions non pressenties au
dpart.
Cest dans cet esprit que nous avons utilis cette deuxime stratgie de
collecte des donnes. Pour des raisons voques plus haut, cette tape a t
ralise en deux phases.
Dans un premier temps, il a t question dapprocher les acteurs
associatifs ayant uvr lexprimentation et la mise en place du protocole
des A3E. Le recours lentretien semi-dirig nous paraissait indispensable pour
comprendre le phnomne du point de vue des acteurs et obtenir lexpression
libre de leurs ressentis ainsi que des significations tires de leurs expriences.
Dans un deuxime temps, la collecte des donnes sest adresse aux
acteurs qui vivent au quotidien la dmarche (enseignants et lves), dans
lintention de bien saisir les enjeux (motivations, objectifs de dpart,
transformations, acquis, difficults, ressentis). En nous adressant aux lves,
cela nous a offert loccasion de cerner la source limpact de la dmarche telle
que vcue par le sujet bnficiaire. Aux fins danalyse, ce contexte permettait
denvisager des stratgies dintervention qui tiennent compte de la complexit
dune ralit donne. Le guide et les objectifs poursuivis par les entrevues dans
les deux contextes sont prsents en annexes. Mais pour mieux nous rendre
compte de la manire dont les acteurs se comportent pendant la dmarche,
cest--dire dans le dispositif, nous avons aussi opt pour une observation
participante.
Une observation participante
Lobservation participante permet de dpasser le langage, ce que les
personnes disent quelles font, pour sintresser leurs comportements et au
sens quelles y donnent . (Savoie-Zajc, 2004,) cette fin, une participation
15 sances dateliers organises dans deux coles diffrentes (Markoye A et
Markoye B), dans les classes de CE2, CM1 et CM2, a permis dassurer la
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congruence avec les donnes de lentrevue. Lintention tait alors de cerner la
cohrence entre le discours et la pratique effective. Cette participation a surtout
permis dobserver le fonctionnement des rgles dictes dans le protocole, les
interactions verbales, la posture des diffrents acteurs, les reprsentations
mentales des sujets sur les questions proposes en ateliers.
Le fait de se mler aux activits quotidiennes des acteurs laide de
lobservation participante constitue un outil privilgi pour percevoir les
pratiques et les interactions. Dans le souci davoir une prsence la moins
drangeante possible, le chercheur a fait une observation en tant que simple
participant. Seuls les prsentateurs taient au courant de lobjet de sa
prsence. Cest partir de lensemble des donnes fournies par les trois
instruments dont nous avons fait tat que lanalyse a t effectue et ce, afin de
dgager limpact de cette dmarche sur les sujets et de proposer une stratgie
adapte au but de notre recherche, savoir, mettre en place et valider une
approche pdagogique pour lducation lcocitoyennet lcole primaire.
Notons enfin que dans un souci de permanence, nous avons souhait recevoir
trimestriellement un compte rendu succinct de la part de chaque enseignant
exprimentateur sur la manire dont se droulaient les ateliers.
Orientation paradigmatique de la recherche
Le choix dune approche mthodologique ne peut tre dissoci de
lorientation paradigmatique de la recherche.
linstar de Guilbert (1997), nous sommes davis que, mme si la
mthodologie nest pas le paradigme, les questions mthodologiques sont
dpendantes des questions de recherche qui sont elles-mmes tributaires du
paradigme sous-jacent .
