Terra eco september 2011

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LOBBY, SéCURITé, EMPLOI FUTUR La pilule écolo FUTUR Des légumes sous la banquise J’AI TESTé La pilule écolo DéBAT Un prix plafond pour l’essence ? ACTU DETTE, CLIMAT, CHôMAGE : TROIS CRISES EN UNE POLéMIQUE L’éCOLOGIE, OUBLIéE DE LA PRéSIDENTIELLE Belgique, Luxembourg, Portugal « Cont. » : 5,90 euros - Suisse : 9,80 FS - Canada : 10,25 $C - DOM : 5,70 euros LA CONTRE-ATTAQUE DU NUCLEAIRE MATCH SURGELéS OU CONSERVES LOBBY, SéCURITé, EMPLOI

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lobby, sécurité, emploi

Futur

la pilule écolo

FuturDes légumessous la banquise

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Débatun prixplafond pour l’essence ?

actu Dette, climat, chômage : trois crises en une

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lobby, sécurité, emploi

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La fin des illusionsPar Walter Bouvais, directeur de la publication

Le piège ouvert par la crise des « subprimes » en 2007 vient de se

refermer sur les Etats. C’est-à-dire sur nous. Soumis aux injonctions d’une frange de l’industrie financière, nous voici sommés de courir à la fois après l’austérité budgétaire et la croissance

du PIB. Funambulisme ou schizophrénie ?L’austérité, ce sont des coupes spectaculaires dans des dépenses supposées superflues : éducation, culture, accompagnement des personnes socialement fragilisées, préservation des ressources de la planète, aide au développement. On s’apprête ainsi à assécher l’humus de notre civilisation.La croissance, aucun gouvernement ne peut la décréter. Du reste, elle s’entretient à coup de plans de relance passéistes (industrie automobile) et elle épuise nos ressources naturelles. Alors que la dette financière engloutit les Etats, la planète croule sous la dette écologique. Notre budget « ressources naturelles » pour 2011 est déjà épuisé (1). Nous retrouverons sur notre chemin des émeutes de la faim, un choc pétrolier, la course aux minerais précieux. Parier sur une croissance matérielle infinie est économiquement illusoire et socialement dangereux. Cela revient à compter sur des revenus que nous ne percevrons jamais.

La crise des « subprimes », devenue crise de la dette publique, a démontré que l’humanité – et notamment ses ressortissants les mieux lotis – devrait cesser de vivre au-dessus des moyens dont elle dispose collectivement. Dans le cas contraire, elle lèguera à ses enfants un fardeau qui rendra leur horizon humainement inacceptable.

sortir de ce grand bazarPour sortir vivants de ce grand bazar, la clé consiste à organiser dès maintenant la transition vers un autre modèle de civilisation. Bonne nouvelle : des solutions sont là. La taxe sur les transactions financières, autrefois raillée, est aujourd’hui récupérée par tous nos partis. Tant mieux. Son produit pourrait être affecté au désendettement des Etats et au financement de grands projets écoresponsables. La lutte – réelle – contre les paradis fiscaux permettrait de faire de même. Un programme européen massif d’économies d’énergie doperait l’innovation et multiplierait les emplois non délocalisables.Si la crise a quelque vertu, ce qui nous est proposé, c’est de choisir entre l’illusion d’un système économique destructeur et l’espoir d’un nouveau projet de société inspirant. Faute d’anticipation, bien des peuples ont disparu plutôt que de changer de civilisation (2). Il ne suffit pas d’en avoir conscience pour éviter de commettre la même erreur. —(1) Voir le site footprintnetwork.org(2) A lire Effondrement. Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie, de Jared Diamond (Gallimard, 2006).

MatHilDe GoaNeC (rePortaGe)Journaliste pigiste, spécialiste de l’espace post-soviétique, Mathilde a vécu en Asie centrale et en Ukraine plusieurs années, avant de s’installer à Paris. Ses territoires de prédilection restent l’Europe et l’Eurasie. L’environnement, le monde du travail, la santé ou l’humanitaire sont au cœur de ses collaborations avec

« Libération », « Le Monde diplomatique », « Le Soir », « Regards», Grotius.fr, Mediapart, « Terra eco », etc.www.reporters-est.fr

aNNe BerNarD (eDitioN)Journaliste, secrétaire de rédaction, Anne a accompagné de toutes ses forces le lancement sur orbite et dans les kiosques de « Terra eco » en mars 2009. Implacable et pointilleuse, remise sur le droit chemin de la syntaxe à l’ESJ, celle que la rédaction avait surnommé « la bouchère du Comptoir » file vers de nouvelles aventures. Les chapitres

de son histoire avec « Terra eco » resteront dans les mémoires. Et, qui sait, quelques-uns sont peut-être encore à écrire. Bon vent, Anne.

Contributrices

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Editorial

aNGela Bolis (PortFolio)Après la fac de Nanterre (Hauts-de-Seine) et un cursus en ethnologie, une école de journalisme et une flopée de stages – notamment à « Terra eco » –, Angela plonge dans le monde du travail avec quelques idées fixes : suivre ses penchants pour l’écriture et la photographie, mais aussi pour les explorations de contrées plus ou

moins lointaines, et enfin pour tout ce qui a trait à l’étrange adaptation de l’animal humain à son environnement.http://angelabolis.com

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4 septembre 2011 terra eco

« Terra eco » et les Ekovores vous font manger localRelocaliser et verdir l’économie, manger local… Qui peut vraiment dire à quoi cela ressemblerait ? Deux designers ont donné un vrai look à cette agriculture urbaine, dans une série animée futuriste et pleine d’humour.

Terra responsable

L’étiquette « Terra eco », la suiteNous vous présentions le mois dernier notre projet d’étiquette environnementale. La voici dans son format définitif.

L’indicateur sur l’eau a finalement été remplacé par des données sur l’ozone. Le baromètre (échelle de A à E) n’a pas été retenu pour le moment. Cette étiquette évoluera très certainement dans le courant de l’année qui vient. Pour suivre les aventures de notre étiquette : www.terraeco.net/-Terra-

Responsable,261-.html

Tous au parkingComme l’année dernière, Terra eco s’associe au « Parking day » les 16, 17 et 18 septembre prochains. Le principe de cet événement mondial, ludique et pacifique ? Détourner une place de parking en lieu de convialité : espace de sieste, concert, lectures, potager, minigolf, etc. Vous voulez faire connaître votre « place de parking » ? Rien de plus simple. Rendez-vous sur : www.parkingday.fr ou sur www.terraeco.net.

Les lecteurs assidus de Terra eco ont déjà croisé les « Faltazi », alias Victor Massip et Laurent Lebot. Ces

deux-là avaient imaginé une cuisine au look furieusement moderne et à l’im-pact écologique incroyablement léger, Ekokook (1). Les voici qui récidivent avec les « Ekovores », une commu-nauté d’habitants ordinaires réunis autour d’une même idée : produire et consommer local, en tout cas pour ce qui concerne l’alimentation. D’abord, un constat : nous consommons prin-cipalement des pétro-légumes – dopés aux intrants, soignés aux pesticides, ils sont devenus des dérivés du pétrole. Ensuite, la solution : inventer et mul-tiplier les fermes en ville, pour créer de vrais circuits alimentaires courts, respectueux de l’environnement, et pour créer de l’emploi local.Que du bon, mais rien d’extraordinaire, me direz-vous. Sauf que les Ekovores

sont bien plus qu’un concept : une série de petits dessins animés, qui permet – enfin – de comprendre à quoi cette nouvelle agriculture pourrait bien res-sembler. Dans une ville où des fermes au look futuriste poussent comme des champignons, les Ekovores font surgir de nouveaux lieux comme les conser-veries, les poulaillers urbains ou les marchés flottants. Osons le dire, on est saisi par le réalisme et la poésie de cette ville qui redevient nourricière, aux sens propre et figuré. Car, avec les Ekovores, ce sont aussi de nouveaux emplois, durables et non délocalisables, qui fleurissent. Des « amapeurs », aux « ambassatrices », en passant par les « soupiers » et les « phytodocs », tous ces lieux et ces trombines sont à décou-vrir sur Terraeco.net. Nous diffusons une quinzaine d’épisodes des Ekovores pendant tout le mois de septembre. —(1) www.terraeco.net/a10534.html fa

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6 septembre 2011 terra eco

DirecteurdelarédactionDavid SolonChefsd’éditionFrançois Meurisse (papier)Karine Le Loët (numérique)Directeurartistique Denis EsnaultOntparticipéàcenuméro(enordrealphabétiqueinversé) Emmanuelle Vibert, Julia Pascual, Agathe Mahuet, Laure Noualhat, Arnaud Gonzague, Mathilde Goanec, Hélène Duvigneau, Anne de Malleray, Cécile Cazenave, Angela Bolis, Louise AllavoineIllustrateursetphotographesLaurent Taudin, Julien Couty, Colcanopa / WeDoData, Studio Durey, Sipa, Rue des Archives, Olivier Roller, Reuters, Rea, FotoliaCouverture Denis EsnaultSecrétairederédaction Anne BernardCorrectionDominique Vincent

DirecteurdelapublicationWalter BouvaisAssistantededirection,coordinationRSE Lise FeuvraisDirecteurdessystèmesd’information Gregory FabreDirectricecommercialeStéphanie [email protected] 09 05 24 75ChefdepublicitéDorothée [email protected] 90 87 03 92 - 06 28 60 26 71ConseillersabonnementsBaptiste Brelet (responsable partenariats - 02 40 47 61 53), Coralie Fitamant et Marie Olé (formation)Assistantecommerciale,communicationElise Parois

Terraeco est édité par la maisonTerra Economica, SAS au capital de 192 082 euros – RCS Nantes 451 683 718Siègesocial 42 rue La Tour d’Auvergne, 44 200 Nantes, France tél : + 33 (0) 2 40 47 42 66courriel : [email protected]ésWalter Bouvais (président), Gregory Fabre, David Solon, Doxa SASCofondateur Mathieu Ollivier

Dépôtlégal à parution – Numéro ISSN : 2100-1472. Commission paritaire : 1011 K 84334. Numéro Cnil : 1012873Impression sur papier labellisé FSC sources mixtes comprenant 60 % de pâte recyclée.Imprimé par Imaye Graphic (Agir Graphic)bd Henri-Becquerel, B.P. 2159, ZI des Touches, 53 021 Laval Cedex 9Diffusion PresstalisContactpourréassort Ajuste Titres+33 (0)4 88 15 12 40Ce magazine comprend un encart broché « Offre d’abonnement »de 4 pages en pages centrales 42-43.

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CemagazineestimprimésurpapierlabelliséFSC®sourcesmixtescomprenant60%depâterecyclée.

AbonnementTerraeco42, rue La Tour d’Auvergne - 44200 Nantes France - +33 (0)2 40 47 42 66www.terraeco.net/abo - [email protected]

8 Le courrier des lecteurs

10 Retour sur… lesnewsdesdernièressemaines

14 La polémique Quelleseralaplacedudéveloppement durabledanslacampagneprésidentielle ?

18 L’actualité en bref

22Evénement MULTICRISE :QUARANTEANS DEFUITEENAVANT

25ENTRETIEN AminMaalouf :« Ilfautrepenser lemonde »

28J’ai testé Lacontraceptionalternative

30Reportage LABANQUEMONDIALEDES GRAINESSÈMELETROUBLE36Portrait RolandJourdain,marindepleineTerre

40Le quiz de la rentrée

RéagissezsurRéagissezsur

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42Le portfolio Tomates :uneviesansterre

46Dossier LACONTRE-ATTAQUE DUNUCLÉAIRE 46 ENQUÊTE Quandlesindustriels etlespolitiquesrépliquent 50 INTERVIEW BernardBigot, administrateurduCommissariat àl’énergieatomique 51 PUB Lasagadel’atome 54 REPORTAGE Demain,desdéchets radioactifspourunmilliond’années

58L’éco-conso

60L’objet LeT-shirt

62L’alimentation Commentj’aituémonpouletrôti

Pour faciliter la lecture de « Terra eco », nous avons inventé ce baromètre, qui annonce la couleur pour chaque article : plutôt écologique, plutôt sociétal, plutôt économique, ou les trois !

64Le zoom

68Casse-tête Conservesousurgelés ?

70 Ils changent le monde

76Cinéma

78Sélection livres

80L’agenda du mois

82Nowideas Construisezvotremaison modulable !

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Les stars sauveront-elles la planète ?

La bonne étoile« La seule star écologique, c’est le soleil. Heureusement, elle nous accompagnera pendant encore quelques milliards d’années. On ne peut pas compter sur les starlettes pour nous sauver. Elles nous vendent du rêve et de la frustration à longueur de journée, que l’on compense par de la consommation, de l’empreinte écologique et du rejet de CO2. » FREDREVES

People végétariens« Un gros bémol pour la rédaction à propos “�des écolos de l’assiette�”. Je m’attendais à mieux que de lire que les végétariens ont “�un régime alimentaire triste à pleurer�”. Ah, les préjugés sont diffi ciles à surmonter, n’est-ce pas ? » ANISSA

La marche des stars« Tout pas dans le bon sens est un bon pas, qui que soit celle ou celui qui le fait. » NELLY BOUTINOT

Le train du changement« Les stars sont des produits commerciaux. Il est donc normal que leur stratégie de communication s’intègre dans les mouvements d’idées “�à la mode�”. Ils accompagneront le train pour une ou deux stations, mais jamais ils ne seront dans la locomotive. » CIRON

Vous voulez réagir,écrivez-nous [email protected]

Le courrier

8 septembre 2011 terra eco

Quand les politiques échouent, les vedettes s’en mêlent. Mais faut-il leur abandonner le fl ambeau écolo ?

Le courrier

Poursuivez le débat sur

Retrouvez «�Terra eco�» chaque mois sur dans «�Service public�», sur dans «�Global Mag�», sur dans «�C’est pas du vent�».

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Ecolos irresponsables ?« Les clients des Amap et les distributeurs en vrac chez Biocoop sont des pollueurs irresponsables, si je comprends bien. Et ces imbéciles d’Allemands qui osent acheter des dentifrices sans emballage carton ! »COLOSSUS

Regarder à l’intérieur« Parlons plutôt des mauvaises habitudes, liées à la publicité imprimée sur l’emballage. Au lieu de se demander si son produit est de qualité, on regarde si l’emballage est de qualité. Peu importe que le contenu ait parcouru 15�000 km en avion. Tant que le packaging est équitable et responsable, tout est bon ! » ZYA

Tarte à la crème« On nous ressert la bonne tarte à la crème “�rien ne se perd, tout se transforme�” en

« L’emballage n’estpas un déchet »Il sert à protéger les aliments et donc à éviter le gaspillage ! Mieux, il peut être considéré comme une matière première aux nombreuses vies potentielles… Ce point de vue d’un professionnel du secteur a fait grincer quelques dents !

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« L’emballage n’estpas un déchet »Il sert à protéger les aliments et donc à éviter le gaspillage ! Mieux, il peut être considéré comme une matière première aux nombreuses vies potentielles… Ce point de vue d’un professionnel du secteur a fait

faisant fi du second principe de la thermodynamique [qui établit l’irréversibilité des phénomènes physiques, ndlr]. Et on devrait s’interdire l’emploi du terme “�bobo�” comme argument ultime. » GF

L’emballage qui n’existe pas« Même si le (sur)emballage peut être recyclé et constitue une source de matière première secondaire, le meilleur emballage reste celui qui est évité, car l’on évite ainsi le gaspillage d’énergie lié à l’extraction de la matière première nécessaire à sa fabrication, mais aussi celle utilisée pour son recyclage. »DLA1986an

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10 septembre 2011 terra eco

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Réagissez à l’actualité

Plafonner le prix du carburant ?

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Cet été, les bourses ont chuté, entraînant vers le fond les cours du pétrole. Les prix à la pompe,

eux, ont stoppé leur envol. Mais pour combien de temps ? Car la demande – portée par les pays émergents comme l’Inde et la Chine – augmente, tandis que l’offre – diminution des ressources oblige – baisse. Alors pour éviter que les portefeuilles ne dépriment, certains politiques et associations suggèrent le plafonnement du prix de l’essence. Mais de quelle façon ? En réduisant les marges des pétroliers, bien sûr. Ces derniers ont d’ailleurs été épinglés par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes en mai. Ils seraient cou-pables de répercuter les augmentations du baril à la pompe mais pas, ou peu, les baisses. « Je suis plutôt sceptique sur cette question, avoue Patrice Geoffron, directeur du Centre de géopolitique de l’énergie et des matières premières. En France, depuis que la grande distribution a fait de l’essence un produit d’appel, le niveau des marges est plutôt faible. »

Baisser les taxesL’association de consommateurs CLCV préconise plutôt de s’attaquer aux taxes : « Pour le super, on a 62 % ou 63 % de taxes. Ce n’est pas une bagatelle, précise Thierry Saniez, son délégué général.

Cet outil fi scal a été créé dans les an-nées 1950 et 1960, à un moment où le carburant n’était pas cher. Mais dans une situation de renchérissement des prix avec un impact sur la population, ce n’est pas illégitime de demander une refonte de la fi scalité. »Une fi scalité composée de deux mor-ceaux : la TVA et la TIPP (taxe inté-rieure sur les produits pétroliers). Et pour modifi er le niveau de la seconde, « il suffi t d’inscrire une réforme dans la loi de fi nances pour 2012 », souligne Thierry Saniez. Dans les années 1990, le gouvernement Jospin avait déjà adopté la TIPP fl ottante. Abaissée quand le prix du carburant augmentait, elle était relevée dans le cas inverse. « Mais c’était avant qu’il y ait une grande pression sur le marché de la part des pays émergents », rappelle Patrice Geoffron.

