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THÈSE
Pour obtenir le Diplôme d’Université de Docteur en administration des affaires (DBA)
Diplôme d’Université délivré par
L’UNIVERSITE PAUL-VALERY MONTPELLIER III
Pour le Doctorate
in Business administration (DBA)
Préparée au sein de l’unité de recherche CORHIS
Spécialité : SCIENCES DE GESTION
Présentée par Marc Géméto
Comment «l’excubation» peut devenir un nouveau mode de management de l’innovation
dans les grandes entreprises ?
Soutenue publiquement le 31 Janvier 2019 devant le jury composé de :
Madame Isabelle Barth Directeur de recherche Professeur des Universités, Directrice Générale INSEEC Business School et directrice de la Recherche et de la valorisation académique INSEEC U
Monsieur Didier Chabaud Rapporteur Professeur des Universités, Directeur de la Chaire eTi - entrepreneuriat Territoire innovation à l'IAE Paris et Sorbonne
Business School Madame Fatiha Fort Rapporteur Professeur des Universités, SupAgro Université Montpellier 1 Madame Florence Noguera Suffragant Professeur des Universités, Université Paul Valéry Montpellier 3 Monsieur Philippe Cambriel Expert Vice-Président exécutif de la société Gemalto
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Avertissement
L’université n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans
cette thèse : ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur
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REMERCIEMENTS
La thèse est d'abord un chemin que l'on prend sans savoir où il nous mène. Plus on avance, plus
on s'aperçoit que ce sont les péripéties de la route, le travail acharné qu'elle nécessite et les
rencontres qui en font la beauté. Et cette route n'est pas toujours facile : il y a les moments
d'espoir mais aussi ceux de découragements.
Je tiens donc tout d'abord à remercier Florence Noguera qui m'a encouragé à ne pas lâcher dans
les moments de doute et qui, inlassablement, a stimulé cette nouvelle cohorte de doctorants à
devenir des chercheurs, eux qui n'étaient que des praticiens expérimentés.
Je remercie Jean-Michel Plane, pour avoir lancé, avec Florence Noguera, cette initiative de
Doctorat en Administration des Affaires qui fait le pont entre la recherche et la pratique sans
aucun compromis sur la qualité académique et universitaire. Ses remarques lors des comités de
thèse ont toujours été très inspirantes pour moi.
Je remercie vivement Isabelle Barth d'avoir accepté d'être ma directrice de thèse. Ses conseils
efficaces sur les domaines académiques, la méthodologie ou sur la question de recherche m'ont
sans aucun doute évité des écueils mortels sur ce chemin de la thèse. Je la remercie d'avoir pris
le temps de me rencontrer dans son agenda chargé, tout en conciliant ses nouveaux challenges
au sein du groupe INSEEC U.
Je remercie et suis honoré d'avoir Didier Chabaud comme rapporteur dans ce jury de thèse. Ses
écrits m'ont permis de mieux appréhender le domaine de recherche dans lequel je me situais.
Je remercie Fatiha Fort d'avoir accepté d'être rapporteur. Je la remercie d'avoir été bienveillante
et toujours pleine de questions pertinentes sur mon sujet lors des comités de revue de mon
travail.
Je remercie et suis honoré que Philippe Cambriel ait accepté de faire partie de mon jury de thèse
comme expert de l'industrie. Il a su montrer de l'intérêt pour ce travail académique démontrant
son ouverture d'esprit alors même qu'il est dirigeant dans une grande entreprise au cœur de
l'action. Il a été particulièrement précieux pour discuter et échanger sur les recommandations
managériales.
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Je remercie aussi mes collègues de travail, Matthieu Turquand et Sébastien Violette, qui ont
accepté de relire mes manuscrits et de me donner leurs commentaires avisés.
Je remercie plus largement tous ceux qui, sans le savoir, m'ont inspiré et conduit à chercher
toujours plus loin le « saint graal » dans le domaine de l'innovation. Je tiens à saluer en parti-
culier, Brice Challamel, fondateur d'une agence de créativité et maintenant salarié chez Google
ainsi que Philippe Méda, fondateur d'une agence d'accompagnement à l'innovation.
Enfin, je dédie cette thèse à mes trois enfants, Michaël, Laura et Manon et à mon épouse Hélène
qui illuminent ma vie. Merci à toi Manon qui a fidèlement et scrupuleusement relu chaque
chapitre et fait ce travail ingrat et si important de correction sans jamais rechigner. Merci à
vous, Michaël et Laura pour votre présence et votre gentillesse qui m'encouragent à avancer
dans la vie. Merci à toi, Hélène, ma tendre et fidèle épouse pour l'éternité, qui a supporté jour
après jour les doutes et les difficultés du chercheur.
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SOMMAIRE
INTRODUCTION
PARTIE 1 : MANAGEMENT DE L’INNOVATION DANS LES GRANDES
ENTREPRISES FACE A LA CONCURRENCE DES GAFAMs ET DES STARTUPs
Chapitre 1 : Fondements théoriques et pratiques de l’excubation
Introduction au chapitre 1
Section 1 : Fondements théoriques : Management de l’innovation
Section 2 : Fondements pratiques : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
Conclusion du chapitre 1
Chapitre 2 : Méthodologie de la recherche
Introduction au chapitre 2
Section 1 : Stratégie de recherche
Section 2 : Présentation du terrain et techniques de collecte des données.
Conclusion du chapitre 2
PARTIE 2 : RESULTATS DE LA RECHERCHE ET DISCUSSION MANAGERIALE
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
Introduction au chapitre 3
Section 1 : Bénéfices et limites opérationnelles de l’excubation
Section 2 : Impact sur la transformation des entreprises et des salariés
Conclusion du chapitre 3
Chapitre 4 : Discussion des résultats et perspectives
Introduction au chapitre 4
Section 1 : Apports de l’excubation dans les champs de l'accompagnement entrepreneurial
et de l'innovation ouverte
Section 2 : Vers un nouveau mode de management de l’innovation
Conclusion du chapitre 4
CONCLUSION
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BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES FIGURES
TABLES DES TABLEAUX
LEXIQUE
TABLE DES MATIERES
ANNEXES NUMEROTEES
Thèse doctorale en administration des affaires sur « l’excubation »
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INTRODUCTION
Problématique
Ces vingt dernières années, l’arrivée du numérique et de l’internet a permis l’émergence très
rapide de nouveaux géants mondiaux (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft)
familièrement appelés les GAFAMs. Avec plus de 4000 milliards de valorisation boursière
(leparisien.fr, 2018), ces sociétés sont devenues les nouvelles puissances de l’industrie
mondiale. Elles dépassent aujourd’hui, en termes de capacité de recherche et développement,
mais aussi par leur vitesse et leurs méthodes d’innovation, tous les anciens poids lourds de
l’industrie. Avec le développement de nouveaux usages rendus possibles par les technologies
numériques des GAFAMs, la plupart des entreprises voient l'émergence d'une nouvelle
concurrence sur leurs marchés traditionnels : dans le transport et le loisir, dans les services
financiers, dans les médias, dans l’énergie, dans la grande distribution, dans la santé ou dans
les télécommunications. Surfant sur cette vague numérique, des milliers de startups se
développent chaque année avec des usages et des modèles économiques qui pour certains
concurrencent les marchés des grandes entreprises en place. Régulièrement, on voit naître de
nouvelles startups qui dépassent une valorisation boursière d’un milliard de dollars quelques
années après leur création : on les appelle familièrement les licornes. En août 2015, le magazine
Fortune listait près de 140 licornes (Fortune.com, 2015) comme par exemple Dropbox, Xiaomi,
Snapchat, SpaceX, Pinterest ou BlaBlaCar. Certaines d’entre elles sont déjà devenues très
puissantes et peuvent un jour concurrencer les GAFAMs comme les NATUs : Netflix, AirbnB,
Tesla et Uber.
Outre les accès facilités au financement, ces nouvelles startups ont souvent bénéficié d’un
nouveau mode d’accompagnement : les accélérateurs de startups.
Un accélérateur est une forme particulière d’incubateur d’entreprises doté d’une masse critique
de ressources d’accompagnement (coaches, mentors, experts) et qui accompagne les startups
dans un programme de quatre à six mois pour valider leur modèle économique et bien souvent
les aider à lever des fonds pour financer leur croissance.
Selon la National Business Incubation Association (NBIA.org) qui fédère les structures
d’accompagnement aux Etats Unis, le nombre d'incubateurs/accélérateurs est passé de
quelques centaines début 2000 à plus de 7000 dans le monde en 2012. Ces accélérateurs sont
INTRODUCTION
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devenus incontournables dans le paysage de l’entrepreneuriat mondial. Les premiers
accélérateurs se sont développés aux Etats-Unis, le premier d’entre eux étant le « Y
Combinator » fondé en 2005 dans la « Silicon Valley ». La France n’est pas en reste avec la
multiplication d’incubateurs/accélérateurs avec à la fois des initiatives publiques (comme
Paris&Co le plus gros incubateur de startups européen à ce jour) et des initiatives privées
s’inspirant du modèle des accélérateurs américains (NUMA, The Family, …) dont certaines de
très grande envergure, comme « Station F » ouvert à Paris à l’automne 2017 qui vise
l’hébergement de plus de 3000 startups, ou bien « The Camp » près d'Aix Provence qui veut
devenir une référence mondiale dans le domaine de la ville intelligente.
La multiplication de ces structures d’accompagnement a d’ailleurs donné naissance à un
nouveau champ de recherche avec des premiers travaux autour de l’accompagnement
entrepreneurial principalement en France avec des auteurs comme Didier Chabaud, Karim
Messenghem et Sylvie Sammut à partir de 2010. (Chabaud D. & al, 2010b).
La pratique de l’entrepreneuriat issue du numérique a largement fait évoluer les approches pour
maximiser les chances de réussite d’une startup. De nouvelles méthodologies sont maintenant
très largement utilisées dans les accélérateurs de startups comme par exemple :
- Le « Design Thinking » qui met l’humain au centre de l’innovation : « Le design
thinking est une discipline qui utilise la sensibilité et les méthodes du designer pour
faire se rencontrer les besoins des gens avec ce qui est technologiquement faisable et
qu’une stratégie business viable puisse transformer en valeur pour le client et en
opportunité de marché. » (Brown T, 2008)
- Le « Lean Start Up » qui définit le nouveau rôle de la startup à la recherche d’un modèle
économique par itérations successives : «Une start-up est une organisation temporaire
conçue pour rechercher un modèle économique répétable et qu’on puisse faire croitre
en étant viable. » (Blank S., 2012, p.XV)
- Et le « Business Model Innovation » ou innovation par le modèle économique qui
devient un élément central pour inventer une nouvelle startup : « Un modèle
économique ou «Business Model» décrit les principes selon lesquels une organisation
crée, délivre et capture de la valeur.» (Osterwalder A. et Pigneur Y., 2010).
INTRODUCTION
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Ces nouveaux modes d’accompagnement entrepreneurial couplés à un accès facilité aux
investisseurs financiers ont donc permis l’émergence d’une multitude de nouvelles startups
avec une vitesse de croissance jamais vue auparavant.
Depuis dix ans, les grandes entreprises ont pris conscience de l’essor de ces startups qui les
concurrencent sur leurs marchés habituels. Elles ont donc cherché de nouvelles approches de
l’innovation pour contrer cette menace : les grandes entreprises ont multiplié les initiatives
pour collaborer ou se rapprocher du mode de fonctionnement des startups : programmes
de startups, «hackathons», accélérateurs de startups, intrapreneuriat, fablabs, …
Selon une étude de 500 Partners & Insead en 2017, 52 ,4% des 500 plus grosses entreprises
mondiales, dont 92% des entreprises françaises de ce classement, avaient au moins une initia-
tive de collaboration avec les startups en 2016.
Toutes ces initiatives consistent principalement à développer, interfacer, collaborer ou prendre
des prises de participations dans un nouvel écosystème de start-ups avec des objectifs divers et
variés : innover, changer la culture, atteindre de nouveaux marchés, être une plateforme de
veille ou résoudre un problème client. Elles ont la plupart du temps montré leur limite et
n’ont pas donné naissance aux relais de croissance économique espérés.
En effet, ces initiatives ne suffisent pas à changer l’inertie interne des grandes entreprises. Il
leur faut retrouver une culture entrepreneuriale comme le déclare Peter Drucker en 1985 : « Les
marchés d’aujourd’hui, surtout les plus gros, ne survivront tout simplement pas dans cette
période de changement et d’innovation rapide s’ils n’acquièrent pas les compétences
entrepreneuriales. »(Drucker P., 1985).
Une approche appelée intrapreneuriat a été mise en place dans certaines entreprises existantes
pour créer des initiatives entrepreneuriales au sein même de l’entreprise. Cette approche a été
largement étudiée dans les sciences de gestion depuis 1985 (Pinchot G., 1985).
Cependant, l’intrapreneuriat semble montrer ses limites. On note avec intérêt le point de vue
d’Alain Fayolle : « L’idée qui consiste à reproduire les attitudes et les comportements des
entrepreneurs innovants dans des entreprises matures apparaît donc, en théorie, comme une
manière efficace d’utiliser un antidote contre l’inertie et le manque d’innovation de ces
organisations. Mais, dans la pratique, les difficultés rencontrées par les entreprises qui tentent
INTRODUCTION
12
de développer ces comportements et attitudes en leur sein révèlent l’autre facette de ce
phénomène : l’existence de contradictions et de paradoxes liés à la combinaison problématique
de logiques antagonistes et conflictuelles. » (Fayolle A., 2003)
Depuis 2016, une nouvelle approche est en cours d’expérimentation par plusieurs grandes
entreprises : elle consiste à faire travailler des salariés des grands groupes sur des projets
innovants dans des accélérateurs de startups accompagnés par des coaches dans un modèle
aussi proche que possible de celui des startups. L’idée initiale est de combiner la puissance
technique et commerciale du grand groupe avec l’agilité de l’approche entrepreneuriale pour
maximiser les chances de succès d’une innovation. Les entreprises espèrent ainsi trouver de
nouveaux business significatifs mais aussi transformer leur mode de fonctionnement pour
mieux s’adapter à cette nouvelle économie du numérique.
Si ce modèle est en théorie proche de l’intrapreneuriat, il s’en distingue fondamentalement par
le fait que les salariés sont physiquement à l’extérieur de l’entreprise dans un accélérateur de
startups en appliquant les mêmes méthodes qu’un entrepreneur. Certaines entreprises ont
d’ailleurs choisi d’expérimenter cette nouvelle approche pour contourner les difficultés de
l’intrapreneuriat.
Nous appelons « excubation » le dispositif consistant à faire travailler un groupe de
salariés d’une entreprise existante au sein d'un accélérateur de startups externe pour une
durée limitée pour explorer une opportunité d’innovation.
Ce néologisme « excubation » est apparu pour la première fois dans des articles de presse en
2016 dans La Tribune (janvier 2016) et dans Les Echos.fr (décembre 2016).
Objet de la recherche
L’objectif de la thèse est d’analyser le phénomène d’excubation pour en tirer des réflexions
dans le but d'améliorer le management de l’innovation dans les grandes entreprises dans le
contexte de la concurrence grandissante des GAFAMs et des startups.
INTRODUCTION
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Problématique centrale
La problématique centrale est la suivante :
Dans quelle mesure les projets d'excubation peuvent améliorer le management de
l'innovation dans les grandes entreprises ?
Autour de cette problématique centrale se déclineront donc un ensemble de questions :
- Comment fonctionne l’excubation ? Avec quelles méthodes ?
- Quels sont les bénéfices et les limites de l’excubation ?
- Quel impact et quelles recommandations en termes de management de l’innovation et
de transformation des grandes entreprises ?
Intérêt de la recherche
Nos travaux s’inscrivent à la croisée des travaux récents relatifs à de nouvelles approches de
l’innovation : l’accompagnement entrepreneurial (Chabaud D. and al, 2010b), l’innovation
ouverte ou « open innovation » (Chesbrough H., 2003a), l’innovation disruptive (Christensen
C., 1997 et 2003) et l’ambidextrie des organisations (Tushman M. et O’Reilly III C., 1996 et
2004).
On peut y trouver un intérêt académique dans les domaines suivants de :
- L’accompagnement entrepreneurial.
Ce travail met en évidence le nouveau potentiel d'accompagnement entrepreneurial
que représentent les grandes entreprises pour les accélérateurs. Grâce à l’analyse
détaillée du dispositif d'excubation, on a pu détailler l'apport de l'accompagnement
et des méthodes entrepreneuriales dans le dispositif d’excubation.
INTRODUCTION
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- L’innovation ouverte ou « open innovation. Elle a été popularisée en 2003 par
Henry Chesbrough qui la définit ainsi : « Mise en une seule phrase, l’innovation
ouverte est l’utilisation à dessein de flux de connaissance vers l’interne et vers
l’externe pour accélérer l’innovation interne et accroitre les marchés par
l’utilisation externe de l’innovation » (Traduit de Chesbrough, 2003a).
On a pu ainsi situer l’excubation dans le champ de l’innovation ouverte.
- « l’innovation substantielle » : nous pensons qu’un des apports principaux de notre
recherche est de proposer des recommandations aux grandes entreprises pour faire
de l’innovation substantielle. Mark Dodgson définit « l’innovation substantielle
comme l’expansion des compétences ou des marchés de l’entreprise dans des
domaines nouveaux qui lui sont connexes » (Dodgson M., 2014). On s’est appuyé
en partie sur les travaux de Clayton Christensen (Christensen C., 1997) sur
l’innovation disruptive et nos propres travaux pour bâtir ces recommandations.
- l’ambidextrie organisationnelle : nous positionnons enfin l’excubation comme
une première phase réussie de l’ambidextrie organisationnelle telle que définie par
Tushman : « L’ambidextrie organisationnelle est la capacité de poursuivre
simultanément à la fois l’innovation incrémentale et l’innovation discontinue …
en hébergeant de multiples structures, processus et cultures contradictoires dans
la même société. » (Tushman M., 1996, p.24). L'excubation peut ainsi être
considérée comme une première réponse au dilemme de l’exploration-exploitation
(March J., 1991) qui est au cœur de toute notre recherche : «Le problème auquel
est confrontée une organisation est d’engager des moyens suffisants dans
l’exploitation pour s’assurer de sa viabilité actuelle et, en même temps, consacrer
assez d’énergie à l’exploration pour s’assurer de sa viabilité future. » (March J.,
1991, p.105).
INTRODUCTION
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Méthodologie de recherche
La recherche s’est focalisée sur le phénomène d’excubation en analysant plusieurs projets
récents ou en cours.
Ma posture était celle d’un praticien-chercheur (De Lavergne,C., 2007) dans de le cadre du
Doctorate in Business Administration (DBA) au sein de l’unité de recherche CORHIS de
l’Université Paul Valéry Montpellier 3 pendant trois ans. La recherche a suivi un mode de
recherche hypothético-inductif avec une boucle récursive induction - hypothèse - déduction.
C’est donc un processus itératif entre l’observation du terrain et les hypothèses de recherche
qui m’a permis de générer une production de connaissance scientifique.
La méthode qualitative m’a semblé la plus adaptée à l’observation d’un phénomène nouveau
tel que l’excubation. Pour l’interprétation des résultats, j’ai suivi les principes du
constructivisme par contingence générique en sciences de gestion (Savall et Zardet, 2004).
Le champ de recherche est le suivant :
- Les grandes entreprises privées de plus de 2000 salariés en France quel que soit leur
secteur d'activité.
- Les accélérateurs de startups en France.
- Les projets d’ « excubation » de salariés de grandes entreprises à l’intérieur de ces
accélérateurs de startups.
L’étude a porté sur :
- Quatre grandes entreprises françaises de 2 500 à plus de 100 000 salariés dans
différents secteurs d’activité ayant démarré au moins un projet d’excubation.
- Quatre accélérateurs français de différentes zones géographiques ayant accompagné
chacun plus d’une dizaine de projets d’excubation entre 2016 et 2017.
L’une des entreprises a fait l’objet d’une recherche-action. J’étais en effet salarié de cette
grande entreprise en charge de la mise en place et du suivi d’un dispositif d’excubation, ce qui
a permis de faire une étude détaillée de janvier 2017 à octobre 2017 mêlant observation,
INTRODUCTION
16
participation, analyse de documents et entretiens semi-directifs approfondis de tous les
participants.
Pour tous les autres terrains de recherche, j’ai procédé à des entretiens semi-directifs à
posteriori de juin à août 2017 de participants et d’accompagnateurs de projets d’excubation.
Cette recherche s’appuie donc principalement sur les données de seize entretiens qualitatifs
semi directifs, l’observation directe participante pour l’une des entreprises et l’analyse de
documents.
L’échantillon était constitué de 2 managers d’entreprise, 7 participants d’entreprise de profils
marketing ou technique et 7 accompagnateurs de projets des incubateurs.
Les données ont été traitées par une méthode consistant à sélectionner des phrases- témoin à
partir des notes exhaustives (Plane J.-M., 2000, p.127). Les phrases-témoins ont été
sélectionnées pour leur pertinence à représenter les performances ou les dysfonctionnements
exprimés par les acteurs. La recherche s’est ensuite principalement basée sur l’analyse de ces
phrases-témoins, au nombre d’environ 400. Ces phrases-témoins ou « verbatims » ont ensuite
été classées et regroupées en idées-clé génériques par traitement manuel avec l’aide d’un
tableur. C’est par le traitement de ces idées-clés que j’ai pu catégoriser les discours et les idées-
clés en thèmes et sous-thèmes (Plane J.-M., 2000).
INTRODUCTION
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Structure de la thèse
La thèse est structurée en deux grandes parties suivies d’une conclusion.
PARTIE 1 : MANAGEMENT DE L’INNOVATION DANS LES GRANDES
ENTREPRISES FACE A LA CONCURRENCE DES GAFAMs ET DES STARTUPS
Chapitre 1 : Fondements théoriques et pratiques de l’excubation
Section 1 : Fondements théoriques : Management de l’innovation
Section 2 : Fondements pratiques : Nouvelles pratiques entrepreneuriales
Chapitre 2 : Méthodologie de la recherche
Section 1 : Stratégie de recherche
Section 2 : Présentation du terrain et techniques de collecte des données
PARTIE 2 : RESULTATS DE LA RECHERCHE SUR PLUSIEURS CAS
D’« EXCUBATION »
Chapitre 3 : Résultats du terrain
Section 1 : Bénéfices et limites opérationnelles de l’excubation
Section 2 : Impact sur la transformation des entreprises et des salariés
Chapitre 4 : Discussion des résultats et perspectives
Section 1 : Positionnement de l’excubation dans les champs de l'accompagnement
entrepreneurial et de l'innovation ouverte
Section 2 : Vers un nouveau mode de management de l’innovation
CONCLUSION
Thèse doctorale en administration des affaires sur « l’excubation »
18
PARTIE 1 :
MANAGEMENT DE L’INNOVATION
DANS LES GRANDES ENTREPRISES
FACE A LA CONCURRENCE
DES GAFAMs ET DES STARTUPs
Thèse doctorale en administration des affaires sur « l’excubation »
19
Introduction à la partie 1
L’objet de cette première partie, intitulée «MANAGEMENT DE L’INNOVATION DANS LES
GRANDES ENTREPRISES FACE A LA CONCURRENCE DES GAFAMs ET DES
STARTUPS», est de décrire les fondements et la méthodologie de notre recherche.
Elle est divisée en deux grands chapitres.
Le chapitre 1 présente les fondements théoriques de notre recherche autour du management de
l’innovation et le contexte de notre thèse avec la nouvelle concurrence des startups issues du
numérique pour les grandes entreprises.
Le chapitre 2 expose la méthodologie de recherche, présente le terrain et le protocole de
recherche utilisé pour recueillir les données
Chapitre 1 : Fondements théoriques et pratiques de l’excubation
Section 1 : Fondements théoriques : Management de l’innovation
Section 2 : Fondements pratiques : GAFAMs, startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
Chapitre 2 : Méthodologie de la recherche
Section 1 : Stratégie de recherche
Section 2 : Présentation du terrain et techniques de collecte des données.
Thèse doctorale en administration des affaires sur « l’excubation »
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Chapitre 1 : Fondements théoriques et pratiques de l’excubation
Introduction au Chapitre 1
Ce chapitre a pour but de donner les fondements théoriques et pratiques dans lesquels nous
avons positionné le phénomène d’excubation que nous avons étudié.
Nous commençons par décrire, dans la section 1, le domaine de recherche du management
de l’innovation dans lequel s’ancrent nos travaux. Nous rappelons brièvement la nature de
l’innovation et sa définition historique, puis les différentes perspectives sur le management
de l’innovation qui se trouvent être à la croisée de nombreuses disciplines scientifiques et les
principales approches et définitions retenues.
Nous expliquons ensuite les concepts théoriques spécifiques sur lesquels nous avons ancré notre
problématique initiale : l’innovation disruptive, l’ambidextrie des organisations, l’innova-
tion ouverte ou « open innovation » et l’innovation par le modèle économique ou « busi-
ness model innovation ».
Puis nous détaillons, dans la section 2, les fondements pratiques de notre recherche, autour
des nouvelles approches entrepreneuriales mises en œuvre dans les grandes entreprises qui,
pour certaines, ont aussi donné naissance à de nouveaux champs de recherche.
Dans cette section 2, nous repositionnons notre sujet dans le cadre de la vague d’innovation
du numérique avec la concurrence grandissante des GAFAMs et des startups qui se mul-
tiplient. Nous regardons aussi comment et pourquoi les grands groupes travaillent aujourd’hui
avec les start-ups, puis nous décrivons trois phénomènes qui ont permis la multiplication de ces
start-ups : les accélérateurs de startups, l’accompagnement entrepreneurial, les nouvelles
méthodes entrepreneuriales de type « lean startup ». Enfin nous regardons une approche déjà
mise en place dans certaines grandes entreprises pour se rapprocher du mode de fonctionnement
des startups : l’intrapreneuriat.
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
21
Section 1 : Fondements théoriques : Management de l’innovation
Introduction à la Section 1
Le but de la section est de mettre en avant le corpus de la littérature académique principale sur
laquelle a été basée notre thèse.
Nous discutons dans le paragraphe 1.1, de la nature et définition générale de l’innovation
puis dans le paragraphe 1.2, des différents types d’innovation, ce qui nous permet de définir
une segmentation simplifiée pour notre recherche.
Nous expliquons dans le paragraphe 1.3, le management de l’innovation avec une définition
et son positionnement dans les sciences de gestion. Après avoir synthétisé les grands types
d'approche du management, nous regardons les principaux concepts académiques sur lesquels
s’ancrent nos travaux : l’innovation disruptive, l’ambidextrie organisationnelle, l'innovation
ouverte et l’innovation de « business model ».
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
22
1.1 Nature et définition générale de l’innovation
Traiter d’un sujet sur l’innovation en entreprise présente plusieurs défis pour le chercheur.
D’abord parce que l’innovation n’appartient pas à une seule discipline des sciences humaines
et sociales mais est au croisement de nombreuses disciplines : économie, sciences de gestion,
sociologie, sciences politiques, histoire, psychologie,…
Ensuite parce-que le domaine couvert par l’innovation ne se limite pas à l’entreprise mais est
une notion beaucoup plus large et qu’il n’y a pas de définition unique et qu’on peut l’interpréter
de nombreuses façons.
Nous prenons comme définition générale de l’innovation celle donnée par celui qui est reconnu
comme le père de l’innovation en sciences de gestion : Joseph Schumpeter. Schumpeter se
positionne sur un processus évolutionnaire du capitalisme avec des entrepreneurs qui portent
des innovations portées qui menacent la survie des entreprises qui ne s’adaptent pas. On parle
de destruction créative.
« L’économie capitaliste n’est pas et ne peut pas être stationnaire. Elle ne peut pas non plus se
développer de manière régulière. Elle est révolutionnée de manière incessante de l’intérieur
par de nouvelles entreprises, ç-est-à-dire par l’introduction de nouveaux produits ou de
nouvelles méthodes de production ou de nouvelles opportunités commerciales dans la structure
industrielle. » (Schumpeter J., 1934)
Ce n’est qu’en 1934, dans la réédition de son livre Théorie de l’évolution économique, qu’ est
utilisé pour la première fois le terme innovation. C’est cette définition globale du terme
innovation de Schumpeter que nous gardons :
« L’invention signifie concevoir une nouveauté. Alors que l’innovation est définie comme
l’introduction d’une invention dans un environnement social. Le marché est une forme
particulière d’environnement. » (Schumpeter J., 1934, théorie de l’évolution économique »)
Il s’agit bien là d’une fonction essentielle de l’entreprise, et l’innovation consiste à expliquer
comment l’entreprise ou l’entrepreneur va produire son invention, la valoriser, en faire le
marketing et la commercialiser sur le marché pour en générer un profit, et non pas de
comprendre quelle est l’invention elle-même et comment elle fonctionne d’un point de vue
technique.
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
23
Les notions d’entrepreneur et d’innovateur sont étroitement liées. Pour Schumpeter,
l’entrepreneur est celui qui transforme l’invention en innovation. Il doit faire preuve
« d’initiative, d’autorité, de prévisions. » (Schumpeter, 1911, p.108)
Le fait de lier innovation et entrepreneur est donc un élément important de la réussite.
D’autres auteurs, comme Peter Drucker, rejoignent cette même idée de lien étroit entre
entrepreneur et innovation.
« L’innovation est la fonction spécifique de l’entrepreneuriat, que çà soit dans une entreprise
existante, une institution de service publique ou une nouvelle activité lancée par un individu
seul dans la cuisine familiale. » (Drucker P., 1985)
L’entrepreneuriat a donné lieu à tout un pan très important de recherche en sciences de gestion
qui nous donne donc des clés pour étudier l’innovation. On comprend ainsi mieux pourquoi
entrepreneuriat et innovation sont souvent liés dans les recherches en sciences de gestion.
Une autre difficulté dans l’étude de l’innovation est le double-sens donné au mot innovation
qui désigne à la fois le résultat, à savoir le produit ou le service innovant, ou bien le
processus qui conduit à produire ces produits ou services innovants.
Pour éviter cette confusion, nous classons dans la suite de notre recherche tout ce qui est
processus pour produire une innovation dans la catégorie management de l’innovation que
nous traitons au paragraphe 1.3.
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
24
1.2 Diversité des types d’innovation
L’innovation en tant que résultat, est de nature très variée et peut être classée en différentes
catégories en fonction de l’adjectif qui lui est accolé et en fonction des vagues de recherche ou
de leur notoriété momentanée : innovation de produit, de procédés, incrémentale, radicale,
managériale, disruptive, ouverte. Nous avons essayé de synthétiser ci-dessous les principaux
concepts des chercheurs pour mieux positionner et analyser notre problématique de recherche.
Dès 1911, Schumpeter distingue cinq types d’innovation : les nouveaux produits, les nouveaux
procédés de fabrication, les nouvelles sources de matière, les nouveaux débouchés (nouveaux
marchés), et les nouvelles organisations marchandes.
En 1966, MW Evan crée une classification intéressante en distinguant l’innovation
technologique de l’innovation administrative. Dans l’innovation technologique, il distingue
l’innovation produit et l’innovation technologique de procédé, et dans l’innovation
administrative, l’innovation de service et l’innovation organisationnelle. (Evan M.W., 1966)
1.2.1 Innovation incrémentale et radicale
Une autre façon de caractériser l’innovation est par son degré d’innovation. Ce sont notamment
les travaux de Christopher Freeman (Freeman and al, 1988) qui ont fait entrer la distinction
entre les innovations incrémentales et innovations radicale dans le langage des sciences de
gestion et d’économie.
Nous retenons les deux définitions suivantes donnée par Boutillier S et Laperche B., dans leur
chapitre sur Christopher Freeman dans « Les grands auteurs en management de l’innovation et
de la créativité» (Burger-Helmmchen T. and al, 2016, p.43) :
« Les innovations incrémentales sont des innovations permanentes de petite ampleur. Elles
reposent largement sur le rôle des ingénieurs et des techniciens qui, par leur expérience directe
de la production, introduisent des améliorations que les chercheurs n’avaient pas envisagées. »
« Les innovations radicales contribuent à créer de nouveaux marchés qui alimentent la
croissance économique, tout en impliquant des changements structuraux et institutionnels
importants.» Elles sont étroitement liées au changement technoéconomique définis par
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
25
Freeman et Perez. » Or, selon eux, ces innovations radicales doivent se combiner avec des
innovations incrémentales
Pour bien comprendre l’innovation radicale, il faut donc se référer à la théorie des paradigmes
et des trajectoires technoéconomiques. Freeman n’est pas l’inventeur des trajectoires
technologiques, mais il a largement contribué à les populariser dans les années 1980-1990.
Perez et Freeman complètent l’idée de Schumpeter en mettant en avant la complémentarité des
innovations incrémentales en grappe autour d’une innovation radicale qui sont à l’origine de
cycles d’innovation.
« Le paradigme technoéconomique est ainsi défini comme l’ensemble des pratiques les plus
fructueuses et rentables en termes de choix des entrants, des méthodes et des technologies, et
en termes de structures organisationnelles et de stratégie. » (Perez C., 2010)
Ces nouveaux paradigmes technoéconomiques sont donc à l’origine de cycles d’innovation,
qu’on appelle, dans le langage courant, des révolutions technologiques. On en comprendra
mieux la signification en regardant, dans le tableau suivant, les cinq paradigmes
technoéconomiques qu’ils définissent entre la fin du XVIIIème siècle et la fin du XXème siècle.
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
26
Tableau 1 : Tableau des successions des paradigmes technoéconomiques
(source « Les grands auteurs en management de l’innovation et créativité »,2016 , éditions
EMS, p.47 selon Freeman 2008, p. 50 à 62 et p. 95 avec quelques ajustements)
Période Principales activités
motrices
Organisations des firmes et
rapport de concurrence /
coopération
Limite du
paradigme techno-
économique
1770-
1840 Textile (coton)
Sidérurgie
Entrepreneurs individuels
Petite échelle de de production
(moins de 100 salariés par
entreprise)
Capital local et richesse
individuelle
Faiblesse de l’échelle
de production
Insuffisance de la
force énergétique
1840-
1890 Machine à vapeur et
chemin de fer
Développement des usages
de la machine à vapeur :
chemin de fer, navigation,
mécanisation des
productions
Augmentation de la taille des
entreprises employant plusieurs
centaines de salariés
Augmentation de la taille des
marchés
Développement de l’actionnariat
Limites de l’énergie
de la vapeur en
termes de
productivité et
d’échelle de
production
Développement des
moyens de transport
grâce à la vapeur
1890 –
1940 Sidérurgie
Développement de l’énergie
électrique, de l’industrie
automobile, de l’aviation,
des télécommunications, de
la radio, etc
Emergence des monopoles et
des cartels
Rigidité de
l’industrie
sidérurgique
1940 -
1990 Développement de l’énergie
pétrolière et nucléaire, de
l’informatique, de la
microélectronique,
aéronautique.
Système fordiste de production
de masse
Concurrence oligopolistique
(marchés de grande taille avec
un petit nombre de vendeurs)
Internationalisation de la
production
Intégration verticale de la
production
Développement de la
consommation individuelle
Rigidité de la chaine
de montage fordiste
Augmentation des
coûts de l’énergie
Depuis
1990 Micro-informatique et
électronique
NTIC
Biotechnologies
Organisation flexible de la
production (production en
réseau et juste à temps)
Développement des marchés
financiers
Problème de
coordination des
différentes phases de
production
Coût de l’énergie et
des matières
premières
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
27
1.2.2 Cycles de vie de l’innovation technologique : modèle d’Abernathy et Utterback
A la fin des années 1970, Abernathy et Utterback proposent un nouveau modèle de
développement de l’innovation dans une industrie avec des phases séquentielles d’innovation
produit puis d’innovations de procédé.
« Le modèle d Abernathy et Utterback montre que la plupart des innovations de produit dans
une industrie surviennent dans l’étape initiale de leur développement, jusqu’à l’émergence d’un
design dominant. Après l’émergence de ce design dominant, le secteur bascule vers les
innovations de procédés. » (Roth F., 2016)
Ce modèle, familièrement appelé modèle A-U, va devenir un modèle explicatif de la diffusion
des innovations technologiques dans le temps. Plusieurs versions de ce modèle ont été publiées
Nous reproduisons ci-après une version classique A-U :
Figure 1 : Version classique du modèle d ’Abernathy et Utterback
(Source :Abernathy W. et Utterback J., 1978)
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
28
1.2.3 Innovation organisationnelle ou managériale
Toutefois, ce modèle AU, comme la classification d’innovation incrémentale/radicale de
Freeman, est très centré sur les changements technologiques faisant peu de place à l’innovation
des organisations. Le modèle AU ne traite pas non plus de la problématique de l’adoption des
innovations par les utilisateurs, par les clients qui est largement traitée par d’autres auteurs; les
plus influents dans le domaine étant sans doute ceux d’Everett Mitchell Rogers qui publie en
1962 un ouvrage mondialement connu «Diffusion of Innovation » (Rogers M, 1962) dont les
courbes de diffusion sont toujours utilisées à ce jour.
Le modèle AU ne parle pas non plus de l’adoption de ces innovations à l’intérieur de ces
entreprises, en particulier si elles nécessitent des changements organisationnels.
Dans une recherche très marquée par le déterminisme technologique (Pitsis T., 2012), Farobooz
Damanpour a été un des premiers chercheurs à intégrer dans ses travaux l’innovation
organisationnelle (Damanpour F. et Aravind D., 2012). Il s’attache à démontrer que
l’innovation organisationnelle, au même titre que l’innovation technologique, contribue à
l’efficacité et la compétitivité des entreprises. L'innovation organisationnelle est aussi appelée
innovation managériale.
On pourra ainsi positionner l’innovation organisationnelle par rapport aux autres typologies
d’innovation selon le schéma suivant :
Figure 2 : Innovation organisationnelle par rapport aux autres types d’innovations
(source : Edquist C. et al ,2001 de Dubouloz S., 2013, Thèse Doctorale)
L’autre apport de Damanpour est d’avoir apporté une vision intégrative de l’innovation
montrant que l'innovation produit, l'innovation de procédés et l'innovation managériale doivent
se faire de manière simultanée et non linéaire comme le montre la figure suivante :
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
29
Figure 3 : La vision intégrative des types d’innovation selon Damanpour
(source : Bocquet R. et Dubouloz S., « Les grands auteurs en management de
l’innovation et de la créativité », chap. XIII, p.277)
Gary Hamel va encore plus loin sur l'importance de l'innovation managériale et sur la nécessité
d'un changement radical du mode de management des entreprises. Nous gardons sa définition
de l’innovation managériale : « Nous définissions l'innovation managériale comme
l'invention et la mise en œuvre de pratiques, processus, structures ou techniques de
management qui sont nouvelles par rapport à l'état de l'art et qui ont pour intention de
poursuivre les objectifs de l'organisation. » (Traduit de Hamel.G. and al, 2008).
Pour Hamel, le management peut être considéré comme une technologie sociale qui n'a pas
changé depuis 150 ans. Il voit dès 1998 dans l'arrivée de l'internet un nouvel ordre qui va
bouleverser l'industrie : « The internet will change the relationship between consumers and
producers in ways more profound than you can yet imagine. The internet is not just another
marketing tool: it's not just another advertising medium. The internet is the foundation of a new
industrial order » (Hamel G. and Sampler J., 1998).
Il considère que ce modèle actuel du management très hiérarchique est devenu obsolète dans
un monde qui a été bouleversé par l'arrivée de l'internet et qu'il faut impérativement changer du
management actuel basé sur la bureaucratie (Hamel G. and Zanini M., 2018). Pour lui, cette
idéologie sous-jacente du management qui exerce son pouvoir par le contrôle en tout temps
empêche l'innovation, alors que toutes les recherches montrent qu'initiative, créativité et pas-
sion des salariés sont directement corréler à l'autonomie.
ANTECEDENTS
TYPE D’INNOVATIONS
PER
FOR
MA
NC
E
INNOVATION DE
PROCEDE
TECHNOLOGIQUE
INNOVATION
PRODUIT
INNOVATION
MANAGERIALE
INTERNE - Taille - Caractéristiques structurelles - Caractéristiques des leaders - Adoptions préalables
EXTERNE
- Caractéristiques
de
l’environnement
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
30
1.2.4 Degré d’innovation : l’innovation substantielle
Un autre facteur important qui conditionne la réussite d’une innovation est son degré
d’éloignement par rapport aux compétences existantes et aux marchés connus de l’entreprise.
Peu de travaux académiques semblent avoir traité ce sujet en détail. En observant la réalité du
terrain, nous ne pouvons pas nous contenter, des deux extrêmes proposés dans le modèle
d’Abernathy et Utterback où l’innovation radicale correspond à de grands changements de
paradigmes technico-économiques. Dans la réalité du terrain de l’innovation, les entreprises
vont chercher des innovations en dehors de leurs compétences ou marchés connus en gardant
un ancrage, soit sur des marchés partiellement connus, soit sur une technologie/compétence
partiellement connue. Pour Abnernathy et Utterback, ces innovations sont à classer dans les
innovations incrémentales qui ne font qu’améliorer ce qui existe dans le cadre de la vague de
changement technoéconomique en cours.
Nous nous référons donc à la typologie simplifiée plus fine proposée par Mark Dodgson en
2016 dans le « Oxford Handbook du management de l’innovation » avec trois degré principaux.
Le schéma proposé par Dodgson nous permet à la fois de bien définir l’innovation
substantielle comme l’expansion des compétences ou des marchés de l’entreprise dans des
domaines nouveaux qui lui sont connexes, tout en positionnant l’innovation incrémentale,
l’innovation radicale et l’innovation disruptive les unes par rapport aux autres.
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
31
Figure 4 : Portfolio simple d'innovation
(source : Dodgson M. and al, 2016, The Oxford Handbook of Innovation Management , p. 15)
Inconnu Options futures
Recherche de disruption
Adjacent Expansion des compétences et
des marchés dans des domaines nouveaux
et connexes
Efficacité opérationnelle
Existant Améliorations continues
Incrémentale Substantielle Radicale
Innovation
Ainsi, une entreprise devrait avancer sur un portefeuille d’innovations avec différents degrés
d’écart par rapport à ses compétences et ses marchés connus. « Les organisations qui se
focalisent entièrement à améliorer ce qu’elles savent faire encore mieux se retrouvent souvent
en concurrence avec de nouveaux entrants, aussi, une partie de leurs investissements dans leur
portfolio d’innovation devrait avoir pour but d’aider l’entreprise à se diversifier et développer
de nouveaux marchés en construisant sur et en développant plus loin leurs compétences
existantes. » (Dodgson M., 2016)
C’est ce dernier type d’innovation qu’il qualifie d’innovation substantielle, ce qui lui permet
de mettre en avant une nouvelle typologie de l’innovation avec trois degrés d’innovation :
l’innovation incrémentale, l’innovation substantielle et l’innovation radicale.
Nous nous basons donc sur cette classification pour positionner les innovations ciblées par les
projets d’excubation et faire nos recommandations managériales.
Ma
rch
és
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
32
1.2.5 Segmentation simplifiée retenue pour notre recherche
Pour notre étude, nous avons segmenté les innovations en tant que résultat en deux grands
types : l’innovation-produit et l’innovation de procédés dans son sens large, en utilisant
deux définitions récentes :
- l’innovation-produit, qui consiste à introduire de nouveaux produits ou services sur
un marché. C'est la partie visible de l'innovation par les clients et utilisateurs.
« L’innovation produit est l’exploitation réussie d’une idée qui apporte de la valeur au
client et un retour commercial à son créateur » (Beswick C. & Gallagher D., 2010)
- l’innovation de procédés qui consiste à introduire de nouveaux processus ou
nouvelles façon de travailler dans l’entreprise pour en améliorer les performances. Elle est en
général non visible des clients puisqu’il s’agit le plus souvent d’améliorations dans les tâches
et la façon de travailler des organisations.
« L’innovation de procédés est l’implémentation réussie d’idées créatives dans une
organisation. » (Amabile T.M., 1988)
Nous nous référons aussi à la typologie simplifiée de Mark Dodgson pour distinguer
l’innovation incrémentale, substantielle et radicale en gardant sa définition de l’innovation
substantielle. « L'innovation substantielle est l’expansion des compétences ou des marchés
de l’entreprise dans des domaines nouveaux qui lui sont connexes. » (Dodgson M., 2016)
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
33
1.3 Management de l’innovation
1.3.1 Entre une approche structurée et une approche non structurée
Le terme management de l’innovation fait débat en soi car il s’agit souvent de savoir si
l’innovation doit être « managée », c’est-à-dire structurée et organisée par un processus rigide,
ce qui risque de tuer les nouvelles idées prometteuses, ou s’il faut plutôt la laisser se développer
naturellement en recrutant les bonnes personnes par exemple.
Peter Drucker milite définitivement pour une approche structurée de l’innovation avec une
analyse systématique des sources d’innovation- il en cite sept principales - mais aussi pour une
mise en œuvre rigoureuse. Il conclut ainsi son article : «Par-dessus tout, l’innovation est le
résultat du travail plutôt que du génie …Dans l’innovation, comme dans d’autres tentatives, il
y a le talent, il y a l’ingéniosité et il y a la connaissance. Mais quand tout cela est fait, ce que
l’innovation requiert c’est un travail dur, focalisé et réfléchi. Si la diligence, la persévérance et
l’engagement manquent, le talent, l’ingéniosité et le savoir ne seront d’aucune aide. » (Drucker
P., 1985).
On pourra aussi classer dans cette approche structurée Joseph Schumpeter, Christopher
Freeman, Keith Pavitt ou WilliamsAbernathy et James Utterback.
