TOUT L’IMMOBILIER • NO 667 • 25 févRIER 2013

n Un ouvrage liste les «amis» du régime est-allemand

Cruel rappel aux «compagnons de route» de l’ex-RDALa chute progressive des régimes communistes, au fil des deux dernières décennies du XXe siècle, laisse un goût amer aux défenseurs les plus lucides de la démocratie. Il existe plusieurs raisons à cela, dont l’une est la parfaite bonne conscience de personnalités occidentales complices de cette idéologie dans son expression la plus brutale – dans les pays comme l’Allemagne de l’Est – et qui continuent volontiers aujourd’hui à donner des leçons à leurs contemporains. Un livre récent, en ce qui concerne la RDA, vient apporter une lumière crue sur les compromissions de certains…

Certes, la dictature com-muniste existe toujours, davantage tempérée

par la corruption que par une quelconque évolution vers des sentiments de tolérance parfai-tement étrangers aux despotes qui règnent encore à Cuba, en Corée du Nord, au Vietnam et en Chine. Avec sa bonne centaine de millions de morts, sa haine de classe qui n’a rien à envier à

la haine de race de son homo-logue nazi, le communisme jouit malgré tout, encore aujourd’hui, de l’appui béat de «compagnons de route» et de militants achar-nés. Les partis qui s’en récla-ment, malgré la chute du bloc de l’Est et la révélation de l’horreur totalitaire qui régnait à Berlin-Est, Sofia ou Bucarest, ont en-core pignon sur rue, y compris l’antique Parti du travail qui ne

bénéfice cependant plus de la généreuse subvention des ca-marades de là-bas.

Bienfaisant oubli

Aujourd’hui, à la différence de Pablo Neruda qui tressait des louanges au Berlin-Est de la grande époque, plus personne n’ose vraiment évoquer le «bilan globalement positif» de l’Alle-

magne communiste. On préfère oublier les invitations et les mé-dailles, qui pleuvaient notamment

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sur les membres du parti socia-liste suisse. Le journaliste ber-nois Erwin Bischof a publié voilà quelques mois, en allemand, un livre d’une grande sobriété et fort sérieux qui vient remémorer dou-loureusement les liens «frater-nels et amicaux» entre le sinistre parti SED d’Erich Honecker et bon nombre de personnalités suisses. «Honeckers Handsch-lag» (Editions Interforum) porte en couverture la photo-souvenir de la poignée de main cordiale du président du PS suisse Helmut Hubacher et du dictateur est-al-lemand. Mais le tableau ne s’ar-rête pas là; on apprend que des journalistes importants, dont cer-tains romands, étaient particuliè-rement «soignés» par Berlin-Est. Jean Gaud, patron de la rédaction «étrangère» de «24 Heures» dans les années 70, fit par exemple un reportage jugé «très positif» par l’ambassade est-allemande dans le cadre de l’opération «journa-listes de confiance» mise sur pied par la RDA.

Le who’s who des camaradesDes artistes et universitaires de renom ont été accueillis, souvent décorés, par le patelin dictateur

de Pankow, tels Benno Besson, Adolph Muschg, Jean-Rodolphe de Salis, Max Frisch, et même le théologien Karl Barth, ancien opposant au nazisme mais par-tisan d’une allégeance des chré-tiens au régime athée de la RDA. Certes, tout le monde ne peut se payer le luxe, comme feu Friedrich Dürrenmatt, d’avoir fait partie d’un mouvement na-tional-socialiste suisse en 1941, puis fait l’éloge du communisme

durant la Guerre froide. Du côté des politiciens, le cas de Pe-ter Vollmer, vice-président du PSS et conseiller national, est éloquent: il a même suivi une école de cadres communistes à Berlin-Est! Au fil des pages du livre implacablement do-cumenté d’Erwin Bischof, on croise l’inévitable Jean Ziegler, la libérale genevoise Monique Bauer-Lagier, le professeur vau-dois Georges Peters (après tout,

le fabuleux helléniste lausannois André Bonnard n’avait-il pas donné l’exemple d’un dévoue-ment assumé au régime stali-nien?), le directeur de la Radio suisse Andreas Blum et bien d’autres. Certains, comme Ar-mand Magnin ou Jean Vincent, ne sont finalement que d’ho-norables correspondants de la maison-mère. D’autres, comme le journaliste Marcel Brun, sont des agents de la Stasi, la police d’Etat est-allemande. De tous les précités, les seuls à avoir (poli-ment et tardivement) pris des distances avec Honecker sont Besson et Frisch.Le livre d’Erwin Bischof – passé sous silence par la presse ro-mande, à quelques exceptions près – présente un immense mé-rite. Il rappelle que cumuler une menace réelle, la collaboration de certains «durs» et un océan de bons sentiments venus des «idiots utiles» (ancien nom des «bisounours») peut être vraiment dangereux. L’histoire ne repasse pas les plats, disait Céline. C’est possible. Mais quelques-uns de nos moralistes actuels devraient se laver les mains avant de nous servir leurs vieilles recettes. n

Vincent Naville

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• Le président de RDA Willi stoph remet un prix littéraire à Benno Besson, en octobre 1974.

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