Réagissez à l’actualité

Comment limiter la fl ambée des prix à la pompe ? En réduisant les marges ? En modérant les taxes ? En forçant à la sobriété ?Par KARINE LE LOËT

Quelle que soit la méthode adoptée, un plafonnement des prix n’est pas sou-haitable pour Yves Cochet, député Vert. « C’est un très mauvais signal pour les exportateurs de pétrole. Ils se diront : “ Le prix du baril peut augmenter à souhait, ce sont les contribuables français qui paieront pour les automobilistes ”. »

Sobriété énergétique« La seule réponse effi cace, c’est la so-briété  énergétique, tempère Patrice Geoffron. En consommant moins, on se met forcément à l’abri des soubresauts de la denrée énergétique. » Yves Cochet plaide, lui, pour un système de quotas individuels de carburant instauré par le gouvernement et, pourquoi pas, un marché d’échange pour contenter les plus gourmands et récompenser les plus économes. —

Retour sur info

JUILLET 2011

Le 115 manque de lits. Selon La Croix, 65 % des demandes d’hébergement en urgence ont été refusées en juillet.-----------------------------------------------------------

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UN MAXI PRIX POUR L’ESSENCE ? VOS REACTIONS --------------------------------------------------- « Le carburant devrait être beaucoup plus cher et les transports en commun gratuits. Les ressources ne sont pas inépuisables, le CO2 nuit, alors normal que ce soit cher. »bLEbAS7

--------------------------------------------------- « L’économie de la France ne s’arrête pas dans les grandes villes ! A moins que se développent les transports en commun entre les communes. Mais je n’y crois pas du tout. La solution pour moi est de figer le prix. » PIDOULINE

--------------------------------------------------- « Ce serait totalement déraisonnable. Au contraire, il faut taxer et utiliser les taxes pour développer une filière propre, hydrogène… et sortir enfin de l’ère carbone. » PHILIPPE

---------------------------------------------------« En fait, la facture la plus équitable n’est-elle pas la facture progressive ? Plus je consomme, et plus je paye cher le litre. » LANNIG53

---------------------------------------------------« Quand on voit le nombre de personnes qui prennent leur voiture pour faire 1 km ou 500 mètres, je me dis que le prix du carburant doit être encore bon marché. » GFUTURES

--------------------------------------------------- « Il faut aussi penser à ceux qui ne peuvent rien faire sans leur voiture (handicapés et personnes à mobilité réduite). Sans carburant, c’est tout le pays qui tombe. » UN LECTEUR

---------------------------------------------------« C’est facile de voir midi a sa porte, d’oublier que les loyers dans les villes sont chers, ce qui incite les plus pauvres à vivre dans des endroits peu fréquentés, loin de leur lieu de travail. Ce sont eux qui vont morfler les premiers avec la non-limitation des prix a la pompe. » LINFORMATICIEN

---------------------------------------------------« C’est un faux problème et une fausse solution. Il vaudrait mieux réfléchir à comment franchir le pas de la dépendance au pétrole. » LINDA

Algues vertes : le mirage de la méthanisationPar AGATHE MAHUET

AOÛT 2011

Début août, on découvrait dans les poumons d’une partie des 36 sangliers morts peu avant sur la plage de Morieux (Côtes-d’Armor) de l’hydrogène sulfuré, un gaz produit par les algues vertes en putréfaction. Un mois plus tôt, Nicolas Sarkozy se rendait dans la région. Pas

question pour lui « de montrer du doigt les agriculteurs ». Sa solution ? La méthanisation, qui permet de transformer le lisier, riche en azote – le gaz à l’origine de la pollution par les algues vertes – en biogaz, pour produire de l’électricité. Et la délégation officielle de repartir, satisfaite de sa prescription. « Ce n’est pas une solution », martèle pourtant Jean-François Piquot, porte-parole de l’association Eau et Rivières de Bretagne. Car le processus ne supprime pas l’azote, le phosphore et le potassium contenus dans le lisier. Alors, disqualifiée, la méthanisation ? Non, assure le consultant René Moletta, pour qui « il faudrait ajouter une étape ». D’ordinaire, le lisier produit d’un côté du biogaz et de l’autre le digestat, formé en partie par l’azote, transformé en ammoniac. Mais s’il passe dans un réacteur de nitrification (dans lequel il est oxygéné), l’ammoniac se transforme en nitrites et en nitrates – toujours composés d’azote. Renvoyés une dernière fois dans le méthaniseur, ces éléments deviennent du diazote. Présent dans l’atmosphère, ce dernier peut être libéré sans danger. « C’est tout à fait envisageable, explique René Moletta, mais c’est un procédé qui n’existe pas encore. »

Halte à l’industrialisation à tout prixMais la version améliorée du processus de méthanisation, Jean-François Piquot n’en veut pas non plus. Le vrai problème, pour le porte-parole d’Eau et Rivières de Bretagne, c’est justement qu’on s’en éloigne ! Lui propose des modèles d’agriculture plus traditionnels, des systèmes herbagés pour les vaches laitières et la fin de l’industrialisation à tout prix. Une voie que WWF France pousse également à emprunter. Seulement, « ces modèles ne sont pas soutenus politiquement », regrette l’ONG, car ils remettraient en cause « toutes les activités connexes du modèle productiviste ».La méthanisation, elle, est plus vendeuse. « Elle fait miroiter une source de bénéfices pour les petits agriculteurs, qui peuvent la revendre à EDF », analyse Jean-François Piquot. Et puis fabriquer du biogaz, cela permet aussi de se donner bonne conscience. Electoralement, c’est bon. Mais pour les algues bretonnes, c’est inutile. —

Au large d’Oléron, un cargo a coulé avec sa cargaison de 2 000 tonnes d’oxyde de fer et 25 000 litres de gazole.-----------------------------------------------------------

La hausse de température globale que prévoient les experts du Giec pour la fin du XXIe siècle s’élève à 2 à 3,5° C.-----------------------------------------------------------

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12 septembre 2011 terra eco

La guerre aux fraudeurs sociaux est-elle rentable ?Par KARINE LE LOËT

ÉTÉ 2011

Fin juin, le rapport du député UMP Dominique Tian donnait le ton. L’an dernier, la triche sociale aurait coûté 20 milliards d’euros à l’Etat. Une somme équivalente au déficit de la Sécu prévu pour 2011, et qui « rend nécessaire un meilleur contrôle de la dépense sociale ». Pourtant, l’arsenal anti-fraudeurs existe déjà : grâce au comité national de lutte contre la fraude et à la délégation nationale à la lutte contre la fraude, 458 millions d’euros de tricheries auraient été détectés en 2010. Mais le rapport Tian préconise d’aller plus loin, en instaurant une « carte vitale biométrique », des ordonnances électroniques et en créant un fichier des employeurs condamnés.

Des « oublis » de cotisationReste que cet arsenal est étrangement dirigé. On y distingue les tricheries sur les prestations et celles sur les cotisations. D’un côté, il y a donc les particuliers qui reçoivent indûment des aides, de l’autre, les entreprises qui « oublient » de cotiser pour un employé, ou qui le payent au noir. Mais selon le rapport, la fraude aux prestations pèserait 2 à 3 milliards d’euros, celle aux cotisations 8 à 15 milliards d’euros. Soit 0,46 % des allocataires concernés, contre 10 % à 12 % des entreprises.

Et pourtant, la fraude aux prestations semble davantage ciblée. En 2007, elle a même été déclarée prioritaire dans une lettre de mission du président de la République et du Premier ministre. Une lutte déséquilibrée qui se vérifie dans les faits. Christian Saout, président du collectif interassociatif sur la santé, souligne « le luxe de précautions prises pour s’attaquer aux acteurs du soin » face à « la brutalité des procédures réservées aux bénéficiaires de l’assurance maladie ». Pourquoi une telle différence de traitement ? Parce que la fraude des entreprises est « plus difficile à retracer ».

Trop chers contrôleurs ?Résultat : sur l’ensemble des fraudes détectées en 2010, 266 millions d’euros provenaient des particuliers. Une fortune ? Pas tant que ça au vu des sommes engagées. Exemple avec la branche maladie et ses 150 à 160 millions de fraudes détectées depuis 2008, soit 0,096 % des dépenses totales de l’assurance maladie ! Pis, la guerre aux petits fraudeurs pourrait creuser encore le trou dans les caisses de l’Etat. Les chiffres n’existent pas, mais pour Julien Damon, professeur associé à Sciences-Po, « si on a 600 contrôleurs rien que pour la branche famille et qu’ils coûtent 100 000 euros bruts par an, ça fait des coûts substantiels ». D’autant que l’efficacité n’est pas toujours au rendez-vous. Les photos apposées sur les cartes vitales depuis 2004 ont coûté 40 millions d’euros. Mais leur efficacité est remise en cause par la Cour des comptes. —

Retour sur info

En Libye, chaque journée de guerre coûte un million d’euros à la France, soit 78 années de Smic.-----------------------------------------------------------

L’industrie de la finance se verra désormais contester son mo-nopole de lobbyiste en Europe.

Pour Finance Watch, un objectif : pro-poser un contre-pouvoir. Pour que les grandes banques d’investissement ne soient plus les seules à murmurer à l’oreille des politiques. C’est l’euro-député Pascal Canfin (EELV) qui a lancé le projet, alerté par la situation à Bruxelles : « Ici, les banques ont des personnes à temps plein. Elles cherchent à rencontrer les députés, occupent les groupes d’experts chargés de conseiller la Commission sur les réformes post-crise, alors qu’elles sont responsables de la crise. C’est scandaleux. »Face à eux, un grand désert. « Sur les dossiers financiers, beaucoup de par-lementaires n’ont qu’un seul  son de cloche », assure Pascal Canfin. ONG spécialisée, Finance Watch cherche donc à combler le vide. Pour que progresse le droit européen. A sa tête, l’ex-pro de la finance Thierry Philipponnat, membre d’Amnesty International et désormais secrétaire général de l’ONG. Et aux manettes, une quarantaine d’as-sociations et de syndicats. Plus quelques lobbyistes piqués à l’ennemi. « Beaucoup de professionnels de la finance sont prêts à mettre leur expertise au service d’un contre-pouvoir », estime Pascal Canfin.Désormais, il s’agit de peser dans les négociations européennes. « Au sujet des transactions sur les bourses ou des risques que les banques ont le droit de prendre », Finance Watch veut faire bouger les lignes. —www.finance-watch.org

Née à Bruxelles, cette ONG veut contrer le pouvoir de la finance sur nos vies. Par JULIA PASCUAL

Finance Watch : un lobby contre la finance

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La polémique

L’événement

L’élection présidentielle aura lieu dans huit mois. Les états-majors des partis se mettent en ordre de bataille. Celui ou celle que les Français porteront à l’Elysée aura une charge lourde : distiller l’espoir sans occulter les inquiétudes profondes qui planent aujourd’hui sur la planète. Crise financière, prix des matières premières (pétrole, céréales), précarité énergétique accrue : les signaux d’alerte ne manquent pas. Pendant cette campagne présidentielle, Terra eco scrute chaque mois les propositions des différents candidats, pour vous aider à vous forger une opinion.

Le développement durable sera-t-il le grand absentde la campagne ?

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Selon vous, pourquoi le développement durable ne sera-t-il pas au cœur de la campagne de 2012 ?L’élection présidentielle, en France, fonctionne sur une logique de clivages forts. Or, si vous prenez l’écologie ou l’environnement, en 2011, il n’est plus évident de dire de la droite ou de la gauche, qui possède un avantage ou une spécialité en ce domaine. C’est un thème devenu universel tellement il est prégnant et majeur. Aucun parti de gouvernement sérieux ne peut laisser de côté cet enjeu-là. Pour la majorité des électeurs – je ne parle pas des militants écologistes – il n’y a donc pas un écart significatif entre la gauche et la droite. Paradoxalement, cela n’incite pas les candidats à jouer la carte de l’environnement pour se départager.

La catastrophe de Fukushima peut-elle s’immiscer dans la campagne et pousser les candidats à se positionner sur le nucléaire ?En tant que citoyen, je pense que le nucléaire devrait faire partie des grands sujets de la présidentielle, au même titre que la dette ou la croissance. Mais en tant que politologue, je pense que ce ne sera pas le cas.Car les Français sont soumis à des besoins contradictoires : ce qui occupe chaque jour leur esprit, c’est le pouvoir d’achat et la volonté de consommer plus. Ils sont, dans leur généralité, très attachés à leur niveau de vie et n’acceptent pas de le négocier à la baisse. Ils sont en même temps très inquiets du danger nucléaire. Ils sont dans cette contradiction et quand ils ont le sentiment que le discours politique leur offre le choix entre le risque

Dominique Reyniéest politologue et directeur de la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol).

« En 2012, on ne se disputera pas à propos de l’écologie »Le développement durable ne sera pas au cœur de la campagne présidentielle, pour le politologue Dominique Reynié. Si les Français craignent le nucléaire, ils redoutent avant tout la perte de leur pouvoir d’achat.Recueilli par juLia paScuaL - illustrations : colcanopa pour terra eco

« Peu d’électeurs vont choisir leur candidat en fonction de la question nucléaire. »

nucléaire ou le risque de décroissance, ils sont indéterminés. Les Français flottent entre des peurs et des confusions, sur le coût d’une sortie du nucléaire, sur les énergies renouvelables… Les différentes options n’ont pas été formulées avec clarté. Du coup, ceux qui vont choisir leur candidat en fonction de la question du nucléaire sont peu nombreux. Donc, axer sa campagne sur la sortie du nucléaire constitue un risque. D’ailleurs, on le voit bien, même le Parti socialiste n’a pas voulu être très clair sur le sujet.

Les préoccupations purement économiques font-elles de l’ombre aux sujets environnementaux ?S’il n’y avait pas eu la crise économique, Fukushima aurait pesé beaucoup plus dans le débat. Mais les gens appréhendent les problèmes par ordre d’importance et d’urgence. Pouvoir d’achat, emploi, logement, santé, retraites… La crise décale les préoccupations environnementales. Reste que l’on ne sait pas ce que l’agenda nous réserve. Un événement peut relancer le débat sur des tas de thèmes, l’environnement comme la sécurité. Mais sans ça, on ne se disputera pas en 2012 à propos de l’écologie. —

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Le développement durable sera-t-il au cœur de la campagne présidentielle de 2012 ?Le développement durable est devenu un thème absolument incontournable, en particulier à travers la question énergétique. Fukushima a mis le secteur du nucléaire au cœur de notre questionnement politique, dans tous les partis. Je comprends que l’on puisse penser que les crises sociale et monétaire sont aujourd’hui les risques principaux. Mais c’est avoir une vision du développement durable purement environnementale alors que ce concept qui propose à la fois une forme de prospérité économique, un bien-être social et la sauvegarde de nos ressources.A partir du moment où nous allons être de plus en plus préoccupés par des questions de correction des inégalités sociales, d’éthique et d’économie de transition, on fait du développement durable. Le thème de la dette souveraine aussi est au cœur d’un développement durable. Car il traite de la protection des générations futures. Quant au

« C’est devenu un thème absolument incontournable »Dette souveraine, énergie, tout relève du « développement durable », selon Bettina Laville, ex-conseillère de gouvernements socialistes.Recueilli par juLia paScuaL

Bettina Laville a été conseillère chargée de l’environnement dans plusieurs gouvernements socialistes. Elle est aujourd’hui avocate et membre du think tank Terra Nova.

L’INFO CONTINUE SUR

Découvrez tous les articles de notre rubrique Politique sur : www.terraeco.net/-Presidentielle-2012,916-.htmlRetrouvez les dernières informations sur la campagne présidentielle 2012 sur le fil twitter : twitter.com/terraeco Et la page Facebook de « Terra eco » :www.facebook.com/Terraeco

volet environnemental, le prochain sommet de la terre, Rio +20, il se tiendra trois semaines après les législatives. Il va bien falloir que les candidats se positionnent. Le thème du changement climatique va durer tout le siècle. La conscience est faite. Les gens ont de plus en plus envie d’une vision à long terme. Ils ont compris que le court terme amenait des catastrophes. Il y a un sentiment partagé que notre modèle est à bout de souffle, à travers l’épuisement des ressources, l’explosion de la dette et des inégalités. Or, inventer une économie nouvelle et un autre partage du monde, c’est au cœur du développement durable.

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ENQUÊTEComment Nicolas Sarkozy a failli devenir écolo Grenelle, climat… On y a presque cru !www.terraeco.net/a13156.html

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a nous de choisir« La place du développement durable sera celle que lui donneront les citoyens… car ce sont eux qui s’en soucient le plus. Et ce sont eux qui votent ! » DaNiEL

Imposer les sujets« La pression que devrait pouvoir exercer Europe Ecologie-Les Verts à gauche pourrait permettre d’ancrer dans le débat certains sujets, comme la précarité énergétique, la taxe Tobin ou la fiscalité. » REBEcca

construire un avenir viable« A l’heure où les marchés financiers commencent à comprendre que la croissance infinie est une idiotie, le “ développement durable ” est la seule issue pour construire un avenir viable. Pourtant, ni la droite, ni la gauche ne s’en préoccupent vraiment. Pour l’instant, seul Europe Ecologie-Les Verts devrait avoir l’esprit assez clair sur ce sujet pour développer des solutions aux crises à répétition qui nous menacent. » uN LEcTEuR

Disponibilité« Quelle place pendant la présidentielle ? Aucune tant que l’argent continuera à régir le monde, comme le prouvent les événements actuels. » jÉRÉMiE

VOS REacTiONS sur WWW.TERRaEcO.NET

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Est-ce que les candidats ont compris cet enjeu ?Regardez l’UMP. Si Nicolas Sarkozy se présente, il va vanter son bilan du Grenelle de l’environnement. Si Jean-Louis Borloo se présente, il revendiquera aussi ce qu’il a fait. Il est aussi évident que le préambule du projet socialiste est fondé sur le développement durable et une économie nouvelle. Europe Ecologie-Les Verts, n’en parlons même pas. Les seuls qui n’ont rien, c’est le Front national. De manière générale, la gauche a mieux compris que la droite à quel point le développement durable est un objet de renouveau des rapports entre les peuples, et entre les peuples et la nature. Pour des raisons historiques, parce que le pilier social du développement durable a toujours été de son côté, la gauche a un avantage.

Vous proposez une définition très large du développement durable…Oui, c’est un outil pour fonder les prémices d’une civilisation nouvelle. Le danger, c’est d’ailleurs que la campagne se focalise uniquement sur le nucléaire du fait de la catastrophe de Fukushima. Et parce qu’Europe Ecologie-Les Verts en font un sujet incontournable et une condition de leur adhésion au projet de la gauche. La droite se positionnera alors en disant : « Vous allez nous faire perdre des emplois, un leadership industriel… » Alors qu’il faut parler de l’énergie en général. Et que la justice et l’équité vont être des piliers beaucoup plus importants dans le développement durable que l’environnement.

« Il faut allier prospérité, bien-être social et sauvegarde des ressources. »

DATARetrouvez cinquante ans d’écologie politique en infographie depuis René Dumont jusqu’à Eva Joly, en passant par Brice Lalonde www.terraeco.net/a13734.html

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DÉBATDe droite ou de gauche, l’écologie ? Prise de bec entre Luc Ferry et Daniel Cohn-Benditwww.terraeco.net/a8765.html

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Le dessin Le point de chute

L'ornithorynque à vau-l'eauIl devient sourd et aveugle dès qu'il se jette à l'eau et sa mâchoire cornée ressemble à une queue de castor. Pourtant, les spécialistes de ce drôle d'animal n'ont pas envie de rire : l'ornithorynque est menacé de disparition. La faute au changement climatique qui assèche les rivières d'eau froide dans lesquelles le mammifère aime barboter. Selon plusieurs chercheurs, l'habitat de l'animal endémique australien perdra prochainement pas moins d'un tiers de sa surface. Le pire scénario ? La Tasmanie pourrait devenir le dernier refuge de l'ornithorynque.

« imaginez un dealer qui n'a plus assez de doses à vendre, parce qu'il est trop occupé à se shooter lui-même ! »Un analyste du site Energy and Capital à propos de l'addiction au pétrole de l'Arabie Saoudite, le 27 juillet 2011.

Le gros Motmatière dernière

Isolant fort commode mais très toxique, l'amiante a été interdit de service en 1997 pour disparaître petit à petit des bâtiments.

Pour aller où ? Comme de nombreux déchets dangereux, il est vitrifi é puis enterré. Mais c'était sans compter sur

le design, bien décidé à le ressusciter. Gaëlle Gabillet et Stéphane Villard, deux designers industriels séduits par les propriétés thermiques et esthétiques du Cofalit, se

sont emparés de cet amiante vitrifi é. Rebaptisé « matière dernière », celui qu'on croyait mort redevient brique ou tuile, et compose désormais des poêles et des radiateurs, inoffensifs

bien sûr. Les derniers seront les premiers, on vous dit.

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22 Evénement Crise : quarante ans de fuite en avant

25 Entretien Amin Maalouf : « Repensons le monde »

28 J'ai testé… la contraception alternative

30 Reportage La banque mondiale des graines sème le trouble

36 Portrait Roland Jourdain

40 Le quiz de la rentrée

42 Portfolio Tomates : une vie sans terre

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L'agave, de La téquiLa dans Le réservoirEn faisant fermenter le suc de l'agave, une plante qui pousse principalement au Mexique, on obtient de la tequila. Que demander

de plus ? Que cette agave nous transporte, sans gueule de bois. Une équipe de chercheurs britanniques propose de l'utiliser pour produire un agrocarburant. Habituée aux zones semi-arides, donc peu gourmande en eau, la plante permettrait une importante production d'éthanol. Quant à son impact sur la planète, il serait « particulièrement minime », assurent les scientifiques. Contrairement à bien d'autres végétaux utilisés pour produire des agrocarburants. A boire ou à conduire, l'agave a de l'avenir.

La photo LA CORNE DE L'AfRiquE A fAimDes réfugiés somaliens au camp de Dadaab, au Kenya, le 8 août. La Somalie, déjà détruite par plus de vingt ans de guerre civile, fait aujourd'hui face à une famine. La crise humanitaire qui touche plus de 12 millions de personnes dans la région pourrait dépasser 15 millions si des mesures d'urgence ne sont pas prises. (Noor Khamis/Reuters)

Le chiffre

1 million C'est le nombre de robots qui seront

embauchés d'ici à 2014 par Foxconn, le n° 1 mondial du matériel informatique. Affaibli par une douzaine de suicides d'employés en 2010 (voir Terra eco n° 25, mai 2011), le fabricant taïwanais a d'abord augmenté les salaires de 70 %. Mais mécontent de l'explosion du coût du travail, il opte désormais pour une autre solution : décupler le nombre de ses machines (10 000 actuellement) qui accompliront les tâches « simples et répétitives » mises en cause l'an passé, lors de la “ vague ” de suicides. Résultat : la moitié du 1,2 million d'employés de Foxconn pourrait perdre son poste.