Notre travail de recherche s'inscrit plutôt dans cette lignée de recherche du management
de l’innovation dans un processus structuré.
D’autres auteurs majeurs en management de l’innovation ont une vue radicalement
différente. On peut citer notamment Peter March. Il est avec Simon l’un des défenseurs de la
rationalité limitée (March J. et Simon H., 1958). Son œuvre est principalement dédiée au
changement organisationnel (March J., 1981). Sa théorie est que la capacité d’adaptation des
organisations dépend de la capacité à faire interagir des ilots de rationalité et d’irresponsabilité.
Il ne s’agit pas d’une stratégie délibérée : l’irresponsabilité se loge naturellement dans les
anomalies de l’organisation. Ces anomalies sont à la fois des marges de manœuvre, des actions
symboliques, l’ambiguïté ou les liens « lâches » entre les individus qui laissent de la place à la
prise d’initiative. Elles lui semblent indispensables dans l’exploration de l’innovation et il va
même jusqu’à faire une contribution sur la technologie de l’irresponsabilité.
« Pour garder les organisations ouvertes à l’exploration, il faut compléter leur fonctionnement
ordonné et rationnel par une dose de « désordre » et/ou de « poésie » question de permettre
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
34
aux individus d’explorer des comportements nouveaux pour lesquels ils n’ont pas encore de
justification rationnelle, sans être immédiatement rappelé à l’ordre. » (March J., extrait de
Lambert G., 1998).
Deux autres auteurs, Michel Callon et Bruno Latour, vont aussi avoir un fort retentissement
avec leur théorie connue sous le nom de la Théorie de l’acteur réseau qui a eu un impact
important en termes de nouvelle vision du management de l’innovation. Suite à leurs
nombreuses études de terrain, ils défendent la thèse que l’innovation ne passe pas par des phases
planifiables. Elle intègre des acteurs très nombreux, au-delà de l’entreprise, qui échangent et
négocient en permanence. (Callon M., 1994)
« L’innovation est un phénomène émergent au cours duquel se mettent progressivement en
place des agents, des savoirs et des biens qui étaient auparavant non connectés et qui sont pris
peu à peu dans un faisceau d’interdépendances…Mais ce qui caractérise l’innovation, c’est
qu’elle consiste également en une alchimie qui combine des ingrédients hétérogènes : elle
traverse les institutions tissant des relations compliquées et inattendues, jouant à la fois sur les
relations personnelles, sur le marché, sur le droit, sur la science et la technologie. » (Callon
M., 1999, p14)
1.3.2 Définition et positionnement du management de l’innovation dans la recherche
Comme l’écrit Didier Chabaud, le management de l’innovation ne se réfère pas à un seul champ
spécifique des sciences de gestion : « A bien des égards, le management de l'innovation en tant
que discipline reflète la structuration du champ des sciences de gestion. Ces dernières sont le
reflet de la synthèse…entre des praticiens réflexifs et les disciplines des sciences sociales qui
lui préexistaient. »(Chabaud and al, 2017, p.52)
Pour mieux expliquer ce qu’est le management de l’innovation, nous nous sommes appuyés sur
deux ouvrages de références :
« The Oxford Handbook of Innovation Management », (Dodgson M.,2014) et « Les grands
auteurs en management de l’innovation et créativité »,(Burger-Helmchen et al, 2016).
Ils décrivent le management de l’innovation comme un champ appliqué conduit par la pratique :
« L’étude du management de l’innovation est conduite par sa pratique. C’est un champ
appliqué. Il n’y a pas de théorie unifiée du management de l’innovation, tout comme il n’y a
pas de théorie unifiée de l’innovation. Il y a cependant diverses théories qui peuvent aider à
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
35
expliquer différents aspects du management de l’innovation comme processus social et
économique…Notre focus sur le management de l’innovation en tant qu’activité instrumentale
avec des objectifs nous conduit plutôt vers des théories dans le domaine de l’économie et du
management stratégique. » (Dodgson and al, 2016, « The Oxford Handbook of Innovation
Management », p.10)
On comprend donc qu'il n'y a pas de définition simple du management de l’innovation mais
plutôt un ensemble de thèmes et de théories qui touchent au management de l’innovation.
Nous retenons celle citée dans l’ouvrage « Les grands auteurs en management de l’innovation
et créativité» : « Même s’il n’existe pas de cadre unifié du management de l’innovation, tous
les auteurs… partagent un même objectif qui consiste à expliquer comment les ressources et
les compétences sont déployées et comment la valeur est créée par l’introduction de nouvelles
idées dans l’organisation et sur le marché. » (Burger-Helmchen T, 2016).
Du point de vue recherche, Dodgson M. and al proposent de classer le management de
l’innovation selon trois angles d’approche scientifique : l’économie évolutive, les capacités
dynamiques et le management de l’innovation. Nous reproduisons leur tableau ci-dessous.
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
36
Tableau 2 (traduit de l’anglais) – Angles d’approche du management de l’innovation
(Dodgson and al, 2016, « The Oxford Handbook of Innovation Management », p.11)
Economie évolutive Capacités dynamique Management de l’innovation
Créer de la diversité
Nouvelles entreprises,
technologies et business modèles
Rechercher de nouvelles
opportunités de marché
Créer, accéder et mobiliser les
ressources nécessaires pour
s’engager dans une activité pour
exploiter une opportunité
sélectionnée
Générer de nouvelles options
Chercher des opportunités
d’innovation : internes et externes
Capacité d’absorption
Sélectionner et éliminer
Décisions par les investisseurs, les
clients, les régulateurs, les
partenaires
Créer et capturer la valeur
Concevoir des modèles d’affaires
(business models) qui délivrent de
la valeur
Développer des capacités
spécifiques et générer du revenu
qui soutienne la rentabilité
Compléter l’activité avec des
organisations co-évoluantes
Sélection des innovations à
poursuivre
Evaluation par la stratégie/risque
et choix
Configurer et déployer
Ressources et capacités
Atouts complémentaires
Protéger brevets, établir les
clients, cout du changement Capturer la valeur
Produire des avantages
différentiant
Créer de la propriété intellectuelle
et des standards
Propager
Les innovations sélectionnées
Réinvestir pour créér plus de
variété
Adapter
Capacités à changer
l’environnement business
Bâtir les capacités
Pour tout le portfolio d’innovation
Apprendre
Améliorations dynamiques de
l’économie par la destruction
créative
Apprendre
Apprentissage de l’organisation
par la routine
Apprendre
Evaluer les retours et analyser la
performance
Nous avons choisi de positionner notre recherche en priorité sous l’angle opérationnel de
management de l’innovation, avec des apports secondaires dans le domaine des capacités
dynamiques des organisations.
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
37
1.3.3 Principaux processus de management de l’innovation
Mark Dodgson et David Gann, dans leur brève introduction à l’innovation (Dodgson M & Gann
D., 2010) retracent l’évolution historique des modèles d’innovation, qui permettent de classer
l’innovation en cinq approches opérationnelles principales de l’innovation :
- Le « science push » toujours très populaire dans la communauté scientifique. Ce
modèle est issu d’études d’après-guerre aux USA et montre l’importance d’investir dans
la recherche de manière massive pour trouver de nouvelles solutions à des problèmes
majeurs.
- Une deuxième tendance, qui donna naissance au « market pull », apparut dans les
années 50-60 mettant en avant l’importance de prendre en compte la demande du
marché comme principale source d’innovation.
- Dans les années 70, Abernathy et Utterback mirent en évidence que les types
d’innovation changeaient dans le temps ce qui donna naissance à la théorie de « product
life cycles ». Elle met en évidence une première phase d’investissement important dans
l’innovation de développement du produit, qui se réduit ensuite pour être remplacée par
de l’innovation sur les usages du produit et sur le processus du produit.
- Dans les années 80, les études sur le marché automobile, et en particulier sur l’efficacité
des constructeurs japonais en matière d’innovation, conduit au concept de « lean
production » qui permet une plus grande flexibilité dans les lignes d’assemblage par
rapport au modèle de production de masse issu du modèle d’Henry Ford. Le « lean
production » permet de fabriquer un plus grand nombre de produis différents en gardant
une collaboration étroite avec les fournisseurs en flux tendu pour minimiser les stocks
et avec un niveau d’exigence de qualité maximale.( exemple : Toyota)
- Enfin, dans les années 1990, Roy Rothwell (Rotwell R.,1994), introduit un cinquième
type d’approche de l’innovation une stratégie intégrée avec ses réseaux qui peut être
considéré comme l’un des fondateurs de la recherche sur l’innovation en tant que
processus. Il montre que les entreprises développent des stratégies d’innovation qui sont
hautement intégrées avec leur réseau de partenaires, y compris leurs clients principaux,
leurs utilisateurs exigeants. Il montre aussi que les nouveaux outils digitaux tels que la
conception assistée par ordinateur facilite ce design.
Dautres approches encore plus récentes sont apparues, comme l’innovation disruptive,
l’innovation ouverte (« open innovation ») et l’innovation par le modèle économique
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
38
(« business model innovation »), sur lesquelles nous avons principalement ancré notre
recherche. Il n’est pas impossible que la recherche ne crée encore de nouvelles approches pour
s’adapter aux nouvelles pratiques, comme l’excubation que nous allons étudier !
1.3.4 L’innovation disruptive
La théorie de l’innovation disruptive développée par Clayton Christensen dans les années
1990/2000 a eu un impact majeur après la sortie de son livre en 1997 « The Innovator’s
dilemna : When New Technologies Cause Great Firms to Fall ». Cette théorie a fortement
influencé toute une génération de leaders de l’industrie de la haute technologie. Steve Jobs,
fondateur d'Apple, aurait été fortement influencé par ce livre. (source : Allworth J.,
2011, « Steve Jobs solved the innovator’s dilemna »).
Ce nom d’innovation disruptive est tellement rentré dans le langage commun que cela a créé
beaucoup de confusion, alors qu’il s’agit d’un type d’innovation bien particulier.
Christensen oppose l’innovation disruptive à l’innovation continue, mais il explique bien qu’il
s’agit d’un processus continu très spécifique où de nouvelles technologies vont finalement
challenger et remplacer des leaders établis, encouragé par la décision rationnelle des managers
à servir les clients les plus profitables.
« L’innovation continue (« sustaining innovation » en anglais) vise les clients les plus
importants et exigeants avec de meilleures performances que ce qui existe. Certaines
innovations continues sont incrémentales…d’autres sont des découvertes capitales
(« breakthroughs » en anglais) ou des sauts importants par rapport à la compétition. »
« L’innovation disruptive, au contraire, ne cherche pas à apporter de meilleurs produits à
des clients existants sur des marchés existants. Elle va plutôt disrupter et redéfinir une
nouvelle trajectoire en introduisant de nouveaux produits et services qui ne sont pas aussi
bons que les produits existants. Mais les technologies disruptives offrent d’autres bénéfices-
typiquement en étant plus simples, plus faciles à utiliser et moins chères attirant des clients
nouveaux ou moins exigeants. » (Christensen, 2003, p.34)
Son premier livre de 1997 insiste sur la disruption amenée par de nouvelles technologies (par
exemple, l’industrie du PC personnel qui disrupte l’industrie des ordinateurs centraux). Son
deuxième livre de 2003, « The Innovator’s Solution : Creating and Sustaining Succesful
Growth.», montre que la disruption peut aussi entrer par une nouvelle approche business par le
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
39
bas cout avec l’exemple de l’industrie (avec l’exemple de Toyota qui rentre dans l’industrie
automobile par la voiture bas coût)
On comprend mieux la trajectoire de l’innovation disruptive par le schéma suivant :
Figure 5 : Le modèle de l’innovation disruptive
(source : traduit de Christensen C., Harvard Business Review, Dec 2015, p.49)
« Ce diagramme met en relief les trajectoires de performances des produits (lignes en rouge)
par rapport aux demandes des clients (courbes en bleu). Alors que les entreprises établies
introduisent des produits et services de meilleure qualité (ligne rouge en haut) pour satisfaire le
haut du marché (où la profitabilité est meilleure), ils dépassent les besoins des clients du bas du
marché et même du plus gros du marché. Cela laisse une porte d’entrée pour de nouveaux
entrants pour se positionner sur des segments moins profitables que les entreprises établies
négligent. Les nouveaux entrants ont une trajectoire disruptive (ligne rouge en bas) en
améliorant la performance de leur offre et montent peu à peu vers des segments de marché plus
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
40
exigeants avec plus de profitabilité et vont challenger la dominance des entreprises établies. »
(Christensen, 2015, p.49)
Christensen explique comment les décisions rationnelles prises par les managers en place pour
respecter les valeurs et la culture de la grande entreprise vont les amener à décider de ne pas
investir sur une innovation disruptive. Ceci explique pourquoi les entreprises établies
réussissent dans l’innovation continue et échouent dans l’innovation disruptive, alors que de
nouveaux entrants avec de faibles ressources vont finalement réussir sur des innovations
disruptives
En 2015, suite à l’usage massif de la théorie de l’innovation disruptive, il doit répondre aux
critiques de plus en plus en nombreuses, liées pour la plupart à une mauvaise compréhension
de ce qu’est l’innovation disruptive. Il fait donc un rappel des caractéristiques principales de
l’innovation disruptive que nous résumons ici :
« - La disruption prend sa source sur un marché bas de gamme ou inexistant,
- L’innovation disruptive ne touche pas les clients du gros du marché existant avant
que la qualité de leurs produits n’atteigne le standard requis,
- La disruption est un processus avec une évolution du produit ou service,
- Les entreprises qui font la disruption construisent la plupart du temps des business
models très différents de ceux des entreprises établies. » (Christensen C., 2015)
Comme le dit Christensen, l’usage massif incompris du terme innovation disruptive peut finir
par miner l’utilité de cette théorie.
« Le problème de faire l’amalgame de l’innovation disruptive avec toute innovation
substantielle qui change les modèles de compétition est que différents types d’innovation
nécessitent différents types d’innovation. » (Christensen, 2015, p.46).
Donc, même si Christensen a bien été l’un des points de départ de notre réflexion sur la nouvelle
concurrence des GAFAMs et des start-ups pour les grandes entreprises, il ne peut donc en être
l’unique réponse pour y faire face car toutes ces startups ne sont pas en train de « disrupter »
les grandes entreprises même si elles les concurrencent.
Christensen est d'ailleurs très conscient que le cas de l’innovation disruptive reste trop rare pour
en faire un processus : « Les innovations disruptive arrivent trop irrégulièrement si bien
qu’aucune entreprise a un processus éprouvé pour les gérer. » (Christensen C.,2003 ,p.190)
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
41
De notre point de vue, les grandes entreprises sont plus souvent appelées à faire face à la
concurrence par de l’innovation substantielle d'une startup qu'à de l’innovation disruptive. C’est
dans ce cadre beaucoup plus large que nous positionnons donc notre recherche, mais en nous
posant les mêmes questions que Christensen : comment les grandes entreprises peuvent elles
s’adapter pour faire face à cette concurrence grandissante ?
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
42
1.3 .5 L’ambidextrie organisationnelle
La question fondamentale à laquelle essaie de répondre l’ambidextrie organisationnelle est
comment les organisations survivent face au changement. Cette question a amené de
nombreuses théories dans les différentes disciplines comme l’avantage compétitif
(« Competitive Strategy », Porter M., 1980), l’entreprise vue selon les ressources (« The
Resource-Based Model of the Firm», Barney, 1991), ou les capacités dynamiques (Teece D. and
al, 1997).
L’origine de l'ambidextrie des organisations peut être attribuée à March J. (1991) mais aussi à
Tushman N. et O’Reilly III C. (1996). Elle est dans la continuité du concept d’exploration-
exploitation introduite par Duncan dès 1976.
« L’exploitation concerne l’efficacité, accroitre la productivité, le contrôle, la prévisbilité et
la réduction des changements. L’exploration concerne la recherche, la découverte,
l’autonomie, l’innovation et adopter les changements. » (Tushman N., 2008, p.189)
Selon March, cette tension entre exploitation et exploration est très difficile à gérer et va le plus
souvent conduire les managers à choisir l’exploitation poussée par le biais court-terme de la
demande des clients et la visibilité sur la profitabilité.
« L'exploitation comprend des choses telles que le raffinement, le choix, la production,
l'efficacité, la sélection, la mise en œuvre, l'exécution. L'exploration inclut des choses capturées
par des termes tels que la recherche, la variation, la prise de risque, l'expérimentation, le jeu,
la flexibilité, la découverte, l'innovation. » (March J., 1991).
Pour l'ambidextrie organisationnelle, nous gardons la définition de Tushman de 1996 :
« L’ambidextrie organisationnelle est la capacité de poursuivre simultanément à la fois
l’innovation incrémentale et l’innovation discontinue…en hébergeant de multiples
structures, processus et cultures contradictoires dans la même société. » (Tushman N., 1996,
p.24)
Selon Tushman, il faut que la recherche continue dans la direction initiale de la problématique
de March d’exploration-exploitation: « Le problème de base auquel est confronté une
organisation est de s’engager avec des moyens suffisants pour assurer son exploitation et sa
viabilité présente, et, en même temps, de déployer assez d’énergie pour assurer sa viabilité
future. » (March J., 1991, p.105) et non d’en faire un terme fourre-tout pour traiter des sujets
organisationnels. (Tushman N., 2013)
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
43
Tushman et O’Reilly publient en 2008 un papier au titre évocateur « L’ambidextrie comme une
capacité dynamique : La solution au dilemme de l’innovateur. » (Tushman N. & O’Reilly III C.,
2008)
Ils remettent en avant le débat sur la capacité d’adaptation et de survie des organisations face
au changement, entre essayant de réconcilier deux théories apparemment opposées : l’une
montrant que la plupart des entreprises ont une grande inertie et finiront par échouer dans un
monde qui change, c’est le cas par exemple de la conclusion du dilemme de l’innovateur de
Christensen qui montre que les entreprises établies ne peuvent pas s’adapter face à l’innovation
disruptive ; l’autre mettant en avant que certaines entreprises sont capables d’apprendre et de
s’adapter face à des environnements changeants. O'Reilly et Tushman réconcilient une
approche purement séquentielle de l’organisation ambidextre avec une capacité dynamique à
s’adapter qui doit être conduite au plus haut niveau de l’organisation.
Les capacités dynamiques représentent « la capacité de l’entreprise à intégrer, construire et
reconfigurer les compétences internes et externes pour s’adapter rapidement aux
environnements changeants.» (Traduit de Teece, 1997, p. 516).
« Les gagnants sur le marché ont été les entreprises qui ont su démontré une réponse au bon
moment et une innovation produit flexible et rapide, couplée avec la capacité du management
de coordonner efficacement et de déployer les compétences internes et externes » (Teece et
al, 1997, p .515).
Selon Tushman (Tushman, 1997), ces nouvelles capacités sont clairement le résultat des actions
de l’équipe dirigeante de s’assurer de l’apprentissage et l’intégration des nouvelles approches
et, lorsque cela est nécessaire, de reconfigurer et transformer l’entreprise. Tushman et O’Reilly
mettent en avant trois capacités majeures à déployer pour les dirigeants :
1. Percevoir les opportunités et les menaces : il s’agit de mettre en place des outils
d’intelligence concurrentielle, de suivi des changements technologiques et de participer
à des forums pour échanger sur les nouvelles opportunités.
2. Jauger ces opportunités : il s’agit de prendre les bonnes décisions dans les choix et de
les exécuter.
3. Reconfigurer : il s’agit de réallouer les ressources des activités matures et en déclin
vers les opportunités émergentes.
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
44
1.3.6 L’innovation ouverte ou « open innovation »
Peu de théories sur l’innovation sont passées aussi rapidement du domaine académique au
monde des entreprises, à tel point que nous avons hésité s’il fallait classer cette approche dans
le domaine académique ou dans les fondements pratiques de notre thèse ! Popularisé en 2003
par Henry Chesbrough par son livre «Open Innovation », l’innovation ouverte ou « open
innovation » est devenue un des nouveaux mots à la mode de l’innovation dans les entreprises
devançant en popularité l’innovation disruptive et l’innovation par le business model, termes
aussi très en vogue. Cela n’a, sans doute, pas aidé à clarifier la notion mise derrière ce terme
par les industriels.
En y regardant de plus près, Henry Chesbrough part de la même problématique que Clayton
Christensen dans l’innovation disruptive : pourquoi les entreprises établies n’arrivent elles
pas à générer les relais de croissance qu’elles pourraient avoir grâce aux nouvelles
technologies ?
Ses travaux initiaux sont basés sur son étude très détaillé du cas de l’entreprise Xerox
(Chesbrough H., 1998), leader mondial des photocopieurs, dont le succès initial en 1959 fut
basé sur l’exploitation d’un brevet permettant la photocopie de documents sur un papier
ordinaire.
Il met en avant le refus des grands leaders mondiaux alors en place dans la photocopie (IBM,
Kodak et General Electric) de travailler avec Xerox car ils refusaient tous de changer de modèle
économique (« business model ») qui étaient, à l’époque, basé sur la vente d’un papier de
photocopie spécial à prix élevé et assurait l’essentiel de leur profitabilité alors que leur
photocopieur était vendu bon marché avec une marge faible.
Mais les enseignements tirés sur le cas Xerox ne s’arrêtent pas là, car il continue à suivre de
manière détaillé le cas Xerox. Devenu leader mondial de l’industrie du photocopieur et très
puissant, Xerox va lancer au début des années 1970 un centre de recherche appelé PARC (Palo
Alto Research Center) devenu célèbre pour ses inventions extraordinaires dans le domaine du
numérique : l’interface graphique, la souris,…Or, Xerox n’arrivera à exploiter aucune de ses
grandes inventions. L’histoire est maintenant devenue célèbre de comment Steve Jobs visita le
centre de recherche PARC en 1979 et découvrit ainsi toutes les nouvelles technologies qui
furent à la base du développement de l’ancêtre du Macintosh en licenciant ses technologies et
en débauchant certains scientifiques de PARC.
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
45
Chesbrough va s’intéresser en particulier aux entreprises nées des projets abandonnées par
Xerox : 3Com, Adobe ou encore Synoptics qui devinrent de réels succès commerciaux.
Chesbrough va mettre à nouveau l’accent sur le « business model » de ces startups qui étaient
incompatibles avec les « business models » de Xerox et que ne permirent donc pas à Xerox de
profiter des relais croissances grâce aux nouvelles technologies qu’elle avait inventé avec
PARC. (Chesbrough H. et Rosenbloom R., 2002).
Comprendre et imaginer comment une organisation pourrait bénéficier de l’exploitation
de projets en décalage avec les priorités stratégiques d’une entreprise est une des questions
qui guide toute la réflexion de Chesbrough. Il va regarder cette problématique selon
différents angles : l’angle organisationnel dans l’esprit des travaux de Teece (Teece D., 1986),
l’angle de changement de business model (Chesbrough H. ,2010), l’angle création de
startups (Chesbrough H., 2000) et l’angle des droits de propriété intellectuelle (Chesbrough
H., 2003b).
Son ouvrage de 2003 sur l’innovation ouverte est sans doute une bonne synthèse de sa réponse
à ces questions en proposant une nouvelle approche de l’innovation, par son schéma sur
l’innovation ouverte devenu depuis mondialement célèbre :
Figure 6 : Modèle de l'innovation ouverte (source : Chesbrough H., 2003a)
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
46
Comme l’indique ce schéma, l’entreprise doit être capable de sortir du processus interne
d’innovation sur certains types de projets qui l’éloignent de son cœur métier.
En cas de développement de technologies nouvelles en dehors de son cœur métier, Chesbrough
encourage l’entreprise à tenter de les valoriser en cherchant des débouchés. Elle pourra chercher
à vendre ou licencier ses brevets. Elle peut essaimer par la création de start-ups externes, ou
faire une spin-off en soutenant un porteur de projet de création d’entreprise par une participation
au capital, ou s’associer à un écosystème externe intéressé.
Chesbrough parle dans ce cas d’innovation « Inside-out » (de l’intérieur vers l’extérieur).
Le schéma montre, par ailleurs, l’intérêt à faire rentrer des idées et connaissances venues de
l’extérieur dans le processus d’innovation de l’extérieur. On pourra, par exemple, avoir intérêt
à passer des alliances avec des acteurs externes, faire l’acquisition de startups, acheter des
licences d’exploitation sur des brevets.
Chesbrough parle alors d’innovation « Outside-In » (de l’extérieur vers l’intérieur)
Si l’engouement à la fois académique et dans l’industrie pour l’innovation ouverte a amené son
lot de confusions et de critiques sur l’opportunisme de Chesbrough, ses apports restent
particulièrement intéressants dans le cadre de notre étude sur l’excubation.
Car si tous les industriels ont retenu l’importance de l’ouverture et de l’innovation collaborative
dans un monde de plus en plus compétitif, nous retenons comme Loilier et Tellier, que
Chesbrough a surtout mis en avant le véritable défi que représente pour les entreprises
établies de changer de business model.
« Alors que les entreprises peuvent consacrer de nombreux investissements et moyens à
l’exploration de nouvelles idées et technologies, elles ont souvent peu ou pas de capacité à
renouveler les modèles d’affaires qui permettront de les exploiter…En somme, l’innovation du
modèle d’affaires est d’une importance capitale, mais reste pourtant très difficile à réaliser.
Les obstacles au changement de modèles d’affaire sont réels, et les outils disponibles comme
les canevas sont assez peu utiles. Les processus organisationnels doivent également être
modifiés (et ils ne sont pas cartographiés par ces outils).» (Traduit par Loilier T. et Tellier A.,
2016 de Chesbrough H., 2010a, p. 354 et 362)
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
47
1.3.7 L’innovation par le modèle économique ou « Business Model Innovation » (BMI)
Tout comme le concept d’innovation ouverte, l’innovation par le modèle économique ou
« business model innovation » s’est largement répandu dans le monde des startups et des
entreprises en particulier grâce au livre « Business Model Generation » publié en 2010 par
Alexander Osterwalder et Yves Pigneur. Ils apportent principalement un cadre aussi appelé
canevas qui permet de décrire, créer, ou reconfigurer des modèles d’affaire ou « business
model » avec un cadre très simple appelé le « Business Model Canvas » ou canevas du modèle
d’affaires composé de neuf blocs simples. (Osterwalder A. et Pigneur Y., 2010)
Nous retenons d’ailleurs leur définition du modèle économique qui est assez large et
consensuelle :
« Un modèle économique ou « Business Model » décrit les principes selon lesquels une
organisation crée, délivre et capture de la valeur» (Osterwalder A. et Pigneur Y., 2010).
Si ce livre a bien été écrit par des chercheurs sur la base des travaux d’Osterwalder dans la cadre
de sa thèse en informatique de gestion sous la direction d’Yves Pigneur (Osterwalder A., 2004).
Ce livre de 2010 se revendique clairement comme un livre pratique conçu en collaboration avec
une équipe de 475 praticiens en vue d’une mise en œuvre par des praticiens qui s’est depuis
généralisé.
Figure 7: “The Business Model Canvas” (source : Osterwalder A. et Pigneur Y., 2010)
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
48
Il est aussi indéniable que la diffusion et la notoriété de cette méthode ont été portées par Steve
Blank (Blank S., 2012) puis par son élève Eric Ries au travers de leur mouvement « lean
startup » (Ries E., 2011), qui s’est répandu et généralisé dans le monde des startups du digital
et dans lequel le business model est un élément central.
Stetve Blank va ainsi promouvoir une toute nouvelle façon de comprendre ce qu’est une start-
up et ce qu’est une entreprise, coupant ainsi avec la vision centenaire d’une start-up comme une
entreprise en plus petit qu’il faut financer mais une organisation à la recherche d'un modèle
économique pérenne.
« Une startup n'est pas une version réduite d'une grande entreprise. Une startup est une
organisation temporaire utilisée pour rechercher un modèle économique pérenne et capable
d’expansion. Au début, le modèle économique de la startup est un canevas avec des idées et
des hypothèses, mais elle n'a pas de clients et une connaissance réduite de ceux-ci. » (Blank S.,
2012, p. XVII)
Le concept de modèle économique ou « business model » ou BM est donc central dans cette
nouvelle compréhension des startups et largement utilisé dans tous les accélérateur. Le modèle
économique n'en est pas moins une notion très ancienne dans des sciences de gestion. On peut
sans doute dater sa première utilisation comme un modèle d’innovation à 1998, par Pasternack
B. & Viscio A., qui l’utilisent pour modéliser le fonctionnement d’une entreprise fictive « the
Centerless Corporation ».
Figure 8 - The Centerless Corporation (source : Pasternack B. & Viscio A., 1998)
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
49
On sort pour la première fois des modèles très centrés sur les ressources et la stratégie prônés
jusqu’alors, notamment par Michael Porter. On note que cette approche fait aussi l’objet de
critiques. En 2001, Porter qualifie ce concept de flou, superficiel et théoriquement difficile à
appréhender, alors que Magretta précise que l’erreur courant du modèle économique est de les
considérer comme étant une stratégie : « La modélisation économique est l’équivalent d’une
méthode scientifique – dans laquelle tu pars avec une hypothèse, que tu peux tester sur le
terrain et réviser quand il le faut. » (Traduit de Magretta J., 2002).
Nous retraçons ci-après la portée académique du modèle en résumant le chapitre « Business
Model Innovation » du « Oxford Handbook of Innovation Management » (Massa L. et Tucci C.,
2014.
Résumé du chapitre de L. Massa et C. Tucci, 2014, « Business Model Innovation » :
« Du point de vue académique, Teece (Teece D., 2010) note que les Business Modesl (BMs)
ont été une partie intégrale du comportement économique depuis les temps préclassiques. Ils
répondent aux questions très anciennes de Peter Drucker : (1) qui est le client ? (2) qu’est-ce
que le client valorise ? (3) comment fait-on de l’argent avec ce business ? (4) quelle est la
logique économique explicative pour délivrer la valeur au client à un cout approprié ?
C’est l’émergence de nouvelles logiques économiques pour faire du business qui a popularisé
la notion de Business Model. Plusieurs académiques sont en accord sur le fait que l’internet et
ses avancées dans le domaine des technologies de l’information ont agi comme des catalyseurs
pour l’expérimentation et l’innovation de BM, ouvrant de nouveaux horizons inconnus jusqu’à
présent.
Le Business Model (BM) est devenu un élément d’analyse d’une importance considérable ces
quinze dernières années dans les études sur l’innovation. Un consensus est en train d’émerger
que le BM a un rôle pour développer l’innovation dans deux directions. Premièrement, pour
aider les managers et entrepreneurs à trouver un marché pour leurs produits ou leurs
technologies. Deuxièmement, le BM peut être une source d’innovation en soi : on peut ainsi
trouver une nouvelle forme distincte des formes traditionnelles d’innovation comme le sont
l’innovation-produit, l’innovation de procédés ou l’innovation organisationnelle : l’innovation
par le modèle économique.
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
50
Ces nouveaux outils offrent ainsi un langage commun pour échanger, une représentation simple
graphique du BM qui permet de l’expérimenter virtuellement et pour les entrepreneurs
d’articuler plus facilement le discours sur le BM de leur startup.
Mais le challenge associés à l’innovation par le BM va au-delà de la complexité de la réflexion
et de l’exploration. Bien que l’innovation par le BM ait le potentiel d’une croissance
transformationnelle et exponentielle, elle est à haut risque car elle peut nécessiter de
transformer toute la configuration d’un business. Un des challenges critiques est que les
managers sachent identifier quand un nouveau BM est nécessaire. Une fois ces opportunités
identifiées, les managers dans les entreprises établies peuvent être confrontés à des problèmes
relatifs à la gestion simultanée de plusieurs types de BM (Markides and Oyon, 2010) . Ces
stratégies hybrides nécessitent que l’organisation devienne plus ambidextre. » (Traduit et
résumé de Massa L. et Tucci. C., 2014).
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
51
Conclusion Section 1
Nous avons vu la définition générale de l’innovation, en retenant celle de 1934 de Joseph
Schumpeter très liée à l’entrepreneur puis passé en revue différents types d’innovation : de
produit, de procédés, incrémentale, radicale, managériale ou organisationnelle.
Nous avons aussi introduit la notion d’innovation substantielle selon Dodgson M.
Nous avons rappelé le débat sur l’innovation entre une approche structurée (Schumpeter J.,
Freeman C., Abernathy W. et Utterback J.) ou une approche déstructurée (March J. et Simon
H.) et positionner notre recherche dans une démarche, à priori, structurée.
Nous avons ensuite montré que le management de l’innovation ne se réfère pas à un seul
champ spécifique des sciences de gestion (Chabaud D., 2017) et que c’est un champ appli-
qué conduit par la pratique.
Le management de l'innovation peut être classé selon trois angles d’approche scientifique :
l’économie évolutive, les capacités dynamiques et le management de l’innovation.
(Dodgson M. and al, 2016) . Les approches opérationnelles historiques du management
l’innovation ont été nombreuses avec : le « science push», le «market pull», la théorie de
«product life cycles», le concept de « lean production » et l’innovation intégrée avec ses réseaux
Nous avons ensuite examiné plus en détail les modèles de management de l’innovation sur
lesquels s’ancrent notre recherche :
- L’innovation disruptive (Christensen C., 1997) :
Nous retenons surtout des travaux de Christensen, qu’une grosse partie de l’échec face
à l’innovation disruptive est, selon lui, lié à l’organisation, au processus, aux
valeurs et à la culture de la grande entreprise.
- L’ ambidextrie des organisations :
Sa mise en œuvre reste complexe et Tushman le voit plus comme une tâche de
leadership au plus haut niveau plus que la mise en place d’une structure et d’un
processus.
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
52
- L’innovation ouverte ou « open innovation » :
En 2003 par Henry Chesbrough montre que l’entreprise doit être capable de sortir du
processus interne d’innovation sur certains types de projets qui l’éloignent de son cœur
métier. Nous notons aussi que Chesbrough a surtout mis en avant le véritable défi
que représente pour les entreprises établies de changer de business model.
- L’innovation par le modèle économique ou « Business Model Innovation »
Cette approche a permis de développer de nouveaux outils de modélisation peuvent
aider les managers et entrepreneurs à trouver un marché, mais ils peuvent aussi devenir
une source d’innovation en soi.
Le Business Model s’est largement répandu dans le monde des startups, notamment
par le mouvement « lean startup » d’Eric Ries et Steve Blank et fait partie
intégrante des méthodes utilisées dans les projets d’excubation.
Thèse doctorale en administration des affaires sur « l’excubation »
53
Section 2 : Fondements pratiques : startups et nouvelles pratiques
entrepreneuriales
Introduction Section 2
Le but de la section est d’expliquer le contexte économique, industriel et concurrentiel dans
lequel évoluent les grandes entreprises en 2016, et les nouveaux défis auxquels elles sont
confrontées en matière d’innovation.
Dans le paragraphe 2.1, nous expliquons la nouvelle vague d’innovation issue du numé-
rique avec la concurrence grandissante des GAFAMs et des nouvelles startups qui se mul-
tiplient.
Dans le paragraphe 2.2, nous regardons plus spécifiquement les nouvelles approches de l’ac-
compagnement entrepreneurial avec l’explosion des accélérateurs de startups.
Dans le paragraphe 2.3, nous décrivons les nouvelles méthodes entrepreneuriales telles que
le « design thinking » et « lean start-up »
Enfin, dans le paragraphe 2.4, nous montrons que, pour faire face à cette concurrence gran-
dissante, les nouvelles initiatives de type start-ups/grands groupes se sont multipliées ces
dernières années.
Nous détaillons plus particulièrement, en 2.5, une des approches proche de l’excubation déjà
mise en place dans les grandes entreprises depuis de nombreuses années, l’intrapreneuriat.
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
54
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
55
2.1 Révolution numérique, GAFAMs et startups
2.1.1 Révolution numérique ou la nouvelle ère du digital
En nous plaçant dans une logique de grands cycles d’innovation technologique de Schumpeter,
autour de laquelle se développent « des innovations en grappe », nous pouvons définir l’ère du
numérique (ou ère du digital) comme l’un de ces grands cycles d’innovation industrielle.
On peut situer le début de l’ère numérique à 1958 avec l’invention du circuit intégré
A partir de là, ce sont développées plusieurs grandes vagues d’innovation successives :
- Dans les années 1970, le développement de l’informatique (réservé aux entreprises)
- Dans les années 1980, le développement des ordinateurs personnels et l’apparition
d’internet
- Dans les années 1990, l’explosion d’internet et de ses usages
- Dans les années 2000, l’apparition du smartphone qui permet à tout un chacun
d’accéder à de multiples applications logicielles et d’être connecté au réseau
mondial d’internet
Ces vagues d’innovation ont favorisé, en à peine 30 ans, l’apparition de nouveaux géants de
l’industrie numérique qui ont détrôné les anciens poids lourds de l’industrie
traditionnelle.
2.1.2 Les GAFAMs
Les cinq entreprises les plus valorisées au monde sont toutes issues de cette nouvelle vague
numérique et s’appellent Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft. Elles sont désignées
par l’acronyme GAFAMs (ou GAFAs lorsqu’on n’inclut pas Microsoft).
Pour la première fois, une entreprise, Apple, a dépassé les mille milliards de dollars de
valorisation en bourse le 02 Août 2018.
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
56
Tableau 3 : Valorisation des GAFAMs au 03 Août 2018 (source :Leparisien.fr, 2018)
Rang mondial
Nom Année Création
Valorisation boursière
Activité historique
1 APPLE 1976 1001 mil-liards $
Créée dans le garage familial de Steve Jobs, révélée grâce aux ordinateurs, Apple prend de plus en plus d’envergure à partir de 2007 et la sortie de son produit phare : l’iPhone
2 AMAZON 1994 894 milliards $
Amazon était originellement une librairie en ligne avant de devenir, petit à petit, la plateforme majeure de la vente en ligne. Employant plus de 500 000 personnes, elle est aujourd’hui une entreprise de technolo-gie à part entière qui investit dans des ser-vices extrêmement divers
3 GOOGLE (maintenant ALPHABET
inc)
1998 857 milliards $
Alphabet abrite des entreprises dans les domaines de la domotique, de la biotech-nologie ou de l’investissement. La plus grosse reste évidemment le moteur de re-cherche le plus utilisé du monde, Google, créé en 1998, et tous ses services (Chrome, Mail, AdSense, Earth, YouTube, etc.).
4 MICROSOFT 1975 825 milliards $
Logiciels, téléphones, tablettes, jeux vidéo : depuis sa création en 1975 par Bill Gates, Microsoft est devenu un géant de l’empire de l’informatique. En 1999, Microsoft bat le record de la plus grande capitalisation boursière en dépassant les 600 milliards de dollars. Un record qui ne tombe que douze ans plus tard, au profit d’Apple.
5 FACEBOOK 2004 509 milliards $
Facebook, le réseau social, créé par Mark Zuckerberg reste l’une des entreprises les plus puissantes du monde avec plus de 2,27 milliards d’utilisateurs
TOTAL GAFAM 4086 mil-liards $
On note que ces empires se sont développés sur deux phases. L’une à partir de 1975 avec l’ar-
rivée de l’informatique grand public, puis une deuxième vague avec les nouveaux usages de
l’internet à partir de 1994.
Cette puissance financière des GAFAMs leur donne une puissance d’investissement en R&D
qui dépasse de très loin toutes les autres industries comme on le comprendra dans la figure
suivante.
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
57
Figure 9 : Premières sociétés américaines en dépenses R&D en milliard de dollars en 2017
(source : FrenchWeb.fr, 2018)
Cette capacité de R&D, alliée à la capacité d’innovation de leurs équipes, leur permet ainsi de
s’adresser à de nouveaux marchés qui pourraient complètement transformer certaines industries
établies comme le montre très bien ce tableau d’une étude de Fabernovel de 2014 :
Figure 10 : Nouveaux marchés innovants des GAFAMs
(source : Fabernovel, GAFAnomics, October 2014)
Il y a peu de domaines d’activités qui ne se sentent pas menacer par l’arrivée de ces géants du
numérique.
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
58
De plus, la vitesse d’adoption de ces innovations dépasse de très loin tout ce qu’on a
avait été connu auparavant, cela en partie dû aux nouvelles possibilités du monde digital.
Comme le montre l’étude de FaberNovel de 2014 sur les GAFAs :
- Google gagne l’industrie des navigateurs en 4 ans avec Chrome qui va dépasser le
principal concurrent en place, Internet Explorer, en prenant 30% du marché
- Apple crée l’industrie de la tablette PC avec 3 millions d’iPads vendus en 80 jours
- Facebook a atteint 1,3 milliard d’utilisateurs actifs en 10 ans après sa création
- AmazonFresh a pris 30% de tous les achats de produits frais aux US en 7 ans
Les GAFAs ont une domination principalement américaine et européenne. Notons que d’autres
géants mondiaux se sont aussi développés à partir de l’Asie. On nomme familièrement de BATX
les quatre géants du numérique, tous chinois, basés sur ce continent : Baidu, Alibaba, Tencent
et Xiaomi.
2.1.3 Le phénomène des startups
Nous avons gardé dans notre thèse l’anglicisme startup pour désigner une jeune pousse
entrepreneuriale innovante à fort potentiel de croissance.
Les GAFAMs ont démarré à deux ou trois personnes dans une chambre ou un garage, créant le
mythe de l'entrepreneuriat et de la startup notamment dans la Silicon Valley aux Etats Unis :
- En 1975, Bill Gates (20 ans) et Paul Allen (22ans), étudiants à Harvard, lancent
Microsoft dans un motel au Nouveau Mexique.
- En 1976, Steve Jobs (21 ans), Steve Wozniak (25 ans) et Ronald Wayne (41 ans,
d’Atari) fondent Apple et vendent leurs cinquante premiers ordinateurs Apple 1
assemblés à la main dans un garage en Californie.
- En 1994, Jeff Bezos (30 ans), fasciné par le potentiel d’internet, lance la première
librairie en ligne amazon.fr à Seattle.
- En 1998, Larry Page (26 ans) et Serguei Brin (21 ans), étudiants à Stanford, lancent
leur moteur de recherche Google.
- En 2004, Mark Zuckerberg étudiant à Harvard lance depuis sa chambre un
trombinoscope pour les étudiants qui va devenir en 14 ans le plus grand réseau social
au monde.
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
59
Surfant sur cette vague du numérique, une multitude de start-ups se sont aussi développées à
une vitesse incroyable. On parle de licornes pour désigner ces start-ups du numérique qui sont
valorisées à plus de 1 milliard de dollars. Par exemple, Dropbox, Xiaomi, Snapchat, SpaceX,
Pinterest ou encore BlaBlaCar. En août 2015, le magazine Fortune listait près de 140 licornes
(Fortune, 2015).
Figure 11 : Les licornes du numérique en aout 2015 (source : Fortune.com ,2015)
On a ainsi une belle illustration du phénomène de « grappes d’innovation » au sens de Schum-
peter. La rapidité de développement de ces entreprises est, pour la plupart, phénoménale.
Les GAFAMs eux-mêmes commencent à être remis en cause par de nouvelles entreprises du
numérique qui sont basées sur de nouveaux modèles économiques. On a déjà créé un nouvel
acronyme, les NATUs (Netflix, Airbnb, Tesla et Uber) pour désigner les plus puissantes d’entre
elles. Ces entreprises, de par leur valorisation boursière et leur capacité d’innovation et d’ex-
pansion, deviennent à leur tour de nouveaux concurrents dangereux pour la plupart des entre-
prises établies, les obligeants à repenser leur mode d’innovation traditionnel.
C’est dans ce contexte d’hyper compétition et de nouveaux modèles économiques rendus
possibles par le numérique que nous voyons l’arrivée de nouvelles expérimentations, de
type excubation, dans les grandes entreprises traditionnelles.
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
60
Nous en rappelons la définition donnée dans notre introduction : L’ « excubation » est le
dispositif consistant à faire travailler un groupe de salariés d’une entreprise existante au
sein d'un accélérateur de startups externe pour une durée limitée pour explorer une
opportunité d'innovation.
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
61
2.2 L’écosystème entrepreneurial : incubateurs et accélérateurs de startups
Ces startups bénéficient aujourd’hui d’un environnement favorisant leur développement à la
fois en termes de financement par différents fonds d’investissements et capitaux-risques
toujours plus importants, mais aussi avec l’explosion de nouveaux modes d’accompagnement
entrepreneurial : les incubateurs et les accélérateurs de start-ups publics ou privés.
Selon la National Business Incubation Association (NBIA) qui fédère les structures
d’accompagnement aux Etats Unis, le nombre d'incubateurs est passé de quelques centaines en
début 2000, à plus de 7 000 dans le monde en 2012.
Incubateurs et accélérateurs de startups sont devenus des incontournables dans le paysage de
l’entrepreneuriat mondial, avec par exemple le premier accélérateur américain de la Silicon
Valley, le « Y Combinator » fondé en 2005 qui a financé plus 1500 startups depuis sa création
et a eu quelques succès notables comme Airbnb, Dropbox et Pebble.
Même si le phénomène est mondial, nous nous sommes concentrés sur l’écosystème startups
en France. Selon Etienne Krieger, la France a un des environnements les plus dynamiques au
monde : « Certains observateurs estiment qu’il y aura bientôt davantage d’incubateurs et d’ac-
célérateurs en France qu’il n’y a de projets. » (Startlesechos.fr, 2017). Il faut noter que la
France a ouvert en 2017 le plus grand incubateur entrepreneurial au monde : Station F.
Imaginé et financé par Xavier Niel, le fondateur de Free, ce campus basé à Paris s'étend sur une
surface de 34 000 m2. Station F est organisé sous forme de villages d’environ 350 à 700 m2
qui accueillent des structures d’accélération tierces de grandes entreprises ou institutions.