Pour notre recherche doctorale, en cohrence avec lobjet dtude et nos
convictions, nous avons opt pour une recherche qui allie approche
sociocritique et socioconstructiviste qui se traduit par une recherche-action. Une
recherche-action de type organique, systmique, dicte par la nature de lobjet
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dtude : le dveloppement durable appliqu au champ de lducation. Ce
modle de recherche qui tire ses sources lointaines de lapproche positiviste
vise un double changement : le changement concret dune ralit (celle de
lcole actuelle) et le changement dune pense marque par lexprience (celle
des acteurs et bnficiaires). En effet, un des apports importants de la
recherche-action est ce quelle nous apprend des rapports mmes quelle
institue entre chercheur et praticiens, entre ces praticiens et le public dont ils
ont la charge. Elle se traduit par lengagement du chercheur par rapport aux
objectifs de laction dans laquelle il se trouve directement impliqu. La
recherche-action ne se fait pas seule, elle doit tre cooprative. Pour le cas
prsent, cette coopration sest manifeste travers limplication de plusieurs
organisations : lassociation LEau partage comme structure
commanditaire du changement souhait, initiateur du projet dducation la
sant et de promotion de lhygine et de lassainissement Markoye, la
reprsentation rsidente de lagence intergouvernementale panafricaine Eau et
Assainissement pour lAfrique (EAA), structure technique jouant le rle
dassistance matre douvrage, lassociation Opration Oasis Sahliens
(OOS) charge de la mobilisation communautaire, la commune de Markoye,
linspection de lducation nationale de Markoye et les coles A & B
Figure 1 : processus mthodologique de recherche
La recherche-action a concern deux coles primaires, 13 classes, 780
lves de 06 13 ans, dont 401 garons et 379 filles, 16 enseignants et 200
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mnages de deux quartiers12. Elle a dur 18 mois, cest--dire deux annes
scolaires (2012-2013 et 2013-2014). Ici, tout au long de la recherche, nous
avons jou le rle de prpos. Ainsi, le choix de cette mthode part du fait que
Toute personne ressent la ncessit de se conscientiser pour sduquer la
vraie libert (Paulo, Freire. 1974).13 Le rle ici du prpos tant de
comprendre de manire profonde les phnomnes ou les situations en tude,
partir du sens que donnent les participants la recherche.
Ainsi, le chercheur ne peut sattribuer seul la ralit des faits. Il tient
compte de la contribution des participants. Cest en se basant sur lexprience
et la valeur des participants la recherche, quil parvient construire un savoir
objectiv, fond en outre sur les savoirs scientifiques et les faits. Nous avons de
ce fait conduit notre recherche selon les critres de scientificit de la recherche-
action, noncs par Andr Morin14 (2010).
Tableau 1 : critres comparatifs de la recherche-action
Critres classiques Recherche-action
Fondement thorique Praxologique
But Changement
Ralit Dynamique
Les valeurs Intgres
Le contexte Intereli
Lapproche Interactive
Le style Participatif
12 Lenqute proprement dite sur les mnages a t ralise par une quipe de la Reprsentation rsidente de Eau et Assainissement pour lAfrique (EAA) au Burkina, dans le cadre du projet dducation la sant. Nous avons exploit ces rsultats qui rendraient dans le cadre de nos travaux.
13 Paulo Freire. (1974). Pdagogie des opprims suivi de Conscientisation et rvolution, Paris: Maspero
14 Morin, A. (2010). Cheminer ensemble dans la ralit complexe. La recherche-action intgrale et systmique (RAIS).Paris : LHarmattan, Collection Recherche-action en pratiques sociales.
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Le schme Ngoci
Le cadre Circonscrit
Les conditions Cogres
Le traitement Adaptable
La porte Organique
Notre thse, comporte trois grandes parties, subdivises en neuf
chapitres. La premire partie, intitule Lducation au Burkina Faso : une
situation problmatique, des volutions ncessaires , prsente le systme
ducatif et aborde les problmes denvironnement et leur incidence sur
lconomie burkinab, avant de traiter des limites du systme ducatif face aux
enjeux cologiques. La deuxime partie titre vers un renouvellement de
lEEDD traite des modles traditionnels de lEEDD, de limportance du modle
centr sur la rflexivit et de la modalit nouvelle que reprsentent les A3E.
Enfin, la troisime partie - la mise en uvre et les effets dune nouvelle
dmarche en EEDD -, prsente lexprimentation des A3E, la perception des
acteurs et les effets sur lcole.
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Premire partie
Lducation au Burkina Faso : une
situation problmatique, des
volutions ncessaires
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Chapitre I : Les problmes
denvironnement dans lconomie
burkinab
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1.1 Brve prsentation du Burkina Faso
Ce chapitre prsente la situation go-climatique du Burkina Faso, les dfis
environnementaux auxquels le pays est confront et leurs rpercussions sur
lconomie nationale.