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Périple en carnets de voyage

« La mort peut-elle donc avoir ce visage paisible ? » L’herbe est épaisse, la lumière si belle et les fl eurs épanouies… à Tchernobyl. A la craie ou au pin-

ceau, en mots ou en dessins, l’invisible danger est raconté par trois voyages qui dépeignent avec effroi une excursion radioactive. C’est cela, Bouts du monde, 140 pages de carnets d’odyssée, de l’Inde à La Havane, des Pays de la Loire au Tadjikistan, réunies dans un trimes-triel. Des croquis urbains aux instantanés colorés, les escales se succèdent, émeuvent ou étonnent. Poésie et visions personnelles revendiquées.www.boutsdumonde.com

Nourrir ce petit chat frêle et claudiquant qui traverse parfois le jardin ? Cela revient à entretenir un meurtrier !

Rien qu’aux Etats-Unis, ces félins domestiques tuent chaque année plusieurs centaines de millions d’oiseaux, révèle le magazine américain Mother Jones. Les matous sont même parvenus à faire disparaître 33 espèces de volatiles à travers le monde. Cette tuerie participe donc à aggraver le changement climatique. Moins d’amateurs d’insectes, cela signifi e une prolifération de ces derniers, destructeurs de plantes. La solution ? Stériliser les trois quarts des 600 millions de chats du globe. Autant dire que ça n’est pas pour demain.http://motherjones.com

Rien qu’aux Etats-Unis, ces félins

Génération Y : travail et libertéCeux-là, on ne les aura pas avec une simple augmentation. Pour retenir les jeunes professionnels dans leur giron, les entreprises espagnoles com-mencent à se creuser la tête, observe le magazine sud-américain America Economìa. Mais qu’ont-ils donc, tous, à jouer les instables ? Nés dans les années 1980, ces bambins n’ont jamais appris la fi délité – professionnelle s’entend. Ambitieux, au point sur les nouvelles technologies et bien dans leurs pompes, ils sont prêts à tout quitter. Alors, quelques conseils pour garder ses bons éléments ? Jouer la franchise, l’esprit d’équipe et savoir se renouveler. Rapidement. www.americaeconomia.com

Mine de rien, vous jetterez peut-être un œil différent, ce soir, à votre lave-vais-selle. Histoire de voir si votre machine, aussi effi cace soit-elle pour faire briller fourchettes et tasses à thé, n’héberge pas également

quelques beaux champignons. Une étude euro-péenne, relate le magazine américain Scientifi c American, s’alarme en effet de la présence de micro-organismes pathogènes dans ces appareils ménagers. Partis explorer 186 lave-vaisselle à travers le monde, les chercheurs ont découvert cette dangereuse moisissure dans 62 % de leurs échantillons. La cause ? Un milieu chaud et humide très apprécié des champignons et ce, malgré tout le sel que vous pensez (parfois) à glisser entre deux cycles.www.scientifi camerican.com

Le lave-vaisselle, un nid à champignons

Bière à domicile aux Etats-UnisDurant la semaine, monsieur Artz est direc-teur des technologies de l’information dans un centre médical. Mais le week-end, il brasse des bières. Chez lui. Depuis qu’il a investi 1 800 dol-lars (1 300 euros) dans une cuve de fermentation, ce cadre américain a rejoint les 26 000 amateurs que compte l’Association nationale des brasseurs de bière à domicile. Le hobby est en plein essor aux Etats-Unis malgré la crise, nous apprend le New York Times. Car si fabriquer sa blonde coûte cher, la tendance « loca-vore » sévit aussi chez les buveurs de mousse. On murmure même que les occupants de la Maison-Blanche s’adonneraient à la pratique les soirs de Super Bowl…www.nytimes.com

« Sur nos côtes arrivent d’énormes embarcations délabrées conduites par des marins sans expérience où s’entassent jusqu’à 800 personnes. »Laura Boldrini, porte-parole du HCR en Italie, à propos des réfugiés libyens à Lampedusa, dans une interview au Corriere della Sera, le 5 août 2011.

Lu d’ailleurs

Des crocs criminels de voyage

ceau, en mots ou en dessins, l’invisible

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22 septembre 2011 terra eco

Non, la crise ne date pas de 2008. Dès les années 1970, le monde occidental dérégule, pousse les classes moyennes à l’endettement et ignore la montée des enjeux écologiques. Au lendemain des Trente piteuses, la facture est douloureuse. Récit en huit étapes.Par LOUISE ALLAVOINE

Crise économique et écologique : quarante ans de fuite en avant

1971 : bye bye Bretton WoodsLes Etats-Unis signent leur premier déficit commercial du XXe siècle. Pour financer sa guerre du Viêt-Nam, l’oncle Sam a inondé la planète de dollars. En 1971, la masse de billets verts dans le monde représente cinq fois la valeur des réserves en or détenues par le Trésor américain. Or, en 1944, les accords de Bretton Woods ont instauré un système de taux de change fixes où toutes les monnaies sont définies en dollars. Seul le billet vert est rattaché à l’or. Le 15 août, le président Richard Nixon annonce la fin de la convertibilité du dollar en or. C’est la fin du système monétaire international qui s’écroule définitivement en 1973, avec l’adoption d’un système de changes flottants. Il est possible de spéculer sur les monnaies : un boulevard pour le développement de flux financiers sans rapport avec les flux de production.

L’économie expliquée à mon père

1973 : le pétrole s’envoleAvec la fin des accords de Bretton Woods, le dollar désormais « flottant » pique du nez. Or, les prix du pétrole sont fixés en billet vert. Conséquence pour les pays producteurs : une baisse significative des revenus. En octobre 1973, la guerre israélo-arabe du Kippour offre aux pays membres de l’Opep, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, l’occasion de se rebiffer. Ils annoncent un embargo sur les livraisons d’or noir. C’est le premier choc pétrolier. Cette pénurie soudaine et artificielle aurait pu sonner comme un avertissement aux oreilles des grandes puissances importatrices. La hausse rampante du prix du baril, due à la raréfaction des ressources fossiles, sera dorénavant un facteur concomitant des crises économiques. En juillet 2008, à 147 dollars le baril de Brent, il battait tous les records. Un hasard ?

Un panneau marquant le ras-le-bol des pompistes américains après le premier choc pétrolier.

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1981 : Reagan superstarL’Etat-providence se meurt. L’accession au pouvoir de Margaret Thatcher au Royaume-Uni et de Ronald Reagan aux Etats-Unis ouvrent la voie aux idées néolibérales, qui encouragent la dérégulation et l’allégement des charges. Reagan baisse les impôts des plus riches, mais augmente les dépenses militaires. Le déficit public explose. « Lorsqu’on observe l’évolution de la dette aux Etats-Unis, on se rend compte que jusqu’en 1981, le ratio dette/PIB est stable », explique l’économiste Pierre Larrouturou. « Mais les règles définies lors du sommet de Philadelphie en 1944 sont démantelées. Il n’y a plus de partage équitable de la productivité entre salariés et actionnaires. » Les Américains s’endettent pour maintenir le niveau de vie qu’ils n’atteignent plus par leur salaire. « Dans les 15 pays les plus riches de l’OCDE, la part des salaires dans le PIB baisse de 10 % en trente ans. Quelque 35 000 milliards de dollars (24 000 milliards d’euros, ndlr) revenant aux salariés, sont allés vers les marchés financiers : le hold-up du siècle ! » A Philadelphie, le président Roosevelt avait pourtant prévenu : « Il n’y aura pas de paix durable sans justice sociale. »

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2000 : de la bulle Internet aux « subprimes » !Après l’effondrement en 2000 des valeurs technologiques, l’économie a besoin d’un autre relais de croissance. Chaque Américain rêve de posséder sa maison. Les organismes de crédit promettent de les exaucer grâce aux « subprimes », ces prêts immobiliers aux taux imbattables… les premières

années. La Banque centrale américaine, la Fed, par son taux d’intérêt directeur particulièrement faible encourage le mouvement. En 2006, le volume de ces

crédits atteint 640 milliards de dollars, soit 23 % des prêts immobiliers américains. Qu’importe que les emprunteurs soient souvent peu solvables, puisque les prix ne cessent de grimper. En cas d’insolvabilité, le prêteur peut donc récupérer son dû en vendant le logement. Mais catastrophe, la Fed relève plusieurs fois son taux directeur. Les Américains endettés voient l’intérêt de leur emprunt à taux variable s’envoler et vendent. Le rêve américain vire au cauchemar.

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Le président américain Ronald Reagan et sa femme Nancy à Washington après son élection, en 1981.

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2009 : l’échec de la régulationLa planète finance brûle. Le 18 septembre 2008, l’administration Bush se dit prête à débourser 700 milliards de dollars (480 milliards d’euros) pour racheter les actifs à risques et relancer le marché du crédit. En Europe, les différents plans nationaux de sauvetage, annoncés la semaine suivante, font grimper l’enveloppe globale de la zone euro à 1 700 milliards d’euros. En avril 2009, les pays du G20 promettent de réguler les marchés financiers et bancaires. Après trente ans de recul, les Etats semblent signer leur grand retour. Mirage. « Les symptômes ont été traités mais pas les causes, pointe Patrick Viveret. Aujourd’hui, il y a un besoin urgent de mesures de régulation fortes : il faut instaurer le contrôle des changes, la taxation des transactions financières, fermer les marchés financiers quand ils basculent dans la démesure. »

2010 : la Grèce plongeAlors qu’on croyait l’hémorragie jugulée, le mal change de nature : voilà la crise de la dette publique. Les banques et fonds d’investissement se sont tournés vers le marché des dettes publiques, réputé (plus) sûr. Sauf que celles-ci enflent. En Europe, on doute de la capacité de la Grèce à rembourser. Les taux d’intérêt grimpent, Athènes a du mal à emprunter. L’Union, d’abord réticente, vient deux fois à son secours avec le FMI (Fonds monétaire international), mais au prix d’un plan d’austérité inédit. Selon le président de l’Observatoire français des conjonctures économiques,

Eté 2011 : la rechuteFin 2008, la récession menace. Les Etats sortent alors l’arme anti-crise : la relance. En décembre, l’UE prévoit d’injecter 200 milliards d’euros dans l’économie. En janvier 2009, le président américain Barack Obama annonce un plan de 825 milliards de dollars (570 milliards d’euros). « C’est la recherche désespérée de la croissance par l’endettement », commente Patrick Viveret. C’est un échec. Début 2011, aucun pays développé n’a retrouvé ses taux de croissance d’avant-crise. Au premier trimestre 2011, le PIB des Etats-Unis augmentait de 63 milliards de dollars (44 milliards d’euros). Dans le même temps, la dette grimpait de

380 milliards (263 milliards d’euros). S’endetter plus pour gagner moins. Le 31 juillet, douche froide à la publication des résultats américains. La croissance n’a pas dépassé 0,4 % au premier trimestre contre les 1,9 % attendus. Le 5 août, l’agence de notation Standard & Poor’s dégrade la note des Etats-Unis. C’est la première fois qu’ils perdent leur triple A. La nouvelle fait plonger les principales places boursières mondiales.

2008 : Lehman Brothers au tapis

« Un des problèmes majeurs de la crise vient des produits financiers dits dérivés, souligne Patrick Viveret, philosophe et économiste. Leur marché représente plus de 600 000 milliards de dollars (415 000 milliards d’euros, ndlr)de transactions par an. C’est l’économie casino, sans rapport avec l’économie réelle. » Noyés parmi d’autres créances moins risquées, ces placements attirent les investisseurs. Courant 2007, les bilans d’établissements financiers américains et européens se révèlent farcis de crédits insolvables. Certains n’y résistent pas. Le 14 septembre 2008, Lehman Brothers fait faillite. En octobre, les bourses mondiales craquent. A la crise bancaire, qui grippe le crédit, succède une crise économique, la plus importante depuis 1929.

Jean-Paul Fitoussi, dans Libération le 6 août, la crise de la dette grecque « a introduit une peur généralisée des gouvernements de se retrouver contaminés ». La rigueur est sur toutes les lèvres. « Le message dominant pour rassurer les marchés est de couper dans les dépenses sociales. Or, l’austérité a des effets délétères », alerte Patrick Viveret. « Certains disent qu’il faut d’abord gérer la tourmente financière et que les crises sociale et écologique ne pourront se régler qu’après. Mais ces dernières sont la partie immergée de l’iceberg. C’est à elles qu’il faut s’attaquer en priorité », appelle Pierre Larrouturou.

Le 14 septembre 2008, la banque d’investissement américaine Lehman Brothers fait faillite.

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Changer radicalement de logiciel, c’est ce que propose Amin Maalouf pour sortir de la crise. L’écrivain dénonce l’aveuglement des secteurs économiques et politiques mais garde espoir. En quoi ? En l’Europe, malgré tout. Recueilli par DAVID SOLON

« Exigeons d’autres équilibres que ceux dictés par la productivité et la rentabilité »

Crise financière, révolutions arabes, protestations urbaines, notre monde est-il à ce point déréglé ?Le malaise que traverse actuel-lement le monde se manifeste

de diverses manières. Tant de choses semblent échapper à tout contrôle ! La tourmente financière qui secoue la planète est évidemment l’un des signes de ce dérèglement. Quand on croit que la crise s’est apaisée,

elle repart de plus belle. Et les solutions qui sont censées régler les problèmes en profondeur s’avèrent à chaque fois insuf-fisantes. Si bien que la crise de confiance se généralise. Et les rumeurs font le reste.

Amin MaaloufNé à Beyrouth (Liban) en 1949, Amin Maalouf vit à Paris depuis 1976. Après des études d’économie et de sociologie, il devient grand reporter. Ancien directeur de l’hebdo An-Nahar International, puis rédacteur en chef de Jeune Afrique, il se consacre aujourd’hui à l’écriture. Amin Maalouf est l’auteur de Léon l’Africain, Samarcande, Le Rocher de Tanios (prix Goncourt 1993)… Il a publié Le

dérèglement du monde en 2009. En juin dernier, il est élu à l’Académie française.

L’entretien

Avons-nous si peu retenu de la multicrise de 2008 – financière, monétaire, économique, écologique… – pour rechuter aussi vite ?S’agissant de la crise financière, il me semble, en effet, que l’on n’en a pas vraiment retenu les leçons. Si j’écoute les analyses de professionnels de la finance, j’entends que les comportements n’ont pas changé, malgré le signal d’alarme de 2008.

Le 14 septembre 2008, la banque d’investissement américaine Lehman Brothers fait faillite.

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La Bourse ressemble toujours à un casino où

même les banques classiques, les banques de dépôt, continuent à s’inviter à la table. Les comportements sont encore pires concernant la question cli-matique ! Nous n’avons rien fait qui soit à la hauteur de la menace – réelle – qui pèse sur la planète. La conférence de Copenhague a clairement démontré l’absence de volonté collective face à ce péril. A quelques exceptions près, ni les pays développés ni les pays émergents ne se comportent de manière responsable. Rien, en tout cas, qui soit à la mesure de ce défi.

Ce dérèglement que vous décrivez n’est-il pas avant tout celui du capitalisme ?Le capitalisme est bien entendu

en crise. Le problème, c’est qu’il n’y a pas d’alternative au capitalisme. Il faut d’urgence donner davantage de place, dans le cadre d’une économie de marché, à des politiques qui ne recherchent pas seulement les résultats à court terme. Je prends un exemple : tailler dans les budgets du système éducatif porte ses fruits très rapidement si l’on raisonne en masse finan-cière. Mais comment mesurer l’impact de coupes sévères dans l’éducation sur le long terme pour une société ? L’instabilité inquiétante dans laquelle se trouve le monde exige que nos choix politiques soient désor-mais guidés par la recherche d’autres équilibres que ceux dictés par la productivité et la rentabilité.Lorsqu’on assiste à des explo-

sions de colère, comme celles qui ont secoué l’Angleterre au cours des dernières semaines, on se dit qu’il est dangereux pour une société de laisser une partie de ses membres, notamment parmi les jeunes, au bord de la route. Le chômage, la diminution de la qualité de l’enseignement, le pourris-sement de certains quartiers et, ce qui est bien plus grave encore, l’absence d’horizon, ce sentiment que l’avenir est bouché, c’est extrêmement grave. Nous avons besoin de bien gérer la cohésion sociale. Ce qui inclut aussi la gestion de la diversité. Car l’une des dimensions des troubles récents est manifestement ethnique, ce qui contribue à renforcer le sentiment d’exclusion et de discrimination.

Pour moi, la gestion de la diver-sité est partout déficiente et quelquefois désastreuse.

Le monde est-il sans cap ?Je pense que notre monde doit être repensé, et que l’on doit se demander de manière sérieuse : où allons-nous, et que devons-nous construire ?La fin des années 1970 a marqué une rupture dans la vision que l’on avait du rôle de l’Etat en Occident. Avec l’arrivée au pou-voir de Margaret Thatcher au Royaume-Uni et de Ronald Reagan aux Etats-Unis, qui ont inauguré une « révolution conservatrice », marquée par une grande méfiance à l’égard du rôle de l’Etat comme à l’égard de la protection sociale. C’était le retour triomphal du monde d’avant le New Deal, d’avant ge

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Manifestation en Grèce contre les réformes du gouvernement pour lutter contre la crise économique.

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L’entretien

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l’Etat-providence. Les consi-dérations sociales sont passées au second plan, ce qui a eu des conséquences profondes que l’on n’a pas toujours su évaluer, tant on était obnubilé par le désir de réduire les dépenses de l’Etat, de diminuer les impôts, de pro-mouvoir la productivité.Un tiers de siècle plus tard, nous vivons toujours dans un monde où ces idées sont pré-dominantes, où le conserva-tisme paraît avant-gardiste et où la défense des acquis sociaux paraît, à l’inverse, conservatrice et même passéiste.

La dégradation par Standard & Poor’s de la note financière des Etats-Unis est hautement symbolique. La confiance du monde est ébranlée…Nous condamnons les Etats-Unis quand ils se comportent de manière arrogante et nous les supplions d’intervenir quand ils paraissent tentés par l’isolation-nisme. Ils sont à la fois irritants et indispensables.La remise en cause publique de leur crédibilité économique et financière devrait les inciter à redéfinir leur rôle. La première

réaction de l’administration Obama était indignée, et on le comprend. Mais on peut espérer que ce « soufflet » symbolique finira par susciter une prise de conscience. Il est clair que les Etats-Unis vivent au-dessus de leurs moyens. Ils s’endettent trop, et ils consomment trop, ce qui pèse sur les ressources de la planète ; surtout si l’on consi-dère qu’ils servent de modèle, et que des milliards d’êtres humains voudraient consommer comme eux. La pression sur les ressources énergétiques, miné-rales et alimentaires serait inte-nable si les sept milliards de nos contemporains qui seront sur terre fin octobre se mettaient à consommer, par tête d’habi-tant, autant que leurs congénères d’outre-Atlantique. Sur un autre plan, il est clair que le statut d’hyperpuissance des Etats-Unis apparaît parfois aujourd’hui comme une res-ponsabilité gigantesque, trop lourde à porter. On a vu, au cours des crises actuelles, que ni la Chine, ni la Russie, ni les pays émergents ne peuvent jouer un rôle similaire. Le seul bloc capable de s’élever à ce niveau, c’est l’Europe. Mais c’est, à la

vérité, purement théorique, pour ne pas dire un vœu pieux.

L’Europe que vous souhaitez puissante et rayonnante mais dont vous pointez les faiblesses…La construction européenne est l’une des entreprises les plus importantes de l’histoire de l’humanité. Que des dizaines de nations décident librement d’unir leur destin et de mettre derrière elles leurs conflits séculaires, c’est là une avancée remarquable. De ce point de vue, l’Europe devrait repré-senter un modèle, et un repère. Malheureusement, cet espace traverse aujourd’hui une crise grave qui exige un sursaut. Les acquis des soixante dernières années sont menacés, et le risque est grand de voir se renforcer les tendances xénophobes et les tentations séparatistes. Pour retrouver une Europe qui ose aller de l’avant, nous devons œuvrer pour que les citoyens aient un sentiment d’appar-tenance réelle à l’Europe, qui transcende les autres apparte-nances sans toutefois les abolir. De mon point de vue, cela exige

de construire l’Europe cultu-relle comme on a construit l’Europe économique, avec la même détermination.