Pour mieux analyser le contexte, nous avons pris comme référence l’ouvrage d’Olivier Erzatty
« Guide des Startups en France– Avril 2018 – 22ème édition» (Erzatty O., 2018). Bien que non
académique, ce document de 500 pages bâti en collaboration avec plus de 40 professionnels
expérimentés est devenu une référence dans le domaine.
De ces 500 pages, nous retenons les grandes idées suivantes :
- Le système de financement des startups a connu une belle embellie entre 2016
et 2017.
- L’écosystème français des startups n’a jamais été aussi dynamique, que ce soit
par le nombre de création de startups, par les fonds levés, notamment par celles des
startups qui se développent rapidement à l’international.
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
62
- Ce dynamisme entrepreneurial français génère des dérives de l’écosystème startu-
pien. La prolifération des accélérateurs ou de structures hybrides associant fonds
d’entrepreneurs, incubateurs et accélérateurs rend parfois illisible le paysage.
- Les grandes entreprises en mal d’innovation ouverte se sont lancées dans l’ac-
compagnement des startups avec force : accélérateurs, hackathons et autres ou-
tils. Le guide relativise les bénéfices de ces outils aussi bien pour les startups qui en
profitent que pour les grandes entreprises qui les lancent et rêvent d’éviter de se faire
« disrupter » par les entreprises du numérique.
- Certains découvrent avec horreur qu’une bonne partie des startups échouent
alors que cela a toujours été la règle et qu’il n’y pas d’innovation sans échec.
pas.
L’autre apport intéressant du guide d’Olivier Erzatty est de donner une vision détaillée de l’éco-
système d’accompagnement des startups en France qui est effectivement devenue assez illi-
sible pour le néophyte.
Tableau 4 : Classification de l’accompagnement entrepreneurial
(source : Erzatty O, « Guide des start-ups en France », Avril 2018)
Type Fonction principale Faits récents
Espaces de co-working Ce sont des espaces d’accueil
d’entrepreneurs ou d’auto-en-
trepreneurs sans structure
d’accompagnement spécifique
et qui favorisent la vie sociale
des entrepreneurs de diverses
manières
L’arrivée de grands acteurs
américains tels que Wework à
Paris a significativement aug-
menté l’offre d’espaces de
coworking
Incubateurs L’incubateur est surtout une
structure d’hébergement et
dans une moindre mesure
d’accompagnement. On y
reste entre 6 et 18 mois en
moyenne.
Cette appellation maintenant
moins à la mode que celle
d‘accélérateurs. De nombreux
incubateurs se sont rebaptisés
accélérateurs pour suivre l’ef-
fet de mode
Accélérateurs Ce sont des structures d’ac-
compagnement qui fonction-
nent généralement par promo-
tions de 4 à 6 mois et qui ai-
dent des porteurs de projets à
les structurer, à la rendre pré-
sentables à des investisseurs
et à des clients. Les accéléra-
teurs prennent souvent une
part financière dans la startup.
Certains accélérateurs ont des
locaux, d’autres non. Les
grandes entreprises ont main-
tenant leurs propres accéléra-
teurs qui combinent les carac-
téristiques des accélérateurs
indépendants et la mise en re-
lation avec leurs équipes busi-
ness
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
63
Structures hybrides On trouve par exemple, celles
qui fournissent aussi l’idée
ainsi qu’un financement ma-
joritaire dans les startups
Ces structures créent des ap-
plications ciblant des marchés
niches, à la frontière de l’éco-
nomie de services en mode
projet
Pépinières Elles accueillent les startups
lancées et déjà amorcées. Ce
sont surtout des structures
d’hébergement, un peu
comme les hôtels d’entre-
prises. On y va après l’incu-
bation et/ou l’accélération.
« Fablabs » Ce sont des structures d’ac-
compagnement un peu parti-
culières, pour les startups et
les citoyens qui créent un pro-
duit matériel et ont besoin de
ressources pour le prototyper
Les véritables fab labs ne ser-
vent pas qu’à créer des star-
tups. Ce sont surtout des ou-
tils citoyens de l’économie
circulaire permettant par
exemple de permettre au plus
grand nombre de bricoler
Mentorat Il existe en dehors de ces
structures et permet aux entre-
preneurs de se faire accompa-
gner par des entrepreneurs ou
autres experts, sans être liées
à une structure physique parti-
culière
Notre recherche nous a amené à nous intéresser spécifiquement à la catégorie incubateur/ac-
célérateur de startups. Les incubateurs peuvent être liés à la recherche publique, à une école
d’ingénieurs, à une école de commerce, à une école de design, à une collectivité locale. Les
incubateurs privés sont encore rares, certains cherchant à imiter la formule des « accéléra-
teurs de startups » tels que le fameux « Y Combinator » de la Silicon Valley.
Un incubateur est une structure d’hébergement et d’accompagnement de startups à leur
démarrage pour une durée moyenne entre 6 et 18 mois.
Un accélérateur est une forme particulière d’incubateur doté d’une masse critique de res-
sources d’accompagnement (coaches, mentors, formations) et qui accompagne les star-
tups dans un programme de quatre à six mois pour les mener, tambour battant, d’une idée à
un projet avec un prototype commercialisable et un business plan présentable à des investis-
seurs. Pour d’autres, ce sont des structures qui permettent de tester son marché et son business
model. Ils se financent parfois par une prise de participation dans les startups accompagnées.
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
64
La fin du programme d’accélération est souvent incarnée par un « Demo Day », une conférence
avec la présentation des « pitchs » des projets accompagnés devant des investisseurs.
A Paris, le concept d’accélérateur a vu le jour avec celui de NUMA, anciennement « Le Cam-
ping » puis NUMA Sprint, lancé en janvier 2011 au Palais Brongniart et situé depuis fin 2013
dans le bâtiment de NUMA, rue du Caire, avec 1500 m2.
NUMA regroupe dans son bâtiment de Paris un espace de « co-working », un accélérateur, un
fablab, ainsi qu’un espace de conférence. NUMA accueille aussi de nombreuses grandes entre-
prises dans le cadre de leurs programmes d’innovation ouverte. En mars 2018, NUMA avait
accéléré 314 startups en tout. Voici quelques autres accélérateurs connus pour donner une idée
de la variété du panorama français : The Family créé en 2013, Day One ex accélérateur Capital
Partners depuis 2012, 50 Partners créé en 2012, Axeleo, SchooLab, BoostIn Lyon, Dojo Boost,
EIT Digital, Partech Shaker, Techstars Paris, Startup Palace…
La multiplication de ces structures d’accompagnement a d’ailleurs donné naissance à un
nouveau champ de recherche autour de l’accompagnement entrepreneurial, principalement en
France, avec des auteurs dès 2004 comme Sammut, Cuzin et Fayolle, puis une proposition de
nouveau champ de recherche proposé en 2010 par Chabaud, Messenghem et Sammut.
« Si les travaux réalisés autour de Albert (Albert et alii, 1994, Albert et alii, 2003) permettent
d’inscrire la thématique et l’objet de recherche dans l’agenda, c’est sans doute les travaux de
Sammut (2003), de Cuzin et Fayolle (2004), puis le numéro spécial de la Revue de l’Entrepre-
neuriat (2006), qui marquent une première étape de la recherche, en permettant à la fois de
dresser des états des lieux sur la diversité des dispositifs ou des structures d’accompagnement,
mais aussi de fonder une réflexion sur la relation d’accompagnement » (Chabaud and al,
2010b).
Nos travaux sur l’excubation contribuent à étoffer le nouveau champ de recherche sur l’ac-
compagnement entrepreneurial.
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
65
2.3 Nouvelles pratiques entrepreneuriales : « Design Thinking » et « Lean
Startup »
La pratique de l’entrepreneuriat issue du numérique a largement fait évoluer les approches pour
maximiser les chances de réussite d’une startup. Ces nouveaux concepts sont maintenant très
largement utilisés dans les incubateurs/accélérateurs de startups avec notamment :
- Le « Design Thinking »
- Le « Lean Startup »
- Le « Business Model Innovation », ou innovation par le modèle économique
Etant donné l’importance de la recherche académique faite sur l’innovation par modèle
économique ou « business model innovation », nous avons préféré garder cet élément dans la
partie fondements académiques dans le paragraphe 1.3.7. L’utilisation généralisée du canevas
de modèle d’affaires est par contre une méthode très pratique largement mise en œuvre en
particulier en complément de l’approche « Lean Startup »
2.3.1 Le « Design Thinking »
Tous les accélérateurs rencontrés font référence à cette approche dans leur méthodologie
d’accompagnement. L’objet de ce paragraphe est de comprendre la portée pratique du Design
Thinking en tant que méthode, sachant que ce sujet fait aussi l’objet de recherche académique.
De très nombreux articles ont été écrits sur le design thinking.
Cette approche de l’innovation par le design a été popularisée dans la Silicon Valley dans les
années 2000 par les fondateurs d’IDEO, David Kelley et Tim Brown.(Brown T, 2009) . Nous
gardons les définitions suivantes de Tim Brown : « De manière simple, le design thinking est
une discipline qui utilise la sensibilité et les méthodes du designer pour faire se rencontrer
les besoins des gens avec ce qui est technologiquement faisable et qu’une stratégie business
viable puisse transformer en valeur pour le client et en opportunité de marché. » (Brown T.,
2008),
« Le Design Thinking est une approche centrée sur l’humain de résolution de problème »
(Brown T, 2009)
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
66
De notre point de vue, le premier apport du design thinking est de remettre l’humain comme
un élément central du succès de l’innovation, au même titre que la technologie et le marché
qui étaient jusqu’alors seuls éléments majeurs auxquels s’intéressaient les industriels. L’aspect
« design », au sens conception esthétique du produit, était le plus souvent relégué à la fin des
projets alors que tout avait été décidé. On parle aussi d’« innovation centrée utilisateur ».
On peut visualiser la vision du design thinking de Tim Brown dans le schéma largement re-
pris dans toutes les formations récentes sur l’innovation suivant :
Figure 14 : La vision de l’innovation dans le design thinking par Tim Brown
(source : interprété librement de Tim Brown « Change by Design », 2009)
Le design et l’expérience utilisateur ont été clairement des atouts majeurs dans le succès des
GAFAs et des autres startups du numérique :
- On sait que le fondateur d’Apple, Steve Jobs était obsédé par le design et que c’est la
création d’une nouvelle expérience utilisateur qui va le guider dans la conception du
macintosh, puis de tous ses autres produits.
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
67
- Google met aussi le focus sur l’expérience utilisateur comme l’un des trois piliers de
son innovation (voir présentation en annexe 1 : « Innovation@Google »)
Tim Brown décrit l’approche design thinking en trois grandes phases : l’inspiration, l’idéation
et l’implémentation avec des boucles itératives dans chaque phase qui peuvent amener à revoir
les hypothèses d’origine.
La mise en œuvre pratique a été largement adaptée par les écoles de design thinking et les
accompagnateurs d’innovation. Pour bien comprendre comment se pratique le design thinking,
et en quoi il se distingue des approches déjà connues des entreprises pour innover, nous
reproduisons ci-dessous le modèle en 5 étapes proposé par la Stanford D-School, la référence
mondiale dans le domaine :
Figure 13 : Grandes étapes du design thinking
(source : Stanford D-School « Bootcamp bootleg », 2018, p. 4)
1. Empathie : L’empathie est le fondement du processus de design centré sur
l’humain. Elle nécessite l’observation des utilisateurs dans leur contexte, d’interagir
avec eux pour comprendre leurs motivations et de s’immerger dans l’expérience de
l’utilisateur.
2. Définition : C’est le moment où on analyse et synthétise les retours de la phase
d’empathie sur les motivations ou « insights » des utilisateurs pour les transformer
en challenge auquel répondre.
3. Idéation : C’est un mode de créativité pour générer tous les designs possibles pour
répondre au challenge qui a été défini.
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
68
4. Prototypage : Il s’agit de transformer les idées dans le monde réel sous n’importe
quelle forme physique qui peut représenter l’expérience avec lequel un utilisateur
peut interagir.
5. Test : Il s’agit d’avoir des feedbacks des utilisateurs pour apprendre et améliorer ou
changer la solution.
L’état d’esprit du design thinking est sans doute plus important que la méthode. Elle
nécessite un nouveau mode de travail collaboratif sur un projet d’innovation qui casse les
modes de fonctionnement en silo traditionnels. On le voit bien dans les règles résumées dans la
figure ci-dessous, issue du Stanford D-School « Bootcamp bootleg »:
Focaliser sur les valeurs humaines
Montrer et ne pas dire
Dessiner avec clarté
Embrasser l’expérimentation
Être conscient de l’étape de design où on est
Favoriser l’action
Collaborer avec les innovateurs
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
69
Figure 14 : Etat d’esprit du Design Thinking
(source : Stanford D-School « Bootcamp bootleg », 2018, p. 3)
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
70
Le Design Thinking a commencé dans la silicon valley avec une école spécialisée, la Stanford
D-School, puis s’est généralisé au niveau mondial via les startups du numérique, avant de ren-
trer peu à peu dans les grandes entreprises.
En France, l’accélérateur Schoolab a été l’un des premiers à mettre en œuvre le Design Thinking
dans des projets d’innovation, avec des élèves de grandes écoles, dans son programme CPI, qui
a la particularité de faire travailler de manière collaborative des élèves de l’Ecole Centrale Paris,
l’ESSEC et Strate College, et qui est la base de son modèle d’innovation pour l’entrepreneuriat
et pour les projets d’excubation que nous avons étudiés.
2.3.2 Le « Lean Startup »
Le Lean startup est une approche itérative pour les startups dont Steve Blank pose les
fondements en 2003 dans son ouvrage : « The 4 Steps to The Epiphany : The Successfull
Strategies for Products That Win » (Blank S., 2003). Elle est complétée et popularisée par son
élève-entrepreneur Eric Ries en 2011 dans livre « The Lean Start Up » (Ries E., 2011). Cette
nouvelle approche de l’entrepreneuriat propose de maximiser les chances de réussite d’une
startup par des boucles itératives de test. Cette méthode s’est largement répandue dans les
structures d’accompagnement, la plupart des évènements de type « start-up week-end », les
universités américaines, écoles de commerce et d’ingénieurs et certaines grandes entreprises,
devenant l’un des nouveaux noms à la mode de l’innovation pour les start-ups. Les
entrepreneurs du monde entier peuvent y avoir accès en mode ouvert et gratuit sur un
MOOC (udacity.com : « How to build a start-up » de Steve Blank).
On peut résumer et expliquer les fondements de la méthode Lean Startup de la manière
suivante : alors qu’on peut facilement analyser un marché connu par des analyses marketing et
techniques traditionnelles, il en est tout autre lorsqu’on adresse des marchés nouveaux ou des
produits nouveaux. Il y a dans ce dernier cas de grandes incertitudes sur le succès de
l’innovation sur le marché.
Le Lean Startup est une approche itérative qui permet de réduire l’incertitude en testant
systématiquement les hypothèses et les solutions auprès d’un échantillon limité de clients,
utilisateurs et autres parties prenantes. Il s’agira donc de pratiquer ces itérations de
manière successive jusqu’à trouver un modèle économique intéressant ou bien décider
d’arrêter le projet.
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
71
Le changement majeur qu’apporte le Lean Startup par rapport aux approches traditionnelles de
l’innovation est très bien résumé dans l’article de 2013 de Steve Blank : « Why the Lean Start-
Up Changes Everything » (Blank S, 2013). Steve Blank explique que, dans un environnement
incertain, il n’est pas réaliste pour les startups de définir un « business plan » ou plan d’affaires
à 5 ans, alors que 75% d’entre elles vont échouer. Sa vision est que les startups ne peuvent pas
être considérées comme des versions réduites des entreprises. Celles qui survivront sont celles
qui iront rapidement d’échec en échec, tout en s’adaptant par itération et en amélioration leurs
idées initiales en apprenant de leurs clients.
Il différencie le fonctionnement d’une startup de celui d’une entreprise existante comme étant
la base même de l’approche lean startup : « les entreprises exécutent un business model
connu alors que les startups en cherche un.». Cela donne la définition novatrice de la startup
selon Steve Blank :
« Une startup est une organisation temporaire conçue pour un rechercher un business mo-
del répétable et qu’on puisse faire croitre en étant viable. » (Blank S., 2013, p.5)
Il explique ainsi les trois principes-clés de la méthode lean start-up :
1. Partir d’hypothèses de business model à partir d’un canevas
2. Tester ces hypothèses sur le terrain auprès des clients.
Ces hypothèses sont testées dans une approche baptisée « développement clients ». Il
s’agit de le faire de manière itérative pour développer des prototypes d’usage, qui per-
mettront peu à peu de s’ajuster aux retours clients
3. Développer un prototype d’usage minimum ou « Minimum Viable Product » en
mode agile. Le développement agile vient de l’industrie informatique pour développer
un produit de manière itérative et incrémentale en prenant en compte les retours clients
au fur et à mesure.
On voit dans ces principes que le business model canevas est clé puisque les hypothèses à tester
par les start-ups sont les hypothèses faites sur le business model canevas d’Osterwalder A. et
Pigneur Y.(voir parargraphe. 1.3.7).
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
72
Tableau 5 : Différences entre les approches Lean Startup et traditionnelles
(source : traduit et adapté de Blank S., 2013, « Why the Lean Start-Up Changes Everything.»)
Lean Start-Up Innovation traditionnelle
Stratégie
Business Model
Conduit par les hypothèses
Business Plan
Conduit par l’implémentation du plan
Développement nouveau produit
Développement clients itératif
Rencontres sur le terrain pour tester les hy-
pothèses de manière itérative
Management développement produit
Préparer l’offre pour le marché étape par
étape
Développement technique
Développement agile
Développement incrémental et itératif du
produit
Développement « en cascade » ou « en V »
Spécification complète du produit avant son
développement
Organisation
Equipes mixtes commerciale et techniques
Recruté pour leur capacité à apprendre, leur
agilité et leur rapidité
Par département et par fonction
Recruté pour leur expérience et capacité à
exécuter
Reporting financier
Métriques importantes pour le projet
Cout d’acquisition client, valeur vie client,
taux de désengagement clients, viralité
Plan financier
Revenus, bilan financier, plan de trésorerie
Echec
Prévu
Réglé en itérant sur les solutions en pivotant
de celles qui ne fonctionnent pas
Doit être l’exception
Réglé en licenciant les responsables
Vitesse
Rapide
Fonctionne avec les données minimales suf-
fisantes
Mesurée
Fonctionne avec les données complètes
Dans ce modèle aussi, on comprend que le lean startup est bien plus qu’une méthodologie,
mais un état d’esprit qui concerne aussi le profil des employés eux-mêmes, l’organisation
du travail et la culture de l’entreprise.
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
73
2.4 Nouvelles initiatives startups-grandes entreprises
Face à la concurrence grandissante des startups issues du numérique, les grands groupes ne sont
pas restés sans réaction. On a vu se multiplier les initiatives pour travailler avec les start-ups.
Selon l’étude publiée en 2017 par l’INSEAD et 500 StartUp, un fonds d’investissement de la
Silicon Valley, sur la façon dont les grandes entreprises font face à la révolution des start-ups,
« en 2017, 52.4% des entreprises du top 500 avaient au moins une initiative de collaboration
avec les start-ups » (500 Partners & INSEAD, 2017).
Ce rapport est basé sur des interviews sur un échantillon de grandes entreprises couvrant 37
pays et 69 industries parmi les 500 premières entreprises du monde (selon le classement Forbes
2000) complété par une analyse documentaire. Cette analyse nous permet ainsi d’obtenir des
informations statistiques intéressantes et crédibles pour notre thèse.
Les auteurs le positionnent comme un nouvel outil pour innover pour les grands groupes entre
les investissements de R&D pour le long terme et les fusions-acquisitions sur le court-terme,
selon le tableau suivant :
Tableau 6 : Positionnement R&D, coopération start-ups et fusions-acquisitions
(source : traduit de 500 Partners & INSEAD, 2017)
HORIZON RISQUE COUT
R&D Long terme Elevé Elevé
Coopération avec les start-ups Moyen terme Moyen Bas
Fusion-Acquisition (M&A) Court terme Bas Elevé
L’étude décrit huit façons distinctes pour les grands groupes de collaborer avec les startups.
Tableau 7 : Types de coopération startups avec grands groupes
(source : traduit de 500 Partners & INSEAD, 2017)
FUSIONS ET ACQUISITIONS Acquisition de start-ups
EVENEMENTS Conférences, Compétition de start-ups, Hackathons, Sponsorship
PRISE DE PARTICIPATION Prêts, Prise de participation minoritaire, Partici-pation à un fonds d’investissement, Fonds d’in-vestissement groupe
SERVICE DE SUPPORT Juridique, mentorat, accès réseau clients ou partenaires ou fournisseurs, marketing, busi-ness, technique
« SPIN-OFF » (ESSAIMAGE) Création d’entreprises indépendantes avec des atouts du grand groupe
PROGRAMME POUR LES START-UPs Services et produits gratuits du grand groupe avec une offre de support
ACCELERATEURS ET INCUBATEURS Espace de travail + services de support + inves-tissement
ESPACE DE CO-WORKING Espace de travail + services de support
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
74
Toutes ces initiatives peuvent viser de multiples objectifs - l’innovation, la culture, les nou-
veaux marchés, plateforme de veille ou résoudre un problème - ce qui amène les auteurs à
publier un tableau avec leur recommandation en matière d’initiative selon l’objectif visé :
Figure 15 : Type d’initiatives start-ups / grands groupes recommandées selon l’objectif
(source : de 500 Partners & INSEAD, 2017)
Au vu, de la multiplicité des objectifs possibles, il est donc important de déterminer dans notre
recherche les véritables objectifs des entreprises en mettant en place une initiative d’excubation.
Sur les 262 grandes entreprises du Top 500 qui travaillent avec les start-ups, on voit dans le
diagramme ci-après le nombre par type d’initiative :
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
75
Figure 16 : Nombre d’initiatives start-ups / grands groupes par type
(source : de 500 Partners & INSEAD, 2017)
On en conclut que le fonds d’investissement d’entreprise reste l’initiative la plus répandue
mais que les nouvelles initiatives comme les programmes de start-ups, les accélérateurs et
incubateurs et les compétitions de start-ups sont en plein développement.
Pour fixer les idées, voici quelques-uns des exemples cités dans le rapport :
- Programmes de startups : Activate d’Amazon, BizSpark de Microsoft, Offre Starter
de BNP Paribas, Enel for Startups, Google for entrepreneurs, Llyods Banks business for
startups.
- Accélérateurs et incubateurs : Orange Fab, Accenture Fintech Innovation Lab, Credit
Agricole « Le Village » , Bayer The colaborator, Mastercard startpath, Samsung accelerator,
Telenor Dtac Accelerate, Volswagen ERL Technology Accelerator.
On note qu’un certain nombre de grandes entreprises fonctionnent avec des accélérateurs tierce-
partie pour leur monter un programme clés en mains. La structure plus connue aux Etats Unis
est PlugPlay qui gère les accélérateurs pour Volswagen, Citigroup et aussi Techstars qui gère
les programmes d’accélérateurs pour Barclays, Walt Disney, Qualcomm ou Nike. En France les
incubateurs de Paris&Co gèrent les programmes pour Air Liquide, Axa, GDF Suez, Renault,
Alcatel Lucent…
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
76
- Compétitions de start-ups : Pernod Ricard Innovations, Philips Innovation ou Chi-
vas « The Venture »
En ce qui concerne la France, leur étude montre qu’elle est le pays européen où les grandes
entreprises sont le plus engagées avec les startups. Sur 25 entreprises dans le Top 500 mondial,
23 ont des initiatives avec les start-ups avec 13 programmes de compétition de start-ups, 12
fonds d’investissement corporate et 10 incubateurs/accélérateurs. On note comme exemple :
Orange, EADS, Renault, BNP Paribas.
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
77
2.5 Intrapreneuriat
Les entreprises ont depuis longtemps pris conscience de leur inertie à innover et du rôle majeur
des entrepreneurs, mais il semble que ce point ait pris une plus grande importance ces dernières
années avec la croissance rapide des entreprises du numérique. Peter Drucker déclare en 1985 :
« Les marchés d’aujourd’hui, surtout les plus gros, ne survivront tout simplement pas dans cette
période de changement et d’innovation rapide s’ils n’acquièrent pas les compétences
entrepreneuriales ». (Drucker P., 1985)
Être entrepreneur dans les grandes entreprises est appelé intrapreneuriat ou « corporate
entrepreneurship » en anglais. On attribue généralement les premiers travaux académiques en
sciences de gestion sur l’intrapreneuriat » à Burgelman (Burgelman R., 1983) ou Pinchot
(Pinchot G., 1985) même si ce terme a été inventé en 1975 par des consultants suédois pionniers
du domaine qui développèrent la première école d’intrapreneurs en Suède (Fayolle A., 2003,
p.28). Si on considère que l’innovation dans une entreprise est générée et portée par un
entrepreneur qui travaille au sein d’une entreprise existante, on peut même considérer que
Schumpeter est à l’origine de la littérature contemporaine sur l’intrapreneuriat (Burgelman R.,
1983). Ce sujet a fait l’objet de très nombreuses études académiques.
Il y a de nombreuses définitions et approches de l’intrapreneuriat. Nous gardons la définition
très simple et très globale de Pinchot en 1985 : « l’intrapreneuriat est le fait d’entreprendre
dans une organisation déjà existante. ». Néanmoins, selon Bouchard (Bouchard V., 2009),
cette définition reste incomplète, car l’intrapreneuriat doit évoquer à la fois les spécificités du
processus entrepreneurial (Le comment ?) et les finalités de ce processus (Le quoi ?). On pourra
se référer à l’ouvrage « Intrapreneuriat, innovation et croissance : entreprendre dans
l’entreprise » (Bouchard V., 2009).
Les grandes entreprises ont pour la plupart expérimenté des initiatives d’intrapreneuriat et ont
découvert leurs limites. L’intrapreneuriat a été largement étudié dans la littérature depuis
Pinchot G. (1985) et plus récemment Fayolle A. (2003), Basso G. (2006) ou Bouchard V.
(2006).
On note aussi avec intérêt le point de vue d’Alain Fayolle sur l’intrapreneuriat en 2003: « L’idée
qui consiste à reproduire les attitudes et les comportements des entrepreneurs innovants dans
des entreprises matures apparaît donc, en théorie, comme une manière efficace d’utiliser un
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
78
antidote contre l’inertie et le manque d’innovation de ces organisations. Mais, dans la pratique,
les difficultés rencontrées par les entreprises qui tentent de développer ces comportements et
attitudes en leur sein révèlent l’autre facette de ce phénomène : l’existence de contradictions et
de paradoxes liés à la combinaison problématique de logiques antagonistes et conflictuelles. »
(Fayolle A., 2003, p.27). Pour Alain Fayolle, entrepreneuriat et management ont des
logiques antagonistes : « Les logiques de l’entrepreneur et de l’organisation se rejoignent avec
difficulté. Nous pensons même qu’elles forment une dialogique complexe. Cela signifie qu’une
entreprise, engagée dans une démarche intrapreneuriale, doit intégrer et combiner deux
logiques contradictoires et parfois conflictuelles : la logique de l’acteur, l’entrepreneur, qui
recherche un degré d’autonomie élevé, et celle de l’organisation, qui s’efforce d’avoir un
niveau de contrôle important sur les situations, les projets et les individus … Dans les grandes
entreprises, la plupart des managers sont recrutés, récompensés et promus en fonction de leurs
capacités à suivre les règles du jeu, à bien remplir les rôles qui leur ont été impartis et à
minimiser les risques portant sur les positions acquises et les ressource gérées (Thornberry N.,
2001). A partir de cette vision de leur rôle, les managers sont plus enclins à gérer ce qui leur a
été confié au mieux de leurs possibilités qu’à rechercher des voies nouvelles. L’innovation n’est
pas inscrite dans leur plan d’action. » (Fayolle A., 2003)
Fort de son interaction avec une dizaine d’entreprises depuis 1994, dont 7 grandes entreprises
françaises, Fayolle a noté chez la plupart les entreprises engagées dans cette démarche de
grande difficulté à en définir l’objectif précis. Il considère qu’environ 60% des cas étudiés
se lancent, consciemment ou inconsciemment, dans l’intrapreneuriat pour des effets de
mode et pour l’aspect communication sur l’innovation. Il note également les
interrogations des dix entreprises à propos de ce qu’elles visent véritablement : un
changement de culture, d’état d’esprit, de comportements, une amélioration de leur
réactivité, de leur flexibilité…
Comme nous avons pu le constater dans notre recherche, ce type d’interrogations revient aussi
chez les dirigeants qui ont mis en place des initiatives d’excubation.
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
79
Dans leur étude de 2011 sur 22 entreprises, « Comment mettre en œuvre l’intrapreneuriat ? »,
Bouchard et Fayolle mettent en avant les différents leviers pour mettre en œuvre
l’intrapreneuriat :
L’engagement de la direction en matière de communication (3M, Gore Inc,
Ohio Bell, Schneider Electric, Lucent Technologies) ou sous la supervision
directe de la direction (Siemens-Nixdrorf, Procter & Gamble, Lucent
Technologies, Nokia)
La constitution d’espaces d’autonomie : « L’autonomie constitue une
dimension critique, sinon LA dimension critique du processus intrapreneurial.
Or elle se heurte aux priorités à court terme, aux structures de pouvoir en place,
aux activités routinières et aux procédures de l’entreprise. C’est pourquoi il est
important de créer des espaces protégés dans lesquels les employés
bénéficieront d’une plus grande liberté d’action et accéderont aux moyens
nécessaires à la réalisation de projets innovants et divergents. »
Les auteurs distinguent trois manières de mettre en œuvre l’intrapreneuriat :
- De façon radicale, dans une entité distincte, indépendante, autonome avec ses
propres ressources, avec ses propres règles et critères de performance (10 sur les 22
étudiées)
- De façon intermédiaire, sous la forme d’un parcours qui permet aux employés
désireux de poursuivre un projet d’accéder à des ressources et à des appuis sans en
référer nécessairement à leu supérieur direct (Ohio Bell, Eastman Kodak, Schneider
Electric, Orange France).
- En encourageant l’autonomie et l’initiative individuelle avec des petites unités
opérationnelles et démultipliables (3M, Gore Inc).
On comprend donc que la mise en place est spécifique à chaque contexte et à chaque entreprise.
Notons cependant l’aspect le plus critique mis en avant par les deux auteurs : la constitution
d’un espace d’autonomie.
Ce constat académique est tout à fait en ligne avec les retours terrain des praticiens qui l’ont
vécu. Dans son livre à succès « The Art of The Start » de 2004, Guy Kawasaki, ancien
« évangéliste » technologiste chez Apple consacre un mini chapitre aux difficultés majeurs à
être intrapreneur avec douze conseils pour ces intrapreneurs, dont une en rapport direct avec
notre sujet : « Installez-vous dans un bâtiment séparé. Un intrapreneur, assis dans le flux
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
80
principal d’une grande entreprise, mourra par les milliers de stops de chacun des managers de
département qui lui expliquera pourquoi son projet est une mauvaise idée…La division
Macintosh commença dans un bâtiment qui était à distance suffisante du reste d’Apple …mais
assez proche pour obtenir des ressources du groupe. Un bâtiment séparé permettra de garder
vos efforts sous le radar et stimulera l’esprit d’équipe parmi votre bande de pirates. » (Traduit
de Kawasaki G., 2004, p.21)
Le dispositif d’excubation que nous étudions peut dont être classé comme de
l’intrapreneuriat, mais il s’en distingue fondamentalement par le fait que les salariés
travaillent et sont accompagnés dans un accélérateur de startups externe à l’entreprise.
Chapitre 1 - Section 2 : Startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
81
Conclusion section 2
Nous avons vu dans cette section le nouveau challenge concurrentiel dans lequel se situent les
grandes entreprises dans le contexte de la nouvelle vague d’innovation issue du numérique,
avec la concurrence grandissante des GAFAMs et des nouvelles startups qui se multiplient.
Nous avons vu comment les nouvelles approches de l’accompagnement entrepreneurial de
type accélérateur de startups ont explosé depuis 20 ans et ont mis en œuvre de nouvelles
méthodes entrepreneuriales issues des mouvements du « Design Thinking », du « Lean
Startup » et du « Business Model Innovation ».
Les grandes entreprises ont pris conscience de ce danger qui devient un défi majeur et menace
parfois leur propre survie. Elles ont donc cherché de nouvelles approches du management de
l’innovation pour contrer cette concurrence. Elles ont ainsi multiplié les initiatives pour innover
mieux avec de nouvelles initiatives de type start-ups/grands groupes que nous avons dé-
crites. Elles ont aussi essayé de se rapprocher du mode de fonctionnement des start-ups avec
des initiatives de type intrapreneuriat, que nous avons décrit au paragraphe 2.5.
L’excubation peut ainsi se positionner comme une continuité des initiatives intrapreneu-
riales en essayant d’en lever l’une des limites majeures : la constitution d’un véritable
espace d’autonomie externe à l’entreprise.
Thèse doctorale en administration des affaires sur « l’excubation »
82
Thèse doctorale en administration des affaires sur « l’excubation »
83
Chapitre 2 : Méthodologie de Recherche
Introduction Chapitre 2
Ce chapitre présente le parcours de notre recherche. Le but est de permettre au lecteur de suivre
et garder la traçabilité de nos méthodologies et approches dans le souci de production d’une
connaissance scientifique (Giordano Y., 2003).
Nous commençons par décrire dans la section 1 notre posture épistémologique, notre mode
de raisonnement, notre méthodologie de recherche et le parcours de recherche avec ses
différentes phases pendant ces trois années et le lien avec notre pratique professionnelle comme
responsable innovation dans une grande entreprise.
Puis nous détaillons, dans la section 2, notre champ de recherche et les techniques de col-
lectes et de traitement des données mises en œuvre. Cette section présente aussi les question-
naires et la segmentation des entretiens effectués. Les données détaillées collectées ont été
mises en annexe, toujours dans un souci de traçabilité de d’évaluation de la portée scientifique
de notre travail.
Chapitre 2 : Méthodologie de Recherche
84
Section 1 : Stratégie de recherche
1.1 Posture épistémologique
L’épistémologie est la discipline scientifique qui étudie les sciences. Il est important de préciser
le positionnement épistémologique de ma recherche pour en renforcer la légitimité. Le
chercheur a le choix entre deux paradigmes épistémologiques principaux : le paradigme
positiviste et le paradigme constructiviste.
Le paradigme positiviste repose sur l’hypothèse déterministe que la réalité possède sa propre
essence, ce qui permet une indépendance du sujet et de l’objet. Il considère le monde social
comme étant déterminé par des lois qu’il est nécessaire de découvrir.
Le paradigme constructiviste est basé sur une hypothèse relativiste, c’est-à-dire que la réalité
n’existe pas. Ce sont les acteurs qui construisent socialement la réalité à partir de leurs
interprétations. Plus précisément, ce sont les interactions entre ces derniers qui les amènent à
donner un sens à leur réalité. Dans le constructivisme, il y a une dépendance du sujet et de
l’objet.
Bien que ma formation scientifique en physique et mathématiques me conduise plus volontiers
vers un positionnement scientifique positiviste, mes trente années de praticien en entreprise
dans les domaines du marketing, de la stratégie et de l’innovation m’ont amené à avoir un point
de vue relativement différent en matière de sciences de gestion. Il m’est apparu au cours de ces
dizaines années de pratique que la réalité et les résultats étaient souvent très spécifiques à
chaque entreprise et construits principalement par les hommes et les femmes qui y travaillaient.
Après avoir pesé les paradigmes du positivisme et du constructivisme à la lumière de mon
expérience, j’ai embrassé une vue constructiviste avec une dépendance entre l’objet et les sujets
de recherche.
Par ailleurs, notre objet d’observation, le phénomène d’excubation est une nouvelle
expérimentation sociale pour les entreprises. Cela m’a conduit naturellement à une construction
d’une nouvelle réalité dont le sens explicatif est, par essence, très dépendant des acteurs qui la
construisent. Cela rejoint tout à fait le point de vue de Savall H. et Zardet V. : « Les recherches
Chapitre 2 : Méthodologie de Recherche
85
interprétatives et exploratoires, c’est-à-dire portant sur des objets de recherche méconnus de
la communauté scientifique, se situent aisément dans les épistémologies constructivistes. »
(Savall & Zardet, 2004, p. 58).
Ma propre expérience terrain fortement ancrée sur la dépendance humaine des performances de
l’entreprise et le sujet choisi d’une nouvelle expérimentation sociale pour transformer
l’entreprise m’a donc conduit à choisir résolument une démarche constructiviste dans ma
position de chercheur.
Chapitre 2 : Méthodologie de Recherche
86
1.2 Mode de raisonnement
Le chercheur a le choix entre trois modes de raisonnement principaux avec des logiques
différentes (Savall H. et Zardet V., 2004) :
- La déduction (mode hypotético-déductif) : il s’agit de poser une hypothèse
théorique à priori et d’en vérifier le degré de validité par les données collectées.
- L’induction (mode logico-inductif) : il s’agit de découvrir des régularités par
l’observation de l’objet. L’observation de ces régularités permet au chercheur de
proposer des hypothèses qui pourront être dans certains cas généralisées.
- L’abduction : il s’agit d’interpréter la situation étudiée par l’observation pour en
tirer des hypothèses explicatives.
Notre recherche s’est positionnée dans un premier temps dans une logique inductive car il
s’agissait bien de tirer des régularités de l’observation de l’objet étudié. Ces régularités nous
ont conduits ensuite à définir de nouveaux champs de recherche et à formuler certaines
hypothèses. Nous avons ensuite croisé ces régularités avec la littérature pour proposer des
hypothèses, que nous avons étudié dans un second temps en mode hypthético-déductif.
Notre recherche suit donc un mode hypothético-inductif avec une boucle récursive induction
- hypothèse - déduction. C’est donc un processus itératif entre l’observation du terrain et les
hypothèses de recherche, comme on le verra, qui nous a permis de générer notre production de
connaissance scientifique.
Pour l’interprétation des résultats, nous avons suivi les principes du constructivisme par
contingence générique en sciences de gestion selon le modèle suivant (Savall et Zardet, 2004)
- Interactivité cognitive : les connaissances sont produites par les interactions entre le
chercheur et les acteurs de terrain.
- Intersubjectivité contradictoire : les connaissances sont produites par croisement de
perceptions contradictoires de la part d’acteurs différents sur le phénomène étudié.
- Contingence générique : au-delà de leur caractère contingent lié au contexte spécifique,
les phénomènes observés comportent des éléments génériques.
En résumé, on pourra qualifier notre recherche d’une recherche hypothético-inductive
interprétative par contingence générique dans une posture constructiviste.
Chapitre 2 : Méthodologie de Recherche
87
1.3 Méthodologie de recherche
Notre positionnement constructiviste avec un mode de recherche hypothético-inductif nous a
conduit à choisir une méthodologie qui nous permette d’observer au plus près notre objet
d’étude pour essayer de trouver des régularités.
La méthode qualitative nous a semblé la plus adaptée à l’observation d’un phénomène
nouveau tel que l’excubation.
Dans le cadre d’une recherche qualitative, le chercheur a différentes stratégies d’accès aux
données comme résumé dans tableau ci-dessous (Savall H. et Zardet V., 2004)
Tableau 8 : Les différentes stratégies d’accès aux données qualitatives et leurs principes
généraux (source : Savall H. & Zardet V., 2004)
Type de stratégie d’accès aux données
Principes généraux
Etude de cas Enquête étudiant un phénomène dans son
contexte quotidien.
Recherche expérimentale Construction d’une simulation du réel dans un
laboratoire afin d’étudier des liaisons causales entre variables.
Recherche-action Processus participatif aidant un système à
se transformer et produisant des
informations permettant de mieux
comprendre l’organisation et ses
membres.
Recherche-intervention
Méthode interactive entre le chercheur et son
terrain consistant à aider les acteurs de l’organisation à concevoir et mettre en place
des modèles et outils de gestion à partir d’un projet de transformation initial.
Observation
(participante ou non participante)
Repérage direct des données sur un phénomène, sans entretien avec les acteurs.
Nous avons utilisé deux des stratégies d’accès aux données : la recherche action et l’étude
de cas.
La recherche action a été utilisée sur l’un des cas d’excubation que nous avons pu étudier
depuis la phase amont de sélection jusqu’à la phase aval de la suite donnée à cette
expérimentation dans l’entreprise. Sur ce cas particulier, j’étais directement en charge de la
Chapitre 2 : Méthodologie de Recherche
88
mise en place et du suivi d’un projet d’excubation dans une grande entreprise d’une durée de
six mois. Ceci positionne de facto mon approche dans le domaine de la recherche action, car
l’objectif du projet était bien d’en tirer des leçons pour l’entreprise et de la transformer pour
améliorer son approche de l’innovation donc d’améliorer ses performances. Toute ma difficulté,
en tant que chercheur, était de bien mettre en place une approche de recherche en parallèle de
mon approche de praticien de l’innovation.
Je me suis donc tout à fait inscrit dans l’intention d’origine de ma recherche de trouver de
nouvelles connaissances par l’action, qui distingue, selon Robson C., la recherche-action.
« La recherche-action est une approche de recherche rattachée au paradigme du pragmatisme
qui part du principe que c’est par l’action que l’on peut générer des connaissances scientifiques
utiles pour comprendre et changer la réalité sociale des individus et des systèmes sociaux. Cette
intention de changement en tant que motif pour entreprendre une recherche déborde la simple
description, compréhension et explication des phénomènes que l’on associe habituellement à
la recherche » (Robson C., 2011).
Je pense avoir aussi rassemblé sur ce premier cas les trois caractéristiques de la recherche-action
selon Roy M. et Prevost P. :
«
- Premièrement, la recherche-action est réalisée avec les gens plutôt que sur les
gens
- Deuxièmement, la recherche-action trouve son ancrage dans l’action, dans la
nécessité d’agir pour changer les choses.
- Troisièmement, le processus de recherche traditionnelle emprunte une voie
linéaire alors que la recherche-action adopte plutôt une démarche cyclique. » (Roy M. et
Prevost, 2013)
Afin d’augmenter la portée de ma recherche, je l’ai par ailleurs étendue à d’autres cas
d’excubation. N’étant pas participant à ces projets, j’ai pu accéder aux données uniquement par
des entretiens qualitatifs approfondis des participants, coordinateurs ou accompagnateurs de
ces initiatives plus de l’analyse de documents. Il s’agit donc pour ces projets d’entretiens
approfondis semi-directifs et d’interactivité cognitive avec des participants et des
accompagnateurs de ce type de projets.
Chapitre 2 : Méthodologie de Recherche
89
1.4 Parcours de recherche
Comme nous l’avons vu, notre démarche de recherche action dans un mode hypotico-induc-
tif nous a conduit à plusieurs cycles successifs de recherche.
La recherche a ainsi connu plusieurs cycles pendant trois ans de janvier 2016 à décembre 2018
avec des phases d’immersion sur le terrain et des phases de distanciation du terrain pour
prendre du recul et analyser les données.
Je retrace ci-après les grandes phases d’immersion et de distanciation, ainsi que l’évolution de
l’objet de recherche et de la question de recherche :
Tout d’abord a eu lieu une première phase de distanciation en 2016 avec une revue de litté-
rature et une revue des différents paradigmes des sciences de gestion dans le cadre du
programme du Doctorate in Business Administration de l’Université Paul Valéry de Mont-
pellier. La revue de littérature initiale a porté sur les champs de l’intrapreneuriat, du manage-
ment de l’innovation, de l’innovation ouverte et de l’innovation disruptive. Elle a permis de
positionner l’excubation comme un dispositif à l’intersection de ces quatre champs de recherche
et de bâtir la première question de recherche et une première hypothèse :
Question de recherche initiale (08/2016) :
Sujet : « Bénéfices et limites des incubateurs et accélérateurs de startups dans les grandes en-
treprises comme nouveau mode d’innovation. »
Hypothèse centrale : Les initiatives actuelles de type incubateurs/accélérateurs de startups sont
loin d’avoir un retour sur investissement positif en lien avec les attentes des dirigeants des
grandes entreprises.
Ensuite, s’est déroulée une phase d’immersion sous la forme d’une recherche-action puis
d’entretiens approfondis de janvier à août 2017 sur le cas d’excubation dans l’entreprise où
il travaille par la participation, la conduite de réunions, puis la conduite d’entretiens semi-di-
rectifs approfondis des différentes parties prenantes sur les différents projets d’excubation.
Chapitre 2 : Méthodologie de Recherche
90
Question de recherche (09/2017) :
Sujet : « Bénéfices et limites de l’innovation dans les grandes entreprises par l’accompagne-
ment entrepreneurial de salariés dans un accélérateur externe : « l’excubation ». »
Hypothèse centrale : Les programmes d’innovation de type « excubation » apportent un béné-
fice significatif en termes de minimisation du coût, de validation d’une innovation de marché
par un mélange de nouvelles méthodes de travail et d’interface avec l’écosystème externe issues
des nouvelles approches de l’accompagnement entrepreneurial.
La troisième phase fut une phase de distanciation de septembre 2017 à janvier 2018 sous la
forme d’analyse des données, de prise de recul, d’appel à de nouveaux champs de littéra-
ture (accompagnement entrepreneurial, management de l’innovation, organisations ambi-
dextres)
Question de recherche (01/2018) :
Sujet : « L’excubation : une nouvelle approche de management de l’innovation dans les
grandes entreprises. Exploration des bénéfices et limites par une démarche de recherche-ac-
tion. »
Hypothèse centrale : les approches de type excubation permettent sous certaines conditions
d’améliorer le management de l’innovation dans les grandes entreprises
Sous-hypothèses :
1. L’excubation apporte un bénéfice significatif en termes de validation d’une opportunité
d’innovation par un mélange de nouvelles méthodes de travail, d’accompagnement en-
trepreneurial et de la libération psychologique des contraintes de l’entreprise dans un
environnement et un accompagnement externe.