Figure 2 : Carte administrative du Burkina Faso, avec la localisation de la commune de Markoye
Pays sahlien enclav, le Burkina Faso est situ au cur de lAfrique
Occidentale, dans la boucle du Niger. Le pays stend sur une superficie de
273 187 km2 et na pas de dbouch sur la mer. Le Burkina Faso connat un
climat tropical deux saisons contrastes : une longue saison sche, qui va
doctobre avril et une saison pluvieuse de mai septembre. Depuis des
dcennies, le pays est confront une dgradation acclre de ses
ressources naturelles. Cette situation entrane des dfis environnementaux,
sociaux et conomiques normes. Cest dire, que plus quune simple rponse
aux interpellations de la communaut internationale, la question de lducation
lenvironnement et au dveloppement durable constitue un impratif pour ce
pays. Quelles soient dorigine naturelle, humaine ou technologique, les
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catastrophes sont rcurrentes au Burkina Faso et provoquent des dgts15
immenses, signes manifestes de changements climatiques. Il y a lieu de retenir
que les phnomnes de dsertification et de scheresse fragilisent
lcosystme du pays. titre dexemple, le Burkina Faso perd chaque anne
3 200 hectares de fort. Le bois de chauffe qui constitue le principal
combustible des mnages, contribue 90 %, aux besoins nergtiques
domestiques qui slvent environ 5 millions de m3 par an. Ceci, combin
une forte pousse dmographique estime 3,4 % par la Banque mondiale en
2009, annihile les efforts de dveloppement du pays. ce tableau, il faut
ajouter les effets exognes de la mondialisation nolibrale : dprciation du
dollar, volatilit des cours des matires premires, crise financire. Premier
producteur de coton en Afrique, avec 750 000 tonnes en 2013, le Burkina Faso
est victime du contexte international marqu par une baisse continue des cours
du coton sur le march mondial. Si bien que le prix du kilogramme au
producteur est de 225 F CFA soit 0,34 . Faut-il seulement accuser la
communaut internationale lorsquun pays qui vit au quotidien une inscurit
alimentaire fait le choix de se lancer dans la production massive de coton sans
mcanisme de transformation locale ? Ou encore lorsque les autorits
politiques font le choix de la culture du coton gntiquement modifi ? Nous
sommes bien loin de lpoque rvolutionnaire de Thomas Sankara (1983-
1987)16 o la cotonnade burkinab faisait la fiert des populations.
Sur le plan administratif et territorial, le Burkina Faso est subdivis en 13
rgions, 45 provinces, 350 communes et 8 228 villages. Il a une population
estime 18 450 494 habitants17, dont 59,1 % ont moins de 20 ans. 43.9 % 18de la population vit en dessous du seuil de pauvret, estim 108 454 F CFA
15 Dans son histoire, le Burkina Faso a connu des crises environnementales svres. Les principales crises vcues sont : les famines, dues des scheresses catastrophiques en 1931, 1932, 1970, 1973, 1983, 1984, 2000 et 2001. De graves inondations ont eu lieu en 1992, 1994 et 2010.
16 Sous la rvolution sankariste, le coton tait produit et transform localement. Une politique volontariste de consommation des produits locaux, notamment le concept de Faso danfani, avait conquis le cur des populations et donn de lemploi des milliers de tisserands (dont en majorit des femmes). Les pagnes issus de lusine textile Faso Fani taient non seulement apprcis localement mais aussi ltranger.
17 Projections INSD 2015 : http://www.insd.bf/n/
18 Anne 2009. Document de SCADD, version dfinitive. P.10
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44
par adulte et par an, soit moins de 0,50 par jour. Avec un faible indice de
dveloppement humain (0.343 en 2012), le Burkina Faso se classe parmi les
pays les moins dvelopps (183e sur 187)19. La prvalence de la malnutrition
chronique chez les enfants de moins de 5 ans est de 31,5 % en 2013. Cette
situation devrait appeler la mise en place de politiques, de stratgies et
dactions prioritairement orientes vers la lutte contre la pauvret, cest--dire le
dveloppement durable, toute chose qui passe par lducation. duquer au
dveloppement durable au Burkina Faso ncessite donc de relever les dfis en
matire de sant, denvironnement, dducation et dconomie. Ces dfis sont
troitement en rapport avec la situation go-climatique du pays et son niveau
de dveloppement conomique.