Vous imaginez une Europe capable de guider le monde sur ses valeurs d’intégration, de solidarité, d’écologie et de raison économique. N’est-ce pas utopique ?Je suis persuadé que l’Europe a une mission importante à accomplir envers le reste du monde, et j’ai le sentiment qu’elle ne la remplit pas aujourd’hui, ou alors de manière très incomplète.Nous assistons, depuis le début de cette année, à un boulever-sement historique majeur en Afrique du Nord et au Proche-Orient. Face à ces événements qui se déroulent dans son voisi-nage immédiat, l’Europe adopte parfois une attitude frileuse, sans vision à long terme et sans grande générosité. Mais souvent aussi elle adopte une attitude de principe, saine et courageuse ; malheureusement, elle s’essouffle vite, parce qu’elle ne s’est pas donnée les moyens nécessaires pour jouer pleinement son rôle sur la scène internationale. —

« Notre monde doit être repensé. On doit se demander de manière sérieuse : où allons-nous, et que devons-nous construire ? »

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Il y a quelques mois, je vous ambiançais sur la méthode idéale pour perdre dix kilos et opti-miser son cycle reproducteur (Mais si, le régime Dukan). Cette fois-ci, j’ambitionne d’expliquer comment passer à l’acte sans craindre le mixage

de patrimoine génétique. En gros, s’envoyer en l’air sans donner la vie. Attention, ce test se penche sur une méthode de contraception naturelle, garantie sans chimie, ni intrusion physique (ni capote, ni stérilet ne sont concernés). Car on peut être une adepte du « no kid » ET du « no chemicals ». On est chiante ou on ne l’est pas. Donc, farfouillons du côté des alternatives. Mais d’abord, pourquoi éviter la pilule, qui a tant œuvré pour la libération des femmes, m’objecte-rez-vous ? Plus de cinquante ans après sa mise au point, elle alimente encore des pages et des pages de revues médicales. Certaines études affirment que, combinée à la clope et aux verres de vin, elle démultiplie les risques de cancer du sein, d’accident cardio-vasculaire, de thrombose veineuse… Dans l’autre camp, on estime qu’elle diminue les risques de kyste ovarien, de fibrome, de cancer de l’ovaire,

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Le code de l’ordi de poche Lady-Comp ? Voyant rouge, c’est ceinture. Voyant vert, c’est fête du slip !

In vivo

de l’endomètre, du colon… « Dans le doute… », disait ma grand-mère. Certes, mais l’abstinence, c’est aussi, ce que je veux éviter !

Des œufs dans les testicules Ce qui me chiffonne aussi, c’est l’impact sur l’en-vironnement de la pilule. Bourrée d’hormones synthétiques, elle perturbe nos amis les poissons. Eliminées par nos urines, ces hormones passent le filtre des stations d’épuration et finissent dans les rivières. Conséquence : les poissons mâles se fémi-nisent, nous disent les chercheurs. Notamment ceux du laboratoire d’écotoxicologie de l’université du Havre, qui étudient ce dérèglement chez les gardons depuis 1998. Ils ont vu des mâles produire des œufs

Moi, j’aime les enfants mais surtout en photo. Pour éviter le berceau à la maison, les solutions ne manquent pas : préservatif, stérilet, pilule… Efficace mais je tique sur la chimie et les contraintes. Examinons les autres possibilités. Pas de la divination, hein. Des méthodes sérieuses ! Par LAURE NOUALHAT / Illustration : JULIEN COUTY pour « Terra eco »

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au sein de leurs testicules. Certes, d’autres molécules chimiques pourraient être en cause mais « dans le doute », moi, j’évite la pilule (parce qu’arrêter la miction, ça va être coton).Avec les méthodes naturelles, on dispose d’une variété de choix. On peut faire comme mémé et pratiquer la technique du retrait. Môssieur se libère où bon lui semble mais pas dans notre appareil reproducteur. Pour des leçons de jouissance alternative, munissez-vous d’un Kamasutra.Doit-on mentionner la très périlleuse technique du docteur Ogino-Knaus impliquée dans nombre « d’accidents » ? Elle nécessite au minimum des cycles très réguliers et une tête bien faite puisqu’il faut déterminer sa période péri-ovulatoire au doigt mouillé… Autant le dire, elle présente un fort taux d’échec. Moins ragoûtant mais, paraît-il, efficace : la lecture dans la glaire cervicale qui se base sur l’observation de nos sécrétions. Pour ça, je vous laisse chercher sur Internet.

Le TAO, thermomètre assisté par ordinateurSoufflée par une copine lestée de trois enfants et rétive à la stérilisation, la solution viendrait peut-être d’Allemagne. Il s’agit de la méthode du thermomètre assisté par ordinateur. Il faut d’abord comprendre qu’autour de l’ovulation, il se passe plein de trucs dingues, notamment des écarts de température cor-porels d’environ 0,5° C. Un ordinateur de poche, appelé le Lady-Comp (pour « computer », pas pour « compulsive », enfin…), prend notre température au centième près.

Près de la moitié des Françaises en âge de procréer recourent à la pilule, environ 20 % aux contraceptions barrières (préservatifs, diaphragme) et 18 % au stérilet. Autour de 2 % des femmes fertiles n’utilisent aucun contraceptif et 4 % ont définitivement fermé le ban en ayant recours à la stérilisation volontaire.

Repères

Au saut du lit, premier geste : glisser sous la langue une pastille reliée à un fil et attendre à peine quelques secondes le verdict de la machine. Durant le premier mois, mieux vaut se protéger d’une autre façon, le temps que l’appareil fasse connaissance avec votre cycle reproducteur. Dans ce cas, il allume sa loupiote orange. Au cycle suivant, dès le milieu du mois (quand le follicule est mûr, pour les pros des menstrues), le voyant passe au rouge pour une dizaine de jours. Traduire : zone fertile, voire ultra-fertile à l’horizon. Gaudriole alternative ou lecture de polars au menu ! Au pic de ma fécondité, le rouge clignote. Ceinture ! Verrouillée à triple tour ! Puis c’est à nouveau le feu vert pour la fête du slip.Comme il s’utilise chaque jour, ce thermomètre ultra-précis est aussi contraignant que la pilule : à ne pas oublier en voyage, ni au fond du sac. En cas de grosse crève ou de gueule de bois, éviter VRAI-MENT de compter sur lui. En dépit de ces écueils, il remplit tous les critères. Sauf qu’il y a un hic : son prix. 495 euros ! « No kid », « no chem », mais surtout « no comment » ! —

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Creusée dans le sol gelé d’une île norvégienne, la Réserve de Svalbard vise à conserver au frais la plus grande variété de semences. Mais cette méthode hors-sol interroge. Tout comme la présence de géants des OGM qui gravitent autour du projet. Par MATHILDE GOANEC (envoyée spéciale à Svalbard) / Infographies : WeDoData

La banque mondiale des graines sème le trouble

Le reportage

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«Il m’est arrivé une fois de les oublier », marmonne Roland Von Bothmer. Emmitouflé dans une parka épaisse, la tête

cachée sous un bonnet, il cherche fébrilement ses clés. Nous sommes à l’entrée de la Réserve mondiale de graines de Svalbard, en compagnie de ce professeur suédois de génétique et de sélection des plantes. Il est l’un des deux scientifiques mandatés par la Banque des semences nordique pour s’occuper de la collection entreposée

à l’intérieur. En ce mois de juin, la lumière frappe de jour comme de « nuit » les paysages glacés de l’archipel de Svalbard, à l’est du Groenland. 78 degrés de latitude nord, dans l’océan Arctique. Créée en 2008, la réserve se situe très précisément sur l’île de Spitzberg, non loin de la principale localité de l’archipel, Longyearbyen. Cette ville ou plutôt ce village constitue le cœur de ce chapelet d’îles et de banquise sous souveraineté norvé-gienne depuis la fin de la Première Guerre mondiale.

Zéro chômeur, zéro maladeInquiet de la disparition progressive de nombreuses variétés de plantes alimentaires, en quête d’un lieu sûr où construire une gigantesque banque de graines, la communauté scientifique

« C’est un système de sauvegarde,rien de plus. Nous ne réalisons pas de travaux de recherche » Roland Von Bothmer, professeur en charge de la collection de la Réserve de graines de Svalbard

internationale a porté son choix, au milieu des années 2000, sur ce terri-toire considéré comme l’un des plus stables du monde. Les quelque 2 000 personnes qui peuplent Longyearbyen la décrivent comme une « communauté idéale ». Autrefois dédiée au charbon, la prin-cipale ressource énergétique de l’île, et peuplée de mineurs, la ville est désor-mais un bourg familial avec jardins d’enfants, école et superbe université spécialisée dans la recherche sur le milieu arctique. Pas de chômeurs, pas de malades, pas de retraités, rien ne dépasse dans ce village norvégien modèle du bout du monde. C’est donc tout naturellement que la réserve de graines a trouvé sa place dans ce lieu qui fait désormais office de « congélateur naturel ». m

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« C’est un endroit idéal pour la conservation des semences grâce

au permafrost (sol gelé en perma-nence durant au minimum deux ans, ndlr) », estime Kjell Mork, le maire de Longyearbyen. Avec sa longue barbe blanche et noire et ses yeux bleus, l’homme semble tout droit sorti d’un conte nordique. « Mais vous savez, poursuit-il, les gens d’ici ne savent pas trop ce qui se passe dans cette réserve et ça ne les intéresse qu’à moitié. Alors que si vous regardez sur le Net, c’est l’élément qui génère désormais le plus de clics concernant Svalbard. »

Sorgho, basilic, melon…« Arche de Noé », « sanctuaire de la biodiversité », « jardin glacé »… Sur la Toile en effet, la réserve de Svalbard alimente les fantasmes. Mais lorsque la porte s’ouvre, on ne découvre qu’un immense tunnel qui s’enfonce sous la montagne et débouche sur trois chambres froides. Elles accueillent pour le moment 450 000 types de semences, en provenance de 22 pays. Mais la capacité totale de ce coffre fort s’élève à 4,5 millions de spécimens. A l’intérieur, il règne bien évidemment un froid glacial. Si bien que le givre a envahi les parois. « C’est un système de sauvegarde, rien de plus. Chaque graine entreposée ici a son duplicata dans son pays de provenance. Nous ne réalisons pas de travaux de recherche », souligne le professeur suédois. Sont conservées là en priorité les semences

anciennes et les variétés oubliées des plantes alimentaires. On trouve aussi bien du maïs que du sorgho, du melon que du basilic, des cacahuètes que du riz. Ces graines viennent du monde entier, selon la volonté des pays partenaires du projet, mais restent la propriété intégrale des banques génétiques nationales ou des instituts de recherche locaux. Déshydratées au maximum, elles sont placées dans des sachets haute

conservation, « les mêmes que ceux qui contiennent la nourriture des astro-nautes », relève Roland Von Bothmer. Puis, dans des caisses hermétiques, elles voyagent par bateau ou par avion jusqu’à Svalbard. Installées dans les chambres froides, les semences sont plongées dans un état de demi-sommeil qui peut durer des décennies. De l’aveu même du scientifique, impossible de connaître précisément la durée de conservation des graines sous cette

Des graines du monde entier

Le reportage

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forme : « Mais les banques qui nous envoient ce matériau sont censées contrôler l’état de leur collection sur place et nous avertir si un problème survient. Dans ce cas, il faut recom-mencer l’opération. »

L’aide de Bill GatesMalgré son apparence relativement inoffensive, la « banque des banques » se trouve au cœur de la polémique qui oppose les tenants de la biodiversité in situ, impliquant les agriculteurs, et les fervents de la conservation hors-sol. Et le mode de financement de la réserve donne du grain à moudre à ses détracteurs : si la construction et la maintenance du lieu sont assurées intégralement par l’Etat norvégien, différents partenaires publics et privés se sont unis dans le finance-ment du Global Crop Diversity Trust, un organisme chargé de la collecte et de l’acheminement des graines à sauvegarder pour les pays en voie de développement. Pas moins de 153 mil-lions d’euros ont été récoltés. Dans la liste des fondations et sociétés impliquées, on retrouve des géants des biotechnologies et des semen-ciers, Syngenta et DuPont Pioneer notamment, régulièrement accusés d’appauvrir la biodiversité mondiale en commercialisant des semences OGM brevetées et en organisant à leur profit un monopole sur les semences. Par ailleurs, le plus gros contri-buteur privé n’est autre que la

Le reportage

UN vILLAGE BACK IN USSRBien que sous souveraineté norvégienne, l’archipel de Svalbard est doté d’un statut international. En vertu de cette spécificité, la Russie possède un village sur l’île de Spitzberg, Barentsburg, construit autour d’une mine de charbon en 1932. Si l’exploitation tourne au ralenti depuis la chute de l’Union soviétique, Moscou s’accroche à cette quasi-enclave en terre norvégienne. Les deux pays anticipent en effet les changements géostratégiques mais aussi climatiques. Car si les glaces fondent davantage, une voie navigable s’ouvrira bientôt au nord. Elle permettra de relier l’Europe à l’Asie par l’océan Arctique. Svalbard constituera alors un port incontournable sur cette nouvelle route des Indes. En attendant, Barentsburg vivote. Choyé sous l’URSS, le village comptait plus de 2 000 habitants. Ils sont à peine 400 aujourd’hui. La mine de charbon produit de quoi chauffer la ville et exporte péniblement quelques milliers de tonnes par an. Pourtant, le village reste lié à l’entreprise d’Etat chargée de son exploitation, ArticUgol. C’est elle qui achemine les travailleurs, les paye, leur fournit un toit… Le bar a fermé depuis longtemps. Subsistent seulement une cantine et deux magasins, l’un d’alimentation, l’autre de vêtements et de produits d’entretien. Pour payer, les habitants utilisent une carte « ArticUgol » qui débite l’argent sur leur compte alimenté par l’entreprise. Certains produits sont rationnés, comme la vodka ou le sucre.

Une majorité de travailleurs ukrainiensKsénia, professeure à l’école du village, postière et responsable de la Maison de la culture, s’en amuse : « On dit que lorsque l’on arrive à Barentsburg, on retourne en Union soviétique. C’est tout à fait vrai ! » Entre la « grande » ville de l’archipel, Longyearbyen, et Barentsburg, le contraste est saisissant. Pourtant, la plupart des habitants ne se plaignent pas, vantent la salle de sport et le centre culturel, le téléphone portable au tarif de Moscou et l’accès aux mêmes chaînes que sur le continent. « Je suis venu travailler ici parce que je suis seule et que je dois élever mon fils de 14 ans, confie Natalia, arrivée d’Ukraine, comme la majorité des travailleurs du village. Chez nous, une femme qui gagne 5 000 grivnas (environ 450 euros, ndlr, c’est bien le maximum. Et que faire avec ça ? » Excepté pour quelques rares scientifiques qui goûtent aux joies du pôle, la vie de ce côté-ci de l’archipel est étroite, laborieuse et sous contrôle. Glaçante. —

« Ça ne marche pas comme ça ! Face aux maladies du futur, on ne puise pas dans la biodiversité : elle se travaille sur le terrain ! »Pierre-Henri Gouyon, professeur au Muséum national d’histoire naturelle de Paris

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Fondation Bill et Melinda Gates, qui a acheté, en 2010, pour plu-

sieurs milliards de dollars d’actions chez un autre géant des organismes génétiquement modifiés et de la bio-chimie, le célèbre groupe Monsanto. « Le rêve de ces gens est celui d’une agriculture totalement homogène et technologique, s’insurge Pierre-Henri Gouyon, professeur au Muséum national d’histoire naturelle de Paris. Et face aux maladies du futur, on ira chercher le gène résistant dans les variétés anciennes, que nous aurons stockées dans une banque… Mais ça ne marche pas comme ça ! On ne puise pas dans la biodiversité. Elle se travaille sur le terrain ! »

Joujou marketing ?Roland Von Bothmer est conscient des limites du projet : « Oui, je pense que les pouvoirs publics ont échoué. Nous aurions dû favoriser les petites compagnies publiques et privées qui auraient pu participer au processus de sélection des plantes, et ne pas laisser

Le reportage

Les espèces les plus représentées

le monopole aux énormes compagnies internationales. Mais je vous assure, la meilleure des choses qui puisse arriver est que les semences entreposées à Svalbard ne servent jamais. » Joujou marketing, instrument néces-saire à la conservation de la biodiver-sité ou nouvelle arme des multina-tionales pour asseoir leur suprématie

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sur le monde agricole ? Il est temps de prendre le chemin du retour. La réserve se referme. Enfin à l’air libre, le scientifique Roland Von Bothmer grille une dernière cigarette près de ce sanctuaire installé là où ne pousse rien. —www.regjeringen.no/en/dep/lmd/

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« On peut reprocher des tonnes de choses à Veolia mais moi, je trouve chez eux plein de gens prêts à creuser de nouvelles pistes. »

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Roland Jourdain est ravi. Il a gagné sa guerre contre le goéland. L’oiseau n’aveuglera plus ses 200 mètres carrés de panneaux photovoltaïques. « La bataille fut rude, admet-il. Mais on a trouvé la bonne stratégie : nettoyer les déjections à l’arrosage automatique ! ». Avec de l’eau de pluie récupérée,

bien sûr. Depuis qu’en avril, la société du skipper breton, Kaïros, a inauguré ses nouveaux locaux à Concarneau, l’installation a fourni plus d’électricité que le bâtiment n’en a consommée. Un pas de plus dans la démarche écolo du double vainqueur de la Route du Rhum, la transat en solitaire qu’il a remportée en 2006 et l’an passé. D’abord, le navigateur s’est penché sur son empreinte éco-logique. En 2009, il boucle le bilan carbone d’un cycle de préparation au Vendée Globe, tour du monde en solitaire et sans escale. Sur trois ans, la conception et la fabrication du monocoque, les déplacements, la logistique, le bâti-ment qui accueille son équipe de course pèsent autant que l’aller-retour Paris-New York d’un avion plein, soit 605 tonnes équivalent CO

2. « Je me focalisais sur le bateau. 

Effectivement, c’est loin d’être un ange du développement durable. Mais j’ai peu de leviers pour agir dessus. Par contre, il y a plein de choses qu’on peut améliorer facilement par rapport à la vie de l’équipe », découvre-t-il. Ainsi, Kaïros a déménagé ses locaux de quelques numéros dans un bâti-ment des années 1970 qu’il a rénové vertement : toilettes sèches, isolation à la ouate de cellulose, matériaux naturels, panneaux solaires… « Il a fallu faire des compromis mais une de mes plus grandes satisfactions, c’est que 95 % de ce qu’on a utilisé est compostable. » Pas étonnant qu’il se passionne pour le chantier. Gamin, Roland Jourdain rêvait de travailler dans le bâtiment, comme papa. On n’est pas marin dans la famille Jourdain mais on aime le grand air du Finistère. « J’étais souvent au bord de 

l’eau, à la pêche avec mon père, raconte-t-il. Et pendant les vacances d’été, je faisais des stages Optimist », un bateau pour les 6-12 ans. A l’école de voile du Fouesnant Cap-Coz, Roland devient « Bilou ». Le surnom lui va bien. Peut-être parce qu’il évoque un gentil ours rigolo aux solides épaules. C’est durant ces stages estivaux que le garçon attrape le virus de la mer. Et la sensibilité environnementale ? « Il n’y a pas d’événement particulier, ça m’a toujours intéressé. Mais dans mon adolescence, il y a bien eu la fameuse affaire de Plogoff. » C’était en 1980. A l’époque, le Finistère se mobilise contre un projet de centrale nucléaire à proximité de la pointe du Raz. On n’est pas militant chez les Jourdain mais Roland a 17 ans et manifeste en cachette.