2. L’excubation met aussi en évidence les vraies barrières du management de l’innovation
dans les grandes entreprises en termes de culture, d’organisation et de management
lorsqu’il s’agit de réintégrer ce type de projet dans l’entreprise.
Chapitre 2 : Méthodologie de Recherche
91
On voit ainsi le processus de la construction des hypothèses par induction de l’interprétation
des données terrain et par la littérature.
Nous avons ensuite eu une phase d’immersion de janvier à avril 2018 par l’observation de
l’évolution des salariés de l’entreprise A et un effet-miroir par la présentation des premiers
résultats terrain à plusieurs responsables et accompagnateurs d’innovation.
La dernière phase a été une phase de distanciation d’avril à octobre 2018 par la participation
au colloque sur la gouvernance en juin 2018 à Montpellier et une première communication sur
les premiers résultats de la recherche.
Chapitre 2 : Méthodologie de Recherche
92
1.5 Posture du praticien-chercheur
Cette thèse de recherche s’effectue dans le cadre du Doctorat en administration des affaires ou
Doctorate in Business Administration (DBA) de l’Université Paul-Valéry de Montpellier 3. Le
DBA a la particularité de faire appel à des professionnels expérimentés dans un domaine d’ac-
tivité qu’ils ont pratiqué pendant de nombreuses années ce qui leur donne un accès à des terrains
de recherche pointus. Le risque principal est de fausser les résultats par un manque de recul du
praticien qui doit se mettre dans la posture du chercheur pour étudier son objet scientifique de
recherche. Cette posture a été largement étudiée dans la littérature : des termes tels que « en-
chevêtrement » ou « intrications » sont utilisés par Kohn au sujet de la position du praticien-
chercheur. (Kohn, 2001, p. 31).
«Les positions de chercheur et celle de praticien ne sont pas seulement alternantes, elles sont
vécues aussi dans la synchronicité. Le chercheur ne laisse pas le praticien au vestiaire, et vice-
versa. Quand il s'engage dans une pratique, il mobilise aussi des observations et des analyses
de chercheur. En tout état de cause, le chercheur ne veut ni abandonner sa position initiale, ni
en faire fi. De ce fait, il brouille les limites instituées. » (De Lavergne C., 2007, p.36).
Dans mon cas particulier, j’ai travaillé pendant plus de dix ans dans le domaine de l’innovation
dans une grande entreprise en ayant mis en place différentes approches pour améliorer ses per-
formances en termes d’innovation. J'ai, notamment, lancé et développé un incubateur interne
qui a été reconnu comme un modèle d’innovation agile pour les grandes entreprises. Le projet
d’excubation fait donc bien partie à l’origine de mes activités professionnelles. Il s'agissait d'ex-
périmenter un nouveau dispositif d'innovation. J étais donc à la fois praticien, en charge de la
mise en place d’une expérience d’excubation pour l’une des grandes entreprises étudiées de
janvier à juin 2017 et j’étais aussi chercheur, cherchant à produire de la connaissance scienti-
fique.
Dans cette entreprise, ma difficulté a donc été d’adopter une posture de chercheur alors que ma
position était celle d’un manager en charge de mettre en œuvre cette nouvelle approche de
l’innovation par l’excubation. Cette position peut être même considérée comme un cas extrême
: «Le cas limite extrême, c'est celui de la constitution comme cas de recherche, par le chercheur
des activités dans lesquelles il est impliqué.»(De Lavergne C., 2007, p.38).
Chapitre 2 : Méthodologie de Recherche
93
Le bénéfice majeur de cette situation est de se trouver dans une situation unique d’observa-
tion et de pouvoir construire la solution avec les différents acteurs. J'ai ainsi pu observer et
travailler sur des étapes du phénomène qui auraient sans doute échappées à un chercheur ex-
terne : l’origine du projet et ses motivations profondes, le mode de sélection des participants,
la position de managers, le choix de l’incubateur, les réunions de synthèses, l’impact réel de
l’excubation sur les salariés et dans l’entreprise.
Comme on le comprendra, cette position de praticien-chercheur comporte aussi beaucoup
de risques de biais et de subjectivité. Si ce dédoublement est, dans mon cas, pleinement as-
sumé, Ruth Kohn a identifié plusieurs positions pouvant être adoptées par le praticien-cherheur
(Kohn R., 2001, p.34). Je dirais que ma position a été celle de l'oscillation entre le chercheur et
le praticien, bien décrite par De Lavergne : «Le chercheur oscille d'une position de profession-
nel à une position de chercheur, aimanté tour à tour par ces deux pôles dans l'interaction avec
les acteurs (situation de double contrainte)…Cette oscillation peut aussi correspondre à diffé-
rents temps de la recherche (recueil documentaire, observation, traitement et catégorisation,
entretines, restitutions, analyses.»(De Lavergne C., 2007, p.37).
J'ai donc fait particulièrement attention à avoir des temps importants de prise de recul par rap-
port au terrain et à bien mettre en œuvre les méthodologies de recherche que nous avons ac-
quises au fur et à mesure de notre formation doctorale. Cela a été possible à plusieurs reprises
par des phases de recherche de littérature, l’échange avec d’autres chercheurs du laboratoire
CORHIS, les phases d’analyse des données, les phases d’écriture et la participation au colloque
sur la gouvernance en juin 2018 où les premiers résultats de la thèse ont pu être présentés et
bien sûr les revues de projet avec mon directeur de thèse.
Dans le cadre de ma recherche-action dans la grande entreprise A où j'étais en poste, j'ai décidé,
dans un premier temps, de janvier à mai 2017, de ne pas déclarer ma position de chercheur mais
de garder ma posture de coordinateur de l’initiative dans l’entreprise pour éviter toute influence
de changement de comportement des participants. Ce n’est que dans un deuxième temps, en
juin-juillet 2017, lorsque j'ai souhaité interroger les acteurs de manière totalement anonyme sur
leur expérience d’excubation que je leur ai déclaré ma position de chercheur.
Pour toutes les autres entreprises et accélérateurs que j'ai étudiés à partir de juin 2017, je me
suis d’entrée de jeu présenté comme chercheur du laboratoire CORHIS même si tous connais-
saient par ailleurs ma fonction dans le cadre de l’entreprise, ce à quoi je suis resté très vigilant
dans l’observation des comportements lors des entretiens et de leur analyse.
Chapitre 2 : Méthodologie de Recherche
94
Section 2 : Présentation du terrain et techniques de collecte des données
2.1 Terrain scientifique de recherche
Avant de décrire le terrain scientifique de recherche retenu, rappelons ci-après notre problé-
matique de recherche :
Objet de la recherche : le phénomène d’excubation
Question centrale : Dans quelle mesure les projets d'excubation peuvent améliorer le
management de l'innovation dans les grandes entreprises ?
Questions sous-jacentes :
- Comment fonctionne l’excubation ? Avec quelles méthodes ?
- Quels sont les bénéfices et les limites de l’excubation ?
- Quel impact et quelles recommandations en termes de management de l'innovation et
de transformation des grandes entreprises ?
Notre objet de recherche est donc le phénomène d’excubation dans les grandes entreprises.
Notre champ de recherche empirique est le suivant :
- Les grandes entreprises privées de plus de 2000 salariées en France quel que soit
leur secteur d'activité
- Les incubateurs/accélérateurs de startups en France.
- Les projets d’ « excubation » de salariés de grandes entreprises à l’intérieur de
ces accélérateurs de starups
Notre champ de recherche a porté spécifiquement sur :
- Quatre grandes entreprises françaises de 2 500 à plus de 100 000 salariés
dans différents secteurs d’activité ayant démarré au moins un projet d’excubation.
- Quatre accélérateurs français de différentes zones géographiques ayant
accompagné chacun plus d’une dizaine de projets d’excubation entre 2016.
- Un GAFAM Google n’ayant pas besoin du mode excubation ayant un
programme interne baptisé « 20% Google ».
Chapitre 2 : Méthodologie de Recherche
95
Avec ce champ de recherche nous estimons couvrir un retour d’expérience sur une quarantaine
de projets excubés en France depuis 2016, sachant que nous estimons que ces
expérimentations, toutes très récentes, ne dépassent pas la centaine depuis leur début. Une
première recherche qualitative devrait donc permettre de mettre en évidence des régularités
pour proposer des hypothèses de recherche.
Nous avons pu mettre entre place une recherche-action dans le cadre de l’entreprise A où je
travaillais comme directeur de l’innovation, ce qui a permis de faire une étude longitudinale
détaillée de janvier 2017 à octobre 2017 depuis la phase de préparation du projet jusqu’à la
suite donnée dans l’entreprise et l’observation des transformations sur les salariés.
Pour tous les autres terrains recherche, nous avons procédé de juin à août 2017 à des
entretiens semi-directifs à posteriori des participants, coordinateurs ou accompagnateurs sur
leurs retours d’expérience sur les projets d’excubation récents , le tout complété par une
analyse des documents de présentation des organisations.
Notre recherche est donc basée sur une étude qualitative par entretien semi-directifs des
différents acteurs de différents projets d’excubation, sur l’analyse de documents et sur
l’analyse de la littérature.
2.2 Présentation détaillée du terrain scientifique
Nous avons choisi comme facteur principal de catégorisation le type d’organisation :
- Les grandes entreprises françaises qui expérimentent des projets d’excubation.
- Les accélérateurs de startups qui accueillent et accompagnent ces projets
d’excubation.
- Un GAFAM qui ne met pas en place de projet d’excubation mais a une autre
approche de l’innovation.
Le besoin d’interviewer la troisième catégorie s’est fait ressentir par induction du fait que
plusieurs interviewés ont cité Google, comme méthode d’innovation et d’agilité très efficace
pour une grande entreprise dans laquelle on pouvait se passer d’excubation. J’ai conscience de
l’aspect limité des retours sur les GAFAMs dans cette recherche qui mériterait un terrain
d’étude plus approfondi en l’élargissant à d’autres GAFAMs et d’autres startups. L’entretien
avec Google m’a cependant donné des éléments d’analyse extrêmement intéressants avec un
Chapitre 2 : Méthodologie de Recherche
96
autre regard sur l’innovation dans les grandes entreprises. J’ai donc créé une catégorie
spécifique startups/GAFAMs pour permettre d’étendre ultérieurement cette recherche.
Ma démarche était totalement anonyme et l’ensemble des acteurs en a été informé avant chaque
entretien individuel. Les accélérateurs de startup et Google ont cependant accepté et même
souhaité être cités. Nous les avons donc mentionnés, ceci présentant selon nous un intérêt pour
des recherches ultérieures qui souhaiteraient compléter nos premiers résultats.
Catégorie grandes Entreprises :
- Entreprise A : Une grande entreprise internationale dans le secteur technologique
(>10 000 salariés), qui a expérimenté un premier projet d’excubation dans l’accélérateur
parisien NUMA à de mars 2017 à juin 2017. Cette entreprise avait déjà mis en place un
incubateur interne depuis 2011 avec des intrapreneurs et avait connu un certain succès
mais souhaitait aller plus loin notamment pour mieux réussir à adresser de nouveaux
marchés.
- Entreprise B : La filiale française d’une grande entreprise dans le secteur automobile
(>100 000 salariés) qui a lancé un programme d’excubation dans l’incubateur Lyonnais
WAOUP dans le cadre d’une mobilité externe d’un plan de sauvegarde de l’emploi en
2016. Ce programme était un programme d’aide à la mobilité externe dimensionné pour
une douzaine de projets pour aider les employés à préparer leur avenir, en testant leur
intérêt et aptitude à devenir entrepreneur dans ce programme de deux mois. Ces douze
projets ont concerné une quinzaine de salariés du groupe.
Cette expérience d’excubation a donné lieu, dans une deuxième phase, à la création d’un
incubateur interne dans l’entreprise B, toujours accompagné par WAOUP.
- Entreprise C : Une grande entreprise française dans le secteur de l’énergie (>100 000
salariés) qui a lancé un nouveau programme baptisé accélérateur d’innovation en juillet
2016 avec certains projets excubés dans différents accélérateurs.
Suite à une phase d’idéation dans les différentes régions de l’entreprise, la direction
innovation sélectionne les projets à accélérer et met en place des équipes projet de 3 à 5
salariés à 50% de leur temps pour une durée de quelques mois. Sur les vingt-cinq projets
dans l’accélérateur d’innovation, cinq à six projets sont en cours d’excubation dans un
accélérateur.
Chapitre 2 : Méthodologie de Recherche
97
- Entreprise D : Une grande entreprise française dans le secteur agroalimentaire
(>2 500 salariés), qui a mis en place une équipe fin 2016 dans l’accélérateur parisien
SCHOOLAB. Ce projet d’excubation faisait suite à un concours d’innovation interne où
les salariés avaient élu collectivement. L’idée de l’excubation était de prototyper et tester
ce projet pour voir s’il pouvait présenter un intérêt pour le groupe.
Catégorie accélérateur de startup
- NUMA, Paris (voir présentation en annexe 2)
Le NUMA est né en 2013 de la fusion de Silicon Sentier (2000), une association
parisienne d’entrepreneurs du Web, de la Cantine (2008), un lieu de co-working pour
entrepreneurs et Le Camping (2011), le premier accélérateur de startups français. C’est
un lieu d’innovation situé dans le Sentier à Paris qui regroupe trois activités principales :
1. La communauté d’innovation : au travers de l’espace ouvert de co-working
et des différentes évènements et présentations autour de l’entrepreneuriat et
des enjeux de transformation des entreprises.
2. L’accélération de start-ups qui consiste à sélectionner des start ups, les
former et les accompagner pendant 3 mois et les aider financièrement contre
des parts dans le capital.
3. L’innovation pour les grands groupes : formation aux méthodologies
entrepreneuriales et l’accompagnement sur des projets d’innovation à
travailler sur des projets très concrets soit avec des startups, soit en mode
startup (excubation).
- SCHOOLAB, Paris (voir présentation en annexe 3)
Schoolab commence en 2007 par un programme CPI bâti autour du Design Thinking qui
fait travailler ensemble des étudiants issus de formations Business, Tech et Design sur
des projets concrets d’entreprises.
Schoolab créé en 2016 le programme Starter, le premier incubateur de startups pour
étudiants et jeunes diplômés, et développe ses offres Corporate avec de nouveaux modes
d’accompagnement et de formations. Il se définit aujourd’hui comme un studio
d’innovation autour de trois axes :
Chapitre 2 : Méthodologie de Recherche
98
o Un lieu d’open-innovation dans le quartier du Sentier qui accueille en
résidence des étudiants, startups des grands groupes et organise des workshops
et événements autour de l’entrepreneuriat.
o Un accélérateur de startups avec le programme Starter pour les étu-
diants et le programme Bridge avec 4 mois à Berkeley et 4 mois à Paris.
o Des programmes d’innovation et d’entrepreneuriat pour les
entreprises avec notamment le lean factory, le programme CPI ou des ateliers sur
mesure.
- STARTUP PALACE, Nantes (voir présentation en annexe 4)
Startup Palace naît en 2015, de la rencontre de trois entrepreneurs imprégnés de la culture
startup dans trois pôles d'expertise : le web, l'innovation de modèles économiques et la
finance. StartUp Palace ouvre, en septembre 2015, en plein centre de Nantes un espace
de plus de 1000 m² qui devient un lieu de vie et d'expérimentation. Trois ans plus tard,
Startup Palace a accompagné plus de 25 batchs de startups au sein de 12 programmes
d'accélération distincts.
Elle revendique aujourd’hui trois activités principales :
– L’accélération de startups (30 startups hébergées et avec 120 Alumni).
– L’acculturation et l’accompagnement de l’innovation pour les grandes
entreprises.
– Des programmes d’intrapreneuriat pour les grandes entreprises (excubation).
- WAOUP, Lyon (voir présentation en annexe 5)
Waoup est né en 2013 sur l’idée initiale d’un incubateur de startups collaboratives sur
Lyon en rassemblant un maximum de projets entrepreneuriaux, chacun contribuant au
projet des uns et des autres à son démarrage. Waoup faisait aussi du conseil aux
entreprises.
L’accélérateur se définit aujourd’hui comme une « business factory » aidant soit les
entreprises à lancer de nouveaux business soit en montant certains business sous forme
de startups. Elle offre les quatre activités suivantes :
1. Semer la graine pour transformer les organisations.
2. Créer des lieux/ programmes d’innovation.
Chapitre 2 : Méthodologie de Recherche
99
3. Créer des business innovants pour/avec des entreprises (excubation,
co-innovation…).
4. Créer ses propres startups.
Catégorie GAFAM ou STARTUP
- Google, Silicon Valley (voir présentation en annexe 1) : Une grande entreprise
internationale américaine (> 70 000 salariés) créée en 1998 dans le domaine de l’internet
qui a développé une culture et une approche de l’innovation qui lui permettent d’innover
sans faire appel à de « l’excubation » de salariés avec notamment un programme baptisé
« 20% Google »
Tableau 9 : Synthèse du champ de recherche sur l’excubation
(source : Marc Géméto)
Organisation Projets étudiés Mode de recherche
Entreprise A (>10000 salariés)
Secteur technologique
ENT A Un projet
d’excubation avec
sept salariés
participants de
janvier à octobre
2017 à 80% de leur
temps dans
l’accélérateur NUMA
- Recherche action
- Observation directe
participante
- Neuf entretiens
individuels approfondis
(direction,
management,
participants,
accompagnateurs)
- Trois réunions de
groupe
Entreprise B
(> 100 000 salariés)
Secteur automobile
ENT B Douze projets
d’excubation avec
quinze salariés
participants à 100%
de leur temps sur
deux mois en 2016
dans l’accélérateur
WAOUP
- Un entretien
individuel approfondi
(participant)
- Documents
Entreprise C
(> 100 000 salariés)
Secteur de l’énergie
ENT C Cinq à six projets
d’excubation avec
une vingtaine de
salariés participants à
50% de leur temps en
cours en 2017 dans 3
accélérateurs
différents
- Un entretien
individuel approfondi
(management)
Chapitre 2 : Méthodologie de Recherche
100
Entreprise D
(> 2500 salariés)
Secteur agro-
alimentaire
ENT D Un projet
d’excubation avec un
salarié participant à
100% de son temps
pendant 6 mois en
2016 dans
l’accélérateur
SCHOOLAB à Paris
- Un entretien
individuel approfondi
(participant)
Accélérateur E
NUMA à Paris
ACC E Plusieurs dizaines de
projets d’excubation
accompagnés
Deux entretiens
individuels approfondis
(accompagnateurs)
Documents
Accélérateur F
WAOUP à Lyon
ACC F Plusieurs dizaines de
projets d’excubation
accompagnés
Un entretien individuel
approfondi
(accompagnateur)
Documents
Accélérateur G
SCHOOLAB à Paris
ACC G Plusieurs dizaines de
projets d’excubation
accompagnés
Un entretien individuel
approfondi
(accompagnateur)
Document
Accélérateur H
STARTUP PALACE à
Nantes
AGG H Plusieurs dizaines de
projets d’excubation
accompagnés
Un entretien individuel
approfondi
(accompagnateur)
Réunion d’équipe (cinq
accompagnateurs)
GAFAM
Google aux Etats Unis
GOOGLE Politique
d’innovation de
Un entretien individuel
approfondi (salarié)
2.3. Techniques de collecte des données
2.3.1 Conduite des entretiens individuels approfondis
Hormis l’observation participante que nous avons pu faire dans le cadre de l’entreprise A où
nous avons mis en place le projet d’excubation, le recueil des données a été fait principalement
par des entretiens individuels approfondis des différentes parties prenantes des projets
d’excubation, complétés par les documents de présentation que nous avons pu recueillir.
Ces entretiens ont été faits soit en face à face dans un bureau fermé de l’entreprise, soit à
distance par téléphone en signalant bien qu’il s’agissait d’une recherche scientifique où toutes
les données resteraient confidentielles sans qu’on puisse identifier l’interlocuteur. Il a
systématiquement été demandé l’autorisation de faire l’enregistrement intégral : tous on
accepté. Ces enregistrements ont donné lieu à une retranscription écrite intégrale et exacte des
Chapitre 2 : Méthodologie de Recherche
101
propos pour mieux les exploiter. Un temps était aussi systématiquement gardé à la fin de
l’entretien pour des remarques libres sans enregistrement. Le contenu que nous avons recueilli
et l’attitude des participants nous semblent démontrer qu’ils se sont livrés très ouvertement dans
ces entretiens. De plus, les accompagnateurs des accélérateurs et le salarié de Google ont
accepté d’être cités ouvertement, ce que nous n’avons cependant pas fait.
La durée de ces entretiens individuels a été sensiblement la même avec une durée d’environ
une heure. Elle a été conduite de manière semi directive en se basant sur les guides d’entretiens
suivants :
GUIDE D’ENTRETIEN SEMI- OUVERT pour membre de l’entreprise
1. Racontez-moi un peu qui vous êtes, votre expérience et comment vous êtes arrivé là.
2. Comment ça marche ?
3. Quel est votre rôle dans le projet ?
4. Qu’est-ce qui a amené ce projet dans l’entreprise ?
5. Dites-moi ce qui ne va pas.
6. Y – a– t-il des points qui vous empêchent de dormir la nuit ?
7. Quels seraient les points d’amélioration que vous suggéreriez ?
8. Dites-moi ce qui marche bien.
9. Comment le vivez-vous ?
10. De quoi rêveriez-vous ?
11. Y avait-il eu des objectifs initiaux communiqués aux équipes ?
12. D’après vous, ont-il été atteints ? Pourquoi ?
13. D’après vous quels sont et quels seront les bénéfices réels de cette initiative pour
l’entreprise ?
14. Quels sont les apports spécifiques d’être dans un accélérateur externe dans la réussite ?
15. Est-ce que vous pensez que c’est transférable dans l’entreprise ? Comment ?
16. Quels autres types d’approche de l’innovation avez-vous déjà expérimenté ?
17. Quels autres types d’approche vous feraient envie ?
18. Comment compareriez-vous ce nouveau type d’approche par rapport à ces autres
initiatives ?
Arrêter l’enregistrement - Auriez-vous d’autres choses à dire ?
Chapitre 2 : Méthodologie de Recherche
102
GUIDE D’ENTRETIEN SEMI-OUVERT pour incubateur
1. Racontez-moi un peu qui vous êtes et comment vous êtes arrivés là ?
2. Comment marche l’incubateur ?
3. Comment marche le projet dans l’incubateur ? Comment appelez-vous ce type de
projet ?
4. Quel est votre rôle dans le projet ?
5. Qu’est-ce qui a amené ce projet de l’entreprise dans l’incubateur ?
6. Quelles étaient les attentes et les objectifs de l’entreprise ?
7. D’après vous, ont-ils été atteints ? Pourquoi ?
8. Dites-moi ce qui ne va pas.
9. Y – a– t-il des points qui vous empêchent de dormir la nuit ?
10. Quels seraient les points d’amélioration que vous suggéreriez ?
11. Dites-moi ce qui marche bien.
12. Pourquoi ça marche ?
13. De quoi rêveriez-vous ?
14. Quels ont été les bénéfices réels de cette initiative pour l’entreprise ?
15. Quels sont les apports spécifiques d’être dans un accélérateur externe dans la réussite ?
16. Est-ce que vous pensez que c’est transférable dans l’entreprise ? Comment ?
17. L’entreprise pourrait-elle le faire totalement en interne ? Pourquoi ?
18. Quels autres types d’approche avez-vous déjà expérimenté pour innover ?
19. Quels autres types d’approche vous feraient envie ?
20. Comment compareriez-vous ce nouveau type d’approche par rapport à ces autres
initiatives ?
Arrêter l’enregistrement - Auriez-vous d’autres choses à dire ?
Les autres observations se sont basées sur des prises de notes lors des participations aux
réunions collectives dans le respect total de la confidentialité sur le contenu des projets.
Chapitre 2 : Méthodologie de Recherche
103
2.3.3 Segmentation des données
Nos premières investigations nous ont montré qu’il y avait un nombre limité de types
de profils qui intervenaient dans les projets d’excubation. D’une part, dans les entreprises, nous
avions uniquement les salariés participants, leurs managers, les responsables innovation ou
coordinateurs et la direction. D’autre part, dans les incubateurs/accélérateurs, les seules
personnes directement impliquées étaient les accompagnateurs eux-mêmes ou responsables du
programme d’accompagnement qui eux-mêmes accompagnaient des projets.
Pour les entreprises, cela nous a conduits à distinguer les fonctions de direction, de
management et de salariés participant à un projet d’excubation. Pour les accélérateurs, nous
nous sommes concentrés sur les accompagnateurs qui sont les seuls directement impliqués dans
les projets d’excubation. Pour Google, nous avons eu un salarié participant à projet de type 20%
Google.
Nous avons, au vu de nos premières observations, abandonné l’idée de codifier nos résultats
selon l’âge ou le sexe des participants, car il nous est apparu que les participants étaient
systématiquement des profils très similaires de type cadres supérieurs de formation marketing
ou technique expérimentés.
La segmentation et la codification des populations qui nous ont permis de mener nos entretiens
de manière anonyme sont résumées dans les tableaux suivants :
Tableau 10 : Segmentation des populations et codifications données excubation
---------------------------------------------------------------------------------------------------------
SEGMENTATION DES POPULATIONS et CODIFICATION
Segment 1 : Grande Entreprise avec un Projet d’Excubation : ENT
Sous segment : direction : code DI
Sous segment : manager : code MA
Sous segment : salarié participant au projet : code PA
Sous-segment : document interne ou compte rendu : code DOC
Segment 2 : Structure d’Accompagnement type Accélérateur : ACC
Sous-segment : accompagnateur : code ACC
Sous-segment : document : code DOC
Segment 3 : StartUp ou « GAFA » sans Projet d’Excubation : STA
Sous segment : salarié startup ou GAFA : code STA
Sous-segment : document interne : code STADOC
Chapitre 2 : Méthodologie de Recherche
104
Tableau 11 : Codification des Organisations (source : Marc Géméto)
Segment 1 : Grande Entreprise : ENT
- ENT A : secteur technologique (>10 000 salariés)
- ENT B : secteur automobile (>100 000 salariés)
- ENT C : secteur de l’énergie (>100 000 salariés)
- ENT D : secteur agroalimentaire (>2 500 salariés)
Segment 2 : Structure d’Accompagnement de type Accélérateur : ACC
- ACC E : NUMA, accélérateur de startups parisien
- ACC F : WAOUP, accélérateur de startups lyonnais
- ACC G : SCHOOLAB, accélérateur de startups parisien
- ACC H : STARTUP PALACE, accélérateur de startups nantais
Segment 3 : StartUp ou GAFA sans projets d’excubation : STA
- STA 1 : GOOGLE : (> 70 000 salariés)
Une seule entreprise a été interviewée dans cette catégorie, mais il pourra être intéressant
d’interviewer ultérieurement d’autres entreprises pour approfondir les résultats de la
recherche.
Chapitre 2 : Méthodologie de Recherche
105
Tableau 12 : Codification des phrases-témoins issues des entretiens (source:Marc Géméto)
FICHE DE PREPARATION DE SAISIE DES PHRASES-TEMOINS 20/10/2017
Organisation : Grande Entreprise Code : ENT + Lettre
Code Entreprise Fonction Type Date
DI 1 ENT A Directeur StratégieDiscours de briefing des
équipes 02/02/2017
DI 2 ENT A Directeur Général Discours lors du lancement 09/02/2017
REU 1 ENT A Accompagnateur+Participants Synthèse Ecrite Debriefing 29/05/2017
REU 2 ENT ANote de Réunion( extraits non
confidentiels)Réunion Debriefing 31/05/2017
PA 1 ENT A Programme Manager Entretien 31/05/2017
MA 1 ENT AResponsablr Unité de
BusinessEntretien 06/06/2017
PA 2 ENT A Marketing Project Manager Entretien 08/06/2017
PA 3 ENT A Product Manager Entretien 15/06/2017
PA 4 ENT A Marketing Manager Entretien 15/06/2017
PA 5 ENT A R&D Developer Entretien 15/06/2017
REU 3 ENT APDG + Comité Direction +
AccélarateurRéunion Debriefing Direction 16/06/2017
PA 6 ENT B Directeur des Partenariats Entretien 24/08/2017
MA 2 ENT C Responsable Innovation Entretien 23/07/2017
PA 7 ENT D Chef de Projet Innovation Entretien 23/07/2017
Nombre d’entretiens 9
Organisation : Incubateur/ Accélérateur Code : INC + Lettre
Code Incubateur Fonction Type Date
ACC 1 INC E Accompagnateur Innovation Entretien 08/06/2017
ACC 2 INC EAccompagnateur Innovation -
Responsable IndustrieEntretien 09/06/2017
REU 4 INC EPrésentation aux équipes lors
du démarrageRéunion + Powerpoint 02/05/2017
DOC 1 INC E Présentation accélérateur Powerpoint 09/02/2017
ACC3 INC F Accompagnateur Innovation Entretien 08/08/2017
ACC4 INC F Coach Innovation Entretien 24/08/2017
DOC2 INC F Présentation accélérateur
ACC 5 INC GResponsable et
Accompagnateur Innovation Entretien 04/07/2017
DOC 3 INC G Présentation accélérateur
ACC 6 INC HRéunion d'échange avec les 5
accompagnateurs/facilitateurs
Note lors d'une réunion équipe
des coaches11/07/2017
ACC 7 INC H Accompagnateur Innovation Entretien 30/08/2017
Nombre d’entretiens 6
Organisation : StartUp ou GAFA Code : STA + Chiffre
Code STARTUP Fonction Type Date
MA 3 STA 1Google Cloud Program
ManagerEntretien 18/08/2017
DOC 4 IPresentation Approche
Innovation comem modèle aux 18/08/2017
Nombre d’entretiens 1
Chapitre 2 : Méthodologie de Recherche
106
2.2.3 Traitement des données
Nos données s’appuient donc sur seize entretiens qualitatifs semi directifs des participants et
parties prenantes sur une période de février à octobre 2017, l’observation directe participante
dans le cas de l’entreprise A et l’analyse de documents de cas réels récents de projets
d’excubation.
Ces données ont été traitées par une méthode consistant à sélectionner des phrases-témoins à
partir des notes exhaustives (Plane J.-M., 2000, p.127). Les phrases-témoins ont été
sélectionnées pour leur pertinence à représenter les performances ou dysfonctionnement
exprimés par les acteurs. Notre recherche s’est ensuite principalement basée sur l’analyse de
ces phrases-témoins, au nombre d’environ 400.
Ces phrases-témoins ont été entièrement retranscrites et codifiées dans un tableur excel, pour
en faciliter leur traitement. Nous avons mis ces verbatims avec leur classement en thèmes et
sous-thèmes en annexe 7.
Ces phrases-témoins ou « verbatims » ont ensuite été classées et regroupées en idées-clés
génériques par traitement manuel avec l’aide d’un tableur excel. C’est par le traitement de ces
idées-clés que nous avons pu catégoriser les discours et les idées-clés en thèmes et sous-thèmes
(Plane, 2000).
Vu le faible nombre d’entretiens, et vu que chaque accompagnateur-expert représentait à lui
seul un retour d’expérience sur plusieurs dizaines de projets d’excubation, nous avons
abandonné l’idée d’utiliser la fréquence des idées-clés pour déterminer les thèmes et sous-
thèmes pertinents. Nous avons plutôt fait appel à notre avis d’expert mais aussi à ceux de
plusieurs spécialistes de l’innovation et de l’accompagnement lors de sessions de partages de
nos premiers résultats.
Cette fréquence a été seulement mentionnée dans deux sous-thèmes : les facteurs clés de succès
de l’excubation et les problèmes de l’excubation qui ont donné lieu à un très grand nombre de
verbatims. Nous avons aussi mentionné les cas où il y avait unanimité de toutes les personnes
interviewés sur un point de vue.
Thèse doctorale en administration des affaires sur « l’excubation »
107
PARTIE 2 :
RESULTATS DE LA RECHERCHE
ET DISCUSSION MANAGERIALE
Thèse doctorale en administration des affaires sur « l’excubation »
108
Introduction Partie 2
L'objet de cette partie intitulée RESULTATS DE LA RECHERCHE ET DISCUSSION MA-
NAGERIALE est de présenter les résultats de la recherche et de discuter les apports managé-
riaux.
Elle est divisée en deux grandes parties et suivi d'une conclusion générale.
Le chapitre 3 détaille l'ensemble des résultats issus du terrain de recherche.
Le chapitre 4 discute de ces résultats et des apports managériaux en les croisant avec la littéra-
ture académique.
La conclusion générale résume les principaux apports de la thèse discuté dans le chapitre 4.
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
Section 1 : Bénéfices et limites opérationnelles de l’excubation
Section 2 : Impact sur la transformation des entreprises et des salariés
Chapitre 4 : Discussion des résultats et perspectives
Section 1 : Apports de l’excubation dans les champs de l'accompagnement entrepreneurial et
de l'innovation ouverte
Section 2 : Vers un nouveau mode de management de l’innovation
Conclusion Générale
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
109
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
Introduction au chapitre 3
Le chapitre 3 décrit les résultats de notre terrrain de recherche qui ont été divisés en deux
grandes sections :
La section 1 décrira les bénéfices et limites opérationnelles de l’excubation en matière d’in-
novation et de management de l’innovation
La section 2 décrira la transformation des salariés et des grandes entreprises suite à la
pratique de l'excubation.
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
110
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
111
SECTION 1 : Bénéfices et limites opérationnelles de l'excubation
Introduction à la section 1
L’objet de la section est de bien comprendre les résultats, bénéfices et limites opérationnelles
de l’excubation en matière d’innovation et de management de l’innovation pour les grandes
entreprises en analysant dans chacun des chapitres suivants :
- son positionnement dans le processus de management de l’innovation
- les types et les origines des projets excubés,
- les attentes des entreprises,
- le fonctionnement de l’excubation,
- les résultats et bénéfices de l’excubation,
- les facteurs clés de succès de l’excubation,
- les limites et problèmes majeurs de l’excubation.
Cette analyse nous permettra ainsi, par interactivité cognitive, et en la croisant avec la littérature
de donner des recommandations et des pistes de prescription pour l’amélioration du
management de l’innovation dans les grandes entreprises.
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
112
1.1 Positionnement de l’excubation dans le processus du management de
l’innovation en entreprise
L’excubation se positionne dans le processus plus global de management de l’innovation
en entreprise.
On peut schématiser les grandes étapes du processus du management de l’innovation dans les
grandes entreprises selon le schéma 1 ci-après :
Figure 17 : « Processus de management de l’innovation en entreprise »
(source : Marc Géméto)
Ce processus est composé de :
- Une phase d’idéation : il s’agit de générer et de sélectionner des idées
innovantes. Nous n’étudions pas dans cette thèse les sources de ces idées, mais
il est important que les entreprises en multiplient les origines aussi bien en
interne qu’en externe. L’utilisation de sources externes d’idées est une des façons
de pratiquer l’innovation ouverte telle que décrite par Henry Chesbrough dans
Open Innovation : Researching a New Paradigm (2006).
Les entreprises ont aussi multiplié les initiatives pour générer des idées de plus
en plus en construites avec des outils telles que les plateformes d’innovation ou
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
113
des concours d’innovation permettant aux salariés de poster leurs idées
innovantes et de les enrichir , ou par l’organisation d’évènements externes tels
que les « hackathons » qui vont permettre à des groupes mixtes de salariés et de
membres de startups de développer en deux, trois jours de nouveaux prototypes
de solutions innovantes.
- Une phase d’exploration des idées sélectionnées. Elle est faite habituellement
par les experts de l’entreprise de la R&D, du marketing et design pour en évaluer
la faisabilité technique, l’intérêt pour le consommateur et la viabilité
économique pour l’entreprise sous la conduite d’un responsable de projet ou
d’un chef de produit. Les résultats de ces études sont synthétisés sous la forme
d’un plan de projet innovant, appelé ici « business plan ». Ce business plan est
ensuite présenté à une direction de l’entreprise pour décider d’en financer ou non
le développement dans le cadre de son budget.
- Une phase de développement de la solution avec les équipes design, marketing
et techniques financées par la direction concernée.
- Une phase d’exploitation technique et commerciale, avec la mise en
production de la solution et son développement commercial par le réseau de
ventes de l’entreprise.
On note que ce processus fait aussi appel à deux étapes majeures de décision par l’entreprise
concernée :
- Le choix des idées retenues et des ressources mises en œuvre pour
l’exploration.
- La décision de financer ou non certains projets innovants par rapport au
programme de développement de l’entreprise.
Dans ce processus, la phase d’excubation se positionne après la phase d’idéation et avant le
développement de la solution. Elle consiste, comme on l’a vu, à mettre temporairement une
petite équipe de l’entreprise dans un incubateur/accélérateur de startups. Elle remplace donc
la phase de validation d’une idée normalement faite par des études marketing et
techniques par les salariés de l’entreprise.
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
114
Figure 18 : « L’excubation dans le processus de management de l’innovation»
(source : Marc Géméto)
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
115
1.2. Types et origine des projets excubés
Nous étudions dans ce paragraphe les types de projets « excubés » et leur origine pour mieux
analyser les attentes des entreprises en termes d’innovation.
1.2.1 Types de projets excubés
Pour des raisons de confidentialité, nous ne pouvons pas citer les projets exacts qui ont été
explorés par les entreprises. Ceci est d'autant plus vrai, que, la plupart du temps, ils ont fait
l'objet d'une sélection rigoureuse en termes de pertinence et d'intérêt stratégique pour
l'entreprise. Pour illustrer, nous donnons des exemples de champs d'exploration imaginés : pour
la grande distribution, de nouvelles offres utilisant des canaux digitaux innovants, pour l'énergie
de nouveaux services ou de nouveaux modèles de facturation pour ses clients, dans la haute
technologie adapter son offre pour les startups de la nouvelle économie,…
Nous avons constaté que les projets choisis pour l’excubation s’adressent à des marchés en
dehors du périmètre habituel de l’entreprise, qu’il s’agisse de nouveaux produits non
matures ou de nouveaux marchés en début de développement. Ils se positionnent typiquement
dans le champ que nous avons baptisé d’innovation substantielle (Dodgson M. and al , 2014)
au chapitre 1.
Comme nous l’avons vu au chapitre 1, les grandes entreprises se positionnent en priorité sur
l’innovation incrémentale. Elles sont en effet structurées pour adresser leurs clients déjà connus
sur des types de solution connues avec un niveau de prévisibilité important donc avec peu de
risques financiers. A contrario, elles ont du mal à adresser les autres types d’innovation
(innovation substantielle ou innovation disruptive) où l’incertitude du résultat est grande et le
risque d’échec important. Ce type d’innovation semble plutôt réservé aux startups qui peuvent
les explorer de manière plus agile et plus efficace. Cependant, même pour les startups, le taux
d’échec est important puisque 80 à 90% échouent et n’atteignent pas les résultats espérés.
L’idée de mettre des groupes de salariés dans les mêmes conditions que les startups pour
défricher ces nouveaux horizons apparaît donc à priori comme une idée prometteuse à explorer.
En résumé, les projets d’excubation explorent des projets d’innovation substantielle donc
le plus souvent adjacents aux marchés connus de l'entreprise.
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
116
1.2.2 Origine des projets excubés
Tous les projets analysés sont récents et ont commencé entre juillet 2016 et mars 2017.
Il s’agit bien pour les entreprises d’expérimenter cette nouvelle idée prometteuse que représente
l’excubation par rapport à d’autres approches qui ont souvent montré leurs limites.
Pour les 4 entreprises interviewées, les origines des projets d’excubation sont variées :
- suite à l’arrêt d’un programme d’innovation classique assez coûteux et
démontrant peu de résultats.
- suite à la volonté de tester de manière agile un projet stratégique visant la
nouvelle économie et ayant été identifié lors d’un hackathon interne.
- suite à l’engagement de la direction vis-à-vis de ses collaborateurs de réaliser le
projet du gagnant d’un concours d’innovation interne.
- Suite à la mise en place dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi pour
encourager et aider les salariés intéressés par l’entrepreneuriat.
Les accompagnateurs interviewés dans les incubateurs bénéficient du retour d’expérience sur
une quarantaine de projets d’excubation. Cela nous permet de donner une vision plus large sur
les origines des projets excubés. On a pu résumer ces origines ci-dessous :
- Soit ils font suite à une réflexion stratégique de la direction générale après une
phase d’accompagnement par une agence de communication, un consultant en
stratégie ou par un incubateur de startups.
Verbatim 1111 : « on a fait 3 mois de conseil en innovation qui ont donné 4
projets différents dont un où on a voulu un mode intrapreneurial. » ACC 3 INC F
- Soit ils font suite à un concours d’innovation interne par exemple de type
hackathon, afin de donner une suite au projet.
Verbatim 1115 : « l’excubation vient souvent après un concours d'innovation
dont on ne sait pas quoi faire des gagnants et pour lesquels on n'a pas assez
d'éléments pour valider un nouveau business. Le programme va faire une
première vraie validation du business. » ACC 5 INC G
- Soit ils font suite à un projet déjà en cours à valider ou invalider.
Verbatim 1114 : « l'origine peut être un projet qui n'avance pas avec les moyens
mis sur lequel on pense qu'il y a un potentiel pour lui donner un coup de
« boost ». » ACC 5 INC H
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
117
Nous avons aussi noté le cas particulier de l’entreprise B qui a mis en place ce programme dans
le cadre d’un Plan de Sauvegarde de l’Emploi afin d’encourager ceux qui voulaient quitter
l’entreprise à tester un projet entrepreneurial.
En résumé, nous avons observé que les projets d’excubation explorent des projets
d’innovation substantielle. Ils font suite soit à une réflexion stratégique, soit à un concours
d’innovation interne, soit à la volonté d’accélérer la décision sur un projet déjà en cours.
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
118
1.3. Attentes des entreprises
Il ressort clairement des entretiens que les objectifs des directions d’entreprises sont soit
imprécis, soit multiples.
On pourra le voir à la lecture des verbatims suivants :
Verbatim 312 : « Il n’y a pas d'objectif précis communiqué : juste trouver la valeur client et
pour l'entreprise. » MA2 ENT C
Verbatim 313 : « J'ai carte blanche dans l'entreprise avec juste un budget limité et un planning
très contraint : 6 mois pour avoir un prototype. » PA 7 ENT D
Verbatim 3122 : « Comme les projets sont très en amont, il est difficile de cadrer des objectifs.
C'est souvent une validation par le test ou le fait que ça ne soit pas faisable. » ACC 5 INC G
Verbatim 3120 : « L’un des problèmes est que la définition du succès avait été mal faite au
début du projet et que l'équipe a développé un prototype dont l'entreprise n'avait rien à faire. »
ACC 5 INC G
La direction des grandes entreprises recherche souvent la transformation de ses salariés avec
l’apprentissage de nouvelles approches venant des startups, sans que cela soit toujours explicite.
L’objectif des entreprises est souvent double : la réussite d’un nouveau business innovant
et la transformation des salariés pour qu'ils soient plus agiles.
Par exemple, une des grandes entreprises a clairement présenté comme un objectif majeur de
l’excubation l’apprentissage de nouvelles méthodes marketing et la transformation agile des
salariés, mais elle a aussi exprimé d’explorer complètement l’intérêt et la manière d’adresser le
nouveau business innovant objet de l’excubation.
Verbatim 3115 « L'intérêt est avant tout business : « Peut-on arriver à un business solide avec
cette question sur ce marché ? » ACC 1 INC E
Verbatim 315 : « Il y a 2 objectifs : valider l’opportunité de marché et l'intérêt de la méthode
d'excubation. » PA 1 ENT A
Verbatim 316 : « Il s’agit de trouver s'il y a une opportunité sur ce marché pour l’entreprise,
faire un plan projet et business et dire « on peut le faire » ou pas. »
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
119
Les accélérateurs revendiquent comme vocation première d’accélérer les startups pour en faire
des business pérennes.
La question se pose donc de la compatibilité de la réalisation simultanée des objectifs
business et de la transformation culturelle des organisations. Tous les accompagnateurs ne
sont pas d’accord sur ce point. Le fait est de constater que les projets d’excubation examinés
n’ont pas amené à eux seuls la transformation des organisations.
Nous y revenons dans la section 2 sur l’impact sur la transformation des entreprises et des
salariés par l’excubation.
Un accompagnateur nous met en garde sur les objectifs de valorisation de l’image de marque
de l’entreprise pour les initiatives d’innovation. Cela n’a pas été le cas sur les projets observés.
Il nous est plutôt apparu que les entreprises communiquaient peu sur ce sujet d’excubation,
mais cherchaient véritablement à valider une innovation ou transformer leurs salariés. De ce
point de vue, l’objectif nous a semblé très différent de celui d’autres initiatives d’innovation
autour des startups comme : les programmes de startups, les hackathons, les fablabs qui sont
souvent très médiatisés en privilégiant l’image innovante de l’entreprise.
Verbatim 3119 : « Notre accélérateur est très centré sur la réussite business ce qui est dur et
tout un art sans être sûr de réussir alors que faire des choses pour transformer les salariés me
semble plus facile. » ACC 3 INC F
Verbatim 3123 : « L'objectif au départ est le plus souvent de valider de continuer le projet au
bout de 6 mois ou un an et si ça vaut la peine d'y mettre des moyens. » ACC 7 INC H
Verbatim 3118 : « La direction avait des objectifs antagonistes entre vouloir lancer un nouveau
business et faire de la transformation. Je leur ai dit que ça n'était pas possible : on fait soit du
business; soit de la transformation. » ACC 3 INC F
Conclusion 1 .3
En résumé, les entreprises ont le plus souvent un double objectif d’exploration d’un
nouveau business innovant et de transformation des salariés pour les rendre plus agiles.