Sur le plan politique, le Burkina Faso a accd son indpendance
formelle le 5 aot 1960. De 1960 1987, le pays a connu 6 coups dtats. Cest
en 1984, soit un an aprs lavnement de la Rvolution daot 83, que le pays
sera baptis Burkina Faso, ou encore le Pays des hommes intgres. Le pouvoir
rvolutionnaire dalors, dirig par le Capitaine Thomas Sankara, aura
grandement contribu donner ce pays oubli dans un coin du monde, toutes
ses lettres de noblesse. En effet, les prises de position courageuses du jeune
Capitaine Sankara, contre le paiement de la dette, contre limprialisme et
particulirement son engagement dans le domaine de la lutte contre la
dsertification par des mesures fortes, ont non seulement contribu faire
connatre le Pays, mais aussi dvelopper linterne la fiert nationaliste. Des
mesures courageuses, telles que les trois luttes : lutte contre les feux de
brousse dans les pratiques agricoles, lutte contre la divagation des animaux et
lutte contre la coupe abusive du bois ont t lpoque, dune grande
contribution dans le changement de mentalits et de pratiques vis--vis de
lenvironnement. Ainsi, le rgime rvolutionnaire a encourag lutilisation de
foyers dits amliors, afin de rduire la consommation du bois de chauffe.
Malheureusement, le Capitaine Thomas Sankara sera brutalement et
sauvagement assassin le 15 octobre 1987, par les hommes de Blaise
Compaor. Ce dernier, aprs 27 ans de rgne sans partage, marqu par un 19 Rapport mondial sur le dveloppement humain 2012 (PNUD)
-
45
dni des Droits humains et une absence de politique consquente en matire
denvironnement, dducation et dconomie, sera contraint de quitter le pouvoir
le 31 octobre 2014 la suite dune insurrection populaire.
Durant ces deux dernires dcennies, le Burkina Faso a mis en place
deux programmes de dveloppement conomique sur lesquels nous voudrions
nous attarder, pour mieux illustrer toute la dichotomie entre le discours politique
et la matrialisation des aspirations des populations. Il sagira dexaminer les
rsultats du cadre stratgique de lutte contre la pauvret (CSLP) et de la
stratgie de croissance acclre et de dveloppement durable (SCADD), deux
programmes qui ont tous deux chou conduire le Burkina sur les chantiers
dun dveloppement durable.
Le cadre stratgique de lutte contre la pauvret (CSLP)
En lan 2000, le Gouvernement du Burkina Faso a mis en place le Cadre
Stratgique de Lutte contre la Pauvret (CSLP), un plan de dveloppement de
quinze (15) ans, qui avait pour vision de rduire le niveau de pauvret des
populations lhorizon 2015. Les objectifs majeurs de ce plan taient de rduire
substantiellement la pauvret des populations, daugmenter le produit intrieur
brut par habitant (PIB/H) et daccrotre de manire significative ( 60 ans)
lesprance de vie du Burkinab. Les domaines de lducation, de la sant, de
leau potable, de lagriculture et de llevage furent identifis comme des
domaines prioritaires, sur lesquels le CSLP devrait mettre laccent.
Principalement au niveau de lducation, les objectifs viss pour les dix (10)
premires annes taient de :
1- Accrotre un cot raisonnable, le taux brut de scolarisation primaire de
40 % 70 % pour tous les enfants dge scolaire, avec un accent
particulier pour les filles en milieu rural ;
2- Amliorer la qualit et lefficacit de lducation en faisant passer le gain de
productivit de 24 % 55 % ;
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46
3- Offrir une alphabtisation de qualit aux adultes (en particulier pour les
femmes et les habitants des zones dfavorises) et faire passer le taux
dalphabtisation de 22 % 40 % avec des programmes dalphabtisation
de base fonctionnels, dispenss par des ONG et des associations
communautaires des cots rduits ;
4- Offrir 300 000 enfants de la classe dge de 3 6 ans, une ducation
centre sur le dveloppement de la petite enfance ;
5- Donner 165 000 jeunes de la classe dge de 9 15 ans, non scolariss
ou dscolariss, une ducation bilingue de quatre ans et une formation
prprofessionnelle, cots rduits ;
6- Organiser des activits initiales, en particulier dans 20 provinces sur 45
identifies comme prioritaires et qui ont les taux de scolarisation les plus
bas et o il existe des rsistances la scolarisation des enfants.