Un surf en fibres de lin Bilou est ravi. Ce 8 juillet 2011, il baptiste son nouveau bateau. Sur la grand-voile est écrit « Veolia Environnement ». Le leader mondial des services à l’environnement le sponsorise depuis 2004. Budget : 4,5 millions d’euros pour la préparation d’un tour du monde en solitaire. La multinationale a mis 2,5 millions de plus sur la table pour ce nouveau bateau, le MOD 70, premier trimaran du navigateur, qui jusqu’ici pratiquait le monocoque. Si Veolia Environnement investit dans ce sport réputé propre, c’est pour porter à tous vents un message vertueux. Et Florence Mairal, la directrice de la communication de l’entreprise, ne manque pas l’occasion de le répéter en ce jour de baptême : « On est tous sur le même bateau, la Terre, et nous devons gagner tous ensemble pour le bien commun. » Pourtant, ces dernières années, plusieurs controverses liées à la gestion de l’eau ont mis à mal cette belle antienne. En 2010, le documentaire Water Makes Money sur les sociétés qui contrôlent la gestion de l’eau, épinglait sévèrement la multinationale. « On peut reprocher des tonnes de choses à Veolia mais moi, je m’intéresse à la 

Le double vainqueur de la Route du Rhum ne se contente pas de filer sur les mers. Le navigateur écoconçoit ses locaux, expérimente des matériaux… Sans remous, « Bilou » mène sa barque écolo.Par LOUISE ALLAVOINE

Roland Jourdain, marin de pleine Terre

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technique et au terrain et je trouve chez eux plein de gens prêts à creuser avec moi de nouvelles pistes pour 

améliorer les choses, nous aider à tester nos matériaux, faire mon bilan carbone, etc. », réplique le skipper.Sur cette grand-voile, il est donc écrit « Environnement ». Mais le trimaran rouge n’est pas vert. La coque se compose de carbone, « c’est-à-dire du pétrole. Ce n’est pas “ bien ”, confesse Roland Jourdain. Seulement, on ne sait pas encore faire des bateaux de course écoconçus ». A ses heures per-dues, le responsable composite de Kaïros planche sur des matériaux alternatifs comme les fibres de lin. Afin de tester leur vieillissement dans l’eau, un surf a été fabriqué. Les premiers tests se révèlent concluants. En cherchant de nouveaux matériaux pour ses bateaux, Kaïros va peut-être révolutionner le monde de la glisse. « L’objectif n’est pas précis mais on avance. Et à chaque fois qu’on ouvre un tiroir, on découvre un nouveau truc », se réjouit Roland Jourdain.

« Il est sur des questions concrètes »Le milieu de la voile a produit beaucoup de navigateurs écolo-engagés. Ou plutôt de navigatrices, à l’image d’Ellen MacArthur qui promeut, via sa fondation, l’économie circulaire. Le Finistérien partage avec la Britannique, amie et ex-partenaire de course, un engagement fondé sur le constat d’un monde aux ressources limitées. « Bilou, il est sur des questions concrètes. Et c’est essentiel », confie celle qui a abandonné la voile pour la cause. Serait-il tenté par une telle reconversion ? « Pour l’instant, le virus de la course est toujours présent. » Plutôt que militant, l’éco-citoyen Roland Jourdain avance dans sa démarche environnementale sans faux pas. Sauf peut-être en 2009. Lors du Vendée Globe, il heurte à vingt nœuds un rorqual commun, qui n’en est certainement pas sorti vivant. Bilou en était « plus malade pour lui que pour [son] bateau ». —

1964 : naissance à Quimper (Finistère)1985 : premier tour du monde avec escale lors de la Whitbread à bord du maxi Côte d’Or d’Eric Tabarly 1994 : vainqueur de la Transat AG2R avec Jean Le Cam2001 : troisième du Vendée Globe ; champion du monde de la classe Imoca (monocoques de 60 pieds) 2006 : vainqueur de la Route du Rhum qu’il emporte à nouveau en 20102011 : installe sa société dans des locaux écoconçus et s’engage sur le circuit MOD 70 (multicoques 70 pieds)

En dates

ECO-SPEEdéFLORENT MALOUdAFaire descendre tous ses camarades d’un bus n’est pas simple. Mais montrer l’exemple en conduisant une voiture écolo, le footballeur sait faire. Surtout s’il s’agit d’un bolide électrique, un Roadster Tesla. Imposera-t-il les électrons sur le parking du club de Chelsea ?

ECO-CHAMPIONFELIPE CALdERÓNSur notre podium 2010 des présidents les plus polluants, le Mexicain occupait la 2e marche. Le voilà aujourd’hui désigné « champion de la Terre » par le Programme des Nations unies pour l’environnement, qui salue l’hôte du sommet de Cancún sur le climat en décembre 2010.

ECO-LACTéEMISCHA BARTON« Got milk ? » En 2006, l’actrice anglo-américaine posait pour la célèbre campagne incitant à consommer du lait. Cinq ans plus tard, elle a trouvé mieux : elle a en effet craqué pour des robes en fibres de lait ! Créées par Mademoiselle Chichi, une styliste allemande, elles s’avèrent bien plus soyeuses que la robe en viande de Lady Gaga !

ECO-MILLIARdAIREBILL GATESLa révolution sanitaire initiée par l’invention des toilettes a amélioré nos vies, mais n’a atteint qu’un tiers du globe. Plus d’un milliard de personnes vivent aujourd’hui sans WC. Bill Gates s’est donc retroussé les manches : en investissant 29 millions d’euros dans la recherche, sa fondation compte bien développer mondialement les éco-toilettes, un système ne nécessitant pas d’eau, et qui produit même de l’énergie.

ECO-COPINESHAKIRAQuand la chanteuse colombienne voyage en montgolfière, c’est pour survoler de grandes maisons colorées en compagnie de sa copine Dora l’exploratrice. Véridique ! « Les choses sont bien meilleures quand on les fait ensemble », assure Shakira en sautillant dans le clip de « Todos Juntos ». Ce duo avec l’un des personnages préférés des jeunes téléspectateurs a été enregistré pour aider sa fondation « Pies descalzos ». Objectif : que tous les bambins du monde puissent recevoir une éducation de qualité.

gReen peOple

dr /

dr

« On avance. A chaque fois qu’on ouvre un tiroir, on découvre un nouveau truc. »

Le portrait

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Q1 Selon une étude, on peut économiser simplement 5 milliards d’euros de dépenses de santé chaque année en… a. plantant des arbres près de chez soib. consommant davantage d’artichautsc. sautant 25 mn tous les jours sur un trampoline

Q2 On murmure que la prise en compte des CASI doublerait le bilan carbone des agrodiesels. Quoi, quoi ? Des CASI quoi ? a. Les Changements d’Affectation des Sols Indirects, une forme de déforestation, bien sûrb. Les Caravanes Atypiques et Semi-Indépendantes, très gourmandes en agrodieselc. Les Champignons ayant Absorbé une Sacrée dose de gaz Inodore mais à effet de serre

Q3 Fin 2009, combien y avait-il de réacteurs nucléaires dans le monde ?a. 781 en service dans 27 paysb. 437 en service dans 32 paysc. 306 en service dans 24 pays

Q4 Que sont « lean », « six sigma » et « kaizen » ?a. Le nom de nouvelles espèces d’escargotsb. Les futurs réseaux sociaux lancés par Googlec. De nouveaux mots pour désigner le bon vieux travail à la chaîne

Q5 Dans le dernier classement de la Banque mondiale, quels pays ont quitté le groupe

10 bonnes réponses

Vous avez hacké le service

informatique de Terra eco.

Pas sympa mais chapeau,

il était réputé inviolable !

7 à 9 réponses correctes

Vous avez les yeux rouges

à force de lire Terraeco.net.

Merci mais sortez tout de

même une heure ou deux,

une fois par mois !

4 à 6 réponses correctes

Entre deux séances de

jardinage et un mur à

remonter, vous avez peu

lu notre site Internet. En

septembre, il va falloir en

mettre un coup !

0 à 3 réponses correctes

Oui, on sait, il n’y avait pas

de connexion sur votre

lieu de villégiature estival.

Pas une raison pour se

désintéresser de la planète,

que diable ! Rendez-vous

le mois prochain.

des économies à faible revenu pour celui des économies à revenu intermédiaire ?a. La Tanzanie, le Congo, le Bangladesh b. La Tunisie, la Lettonie et les îles Fidjic. La Mauritanie, le Laos, le Ghana et la Zambie

Q6 Israël et le Liban se déchirent dans l’affaire du « Léviathan ». De quoi s’agit-il ?a. Les deux pays assurent détenir l’édition originale du Léviathan de Thomas Hobbes, publiée en 1651b. Ils se disputent un gisement de 450 milliards de m3 de gaz naturel sous-marinc. L’Etat hébreu réclame le fossile d’un cachalot découvert sur les plages du bassin Levantin

Q7 En 2011, combien la Chine compte-t-elle de porcs dans ses exploitations ?a. 1,3 milliard, autant que d’habitantsb. 600 millionsc. 270 millions

Q8 Trois ans après avoir lancé la Nano, le groupe indien Tata propose désormais :a. La plus grande planche de surf du mondeb. Le scooter le plus rapide jamais fabriquéc. De construire votre maison en kit

Q9 A Zurich, les nouvelles colocations font cohabiter :a. Des jeunes et des vieuxb. Des personnes aiséesc. Des végétariens et des bouchers

Q10 Quel mégacontrat a été signé fin juillet entre l’Australie et la Malaisie ?a. Un troc de 135 wallabies albinos contre 12 000 litres de soupe à la queue de bœufb. L’échange de 800 immigrants illégaux contre 4 000 demandeurs d’asilec. 1 000 tonnes d’uranium australien contre des racines de Malaisie idéales pour un aquarium

Le quiz de la rentréeRéponses : 1/a – 2/a – 3/b – 4/c – 5/c – 6/b – 7/b – 8/c – 9/b - 10/b

Test

Cet été, tandis que l’actu filait sur Terraeco.net, vous avez plongé la tête dans le sable ou sous un parapluie (ou sous un parapluie dans le sable). En dix questions, voici de quoi vous rattraper.

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D’où viennent les tomates de nos supermarchés ? Immersion au cœur des serres où pousse, hors-sol et sur des plants géants, l’un des fruits les plus consommés en France.Texte et photos ANGELA BOLIS

Tomates : une vie sans terre

Qui croyait encore que les tomates lambda poussaient dans la terre ? Complètement dépassé, voyons. Les tomates que nous mangeons goulûment – au rythme de 12 kg par an et par habitant selon l’Inra (Institut

scientifique de recherche agronomique) – poussent en suspension. « Hors-sol », selon la terminologie adéquate. Leurs racines s’enfoncent dans des pavés de laine de roche – de la pierre d’origine volcanique qui laisse passer l’humidité – emballée dans du plastique. C’est propre, net, précis. Et sans gadoue.Grâce à ces techniques de pointe, les résultats chiffrés sont impressionnants. Chez Jean-Luc Olivier, maraîcher à Haute-Goulaine (Loire-Atlantique), la production de tomates atteint ainsi 5 000 tonnes par an, qui s’additionnent aux 2 000 tonnes de concombres. Le tout, sur seulement 18 hectares.

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Les plants de tomates ont des airs de Jack et le haricot magique : au bout de six mois de grimpette effrénée, ils mesurent six mètres. Rien ne semble arrêter ces « variétés à croissance indéterminée », qui produisent des fruits en continu de mars à novembre. Les plantules de nos potagers en prendront de la graine.Les tiges démesurées s’élèvent vers le toit de verre de la serre qui les maintient dans un environnement ni trop chaud ni trop froid, juste ce qu’il faut d’humidité. Des bourdons pollinisent les myriades de fleurs, et quelque 60 millions d’insectes prédateurs se chargent d’exterminer les parasites. « On apporte l’eau et tous les éléments nutritifs dont la plante a besoin : calcium, magnésium, potassium, oligo-éléments, fer, etc. Avant, on travaillait un peu dans l’inconnu : on apportait toujours trop d’eau, trop d’engrais et il en partait 30 % à 40 % dans les nappes phréatiques », explique Jean-Luc Olivier.

Les prix stagnentLe temps est loin où poussaient salades, carottes, melon, lys et muguet dans les champs de la famille Olivier. L’entreprise tourne depuis sept générations. En 1963, le père avait implanté sa première serre. « Mais dans les années 1980, on a rencontré des difficultés au niveau des racines des plantes, explique le fils.

Le portfolio

On avait de plus en plus de maladies. On était donc obligés d’utiliser des produits chimiques. Et puis les rendements étaient en baisse. On a essayé de trouver un substrat qui évite tous ces problèmes-là. Depuis 1985, on est donc partis sur la laine de roche. Dans des serres comme ça, on produit 50 à 60 kg de tomates par mètre carré. En terre, on produisait 12 à 14 kg. » Cultiver plus sur moins de surface pour nourrir une population croissante : c’est un des défis des agriculteurs, face à l’érosion de leurs terres – moins 7 millions d’hectares en cinquante ans, selon la Fédération nationale des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, soit 700 fois la superficie de la ville de Paris.

Sur les quelque 1 000 variétés qui composent la collection de l’Inra, Jean-Luc Olivier en cultive seulement trois : « la tomate en vrac, la tomate grappe et la tomate cerise ».------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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Jean-Luc Olivier est fier d’y parvenir. Toutefois, cette hausse de la production n’a pas fait baisser

le prix des tomates pour le consommateur. Selon le maraîcher, il stagne depuis plus de vingt ans. Quant au producteur, son chiffre d’affaires n’a pas non plus augmenté. « Globalement, par rapport à mon père, le profit a diminué », assure-il.

Tomates carréesLe savoir-faire du maraîcher s’est parcellisé : il ne cultive plus qu’un fruit et qu’un légume, ne produit plus ses semences ni ses jeunes plants. La connaissance est désormais aux mains des scientifiques. Les organismes de recherche modifient les variétés de tomates. Objectif proclamé par l’Inra : mieux les « adapter aux besoins des producteurs (variétés productives, aptes à la production en serre hivernale, résistantes aux maladies) ainsi qu’à ceux des distributeurs (fruits fermes, ayant une bonne durée de conservation et d’apparence attractive). » L’Inra possède une collection de plus de 1 000 variétés de tomates. Jean-Luc Olivier, lui, en cultive trois : « la tomate en vrac, la tomate grappe et la tomate cerise. » Avec les exigences de la grande distribution, et derrière elle des consommateurs, la moindre imperfection rend la tomate invendable. « Si on livre une tomate toute molle qui commence à éclater, Mr Leclerc va

Le reportageLes plants de tomates rappellent le conte de Jack et le haricot magique : au bout de six mois de grimpette, ils mesurent 6 mètres. La serre les maintient dans un environnement ni trop chaud ni trop froid. -----------------------------------------------------------------------------------

nous dire : “ Désolé, on ne va pas vous garder parce que vous livrez une tomate qui ne tient pas le coup. ” », souligne Jean-Luc Olivier. Des points correspondent aux différents niveaux de qualité des fruits et au bout d’un certain nombre de « malus » accumulés, le maraîcher doit baisser ses prix de vente. Jusqu’où peut aller cette adaptation aux désirs des distributeurs ? Loin, selon Jean-Luc Olivier : « Un jour, certains vont demander des tomates carrées et on le fera » —

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5 000 tonnes. C’est la production annuelle de Jean-Luc Olivier. Et ce, sur seulement 18 hectares. Les fruits sont cultivés en continu de mars à novembre.------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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Cela n’aurait jamais dû être, mais c’est quand même arrivé. Lorsque trois des six réacteurs de la centrale de Fukushima entrent en fusion, en mars dernier, l’unanimité – sociale, politique et industrielle – en faveur du nucléaire se lézarde. En réveillant le spectre de la catastrophe atomique, Fukushima sape en quelques jours des années de communication favorable à l’atome. Non, le nucléaire n’est pas infaillible ;

QUAnd LE nUcLÉAirEcontrE-AttAQUE

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Un tsunami peut entraîner le bouleversement de toute une industrie. Après l’accident de la centrale de Fukushima, les opposants à l’atome pensaient triompher. C’était sans compter sur leurs adversaires. Enquête sur une contre-offensive, menée tambour battant par les politiques et les acteurs de la filière.Par LAURE NOUALHAT / Infographies : WeDoData

Enquête

Luc Oursel, nouveau président du directoire d’Areva.

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non, il n’est pas incontournable ; non, il n’est pas si sûr. Parallèlement au drame nippon, le fantôme de Tchernobyl, du haut de ses vingt-cinq ans, secoue le grelot des angoisses collectives. Au sein d’une population considérée comme acquise à l’atome, des voix surgissent pour exiger un débat. Il faut répondre aux Cassandre, battre en brèche tous les arguments des « anti », prévenir les défections des clients, élaborer de nouveaux axes de communication. Bref, réparer les effets de la déflagration Fukushima.

1POLITIQUELa première contre-offensive majeure se joue sur le front médiatico-politique. Dès les

premiers jours, une partie du gouver-nement, ainsi que les patrons d’EDF et d’Areva, font le siège des plateaux télé pour réaffirmer leur soutien indéfectible à l’atome. Du ministre de l’Industrie Eric Besson à celle de l’Ecologie Nathalie Kosciusko-Morizet en passant par le chef du gouvernement François Fillon, la patronne d’Areva Anne Lauvergeon ou le pédégé d’EDF Henri Proglio, chacun distingue une catastrophe nucléaire et une « catastrophe natu-relle » comme celle que vit l’archipel. Et le président Sarkozy himself file à Tokyo rassurer les expatriés français fin mars.Les écolos crient au loup ? Les caciques du socialisme promettent la fin du « tout-nucléaire » ? Pour le gouver-nement, hors de question de laisser s’immiscer le doute ou d’apparaître comme « dogmatique » : la bataille post-Fukushima se livrera sur le front de l’information. Afin de préparer les arguments qui serviront lors de la prési-dentielle, François Fillon commande un audit à la Cour des comptes. Rendu de la copie le 31 janvier 2012. De son côté, Eric Besson lance un exercice de prospective, « Energies 2050 », dans lequel un comité doit étudier tous les scénarios énergétiques possibles, y compris celui évoquant la sortie de l’atome. Un bel os à ronger, car il ne faut pas s’y fier, le ministre chargé de l’Energie préconise deux tiers de ha

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Le mot d’ordre des partisans de l’atome ? « tchernobyl était une catastrophe soviétique ; Fukushima, une catastrophe naturelle »

nucléaire dans le bouquet hexagonal, afin de « maintenir la compétitivité-prix, l’indépendance énergétique, et la réduction des émissions de gaz à effet de serre ». C’est dit. «  Les  deux  entreprises  sont  un  peu bidon  », estime Benjamin Dessus, ingénieur et président de l’associa-tion Global Chance. « Pour la Cour des comptes parce que les coûts du nucléaire, et en particulier de l’aval du cycle, ne sont  envisagés que dans  l’hypothèse d’une poursuite du nucléaire alors que ces coûts (démantèlement, déchets, etc) dépendent énormément des scénarios envisagés : sortie du nucléaire ou non, [réacteurs de] quatrième génération ou non, combustible MOX ou pas, EPR ou pas, etc. D’autre part, la Cour ne va s’appuyer que sur des chiffres fournis par les industriels. Pour l’exercice de prospec-tive de Besson, c’est pire. L’ambition est de regarder tous les scénarios possibles en quatre mois avec une commission dont les membres “ hautement quali-fiés ” comme [l’ex-pédégé d’EDF Pierre] Gadonneix ou [du directeur du Centre de recherche en économie et droit de

l’énergie Jacques] Percebois, ne connais-sent rien à la prospective, mais sont tous des nucléaristes bon teint. » Pour de nombreux observateurs, une telle étude suppose un travail d’un an minimum. Peu importe la pertinence de l’exercice, le gouvernement pourra clamer qu’il ne refuse pas par principe d’envisager la question de la sortie de l’atome.

2SÛRETÉAutre axe majeur de la riposte des autorités, la sûreté. Durant les premiers

jours post-Fukushima, les opposants au nucléaire communiquent essentiel-lement sur les risques auxquels sont soumises nos centrales. Tremblements de terre, tsunamis, sécheresses, incen-dies, inondations… A quoi peuvent-elles résister ? « En nous confiant une série de “ stress tests ” sur les réacteurs, le gouvernement veut d’abord rassurer sur l’état du parc nucléaire », affirme un des membres de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). « Si l’accident japonais peut servir à réviser les critères de sûreté en France, c’est une bonne 

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chose. » Sauf que personne ne raconte que ces fameux « stress

tests » se limitent à des questionnaires que les opérateurs des centrales doivent remplir et renvoyer à l’ASN. Plus spec-taculaire peut-être, l’annonce par EDF, en avril, de la mise en place d’une force spéciale d’intervention en cas d’ar-rêt prolongé des systèmes de secours censés pourvoir au refroidissement des réacteurs.

3IMAGE« Les opposants au nucléaire de toute l’Europe n’ont pas perdu de temps à assimiler 

tout ça à Tchernobyl. Il faut que nous réduisions au silence toutes les tenta-tives de comparer cela à Tchernobyl. » Ce témoignage est issu d’un échange d’e-mails entre le gouvernement britannique et l’industrie nucléaire (les entreprises américaine Westinghouse et françaises EDF et Areva) qui ont planché ensemble à l’élaboration de communiqués officiels minimisant l’impact de Fukushima.