Ce double objectif nuit à l’efficacité de l’excubation selon certains acteurs.
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
120
1.4 Fonctionnement de l’excubation
Le but de ce paragraphe est de comprendre et d’expliquer le fonctionnement détaillé de
l’excubation et les méthodes utilisées.
1.4.1 Contextes des programmes d’excubation
Les noms donnés à ce type d’initiatives sont divers et variés. Les entreprises parlent
d’incubation, d’accélérateur d’innovation externe ou de démarche intrapreneuriale. Les
accélérateurs parlent d’intrapreneuriat ou d’incubation externe avec du co-pilotage.
Toutes les sociétés interrogées avaient déjà mis en place d’autres initiatives d’innovation.
L’excubation va souvent être complémentaire par rapport à ces autres initiatives ou bien va
remplacer des approches plus traditionnelles de l’innovation qui ne donnaient pas de résultats
satisfaisants.
Par exemple, dans le cas de l’entreprise A, l’excubation a été mise en place suite à une
expérience réussie d’intrapreneuriat dans un incubateur interne qui avait montré ses limites. La
mise en place de l’excubation est, dans ce cas, une nouvelle approche expérimentale qui pourrait
aider à lever un certain nombre des points de blocage liés à l’intrapreneuriat.
1.4.2 Nombre et choix des participants de l’entreprise à l’excubation
En analysant les cas rencontrés, on peut distinguer 3 niveaux possibles de l’implication des
ressources de la grande entreprise dans un projet d’excubation :
- Avoir une équipe projet avec plusieurs salariés entre 50% à 80% de leur
temps de travail ainsi que des membres de l’incubateur en co-pilotage
(incubateurs E, F et H).
- Avoir une équipe avec un seul chef de projet de l’entreprise à au moins 20%
de son temps de travail et des membres à plein temps externes sélectionnés
conjointement avec l’équipe de l’incubateur en co-pilotage (incubateur G).
- Ou avoir une équipe totalement externe à l’entreprise comme proposé par
l’incubateur F. Ce mode de fonctionnement était d’ailleurs celui de l’incubateur
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
121
G qui a finalement évolué vers l’intégration d’un chef de projet pour mieux
intégrer les attentes et le suivi de l’entreprise dans le projet d’excubation.
Le choix du niveau d’implication des salariés peut se définir en fonction de la proximité du
business existant de l’entreprise.
Verbatim 125 : « Plus le projet est proche du business existant, plus il est pertinent de mettre
des ressources de l'entreprise, plus il est loin du business existant, mieux il vaut faire de
l'excubation (pas de salarié de l'entreprise). » ACC 3 INC F
Notre étude s’est focalisée uniquement sur des cas d’excubation qui comportait au moins
un salarié de la grande entreprise dans l’incubateur/accélérateur.
Sur les 4 cas étudiés, le choix des participants a toujours été fait par l’entreprise soit
directement par la direction générale, soit par la direction de l’innovation en charge du
programme. Il est clairement recherché des personnes expérimentées avec une connaissance du
sujet, ce qui peut donner lieu à de difficiles négociations avec leurs managers lorsqu’il
s’agit de les libérer entre 50% et 100% de leur temps.
Verbatim 123 : « On recherche des compétences puis on négocie avec leurs managers pour
libérer les salariés à minima a 50% puis à 100% pour une phase plus avancée. » MA2 ENT C
1.4.3 Choix de l’accélérateur de startups
Les incubateurs/accélérateurs rencontrés se revendiquent tous être des accélérateurs plutôt que
des incubateurs. Nos interlocuteurs nous ont à en préciser les différences parfois confondues
dans la littérature :
- L’incubateur accompagne les startups avec un ensemble de moyens logistiques
(de type locaux, internet,…), des outils et du conseil sur une durée plus longue,
parfois plusieurs années : elle a un engagement de moyens plus que de résultats.
- L’accélérateur a, lui, un engagement de résultat pour amener une cohorte de
startups à l’étape suivante de leur développement, souvent se concrétisant par une
recherche de levée de fonds en fin de parcours, selon un programme défini sur
une période courte typiquement entre 3 et 9 mois.
Nous utilisons indifféremment les termes incubateurs ou accélérateurs dans notre thèse.
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
122
Les quatre accélérateurs rencontrés ont tous connu une évolution qui les a finalement conduits
à développer une offre d’accompagnement intrapreneurial pour les grands groupes. Ils ont trois
offres principales :
- Un espace de co-working et d’animation pour l’écosystème entrepreneurial
local avec des évènements ouverts à tous.
- Un programme d’accélération de startups.
- Une offre de formation, transformation et accompagnement à l’innovation
des grands groupes qui comprend notamment l’intrapreneuriat.
Ils se font connaître en organisant des évènements d’innovation locaux. La notoriété de leurs
programmes de startups amène les grands groupes à les considérer quand il s’agit d’innover
différemment.
Verbatim 134 : « L'accélérateur se fait connaitre par réseau, conférences et la crédibilité avec
une image de gars qui peuvent t'aider à sortir du cadre et lancer ton innovation différemment. »
ACC 3 INC F
Ils se retrouvent potentiellement en compétition avec des agences de design/communication
ou des cabinets de consultants traditionnels dans le choix qui s’ouvre aux entreprises pour
étudier une innovation en dehors de leurs marchés habituels.
Verbatim 133 : « L'accélérateur a été choisi pour son aspect ouverture à 100% par rapport à
un cabinet d'innovation assez rigide et norme et une agence digitale très ouverte mais avec des
process. » PA 7 ENT D
L’excubation se différencie fondamentalement de l’approche des consultants et agences de
design par :
- La co-construction du livrable entre les salariés de l’entreprise et l’accélérateur.
- L’apprentissage des équipes en visant l’autonomie sur de prochains projets.
- L’environnement externe qu’elle apporte en termes d’experts, mentors,
écosystème d’entreprises et startups pour valider ou invalider les hypothèses.
Verbatim 251 : « Les accélérateurs sont dans un mode de co-construction, ce n'est pas un
prestataire de services comme un consultant. » MA 2 ENT C
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
123
Verbatim 256 : « Contrairement à un cabinet en stratégie classique qui exécute une mission et
donne un livrable, on espère que l'équipe soit capable de refaire une grosse partie des choses
sans nous. » ACC 2 INC E
1.4.4 Méthodologie de l’excubation
On trouve en annexe une présentation des accélérateurs que nous avons étudiés avec, pour
certains, un descriptif de leur programme d'excubation. (Annexe 2 pour NUMA, annexe 3 pour
SCHOOLAB, annexe 4 pour STARTUP PALACE, annexe 5 pour WAOUP).
Chacun de ces programmes d’excubation est basé sur la méthode d’accélération des startups
pratiquée dans l’accélérateur avec une durée de 3 à 6 mois tout en l’adaptant à la spécificité
du projet de la grande entreprise.
Comme nous l’avons précisé au paragraphe 1.4.2, nous avons limité notre étude aux projets
d’excubation impliquant au moins un des salariés de l’entreprise. L’idée force est de ne pas
couper totalement l’excubation de l’entreprise pour pouvoir réintégrer plus facilement le
projet et les compétences acquises dans l’entreprise.
On peut résumer la méthodologie de l’excubation par le verbatim suivant : « Le but est de faire
comme les startups avec les mêmes méthodes d'accélération adaptées aux contraintes de
l’entreprise. » Verbatim 257 PRES 1 INC E.
Bien que les accélérateurs se défendent d’avoir une méthodologie unique et qu’ils adaptent
l’approche à chaque projet, nous avons pu constater une certaine similitude dans leurs
méthodes. Elles font toutes un mélange de différentes méthodes diffusées ces dernières années
pour l’entrepreneuriat. Les principales méthodes utilisées ont fait l’objet de publications
scientifiques. On retiendra principalement :
- Le Design Thinking.
- Le Lean StartUp.
- Le Business Model Canvas.
Verbatim 2329 : « L’incubateur suit la méthodologie « business model canvas » et la met en
œuvre pour de vrai. » PA4 ENT A
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
124
Ces approches sont très à la mode et s’inspirent du modèle d’un des premiers et plus célèbres
accélérateurs de startups né à San Francisco : le «Y Combinator». Elles sont adaptées en début
de projet par les accompagnateurs lors d’une session de revue préliminaire.
La méthode est découpée entre 2 à 6 phases selon les incubateurs, mais on retrouve chez chacun
des phases finalement assez similaires. Pour bien comprendre, on a pris pour exemple la
méthode de l’incubateur E :
Figure 19 : « Exemple de méthodologie d’excubation »
(source : présentation accélérateur E, avril 2018)
L’excubation d’une durée typique de 6 mois se divise en 2 grandes phases de 3 mois
chacune divisée en 2 grandes sous-phases : une phase de divergence et une phase de
convergence.
- Phase 1 : définition du problème.
o Découvrir la problématique et explorer tous les problèmes sur le terrain.
o Définir et sélectionner le problème qui représente la meilleure opportunité
pour l’entreprise.
- Phase 2 : design de la solution.
o Développer de multiples solutions qui répondent au problème identifié en
studio.
o Choisir une solution à prototyper.
- Finalisation : préparation du pitch aux sponsors.
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
125
1.4.5 Points remarquables de la méthodologie de l’excubation
Les points remarquables de ces méthodes soulignées par les différentes parties prenantes
sont les suivants :
- Un travail d’équipe avec de nombreux brainstormings.
Il est à noter que l’excubation est basée sur un travail d’équipe et qu’il est important que toute
l’équipe soit présente et participe à toutes les sessions de travail pour de bons résultats. Elle
fonctionne dans une logique d’intelligence collective, faite de nombreux brainstormings. La
divergence et la convergence sont les deux modes de fonctionnement successifs dans un
brainstorming. La partie divergence appelle les participants à être créatif en imaginant toutes
les solutions possibles sans se préoccuper de leur faisabilité. La partie convergence fait appel à
l’esprit rationnel pour sélectionner les idées les plus prometteuses par rapport aux critères
choisis en équipe.
- Une grande incertitude sur l’aboutissement du projet.
Il s’agit d’une remise en cause de l’idée d’origine, de la recherche aussi exhaustive que possible
de tous les problèmes et opportunités et de la multiplication des pistes de solutions possibles
sans qu’on sache en cours du projet la solution qui sera finalement recommandée. Cette
incertitude peut se révéler, comme on le verra plus loin, très déstabilisante pour des salariés des
grandes entreprises habitués à travailler avec des méthodes aux résultats prévisibles.
Verbatim 2310 : « Dans une démarche type design thinking on sait d’où on part mais on ne sait
pas exactement ou on va atterrir. » PA 7 ENT D
Verbatim 2317 : « Après la phase entretien on fait des exercices de création et d'idéation. » PA
7 ENT D
- Des interviews clients et utilisateurs sur le terrain pour valider les
hypothèses.
Dès leur première session d’excubation, les participants sont immédiatement lancés sur le
terrain à la rencontre des clients et utilisateurs pour comprendre leurs vrais problèmes. Plus
tard, ils iront tester les solutions qu’ils ont imaginées auprès de ces mêmes clients. On est au
cœur de la méthode «lean startup» d’Eric Ries qui consiste à avoir des retours terrain de
manière itérative pour valider un maximum des hypothèses du succès d’une nouvelle
opportunité de business.
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
126
Verbatim 2312 : « On est rentré très vite dans le sujet par un processus d'interviews des
utilisateurs. » PA 7 ENT D
Verbatim 2330 : « Une phase critique est de prendre le temps d'aller voir les gens et les
entreprises pour valider ou pas les hypothèses que tu as construites. » PA 1 ENT A
Verbatim 2333 : « Le but de l'accélération d'une startup est d'arriver à l'adéquation produit-
marché en levant les hypothèses de manière itérative auprès des utilisateurs. » PRES 1 ENT D
Verbatim 254 : « Notre expertise est de faire avancer les projets innovants de façon centrée
utilisateur en vérifiant les hypothèses en permanence au plus vite et au moins cher (méthode
lean startup). » ACC 1 INC E
- La réalisation de nombreux prototypes de solutions.
Les équipes vont être encouragées à dessiner, souvent avec l’aide d’un designer de
l’accélérateur, des maquettes des solutions qu’ils envisagent, et cela en un temps très court.
C’est une manière de les évaluer plus facilement. Les solutions jugées les plus prometteuses
feront l’objet d’un prototype plus élaboré qui permettra de présenter la proposition de valeur à
des clients potentiels et d’observer à nouveau leur intérêt ou non.
Verbatim : « L’approche design de dessiner sa solution sur papier est très puissante. » REU 1
ENT A
Verbatim 2314 : « En phase finale, on présente un prototype de l'idée initiale transformée sur
la base des entretiens et des ateliers de création. » PA 7 ENT D
- L’importance du pitch.
Le « pitch » qui consiste à présenter son projet dans un temps court (typiquement entre 3 et 7
mn) est un exercice souvent indissociable des méthodes entrepreneuriales. Il est souvent
demandé à l’équipe de faire un pitch initial comme point de départ du projet. Il y a parfois un
pitch intermédiaire à mi-projet, souvent à la demande de l’entreprise, et dans tous les cas un
pitch final devant le ou les sponsors pour présenter les résultats du travail d’excubation et la
feuille de route s’il est recommandé de continuer le projet.
Verbatim 2340 : « Il y a environ 2 boards stratégiques pendant et après la fin du programme
devant les initiateurs et financeurs du projet pour leur faire un retour et obtenir un peu de
recul. » ACC 7 INC H
- Une durée très courte (3 à 6 mois).
La durée courte est un élément catalyseur qui va pousser l’équipe à faire des choix rapides,
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
127
efficaces et pragmatiques. Cet aspect est aussi renforcé par l’aspect cadencé de la méthodologie
géré par les accompagnateurs qui oblige les participants à délivrer leurs promesses semaine
après semaine.
Pour illustrer mon propos, si l’équipe décide qu’il fallait avoir obtenu 5 interviews clients pour
la semaine suivante, les participants vont déborder d’ingéniosité pour obtenir ces rendez-vous
en passant les barrages nécessaires ou bien se contenteront de profils un peu moins bien ciblés
pour leur enquête. Cela aurait été inconcevable dans la grande entreprise où n’importe laquelle
de ces actions continuerait jusqu’à ce qu’on ait obtenu toutes les interviews espérées, quitte à
attendre plusieurs semaines.
Conclusion 1.4
L’analyse détaillée du fonctionnement de l’excubation met en avant de nombreux éléments
différents du fonctionnement habituel de l’innovation dans les grandes entreprises avec les
spécificités suivantes :
- Une petite équipe de salariés (1 à 5 personnes) entre 20 et 100% de leur temps
de travail choisie par la direction
- Une co-construction du livrable, l’apprentissage des équipes et un
environnement externe de startups grâce à l’incubateur/accélérateur et des
accompagnateurs au profil entrepreneurial ayant un rôle clé
- Des méthodologies entrepreneuriales issues du design thinking, du lean
startup et du business model canvas sur une durée très courte (3 à 6 mois)
avec un travail d’équipe, une grande incertitude sur l’aboutissement du projet,
des interviews clients pour valider les hypothèses, la réalisation de nombreux
prototypes de solutions et l’importance du « pitch » c'est-à-dire d’une
présentation brève de l’idée à l’oral.
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
128
1.5. Bénéfices de l’excubation
Le recul et l’expérience accumulée par les différents accompagnateurs nous permettent
d’affirmer que l’excubation permet presque toujours de répondre à la question essentielle
: « Cela vaut-il la peine d’investir dans ce produit ou service innovant et comment
continuer ? ». Cela ne veut pas dire que l’on atteint l’objectif business initial, s’il y en avait
un, mais que la décision de l’intérêt de continuer ou non à investir sur un projet est en soi
le véritable résultat opérationnel de l’excubation.
Verbatim 3313 : « L'objectif « stop ou encore » est en général atteint avec les billes nécessaires
pour répondre. Même un stop est apprécié par l'entreprise qui dit que sinon un an après elle
travaillerait encore sur le projet. » ACC 7 INC H
Ce bénéfice opérationnel fait l’unanimité des participants, accompagnateurs et managers
interrogés. Pour eux, la méthode d’excubation apporte de bien meilleurs résultats que les autres
approches qu’ils connaissent et permet souvent de trouver des résultats qu’ils n’auraient pas été
trouvés autrement. Les entreprises mentionnent aussi souvent l’existence de projets
d’innovation qui végètent pendant plusieurs années sans qu’il y ait de vrais aboutissements et
donc sont très coûteux pour l’entreprise.
L’excubation remplace les études marketing et techniques coûteuses, ne garantissant pas
le succès commercial dans des environnements nouveaux, par une validation pragmatique
sur le terrain de l’idée d’innovation.
Cette réduction de coût pour l’entreprise est directement liée à la réduction des ressources
nécessaires pour évaluer l’opportunité d’innovation : une équipe réduite (1 à 5 personnes) et un
temps réduit (3 à 6 mois) alors qu’il faudrait beaucoup plus de personnes et un temps plus long
dans le processus habituel de l’entreprise. Dans le cas de l’innovation substantielle, la méthode
pragmatique d’interviews et de tests sur le terrain apporte aussi une réponse plus fiable que les
études traditionnelles.
On comprendra mieux le bénéfice opérationnel apporté par l’excubation en la positionnant dans
le processus d’innovation de l’entreprise ci-après :
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
129
Figure 20 : « Bénéfice de l'excubation dans le processus de management de l'innovation »
(Source : Marc Géméto)
Verbatim 329 : « Le but est aussi d'accélérer notre capacité à évaluer des opportunités en
poussant l'analyse jusqu'au bout et ne pas garder des projets sans potentiel. » DI1 ENTA
Verbatim 3216 : « L'intérêt est de réduire le temps de gestation d'un nouveau projet. Une grande
entreprise met 18 mois pour accoucher d'un projet. » ACC7 INCH
Ces résultats semblent donc confirmer l'intérêt des méthodes de type Lean Startup qui sont
la base de l’approche des accélérateurs de startups. Il s’agit d’une mise en pratique des
approches initiées par Steve Blank en 2003 puis popularisées par Eric Ries en 2011 dans son
livre « The Lean Start Up ».
On peut résumer et expliquer l’efficacité de la méthode Lean Startup de Steve Blank et Eric
Ries de la manière suivante : alors qu’on peut facilement analyser un marché connu par des
analyses marketing et techniques traditionnelles, il en est tout autre lorsqu’on adresse des
marchés nouveaux ou des produits nouveaux. Il y a dans ce dernier cas de grandes incertitudes
sur le succès de l’innovation sur le marché.
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
130
Le Lean Startup est une approche itérative qui permet de réduire l’incertitude en testant
systématiquement les hypothèses et les solutions auprès d’un échantillon limité de clients,
utilisateurs et autres parties prenantes. Il s’agira donc de pratiquer ces itérations de manière
successive jusqu’à trouver un modèle d’affaire intéressant ou bien décider d’arrêter le projet.
Les études marketing et techniques traditionnelles sont, elles, le plus souvent, bien plus longues
et coûteuses qu’une excubation et leur résultat est beaucoup plus incertain que l’approche
terrain pour une innovation non incrémentale.
Par ailleurs, même si on ne continue pas le projet on aura beaucoup appris sur ce nouveau
marché pour l’approcher d’une autre façon.
Verbatim 335 : « Je suis très contente de l'objectif marché atteint en clarifiant notre
positionnement et notre offre.» MA 1 ENT A
Verbatim 357 : « Je pense que le bénéfice concret est d'évacuer pas mal de risques en étudiant
beaucoup de choses plus précisément par rapport à se référer à une simple tendance du
marché. » PA 5 ENT A
Verbatim 3510 : « La méthodologie de l'accélérateur a été très efficace et a permis de créer et
d'analyser en profondeur le projet en 12 semaines. » REU 3 ENT A
Verbatim 3515 : « Il s’agit de méthodes pour tester aussi vite que possible par des itérations
très rapide des projets innovants. » PRES 1 INC E
Verbatim 3517 : « Ce programme marche très bien pour valider l'intérêt d'un investissement
dans un nouveau produit. » ACC 5 INC G
Verbatim 353 : « La connaissance marché acquise sera réutilisable et évite un boulot monstre
même si on ne donne pas suite à l'initiative. » PA 4 ENT A
Verbatim 4113 « Donne une conclusion étayée sur un business étudié en un temps et un cout
limite. » REU 2 ENT A
Verbatim 4117 : « J’ai été surprise de la rapidité (12 semaines) avec laquelle on peut faire une
projection concrète d'un business. » MA2 ENT A
Verbatim 4110 : « On va plus vite et ça coute moins cher que de travailler avec une boîte de
communication. » PA 7 ENT D
En résumé, l’excubation permet de valider à un coût inférieur et avec une plus grande
certitude l’intérêt de continuer ou non à investir sur un projet d’innovation substantielle.
L’objectif d’exploration du business par l’excubation est systématiquement atteint en
validant l’intérêt de continuer ou non le projet.
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
131
1.6 Facteurs clés de succès de l’excubation
Introduction 1.6
Ce chapitre résume les facteurs-clés de succès de l’excubation qui a donné lieu au plus grand
nombre de phrases-témoins retenues (soixante-douze). Nous avons classé les verbatims par leur
fréquence, ce qui nous a permis de les regrouper dans les quatre grands sous-thèmes suivants :
1. Un environnement protégé de l’influence de l’entreprise.
2. Des méthodes entrepreneuriales.
3. Un réseau externe bénéfique.
4. Un accompagnement entrepreneurial primordial.
Ces éléments recoupent certains éléments détaillés dans le chapitre 1.4 sur la méthodologie de
l’excubation et permettent d’identifier ceux qui ont un impact majeur sur la réussite de
l’excubation et qui nous permettraient d’améliorer le management de l’innovation dans les
grandes entreprises.
1.6.1 Un environnement protégé de l’influence de l’entreprise (25 verbatims).
L’environnement protégé de l’entreprise du point vue psychologique et physique permet
une vraie remise en cause et un engagement fort de l’équipe.
C’est le point le plus important mentionné à l’unanimité par les participants, les managers et les
accompagnateurs interrogés avec vingt-cinq verbatims. Nous avons identifié trois sous-thèmes :
a- Protection psychologique de l’emprise de l’entreprise.
Il s’agit d’abord et surtout d’une protection psychologique de l’influence négative de
l’entreprise, permettant à chaque salarié d’exprimer ses idées en toute liberté sans crainte du
management ou de la direction. Dans les processus traditionnels d’innovation des grandes
entreprises, les managers interviennent régulièrement dans les phases d’exploration des idées
d’innovation, puisque leur rôle principal est d’en décider la suite. Les convictions du manager
sur certains business deviennent alors soit le moteur, soit le frein majeur à l’exploration de toute
nouvelle opportunité d’innovation. Toutes les entreprises que nous avons étudiées, hormis
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
132
Google, sont dans un mode de fonctionnement hiérarchique où les décisions sont finalement
prises par une cascade de managers.
L’excubation recrée un espace d’autonomie de décision pour les participants. Dans cet espace,
la remise en cause et le questionnement des individus sont de mise et sont favorisés par un
travail collaboratif permanent.
La remise en cause et ce nouveau mode de travail peut cependant s’avérer déstabilisants pour
des salariés ayant travaillé depuis plusieurs dizaines d’années dans un mode hiérarchique
traditionnel, comme nous le montrons dans la section 2.
Dans les méthodes de remise en cause, les accélérateurs utilisent d’autres témoignages
d’entrepreneurs pour stimuler les participants dès la première séance ou bien des exercices
pratiques. On peut par exemple citer un exercice très marquant de l’accélérateur F, appelé «
le troc du ruban rouge » qui consiste à envoyer les participants dans la rue pour échanger un
ruban rouge par des trocs successifs et raconter aux autres leurs rencontres et leurs échanges.
En résumé, l’environnement extérieur permet aux salariés de lever les interdits et les
barrières de l’entreprise avec la possibilité d’échouer sans conséquence grave.
Verbatim 4115 : « Ce qui est très positif c'est de s'extirper de l'entreprise pour s'enlever tous les
freins. » PA 1 ENT A
Verbatim 417 : « Le fait d'être excubé, oui ça m'a donné une franche liberté. » PA 7 ENT D
Verbatim 4120 : « Le fait de sortir de l'entreprise permet au groupe de résoudre lui-même le
problème sans se référer à sa hiérarchie ou être influencé par ses collègues » PA 4 ENT A
Verbatim 4132 : « Et puis quelque part, en y réfléchissant, ça les rend plus humbles. Comme ils
ne sont pas chez eux, ils sont plus ouverts pour écouter : parce que ce n’est pas évident de
prendre quelqu’un qui a 40 ans et de lui réexpliquer comment travailler donc ce n’est pas pareil
d’aller chez eux comme si tu étais un consultant que de les recevoir chez toi dans tes locaux
avec tes équipes. Psychologiquement, ça change la posture. » ACC3 INC F
Verbatim 418 : « La force de cette approche est de réaliser quelque chose que personne n'avait
jamais fait ni ne savait faire en levant toutes les limites et interdits qu'on se met en entreprise. »
PA 7 ENT D
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
133
b- Protection de l’environnement physique de l’entreprise.
Il s’agit ensuite d’une protection physique contre les interruptions incessantes vécues en
entreprise : téléphone, e-mails, des collègues. L’équipe va réapprendre à se focaliser ensemble
en mettant en place des règles leur permettant d’être plus efficace et rapide.
En résumé, l’environnement extérieur isole des collègues, du management et permet de se
focaliser sur le projet.
Verbatim 4136 : « Être ailleurs leur permet tout simplement d'être plus focalisés sur leur sujet
sans être dérangés et sans la pesanteur du grand groupe. » PA 4 ENT A
Verbatim 4218 : « Le fait de sortir de l'entreprise dans un environnement dédié permet de se
couper un maximum des autres tâches à côté. On ne pourrait pas le faire dans les locaux de
l'entreprise car les participants ne seraient pas assidus » PA 4 ENT A
c- Un travail collaboratif intense.
Enfin libérés de l’emprise de l’entreprise, de leurs propres préjugés, les salariés rentrent dans
un mode de travail collaboratif purement focalisés sur la réussite de leur projet. Cela crée une
énergie et un engagement fort de l’équipe.
Le travail collaboratif est constitué de multiples brainstormings facilités par les
accompagnateurs. Comme le veut le principe du brainstorming, il y a une phase appelée
divergence qui permet de générer beaucoup d’idées sans se limiter, suivie d’une une phase
appelée convergence où l’on sélectionne les idées les plus prometteuses en stoppant les autres.
Cette approche est en général très différente de ce qui se pratique en entreprise, où les salariés
vont creuser le plus souvent une seule direction souvent donnée par leurs managers.
Les solutions construites collectivement pendant l’excubation vont emporter l’adhésion
du groupe et aideront ainsi à construire un discours plus structuré auprès du
management. Cette dynamique nouvelle de fonctionnement génère une énergie
incroyable, très différente de ce que les salariés vivent dans l’entreprise.
Verbatim 411 : « Il y a un travail collaboratif fort et enrichissant qui se passe entre les
participants qui vivent la même galère. » PA 6 ENT B
Verbatim 4119 : « L'excubation permet de structurer et crédibiliser le discours au management
du fait que plusieurs personnes disent la même chose » PA 6 ENT A
Verbatim 412 : « Il y avait une énergie positive incroyable. » PA 6 ENT A
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
134
Verbatim 416 : « En les sortant, cela permet de créer une vraie dynamique d'équipe, ce qui est
impossible dans les locaux de l'entreprise du fait de la dépersonnification et
déresponsabilisation des salariés à l'intérieur de l'entreprise. » MA 2 ENT C »
Verbatim 4128 : « L'engagement des équipes et la collaboration entre nous étaient excellents. »
ACC 1 ENT A
1.6.2. Des méthodes entrepreneuriales centrées utilisateurs (21 verbatims)
Les participants sont véritablement projetés dans un mode de fonctionnement
entrepreneurial. Comme dans une start-up, ils doivent avancer le plus rapidement et le plus
efficacement possible pour prouver leurs hypothèses et tester leur marché. De la vitesse de
l’entrepreneur dépend la survie de l’entreprise. C’est là où s’arrête d’ailleurs la similitude entre
le vrai entrepreneur et l’employé salarié. On recrée ce sentiment d’urgence par l’échéance
courte (3 à 6 mois) de présenter un résultat à la direction. Cette obligation de résultat amène les
participants à trouver les solutions efficaces et pragmatiques pour chaque problème :
interviewer des clients, bâtir un prototype….Ils doivent oser. Comme nous le rapporte un
directeur exécutif d’une grande entreprise : « L’excubation leur apporte la liberté d’aller voir
les gens sans se faire de nœuds au cerveau avec les autorisations nécessaires. »
Cette approche entrepreneuriale est très centrée sur les clients et utilisateurs. Elle emporte
l’adhésion de tous pour son efficacité et permet une première validation de l’opportunité
business en un temps record et de manière consensuelle.
Les résultats validés par le terrain permettront ainsi de limiter le risque d’échec lors de la
phase suivante du projet et de crédibiliser le discours au management.
Verbatim 4124 : « L’'accélérateur nous a donné l'élan pour aller au contact des gens, chose
que l'on n'aurait pas osé faire. » REU 3 ENT A
Verbatim 4125 : « L'un des apports de l'accélérateur est que plutôt que d'attendre d'avoir
développé une solution, on va tester le parcours client en premier lieu. » DI ENT A
Verbatim 4221 : « La solution NUMA est l'aboutissement d'étudier le comportement des gens,
de les interviewer, c'est beaucoup plus réactif et agile que ce qu'on fait. » PA3 ENT A
Verbatim 4223 : « Le fait d'aller voir des utilisateurs finaux in situ est quelque chose que l'on
ne fait pas d'habitude et qui a vraiment apporté de la valeur. » REU 3 ENT A
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
135
Verbatim 4216 : « Il est important de tuer des opportunités et de tuer des solutions pour en
choisir une. » PA 3 ENT A
Verbatim 4225 : « Un facteur clé de succès est la méthodologie de poser les hypothèses et de
les valider par des entretiens marché qui emporte l'adhésion de tous ? » ACC 1 INC E
Verbatim 4119 : « L'excubation permet de structurer et crédibiliser le discours au management
du fait que plusieurs personnes disent la même chose. » PA 4 ENT A
1.6.3 Un réseau externe bénéfique (16 verbatims)
Le réseau externe de l’incubateur permet à l’équipe de sortir du cadre d’exploration
traditionnel et d’avancer rapidement grâce à des ressources, de l’émulation et du conseil
des autres startups, de mentors et d’experts du marché visé.
a- Des ressources : les participants bénéficient du réseau externe de partenaires de
l’accélérateurs c’est-à-dire des startups, des investisseurs ou des grands groupes de
l’accélérateur.
b- De l’émulation et du conseil : les participants sont stimulés et conseillés par les autres
startups, les mentors et experts fréquentant l’accélérateur en termes de nouvelles idées
et de retour d’expérience lors de sessions de partage formelles ou informelles.
On retrouve là l’esprit même des accélérateurs qui, comme on l’a vu au chapitre 1.4.3, étaient
à l’origine des lieux de co-working pour les entrepreneurs. Par exemple, le NUMA à Paris a
commencé comme une association à but non lucratif d’échange et de partage de locaux entre
les entrepreneurs du web appelée Silicon Sentier en 2000.
Verbatim 4121 : « On bénéficie de tout l'ecosystème de l'accélérateur en étant chez eux » PA4
ENT A
Verbatim 4123 : « ce qui est très intéressant dans les incubateurs c'est de voir ce qui se fait de
dernier cri sur un sujet donné auquel on n'est pas toujours confronté dans l'entreprise » PA5
ENT A
Verbatim 4133 : « Le premier apport de l'externe est la proximité des startups : ça met un peu
un électrochoc de voir sur quoi travaillent tes futurs concurrents et accélère beaucoup le
projet. » ACC 5 INC G
Verbatim 4134 : « le deuxième apport de l'externe c'est de trouver des ressources
supplémentaires facilement dans l'écosystème » ACC 5 INC G
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
136
1.6.4 Un accompagnement entrepreneurial primordial
Les participants sont unanimes pour décrire le rôle de l’accompagnateur comme la clé de voute
indispensable à la réussite du dispositif. Ces accompagnateurs ont deux rôles majeurs qui
peuvent parfois être répartis entre plusieurs personnes :
- Le « Design de service» : Bâtir le planning avec les méthodologies adaptées au
projet.
- Le management de projet : Accompagner et animer les équipes.
Tous visent la plus grande autonomie possible de l’équipe avec l’appropriation et la mise en
œuvre immédiate des nouvelles méthodologies entrepreneuriales par l’équipe sur le terrain.
En ce sens, le terme de «coach» revient assez souvent pour les qualifier.
Verbatim 2315 : « Le chef de projet est très présent à l'accélérateur, en interaction permanente
avec l'équipe, en questionnement, en création. » PA 7 ENT D
Verbatim 246 : « Les gars de l'accélérateur sont la clé voute de la réussite : en faisant changer
un peu les mentalités et comme modérateur externe. » PA 4 ENT A
Verbatim 247 : « Il est très important qu'il y ait des accompagnateurs pour entourer cette
méthodologie pour qu'elle soit vraiment efficace en termes de résultat et de temps aussi pour
ne pas se disperser. » PA 5 ENT A
Verbatim 241 : « Les accompagnateurs des accélérateurs ont un rôle de coach de l'équipe pour
faire grandir l'idée surtout sur les aspects commerciaux. ».
Verbatim 2417 « Le rôle du coach a pas mal changé. Maintenant, le plus important est de
laisser l'équipe avec des ressources externes devenir autonome et s'emparer du projet. » ACC
5 INC G
Ces accompagnateurs-coachs ont des qualités spécifiques mises en avant par les participants. Ils
sont :
- Ouverts d’esprit en apportant un point de vue externe alimenté par leur
connaissance d’autres projets entrepreneuriaux.
Verbatim 242 : « Les accompagnateurs ont un rôle clé pour sortir de la boite grâce à un mix
d'ouverture d'esprit, méthodologie et de connaissance marché. » MA 1 ENT A
Verbatim 2415 : « Il faut quelqu'un d'externe capable de prendre du recul, avec les bonnes
méthodes, capable de challenger et faire avancer les choses. » ACC 2 INC E
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
137
- Durs et exigeants vis-à-vis de l’équipe en termes de délai et de livrables. Ils
peuvent se permettre de dire et d’exiger des choses qui n’auraient pas été
acceptées d’un consultant.
Verbatim 2417 : « L'accompagnateur peut se permettre d'être dur vis-à-vis des attentes de
l'équipe de projets excubés en disant des choses qui n'auraient pas été acceptées d'un
consultant. » ACC 6 INC H
Verbatim 248 : « Nos mentors nous fouettaient pour qu'on arrive à délivrer chaque semaine
avec vraiment la pression sur le temps. » REU 3 ENT A
- Grands travailleurs, participant eux-mêmes sur le terrain avec les équipes.
Verbatim 244 : « Les mentors NUMA travaillent comme des bruts. » PA 1 ENT A
Verbatim 245 : « Les accompagnateurs sont de gros bosseurs qui travaillent jusqu’à 21h, font
bien plus qu’un coach, mais font avancer ton projet. » PA 3 ENT A
- Tiers de confiance entre la direction et l’équipe. L’accompagnateur, du fait de
son appartenance à un accélérateur de startups qui a déjà prouvé sa réussite dans
le monde des startups, a plus facilement la confiance de la direction de
l’entreprise en ce qui concerne les recommandations issues du travail
d’excubation.
- Verbatim 2418 : « on se définit comme tiers de confiance entre l'équipe et la
direction de l'entreprise » ACC 7 INC H
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
138
Conclusion 1.6
Nous avons mis en évidence dans ce chapitre, les facteurs clé qui permettent le succès de
l’excubation en matière d’évaluation de projets d’innovation substantielle. Nous pouvons les
synthétiser dans le tableau suivant :
Tableau 13 : Facteurs clé de succès de l’excubation
(source : Marc Géméto)
Un environnement extérieur qui permet aux salariés de lever les interdits et les
barrières de l’entreprise avec la possibilité d’échouer
sans conséquence grave
qui isole des collègues, du management et permet de se
focaliser sur le projet
qui permet un travail collaboratif intense entre les
membres de l’équipe
Des méthodes entrepreneuriales avec une obligation de résultats dans un temps très court
basées sur des approches centrées clients pour valider
les hypothèses et les solutions
Un réseau externe stimulant donnant accès à des startups, des partenaires, des
ressources et des conseils
Un accompagnement
entrepreneurial
par des accompagnateurs expérimentés en
entrepreneuriat
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
139
1.7 Limites et problèmes majeurs de l’excubation
Ce paragraphe synthétise les limites et problèmes des projets d’excubation.
Autant les différents intervenants ont unanimement salué les bénéfices de l’excubation dans la
phase d’exploration, autant nous avons constaté les énormes difficultés à exploiter et mettre en
œuvre le développement des innovations dans les organisations. Nous décrivons donc dans un
premier paragraphe la suite effective donnée aux projets issus de l’excubation, puis dans les
deux paragraphes suivants, nous essayons de comprendre les principaux problèmes qui
empêchent le développement des business innovants issus de l’excubation. Nous avons
regroupé ces problèmes en deux grandes catégories :
- Les problèmes liés aux salariés de l’entreprise
- Les problèmes liés au management et à la gouvernance de l’innovation dans
l’entreprise
1.7.1 Difficultés à exploiter la suite de l’excubation
Voici la suite effective des différents projets que nous avons observés :
- L’Entreprise A a continué une phase d’exploration du marché de six mois en se
faisant accompagner par l’incubateur F. Elle a aussi lancé un deuxième projet
d’excubation et envisage d’en excuber d’autres.
- L’Entreprise B a généralisé l’approche en mettant en place dans ses locaux un
incubateur conçu et animé par les accompagnateurs de l’accélérateur G.
- L’Entreprise C a cinq à six projets excubés en cours mais n’a pas encore assez
de recul sur les initiatives lancées pour dresser un bilan. Le responsable
innovation pense que le taux de réussite de ce type d’initiative devrait être proche
de celui des fonds de capitaux risque : un sur dix pour des projets disruptifs et
un sur cinq sur des projets adjacents aux compétences de l’entreprise.
- L’entreprise D a continué le projet par une phase d’expérimentation sur le
terrain de quatre mois toujours accompagné par le même incubateur F. Il nous a
cependant indiqué que le changement de direction a conduit à une
démobilisation sur le sujet.
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
140
Lorsque que la réponse de l’excubation est positive, nous constatons que les grandes entreprises
prolongent souvent l’exploration de 3 à 6 mois pour valider l’intérêt du marché, mais nous
n’avons vu que très peu de projets déployés à grande échelle.
Tenant compte des entreprises étudiées et des incubateurs interrogés, nous pouvons dire que
sur la base d’une trentaine de projets d’excubation terminés seulement deux ont donné
naissance à un nouveau business réussi. On note que ces deux projets réussis ont nécessité
la mise en place d’une nouvelle organisation aux règles différentes.
a. L’un en créant une nouvelle petite unité de business indépendante avec la petite
équipe intrapreneuriale ultra motivée.
b. L’autre en créant une nouvelle entité juridique, filiale de l’entreprise ou « spin-off
». Cette dernière solution est très souvent recommandée par les accélérateurs dès lors que
l’innovation n’est pas dans le business cœur de l’entreprise.
Notre observation semble donc démontrer que les entreprises n’arrivent pas à réintégrer les
projets d’excubation dans l’entreprise. Un accompagnateur nous résume très bien la
situation :
Verbatim 5214 : « En ce qui concerne la réintégration du projet dans l'entreprise j'ai vu
beaucoup de modèles qui ne marchent pas; un qui ne marche pas est de le proposer aux
différentes unités de business. Ça ne marche pas car il y a vraiment un trop gros écart culturel
avec les directeurs des unités qui veulent un projet qui s'intègre dans leur P&L alors que le
projet n'est pas à ce niveau de maturité. Il y a deux solutions qui peuvent marcher : la création
d'une mini business unit (comme nous sommes en train de le faire) ou faire une spin-off ».
On pourra schématiser la suite réussie des projets d’excubation de la manière suivante :
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
141
Figure 21 : « Suite des projets d’excubation »
(source : Marc Géméto)
En résumé, nous constatons, qu’après une phase réussie d’excubation, la plupart des
entreprises n’arrivent pas à développer les innovations qui en sont issues. Pour ceux qui
exploitent avec succès une excubation, ils doivent mettre en œuvre une « spin-off » ou
nouvelle unité avec une organisation différente du modèle de l’entreprise.
Nous avons donc essayé de mieux en comprendre les principales raisons en analysant les
difficultés qui nous sont remontées par les différents acteurs.
Verbatim 4344: « Un des principaux problèmes, c'est le sponsor de la suite du projet qui ne se
sent plus concerné quand on passe du projet d'innovation au nouveau produit. » ACC5 INCG
Verbatim 536 : « La difficulté est d'avoir les moyens pour une exécution et un développement
rapide après la validation de l'excubation sinon le projet est mort » PA2 ENTA
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
142
1.7.2 Problèmes liés à l’équipe « excubée »
L’équipe du projet d’excubation est une composante essentielle de la réussite. Elle est, en
général, constituée d’une équipe cœur de 3 à 5 salariés de l’entreprise affectés entre 20 et 100%
de leur temps, d’un accompagnateur de l’incubateur et de quelques dizaines de contributeurs
occasionnels dans l’entreprise qui vont soutenir l’équipe sur des compétences spécifiques.
Nous avons regroupé les principaux dysfonctionnements liés aux ressources en les classant dans
le tableau suivant dans l’ordre croissant du nombre de fois où ils ont été mentionnés :
Tableau 14 : Problèmes liés à l’équipe « excubée »
(source : Marc Géméto)
Problèmes liés à l’équipe d’excubation
Choix de l'équipe : pas toujours adapté car choisi par la direction
Zone de confort : les participants restent influencés par le mode de fonctionnement habituel
Temps de travail insuffisant
Manque de support des autres équipes
a. Le choix de l’équipe.
La première difficulté réside dans la constitution de l’équipe excubée. Sur les projets observés,
le choix de l’équipe a été fait systématiquement par la direction de la grande entreprise.
Il s’agit là d’un mode de choix qui impacte le fonctionnement de l’équipe. De ce fait, les équipes
retenues ne seront pas forcément les plus motivées ou les plus compétentes par rapport au projet
d’innovation car elles sont plus choisies en fonction de leur disponibilité et de l’accord de leur
hiérarchie ou pour faire plaisir à certaines personnes. Cette difficulté est particulièrement
soulignée par les accompagnateurs qui souhaiteraient vivement pouvoir participer à la sélection
des candidats pour s’assurer de leur motivation du participant et des compétences requises. Les
participants suggèrent, eux, que ce choix se fasse sur la base du volontariat.
Verbatim 4341 : « On a parfois le problème de l'implication du leader du projet choisi par
l'entreprise et on n'a pas vraiment de solution pour le résoudre. » ACC 5 INC G
Verbatim 4346 « Les personnes des équipes sont déjà identifiées quand nous arrivons sur le
projet et nous n'avons pas la possibilité de faire un audit des compétences pour dire que cette
personne n'est pas faite pour ça. » ACC 7 INC H
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
143
Verbatim 4513 : « Il faut prendre des gens vraiment motivés pour pouvoir tenir à la fois la
distance et la cadence. » PA2 ENT A
Verbatim 4338 : « Il y avait beaucoup d'inclinaison à faire des choix politiques en demandant
d'impliquer telle personne pour qu'elle ne soit pas frustrée… » ACC3 INCF
b. Zone de confort des salariés.
Malgré l’environnement extérieur et les exercices de remise en cause pratiqués dans
l’accélérateur, il est difficile pour les salariés de l’entreprise excubés de travailler en mode
startup puis en mode grand groupe les autres jours. Les salariés n’arrivent donc pas
forcément à se comporter comme de réels entrepreneurs, et ceci est d’autant qu’’ils continuent
à rendre des comptes à leur hiérarchie.
Il est donc difficile d’évacuer totalement l’emprise des habitudes de fonctionnement et du poids
hiérarchique de l’entreprise qui vont induire des comportements conscients ou inconscients des
salariés dans leurs choix dans le projet d’excubation.
Verbatim 4340 : « le plus difficile est de faire sortir les participants de leur zone de confort qui
est leur zone de compétences. » ACC 3 INC F
Verbatim 6124 : « L'idée de travailler en mode startup est séduisante mais c'était un peu
difficile d'avoir ce comportement un ou 2 jours par semaine en dehors de notre travail
journalier dans l’entreprise. » PA5 ENTA
Verbatim 4325 : « Tu as naturellement des comportements de gens qui s’adaptent parce qu’il y
a du top management et parce qu’il va falloir rendre des comptes au top management : il y a
des gens qui se positionnent plus politiquement ensuite que de façon efficace par rapport au
projet. » PA 1 ENT A
c. Temps de travail insuffisant.
Contrairement à une startup qui a pour seul objectif la réussite commerciale de son projet, les
participants gardent un pied dans la grande entreprise avec autres objectifs qui sont le plus
souvent la base de leur évaluation de performance annuelle. Le projet d’excubation reste, le
plus souvent, un travail de priorité secondaire pour le salarié.
Selon les cas étudiés, le temps de travail consacré à l’excubation va de 20% à 80% du temps du
temps de travail des salariés. Même lorsqu’ils sont à 80%, les participants jugent le temps alloué
insuffisant et considèrent qu’il faudrait être à 100% sur le projet d’excubation pour bien le faire.