Malgr ces nobles objectifs, il reste quils ont t dfinis sans un diagnostic
participatif de tous les acteurs. La preuve, cest aprs deux ans de mise en
uvre quont t convoques en 2002, les Assises nationales de lducation,
sur le thme : rflexion globale sur lducation au Burkina Faso .
Lanalyse globale du CSLP, laisse apparatre un plan ambitieux de lutte
contre la pauvret, avec un accent sur les secteurs sociaux et sur les zones
rurales. Cependant, comme nous le constaterons, ses effets sont rests bien en
de des attentes.
1.1.1 Analyse de la pauvret selon le milieu de
rsidence
La pauvret au Burkina Faso est essentiellement un phnomne rural.
En effet, plus de la moiti de la population rurale (52,3 %) vit en dessous du
seuil de pauvret contre 19,9 % en milieu urbain. En termes de mnages, on
note que 43,5 % des mnages ruraux sont pauvres contre 14,7 % en milieu
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47
urbain. Le milieu rural contribue hauteur de 92,2 % lincidence de la
pauvret nationale. Les indices de gravit et de svrit de la pauvret sont
respectivement trois et quatre fois plus importantes en milieu rural quen milieu
urbain. Ce qui traduit une grande disparit des dpenses (revenus) des
mnages en milieu rural plus accentue quen milieu urbain. Le Burkina Faso,
malgr les contraintes dordre naturel qui psent sur le dynamisme de lactivit
conomique, a enregistr une croissance conomique moyenne de 5,7 % au
cours de la dcennie 2001-2010. Malgr cette performance conomique, le
niveau de pauvret reste important (43,9 % en 2009) avec un taux de
croissance dmographique de 3,1 % (RGPH, 2006).Lactivit conomique du
Burkina Faso est essentiellement base sur le secteur agricole. Il emploie
environ 80 % de la population et contribue pour environ 32 % la formation de
la valeur ajoute nationale (DGEP, 2011). Au cours de la dcennie 2001-2010,
lactivit conomique a volu en dents de scie en raison des alas climatiques
et de multiples chocs exognes. Le taux de croissance annuel moyen du PIB
rel a t de 5,7 % sur la priode avec un pic de 8,7 % en 2005 et un minimal
de 3,2 % enregistr en 2009. Laugmentation du PIB par tte sest situe autour
de 1,4 % lan sur la priode. Quant linflation, elle sest situe 3,0 % en
moyenne sur la priode, avec un pic de10, 7 % en 2008.
2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 Afr. sub 6,2 6,4 7,1 5,6 2,8 5,3 5,3 4,8 5,6 Burkina 8,7 6,8 3,6 5,8 3 8,4 5,1 9 7 4
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48
Figure 3 Croissance de lAfrique subsaharienne et du Burkina de 2005 201420
Tableau 2 : PIB (en milliards FCFA) de 2005 201221
2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012
2573,3 2734,2 2846,6 3011,7 3100,9 3362,9 3585,7 3817,1
192,4 198,1 199,7 204,4 203,7 213,8 220,7 227,5
1985 1991 1996 2006
48,5 52,2 53,8 56,7
Tableau 3 Classement du Burkina selon le PNUD de 2006 201422
Anne 2006 2007 2 008 2 009 2 010 Rang 173/179 177/182 176/177 177/182 161/169
Anne 2011 2012 2013 2014 Rang 181/187 183/187 183/186 181/187
1.1.2 volution rcente et perspective de
lconomie Burkinab
Lconomie du Burkina Faso, en dpit dune conjoncture extrieure
difficile et des chocs exognes sans prcdents (inondations et scheresses
survenues ces dernires annes), a atteint un autre palier de croissance du PIB
ressortant 7,5 % en moyenne entre 2010 et 2012 contre 5,8 % en moyenne la
dcennie coule. La croissance conomique du Burkina Faso pour la priode
2010-2012, a t lune des plus fortes de la zone UEMOA qui a enregistr une 20 Idem
21 Op. cit
22 Op. cit
-
49
croissance moyenne de 3,7 % au cours de la priode indique. Particulirement
en 2012, les dernires estimations font tat dun taux de croissance du PIB
compris entre 8 et 9,0 %. Ces performances sont attribuables lensemble des
secteurs de production. Le secteur primaire, constitu en partie de lagriculture
et de llevage qui reprsentent les piliers de lconomie burkinab, a contribu
pour 27,3 % en moyenne la formation du PIB entre 2010 et 2012. Les
performances enregistres au niveau du secteur primaire sont dues
lensemble des mesures et actions mises en uvre par le Gouvernement pour
accompagner les acteurs du monde rural. Il sagit entre autres de la mise
disposition dintrants agricoles (semences amliores, engrais, quipements),
de lappui conseil aux producteurs, de la construction dinfrastructures hydro
agricoles, etc.