Le monde du nucléaire avant Fukushima

En Angleterre ou ailleurs, Tchernobyl reste le cauchemar de l’industrie. « Il y a eu tout de suite une cellule de crise au sein des groupes : comment communiquer sur l’accident en cours ? Et surtout, empêcher toute assimilation à Tchernobyl », explique le responsable d’un site de production français. Le mot d’ordre ? « Tchernobyl était une catastrophe soviétique, Fukushima une catastrophe naturelle. » Tribunes dans les journaux, experts à la télé, patrons d’EDF ou d’Areva, ministres… les pro-nucléaires occupent le terrain. Avec les mêmes éléments de langage. A ce titre, tous les promoteurs de l’atome affi-chent une grande sérénité. Aux chiffres négatifs des sondages (jusqu’à 70 % de Français favorables à une sortie sur vingt-cinq ou trente ans), ils rétor-quent changement climatique, demande énergétique mondiale, voire sagesse des dirigeants ! Mais en ce qui concerne l’image même de l’atome, les parties prenantes affichent une position sereine. « Il n’y a pas de décrochage massif de l’opinion », affirme Régis Haslé, un

des porte-parole d’Areva. « Quelques jours après, oui, on était dans le passion-nel, on voyait ces images imbriquées de tremblement de terre, de tsunami, de destruction massive. Mais dans le monde, quelques semaines après Fukushima, cela traduit des réalités différentes d’un pays à l’autre. » L’abandon du nucléaire en Italie ? « Une décision très très liée à Berlusconi. » L’Allemagne ? « Là-bas, l’électricité est à 24 centimes le kilo-wattheure, presque deux fois plus chère qu’en France. Qu’il y ait un débat sain et rationnel, nous trouvons cela positif. L’ensemble des dimensions doivent être prises en compte : changement climatique, prix et compétitivité de notre industrie. Seriez-vous prêts à payer plus cher votre électricité si on arrêtait le nucléaire ? » Disons que le débat est ouvert.

4 FINANCESCôté finances aussi, c’est officiel. Fukushima a fait du mal à l’industrie nucléaire

française. Ce ne sont pas les tradition-nels antinucléaires qui le disent mais

Enquête

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« A cause du réchauffement climatique, la demande en nucléaire va augmenter »Yukiya Amano, directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique

… et depuis la catastrophe

le nouveau patron d’Areva lui-même, Luc Oursel. Dans le néant médiatique estival, il a annoncé les chiffres semes-triels de son groupe. D’après le nouveau boss, Fukushima a déclenché plusieurs annulations de contrats – notamment en Allemagne et au Japon – pour 191 millions d’euros. De quoi rogner le carnet de commandes du groupe. Le résultat net, lui, a atteint 351 millions d’euros au premier semestre, en baisse de 58 % sur la même période de 2010, marquée par une grosse plus-value sur la vente d’une de ses branches. Là encore, la règle est de garder son calme et de compter les points. La Chine veut une dizaine de réacteurs, la Grande-Bretagne huit, l’Afrique du Sud deux, l’Inde six, à Jaïtapur. De

même que le crash du Rio-Paris n’a pas mis fin aux commandes d’Airbus, Fukushima ne va pas stopper net le développement du nucléaire. « Tout faux », estime Mycle Schneider, consultant en énergie et fondateur de l’agence d’étude sur le nucléaire Wise-Paris. « Aux Etats-Unis, les compagnies privées préfèrent abandonner l’idée de construire de nouveaux réacteurs. Eskom en Afrique du Sud a été pris de panique quand la poursuite de son projet nucléaire a menacé sa notation auprès des agences spécialisées et a fini par retirer l’appel d’offres. La Chine dépensait déjà avant Fukushima environ cinq fois plus par an dans les énergies renouvelables que dans le nucléaire. L’Inde rencontre une opposition déter-

minée contre le projet EPR d’Areva à Jaïtapur… » Les tenants du nucléaire ne se démontent pas : « A cause du réchauffement climatique, la demande en nucléaire va augmenter », prévoyait Yukiya Amano, le directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique, à Fukushima fin juillet. L’accident nippon ne va pas changer grand-chose, affirme-t-on dans les couloirs d’Areva ou d’EDF. « Tout au plus, certains programmes seront ralen-tis », explique Régis Haslé, d’Areva. La filière s’en tient à ces chiffres-clés : si l’atome représente, selon l’Agence internationale de l’énergie, 16,9 % de la production électrique mondiale, le service de recherche et d’analyses de The Economist prédit une croissance de 27 % la production électro-nucléaire mondiale dans les dix ans. « Et les réacteurs prévus en Chine, en Inde, en Russie ajouteront cinq fois la capacité nucléaire que l’Allemagne va supprimer en fermant ses centrales », calcule un salarié d’EDF. La guerre des chiffres et des faits ne fait que commencer. —

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Après ce coup dur quelle va être la contre-attaque de l’industrie ?Il n’y a pas eu d’attaque, alors il n’y aura pas de contre-attaque. Il y a, c’est évident, une inquiétude dans la population. Plus que jamais, l’exigence de sûreté est une priorité qui doit être bien prise en compte par les Etats et les acteurs du secteur.

Des pays ont annoncé leur sortie de l’atome. N’est-ce pas un camouflet ?Examinons-les au cas par cas. En Autriche, cette sortie était prévue. Ils ne veulent pas de nucléaire, même importé. Ça va être difficile car ce pays est connecté à la grille européenne de l’électricité. Celle qui y tran-site n’a ni odeur, ni couleur. En Allemagne, il n’y a rien de vraiment nouveau sous le soleil. L’arrêt de toutes les centrales était déjà prévu pour 2022. Maintenant, comment vont-ils procéder ? Brûler de la lignite ? Se brancher sur le tuyau de gaz russe et importer du nucléaire français ? Les Allemands sont sur un petit nuage s’ils pensent que les Russes vont ouvrir le robinet de gaz à volonté. En Italie, c’est différent. Il y a une profonde défiance à l’égard du politique. Mais il faut convenir qu’il est un peu irresponsable pour les Italiens de se priver du nucléaire. Car le kilowat-

Enquête

Administrateur du Commissariat à l’énergie atomique, Bernard Bigot livre le discours très officiel d’une France qui ne veut pas se passer de l’atome.Recueilli par LAURE NOUALHAT

« L’opinion peut basculer si elle est mal informée »

Six mois après Fukushima, en quoi cet accident a-t-il modifié la filière nucléaire ?Ce que je retiens, c’est que des installations vieilles de quarante ans ont résisté à un tremblement de terre de niveau 9. Les systèmes de refroidissement de secours se sont mis en marche correcte-ment, pendant les 45 premières minutes. Bref, tous les indica-teurs montrent que les centrales s’étaient arrêtées correctement. Je note aussi qu’une installation nucléaire n’est pas à l’abri d’évé-nements extrêmes rarissimes. Tous les exploitants doivent se préparer à ce type de situations, prépositionner des moyens de secours, les rendre disponibles 24 h/24, sur le site ou ailleurs. Ceci dit, je pense qu’il était possible d’éviter la défaillance actuelle. Les Japonais avaient une douzaine d’heures, même après la panne des systèmes de secours, pour trouver trois géné-rateurs électriques, les acheminer par bateau ou autre.

theure italien est le plus cher d’Europe et le pays dépendant à 90 % d’importations d’énergie. Quant à la Suisse, elle ne veut pas renouveler ses centrales dont la fin de vie est prévue en 2034. On a le temps.

La société allemande, pour sortir du nucléaire, peut réduire drastiquement sa consommation…Je mets en garde contre l’illu-sion selon laquelle plus vous allez faire d’économies, moins vous aurez besoin d’un appro-visionnement continu. C’est le contraire, plus vous allez vers la sobriété, plus la produc-tion continue est nécessaire. Et la production continue, c’est soit les énergies fossiles, soit le nucléaire. Les modes de consommation peuvent changer ? Certes, l’humanité a vécu sans production continue d’électricité. Mais ce temps est derrière nous. Avec les renouve-lables, vous ne pouvez utiliser l’électricité que lorsqu’il y a du soleil ou du vent. C’est l’histoire du meunier qui travaille quand il y a du vent et dort sur ses sacs de blé quand il n’y en a pas ! Notre société est-elle ouverte à ce type de fonctionnement ? Je ne crois pas. Le vrai sujet de la France, c’est moins de réduire sa capacité de production d’élec-tricité d’origine nucléaire que de desserrer sa contrainte d’im-

portation de produits pétroliers. De 2003 à 2005, on a importé 23 milliards d’euros de produits pétroliers. En 2010, 48 milliards. Si on continue sur un baril à plus de 100 dollars (70 euros, ndlr), on sera bientôt à 60 milliards.

Et si l’opinion publique souhaitait que la France sorte du nucléaire ?L’opinion publique peut basculer si elle est sous ou mal informée. On ne fait de nucléaire que s’il existe un consensus dans le pays. Quand on s’engage, on s’engage pour un siècle minimum. Quel est le politique qui peut rêver d’un siècle continu de pouvoir ? Il faut un consensus parmi les principales forces politiques.

N’est-il pas un brin fissuré ?Si la question est : le consensus est-il en péril ? Je ne le crois pas. Si la question est : peut-on fermer les centrales, je réponds oui. Techniquement, on sait faire. On ne fait pas de nucléaire par plaisir ou par foucade, mais par nécessité. Les termes de l’équa-tion sont les suivants : il faut disposer d’une énergie de base, sans compromettre le climat et tout en desserrant l’étreinte du pétrole sur notre économie.

L’atome sera l’un des sujets incontournables de la présidentielle à venir…Soit le débat préservera un consensus suffisamment large pour que les engagements actuels soient tenus, soit nous abouti-rons à une sortie du nucléaire. C’est la responsabilité de l’en-semble des acteurs, y compris du CEA, de pouvoir répondre à l’ensemble des interrogations concernant les conséquences de l’une ou l’autre option. Je vise à ce que nous puissions contri-buer à un débat informé, éclairé, sincère. —

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Cogema, Areva ou EDF ne vendent pas directement de nucléaire au grand public. Ce n’est pas une raison pour ne pas communiquer. Au menu : de la transparence, de la pédagogie et même de l’évasion…Par AGATHE MAHUET

Pub : la saga de l’atome

Ci-contreEn 1999, Cogema mise tout sur la transparence. Un seul mot d’ordre : « Nous n’avons rien à vous cacher ». Jusque sur le site de La Hague, où sont installées des webcams : les internautes peuvent y suivre en direct certaines activités du groupe.

Ci-contreBlouses blanches.

Logo imposant. En 1992, Cogema

présente une vision épurée de

ses activités dans un spot quasi

futuriste. Grave mais rassurante,

la voix off vante un combustible

« puissant et fiable ».

Ci-dessous « Roulette électrique ! » « Non, nucléaire. » En 1992, pour EDF, simple visite chez le dentiste ou séance de bricolage, tout est prétexte à rappeler que l’électricité française est nucléaire. Enfin, à 75 %.

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Le marketing expliqué à ma mère

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Ci-dessus Rejoindre « le leader européen des énergies de demain », c’est faire « le choix de l’excellence ». Dans les années 2000, EDF mise sur un nucléaire « champêtre et ciel bleu » pour recruter de jeunes talents insouciants.

Ci-dessus Campagne de 2006 résolument tournée vers l’île de Pâques… et l’importance de préserver ses ressources. « Pour les générations futures, nous développons les énergies de demain », comprendre le nucléaire et ici, l’EPR.

Ci-dessousLancée deux mois avant Fukushima, la dernière campagne Areva conte en 60 secondes une histoire de l’énergie à travers les siècles. Un spot à 15 millions d’euros (achat d’espaces inclus) qui s’achève sur la vue d’une centrale en bord de mer… Après l’accident au Japon, le film a disparu des écrans télé.

Ci-dessus Campagne de presse d’Areva de 2006 accompagnée d’un spot sur la complémentarité de ses métiers.

Ci-dessus En décembre 2008, un « publi-info » Areva est fourni avec Science et Vie Junior. Partenariat non exclusif : L’Actu, Les Clés de l’actualité, et Mon quotidien ont également publié ces vrais-faux journaux d’information.

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Avec ses sous-sols argileux, le village de Bure semble idéal pour le futur centre de stockage en profondeur des déchets radioactifs français les plus dangereux. Mais à 500 mètres sous terre, les chercheurs testent la fiabilité d’un coffre-fort qui devra résister plusieurs centaines de milliers d’années.Par ANNE DE MALLERAY

Demain, des déchets radioactifs pour un million d’années

Reportage

Entre les nappes dorées des champs de colza pointe un clocher entouré d’une poignée de maisons. A une trentaine de kilomètres de Bar-le-Duc

(Meuse), à une soixantaine de Nancy

(Meurthe-et-Moselle), le village de Bure, 94 habitants, ressemblerait à n’importe quel coin de campagne française sans cette longère flanquée d’une éolienne et bariolée d’affiches contre « la poubelle nucléaire ». Cette st

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Maison des opposants, où se relaient des anti-nucléaires venus de toute la France, est le signe apparent de ce qui se prépare à deux kilomètres de là, sous terre.A cheval sur les départements de la Meuse et de la Haute-Marne, c’est là que l’Agence nationale pour la ges-tion des déchets radioactifs (Andra) teste son projet de centre de stockage géologique profond. Ce laboratoire de recherche constitue un endroit straté-gique pour la filière nucléaire, dont le talon d’Achille demeure le traitement des déchets. Fin 2007, il en existait 1 153 000 m3 en France et l’Andra en prévoit le double en 2030 si la part du nucléaire se maintient telle quelle dans la production électrique.

Homogène, stable…Depuis les années 1950, les pays pro-ducteurs de déchets ont envisagé des solutions farfelues et écologiquement désastreuses, comme l’envoi dans l’es-pace, l’absorption par le processus de tectonique des plaques ou le largage en mer. Quelque 100 000 tonnes de déchets ont ainsi été abandonnées au fond des océans, jusqu’à l’interdiction des dépôts dans la mer en 1993. Aujourd’hui, le stockage géologique est en train de s’imposer à l’échelle internationale. En construction à Bure depuis 2000, le laboratoire teste la possibilité de confiner les déchets nucléaires les plus dangereux – 99 % de la radioactivité de l’ensemble des déchets dans 4 % du volume – dans la couche géologique argileuse, en garantissant la sécurité du stockage pendant un million d’an-nées. Les propriétés de celle-ci, sa faible perméabilité, son homogénéité, sa sta-bilité… permettraient en effet, vante l’Andra, de retarder et de limiter la dispersion de ces substances.Par les interstices de l’ascenseur qui glisse le long des parois rocheuses, on devine un goulot aussi vertigineux que l’est le mausolée industriel que l’Andra est en train d’étudier à 500 mètres de profondeur. Le dédale des galeries de plus d’un kilomètre, éclairé par des néons et ventilé par une bruyante souf-flerie, est parcouru par un ballet de

machines qui testent les méthodes de creusement pour minimiser l’impact sur la roche.Chaque jour, l’ascenseur charge et décharge des dizaines de techniciens et scientifiques qui creusent, consolident et réalisent des tests in situ. Au détour d’une galerie, on tombe sur un gros tube en acier qui, dans les conditions d’exploitation, contiendrait des déchets

de haute activité – c’est-à-dire forte-ment radioactifs – vitrifiés. Quelque 400 kg de verre sont nécessaires pour 11 kg de résidus radioactifs. Ces résidus extrêmement chauds seront stockés lorsque leur température atteindra 100° C, ce qui exige un délai d’attente de soixante ans minimum. Alors seu-lement, ils seront placés dans des alvéoles de 70 centimètres gi

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de diamètre et 80 mètres de long qui seront ensuite rebouchées

avec de la bentonite, une argile expan-sive. Placés à de multiples endroits, 3 100 capteurs sondent la roche pour mesurer sa perméabilité, sa résis-tance au creusement et à la chaleur, sa capacité de confinement après la dégradation des conteneurs. Ce sou-terrain fait figure de labo high-tech, à la mesure des incertitudes à lever.

Scénarios extrêmes« Un million d’années, à l’échelle géo-logique, ce n’est rien, tempère Patrick Landais, directeur des équipes en charge

des modélisations du risque. La roche est capable d’apporter des propriétés de confinement sur le très long terme à partir du moment où il y a une cohérence entre la typologie de l’environnement et la nature de l’élément à stocker, ce qui est le cas entre l’argile et les déchets radioactifs. Sur cette base, nous sommes capables d’écrire un scénario du stockage. Mais il demeure des incertitudes sur les mesures, sur la compréhension du processus. Nous les intégrons à notre modèle en augmentant leur niveau au maximum pour voir si elles deviennent invalidantes. » Selon l’Andra, aucun schéma ne remet en cause la pertinence

du stockage géologique. « A côté de ce scénario central, le plus probable, nous générons aussi des scénarios altérés, qui contribuent également à renforcer la robustesse du modèle. Par exemple, on fait défaillir les conteneurs de stockage bien avant la date prévue, on imagine que quelqu’un décide de faire un forage depuis la surface et pompe à des endroits pénalisants. Il y a même le “ worse case ”, le scénario où tout pète. » Une hypothèse qui relève pratiquement de la science-fiction, estime le chercheur.

Comment transmettre ?Si la science dispose de modélisations, qui s’appuient sur la capacité de confi-nement d’une roche stable depuis 160 millions d’années, ce qui se passera en surface est, en revanche, pratique-ment impossible à prévoir. « Nous ne savons pas si, dans une dizaine de siècles, les êtres humains seront dans un état technologique plus avancé que le nôtre ou au contraire en déclin, s’interroge Patrick Charton, adjoint du directeur de la maîtrise des risques de l’Andra, chargé des aspects liés à la mémoire. Comment transmettre la mémoire du site ? Dans quelle langue ? Sous quelles formes ? L’être humain est curieux. Si nous laissons une trace visible du site, elle incitera à creuser. Mais nous ne pouvons pas non plus décréter l’oubli. » Aux Etats-Unis, dans le désert du Nouveau-Mexique, où des déchets militaires sont enfouis depuis 1999, les Américains ont fait le choix d’ériger des tumulus en granit sur lesquels sont gravés des messages en sept langues. En France, aucune option n’a encore été tranchée. L’Andra explore des pistes, fait travailler artistes et socio-logues et vient de recevoir des disques saphir d’une longévité de deux mil-lions d’années. A partir de 2013, une réflexion commune avec les riverains sera engagée. « Je compte beaucoup sur les populations locales, et notamment sur les opposants, qui sont les plus sen-sibilisés, pour transmettre la mémoire du site. » Patrick Charton n’hésite pas à évoquer les terrils, que l’on conserve et entretient comme la mémoire d’une époque industrielle révolue.

Reportage

« Le stockage doit durer un million d’années. Pourtant, les scientifiques cherchent plus vite que leur ombre. » Nadine Schneider, de Sortir du nucléaire et du collectif Bure stop

CALENDRIER DU STOCKAGE1991 Création de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, loi sur l’implantation de sites de recherche1998 Choix de Bure pour le projet de centre de stockage géologique2000 Construction du laboratoire de recherche2005 L’Andra rend ses conclusions sur la faisabilité du stockage2006 Nouvelle loi sur la gestion des déchets radioactifs2013 Débat public consultatif2015 Demande d’autorisation de création du centre2016 Loi sur les conditions de réversibilité du stockage qui doit notamment permettre de retirer les colis de déchets2017 Début des travaux2025 Arrivée des premiers colis de déchets2125 Fin de l’exploitation, début de la phase de surveillance

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Pour l’instant, les projets de stoc-kage suscitent la passivité mais aussi l’opposition. En 1999, l’Andra a été refoulée de toutes les communes où elle cherchait à implanter un site pour les déchets de faible activité à vie longue, à 200 mètres sous terre. A Bure, un noyau d’activistes reste mobilisé. « Le stockage doit durer un million d’années. Pourtant, les scientifiques de l’Andra cherchent plus vite que leur ombre », ironise Nadine Schneider, membre de Sortir du nucléaire et du collectif Bure : stop ! « C’est ce qu’a souligné un rapport indépendant établi par l’Ins-titut pour la recherche sur l’énergie et l’environnement américain. Il conclut que l’Andra mène un travail exemplaire de collecte des données mais que leur interprétation est systématiquement opti-miste. » Elle dénonce l’empressement de la France à commencer le stockage en 2025. « Tant que nous produirons des déchets nucléaires, la solution du stoc-kage sera récupérée par les producteurs 

comme un argument pour poursuivre le développement de la filière. »

Des « terres rares »Cette démonstration est récusée par l’Andra, établissement public, sous la tutelle de ministères, indépendant des producteurs de déchets, et dont la position sur le nucléaire, inconfortable, est.. de ne pas avoir de position. L’agence défend l’idée que le stockage n’est pas

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la solution de facilité. D’ailleurs, de 15 milliards d’euros, le budget du projet a été gonflé à 35 milliards, au grand dam des financeurs, EDF (80 %), Areva et le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Les territoires, même s’ils y trouvent une manne financière – 30 millions d’euros par an pour les départements de la Meuse et de la Haute-Marne – ne se bousculent pas pour héberger les sites de stockage, au point que l’Andra qualifie ces sols de « terres rares ». Des terres vouées à accueillir des déchets que le philosophe Michel Serres nomme dans Le Contrat naturel, « objets-monde » parce que leur longévité et leur impact atteignent cette échelle. —

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Le site de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs www.andra.fr Le site de « Bure : Stop !», collectif d’associations opposées au projet http://burestop.free.frInto Eternity, documentaire de Michael Madsen sur un centre d’enfouissement finlandaisSortie en DVD le 13 octobre, 15 euros

Pour aller plus loin

Les résidus concernés représentent 4 % du volume des déchets radioactifs français mais 99 % de leur radioactivité.