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
144
Verbatim 4323 : « Il y avait une bande passante trop limitée des participants de l'entreprise. »
REU1 ENTA
Verbatim 4342 : « Le problème majeur est que le temps passé par le porteur de projet est
insuffisant. S'il continue pour le lancement du produit après les 3 mois, il doit être à 100%. »
ACC5 INCG
Verbatim 4525 : « Le plus important c'est vraiment la disponibilité avec une équipe
complètement dédiée au projet parce qu'il y a beaucoup de choses à faire pour avancer. » AAC
5 INC G
Verbatim 4336 : « On voulait l'intrapreneur à 100%, ce qui nous semble indispensable, mais
ça a été impossible et elle est venue de moins en moins ce qui ralentissait beaucoup le rythme
du projet. » ACC3 INCF
d. Manque de support des autres équipes internes.
Si l’équipe d’excubation est généralement constituée d’un petit noyau de 3 à 5 personnes, elle
est amenée à faire appel à un réseau d’experts de l’entreprise dans les différents domaines
(techniques, marketing, …) pour bien réaliser ce projet. Ce nombre de contributeurs indirects
peut monter jusqu’à quelques dizaines de personnes.
On constate parfois soit de la jalousie, soit du manque de motivation de ces autres équipes à les
aider. Ils vont, en effet, estimer que l’équipe d’excubation travaille sur un projet amusant
souvent loin de leurs priorités et objectifs.
Verbatim 4316 : « Je me sens hyper seule dans l’entreprise. » PA 7 ENT D
Verbatim 4345 : « Les équipes excubées sont parfois dépendantes d’éléments d’autres cercles
plus éloignés de l’organisation qui n’ont pas ce projet dans leur mission ou leur priorité. » ACC
5 INC G
Verbatim 435 : « A partir du moment où on a commencé à communiquer dessus, on a créé
beaucoup d’espoir d’une part et beaucoup de jalousies d’autre part entre différentes unités de
busines ou différents managers et on vous attend au tournant. Honnêtement, le projet s’est fait
dégommer beaucoup pour des jalousies en interne. En gros, c’est « pourquoi vous êtes
quelques-uns à vous amuser sur des projets d’avenir alors que nous on trime sur le quotidien
qui n’est pas hyper-intéressant ? ». » ACC4 INCF
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
145
En résumé, le mode de choix des participants par la direction, la difficulté à faire sortir
les salariés de leurs habitudes venant de l’entreprise, le temps de travail insuffisant des
participants et le manque de support des autres équipe internes font qu’il est difficile de
mettre en place l’équipe entrepreneuriale idéale avec les compétences requises pour
maximiser les chances de réussite du projet d’excubation.
Cependant, malgré les limites mentionnées ici, les bons résultats obtenus par les équipes
dans la phase d’excubation, font que les directions d’entreprises se satisfont volontiers de
ce mode de fonctionnement imparfait.
1.7.3 Problèmes liés à la gouvernance de l’innovation
Les autres principaux problèmes rencontrés sont liés à la gouvernance du projet d’excubation.
Nous les avons classés en quatre grands thèmes : l’organisation, le management et la culture
de l’entreprise.
En résumé, l’échec du développement des projets issus de l’excubation s’explique
principalement par l’absence d’une gouvernance adaptée à l’innovation que nous avons
synthétisée dans le tableau suivant :
Tableau 15 : Problèmes de gouvervance de « l’excubation »
(source : Marc Géméto)
Problèmes de gouvernance de l’ « excubation »
Organisation : le positionnement transversal du projet rend la gouvernance difficile
Management : le mode de décision sur l’excubation est très hiérarchique. Le mode d’évaluation
des managers et l'incertitude sur les objectifs n’encouragent pas à soutenir ce type de projet.
Culture et valeurs : le développement des projets issus de l’excubation est souvent incompatible
avec la vision court-terme et la culture des grandes entreprises.
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
146
a. Problèmes d’organisation.
Le positionnement transversal du projet rend la gouvernance difficile.
Le plus souvent, le projet d’excubation entre dans le champ de compétences de multiples
directions déjà en place : direction technique, direction stratégie, direction marketing,
directions des unités de business. Même en cas de sponsoring par le comité exécutif, on assiste
à de longues tractations entre les différentes directions concernées. Ces dernières restent en effet
seules décisionnaires de l’affectation de leurs ressources et du financement des projets. Les
décisions sont très liées aux managers en place dans les organisations et de leur intérêt pour le
projet. Le désintérêt pour un projet est souvent lié à un changement de manager à la tête d’une
direction.
L’équipe a ainsi souvent conscience de son impact limité pour convaincre in fine
organisation à investir ou non.
Comme on l’a vu au paragraphe 1.7.1, on assiste très souvent à l’arrêt du projet lors de la phase
de décision du développement de la solution. Les critères de décision ne tiennent finalement
pas assez compte des capacités intrinsèques du projet d’excubation à être pérenne, mais bien
plus à l’intérêt d’une direction à le continuer par rapport à ses propres objectifs.
Verbatim 4310 : « Les changement de managers ou de sponsors tuent les projets excubés. »
ACC4 INC F
Verbatim 4344 : « Le problème numéro 2, c'est le sponsor de la suite du projet qui ne se sent
plus concerné quand on passe du projet d'innovation au nouveau produit. Il y a des questions
de budget et on ne sait pas quelle direction va continuer après la direction d'innovation. » ACC5
INC G
Verbatim 519 : « On a eu un projet qui continue un an après dans l'entreprise parce qu'il y a eu
un repreneur interne très engagé avec un petit budget et ça marche bien parce qu'il n'a pas eu
besoin d'embaucher les équipes. Par contre, il présente la suite à un comité exécutif et il faudra
décider de qui s'occupe de ce projet. » ACC5 INCG
Verbatim 5110 : « Sur un projet, la tentative de passer le projet à une nouvelle direction a
totalement échoué car il n'y avait aucun « fit » culturel et une complète incompréhension entre
l'équipe projet et les équipes de la nouvelle direction. » ACC5 INC F
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
147
Verbatim 527 : « Sur certains projets les équipes n'ont que très peu de maîtrise sur la suite du
projet qui est valide au sein de la stratégie sans pouvoir le défendre. » ACC 2 INC E
Verbatim 4348 : « Il est très compliqué de bien transmettre aux sponsors tout le travail qui a
été fait. Or c'est vraiment clé pour la poursuite des projets. » ACC7 INCH
Verbatim 4349 « Sur un accompagnement de 5 mois qui a eu de super résultats, on n'a pas
réussi à faire passer le message lors du board de restitution et le projet a été vécu comme un
échec. On travaille à nouveau dessus pour revoir notre copie et représenter à ce nouveau
sponsor. » ACC 7 INC H
b. Problèmes de management.
Les grandes entreprises étudiées ont un mode de management hiérarchique avec un contrôle
régulier de l’avancement des projets et une prise de décision pyramidale. On constate que ce
type de management a du mal à laisser l’équipe avancer de manière autonome et va chercher à
les influencer sur les directions à prendre.
Les managers, dans la mesure où ils ne laissent pas l’autonomie de décision à l’équipe du fait
du fonctionnement hiérarchique pyramidal des organisations, sont donc un frein au
développement des projets d’excubation.
Par ailleurs, les managers en place sont peu encouragés à prendre des risques dans ce type
d’initiative. En effet, leurs critères d’évaluation personnels restent principalement basés sur les
performances court terme de leur unité et n’ont en général pas de critères d’évaluations liés à
leur participation à ce type de projet d’innovation.
Comme nous l’avons vu, les objectifs des directions d’entreprises sont ambigus. Ces
incertitudes sur les vrais objectifs de la direction nuisent à la motivation des managers à
jouer le jeu. Les accélérateurs doivent aussi souvent ajuster leurs efforts pour jongler avec
l’ambivalence des objectifs.
Verbatim 4312 « Le management est le frein principal. » ACC 4 INC F
Verbatim 438 : « Les managers ne veulent pas perdre la main sur les projets. » PA7 ENT D
Verbatim 4322 : « Il y a eu trop d'implication du management au jour le jour (trop de lumière,
trop de pression). » REU1 ENT A
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
148
Verbatim 4510 : « On a été trop pollué par le management. Je recommande de laisser vraiment
3 mois ou les gens travaillent avant de revenir avec les réponses. » PA2 ENTA
Verbatim 459 : « Je ne vois pas d'intérêt de faire un point à mi-parcours avec le management
sur une excubation courte car le résultat n’est pas encore stable et cela met la pression. » MA1
ENTA
Verbatim 4515 : « Le management doit accepter de laisser l'initiative aller jusqu'au bout sans
l'influencer. » PA4 ENTA
Verbatim 4313 : « Il est difficile de convaincre les managers de jouer le jeu de libérer les
ressources par rapport à leurs sujets prioritaires. » MA 2 ENT C
Verbatim 642 : « La collaboration est un mythe dont les grosses entreprises se gargarisent,
mais, dans les faits, ce genre de managers n'est pas valorisé » MA2 ENTC
Verbatim 436 : « Il y a le risque d’être le jouet de la direction. » ACC4 INCF
Verbatim 437 : « Il y a ambiguïté de l'entreprise entre l’objectif de transformation de
l’entreprise et perspectives retour sur investissement. » ACC4 INCF
Verbatim 4317 : « Il y a eu incertitude sur l'ambition de la direction générale vis-à-vis de cette
démarche d'innovation. » PA7 ENTD
Verbatim 4532 : « Un point vraiment important et classique, c'est qu’il faut une volonté des
sponsors d'y aller sinon il y a peu de retours. » ACC 7 INC H
c. Problèmes de culture de l’entreprise.
Le développement des projets issus de l’excubation est le plus souvent incompatible avec
les valeurs et la culture des grandes entreprises.
Finalement, on voit bien que les grandes entreprises se heurtent à un véritable mur lorsqu’il
s’agit de financer la suite du projet d’excubation, lorsque l’intérêt de le poursuivre est démontré.
Les valeurs de la grande entreprise vont en général encourager à choisir les projets les
plus rentables et servant les plus gros clients, au détriment des projets d’excubation plus
incertains et à plus long terme. Ceci est d’autant plus vrai que les entreprises ont une vision
court terme.
D’autres valeurs de la grande entreprise peuvent aussi se heurter à la continuation des projets
d’excubation telles que la limitation du risque, l’image de marque, ou la politique juridique de
l’entreprise qui seront autant d’éléments qui encourageront systématiquement à choisir des
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
149
projets d’innovation incrémental par rapport à des projets d’innovation substantielle ou
disruptive.
Verbatim 431 : « L’excubation est incompatible avec les changements d'orientation trimestriels
des entreprises cotées en bourse. » PA6 ENT B
Verbatim 4311 : « Le pilotage des grands groupes aux résultats trimestriels sont incompatibles
avec les projets d'excubation au résultat long terme. » ACC 4 INC F
Verbatim 536 : « La difficulté est d'avoir les moyens pour une exécution et un développement
rapide après la validation de l'excubation, sinon le projet est mort. » PA2 ENT A
Verbatim 519 : « Notre approche ne fait souvent que repousser la décision difficile à prendre
de qui va s'en occuper. » ACC 5 INC G
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
150
Conclusion de la section 1
L’objectif de la section 1 du chapitre 3 était de bien comprendre les résultats, bénéfices et limites
opérationnelles de l’excubation pour nous aider à donner des pistes de prescription pour
l’amélioration du management de l’innovation que nous présentons au chapitre 3.
Nous avons mis en évidence les éléments suivants :
1. L’excubation est une nouvelle forme d’exploration dans le processus du
management de l’innovation en entreprise
2. Les projets d’excubation explorent des projets d’innovation substantielle adjacents
aux marchés des entreprises.
3. Les entreprises ont le plus souvent un double objectif d’exploration d’un nouveau
business innovant et de transformation agile des salariés qui nuit au résultat et à
l’implication managériale.
4. L’objectif d’exploration du business par l’excubation est systématiquement atteint
en validant l’intérêt de continuer ou non le projet.
5. Les facteurs clé qui expliquent le succès de l’excubation en matière d’exploration
de projets d’innovation substantielle sont :
- Un environnement extérieur
- Des méthodes entrepreneuriales
- Un réseau externe stimulant
- Un accompagnement entrepreneurial
6. Après une phase réussie d’excubation, la plupart des entreprises n’arrivent pas à
concrétiser la phase de développement des innovations. Les rares succès que nous
avons identifiés mettent en œuvre une « spin-off » ou bien créent une nouvelle unité
avec une organisation différente du modèle de l’entreprise
7. Cet échec s’explique principalement par des problèmes de gouvernance de
l'innovation en termes d'organisation, de management et de culture de l'entreprise
L’étude du dispositif d’excubation nous montre ainsi toute la difficulté du management et de la
gouvernance de l’innovation dans les grandes entreprises et nous apporte beaucoup d’éléments
de réflexion pour trouver de nouvelles pistes pour lever ces barrières. Cette analyse nous
permettra ainsi, par interactivité cognitive et en la croisant avec la littérature, de donner des
recommandations et des pistes de prescription pour l’amélioration du management de
l’innovation dans les grandes entreprises dans le chapitre 4.
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
151
SECTION 2 : Impact sur la transformation des entreprises et des salariés
Introduction à la section 2
La section 2 a pour objectif de rendre compte de la transformation effective des organisations
et des salariés suite aux initiatives d'excubation.
La section est divisée en deux chapitres. .
Le chapitre 2.1 porte sur la transformation des entreprises en termes de nouvelles pratiques
d’innovation suite à une excubation.
Le chapitre 2.2 étudie l’impact de l’excubation sur la transformation des salariés des
entreprises.
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
152
2.1 Transformation agile des entreprises
Introduction 2.1
Nous avons systématiquement demandé aux participants de nous dire quelles sont les nouvelles
pratiques intéressantes acquises durant l’excubation et les façons de les transférer dans
l’entreprise.
Les réponses sont mitigées sur le transfert réussi de ces approches car la plupart des
interlocuteurs mettent en avant les transformations importantes nécessaires en termes
d’organisation, de méthodes ou de valeurs.
Verbatim 522 : « C'est transférable dans l’entreprise sous conditions » PA6 ENTB
Verbatim 527 : « Je pense qu'on ne peut pas avoir çà dans l’entreprise ; il y a un aspect qui
manquera » PA5 ENTA
Afin d’en tirer des prescriptions, nous avons alors insisté pour connaitre leurs recommandations
pour un transfert réussi dans l’entreprise.
On peut classer ces recommandations en trois catégories :
- une première sur de nouvelles méthodes agiles centrées utilisateurs.
- une seconde sur un nouveau mode de travail de type projet collaboratif.
- une troisième sur un nouveau mode de management qui nécessiterait une
transformation radicale des entreprises.
Toutes ces transformations nécessitent une culture adaptée rejoignant nos conclusions de la
section 1 que nous retrouvons aussi dans la le chapitre 2.2.
2.1.1 Vers de nouvelles méthodes agiles centrées utilisateur
Le changement qui semble le plus simple à mettre en place est de transférer les méthodes agiles
de design et de marketing centrées utilisateurs qui sont pratiquées pendant l’excubation dans la
grande entreprise.
Comme nous l’avons vu dans la section 1, la méthode d’excubation est basée sur des approches
itératives de validation par les clients et utilisateurs à la fois de leurs problèmes et des solutions
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
153
proposées.
Cette méthode peut s’appliquer à tout type d’innovation, y compris incrémentale pour vérifier
les hypothèses marketing avant d’établir un business plan du projet. Cette vérification des hy-
pothèses marketing sur le terrain peut apparaître comme du bon sens, mais, dans les faits, la
plupart des interlocuteurs des grandes entreprises, y compris les responsables marketing ou
chefs produits sont très loin des réalités du terrain et des utilisateurs. Pire, les chefs produits ou
marketing interrogés nous ont plusieurs fois confirmé qu’ils ne réussissaient pas à rencontrer
les clients existants de l’entreprise qui sont la chasse gardée de la direction des ventes. Ainsi, la
plupart d’entre eux se retrouvent condamnés à remplir des tableaux marketing avec de bons
chiffres de retour sur investissement pour obtenir la validation de leur projet par la direction,
sans une véritable validation par le terrain.
Ces nouvelles méthodes agiles de validation marketing sur le terrain auprès des utilisa-
teurs et clients permettront donc d’améliorer l’exploration des innovations de tous types.
De telles pratiques ont d’ailleurs commencé à se répandre dans les grandes entreprises :
- Le design thinking est de plus en plus utilisé dans les équipes produits et marketing
qui remettent l’utilisateur au centre lors de la conception de solutions innovantes.
- Les méthodes de développement agile des logiciels se sont largement déployées
dans les équipes informatiques. La méthode agile la plus connue et la plus répandue
s’appelle le scrum agile. Plus que sur des méthodes, l'agilité est fondée sur l'état
d'esprit défini par les quatre principes de leur manifesto agile :
* Les individus et leurs interactions plus que les processus et les outils.
* Un logiciel qui fonctionne plus qu’une documentation exhaustive.
* La collaboration avec les clients plus que la négociation contractuelle.
*L’adaptation au changement plus que le suivi d’un
Le scrum agile a pour vertu de mettre l’utilisateur au centre des préoccupations de
l’équipe de développeurs et de faire après chaque itération courte de développement
de logiciel, appelée un sprint, une démonstration de la solution développée devant
le client/utilisateur pour obtenir ses retours et commentaires.
- Le lean startup est une approche entrepreneuriale issue du développement agile et
conçue par des d’informaticiens « qui en avaient marre de développer des produits
que personne ne veut » (Ries E., 2011). Cette méthodologie est la base des méthodes
développées par la plupart des incubateurs. La méthode Lean Startup prône de tester
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
154
l’ensemble des hypothèses du business model de manière itérative, aussi bien les
problèmes des clients que les propositions de valeur ou le mode de distribution. Les
approches agiles de type « lean startup» ont aussi commencé à se populariser dans
certaines très grandes entreprises ou administrations américaines. « Il est déjà de-
venu clair que les méthodes de lean start-up ne sont pas seulement pour les jeunes
startups dans la technologie ….Durant les tois dernières années, nous avons vu de
très grandes entreprises, comme General Electric, Qualcomm et Intuit, commencer
à mettre en œuvre la méthodologie du lean start-up. » (Blank S., 2013).
Mais ne nous y trompons pas, la principale difficulté n’est pas de former aux méthodes elles-
mêmes, mais bien souvent de casser les modes de fonctionnement actuels des organisations et
de les mettre en place pour permettre par exemple aux équipes d’accéder librement aux clients
pour les observer et les interroger.
Verbatim 538 : « Je pense qu'on peut mettre en œuvre facilement l'aspect expérience utilisateur
dans l’entreprise pour développer des produits : ça serait une économie et bénéfique en
décloisonnant marketing, technique et validation. » PA5 ENTA
Verbatim 627 : « Dans l’entreprise, on n'a pas la méthodologie pour aller vite et valider des
solutions. Il faudrait être formé à ces outils et avoir le recul nécessaire. L'accélérateur nous a
permis d'avoir le recul. » MA1 ENTA
2.1.2 Vers un nouveau mode de travail de type projet collaboratif
La deuxième recommandation est de réussir à faire travailler les équipes en mode collaboratif
entre les différentes fonctions de l’entreprise : ventes, marketing, technique, design. C’est un
aspect essentiel que les gens redécouvrent en excubation : le travail d’équipe. Il s’agit de sortir
du fonctionnement en cascade suivant : une direction des ventes fait part d’un besoin client à
une équipe marketing qui fait une demande à un chef produit, qui établit une spécification tech-
nique réalisée par une équipe de recherche et développement, qui n’a aucun contact et aucune
idée des vrais besoins clients. Le nouveau mode de travail recommandé est un fonctionnement
en équipe projet avec les différentes compétences requises de l’entreprise pour résoudre en-
semble le problème du client.
Les responsables commerciaux et marketing ont reconnu eux-mêmes, lors des séances d’excu-
bation, l’apport important des membres de la recherche et développement dans la réflexion. Ces
derniers remettaient en cause certains points et pouvaient apporter de nouvelles directions de
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
155
solutions techniques inconnues du marketing.
Toute innovation, même incrémentale, bénéficie donc d’un mode de fonctionnement
d’équipe collaboratif entre des différentes fonctions de l’entreprise.
Cela peut paraître évident. Or c’est l’opposé que nous avons constaté dans les entreprises étu-
diées. La plupart fonctionnent en mode « silos », c’est-à-dire que les directions défendent leurs
propres intérêts avec leurs équipes travaillant de manière hiérarchique uniquement pour l’intérêt
de leur direction qui les évalue.
Verbatim 524 : « On peut importer une nouvelle manière de travailler et de réfléchir ensemble
dans la dimension gestion de projet et managériale. » PA7 ENTD
Verbatim 6511 : « La solution organisationnelle idéale serait d'avoir comme chez Google des
équipes projets qui ne sont pas forcément assignées à une direction métier mais qui ont la
possibilité de conduire un projet de sa conception jusqu’à son lancement et son fonctionnement
en production. Elle sera supportée par des équipes informatiques, commerciales, etc mais cela
suppose une restructuration. » ACC5 INCF
Verbatim 6514 : « Je connais une entreprise dans le secteur informatique où ils travaillent
beaucoup en petites équipes projet. D'après un salarié, ils n'ont pas l'impression de travailler
pour l'entreprise mais plus en mode startup avec une certaine liberté et un peu de reporting. »
ACC7 INCH
2.1.3 Vers un nouveau mode de management de l’innovation
Le troisième type de conseils touche au management de l’innovation substantielle dans les
grandes entreprises. La liste de ces conseils venus des participants n’est sans doute pas
exhaustive mais elle nous a été précieuse pour bâtir, en la croisant ensuite avec la littérature,
nos premières recommandations pour un nouveau mode de management de l’innovation dans
les grandes entreprises.
Voici les principaux conseils résumés ci-après :
a) Investir sans retour financier court terme.
Il s’agit d’investir sur le long terme en acceptant un retour sur investissement faible ou
inexistant. Les salariés et incubateurs constatent dans les faits que les grandes
entreprises étudiées ne sont pas prêtes à réellement investir sur ces sujets adjacents car
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
156
elles sont pour la plupart plus centrées sur des résultats court terme. Nous avons déjà vu
ce point dans la section 1.
Verbatim 531 : « Il faut investir sans attendre un retour sur investissement direct. »
ACC4 INCF
Verbatim 536 : « La difficulté est d'avoir les moyens pour une exécution et un
développement rapide après la validation de l'excubation sinon le projet est mort. » PA2
ENTA
Verbatim 4311 : « Le pilotage des grands groupes aux résultats trimestriels est
incompatible avec les projets d'excubation aux résultats long terme. » ACC4 INC F
Verbatim 6211 : « Les grosses entreprises doivent être plus patientes car les approches
startups sur des marchés adjacents ne sortent pas des business à x millions en un an »
PA3 ENTA
b) Clarifier la communication interne sur l’excubation
Les recommandations dans le domaine sont parfois antagonistes, soit on souhaite plutôt
limiter la communication interne pour éviter les jalousies, soit on veut promouvoir cette
initiative pour encourager les managers à jouer le jeu. Dans les deux cas, il faut clarifier
le discours à l’intérieur de l’entreprise et au plus haut niveau pour positionner
l’excubation et l’innovation substantielle en général par rapport à l’innovation
incrémentale et définir son importance pour l’entreprise.
Verbatim 532 : « Il faut limiter la communication interne pour éviter trop d’attentes et
les jalousies. » ACC4 INCF
Verbatim 534 : « Il aurait fallu du conseil pour m'aider à valoriser un peu plus la
démarche en interne » PA7 ENTD
c) Avoir une structure autonome en lien avec l’entreprise.
Certains participants et accompagnateurs recommandent d’avoir une structure
autonome en termes physique, financier, de processus et d’organisation afin d’éviter
l’influence négative du grand groupe pour accueillir les initiatives d’innovation
substantielle. Il faut cependant garder un lien avec l’entreprise afin de bénéficier de ses
compétences et de son accès au marché.
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
157
Pour des innovations sur des champs totalement nouveaux sans lien avec le cœur métier
de l’entreprise, les accompagnateurs recommandent de travailler avec une structure
externe, de type start-up, sans lien direct avec l’entreprise.
En résumé, l’innovation substantielle nécessite une structure au fonctionnement
autonome tout en restant en lien avec la grande entreprise. Alors que l’innovation
disruptive ou de diversification doit être plutôt à envisager dans une structure
totalement externe à l’entreprise.
Verbatim 523 : « Il faut créer des entités un peu protégées. » PA6 ENTA
Verbatim 5313 : « Le processus est transférable si tu arrives à faire ton incubateur
d'entreprise avec des ressources dédiées, un budget dédié mais s'il est suffisamment
séparé de la structure que ce soit physiquement, financièrement, du point de vue
processus et organisationnel et doit être soutenu au plus haut niveau possible. » ACC3
INCF
Verbatim 5312 : « En gros, la greffe est pas trop difficile si c'est un projet proche du
cœur de l'entreprise mais quand c'est assez éloigné et très innovant il vaut mieux prendre
de la distance (excubation sans salariés) sinon il y a trop de résistances de l'organisme
accueillant. » ACC3 INCF
d) Gérer un portefeuille de projets innovants.
Tenant compte du fait que les projets adjacents sont des projets à risque, les
accompagnateurs recommandent aux entreprises de constituer un portefeuille de projets
et d’accepter l’échec d’un grand nombre d’entre eux. Ces projets seront définis en
fonctions des axes stratégiques d’innovation que l’entreprise souhaite explorer.
L’idée est que la majorité s’arrêteront à un certain stade de l’exploration mais qu’un ou
deux seront de nouveaux relais de croissance à long terme. L’entreprise B semble avoir
progressé dans cette direction en mettant en place un incubateur avec des salariés
accompagnés par l’accélérateur F, alors que les autres entreprises étudiées n’en étaient
encore qu’aux premières expérimentations ponctuelles. Nous n’avons donc pas de
retour sur la gestion d’un portefeuille de projets adjacents dans notre recherche, mais il
serait intéressant d’en étudier les résultats sur plusieurs années.
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
158
Verbatim 539 : « Il faut une logique de portefeuille avec une vision et stratégie avec les grandes
directions d’innovation qu’on souhaite explorer. Sur dix projets, il y a ceux qui meurent au bout
de 3 mois, d'autres au bout de 6 mois et puis ceux qui rentrent au fur et à mesure en
développement. » ACC1 INCE
Verbatim 659 : « Je crois énormément à la vision d'une entreprise qui arrive à structurer un
portefeuille de projets, qui donne de l'autonomie à ses salaries pour pouvoir faire un effet de
levier sur ses atouts et pas dans un monde où on n'a que des entrepreneurs et des indépendants »
ACC1 INCE
2.1.4 Nécessité d'une culture d’entreprise adaptée
Tous les participants et accompagnateurs sont finalement conscients que la vraie
barrière à l’innovation substantielle est la culture d’entreprise qui l’empêche, pour de
multiples raisons, d’investir sur ce type de projet par rapport à des projets incrémentaux.
Les raisons de ces échecs ont été développées dans la section 1.
Les participants et accompagnateurs nous donnent deux directions différentes pour
essayer de remédier à ces problèmes, soit de transformer complètement la culture de
l’entreprise à tous les niveaux, soit de créer une organisation assez indépendante avec
une culture et des valeurs différentes.
Si cette culture d’innovation n’est pas inscrite dans les valeurs de l’entreprise, comme
chez Google ou d’autres startups, la transformation culturelle des grandes entreprises
établies parait assez irréaliste aux yeux des salariés participants à l’excubation, d’autant
plus qu’il s’agira de changer les valeurs et habitudes de plusieurs dizaines de milliers de
salariés, du management et de la direction. Nous revenons sur ce point dans le
paragraphe 2.2.
Verbatim 535 : « Le transfert nécessite une transformation culturelle car les entreprises
sont extrêmement enserrées dans leurs contraintes. » PA7 ENTD
Verbatim 623 : « Pour transférer, l'entreprise devrait former tout son personnel et
notamment des managers à être dans une posture managériale et plus dans une posture
d'expert : c'est très lié à l’humain. » PA7 ENTD
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
159
Verbatim 6212 : « La hiérarchie doit accepter que l'équipe en connaisse peut-être plus
qu'eux sur le marché pour accepter la réponse de l’équipe sur le projet suite à
l’excubation. » PA4 ENTA
Verbatim 6227 : « Je vois bien que pour un très grand groupe pétrolier avec qui je
travaille avant de mettre en place une culture comme celle-là, ça va être un long
chemin. » STA GOOGLE
Verbatim 656 : « Je pense qu'il y a une sacrée révolution à faire pour que les entreprises
soient prêtes à changer leur culture et leurs méthodes managériales » PA7 ENTD
Conclusion 2.1
En conclusion du chapitre 2.1, il ressort que
1. L'excubation est basée sur des méthodes entrepreneuriales agiles et pragmatiques
qui bénéficieraient à beaucoup de projets d’innovation de la grande entreprise.
2. L'excubation permet un nouveau mode de fonctionnement autonome des équipes
3. Il faudrait aller beaucoup plus loin pour réussir à mettre en œuvre un mode de
management qui puisse aboutir dans le contexte des grandes entreprises
Selon les participants un nouveau mode de management de l’innovation nécessiterait :
- la gestion d’un portefeuille de projets innovants avec une vision long terme,
- une communication claire sur le positionnement de l’innovation substantielle
- une structure autonome en lien avec l’organisation.
- une culture favorisant l’innovation
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
160
2.2. Transformation des salariés
Dans ce chapitre, nous résumons la façon dont les participants disent avoir vécu l’expérience
de l’excubation, les changements observés et leurs recommandations pour une transformation
agile réussie des salariés de la grande entreprise.
2.2.1 Impact sur les salariés pendant l’excubation
Les directions, managers et accompagnateurs citent volontiers la transformation et la montée
en compétence des salariés comme un bénéfice de l’excubation. Ils en sont d’autant plus
satisfaits que ce point est comme on l’a vu, l’une des demandes des directions.
On a eu de nombreuses citations dans ce sens de leur part :
Verbatim 339 : « Sur les 9 premiers mois, on a eu plus d'impact en transformation qu'en objectif
business, ce qui plaisait au directeur général. L'objectif business a été en partie atteint. » ACC
3 INC F
Verbatim 351 : « Transformation et motivation des salariés qui deviennent moteur de
changement dans l'entreprise. » ACC 4 INC F
Verbatim 352 : « Changement : fait grandir les gens très très vite. » MA 2 ENT C
Verbatim 3520 : « La transformation des collaborateurs avec la montée en compétences. » ACC
7 INC H
Verbatim 3521 : « La direction était très contente sur les objectifs atteints en termes de
transformation. » ACC 3 INC F
Par contre, ce point est plus rarement mentionné par les salariés participants. Les participants
sont tous très satisfaits de leur expérience d’excubation, et il est clair que tous découvrent et
utilisent de nouveaux outils et de nouvelles approches.
Pour les participants, deux éléments antagonistes ressortent des entretiens : l’impression de
vivre une aventure extraordinaire très appréciée mais aussi très déstabilisante avec une
surcharge importante de travail et, pour certains, générateur de stress.
a) Une aventure extraordinaire très appréciée
Tous nous ont dit avoir adoré cette expérience et qu’ils souhaiteraient continuer
travailler de cette façon. Elle est souvent qualifiée avec des superlatifs : très
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
161
enrichissante, fabuleuse, incroyable, excitante… Les points le plus fréquemment
mentionnés pour expliquer ce qu’ils ont appréciés sont :
- L’enrichissement personnel.
- L’autonomie de décision et la liberté.
- Le travail d’équipe.
Tous disent avoir bien vécu l’expérience mais beaucoup rajoutent aussi qu’ils ont eu
des moments de doutes ou de stress créés par ce mode de fonctionnement très
différent de leurs habitudes.
Verbatim 611 : « C’est très enrichissant pour les salariés participants. » PA6 ENTB
Verbatim 614 : « J’ai aimé l’autonomie de décision. » PA7 ENT D
Verbatim 618 : « Ce qui m'a le plus plu c'est la confiance de l'entreprise et la liberté d'action. »
PA7 ENTD
Verbatim 633 : « Les salariés ont l'impression de respirer en sortant de tout un système de
contraintes. » MA2 ENTC
Verbatim 6115 : « C'est fabuleux, je suis en train de vivre une aventure incroyable. » PA7 ENTD
Verbatim 6117 : « J’ai beaucoup apprécié l’esprit d’équipe. » REU2 ENTA
Verbatim 6125 : « J'étais très excité et attendais ce moment avec impatience car il y avait
toujours des choses intéressantes à voir et à apprendre et des rencontres avec d'autres parties
de l'entreprise qu'on ne côtoie pas. » PA5 ENTA
b) Une aventure très déstabilisante.
Le côté très déstabilisant est un point qui revient aussi pour tous les projets d’excubation. Cela
provient à la fois de l’incertitude du résultat auquel ils vont aboutir, d’un mode de travail
totalement nouveau et des nouveaux domaines d’expertise qu’ils doivent découvrir. Cela sort
complètement de leur zone habituelle de confort, chacun d’eux étant un expert reconnu dans
son domaine de compétences avec des relations bien établies dans l’organisation.
Par exemple, les participants des grandes entreprises sont amenés à pratiquer des essais réels
de produit sur le terrain, à rencontrer des clients et des utilisateurs, à faire des exercices de
brainstormings, à utiliser des outils digitaux pour faire du prototypage rapide… Toutes ces
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
162
choses sont totalement différentes de ce qu’ils ont l’habitude de pratiquer dans leur métier
habituel : on comprend que cela soit déroutant.
Face à ce changement brutal, plusieurs de nos interlocuteurs pensent qu’ils auraient pu être
mieux préparés par un accompagnement en amont. D’autre part, ce type d’aventure n’est pas
forcément adapté à tous. Comme nous l’avons déjà vu dans le chaptitre 1, il est important de
choisir les profils les plus adaptés et tout spécialement le chef de projet qui doit avoir un esprit
intrapreneur pour accepter tout l’inconfort de l’excubation.
Verbatim 613 : « C’est très déstabilisant avec des zones d’inconfort.» PA6 ENTB
Verbatim 615 : « Ça bouscule pas mal car c'est orthogonal aux habitudes dans l'entreprise. »
MA2 ENTC
Verbatim 616 : « On travaille avec une équipe qui n'a jamais travaillé ensemble sur une
problématique qu'ils ne connaissent pas, sur un sujet digital inconnu pour moi, donc j'ai été
très désorientée. » PA7 ENTD
Verbatim 6115 : « J'ai souvent été désorientée et inquiète avec des moments de doute et de stress
en me disant on ne va jamais atterrir et on a atterri. » PA7 ENT D
Verbatim 634 : « Il faudrait avertir les participants du côté atypique de l’aventure. » MA2
ENTB
Verbatim 636 : « L'intrapreneur en charge du projet vit une transformation radicale. » ACC3
INCF
Verbatim 4314 : « Il est difficile de trouver les profils qui feraient l'affaire spontanément. » MA2
ENTC
Verbatim 4343 : « Le porteur de projet, c’est le problème numéro un. » ACC5 INCG
c) Une aventure épuisante.
Le mot épuisant revient plusieurs fois dans les entretiens de différents participants, bien souvent
concomitamment à celui du mot énergie. Or, si effectivement une énergie incroyable se dégage
dans le travail d’équipe, cela pousse chacun à se dépasser encore plus et mène certains à
l’épuisement.
La surcharge de travail vient d’une part de leur double fonction dans le projet d’excubation et
dans leur ancien poste dans l’entreprise. D’autre part, l’adaptation permanente à de nouvelles
approches et de nouvelles personnes génère aussi une intensité de travail intellectuel sans
commune mesure avec la réalisation d’un travail routinier.
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
163
Même s’ils sont loin d’égaler le temps de travail des entrepreneurs ou accompagnateurs des
incubateurs, les salariés font donc beaucoup plus d’heures que d’habitude, stimulés par
l’environnement de l’accélérateur.
Verbatim 612 : « C’est un programme très intense. » PA6 ENTB
Verbatim 6110 : « J'ai aimé la mixité avec une équipe très jeune et en même temps ça a généré
une sacrée énergie pour m'adapter et des fois c'est épuisant. »
Verbatim 6123 : « La charge de travail supplémentaire pour l'excubation était plus lourde
qu’envisagé et a créé des tensions dans l'équipe. » PA4 ENTA
d) Générateur de stress.
L’excubation génère un rythme et une intensité de travail que ni les salariés, ni les
accompagnateurs ne peuvent soutenir sur une longue durée. Le nom de ces programmes,
« accélération », évoque d’ailleurs bien par lui-même sa limite. Il s’agit d’aller le plus vite
possible pour trouver des résultats, mais on ne peut bien sûr pas accélérer indéfiniment. La
pression sur les rendus hebdomadaires est forte, même si tout cela se fait dans une bonne
ambiance et avec beaucoup d’enthousiasme. L’impact sur les individus dépend bien sûr de
chacun.
Outre le terme épuisant qui est revenu à plusieurs reprises dans nos entretiens, nous avons
observé, sur le petit nombre de cas étudiés, un arrêt maladie de plusieurs mois pour « burn-
out », un arrêt maladie de deux semaines pour cause de fatigue d’un accompagnateur et un
niveau de stress important d’un jeune intervenant extérieur sur un projet d’excubation. Même
si on ne peut pas imputer à l’excubation seule la cause de ces arrêts de travail, ce sont des
indices qui confortent la vigilance à avoir sur ce type de projet en termes de source de stress.
Tous ces éléments nous semblent donc indiquer que l’excubation comporte des facteurs
favorisant le stress qui sont résumés ci-dessous :
- La forte visibilité vis-à-vis du top management
- Le délai très court
- L’incertitude du résultat de l’excubation
- La surchage de travail
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
164
Verbatim 619 : « Je me suis reprogrammée en termes de management ouvert mais ça a demandé
beaucoup d'efforts et avec des crises d'angoisses. » PA7 ENTD
Verbatim 622 : « Certains ne tiennent pas le choc d'être responsable d'un projet à forte
visibilité. » MA2 ENTB
Verbatim 6114 : « J’ai souvent été désorientée et inquiète avec des moments de doute et de
stress en me disant on n’allait jamais atterrir et on a atterri. » PA7 ENTD
Verbatim 6118 : « Je suis épuisée : c'est un gros rythme avec une méthode de travail où tu as la
pression en permanence. »PA2 ENT A
Verbatim 6120 : « Je l’ai vécu comme un effort personnel et de travail avec de gros sacrifices
sans aucune compensation ni incitation de l'entreprise » PA2 ENTA
2.2.2 Transformation des salariés après l’excubation
En mettant les salariés en mode entrepreneurial pendant quelques mois, on peut déterminer s’ils
ont le goût pour ce type d’approche. Ceci ne peut devenir un bénéfice réel que si les entreprises
ont une proposition d’avenir pour ces profils, soit à l’intérieur de l’entreprise, soit à l’extérieur.
C’est le cas particulier du projet de l’entreprise B qui a lancé son projet d’excubation dans le
cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi. Les salariés qui étaient intéressés par la création
d’entreprise pouvaient tester le mode de fonctionnement pendant 2 mois dans l’accélérateur F
avant de se décider à lancer leur projet entrepreneurial.
Il s’agit pour nous plutôt d’un cas particulier que du cas général,
Nous sommes restés en contact avec les participants de l’entreprise A pendant les 6 mois qui
ont suivi l’excubation. Nous avons aussi eu de précieuses informations de la part des
accompagnateurs des accélérateurs qui ont suivi plusieurs dizaines de projets. Deux grands
types d’évolutions des salariés suite à l’excubation se dégagent :
Scénario 1 : Quitter l’entreprise.
Un certain nombre de participants des projets d’excubation sont devenus à terme des
entrepreneurs ou ont rejoint un incubateur comme accompagnateur. C’était le cas du participant
de l’entreprise D qui a ensuite rejoint l’incubateur F.
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
165
L’excubation va révéler le profil entrepreneur de certains individus qui préfèrent
continuer à vivre une vraie aventure de type entrepreneur.
Si l’excubation permet de révéler les hommes et femmes avec des aspirations d’entrepreneurs,
il n’est pas sûr que les grandes entreprises aient alors des opportunités qui répondent à leurs
aspirations d’autonomie et de liberté.
Nous avons aussi observé un certain nombre de démissions suite à des projets d’excubation. Il
nous semble que l’expérience de l’excubation a pu jouer un rôle révélateur et peut favoriser le
passage à l’acte de quitter la grande entreprise pour ceux qui en avaient le projet. D’ailleurs,
certains managers sont hostiles à l’excubation, en pensant que les salariés seront alors moins
adaptés au mode de fonctionnement hiérarchique de la grande entreprise. Les premiers résultats
montrent qu’ils n’ont sans doute pas tout à fait tort si l’entreprise n’évolue pas suite à cette
expérience.
Verbatim 631 : « Certains managers pensent que cette approche risque de créer des salariés
qui vont devenir inadaptés et qui ne vont plus supporter leur environnement de travail ancien. »
MA2 ENTC
Verbatim 6311 : « J'ai très souvent vu après mon passage des gens quitter leur entreprise pour
lancer des choses. C'est sympa de voir des gens qui se motivent et qui reprennent leur vie en
main. » ACC3 INCF
Verbatim 6222: « Ça peut donner des idées à des gens de tenter l'aventure entrepreneuriale
seuls et de quitter l'entreprise » ACC7 INCH
Scénario 2 : Rester dans la grande entreprise.
L’idéal est que l’équipe puisse continuer son projet d’excubation dans un mode de projet très
autonome avec un minimum de contrôle hiérarchique. Si l’on considère qu’il faut gérer un
portefeuille de plusieurs dizaines de projets et que 80 à 90% des innovations substantielles
seront arrêtées, il faut bien admettre que la plupart des salariés réintégreront finalement la
grande entreprise. Ils ont effectivement été fortement transformés, voire bousculés, dans leurs
habitudes et découvert des modes de fonctionnement d’autonomie et de collaboration. Il s’agit
donc de bien expliquer les règles et d’accompagner le retour de ces salariés. Certains essaient
d’appliquer les nouvelles méthodes apprises lors de l’excubation mais ils se heurtent rapidement
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
166
aux murs des contraintes et des modes de fonctionnement de la grande entreprise. Les vrais
entrepreneurs finiront par quitter l’entreprise, d’autres se battront pour faire évoluer les
mentalités mais la majorité rentreront dans le rang.
Verbatim 6130 : « Après le projet les équipes ont dit : çà a été un peu une parenthèse enchantée
où on a fait des choses complètement différentes puis on revient dans un quotidien moins
intéressant. » ACC7 INCH
Verbatim 6217 : « La démarche d'intrapreneuriat apporte énormément à celui qui la porte mais
derrière quelle liberté a le porteur de projet de reprendre en main son outil de travail ? » ACC1
INCE
Verbatim 6223 : « On a eu le cas dans une banque où quand les projets se sont arrêtés les
équipes n'avaient qu'une envie, c'est de revenir. Il y a une gestion du post-accompagnement à
faire. » ACC7 INCH
Verbatim 6225 : « Le plus souvent, quand les gens retournent dans leur entreprise, ça s'essouffle
un peu car tout le monde n'est pas au même niveau d'ouverture sur les nouvelles façons de
faire. » ACC7 INCH
Verbatim 6312 : « Je pense qu'il faut que ça soit l'équipe interne, éventuellement
interne/externe, qui continue le projet avec les compétences en elle-même. » ACC5 INCF
Verbatim 5111 : « En sortie d'excubation, l’idéal serait que l’entreprise compose une petite
équipe qui va croître jusqu'au lancement et même au-delà et qui pourra s'appuyer sur les
ressources transverses de l'entreprise. Aujourd’hui, ça ne fonctionne pas du tout comme ça et
on essaie de fonctionner un peu comme ça dans la direction à l’origine du projet » ACC5 INCF
Verbatim 6215 : « Je pense que l'expérience change et motive tout le monde. Se pose la question
de l'hystérésis : à savoir si on revient à d'anciens reflexes ou si un point de non-retour a été
franchi. Ça, ça dépend de chacun. » ACC1 INCE
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
167
2.2.3 Limite de la transformation agile des salariés des grandes entreprises
Il est pour la plupart du temps laissé aux participants eux-mêmes et aux coordinateurs de ces
initiatives le soin de diffuser ces nouvelles pratiques dans l’entreprise.
Verbatim 6231 : « Nous comptons vraiment que vous soyez dédiés sur le sujet, même si vous
avez un autre travail pour en tirer le plus possible et voir les bénéfices pour l’entreprise. » DI1
ENTA
Or, nous avons constaté, par l’observation du suivi des projets d’excubation, que ces salariés
n’arrivent pas seuls à transformer l’entreprise.
Le premier frein à la transformation est le nombre limité de salariés impactés par
l’excubation. Elle concerne quelques dizaines voire quelques centaines de salariés au mieux :
on est loin dans tous les cas des dizaines de milliers de salariés de la grande entreprise.
Verbatim 637 : « La transformation portait sur les méthodes de travail, le mindset et la fierté.
Elle touche les 10 personnes dans le projet plus 30-40 autour d'elles. » ACC3 INCF
Le deuxième frein, encore plus important, est le frein des autres salariés soit par
incompréhension, soit par jalousie qui ont l’impression de trimer dur pour accroître la
profitabilité de l’entreprise pendant que certains prennent du bon temps sur des projets
sympathiques. Sans communication claire de la direction et du management, ils ne peuvent
saisir le positionnement donné à ce type d’initiative.