Le secteur secondaire a connu une bonne orientation au cours de ces
dernires annes en liaison avec le dynamisme des industries extractives,
lamlioration du tissu industriel et la bonne tenue du sous-secteur des
Btiments et Travaux Publics (BTP) porte ces deux dernires annes par la
mise en uvre des activits prvues dans le cadre de la stratgie de
croissance acclre et de dveloppement durable. Sur ces trois dernires
annes, le secteur a connu une croissance moyenne de 12,1 %. Sa part dans
la formation du PIB sur la priode est de 20,7 % en moyenne. En plus de la
bonne tenue des cours mondiaux, la contribution de plus en plus importance du
secteur minier au dveloppement conomique est le rsultat des rformes
entreprises pour amliorer lattractivit du pays travers la relecture du code
minier. Cela a permis au Burkina Faso denregistrer un afflux massif
dinvestisseurs miniers, matrialis par la mise en exploitation de plusieurs
mines dont les principales sont : Essakane, Kalsaka Mining, Inata, Taparko,
Bissa Gold, Mana, Youga et Nantou Minig23. Ainsi, la production dor est passe
de 5,4 tonnes en 2008, 12,5 tonnes en 2009, puis 26,2 tonnes en 2010 pour
atteindre 36,5 tonnes mtal en 2014.
Le secteur tertiaire a consolid sa place de premire branche de
lconomie du Burkina Faso avec une participation moyenne la formation du 23 Bon nombre de ces mines portent le nom de la localit du pays o elles sont implantes.
-
50
PIB de 52,0 % et une croissance moyenne de 5,1 %. En effet, le
dveloppement des services de transport et de transit, le dynamisme du
commerce, lamlioration des services lis aux tlcommunications, aux
assurances et lactivit bancaire, le tourisme et lartisanat ont fortement
contribu maintenir la position du tertiaire dans la formation du PIB.
Sagissant de linflation, elle a t contenue dans lensemble dans la limite de la
norme communautaire de lUEMOA aprs la forte pression inflationniste
enregistre en 2008 conscutive aux crises alimentaire et nergtique. En effet,
le taux dinflation sest situ en moyenne 2,0 % sur la priode 2010-2012. La
matrise de linflation se justifie notamment par les performances enregistres
au niveau du secteur agricole et les mesures prises par le gouvernement pour
faire face la monte des prix (les exonrations et subventions de certains
produits, le contrle des prix des produits de grande consommation, les
oprations de ventes des crales prix social au cours des campagnes
dficitaires etc.).
En somme, au cours de la priode 2010-2012, lconomie du Burkina
Faso a t caractrise par un renforcement de la stabilit macroconomique.
Cette stabilit sest traduite par les rsultats positifs enregistrs dans tous les
secteurs de lconomie grce aux politiques et aux rformes mises en place. En
perspective, lactivit conomique du Burkina Faso devrait rester vigoureuse en
se maintenant dans la limite du palier de croissance de 7 %.
Si les statistiques semblent indiquer une conomie en croissance, force
est de reconnatre que son incidence sur la pauvret se fait attendre. En effet,
aprs 10 ans de mise en uvre du CSLP, 43,9 % de la population burkinab
vivait encore en dessous du seuil de pauvret, estim 108 454 FCFA en
2009-2010. Laccent ayant t mis sur le dveloppement macro-conomique
travers lexpansion des sites dor, cest lenvironnement qui en prend un coup
srieux. Il faut galement noter ces choix de dveloppement ont favoris
laccroissement de flaux tels ceux relatifs au travail des enfants, la
dlinquance juvnile et la prolifration des MST dont le Sida autour des sites
dor.