LE PROjET EN CHIffRES (Andra)70 000 m3 de déchets moyenne activité-vie longue 8 000 m3 de déchets haute activité prévus (chiffre producteurs)300 hectares pour les installations de surface15 km2 d’installations souterraines à terme220 km d’alvéoles souterraines de stockage100 km de galeries de liaison4 puits de 500 mètres pour la liaison entre la surface et le fond, plus un double tunnel de 5 km.

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DU LOCAL DANS LE CHARIOTAu rayon épicerie, produits laitiers ou fruits et légumes, voici « le Meilleur d’Ici ». Désormais, vous pouvez consommer local, même au supermarché. C’est Casino qui lance l’opération, en proposant à ses clients une gamme de produits sélectionnés dans un rayon de 80 km autour du magasin. D’abord développé dans la Loire, l’étiquetage « le Meilleur d’Ici » pourrait bientôt s’imposer dans tous les magasins de l’enseigne de l’Hexagone.

Le + environnemental et social : produits régionaux. www.casino.fr

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Bioà boire« Bionade » n’a rien d’une limonade. Ou si peu. Son point fort, ce sont les matières premières naturelles (et fermentées) qui la composent. Sans alcool et complètement bio, la mixture est enrichie de gaz carbonique et d’essences de fruit, naturelles, elles aussi. Reste à choisir le parfum : litchi, gingembre, sureau ou orange ?

Le + environnemental : production biologique.Prix : à partir de 1,25 euro www.bionade.com

Adieu les fautes de goût« Tu peux me passer ton blanc s’t’eu plaît? » A condition qu’il s’agisse d’un correcteur rechargeable Pilot Begreen, fabriqué en plastique 100�% recyclé (photo). Et si vous optez pour la formule liquide, voilà le Tipp-Ex « Ecolutions ». Fini, la bonne odeur de solvant chimique : le produit est à base d’eau. Cela évitera à vos bambins de sniffer du blanco derrière leurs pupitres ! Le + environnemental : plastique recyclé, pas de solvant. Prix : 4,80 euros pour le Pilot Begreen (sans cartouches). 2,70 euros pour le Tipp-Ex « Ecolutions ».www.pilotpen.fr / www.bicworld.com

60 L’objet Le T-shirt

62 Alimentation Comment j’ai tué mon poulet rôti

64 Zoom A Nausicaá, des paradis pas (encore) perdus

68 Casse-tête Conserves ou surgelés ?

70 Ils changent le monde A l’hôpital, des jardins aux petits soins

76 Cinéma

78 Chroniques livres

80 Agenda

82 Nowideas Des maisons comme des Lego

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Parés pour la classe verteVoilà septembre, il est temps de faire son cartable. Coq En Pâte a eu la bonne idée d’en fabriquer un en coton 100 % labellisé bio. Bretelles ajustables, clip en métal pour la fermeture : les écoliers sont équipés quand la cloche sonne.

Le + environnemental : label bio.

Prix : 55 euros

www.coqenpate.com

Marchons françaisLes vaches qui offrent leur peau à ces beaux souliers sont élevées en Dordogne et dans le Cantal. Tout près de là se trouve l’Aveyron, où s’est installée la tannerie qui fabrique les chaussures Empreinte-Solidur – lesquelles laissent donc peu de traces (en termes de CO2, s’entend). Du coup, pour le prix d’une paire de Clarks (qui sont elles désormais fabriquées en Europe de l’Est et en Asie), on se chausse dans du cuir végétal bio. En écrasant une semelle recyclée.

Le + environnemental et social : fabriqué en France.

Prix : 112 euros

www.empreinte-shoes.org

L’éco-conso

Gros bras pour petit caféAmateurs d’expressos, vous voilà servis. Quoique. Il va falloir mettre la main à la pâte, désormais, pour obtenir ce petit noir. Terminé, le bourdonnement motorisé qui plaît tant à Mr Clooney. Avec la cafetière Presso, tout est manuel : à vous de faire pression sur les bras (en aluminium recyclable). Résultat : pas d’électricité consommée – aucun branchement n’est nécessaire – et surtout, plus besoin de capsules ou de dosettes !

Le + environnemental : réduction des déchets et de la consommation d’énergie.Prix : 99 euroswww.presso.co.uk

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Il habille nos jours et nos nuits, nos joggings comme nos dîners en ville. Cette seconde peau pèse pourtant plus lourd pour la planète que quelques grammes de coton. Par EMMANUELLE VIBERT

Combien en comptez-vous dans votre garde-robe ? Allez, avouez : dix, vingt, trente T-shirts ? Les Britanniques, par exemple, en

achètent huit par personne et par an. Pour satisfaire cette boulimie tex-tile, un ouvrier chinois produit en moyenne quinze T-shirts par jour, selon l’étude « Well Dressed ? », un rapport sur le secteur du textile réalisé en 2006 au Royaume-Uni par l’Institut pour la fabrication de l’université de Cambridge. C’est simple, le T-shirt est incontournable sur tout le globe.Sa carrière, il l’a commencée à la fin du XIXe siècle, en devenant le maillot fo

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Le T-shirt

de corps réglementaire de l’US Navy. Mais c’est le cinéma des années 1950 qui a fait le plus pour sa popularité. Souvenez-vous : Marlon Brando dans Un tramway nommé désir et James Dean dans La Fureur de vivre, tous deux superbement moulés dans un T-shirt blanc.

Saga mondialeAujourd’hui, on trouve cet article chez les soldeurs comme dans les grandes maisons du luxe, et on le sort en toute occasion, sans penser à l’épopée inter-nationale qu’il vit. En 2005, l’Américaine Pietra Rivoli

nous racontait, tel un conte moderne, Les Aventures d’un T-shirt dans l’éco-nomie globalisée. Cette professeure de commerce international à l’université de Georgetown a minutieusement reconstitué la vie d’un T-shirt vendu une poignée de dollars dans une supé-rette de Floride. La saga démarre dans une ferme du Texas où l’on récolte le coton. Les Etats-Unis représentent en effet le deuxième producteur mondial, derrière la Chine. Puis on est transporté en camion jusqu’en Californie où l’on embarque sur un bateau à destination de Shanghai, en Chine. Là, le coton est filé, tricoté, découpé, cousu par des ouvriers aux conditions de travail bien souvent pénibles et irrespectueuses. Ensuite, on traverse à nouveau le Pacifique en cargo et on met le cap sur Miami où l’on rejoint l’usine d’impression. Une fois passée l’étape du port du vête-ment, on achève le périple à l’Armée du salut où les T-shirts usés sont broyés pour se transformer en portières et plafonds de voitures, matelas, cous-sins, matériaux d’isolation, cercueils… Certains passent aussi entre les mains

L’objet du mois

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SECONDES VIES L’un de vos T-shirts n’est plus à votre goût ? Donnez-le à des associations ou réseaux comme Le Relais (www.lerelais.org) où il trouvera une seconde vie, soit dans une friperie, soit sous forme de chiffons d’essuyage ou d’isolant thermique. Ou alors, munissez-vous d’une bonne paire de ciseaux, de fi l et d’une aiguille et transformez-le en création tendance. Plusieurs livres américains pourraient vous inspirer, comme Generation T : 108 Ways to Transform a T-Shirt. Pour apprendre à le couper, le nouer, le coudre et même le tresser, rendez-vous également sur www.generation-t.com.

des entreprises qui organisent l’expor-tation de vêtements d’occasion dans une centaine de pays, une industrie détenue à 40 % par les Etats-Unis.

Energie et pesticidesAinsi, ce petit bout de tissu pèse bien plus lourd que ses quelques grammes, notamment sur le plan écologique. Répertorions d’abord les dépenses d’énergie liées à la production de matière première et surtout à l’usage du vêtement : au cours de son exis-tence, un T-shirt subit en moyenne 25 lavages à 60° C, suivis du séchage en machine et du repassage, soit 60 % de sa consommation totale d’énergie, évalue l’étude « Well Dressed ? » A cela s’ajoute l’utilisation de produits toxiques. Car ce coton, il faut le blanchir, le teindre puis le laver avec des détergents. Chaque étape nécessite le recours à la chimie ou aux métaux lourds. Mais ce sont les pesticides encore qui pèsent le plus. Ils représentent 93 % du bilan de toxicité d’un T-shirt, affi rment les chercheurs de Cambridge.De plus en plus de marques ont pris la mesure de ce constat et développent des gammes en coton bio. On les trouve aussi bien chez les petites marques alternatives et équitables (Ethos, Tudo Bom ?, Ideo, Monsieur Poulet…) que dans les réseaux de la grande distri-bution (Monoprix, Gap, H&M, etc.). Ekyog, l’enseigne écolo rennaise qui a ouvert des boutiques partout en France, vient de peaufi ner avec Climat Mundi – une société spécialisée dans la gestion du carbone – un outil pour établir le bilan carbone de chaque vêtement. « Il prend en compte toutes les étapes de la culture du coton à l’envoi dans notre entrepôt en passant par la fabri-cation du fi l, la teinture, le tissage, la confection… », explique Maëva Le Lan,

responsable du développement durable et du « sourcing ». Pour une blouse écrue en coton bio de la collection automne-hiver 2011-2012, avec col en V, de jolies fi nitions et deux petites poches poitrine, comptez, hors usage, 3,3 kg de CO

², soit un trajet

Paris-Lille en TGV. Toutes les étapes de la culture de la fi bre à la confection, étant réalisées dans un seul pays, l’Inde, le transport est donc minimisé.

Tarif réduit pour l’environnement Cependant, cette jolie blouse au bilan carbone light coûte 69 euros, soit bien plus qu’un T-shirt conventionnel au supermarché du coin. Trop cher ? C’est le prix d’une irrigation des champs de coton exclusivement pluviale qui n’as-sèche aucun fl euve, d’un égrenage des fl eurs mécanique sans eau ni produit chimique, d’une teinture sans formal-déhyde, avec un minimum de métaux lourds, le prix du retraitement des eaux usées et d’une confection dans des conditions de travail éthiques… Le juste prix en somme, qui vous évitera en prime d’en acheter trois quand un seul suffi t. —

Lavage, séchage, repassage : la phase « usage » représente 60 % de l’énergie totale consommée par un T-shirt.

« Les apprentis Z’écolos » et la climatisationDécouvrez pourquoi la « voiture-frigo »

est une plaie pour la planète dans ce nouvel

épisode de la série de dessins animés

de « Terra eco » *.

A visionner sur : www.terraeco.net

* En coproduction avec Télénantes et Six Monstres.

L’étude « Well Dressed ? » de l’Institut pour la fabrication de l’université de Cambridge www.ifm.eng.cam.ac.uk, rubrique « Industrial sustainability »L’initiative de la marque de sportswear suisse Switcher pour retracer le parcours de ses T-shirts (lire Terra eco de juillet-août 2011) www.respect-code.orgLe livre de Pietra Rivoli « Les Aventures d’un T-shirt dans l’économie globalisée » (Fayard, 2005)

Pour aller plus loin

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62 septembre 2011 terra eco

Comment j’ai tué mon poulet rôtiDernière tendance du côté des pratiques alimentaires : achever de ses propres mains l’animal qu’on s’apprête à manger. Un moyen extrême de prendre conscience que derrière la viande se cache un être vivant. Par EMMANUELLE VIBERT

L’an dernier, Mark Zuckerberg a appris le chinois. A 27 ans, le fondateur et patron milliardaire de Facebook déborde

d’imagination pour pimenter son existence de jeune homme gâté par la vie : chaque année, il se fixe un «  challenge  personnel  ». En 2011, c’est juré, il mangera uniquement la viande des animaux qu’il aura tués de ses propres mains… Un délire digne d’un maniaque qui veut assouvir sa soif de sang ? Au contraire, rétorque l’entrepreneur : sa nouvelle résolution est basée sur des principes éthiques.

Avec une grande émotion« Je pense que beaucoup de personnes oublient qu’un être vivant doit mourir pour qu’elles puissent manger de  la viande, a-t-il confié dans un courrier au magazine américain Fortune. Alors mon but est de ne pas oublier cela moi-même et d’être reconnaissant pour ce que j’ai. » Son régime a du coup viré quasi-végétarien, seuls quelques ani-maux ayant trépassé entre ses mains, comme un homard, un poulet, une chèvre ou encore un cochon, qu’il a tués puis avalés avec une grande émotion. L’idée de ce nouveau défi lui est venue il y a quelques mois alors qu’il dégustait un cochon à la broche avec ses amis. « Beaucoup de personnes me disaient que même s’ils adoraient manger du porc, ils ne voulaient vraiment pas penser au fait que le cochon avait été en vie, raconte le patron de Facebook. Cela me semblait  re

uter

s

tout simplement irresponsable. »Et vous, êtes-vous prêts à regarder dans les yeux l’animal que vous dégusterez plus tard ? Cette question ne travaille pas seulement les milliardaires en

manque de sensations fortes. D’autres se la posent. Pour ceux-là, il existe par exemple la ferme de Bruce King, dans l’état de Washington aux Etats-Unis, où l’on peut s’offrir moyennant 500 dollars

Alimentation

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Si vous voulez croquer de la noisette

tricolore, foncez au marché. Récoltée

à la fin de l’été, la quasi-totalité de la

production va se faire la malle vers

l’Europe du Nord, l’Espagne mais aussi

la Chine, de plus en plus gourmande !

Résultat : « ça booste le marché 

international, on va en manquer ! », se

réjouit Jean-Pierre Reigne, président

d’Unicoque. La coopérative du

Lot-et-Garonne regroupe 98 % de

la production hexagonale et espère

tripler les surfaces de noisetiers d’ici

à vingt ans. Inexistant jusqu’aux

années 1980, le verger s’étend

aujourd’hui sur 3 500 hectares, cultivés

par 220 producteurs. « Le retour sur 

investissement prend plus de dix ans,

explique Jean-Pierre Reigne. Mais ça 

vaut le coup car la culture est robuste 

et demande peu de main-d’œuvre et 

d’intrants. » La noisette est même

carbone positive. En 2010, pour

4 100 t eq CO2 générées par l’activité

d’Unicoque, le verger en a absorbé

11 000 ! Mais pas de bio en France à

cause d’un charançon qu’on asphyxie

à coups de chimie deux fois l’an. La

Turquie, elle, en exporte. « Ils laissent 

attaquer les arbres et trient les coques 

abîmées à la main : les salaires très bas 

leur permettent ce luxe », lance Jean-

Pierre Reigne. C’est moche. —

Production française : 7 000 tonnes

Consommation française sous forme

de fruit : 800 tonnes

Premier producteur mondial :

la Turquie, avec 630 000 tonnes  

(74 % de la production mondiale)

97 % de la production mondiale

est destinée à être transformée

Casse noisettes sans complexe par Miss Bouffe

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(350 euros) un cours d’abattage et de découpe de porc. Pendant six heures, vous allez faire connaissance avec la bête vivante, puis la tuer d’une balle dans la tête avant de lui enlever la peau, vider ses tripes, la couper en morceaux et repartir avec votre glacière pleine à ras bord. Prière de se munir de bottes et d’un pantalon de pluie pour se pro-téger des éclaboussures.

Du pré à l’assietteEn Grande-Bretagne, la BBC a diffusé, l’année dernière, une émission de télé-réalité nouveau genre. « Kill it, cook it, eat it » met en scène six volontaires (une végétalienne, un végétarien, une gastro-nome, une accro au fast-food…). Au

fur et à mesure des épisodes, on voit les protagonistes s’occuper de vaches dans une ferme du Devon avant d’assister à leur mort dans un abattoir. Ils suivent ensuite les carcasses chez le boucher. Le clou du spectacle : le repas final avec, dans l’assiette, les vaches transformées en hamburger et les mines dégoûtées des volontaires.Dans un autre reality show culinaire, diffusé sur Arte, c’est l’Allemande Sarah Wiener qui fait sensation. Pour « Sarah et les marmitons », la cuisinière accom-pagne des enfants dans un château provençal, leur fait découvrir la cuisine mais aussi l’origine des aliments, l’éle-vage des animaux… Ce qui conduit une partie de la troupe à assister un jour à la mort d’un lapin avant de le transformer en ragoût. « Quelqu’un qui mange de la viande devrait savoir qu’elle ne pousse pas sur les arbres », s’est justi-fiée la télé-gastronome dans le journal allemand Bild. A-t-elle traumatisé ses marmitons ? « Aucun des enfants n’a été bouleversé ou carrément choqué. Cela a plutôt fait naître quelque chose re

uter

s

de l’ordre d’une réflexion et d’une prise de conscience, l’idée de considérer nos aliments avec soin et respect. »

Le tabou des abattoirsAbattage, découpe, préparation de la viande, ce qui était autrefois une habi-tude dans les campagnes est devenu un tabou pour les citadins du XXIe siècle. D’autant plus que le dépeçage d’un lapin dans une ferme semble un conte de fée au regard de ce qui se passe dans les abattoirs. Fabrice Nicolino, auteur du livre Bidoche, une enquête terrifiante sur l’industrie de la viande, expliquait à Terra eco en octobre 2009 : « Cela fait dix mille ans, depuis les débuts de la domestication, que l’on cohabite avec 

ces êtres vivants qui nous laissent prendre leur viande, leur peau, etc. Mais avec l’industrialisation, on a transformé des êtres réels en choses, en marchandises. »Quant à l’écrivain américain Jonathan Safran Foer, il veut faire de nous, dans Faut-il  manger les  animaux  ?,  des carnivores consciencieux boycottant l’élevage industriel pour lui préférer la viande issue de fermes familiales. «  Nous avons la charge mais aussi la chance de vivre au moment où les critiques à l’encontre de l’élevage industriel se sont frayées un chemin dans la conscience populaire, écrit-il. C’est à nous que l’on pourra demander, à bon endroit : “ Qu’est-ce que vous avez fait quand vous  avez  su  la  vérité  sur  le  fait  de manger des animaux ” ? » —

« Bidoche » de Fabrice Nicolino (Les Liens qui libèrent, 2009)« Faut-il manger les animaux ? » de Jonathan Safran Foer(Editions de l’Olivier, 2011)

Pour aller plus loin

« Quelqu’un qui mange de la viande devrait savoir qu’elle ne pousse pas sur les arbres. » Sarah Wiener, qui a animé l’émission «Sarah et les marmitons » diffusée sur Arte

Les pieds dans le plat

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Pour son vingtième anniversaire, le Centre national de la mer Nausicaá, à Boulogne-sur-mer, dans

le Pas-de-Calais, raconte des « Histoires d’îles » paradisiaques et vulnérables. Ainsi, l’exposition se place au confluent de deux caractéristiques : d’un côté, ces îlots coralliens qui inspirent l’évasion ; de l’autre, ces bouts de terres menacés immédiatement par le changement climatique. Autre paradoxe : la mer offre à leurs habitants une grande partie de leurs ressources tout en les isolant du reste du monde. Pour mieux saisir ces ambivalences, quoi de mieux que de discuter en direct avec ces insulaires sur le plateau multimédia de l’expo ? Le centre Nausicaá, qui s’est associé à l’Alliance des petits Etats insulaires pour l’événement, veut ainsi mettre en lumière les solutions, souvent pionnières, inventées pour parer à une angoisse croissante : se faire engloutir par la montée des eaux. —Exposition présentée pour une durée de trois ans.

www.nausicaa.fr

Des paradis pas (encore) perdus

Zoom

Fascinantes, les îles du bout du monde sont aussi souvent menacées par le changement climatique. La preuve avec une exposition du Centre national de la mer Nausicaá. Par ANGELA BOLIS

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Des paradis pas (encore) perdus

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EFFET DE SERRE : avanTagE à la conSERvE Chacun ses vices. La conserve pèche par la boîte, les surgelés par le froid. C’est, en substance, la prin-cipale conclusion d’une étude de l’Institut pour la recherche et l’éducation environnementales (IERE), publiée en 2007. Cette organisation américaine indépendante a comparé l’empreinte écologique de haricots verts conditionnés dans une usine de l’Oregon, selon qu’ils sont appertisés ou surgelés. Résultats : l’énergie fossile nécessaire à la production de l’acier est à l’origine de 55 % des émissions de gaz à effet de serre de la conserve. Celles des surgelés sont issues à 53 % de l’électricité avalée pour fournir le froid nécessaire à leur stockage. Mais au bout du compte, les conserves s’en sortent mieux, avec un impact sur le changement climatique inférieur de 30 % à celui des surgelés.