Verbatim 6220 : « L'équipe est un peu vue comme des extra-terrestres dans l'entreprise parce
qu'ils ont une autre façon de penser et qu'ils veulent aller un peu plus vite. »
Verbatim 6224 : « Dans une entreprise, on a sélectionné 17 personnes pour travailler sur les
business models du futur. C'était génial pour les 17 sélectionnés mais il y a des personnes non
sélectionnées qui l'ont mal vécu dans l'entreprise. » ACC7 INCH
Le troisième frein est, comme nous l’avons aussi largement décrit dans le chapitre 1 et le
paragraphe 2.1, la culture, les processus et les valeurs de l’entreprise, qui vont bloquer toute
transformation.
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
168
2.2.4 Le paradoxe entrepreneur – salarié.
L’objectif des grandes entreprises n’est pas de transformer leurs salariés en
entrepreneurs.
Les vrais entrepreneurs, qui souhaitent la liberté et l’autonomie, quitteront de toute façon la
grande entreprise pour créer leur propre entreprise. Le niveau d’engagement en temps et en
argent des entrepreneurs est sans commune mesure avec celui des salariés des grandes
entreprises.
Verbatim 621: « Les salariés ont la paye qui tombe chaque mois et ne peuvent pas reproduire
le comportement d'un entrepreneur qui risque tout. » ACC4 INCF
Verbatim 641 : « On ne peut pas être une startup : il s'agit de trouver le bon mix entre aller vite
et être innovant et aussi avoir des processus et être organisé. » DI1 ENTA
Verbatim 649 : « Il y a une difficulté psychologique : l'équipe du grand groupe a un salaire qui
tombe à la fin du mois et n'a pas le même sentiment d'urgence ni le même rythme de travail
qu'une équipe de startup. » ACC7 INCH
Verbatim 6216 : « Le principe d'avoir des salariés qui mènent des projets d'incubation est une
équation de risque fondamentalement différente de celle des startups qui récompensent le
risque des fondateurs qui sont partis de rien et des fondateurs qui ont donné leur argent. »
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
169
Conclusion 2.2
L’excubation n’est pas un dispositif suffisant pour transformer durablement les salariés,
du fait du nombre limité de participants puis de leur réintégration dans les groupes au
fonctionnement traditionnel. Sa vocation première est, en général, de réussir l’exploration
rapide d’innovations substantielles. Il serait illusoire de penser que quelques dizaines
d’exploration de ce type puisse à elles seules induire spontanément un nouvel esprit agile de
l’ensemble des salariés.
Une transformation culturelle est donc nécessaire en parallèle aux initiatives d’excubation
pour espérer une véritable transformation agile des salariés, des managers et des directeurs
exécutifs. De nouvelles initiatives de formation et de transformation restent à
explorer comme nous avons pu en voir les prémices à la fois chez les accélérateurs et
entreprises étudiées, mais aussi en dehors.
Chapitre 3 : Résultats du terrain de recherche
170
Conclusion de la section 2
L’étude du dispositif d’excubation est riche en enseignements sur des pistes de transformation
agile des organisations et de leurs salariés. Elle nous montré qu’elle était une première étape
pour acquérir de nouvelles capacités ainsi que la complexité de leur mise en place dans les
grandes entreprises.
Nous résumons ainsi nos principaux apprentissages par l'analyse du terrain :
1. l’excubation est un mode d’apprentissage rapide, parfois stressant, mais toujours
très apprécié
2. l'excubation est basée sur des méthodes entrepreneuriales agiles et pragmatiques
3. l'excubation permet un nouveau mode de fonctionnement autonome des équipes
4. L’excubation n’est pas un dispositif suffisant pour transformer durablement les
salariés, du fait du nombre limité de participants puis de leur réintégration dans les
groupes au fonctionnement traditionnel.
5. Une transformation culturelle globale est nécessaire pour rendre les entreprises
agiles et garder durablement les effets de la transformation commencée avec
l'excubation.
Thèse doctorale en administration des affaires sur « l’excubation »
171
Chapitre 4 : Discussion des résultats et perspectives
Introduction au Chapitre 4
Le but du chapitre 4 est de débattre des implications et recommandations managériales de nos
résultats de recherche à la lumière des fondements théoriques que nous avons développés au
chapitre 1.
La section 1 montre l'apport et le positionnement de l’excubation par rapport au champ de
l’accompagnement entrepreneurial et de l’innovation ouverte.
La section 2 propose un nouveau mode de management de l’innovation qui s'appuie sur les
travaux de recherche autour de l'innovation disruptive, de l'ambidextrie organisationnelle et des
apports de notre analyse.
Elle montre aussi la nécessité d’une nouvelle culture et d’un nouveau mode de management
des organisations dans le nouvel ordre de l’économie numérique.
Elle étudie enfin le cas Google pour illustrer ce nouveau type de culture et de mode de
management.
Chapitre 4 : Discussion des résultats et perspectives
172
Chapitre 4 : Discussion des résultats et perspectives
173
SECTION 1 : Positionnement de l'excubation dans les champs de
l'accompagnement entrepreneurial et de l'innovation ouverte.
Introduction Section 1
Dans cette section, nous rappelons, en 1.1, la synthèse de nos résultats de notre terrain de
recherche du chapitre 2.
Nous regardons ensuite, en 1.2, comment l'accompagnement entrepreneurial vient au
secours des des grandes entreprises.
Puis, en 1.3, nous avons positionné l'excubation dans le champ de l'innovation ouverte et
par rapport à d'autres approches telles que l'innovation disruptive ou l'innovation traditionnelle.
Chapitre 4 : Discussion des résultats et perspectives
174
1.1 Rappel des résultats du terrain de recherche
Nous rappelons ci-après les principaux résultats du terrain de recherche du chapitre 3
Du point de vue opérationnel :
1. L’excubation est une nouvelle forme d’exploration dans le processus du
management de l’innovation en entreprise.
2. Les projets d’excubation explorent des projets d’innovation substantielle adjacents
aux marchés des entreprises.
3. Les entreprises ont le plus souvent un double objectif d’exploration d’un nouveau
business innovant et de transformation des salariés qui nuit au résultat et à
l’implication managériale.
4. L’exploration du business par l’excubation est en général un succès en validant
l’intérêt de continuer ou non le projet.
8. Les facteurs clé qui expliquent le succès de cette phase d'exploration sont :
- Un environnement extérieur,
- Des méthodes entrepreneuriales,
- Un réseau externe stimulant,
- Un accompagnement entrepreneurial.
9. Après une phase réussie d’exploration de l'innovation, la plupart des entreprises
n’arrivent pas à concrétiser son exploitation commerciale. Les rares succès que nous
avons identifiés mettent en œuvre une « spin-off » ou bien créent une nouvelle unité
avec une organisation différente du modèle de l’entreprise.
10. Cet échec s’explique principalement par des problèmes de gouvernance de
l'innovation en termes d'organisation, de management et de culture d'entreprise.
Du point de vue de la transformation des salariés :
11. L’excubation est un mode d’apprentissage rapide, parfois stressant, mais toujours
très apprécié.
12. L'excubation est basée sur des méthodes entrepreneuriales agiles et pragmatiques
qui bénificieraient à beaucoup de projets d’innovation de l’entreprise.
13. L'excubation permet un nouveau mode de fonctionnement autonome des équipes.
14. L’excubation n’est pas un dispositif suffisant pour transformer durablement les
entreprises, du fait du nombre limité de participants puis de la difficulté de leur
réintégration dans les groupes au fonctionnement traditionnel.
Chapitre 4 : Discussion des résultats et perspectives
175
Une transformation culturelle globale est nécessaire pour rendre les entreprises agiles et
garder durablement les effets de la transformation commencée avec l'excubation.
L'excubation est donc un premier pas vers la transformation agile des grandes entreprises
mais il est nécessaire d'aller beaucoup plus loin avec une transformation radicale du
management de l’innovation, de la culture et du mode de management des grandes
entreprises.
Chapitre 4 : Discussion des résultats et perspectives
176
1.2 L’accompagnement entrepreneurial au secours de l’innovation dans les grandes
entreprises
Nos résultats de terrain ont permis d’étudier l'impact positif d'accompagnement par des
accélérateurs des salariés des grandes entreprises. Cela ajoute une nouvelle une proposition
de valeur aux structures d'accompagnement entrepreneurial qui, de notre point de vue, sont
encore à la recherche de leur modèle économique pérenne. Elles ont donc « surfé » sur la
demande grandissante des grandes entreprises pour adapter peu à peu leur offre à la demande
de ces nouveaux clients.
On en veut pour preuve le fait que plusieurs projets d'excubation étudiés ont été mis en
concurrence avec le choix d'un cabinet de consultants ou une agence de design d'innovation.
Nous avons aussi clairement vu entre le début et la fin de notre thèse, de 2016 à 2018, l'évolution
de l'offre des accélérateurs pour s'adapter à la demande des grandes entreprises et des
institutions gouvernementales
L’excubation apporte des avantages indéniables dans l’exploration des idées d’innovation
adjacente pour les grandes entreprises. Elle se différencie fondamentalement des autres formes
d’accompagnement traditionnel de l’innovation du type agence de consultants ou de design par
:
- La co-construction du livrable entre les salariés de l’entreprise et
l’accompagnateur entrepreneurial.
- L’apprentissage des équipes en visant l’autonomie sur de futurs projets.
- L’environnement externe qu’elle apporte en termes d’experts, de mentors et
d'écosystème d’entreprises pour valider ou invalider les hypothèses.
Chapitre 4 : Discussion des résultats et perspectives
177
1.3 L'excubation dans le modèle de l’innovation ouverte
Au sujet de l'innovation ouverte, Loiler et Tellier écrivent en 2016 : « Dans un tel modèle,
l’accent est mis sur les coopérations, les acquisitions, les prises de participation ou encore les
pratiques de capital-risque, qui sont vues comme des moyens majeurs pour capter des
connaissances et technologies nouvelles, les exploiter sous des formes variées et les mettre
rapidement sur le marché. De même, les startups, les centres de recherche publics et privés,
les « facilitateurs » de toute sorte (cabinets de conseil, pépiniéres, etc) deviennent des acteurs
clés du processus d’innovation.» (Loilier T. et Tellier A., 2016)
Il ne faut pas croire pour autant que réussir l'innovation ouverte est facile. Pour ne citer que
l’exemple de l’acquisition de jeunes startups par les grandes entreprises, on constate qu’elle
conduit le plus souvent à une destruction partielle de la valeur de la startup lors de l’intégration
dans la grande entreprise.
« Les managers pensent souvent que faire une acquisition plutôt que de développer en interne
a plus de sens du point de vue compétitif et financier. Malheureusement, les résultats des
sociétés qui développent de nouvelles capacités à travers des acquisitions sont très mauvais. »
(Christensen C., 2003, p.199)
C’est dans ce sens que nous pouvons positionner l’excubation dans le champ de
l’innovation ouverte puisqu’il s’agit bien de permettre aux grandes entreprises de bénéficier
de ces nouveaux « facilitateurs » que sont les accélérateurs de startups. Ces approches
d’excubation pourront aussi amener à réfléchir à des pistes d’essaimage ou « spin-off » des
projets d’excubation, qui sont aussi une autre forme d’innovation ouverte.
Devant la multiplicité des possibilités d'innovation à laquelle est confrontée l'entreprise, nous
proposons un schéma pour positionner la méthode d’excubation par rapport à d’autres
approches issues de l’innovation ouverte, de l'innovation traditionnelle et de l'innovation
disruptive.
Ce schéma est basé sur la figure 4 que nous avons présentée au chapitre 1. Il représente les
différentes approches recommandées en fonction du degré d'innovation sur l'axe des abscisses
et du degré de connaissance du marché par l'entreprise sur l'axe des ordonnées. Il s'agit d'un
Chapitre 4 : Discussion des résultats et perspectives
178
schéma approximatif dont il ne faut pas prendre les frontières de manière étanche : nous avons
surtout cherché à positionner la nouvelle approche de l'excubation.
Figure 22 : Recommandations du mode d'innovation selon le type d’innovation
(source : Marc Géméto)
Nous voyons donc dans l'excubation une nouvelle approche plus efficace pour explorer
l'innovation substantielle en particulier lorsqu'il s'agit de marchés adjacents.
Chapitre 4 : Discussion des résultats et perspectives
179
Conclusion Section 1
Nous pensons qu’un des apports principaux de notre recherche-action est de positionner
l'excubation comme une nouvelle méthode beaucoup plus efficace pour explorer les
innovations substantielles sur les marchés adjacents de l'entreprise.
Nous pensons que les entreprises ont, en leur sein, les compétences, les ressources et des
possibilités d’accès aux marchés bien supérieurs aux startups qui leur permettraient de
développer ces nouveaux horizons de l’innovation substantielle.
L’excubation constitue donc une première étape réussie vers cette innovation substantielle.
En revanche, il faut solutionner tous les problèmes en termes de culture, de mode de
management et de fonctionnement d’équipe pour lui donner toutes les chances de réussir.
Chapitre 4 : Discussion des résultats et perspectives
180
Chapitre 4 : Discussion des résultats et perspectives
181
SECTION 2 : Vers un nouveau mode de management de l'innovation
Introduction à la section 2
Le but de cette section est de chercher à lever les barrières identifiées sur notre terrain de re-
cherche qui empêchent l'exploitation et la réussite des projets d'excubation.
Nous proposons dans le paragraphe 2.1, un modèle d’innovation structurée pour explorer
les innovations substantielles.
En 2.2, nous mettons en évidence la nécessité primordiale d’aller plus loin que l’excubation en
termes de culture et de mode de management pour une véritable transformation agile des
entreprises devenue indispensable dans le nouvel ordre de l’économie numérique.
En 2.3, nous étudions l’exemple de Google comment l’agilité organisationnelle permet
l’innovation.
Chapitre 4 : Discussion des résultats et perspectives
182
2.1 Vers un nouveau modèle de management de l'innovation substantielle
2.1.1 Rappel des limites de l'excubation
Comme nous l’avons vu dans le chapitre 2, les principaux problèmes rencontrés sont liés à
l'équipe d’innovation d'une part et au mode de gouvernance d'autre part.
En ce qui concerne les problèmes liés à l'équipe, ils ne sont pas jugés gênants dans la phase
d'exploration, mais deviennent cruciaux pour la réussite de la phase d'exploitation. Nous les
rappelons ci-dessous :
Tableau 14 : Problèmes d'équipe de « l’excubation » (source : Marc Géméto)
Problèmes liés à l’équipe d’excubation
Choix de l'équipe : Il n'est pas toujours adapté car le choix est fait par la direction.
Zone de confort : les participants restent influencés par le mode de fonctionnement habituel.
Temps de travail insuffisant
Manque de support des autres équipes
Les problèmes de gouvernance sont eux bloquants pour l'exploitation effective des
innovations validées dans la phase d'exploration / excubation. Nous les avons classés en trois
grands thèmes : l’organisation, le management et la culture de l’entreprise que nous
rappelons ci-dessous :
Tableau 15 : Problèmes de gouvernance de « l’excubation » (source : Marc Géméto)
Problèmes de gouvernance de l’ « excubation »
Organisation : le positionnement transversal du projet rend la gouvernance difficile.
Management : le mode de décision sur l’excubation est très hiérarchique. Le mode d’évaluation
des managers et l'incertitude sur les objectifs n’encouragent pas à soutenir ce type de projet.
Culture et valeurs : le développement des projets issus de l’excubation est souvent incompatible
avec la vision court terme et la culture des grandes entreprises.
Il nous faut donc bâtir un modèle qui puisse lever toutes ces difficultés.
Chapitre 4 : Discussion des résultats et perspectives
183
2.1.2 L'apport de l'innovation disruptive de Clayton Christensen
Ce qui nous a particulièrement intéressés dans les travaux de Clayton Christensen, ce sont les
causes de l’échec des entreprises existantes face aux nouvelles startups, dans le cas de
l’innovation disruptive.
Une grande partie de l’échec est selon lui lié à l’organisation, au processus, aux valeurs et
à la culture de la grande entreprise. Nous trouvons dans le Chapitre 7 de son livre «The
Innovator’s Solution, 2003» le détail des principales causes de cet échec dont :
- Le choix des managers pour l’innovation qui est délicat.
« De tous les choix de ressources nécessaires pour bâtir une nouvelle opportunité de
business, celle qui fait le plus souvent échouer cette aventure est le choix du
manager. » (Christensen C., 2003, p 178)
- Les valeurs qui guident les managers et employés à prendre une décision et vont
systématiquement encourager à favoriser les innovations incrémentales, avec des
risques limités pour servir les plus gros clients: « Les valeurs d’une organisation sont
les standards par lesquels les employés prennent des décisions de priorisation …Au
niveau exécutif, ces décisions prennent le plus souvent la forme de décision d’investir
ou non, dans de nouveaux produits, services ou processus. » (Christensen C., 2003,
p185)
Ceci résume les principaux facteurs explicatifs de l’échec des grandes entreprises dans l’inno-
vation disruptive. On retrouve donc des barrières très similaires à celles que nous avons
trouvées dans notre analyse de l'excubation.
Clayton Christensen propose aussi un nouveau modèle permettant de générer de l’innovation
disruptive, mais il reconnait lui-même que la faible fréquence de l’apparition de ce type
d’innovation ne justifie pas d’en faire un processus continu. Son modèle de moteur de
croissance disruptive est le suivant :
Chapitre 4 : Discussion des résultats et perspectives
184
Figure 23 : « Moteur de croissance disruptive »
source : Christensen C., 2003, The Innovators Solution, p.279
2.1.3 L'apport de l'ambidextrie organisationnelle
Nos résultats, mais aussi ceux de Christensen, démontrent la nécessité d''exploiter les
innovations substantielles dans une organisation aux valeurs différentes, ce qui est le propre de
l'ambidextrie organisationnelle.
Or, Tushman a beaucoup réfléchi aux conditions de réussite d'une telle organisation ambidextre.
Il fait cinq propositions pour augmenter les chances de réussite de l'ambidextrie
organisationnelle :
« Proposition 1 : Une intention stratégique impérieuse qui justifie intellectuellement
l’importance à la fois de l’exploration et de l’exploitation.
…L’ambidextrie nécessite que les managers s’engagent délibérément et consciemment
dans l’expérimentation et des efforts de faible envergure avec un retour sur
investissement à long terme plutôt qu’une maximisation des profits à court terme... Aussi
en l’absence d’une stratégie explicite qui justifie cette expérimentation, l’option par
défaut est de se focaliser sur la profitabilité à court terme…
Proposition 2 : Une articulation d’une vision commune et de valeurs qui fournisse
une identité commune entre les unités d’exploration et d’exploitation.
Commencer avant
d’en avoir besoin
Directeur exécutif
senior
Une équipe experte
de « faiseurs »
Former les salariés
De l’entreprise
• Investir en temps de croissance (budget dédié pour un nombre de projets)
• Eviter la pression pour mettre des ressources d’exploration pour échouer souvent
• Monitorer le process d’allocation des ressources • Décider du processus corporate à abandonner ou à garder • Frontière et communication entre disruptif et incrémental
• Responsable d’explorer les idées dans le mode disruptif • Adapter la théorie au contexte
• Former les salariés à identifier les idées disruptives
• Aiguiller les bonnes idées dans les bons process
Chapitre 4 : Discussion des résultats et perspectives
185
…Indépendamment de l’intention stratégique, la vision commune et les valeurs
permettent aux employés des unités traditionnelles et des nouveaux business de se forger
une identité commune même s’ils poursuivent des objectifs business différents… A
nouveau, en l’absence d’une vision commune qui unisse les différents groupes, la
question est pourquoi les différentes unités devraient collaborer plutôt qu’être en
compétition.
Proposition 3 : Une équipe dirigeante senior responsable de la stratégie à la fois des
unités d’exploration et d’exploitation. Cette équipe doit être d’accord sur l’importance
de faire à la fois de l’exploitation et de l’exploration sans qu’aucune ne soit considérée
comme plus importante que l’autre.
Proposition 4 : Des architectures organisationnelles séparées et alignées.
La raison d’être de l’ambidextrie, à l’opposé du spin-off, est de permettre à
l’organisation d’expérimenter et de s’appuyer sur les atouts et les capacités qui ne
seraient pas disponibles si les business étaient opérés de manière séparées. Mais c’est
un équilibre délicat. Pour réussir, les unités exploratoires ont besoin d’obtenir les
ressources dont elles ont besoin alors qu’elles essaient de ne pas être submergées par
le business mature.
Proposition 5 : La capacité de l’équipe dirigeante senior de tolérer et résoudre les
tensions inévitables générées par ce type d’alignement séparé….Si l’unité exploratoire
n’est pas vue comme stratégique par l’équipe dirigeante senior, elle risque de succomber
à la pression des coûts du court-terme ou à un manque d’attention du management. Les
unités de business plus grosses et plus profitables obtiendront les ressources
nécessaires.» (Tushman N & O'Reilly III. C., 2011)
Tushman insiste pour dire que l'ambidextrie organisationnelle est d'abord une tâche de
leadership à haut niveau plus que de la mise en place d’un processus. Il a aussi conscience
que son modèle, basé sur différents cas réels de succès et d’échecs d’innovation substantielle,
a besoin de recherche complémentaire dans son implémentation.
Chapitre 4 : Discussion des résultats et perspectives
186
2.1.4 Vers un nouveau modèle de management de l'innovation substantielle
Nous nous sommes donc appuyés sur le modèle de Clayton Christensen de 2003, les
propositions de Tushman et O’Reilly III de 2011 et notre recherche-action pour proposer un
nouveau modèle de management de l’innovation substantielle sur la base d'une organisation
ambidextre.
Tableau 16 : Nouveau modèle de management de l’innovation substantielle
(source : Marc Géméto )
Management de l’innovation substantielle (source : Marc Géméto )
1. Former les salariés et les managers à distinguer l’innovation incrémentale de l’innovation
substantielle pour aiguiller les opportunités d’innovation vers le bon processus.
2. Allouer un budget spécifique pour financer nombre minimum de projets d'innovation
substantielle par an en acceptant l’échec d’un grand nombre (huit à neuf échecs sur dix).
3. Sponsoriser l’initiative par un membre influent du comité exécutif pour affecter les
ressources compétentes, déroger aux processus et valeurs habituelles et faire le lien avec le
reste de l’organisation.
4. Choisir un manager formé au terrain de l’entrepreneuriat et une petite équipe de
« faiseurs compétents » prêts à aller jusqu’au bout de l’aventure.
5. « Excuber » le projet et laisser l’autonomie à l’équipe sur la suite du projet dans le cadre
des contraintes budgétaires.
6. Constituer une organisation séparée pour la suite de l’excubation. L’équipe initiale
recrutera en interne et en externe au fur et à mesure les talents nécessaires à sa croissance.
7. Faire un suivi de cette organisation par le comité exécutif avec des critères adaptés.
Ce modèle théorique reste à mettre en pratique pour en valider les retours par l’expérimentation
sur le terrain. Nous n'avons pas pu observer et étudier sa mise en place, par rapport à la durée
limitée de notre recherche.
Nous notons cependant que certaines entreprises, comme l’entreprise B, ont continué et élargi
l’expérience suite à l’excubation : il serait bien sûr intéressant d'étudier en détails les résultats
de cette initiative dans une étude longitudinale.
Chapitre 4 : Discussion des résultats et perspectives
187
2.2 Vers un changement de culture et de mode de management des entreprises
Nous pensons aussi que la seule mise en place du modèle de management de l’innovation que
nous avons proposé ou de toute autre méthode ne peut suffire à la réussite de la poursuite
d'innovations substantielles dans les grandes entreprises. Toute notre analyse nous a amenés à
considérer l’importance de la culture d’innovation, du type de management et du mode de
fonctionnement en équipe.
Ces résultats rejoignent tout à fait l’ensemble des travaux faits dans le champ de recherche de
l’organisation et du management sur l’importance du contexte organisationnel pour favoriser
l’innovation. On trouvera une synthèse de différentes théories qui vont dans ce sens.
Tableau 17 : Théories de l’Organisation et Management du Travail qui impactent l’innovation
(source : Philips N., 2014, dans « Organizing Innovation » p. 482)
Dimension
organisation
Principaux éléments Auteurs
académiques
Culture La culture locale et la culture de l’organisation sont
importantes et doivent être prises en compte dans le
management de l’innovation. La culture impacte à la
fois la motivation à innover et les idées pour
améliorer l’innovation.
Kaasa et Vadi (2010)
Naranjo-Valencia et
al (2011)
Van Everdingen et
Waarts (2003)
Leadership Les leaders impactent directement le processus
d’innovation. Le comportement des leaders peut
encourager ou décourager la prise de risque et
l’innovation.
Jung et al (2003)
Oke et al (2009 )
Equipes L’innovation est largement portée par des équipes.
Les travaux ont montré à ce jour que les modes de
réflexion des équipes et la nature de leur interaction
sont des indices forts de l’efficacité de l’innovation.
Mirron-Spektor et al
(2011)
Hoegl et Gemuenden
(2001)
Chapitre 4 : Discussion des résultats et perspectives
188
2.2.1 L’impact de la révolution numérique sur le leadership
Nous pensons, comme l’avait pressenti Gary Hamel dès 1998, que nous en sommes arrivés à la
phase où l’internet a bouleversé l’industrie. Le modèle actuel du management très hiérarchique
n’est plus adapté à un monde de turbulences de la nouvelle économie numérique qui nécessite
une adaptation rapide aux changements des grandes entreprises.
Nous retrouvons cette nécessité de changement des managers dans les travaux récents sur les
modèles émergents du leadership. (Noguera F. & Plane J.M., 2016).
Le tableau de Cécile Dejoux nous permet de mieux cerner pourquoi le numérique va bien au-
delà de nouvelles méthodes d’innovation mais s’impose comme une civilisation.
Tableau 18 : « Comment le numérique s’impose comme une civilisation »
(source : Dejoux C., 2016, p. 115)
Chapitre 4 : Discussion des résultats et perspectives
189
Alors que les dirigeants des grandes entreprises ont conscience de la nécessité d’un
management agile, les quatre grandes entreprises que nous avons observées avaient un mode
de fonctionnement traditionnel très hiérarchique. En effet, les patrons n’ont pas de solution
évidente immédiate qu’ils pourraient mettre en place. Notre proposition d’une organisation
ambidextre est donc une solution pour permettre l’exploitation des innovations adjacentes dans
un environnement où elles pourront se développer.
“These leaders understand that bureaucracy saps initiative, inhibits risk taking, and crushes
creativity.” ( Hamel G. and Zanini. M.).
Verbatim 629 : « On a la méthode mais l'élément essentiel est qu'il te faut des gens avec des
esprits d'entrepreneur. » PA1 ENTA
Verbatim 623 : « Pour transférer, l'entreprise devrait former tout son personnel et notamment
des managers à être dans une posture managériale et plus dans une posture d'expert : c'est très
lié à l'humain. » PA7 ENTD
Verbatim 6226 : « En matière d'innovation, les méthodes ne marchent pas, par contre un bon
environnement comme chez google ça marche. » STA1 GOOGLE
2.2.2 Vers un nouveau mode de management agile
Pour un changement radical du management des grandes entreprises, nous voyons deux
directions possibles :
L’une est un changement radical du mode de fonctionnement des entreprises.
Nous pouvons tout à fait voir dans l'excubation une forme de prototype de l’entreprise de
demain pour faire face à la concurrence de la nouvelle économie numérique.
Ceci explique, sans doute, aussi l’engouement actuel pour les nouveaux modèles d’entreprise
avec une modèle de management différent comme l'entreprise libérée popularisé par Isaac Getz
(Getz I. & Carney B., 2012, 2013) ou l'holacratie (Robertson B., 2007).
Cependant, aucun de ces modèles ne semble aujourd'hui éprouvé face au management
pyramidal connu depuis plus de 150 ans. Ceci pousse donc les dirigeants à garder le modèle de
la bureaucratie connu et éprouvé qu'ils savent être inadapté mais qui a au moins le mérite de
gérer l'entreprise jusqu'à trouver mieux.
Chapitre 4 : Discussion des résultats et perspectives
190
La seconde piste est celle évoquée par C. Dejoux militant pour un nouveau type de manager
: le leader startuper qu’elle décrit dans son chapitre « Du manager au leader startuper ou l’art
d’être agile dans une grande entreprise qui se transforme à l’ère du numérique » (Dejoux C.,
2016, p.113-119).
Son schéma résume bien la transformation du manager en leader agile qui est nécessaire pour
survivre dans l’ère numérique :
Figure 24 : Les 4 rôles du manager agile
(source : Dejoux C., 2016, p.113)
On retrouve dans ce modèle les caractéristiques mises en œuvre dans les projets d’excubation
et que nous proposons de continuer dans notre modèle ambidextre : « Le manager agile ne
devra plus être perçu comme un gestionnaire de projet avec des personnes qui lui sont imposées.
Au contraire, c’est lui qui ira vendre son projet en interne et composera son équipe en intégrant
des collaborateurs choisis pour leurs compétences qui ne se connaîtront pas entre eux
nécessairement. Son projet ne sera pas déterminé par la hiérarchie mais co-costruit avec ses
clients. » (Dejoux C., 2016, p.117)
Chapitre 4 : Discussion des résultats et perspectives
191
Le modèle de manager proposé par Dejoux C. reste toutefois à inventer dans les entreprises.
Dejoux donne certaines pistes d’acculturation des managers : learning expeditions, incubations
de startups, journées de rencontre sur le design thinking, formations spécifiques,…
Toutes ces propositions vont dans la bonne direction, mais sont, de notre expérience, largement
insuffisantes pour une transformation radicale du management des entreprises
Les accélérateurs de startups et les projets d’excubation pourraient être un bon tremplin. Dans
le groupe de salariés mis en excubation, les managers prennent effectivement une nouvelle
posture d’intrapreneur et deviennent des leaders collaboratifs qui encouragent l’intelligence
collective du groupe avec l’aide de l’accompagnateur, mais la visée des accélérateurs est bien
de les amener à terme à savoir le faire seul.
Les accélérateurs ont bien compris l'enjeu commercial que représentait la transformation agile
des grands groupes qui est devenu le nouvel enjeu majeur dans le discours des dirigeants
secoués par le nouveau modèle imposé par le numérique. Les structures d’accompagnement ont
donc intégré la transformation de la culture et du mode de management des grandes
entreprises dans leurs offres en les basant en partie autour de l'excubation, comme on peut le
voir dans cet extrait d'une nouvelle présentation de l'offre de l'accélérateur E d’avril 2018 :
Figure 25 : Nouvelle offre de transformation culturelle pour les grandes entreprises
(source : NUMA, Avril 2018)
Ce que nous avons appris en travaillant avec les grandes entreprises et les startups :
Un projet réussi est la combinaison d’un produit avec un fort impact business et d’une équipe
avec la culture de l’agilité.
Nous ne pouvons pas accélérer seulement des projets d’innovation sans aider les équipes à
devenir des leaders en projets de transformation.
Par où commencer ? :
Créer un succès business et l’utiliser comme base de la transformation culturelle
Créer une culture pour supporter l’émergence de nouveaux succès business
Valider la
méthodologie
sur un projet
pilote
Itérer sur de
nouveaux projets
Former les
autres employés
aux méthodes
Généraliser
l’approche à
l’entreprise
Former les
employés à
l’agilité
Identifier les
talents et les
recruter
Sélectionner les
meilleurs projets
Déployer un
programme
d’intrapreneuriat
Chapitre 4 : Discussion des résultats et perspectives
192
Les résultats effectifs de ce type de programme de transformation nécessiteraient sans aucun
doute d’autres recherches longitudinales pour en approfonfir les bénéfices et les limites.
D’autres pistes de transformation des managers sont possibles et nous pouvons citer ci-après
d’autres expérimentations en cours :
- Un accompagnateur nous suggère de faire travailler tous les managers pendant trois
mois dans une vraie startup pour les former.
- L’entreprise A a expérimenté un programme de mentorat de startup où des directeurs
exécutifs vont échanger et conseiller des fondateurs de startup sur une problématique sur la base
de leur expérience professionnelle.
- Nous avons aussi vu, depuis le début de nos travaux de recherche, l’arrivée de
nouveaux types de lieu comme « The Camp » à Aix en Provence qui cible la transformation
culturelle des cadres des grandes entreprises en les mélangeant avec de jeunes startups et des
étudiants.
Tout ceci nous démontre que la transformation agile des managers en est à ses
balbutiements et qu’elle va devenir un enjeu majeur des grandes entreprises dans le
contexte du nouvel ordre de l’économie numérique.
De nouvelles approches restent à inventer et expérimenter : nous le voyons comme un sujet
intéressant pour de futurs travaux de recherche !
Chapitre 4 : Discussion des résultats et perspectives
193
2.3 Cas Google : culture, leadership et liberté d’innover
Au travers de cet exemple, nous souhaitons illustrer comment la culture ainsi qu’un
nouveau type de management sont plus importants que le processus de management de
l’innovation que nous avons proposé.
Nous avonc donc regardé, le fonctionnement de l’entreprise Google, citée par beaucoup comme
un modèle réussi d’entreprise innovante. Notre analyse est certes limitée puisqu’elle est basée
sur un seul entretien approfondi et sur l’analyse de documents (voir annexe 1).
Contexte : Google est connue comme l’une des sociétés les plus innovantes au monde qui nous
a été citée comme modèle par plusieurs participants. Ils nous ont aussi mentionné leur initiative
connue sous le nom « 20% Google ». Le « 20% Google » peut se décrire de manière simplifiée
comme la possibilité pour tout salarié de travailler sur un projet qu'il a choisi à 20% de son
temps.
Nous nous appuyons sur une présentation récente de Google sur l'innovation (Annexe 1) et un
entretien approfondi d'un participant Google basé au siège pour mieux comprendre les facteurs
clés de succès de l'innovation chez Google. Il en ressort que :
L’innovation repose sur la culture de l’entreprise et il y a très peu de méthodes
Il y a 3 règles d’innovation chez Google :
o Se focaliser sur l’utilisateur.
o Penser 10 fois plus grand ou plus loin.
o La liberté d’innover pour les salariés : c’est dans ce cadre que se positionnent
les projets « 20% Google »
Les salariés concernés par le 20% Google sont tellement motivés par leur 20% qu'ils
travaillent en fait à 120% : 100% pour faire très bien leur mission principale et 20%
en plus sur leur projet personnel.
Chapitre 4 : Discussion des résultats et perspectives
194
Figure 26 : Les trois règles d’innovation chez Google
(source : Google ; 2017 : Présentation « Innovation@Google »)
La culture Google est un facteur fondamental de l'innovation. C’est ce que nous confirme le
salarié Google que nous avons interviewé : « C’est parce qu’on maintient l’esprit du garage
dans l’entreprise qu’on essaie d’opérer comme une startup même avec 72000 personnes » (sa-
larié Google). On note dans la synthèse ci-dessus quelques points de culture très différents de
ceux des grandes entreprises analysées :
Sacrifier la valeur à court-terme.
Célébrer le succès et l’échec.
La célébration de l’échec est une notion forte de la culture entrepreneuriale Google. Pas moins
de quatre pages sur seize de la présentation Google sont consacrées à expliquer l’importance de
l’échec rapide.
On note aussi que ce n’est pas la méthode « 20% Google » qui est mentionnée dans cette
synthèse mais la liberté d’innover dont le « 20% Google » est un des moyens d’expression.
Pour illustrer comment cette culture de liberté d’innover peut s’exprimer, nous relatons
brièvement l’histoire de notre salarié dans la mise en œuvre d’une idée innovante dans le cadre
des « 20% Google » :
« Mon patron a essayé de me forcer à abandonner mon projet 20% qui est sur l’innovation au
sein de Google et m’a demandé de me concentrer sur ce que je faisais pour lui. Donc j’ai dit
Chapitre 4 : Discussion des résultats et perspectives
195
aux autres personnes de mon projet 20%. Ils m’ont dit : « il n’y a pas moyen. Ce n’est pas la
culture de Google. ». Ils ont tous escaladé le sujet à leur patron et toute la direction de Google
est retombée sur mon patron en disant « ça, tu arrêtes tout de suite » et 3 semaines après mon
patron n’était plus mon patron. » (Salarié Google).
Cette culture d’innovation est partagée, communiquée et portée par les fondateurs de Google
Larry Page et Serguei Brin, démontrant le deuxième facteur majeur qui est le leadership.
Un des points les plus connus et marquant est le « TGIF » (« Thanks God It’s Friday) organisé
depuis 20 ans par les fondateurs de Google pour échanger dans une discussion très transparente
et ouverte sur les succès et les échecs de l’entreprise. 1000 à 1200 salariés y assistent et tous
peuvent se connecter en vidéo-conférence.
Figure 27: Larry Page et Serguei Brin lors d’une réunion « TGIF » avec les salariés
(source : Google ; 2017 : Présentation « Innovation@Google »)
Chapitre 4 : Discussion des résultats et perspectives
196
Enfin le troisième point mis en avant par la littérature est l’importance des équipes qui est
aussi un élément primordial de la culture Google. En effet, malgré plus 6 millions de CVs reçus
par an, il reste très compliqué d’entrer chez Google et l’entreprise préfére laisser un poste vacant
plutôt que prendre quelqu’un qui n’est pas validé à l’unanimité par un comité d’évaluation
indépendant du recruteur sur les quatre critères suivants :
- La capacité cognitive
- La compétence pour le poste
- L’esprit de leadership : le candidat est-il capable est-il capable d’entrainer les
autres ?
- L’esprit d’équipe ou la Googleyness
Outre l’esprit de leadership, rarement recherché chez les salariés des grandes entreprises, on
note que l’esprit d’équipe fait donc partie intégrante des critères majeurs de recrutement.
Le cas Google, bien que très particulier, illustre donc bien un exemple de mise en œuvre des
trois critères majeurs que nous avons identifiés comme nécessaires pour favoriser l'innovation
: la culture, le nouveau leadership et le travail d’équipe.
Thèse doctorale en administration des affaires sur « l’excubation »
197
CONCLUSION GENERALE
Notre recherche-action a tout d’abord permis de positionner l’excubation dans le processus du
management de l’innovation, puis de montrer ses bons résultats dans l’exploration de
l’innovation substantielle et enfin mis en évidence ses limites dans l’exploitation de ces
innovations dans l’entreprise. Nos premières observations ont aussi montré que l’excubation
pouvait être un premier tremplin intéressant pour une transformation agile des organisations
mais qu’il faut aller beaucoup plus loin face au nouvel ordre induit par l’économie numérique.
De ces constatations, nous avons émis les recommandations suivantes :
1) L'excubation est une approche efficace pour explorer l’innovation substantielle.
Nous avons positionné cette approche par rapport aux autres approches de type innovation
ouverte, fusion-acquisition, méthodes agiles ou recherche-développement pour aider les
managers des grandes entreprises à choisir la plus efficace.
Nous considérons l'excubation comme un début de réponse au dilemme de l'exploration-
exploitation décrit par James March en 1991.
La difficulté d’explorer l’innovation non incrémentale n’est pas nouvelle. Les nombreuses
tentatives des entreprises et de nombreux travaux de recherche ont montré la difficulté pour les
grandes entreprises à développer/mettre en place d’autres modèles que de l’innovation
incrémentale.
« L’échec à faire de l’innovation substantielle en même temps que faire des améliorations
continues à un business existant est si évident – mais aussi si fascinant – qu’il est devenu le
champ de bataille des pensées des dirigeants. Pendant des dizaines d’années, les académiques
ont bâti des théories pour expliquer le puzzle et proposé des conseils pour résoudre le
problème. » (Tushman M & O’Reilly II C., 2004).
Cette nécessité d’explorer des innovations substantielles est, selon nous, exacerbée par la
concurrence des startups dans le nouvel ordre de l’économie numérique.
CONCLUSION GENERALE
198
2) Il faut un nouveau type d’organisation pour réussir l'exploitation de l'innovation
substantielle.
Nous pensons qu’un des apports principaux de notre recherche-action est de proposer un
nouveau mode de management de l’innovation permettant de gérer l'innovation
substantielle dans les grandes entreprises en nous basant sur les travaux de Clayton
Christensen sur l’innovation disruptive et sur la notion d'ambidextrie organisationnelle.
(Tushman N & O'ReillyIII C., 1996).
On peut voir l’excubation comme une première phase d’organisation ambidextre qu’il
faut poursuivre plus loin pour réussir à capter les innovations substantielles au sein des
garndes entreprises.
Une organisation ambidextre pourrait se faire en créant une filiale de la grande entreprise ou
une nouvelle division business rattachée directement à la direction. Ce qui importe, c’est que
les valeurs de cette organisation soient différentes de celles de la grande entreprise et favorables
à l’innovation.
D’autres formes d’organisation ambidextre sont sans doute encore à inventer et il serait
intéressant de continuer la recherche sur ces nouvelles approches.
3) Il faut une nouvelle culture et un changement radical du mode de management pour
survivre dans le nouvel ordre de l’économie numérique
Nous rejoignons aussi les nombreux travaux dans le domaine de l’organisation qui montrent
que ces initiatives d’innovation substantielle ne peuvent se développer que dans une entreprise
avec une culture et un nouveau mode de management de type leadership encourageant le
rôle des équipes. Nous pensons que la culture et le mode de management sont plus
importants que les méthodes et modes de management de l’innovation.
Nous rejoignons tout à fait la vision de Gary Hamel, selon laquelle le management hiérarchique
traditionnel est totalement inadapté à la vague de l'internet et doit être réinventé. Faute de
nouveaux modèles éprouvés de type entreprise libérée ou holacratie, les dirigeants cherchent à
expérimenter de nouvelles approches. L’excubation peut être un premier tremplin intéressant et
CONCLUSION GENERALE
199
les structures d’accompagnement entrepreneuriales sont en bonne position pour accompagner
la transformation agile du management des organisations. Il s’agit toutefois pour les dirigeants
eux-mêmes d’accepter de devenir des leaders agiles dans leur mode de fonctionnement et de
décision.
On peut considérer l’excubation comme un prototype de ce nouveau mode de
fonctionnement nécessaire pour survivre dans l’économie numérique.
4) La nécessité d’une vision long-terme.
Enfin, la réussite dépendra bien sûr de la volonté des dirigeants des grandes entreprises à
s’intéresser au challenge de l’innovation à long terme de leur groupe. Or, pour beaucoup
d’entreprises cotées en bourse, nous constatons que les dirigeants ont un mandat de quelques
années avec une durée de vie bien inférieure aux 7 à 10 ans nécessaires pour rentabiliser une
organisation permettant d’adresser l’innovation substantielle.
Ce paradoxe ne pourra vraiment être levé qu’avec une évolution de la définition du rôle et de
la responsabilité de l’entreprise dans la société. Nous rejoignons les conclusions des nombreux
travaux d’Henri Savall et Véronique Zardet (« Le capitalisme socialement responsable existe »,
2015) sur la nécessité de faire évoluer le capitalisme vers un capitalisme socialement
responsable avec l’engagement délibéré d’articuler la performance économique à court, moyen
et long terme de manière inséparable.
En conclusion, nous pensons qu’une meilleure réussite de l’innovation dans les grandes
entreprises nécessite de rassembler les trois conditions suivantes avec par ordre
d'importance :
- Une vision long-terme consacrée par une vraie politique générale en inscrivant
cette vision dans la mission sociétale de l’entreprise.
- Une culture et un nouveau management agile favorable aux initiatives des
équipes.
- Un nouveau modèle de management de l'innovation basée sur une organisation
ambidextre qui permet de gérer avec des approches différentes l’innovation
incrémentale et l’innovation substantielle.