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51
Photo 1 : Des enfants travaillant dans un site dorpaillage artisanal24
24 Le phnomne du travail des enfants dans les sites dorpaillage prend de lampleur au Burkina Faso. Dsertant les classes, des milliers dlves, garons comme filles, vont la recherche de lor ou de largent dans les sites miniers artisanaux, sexposant ainsi la dlinquance, la prostitution, la drogue si ce nest tout simplement aux nombreuses maladies qui les guettent dans ces trous de la mort.
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52
1.2 La Stratgie de croissance acclre et
de dveloppement durable (SCADD)25
Figure 4 Logo de la SCADD
Aprs une dizaine dannes de mise en uvre du CSLP, le
Gouvernement a adopt un autre rfrentiel de dveloppement savoir la
stratgie de croissance acclre et de dveloppement durable. Selon le
document de la SCADD, version dfinitive de 2011, lobjectif global de cette
nouvelle stratgie est de raliser une croissance forte, soutenue et de qualit,
gnratrice deffets multiplicateurs sur le niveau damlioration des revenus, la
qualit de vie de la population et soucieuse du respect du principe du
dveloppement durable. Lambition de croissance du Gouvernement est de
raliser un taux de croissance moyen de 10 % sur la priode 2011-2015,
considre comme 1er cycle dune srie de trois cycles quinquennaux. cet
25 Le titre du programme gouvernemental de dveloppement est en lui-mme problmatique. La croissance acclre est-elle compatible avec le dveloppement durable ? Au moment o la socit civile dans les pays industrialiss en appelle une dcroissance, une croissance acclre dans les pays en dveloppement ne risque-t-elle pas de conduire aux mmes erreurs ? Cette orientation se fait-elle sous linjonction des institutions financires internationales, principales sources de financement des politiques intrieures de ces pays ?
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53
effet, le modle de croissance acclre propos est bas notamment sur la
promotion des ples de croissance notamment le projet Bagrpole en cours de
mise en uvre qui offre plus de 500 000 ha de terres irrigables et pour lequel le
Burkina Faso a reu actuellement un financement de prs de 57 milliards de
FCFA ainsi que sur le dveloppement des filires de production et la promotion
dentreprises dans les secteurs des olagineux, des crales, des fruits et
lgumes. Toutes ces actions mener dans le cadre de la Stratgie viseront
surtout promouvoir une croissance pro pauvre, cest--dire qui profite aux
couches sociales vulnrables. Seulement, lvaluation du 1er cycle de mise en
uvre de la SCADD, les promesses en termes de rsultats attendus sont peu
satisfaisantes. En effet, aprs quatre annes de mise en uvre de son premier
cycle (2011-2015), la Stratgie de croissance acclre et de dveloppement
durable (SCADD) ne donne pas encore entire satisfaction. Ainsi, les taux de
ralisations des mesures et des actions peinent dpasser les 60 % chaque
anne sur la priode 2011-2013. Pire, le taux de latteinte des cibles des
indicateurs de la matrice na t que de 45,28 % en 2014. La crise
sociopolitique et linsurrection populaire doctobre 2014 sont voques pour
expliquer ces contre-performances. Cest dire combien le pays est loin
datteindre les rsultats quil sest fixs travers ses plans et ses programmes
de dveloppement. Avec larrive de nouvelles autorits au pouvoir, un
nouveau plan national de dveloppement conomique et social (PNDES, 2016-
2020) vient dtre adopt en mars 2016, en remplacement de la SCADD.
Toujours est-il quau regard de lchec de la SCADD, la question que lon peut
se poser est celle de savoir comment croissance acclre et dveloppement
durable peuvent-ils faire bon mnage ? moins que cette compatibilit ne soit
la preuve que dcideurs et puissants du monde dun ct et populations
pauvres et militants cologistes de lautre, ne parlent pas de la mme chose
ce sujet.
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54
1.3 Les politiques environnementales du
Burkina
1.3.1Une volont politique mitige
Le Burkina Faso, depuis plus de deux dcennies, sest engag en faveur
du dveloppement durable. Ainsi, il sest investi dans l