CONCLUSION GENERALE
200
Thèse doctorale en administration des affaires sur « l’excubation »
201
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Thèse doctorale en administration des affaires sur « l’excubation »
209
TABLE DES FIGURES
Figure 1 : Version classique du modèle d ’Abernathy et Utterback………………………….p.27
(Source :Abernathy et Utterback , 1978)
Figure 2 : Innovation organisationnelle par rapport aux autres types d’innovations……….p.28
(source : Edquist et al ,2001 de Dubouloz S., 2013, Thèse Doctorale)
Figure 3 : La vision intégrative des types d’innovation selon Damanpour………………….p.29
(source : Bocquet R et Dubouloz S, « Les grands auteurs en management de l’innovation et de
la créativité », chap. XIII, p.277)
Figure 4 : Portfolio simple d’innovation………………………………………………..…..p.31
(source : Dodgson M and al, 2016, The Oxford Handbook of Innovation Management , p. 15)
Figure 5 : Le modèle de l’innovation disruptive……………………………………………p. 39
(source : traduit de Christensen, Harvard Business Review, Dec 2015, p.49)
Figure 6 : Modèle de l'innovation ouverte (source : Chesbrough, 2003)………………....p. 45
Figure 7 : The Business Model Canvas (source : Osterwalder A. et Pigneur Y., 2010)…..p. 47
Figure 8 - The Centerless Corporation (source : Pasternack & Viscio, 1998……………..p. 48
Figure 9 : Premières sociétés américaines en dépenses R&D en milliard dollars en 2017.p. 57
(source : FrenchWeb.fr, 2018)
Figure 10 : Nouveaux marchés innovants des GAFAMs……………………………………p. 57
(source : FABERNOVEL, GAFAnomics, October 2014)
Figure 11 : Les licornes du numérique en aout 2015 (source : Fortune, 2015)……………..p 59
Figure 12 : La vision de l’innovation dans le design thinking par Tim Brown……………..p. 66
(source : interprété librement de Tim Brown « Change by Design », 2009)
Figure 13 : Grandes étapes du design thinking……………………………………………..p.67
(source : Stanford D-School «Bootcamp bootleg», 2018, p. 4)
Figure 14 : Etat d’esprit du Design Thinking………………………………………………p. 69
(source : Stanford D-School « Bootcamp bootleg », 2018, p. 3)
Figure 15 : Type d’initiatives start-ups / grands groupes recommandées selon l’objectif…p.74
(source : de INSEAD & 500 Partners, 2017)
Figure 16 : Nombre d’initiatives start-ups / grands groupes par type……………………...p. 75
(source : de INSEAD & 500 Partners, 2017)
Figure 17 : Processus de management de l’innovation en entreprise ………….………...p. 112
(source Marc Géméto)
TABLE DES FIGURES
210
Figure 18 : L’excubation dans le processus de management de l’innovation.. …………..p.114
(source : Marc Géméto)
Figure 19 : «Exemple de méthodologie d’excubation …………………………………….p. 124
(source présentation accélérateur E, avril 2018)
Figure 20 : Bénéfice de l'excubation dans le processus de management de l'innovation….p.129
(source : Marc Géméto)
Figure 21 : Suite des projets d’excubation…………….………………………….…..…..p. 131
(source : Marc Géméto)
Figure 22 : Recommandations du mode d'innovation selon le type d’innovation…….….p. 178
(source : Marc Géméto)
Figure 23 : «Moteur de croissance disruptive……….…………………………………….p.184
(source: Christensen C., 2003, The Innovators Solution, p.279)
Figure 24 : Les 4 rôles du manager agile…………………………………………….……p. 190
(source : Dejoux C., 2016, dans « Le leadership : recherche et pratiques » p.116)
Figure 25 : Nouvelle offre de transformation culturelle aux grandes entreprises…………p.190
(source NUMA Avril 2018)
Figure 26 : Les trois règles d’innovation chez Google ……………………………….…..p. 194
(source : Google ; 2017 : Présentation « Innovation@Google »)
Figure 27 : Larry Page et Serguei Brin lors d’une réunion « TGIF » avec les salariés…..p. 195
(source : Google ; 2017 : Présentation « Innovation@Google »)
Thèse doctorale en administration des affaires sur « l’excubation »
211
TABLE DES TABLEAUX
Tableau 1 : Tableau des successions des paradigmes technoéconomique……………….p. 26
(source « Les grands auteurs en management de l’innovation et créativité »,
2016 , éditions EMS, p.47 selon Freeman 2008, p. 50 à 62 et p. 95 avec quelques ajustements)
Tableau 2 (traduit de l’anglais) – Angles d’approche du management de l’innovation….p. 36
(source :Dodgson and al, 2016, « The Oxford Handbook of Innovation Management », p.11)
Tableau 3 : Valorisation des GAFAMs au 03 Août 2018 (source : Leparisien.fr, 2018)….p.56
Tableau 4 : Classification de l’accompagnement entrepreneurial…………………………p.62
(source : Erzatty O, « Guide des start-ups en France », Avril 2018)
Tableau 5 : Différences entre les approches Lean Startup et traditionnelles………………p.72
(source : traduit et adapté de Blank S.,2013, « Why the Lean Start-Up Changes Everything. »)
Tableau 6 : Positionnement R&D, coopération start-ups et fusions-acquisitions………….p.73
(source : traduit de INSEAD & 500 Partners, 2017)
Tableau 7 : Types de coopération startups avec grands groupes……………………….…..p.73
(source : traduit de INSEAD & 500 Partners, 2017)
Tableau 8 : Les différentes stratégies d’accès aux données qualitatives et leurs principes
généraux …………………………………………………………………………….……..p.87
(source : Savall & Zardet, 2004)
Tableau 9 : Synthèse du champ de recherche sur l’excubation…………………………….p.99
(source : Marc Géméto)
Tableau 10 : Segmentation des populations et codifications données excubation……….....p.103
(source : Marc Géméto)
Tableau 11 : Codification des Organisations ……………………………...……….……..p. 104
(source : Marc Géméto)
Tableau 12 : Fiche de codification des phrases-témoins issues des entretiens……………p.105
(source : Marc Géméto)
Tableau 13 : Facteurs clé de succès de l’excubation………………………………...……p. 138
(source : Marc Géméto)
Tableau 14 : Problèmes liés à l’équipe « excubée » ……………………………p. 142 et p.182
(source : Marc Géméto)
Tableau 15 : Problèmes de gouvernance de « l’excubation » …………………..p. 145 et p.182
( source : Marc Géméto)
TABLE DES TABLEAUX
212
Tableau 16 : Nouveau modèle de management de l’innovation substantielle…………....p. 186
( source : Marc Géméto )
Tableau 17 : Théories de l’Organisation et Management du Travail qui impactent ’innovation
(source : Philips N., 2014, dans « Organizing Innovation » p. 482)……………….…….p. 187
Tableau 18 : Comment le numérique s’impose comme une civilisation…………………p. 188
(source : Dejoux C., 2016 dans « Le leadership : recherche et pratiques » p.115)
Thèse doctorale en administration des affaires sur « l’excubation »
213
LEXIQUE
Accompagnement entrepreneurial :
L'accompagnement entrepreneurial est un nouveau champ de recherche des sciences de gestion
défini par Didier Chabaud and al en 2010(Chabaud D., 2010a). Il s'agit à la fois de fédérer la
littérature existante sur les structures d'accompagnement telles que les incubateurs (Albert P
and al, 2003) et le rôle de l'accompagnement (Paul M., 2003) mais aussi d'ouvrir la recherche
sur la nécessité et l'impact de l'accompagnement sur la survie des jeunes entreprises.
Accélérateur de startups :
Un accélérateur est une forme particulière d’incubateur d’entreprises doté d’une masse critique
de ressources (coaches, mentors, formations) qui accompagnent les startups dans un programme
de quatre à six mois pour valider leur modèle économique et bien souvent les aide à lever des
fonds pour financer leur croissance. Un accélérateur va offrir de nombreux services utiles au
lancement de la jeune entreprise : services juridiques, services comptables, conseil… Les
accélérateurs, plus récents que les incubateurs, sont apparus sous l’impulsion d’entrepreneurs
(à succès, principalement), rejoints rapidement par des fonds de capital-risque. Les
accélérateurs à la française prennent le modèle américain du " Y combinator". On peut citer
comme exemples en France : 50 Partners, NUMA, The Family, Schoolab, StartUp Palace,
Waoup... Ce sont des structures d’accompagnement qui fonctionnent généralement par
promotions de 4 à 6 mois et qui aident des porteurs de projets à les structurer, à les rendre
présentables à des investisseurs et à des clients. Les accélérateurs prennent souvent une part
financière dans la startup. Certains accélérateurs ont des locaux, d’autres non. Les grandes
entreprises ont maintenant leurs propres accélérateurs qui combinent les caractéristiques des
accélérateurs indépendants et la mise en relation avec leurs équipes business
Agile / Agilité / Méthodes agiles :
Les méthodes agiles sont des groupes de pratiques de pilotage et de réalisation de projets. Elles
ont pour origine le manifeste Agile, rédigé en 2001, par 17 spécialistes qui ont défini ensemble
les principes de leur nouvelle façon de développer le logiciel. Plus que sur des méthodes,
l'agilité est fondée sur les quatre principes définis dans leur manifeste agile :
Les individus et leurs interactions plus que les processus et les outils.
LEXIQUE
214
Un logiciel qui fonctionne plus qu’une documentation exhaustive.
La collaboration avec les clients plus que la négociation contractuelle.
L’adaptation au changement plus que le suivi d’un plan.
Les méthodes de développement agile des logiciels se sont largement déployées dans les
équipes informatiques. La méthode agile la plus connue et la plus répandue s’appelle le scrum
agile. Le scrum agile a pour vertu de mettre l’utilisateur au centre des préoccupations de
l’équipe de développeurs et de faire après chaque itération courte de développement de logiciel,
appelée un sprint, une démonstration de la solution développée devant le client/utilisateur pour
obtenir ses retours et commentaires.
Ambidextrie organisationnelle :
« L’ambidextrie organisationnelle est la capacité de poursuivre simultanément à la fois
l’innovation incrémentale et l’innovation discontinue … en hébergeant de multiples structures,
processus et cultures contradictoires dans la même société. » (Tushman M., 1996, p.24)
BATX :
BATX est une abréviation utilisée pour désigner les quatre géants du numérique chinois : Baidu,
Alibaba, Tencent et Xiaomi.
Bureaucratie (source : Wikipedia) :
Le mot « bureaucratie » est un des termes clefs du vocabulaire des sciences sociales
contemporaines. Mais le terme lui-même n'a pas reçu à ce jour une définition scientifique
précise.
L'usage ancien, qui est encore consacré par les dictionnaires, correspond à une définition de
science politique : la bureaucratie, c'est le gouvernement par les « bureaux », c'est-à-dire par un
appareil d'État constitué de fonctionnaires nommés et non pas élus, organisés hiérarchiquement
et dépendant d'une autorité souveraine.
À côté de cet usage traditionnel relativement précis, un autre, beaucoup plus large et au fond
très différent, s'est graduellement imposé. Pour ceux qui l'adoptent, le concept clef est celui de
la bureaucratisation, entendue comme rationalisation de toutes les activités collectives ; elle se
traduit, notamment, par la concentration des unités de production et, en général, de toutes les
LEXIQUE
215
organisations, et le développement inéluctable de formes d'organisation des tâches et des fonc-
tions caractérisées par l'impersonnalité, la hiérarchie et le contrôle. La bureaucratie est alors
conçue comme un type nouveau et plus efficace d'organisation qui tend à s'imposer partout.
«Business Model» ou Modèle économique :
Un "Business model" ou modèle économique décrit la logique de l'entreprise, la façon dont elle
opère et crée de la valeur afin d'assurer sa pérennité. C'est, en quelque sorte une représentation
du système « entreprise », une modélisation de la façon dont une entreprise fait du business.
Le modèle économique est une notion très ancienne dans les sciences de gestion. On peut sans
doute dater sa première utilisation comme un modèle d’innovation à 1998, par Pasternack B. &
Viscio A., qui l’utilisent pour modéliser le fonctionnement d’une entreprise fictive "the
Centerless Corporation".
Nous gardons une définition simple et récente :
« Un modèle économique ou « Business Model » décrit les principes selon lesquels une
organisation crée, délivre et capture de la valeur.» (Osterwalder A. et Pigneur Y., 2010).
«Business Angel» :
Un Business Angel ou « Investisseur Providentiel » est une personne physique qui va investir
une part de son patrimoine dans une jeune société ayant un fort potentiel innovant. En plus des
capitaux investis, le business angel met à disposition de l’entrepreneur son carnet d’adresses et
son expérience. Les Business Angels interviennent souvent en phase d’amorçage, c’est à dire
au début de la vie de l’entreprise. Leurs investissements en capitaux sont souvent limités en
comparaison des fonds d’investissement qui interviennent plus souvent en phase de
développement. Leur aide et leurs conseils peuvent se révéler très précieux au lancement.
«Brainstorming» :
Le brainstorming (remue-méninges) est une technique issue de la publicité et utilisée par les
entreprises pour pousser la créativité de leurs collaborateurs afin de répondre à un problème
donné. Cette technique se pratique à plusieurs sous la responsabilité d’un animateur qui est
chargé de donner la direction à suivre, de cadrer la démarche, de collecter les idées et de les
retranscrire sous forme d’un compte-rendu ou de fiches idées.
Capacités dynamiques :
Les capacités dynamiques représentent « la capacité de l’entreprise à intégrer, construire et
reconfigurer les compétences internes et externes pour s’adapter rapidement aux
environnements changeants.» (Traduit de Teece, 1997, p. 516)
LEXIQUE
216
«Corporate venture» ou Fonds d'investissement d'entreprise :
C’est un fonds d'investissement détenu par un grand groupe qui prend des prises de participation
minoritaires, soit en acquérant une partie du capital de jeunes entreprises innovantes, soit en
externalisant certaines entités du groupe pour en faire des entités indépendantes.
Co-working (Espace de ) :
Ce sont des espaces d’accueil d’entrepreneurs sans structure d’accompagnement spécifique qui
favorisent la vie sociale des entrepreneurs de diverses manières L’arrivée de grands acteurs
américains tels que Wework à Paris a significativement augmenté l’offre d’espaces de co-
working en France
«Design Thinking» :
Le design thinking est une méthode d'innovation qui met l'humain au centre de la démarche.
«Le design thinking est une discipline qui utilise la sensibilité et les méthodes du designer pour
faire se rencontrer les besoins des gens avec ce qui est technologiquement faisable et qu’une
stratégie de business viable puisse transformer en valeur pour le client et en opportunité de
marché. » (Brown T., 2008)
Tim Brown décrit l’approche design thinking en trois grandes phases : l’inspiration, l’idéation
et l’implémentation avec des boucles itératives dans chaque phase qui peuvent amener à revoir
les hypothèses d’origine. L’état d’esprit du design thinking est sans doute plus important que la
méthode. Elle nécessite un nouveau mode de travail collaboratif sur un projet d’innovation qui
casse les modes de fonctionnement en silo traditionnels.
Design de service :
Il s'agit d'une prestation de service consistant à bâtir un planning avec des méthodologies
adaptées au projet.
Développement agile : voir Agile / Agilité
Entreprise libérée (source Wikipedia):
Le terme entreprise libérée a été popularisé, en France par l'ouvrage Liberté & Cie d'Isaac Getz
et Brian Carney (Getz I. & Carney B., 2012). Elle a comme pionniers des entreprises telles que
FAVI, Poult, Chronoflex, en France, W.L. Gore & Associates et Harley Davidson aux États-
Unis.
LEXIQUE
217
Ce type d’entreprise mise sur l'auto-détermination et l'auto-organisation pour renouer avec la
motivation des salariés et permettre la création de valeur. Elles s'inspirent des mécanismes du
vivant éminemment décentralisés et adaptatifs pour faire face à la complexité toujours
grandissante de l'environnement dans lequel elles évoluent. L'entreprise libérée fait donc le pari
de l'intelligence collective pour faire face aux enjeux de demain. Le management est affecté par
une profonde transformation des rôles, le manager devient une servant leader au service de ses
équipes. Les fonctions RH évoluent elles aussi pour passer dans une position de facilitation au
service des ressources de l'entreprise.
L'entreprise libérée n'est pas un modèle, il s'agit plus d'une philosophie humaniste de conception
de l'entreprise. L'entreprise libérée propose un changement de paradigme tant au niveau de la
gouvernance que du management.
Excubation :
"L'«excubation» est un dispositif consistant à faire travailler un groupe de salariés d’une
entreprise existante au sein d'un accélérateur de startups externe pour une durée limitée
pour explorer une opportunité d'innovation." (Géméto M., 2019)
Fablabs :
Ce sont des structures d’accompagnement un peu particulières fournissant du matériel de
prototypage et parfois du conseil, ouvertes aux startups et aux citoyens qui souhaitent créer un
produit matériel et ont besoin de ressources pour le prototyper.
On a vu aussi ce concept de fablabs se développer dans les grandes entreprises, selon le même
principe, d'un espace ouvert libre d'accès aux salariés pour venir prototyper avec le matériel mis
à disposition dans le fablab.
Exploration – Exploitation (de l'innovation) :
Ce concept est introduit par Duncan dès 1976 et défini par James March en 1991. Il constitue
l'un des dilemmes fondamentaux de l'innovation dans les entreprises.
«Le problème auquel est confrontée une organisation est d’engager des moyens suffisants dans
l’exploitation pour s’assurer de sa viabilité actuelle et, en même temps, consacrer assez
d’énergie à l’exploration pour s’assurer de sa viabilité future. » (March J., 1991, p.105)
« L'exploitation comprend des choses telles que le raffinement, le choix, la production,
l'efficacité, la sélection, la mise en œuvre, l'exécution. L'exploration inclut des choses capturées
LEXIQUE
218
par des termes tels que la recherche, la variation, la prise de risque, l'expérimentation, le jeu,
la flexibilité, la découverte, l'innovation. » (March J., 1991).
Fusion-Acquisition (source Wikipedia) :
L’expression fusion & acquisition (parfois aussi appelée « Fusac », ou en anglais M&A, un
acronyme pour Mergers and Acquisitions) signifie le regroupement d'entreprises et recouvre
les différents aspects du rachat du capital d'une entreprise, d'une division d'entreprise, voire
d'actifs, par une autre entreprise.
Ces opérations sont rattachées à la finance d'entreprise, à la stratégie d'entreprise et à la gestion
d'opérations financières. Lors d'une opération de M&A, l'entreprise acquise/cédée peut conser-
ver son intégrité, ou bien être fusionnée avec l'entreprise qui l'acquiert, dans ce dernier cas elle
disparaît. Par extension, la définition comporte également les opérations de désinvestissements
ciblées et les scissions d'entreprises (en anglais : demerger, spin-off, carve out…).
Les fusions et acquisitions sont utilisées par les entreprises, comme un accélérateur de crois-
sance, dans le but de développer leurs activités, d'accroître leur puissance financière et leurs
parts de marché. On parle alors de croissance externe et à l’opposé de croissance organique (ou
croissance interne) faite par l’augmentation du chiffre d’affaires sur un même périmètre de so-
ciétés.
GAFAM :
Nom donné aux 5 sociétés devenues géants mondiaux de l'informatique et du digital : Google,
Apple, Facebook, Amazon et Microsoft. En 2018, leur valorisation boursière dépasse 4000
milliards de dollars (leparisien.fr, 2018)
«Hackathon» (source wikipedia) :
Le mot hackathon désigne à l'origine un événement dans lequel un groupe de développeurs
volontaires se réunit pour un challenge informatique sur plusieurs jours. Le terme vient de la
contraction des mots "hack" et "marathon". La référence au «Marathon» se justifie par le travail
sans interruption des développeurs pendant deux jours, généralement lors d'un week-end.
Il s'organise par équipes autour de porteurs de projets avec l’objectif commun de tester une idée
et de produire un prototype d'application en quelques heures. Sous forme de concours
chronométré, l'équipe gagnante est généralement désignée par un jury à l’issue du temps
imparti.
Ce type de challenge s'est peu à peu étendu dans les entreprises pour des innovations digitales
LEXIQUE
219
avec des équipes d'experts de différents domaines (marketing, développeurs, designers,..) avec
des mentors qui les accompagnent.
Holacratie (source : wikipedia) :
L'holacratie (holacracy en anglais) est un système d'organisation de la gouvernance, fondé sur
la mise en œuvre formalisée de l’intelligence collective. Opérationnellement, elle permet de
disséminer les mécanismes de prise de décision au travers d'une organisation fractale d'équipes
auto-organisées. Elle se distingue donc nettement des modèles hiérarchiques pyramidaux. Le
système holacratique fut développé en 2001 par Brian Robertson au sein de son entreprise de
production de logiciels (Ternary Software) pour mettre au point des mécanismes de
gouvernance plus agiles. Brian Robertson a commencé à théoriser son approche qui sera
désormais appelée "holacratie". En 2010, Brian Robertson publie la holacracy constitution qui
définit les principes fondamentaux de la démarche. Ce nouveau style de management horizontal
renverse complètement le management traditionnel. L'autorité et les prises de décisions
appartiennent désormais aux salariés et à des équipes auto-managées. De nombreuses
entreprises adoptent le modèle, comme Zappos, Danone ou encore Castorama.
Incubateur de startups :
Selon la National Business Incubation Association : « Un incubateur est une structure
d’accompagnement et de développement de jeunes entreprises, qui aide ces dernières à survivre
et à grandir durant les phases de développement où elles sont les plus vulnérables. ».
L’incubateur est surtout une structure d’hébergement et dans une moindre mesure
d’accompagnement. Les jeunes entreprises y restent entre 6 et 18 mois en moyenne .Ce
dispositif offre, pr exemple, à ces startups un lieu où travailler, casser leur isolement, et dans
certains cas leur apporte un renfort de compétences, de coaching ou de visibilité La jeune
entreprise va ainsi être plongée dans un écosystème bienveillant qui a été créé autour d’elle par
l’incubateur, lui donnant plus de chances (et plus de temps) pour mettre au point son innovation,
faire émerger les usages et in fine valider ses hypothèses de marché en trouvant une première
vraie application commerciale. Les incubateurs peuvent être liés à la recherche publique, à une
école d’ingénieurs, à une école de commerce, à une école de design, à une collectivité locale.
Cette appellation est maintenant moins à la mode que celle d‘accélérateur. De nombreux
incubateurs se sont rebaptisés accélérateurs pour suivre l’effet de mode.
LEXIQUE
220
«Intrapreneuriat» :
L’intrapreneuriat désigne, soit le processus par lequel un ou plusieurs individus, en association
avec une grande entreprise à laquelle ils appartiennent, créent une nouvelle unité fonctionnant
en mode entrepreneurial , soit l'ensemble des démarches qui permettent d'introduire une gestion
entrepreneuriale au sein d'une organisation.
Le concept est défini dans le domaine des sciences de gestion par Pinchot en 1985 (Pinchot G.,
1985). Il y a de nombreuses définitions et approches de l’intrapreneuriat. Nous en resterons à
la définition très simple et très globale de Pinchot G. en 1985 : « l’intrapreneuriat est le fait
d’entreprendre dans une organisation déjà existante. »L'intrapreneuriat est censé permettre à la
grande entreprise de mieux saisir les opportunités d'innovation que son inertie naturelle
laisserait passer.
Innovation (Définition de Schumpeter J.) :
« L’invention signifie concevoir une nouveauté. Alors que l’innovation est définie comme
l’introduction d’une invention dans un environnement social. Le marché est une forme
particulière d’environnement. » (Schumpeter J., 1934, théorie de l’évolution économique »)
Innovation incrémentale :
« Les innovations incrémentales sont des innovations permanentes de petite ampleur. Elles
reposent largement sur le rôle des ingénieurs et des techniciens qui, par leur expérience directe
de la production, introduisent des améliorations que les chercheurs n’avaient pas envisagées. »
(Burger-Helmmchen T. and al, 2016, p.43)
Innovation radicale :
« Les innovations radicales contribuent à créer de nouveaux marchés qui alimentent la
croissance économique, tout en impliquant des changements structuraux et institutionnels
importants.» (Burger-Helmmchen T. and al, 2016, p.43)
Innovation ouverte ou "open innovation" :
L’innovation ouverte est le fait pour une entreprise d’ouvrir son processus d’innovation à des
connaissances (idées, technologies, brevets), des expertises et des savoir-faire provenant de
l’extérieur, et inversement à faire un meilleur usage de sa propriété intellectuelle (IP -
Intellectual Property) en la valorisant par des initiatives externes (spin-off, licence de brevets,
cessions).
LEXIQUE
221
Ce terme est introduit en 2003 par Henry Chesbrough qui la définit ainsi :
« Mise en une seule phrase, l’innovation ouverte est l’utilisation à dessein de flux de
connaissance vers l’interne et vers l’externe pour accélérer l’innovation interne et accroitre les
marchés par l’utilisation externe de l’innovation » (Traduit de Chesbrough,2003a).
Innovation disruptive ou "Disruptive Innovation" :
La théorie de l’innovation disruptive est développée par Clayton Christensen en 1997 dans son
livre « The Innovator’s dilemna : When New Technologies Cause Great Firms to Fall ».
« L’innovation disruptive…ne cherche pas à apporter de meilleurs produits à des clients
existants sur des marchés existants. Elle va plutôt disrupter et redéfinir une nouvelle trajectoire
en introduisant de nouveaux produits et services qui ne sont pas aussi bons que les produits
existants. Mais les technologies disruptives offrent d’autres bénéfices- typiquement en étant
plus simples, plus faciles à utiliser et moins chères attirant des clients nouveaux ou moins
exigeants. » (Christensen, 2003, p.34)
Innovation managériale (ou innovation organisationnelle) :
« Nous définissions l'innovation managériale comme l'invention et la mise en œuvre de
pratiques, processus, structures ou techniques de management qui sont nouvelles par rapport
à l'état de l'art et qui ont pour intention de poursuivre les objectifs de l'organisation. » (Traduit
de Hamel.G. and al, 2008).
« Les innovations managériales sont de nouvelles approches dans les connaissances pour
accomplir les tâches de management et de nouveaux processus porteurs de changement dans
la stratégie, la structure, les procédures et les systèmes de l’organisation. » (Damanpour F. et
Aravind D., 2012).
Innovation produit ou service :
L’innovation-produit consiste à introduire de nouveaux produits ou services sur un marché
« L’innovation produit est l’exploitation réussie d’une idée qui apporte de la valeur au client
et un retour commercial à son créateur. » (Beswick C. & Gallagher D., 2010).
Innovation de procédés :
L’innovation de procédés consiste à introduire de nouveaux processus ou nouvelles façons de
travailler dans l’entreprise pour en améliorer les performances. Elle est en général non visible
des clients puisqu’il s’agit le plus souvent d’améliorations dans les tâches et la façon de
travailler des organisations.
LEXIQUE
222
“L’innovation de procédés est l’implémentation réussie d’idées créatives dans une
organisation.” (Amabile T.M., 1988)
Innovation substantielle :
« L'innovation substantielle est l’expansion des compétences ou des marchés de l’entreprise
dans des domaines nouveaux qui lui sont connexes » (Dodgson M., 2014).
« Lean Production » :
Dans les années 80, les études sur le marché automobile, et en particulier sur l’efficacité des
constructeurs japonais en matière d’innovation, conduit au concept de « lean production » qui
permet une plus grande flexibilité dans les lignes d’assemblage par rapport au modèle de
production de masse issu du modèle d’Henry Ford. Le « lean production » permet de fabriquer
un plus grand nombre de produits différents en gardant une collaboration étroite avec les
fournisseurs en flux tendu pour minimiser les stocks et avec un niveau d’exigence de qualité
maximale (exemple : Toyota).
« Lean Start Up » :
Le Lean startup est une approche itérative pour les startups dont Steve Blank pose les
fondements en 2003 (Blank S., 2003). Elle est complétée et popularisée par son élève-
entrepreneur Eric Ries en 2011 dans livre “The Lean Start Up” (Ries E., 2011). Cette nouvelle
approche de l’entrepreneuriat propose de maximiser les chances de réussite d’une start-up par
des boucles itératives de test d'hypothèses du business model de la startup.
Steve Blank explique ainsi les trois principes-clés de la méthode lean start-up : (Blank S., 2013)
4. Partir d’hypothèses de business model à partir d’un canevas
5. Tester ces hypothèses sur le terrain auprès des clients.
6. Développer un prototype d’usage minimum ou « Minimum Viable Product » en mode
agile. Le développement agile vient de l’industrie informatique pour développer un pro-
duit de manière itérative et incrémentale en prenant en compte les retours clients au fur
et à mesure.
Cela permet à Steve Blank de donner une nouvelle définition de la startup : « une start-up est
une organisation temporaire conçue pour rechercher un business model répétable et qu’on
puisse faire croitre en étant viable. » (Blank S., 2013, p.5)
LEXIQUE
223
Licorne du numérique :
Une licorne désigne une startup du numérique qui est valorisée à plus de un milliard de dollars.
Par exemple, Dropbox, Xiaomi, Snapchat, SpaceX, Pinterest ou encore BlaBlaCar. En août
2015, le magazine Fortune listait près de 140 licornes. (Fortune, 2015).
M&A ou Mergers and Acquisitions : voir Fusion-Acquisition
« Market Pull » innovation :
Le "market pull" innovation apparut dans les années 50-60 mettant en avant l’importance de
prendre en compte la demande du marché comme principale source d’innovation.
Mentor / Mentorat :
Dans la mythologie grecque, Mentor est le précepteur de Télémaque et l'ami d'Ulysse. Par as-
similation, un mentor est un conseiller expérimenté, attentif et sage auquel on fait entièrement
confiance. Il ne faut pas confondre « mentorat » et « coaching » qui sont deux concepts diffé-
rents.
Les mentors de startups sont souvent des anciens entrepreneurs avec de l'expérience. Ils con-
seillent les entrepreneurs. Ils existent en dehors de toute structure d'accompagnement et inter-
viennent le plus souvent bénévolement. Cependant, la plupart des incubateurs/accélérateurs ont
un pool de mentors dans leurs réseaux auxquels ils font appel pour conseiller les entrepreneurs.
« Product Life Cycle » ou cycle de vie produit
Dans les années 70, Abernathy et Utterback mirent en évidence que les types d’innovation
changeaient dans le temps ce qui donna naissance à la théorie de « product life cycles ». Cette
dernière met en évidence une première phase d’investissement important dans l’innovation de
développement du produit, qui se réduit ensuite pour être remplacée par de l’innovation sur les
usages du produit et sur le processus du produit.
NATUs : Nom familier donné au groupe des quatre startups issues du monde digital: Netflix,
AirbnB, Tesla et Uber
Pépiniéres (de startups) :
Ce sont des dispositifs qui accueillent les startups lancées et déjà amorcées. Ce sont surtout des
structures d’hébergement, un peu comme les hôtels d’entreprises. On y va après l’incubateur
et/ ou après l’accélérateur
LEXIQUE
224
Pitch :
Le " pitch" consiste à présenter son projet dans un temps court (typiquement entre 3 et 7 mn). Il
se fait devant un jury souvent composé de mentors et d’investisseurs. C'est un exercice souvent
indissociable des méthodes entrepreneuriales.
Le mot vient littéralement de l'anglais "elevator pitch" où les entrepreneurs de la Silicon Valley
avaient tellement d'opportunités de rencontrer des investisseurs, qu'il devaient se tenir prêt à
raconter leur startup même dans un ascenceur s'ils rencontraient un investisseur donc en un
temps très réduit de 1 ou 2 mn.
R&D : Recherche et Développement
Abréviation souvent utilisée pour désigner l'activité de Recherche et de Développement d'une
entreprise.
Silicon Valley (source Wikipedia) :
La Silicon Valley (littéralement « Vallée du silicium ») désigne le pôle des industries de pointe
situé dans la partie sud de la région de la baie de San Francisco en Californie, sur la côte ouest
des États-Unis. C'est là que s'est véritablement forgée l'image d'entreprises parties de rien
(jeunes pousses, ou startups) souvent dans un garage, suivant l’exemple d’ Hewlett-Packard
lancé en 1939 dans un garage à Palo Alto, devenu un musée, symbole du rêve américain, pour
devenir des géants technologiques et industriels (comme Apple à Cupertino ou Sun Microsys-
tems et Intel à Santa Clara).
Fortement liée à la présence et au rayonnement de l'université Stanford et l'université de UC
Berkeley, la Silicon Valley a inspiré bon nombre de technopoles en Europe, dont Aerospace
Valley, Sophia Antipolis, Inovallée, EuraTechnologie, ou le cluster Paris-Saclay.
« Spinoff » :
Terme angalis que l'on traduit par essaimage. Il s'agit d'une technique de désinvestissement dans
laquelle une (ou des) filiale(s) d’une entreprise est (sont) séparée(s) de l’entreprise mère pour
devenir une entité indépendante.
Startup ou start-up :
Une startup ou « jeune entreprise qui démarre» en français est une jeune entreprise innovante
ayant un fort potentiel de développement. Les startups ont souvent besoin d’un investissement
important au démarrage pour pouvoir financer leur croissance rapide.
LEXIQUE
225
Steve Blank, fondateur du mouvement Lean StartUp, donne une nouvelle définition d’une start-
up qui permet de bien la différencier d’une entreprise. D’après lui, « une startup est une
organisation temporaire formée pour rechercher un business model répétable et avec un
potentiel de croissance » *. Tandis qu’une entreprise est une organisation établie qui exécute un
business model connu.
*traduit de l’anglais « A Startup is a temporary organization designed to search for a
repeatable and scalable business model ».
Startup Program :
Programme proposé par un grand groupe aux startups qu'il sélectionne avec des services et
produits gratuits du grand groupe et une offre de support aux startups. Exemples français :
BizSpark de Microsoft ou Offre Starter de BNP Paribas.
« Science push » innovation :
Le « science push » est une approche de l'innovation issue d’études d’après-guerre aux USA et
montre l’importance d’investir dans la recherche de manière massive pour trouver de nouvelles
solutions à des problèmes majeurs. Cette approche reste toujours très populaire dans la
communauté scientifique.
Y combinator (traduit de wikipedia US) :
Y combinator est un fond d'investissement et accélérateur de startups démarré en 2005 aux
USA. Il a lancé de nombreuses entreprises à succès et est régulièrement classé parmi les
meilleurs accélérateurs américains. Dans son programme principal, Y combinator sélectionne
deux groupes de startups par an. Ces sociétés reçoivent un peu de fonds d'amorçage, des
conseils et des connections en échange de 7% de leur capital. Les fondateurs de startups
rencontrent différents partenaires et mentors et ont des diners réguliers avec l'écosystème de la
Silicon Valley (Entrepreneurs à succès et fonds de capital-risque)
Le leitmotiv du Y Combinator est "Faites quelque chose que les gens veulent.". Le programme
pousse les fondateurs de startups à développer leurs produits, leur équipe et leur marché en
affinant leur business model. Le point culminant du programme est le "Demo Day" où les star-
tups présentent leur business à une audience d'investisseurs. Fin 2017, Y Combinator a investi
dans environ 1,450 sociétés qui incluent Dropbox, Airbnb, Stripe, Reddit, Optimizely, Zenefits,
Docker, DoorDash, Mixpanel, Heroku. La valorisation des sociétés lancées dépassait 80 mil-
liards de dollars.
Thèse doctorale en administration des affaires sur « l’excubation »
226
TABLE DES MATIERES
227
TABLE DES MATIERES
REMERCIEMENTS………………………………………………………………………....5
SOMMAIRE…………………………………………………………………………………..7
INTRODUCTION………………………………………………………………..……….…..9
PARTIE 1 : MANAGEMENT DE L’INNOVATION DANS LES GRANDES
ENTREPRISES FACE A LA CONCURRENCE DES GAFAMs ET DES STARTUPS
Introduction Partie 1…………………………………………………………………………..19
Chapitre 1 : Fondements théoriques et pratiques de l’excubation
Introduction Chapitre 1………………………………………………………………………..20
Section 1 : Fondements théoriques : Management de l’innovation
Introduction à la Section 1…………………………………………………………………….21
1.1 Nature et définition générale de l’innovation………………………………….22
1.2 Diversité des types d’innovation……………………………………………......24
1.2.1 Innovation incrémentale et radicale……………………………………...24
1.2.2 Cycles de vie de l’innovation technologique : modèle d’Abernathy et
Utterback ou A-U……………………………………………………..…..27
1.2.3 Innovation managériale…………...……………………………………...28
1.2.4 Degré d’innovation : l’innovation substantielle………………………….30
1.2.5 Segmentation simplifiée retenue pour notre recherche…………………..32
1.3 Management de l’innovation…………………………………………...………33
1.3.1 Entre une aproche structurée ou non structurée ?…………………………33
1.3.2 Définition et positionnement du management de l’innovation dans la
recherche………………………………………………………………....34
1.3.3 Principaux processus de management de l’innovation…………………..37
1.3.4 L’innovation disruptive…………………………………………………...38
1.3.5 L’ambidextrie des organisations………………………………………….42
1.3.6 L’innovation ouverte ou « open innovation »…………………………….44
1.3.7 L'innovation par le modèle éconpmiue ou « Business Model Innovation»
……………………………………………………………………………47
Conclusion de la section 1…………………………………………………………………….51
TABLE DES MATIERES
228
Section 2 : Fondements pratiques : startups et nouvelles pratiques entrepreneuriales
Introduction Section 2………………………………………………………………………...53
2.1 Révolution numérique, GAFAMs, grandes entreprises et startup………………..55
2.1.1 Révolution numérique et la nouvelle ère du digital……………………………..55
2.1.2 Les GAFAMs……………………………………………………………………55
2.1.3 Le phénomène des startups……………………………………………………...58
2.2 L'écosytème entrepreneurial : incubateurs, accélérateurs de startups…………..61
2.3 Nouvelles pratiques entrepreneuriales : «design thinking» et « lean startup»……..65
2.3.1 Le «design thinking»……………………………………………………………65
2.3.2 Le « lean startup»………………………………………………………………..70
2.4 Nouvelles initiatives startups- grandes entreprises……………………………...…73
2.5 Intrapreneuriat…………………………………………………...………………….77
Conclusion de la section 2…………………………………………………………………….81
Chapitre 2 : Méthodologie de la recherche
Introduction Chapitre 2………………………………………………………………..83
Section 1 : Stratégie de Recherche
1.1 Posture épistémologique...................................................................................................84
1.2 Mode de raisonnement ………………………………………………………………….86
1.3 Méthodologie de recherche……………………………………………………………...87
1.4 Parcours de recherche………………………………………………………………...…89
1.5 Posture du praticien-chercheur ...…………………………………………………...….92
Section 2 : Présentation du terrain et techniques de collecte des données
2.1 Terrain scientifique de recherche………………………………………………………94
2.2 Présentation détaillée du terrain scinetifique…………………………………………95
2.3 Techniques de collecte et de traitement des donnés………………………………….100
2.3.1 Conduite des entretiens individuels approfondis…………………………...…100
2.3.2 Segmentation des données………………………………………………….....103
2.3.3 Traitement des données………………………………………………………..106
TABLE DES MATIERES
229
PARTIE 2 : RESULTATS DE LA RECHERCHE ET DISCUSSION MANAGERIALE
Introduction Partie 2………………………………………………………………………...108
Chapitre 3 : Analyse des résultats du terrain
Introduction au chapitre 3……………………………………………………………………109
Section 1 : Bénéfices et limites opérationnelles de l’excubation
Introduction à la section 1…………………………………………………………………...111
1.1 Positionnement de l’excubation dans le processus du management de l’innovation en
entreprise…………………………………………………………………………..…112
1.2. Types et origine des projets excubés………………………………………………….115
1.2.1 Types de projets excubés……………………………………………………..115
1.2.2 Origine des projets excubés…………………………………………………..116
1.3. Attentes des entreprises……………………………………………………………......118
1.4 Fonctionnement de l’excubation………………………………………………..……..120
1.4.1 Contexte des programmes d’excubation……………………………………..120
1.4.2 Nombre et choix des participants de l’entreprise à l’excubation……………..120
1.4.3 Choix de l’accélérateur de startups…………………………………………..121
1.4.4 Méthodologie de l’excubation………………………………………...……..123
1.4.5 Points remarquables de la méthodologie de l’excubation……………………125
Conclusion 1.4……………………………………………………………………….127
1.5. Bénéfices de l'excubation………………………………………………………………128
1.6 Facteurs clés de succès de l’excubation………………………………………………..131
Introduction 1.6…………………………………………………………………...…131
1.6.1 Un environnement protégé de l’influence de l’entreprise……………………..131
1.6.2 Des méthodes entrepreneuriales centrées utilisateur…………………….…….134
1.6.3 Un réseau externe bénéfique…………………………………………………...135
1.6.4 Un accompagnement entrepreneurial primordial………………………………136
Conclusion 1.6……………………………………………………………………….138
1.7 Limites et problèmes majeurs de l’excubation………………………………………..139
1.7.1 Difficultés à exploiter la suite de l’excubation…………………………………139
1.7.2 Problèmes liés à l'équipe « excubée »…………………………………………142
1.7.3 Problèmes liés à la gouvernance de l’innovation………………………………145
Conclusion section 1..............................................................................................................150
TABLE DES MATIERES
230
Section 2 : Impact sur la transformation des entreprises et des salariés
Introduction Section 2…………………………………………………………………….151
2.1 Transformation agile des entreprises
Introduction 2.1…………………………….……………………………………...152
2.1.1 Vers de nouvelles méthodes agiles centrée utilisateur………………………152
2.1.2 Vers un nouveau mode de travail de type projet collaboratif………………..154
2.1.3 Vers un nouveau mode de management de l’innovation…………………….155
2.1.4 Nécessité d'une culture d'entreprise adaptée…………………………………158
Conclusion 2.1……………………………………………………………………..159
2.2. Transformation agile des salariés
2.2.1 Transformation des salariés pendant l’excubation…………………………...161
2.2.2 Transformation des salariés après l’excubation……………………………...164
2.2.3 Limites de la transformation agile des salariés des grandes entreprises……..167
2.2.4 Le paradoxe entrepreneur-salarié…………………………………………….168
Conclusion 2.2…………………………………………………………..…………169
Conclusion Section 2………………………………………………………………………170
Chapitre 4 : Discussion des résultats et perspectives
Introduction au chapitre 4……………………………………………………………….….171
Section 1 : Positionnement de l'excubation dans les champs de l'accompagnement
entrepreneurial et de l'innovation ouverte
Introduction section 1……………………………………………………………………….173
1.1 Rappel des résultats du terrain de recherche………………………………………...174
1.2 Un nouveau modèle économique pour l'accompagnement entrepreneurial………..176
1.3 L'excubation dans le modèle de l'innovation ouverte………………………………..177
Conclusion section 1………………………………………………………………………...179
Section 2 : Vers un nouveau mode de management de l'innovation
Introduction section 2………………………………………………………………….…….181
2.1 Vers un nouveau modèle de management de l'innovation substantielle…………….182
2.1.1 Rappel des limites de l'excubation……………………………………………..183
2.1.2 L'apport de l'innovation disruptive de Clayton Christensen……………………184
2.1.3 L'apport de l'ambidextrie organisationnelle……………………………………185
2.1.4 Vers un nouveau modèle de management de l'innovation substantielle………..186
2.2 Vers un changement de culture et de mode de management des entreprises ……….187
TABLE DES MATIERES
231
2.2.1 L’impact de la révolution numérique sur le leadership………………………..188
2.2.2 Vers un nouveau mode de management agile………………………………….189
2.3 Cas Google : culture, leadership et liberté d'innover…………...………...…………..183
CONCLUSION GENERALE……………………………………………………..………197
BIBLIOGRAPHIE…………………………………………………………………………201
TABLE DES FIGURES……………………………………..…………………….……….209
TABLE DES TABLEAUX………………...……………………………………………….211
LEXIQUE…………………………………………………………………………………..213
TABLE DES MATIERES………………………………………………………………….227
ANNEXES…………………………………………………………………………………..232
232
SOMMAIRE DES ANNEXES
Annexe 1 : Innovation@GOOGLE
Annexe 2 : Présentation NUMA
Annexe 3 : Présentation SCHOOLAB
Annexe 4 : Présentation STARTUP PALACE
Annexe 5 : Présentation WAOUP
ANNEXE 1 : Innovation@Google
233
ANNEXE 1 : « Innovation@Google » - Août 2017
ANNEXE 1 : Innovation@Google
234
ANNEXE 1 : Innovation@Google
235
ANNEXE 1 : Innovation@Google
236
ANNEXE 1 : Innovation@Google
237
ANNEXE 1 : Innovation@Google
238
ANNEXE 2 : Présentation NUMA
239
ANNEXE 2 : Présentation NUMA - Février 2017
ANNEXE 2 : Présentation NUMA
240
ANNEXE 2 : Présentation NUMA
241
ANNEXE 2 : Présentation NUMA
242
ANNEXE 3 : Présentation SCHOOLAB
243
ANNEXE 3 : Présentation SCHOOLAB - Juillet 2017
ANNEXE 3 : Présentation SCHOOLAB
244
ANNEXE 3 : Présentation SCHOOLAB
245
ANNEXE 3 : Présentation SCHOOLAB
246
ANNEXE 3 : Présentation SCHOOLAB
247
ANNEXE 3 : Présentation SCHOOLAB
248
ANNEXE 4 : Présentation STARTUP PALACE
249
ANNEXE 4 : Présentation STARTUP PALACE – Août 2018
ANNEXE 4 : Présentation STARTUP PALACE
250
ANNEXE 4 : Présentation STARTUP PALACE
251
ANNEXE 4 : Présentation STARTUP PALACE
252
ANNEXE 5 : Présentation WAOUP
253
ANNEXE 5 : Présentation WAOUP – Août 2017
ANNEXE 5 : Présentation WAOUP
254
ANNEXE 5 : Présentation WAOUP
255
ANNEXE 5 : Présentation WAOUP
256
4eme de couverture
257
Résumé en français
L’objectif de cette thèse est d’étudier en profondeur un nouveau dispositif d’innovation baptisé
« excubation ». Ce dispositif consiste à immerger des salariés des grandes entreprises au sein
d'accélérateurs de startups externes. Notre étude est basée sur une recherche-action et des
entretiens approfondis conduits de janvier 2017 à avril 2018.
L'excubation est, au départ, une nouvelle modalité pour encourager l’innovation en dehors des
marchés traditionnels de l’entreprise, mais elle rencontre de nombreux obstacles liés au mode
de fonctionnement et à l’organisation des grandes entreprises. Nous proposons des
recommandations managériales destinées à lever ces barrières avec un nouveau modèle de
management de l’innovation. Nous mettons l’accent sur la nécessité de développer une vision
long-terme et un changement radical de la culture et du mode de management des grandes
entreprises pour survivre dans le nouvel ordre de l’économie numérique.
English Summary
The objective of this research is to make an in-depth analysis of a new approach of innovation
called « excubation ». This approach consists in immersing employees of big companies in
external startup accelerators. It is based on an action research and in-depth interviews conducted
from June 2017 to April 2018.
Excubation is a new way to encourage innovation outside the company's traditional markets. It
highlights a lot of obstacles linked to the big companies’ operating mode and organization. We
make managerial recommendations to remove these barriers by suggesting a new innovation
management model. We stress the necessity of developing a long-term vision and a radical
change of big companies’ culture and management mode to survive in the new digital economy.
Mots clés en français
#management de l’innovation #intrapreneuriat #accompagnement entrepreneurial #innovation
disruptive #innovation ouverte #ambidextrie organisationnelle #innovation managériale
English Keywords
#Innovation Management #«Intrapreneurship » #Entrepreneurship Mentoring #Disruptive
Innovation #Open Innovation #Organizational Ambidextry #Management Innovation