REcYclagE : avanTagE à la conSERvE « Contrairement à beaucoup d’autres emballages, les boîtes de conserve bénéficient du fait qu’elles sont des mono-matériaux. Ainsi, les métaux sont facile-ment extraits du flux des déchets ménagers, aussi bien dans les centres de tri que dans les usines d’in-cinération », claironne l’Union interprofessionnelle pour la promotion des industries de la conserve appertisée (Uppia). En acier ou en aluminium, la conserve se recycle à l’infini. En France, où plus de 3 millions de boîtes sont produites chaque année, 60 % des emballages métalliques légers trouvent une seconde vie. A l’heure du jugement dernier, la

Dilemme : surgelés ou conserves ?Le consom’acteur, ayant mangé frais tout l’été, se trouva fort dépourvu quand la bise fut venue. Alors, que faire ? Ouvrir le congélo ou dégainer l’ouvre-boîte ?Par loUISE allavoInE

conserve, même si elle demande bien plus d’énergie à fabriquer, accède donc à la vie éternelle. Jusqu’à présent impossible à recycler, le sachet plastique de surgelés, lui, brûle directement en enfer.

SanTé : avanTagE aU SURgEléMais la conserve, comme la canette d’ailleurs, faute de l’intérieur. Le revêtement en résine qui sépare le métal de l’aliment, contient généralement du bis-phénol A (BPA). Ce composé organique de synthèse est soupçonné d’être d’impliqué dans divers pro-blèmes de santé : cancer, diabète, baisse de la fertilité, troubles comportementaux. En juin 2010, l’Assemblée nationale a interdit en France la fabrication et la commercialisation de biberons contenant du BPA. Cependant, en l’absence d’études « robustes », les députés n’ont pas étendu cette mesure aux autres récipients alimentaires en contenant. Ça jette un froid, au bénéfice des surgelés !

conSERvaTIon : avanTagE aU SURgElé La boîte se garde deux à cinq ans sans modification des qualités organoleptiques des aliments, c’est-à-dire du goût, de l’odeur, de la consistance… selon l’Uppia. Les produits au congélateur se maintiennent entre un et deux ans, selon le Syndicat des surgelés. En fait, la préservation des vitamines et nutriments se joue entre la récolte et le conditionnement. En un ou deux jours, vos petits pois frais peuvent perdre la moitié de leur vitamine C, selon une étude parue en 2007 dans Le Journal des sciences de l’alimentation et de l’agriculture. Même au frigo ! Appertisés ou congelés à très basse température quelques heures après la cueillette, les conserves et les surgelés limitent les pertes. Néanmoins, les nutritionnistes mettent souvent les conserves en boîte pour leur teneur élevée en sel ou en sucre. Un conseil : rincer leur contenu avant d’ingurgiter. —

Casse-tête

Il ne manque pas grand chose à la conserve pour remporter haut la main le match : un régime sans sel et sans bisphénol A. Encore un effort.

Et le gagnant longue durée est…

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A l’hôpital, des jardins aux petits soins

En fin d’après-midi, quand l’ombre gagne la grande cour nichée au cœur du très chic quartier parisien du Marais, menthe, lavande et thym

répandent leur parfum au pied de la rhubarbe, des framboisiers et du ch

u de

nan

cy

Ils stimulent les sens, la mémoire, sollicitent le corps ou apaisent l’esprit. Les jardins thérapeutiques destinés aux patients fleurissent dans les établissements de santé. Par CÉCILE CAZENAVE

sociation des jardins partagés du IVe arrondissement vient ainsi aider les patients volontaires à planter, butter, tailler les plantes de ce jardin thérapeutique.

Double bénéficeEn vogue au Canada et aux Etats-Unis, ce genre très particulier d’espace vert est encore nouveau en France. Mais de plus en plus d’hôpitaux y ont recours, parallèlement aux soins médicaux. Signe que les bienfaits du jardinage commen-cent à être reconnus, la présence d’un tel endroit est recommandée dans le Plan national Alzheimer 2008-2012.« Le bénéfice est double : il s’agit de tra-vailler sur les troubles de la mémoire mais aussi du comportement caractéristiques des malades d’Alzheimer », explique le Dr Thérèse Jonveaux, neurologue et chef de service de l’unité soins de suite au CHU de Nancy. Il y a trois ans, la

Ils changent le monde

kiwi. Ce petit jardin de six mètres sur six n’est pas la lubie d’une bour-geoise un peu bohème. Il fait partie des lieux de soins du centre d’accueil de jour des Francs-Bourgeois pour les malades d’Alzheimer. Une fois par semaine, une bénévole de l’As-

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cour d’honneur de l’hôpital nancéien Saint-Julien a été transformée en un jardin de 4 000 mètres carrés, le jardin de l’Horloge, aménagé en parcours thématique autour des quatre éléments : la terre, le feu, le vent et l’eau. Accueillis pour quelques semaines suite à une complication médicale, certains patients, à un stade avancé de la maladie, ont tendance à déambuler dans les couloirs et refusent de se cou-cher aux horaires très figés de l’hôpital. « Plus on cherche à les ramener vers leur chambre, plus ils deviennent agressifs. Notre stratégie consiste désormais à leur montrer le chemin du jardin ! », raconte le Dr Jonveaux. En accès libre, sécu-risé, bien éclairé, le jardin fait office de refuge apaisant.

Petits miracles Entourés de psychologues, d’ortho-phonistes, d’ergothérapeutes, les patients participent également à des ateliers destinés à solliciter le langage, les réminiscences ou les gestes, désor-mais en perdition. Evoquer son propre jardin, reconnaître les outils, refaire les différentes étapes du rempotage sont autant d’exercices que l’environnement et les cinq sens mobilisés stimulent. « L’hôpital, standardisé, est un envi-ronnement pauvre. Le jardin, lui, offre une richesse sensorielle unique », précise Thérèse Jonveaux. De petits miracles se produisent parfois comme cette dame, incapable de nommer une rose à partir d’une photo, retrouvant tout à coup le mot au contact des pétales de la fleur.« Le rythme des saisons est également un fantastique repère temporel », pointe le Dr Jonveaux. La chute des feuilles, la floraison des massifs, la maturation des fruits aident des gens déboussolés à se retrouver. Au jardin de l’Horloge, on célèbre aussi la fête de la mirabelle, tra-ditionnelle dans la région. Ce moment permet de rassembler les familles autour des malades pour confectionner des tartes au pied des arbres. A Pâques, les grands-parents reprennent leur place en cachant les œufs sous les arbustes. Alors que la maladie met à mal les liens familiaux, que l’hôpital rebute, le jardin réunit et réintroduit les rituels ch

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nan

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d’une vie (presque) comme les autres.« Attention, le jardin ne résout pas tout mais il remet de l’humanité à l’hôpital », souligne Anne Chahine, présidente de l’association Jardins et santé. Sa structure s’est donné pour mission de financer la création de jardins thérapeutiques grâce à un réseau de particuliers qui ouvrent leurs jardins privés aux visiteurs contre une petite rémunération. Une quinzaine de ces lieux ont déjà poussé : un potager de cucurbitacées pour jeunes adultes autistes dans le Cher, un jardin de fleurs pour enfants épileptiques près de Grenoble…

« Ce n’est pas un meuble »Derrière son apparente simplicité, un jardin thérapeutique constitue un projet complexe qui repose souvent sur la motivation d’un membre de l’équipe soignante. « Il ne suffit pas de poser trois plates-bandes ! », souligne Anne Ribes, infirmière et paysagiste

qui a créé et anime plusieurs de ces espaces en région parisienne. Chacun a ses spécificités en fonction des per-sonnes qu’il reçoit : des jardinières surélevées pour que les patients en fauteuil roulant puissent participer, de l’ombrage pour les malades sous chimiothérapie, sensibles au soleil, des espaces préservés de tout risque d’empoisonnement ou d’allergie pour des jeunes enfants, enclins à s’emparer des herbes folles…« Et une fois le projet monté, il faut savoir qu’un jardin n’est pas un meuble. Il nécessite qu’on s’en occupe », pointe la militante, qui ajoute : « Beaucoup d’établissements ont des envies mais pas de moyens. » Elle réclame une étude exhaustive des besoins et de la place disponible dans les hôpitaux, pour arrêter de « fonctionner avec des bouts de ficelle ». Et qu’enfin, face à la chimie médicamenteuse, on prenne l’alchimie du jardin au sérieux. —www.jardins-sante.org

« L’hôpital, standardisé, est un environnement pauvre. Le jardin, lui, offre une richesse sensorielle unique. »Le docteur Thérèse Jonveaux, neurologue et chef de service au CHU de Nancy

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Loos-en-Gohelle n’a pas que ses deux terrils de 186 mètres, les plus hauts d’Europe, pour se faire remarquer. Cette ville de

7 000 habitants, dans le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, n’a cessé, depuis la fermeture de la fosse d’ex-traction 11/19, en 1986, de verdir son futur après un passé noirâtre.« A partir d’un territoire meurtri par le développement non durable de la mine, nous avons voulu créer un modèle de  od

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développement durable », résume le maire, Jean-François Caron. Trace de cette difficile transition, Loos affiche aujourd’hui encore un taux de chômage bien supérieur à la moyenne nationale.

« Contre l’opinion »Sans vouloir renier le charbon, l’ancien maire de la ville et père de l’actuel, Marcel Caron, s’est fixé comme priorité de redonner une perspective au lieu, tout en impliquant la population. « Il 

L’ex-cité minière a retrouvé un filonLoos-en-Gohelle, dans le Pas-de-Calais, se rêve en laboratoire de la ville durable, loin de son passé minier. Par HÉLÈNE DUVIGNEAU

s’est battu contre l’opinion de l’époque qui consistait à vouloir tout détruire, y compris les terrils », note Frédéric Kowalski, de l’association Chaîne des terrils. Puis, Jean-François Caron s’est à son tour aperçu qu’il fallait préserver les terrils, ces réservoirs « d’espèces extraor-dinaires ». Cet hyperactif de 54 ans, qui travaille dans le secteur de la santé a été élu conseiller régional sous l’étiquette Verts en 1992, conseiller municipal en 1995, avant d’être élu maire en 2001. « Mon engagement a été d’emblée une synthèse entre le social, l’environnement et l’économique. Rien à voir avec l’éco-logie pure et dure. »

Ceinture vertePremier chantier municipal à son actif : repenser avec les habitants le plan local d’urbanisme « d’une ville malmenée par la mine » en se penchant sur l’éco-construction, les espaces verts, la mixité sociale… La ville parie aussi sur les initiatives pionnières en installant une scène culturelle à vocation nationale, en signant une charte du cadre de vie, avec des logements sociaux Haute Qualité Environnementale, une ceinture verte pour favoriser la biodiversité… Durant les années 2000, les projets s’accélèrent, financés par la Région et l’agglomération, avec la création d’un Centre ressource du dévelop-pement durable pour sensibiliser les populations ou encore d’une pépinière d’éco-entreprises… Si, au total, une centaine d’emplois ont été créés, le but avoué consiste moins à assurer le plein emploi qu’à créer un terrain favorable aux investisseurs tout en ser-vant de laboratoire au développement durable. —www.loos-en-gohelle.fr

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Sourire aux lèvres mais concentrées, Fatima et Fatiha apprennent à faire du vélo sous l’œil d’une caméra.

Si elles sont sous les feux de la rampe, c’est parce que ces deux quadragé-naires sont des « héros ordinaires », ces citoyens que le Grand Lyon a décidé de mettre en valeur pour leurs initia-tives sobres pour la planète. Ce projet, qui s’inscrit dans le Plan climat de l’agglomération, a débuté en 2009, avec l’association de service civique Unis-Cité, dans laquelle s’activent de jeunes Lyonnais volontaires. A l’origine, une observation simple : de nombreux citoyens adoptent spontané-ment des comportements « propres », comme se déplacer en vélo, mais aussi construire une maison bioclimatique, partager un jardin avec les voisins de l’immeuble… Mettre en lumière l’énergie de ces héros responsables à l’aide de vidéos, c’est aider d’autres personnes à se lancer à leur tour.

Des « héros ordinaires » pour susciter les vocations

Car ce dispositif dynamique ambi-tionne d’aller plus loin que les panneaux informatifs du type : « Triez, c’est bon pour la planète ! » « Ces messages de sensibilisation, relayés par les médias, sont déjà intégrés », estime Sandrine Boucher, la journaliste missionnée par la collectivité pour mener une grande enquête de terrain. Il s’agit donc de transmettre l’envie de sauter le pas.

« On n’a pas la recette »Les « héros ordinaires » – qui se sentent plus ordinaires que héros – ont éga-lement démarré de nouveaux projets. « Un architecte intéressé par l’habitat collectif est ainsi entré en contact avec de futurs occupants », cite Sandrine Boucher. Développer un réseau, briser les freins aux velléités éco-res-ponsables… ce projet expérimental « dont on n’a pas la recette », confie la journaliste, s’étoffe d’année en année. —http://blogs.grandlyon.com/plan-climat

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Jeun’ESSDonner à ses projets une finalité sociale ou environnementale. Se lancer dans la création d’une structure innovante. Si tout cela vous parle et que vous avez moins de 30 ans, alors foncez : l’appel à projets lancé par le programme Jeun’ESS – pour économie sociale et solidaire – est clairement fait pour vous. Le dispositif, issu d’un partenariat public-privé, veut soutenir ce secteur, réponse crédible « face aux impasses du modèle économique dominant ».Les projets proposés, qui devront « présenter un caractère d’innovation sociale », pourront obtenir une aide de 15 000 à 45 000 euros s’ils sont sélectionnés. Pas une seconde à perdre, l’appel à projet est ouvert jusqu’au 30 septembre 2011. —www.jeun-ess.fr

LES bonS tuyaux Vous avez un projet, ils peuvent vous aider.

L’agglomération lyonnaise met en avant les initiatives propres de citoyens à l’aide de vidéos. Car le bon geste est la portée de tous.Par AGATHE MAHUET

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Vous avez un projetpour changer le monde ?

[email protected]

Ils changent le monde

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76 septembre 2011 terra eco

Artisans du changementCOLLECTIF3 DVD, EDITIONS MONTPARNASSE, 40 EuROSA tous ceux qui, le moral en berne, constatent l’ampleur des catastrophes environnantes, un conseil : regardez ces « artisans du changement » à l’œuvre. Partout dans le monde – 26 pays au total –, ces pionniers,

universitaires, scientifiques, artistes, entrepreneurs font émerger des idées nouvelles. La première saison décline dix reportages sur des sujets parfois peu traités en images : le biomimétisme, l’entrepreneuriat social, le recyclage… On retrouve des visages connus, ceux du prix Nobel de la paix 2006 et chantre du microcrédit Muhammad Yunus ou de Tristan Lecomte, fondateur de la marque de commerce équitable Alter Eco, mais la plupart sont peu médiatiques. A Dhaka, la capitale du Bangladesh submergée par les déchets, on rencontre les fondateurs

de Waste Concern, qui collectent les déchets organiques à domicile et les transforment en engrais naturel vendu ensuite à bas prix aux paysans. A Philadelphie aux Etats-Unis, on découvre, sur les immeubles, les fresques du Mural Arts Program, dirigé par l’artiste Jane Golden qui cherche à donner un sens créatif à la vie de jeunes en mauvaise posture. En Colombie-Britannique, au Canada, un chef d’entreprise se marie selon les rites amérindiens et collabore avec les Nord-Amérindiens pour exploiter une carrière de sable sur leur territoire… Face à des problèmes globaux (changement climatique, crise économique, etc.), ces solutions locales paraissent puissantes et porteuses d’espoir. Pourquoi ? Parce qu’elles sont simples, duplicables et fondées sur l’intelligence collective. Pourvu qu’il y ait une loi des séries derrière ces parcours magnifiques. —Anne de mAllerAywww.artisansduchangement.tv

Enrichissez-vous / Cinéma

A voir comment chAnger d’ère

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terra eco septembre 2011 77

BonobosD’ALAIN TIXIER1 DVD, SND, 20 EuROSBéni, jeune bonobo capturé par les humains est sauvé par Claudine André qui le recueille dans le sanctuaire qu’elle a fondé en 2002 près de Kinshasa, en République démocratique du Congo. On le suit, lui et ses petits camarades, dans leur vie quotidienne dans ce parc de 35 hectares, transition vers un retour à la vie sauvage. Ce docu-fi ction, qui a le mérite de nous faire découvrir ces « cousins » menacés par le braconnage et la déforestation, force un peu le trait sur la ressemblance, certes réelle, entre humains et bonobos. — A. de m.

TomboyDE CÉLINE SCIAMMA, 1 DVD, EDITIONS PYRAMIDE, 20 EuROSGarçon ? Fille ? Les premières scènes du fi lm ne le disent pas. Elles nous plongent dans une ambiguïté qui ne sera levée que plus tard. Lorsqu’on entendra le prénom de cette petite fi lle, Laure, 10 ans, qui déménage, au creux de l’été, avec son père, sa mère enceinte et sa petite sœur dans une banlieue à l’orée d’une forêt, terrain de jeux des enfants du coin. Lorsqu’elle se joint à eux, Laure se présente sous le nom de Michael et tente de camper son personnage. Ce fi lm solaire, magnifi quement interprété, livre une réfl exion toute en nuances sur l’identité. — A. de m.

Los herederosD’EUGENIO POLGOVSKY EN SALLES LE 21 SEPTEMBRETourné dans six régions rurales du Mexique, Los Herederos, en VF, Les Héritiers, fi lme le quotidien des enfants de villages pauvres. Sans voix off, le documentaire laisse toute la place aux regards, aux gestes et aux mots, rares, de ces enfants, qui, dès l’âge de quatre ans, participent aux tâches ménagères, apprennent l’artisanat, travaillent aux champs… Héritiers d’une pauvreté extrême, ces petits apprentis aux mains expertes font preuve d’un sérieux et d’une concentration inattendus, ponctués, parfois, de grands éclats de rire. — A. de m.

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78 septembre 2011 terra eco

Rien ne nous survivra, le pire est avenirMAÏA MAZAURETTEGALLIMARD, FOLIO SF, 375 P., 7,30 EUROS

En cette rentrée littéraire, il est loisible d’oublier Beigbeder et son Premier Bilan après Apocalypse (Grasset) ou

Nothomb et son Tuer le père (Albin Michel) pour entrer dans une Apocalypse où l’on tue le père, mais en vrai. On est nombreux à y avoir songé : Maïa Mazaurette l’a fait. C’est-à-dire imaginer une guerre civile – avec le décorum réaliste qui l’accompagne : barricades, tirs de roquettes, immeubles éventrés – opposant les jeunes et les vieux. La guerre des générations, en somme. La haine des jeunes, révoltés donc, contre les vieux cossus satisfaits, les opulents qui ont fi gnolé un système économique tout à leur gloire, ruiné la planète, accaparé le reste. Et pire que tout, qui n’aspirent, par propagande, qu’à rester plus jeunes

que les jeunes (« On peut refuser la vieillesse comme une cigarette »).

« Agicide »Mais comment vaincre les soixante-huitards sur le terrain qu’ils connaissent le mieux, la rébellion chevelue ? Sans faire un remake justement mais en empruntant un tout autre chemin, plutôt punk en l’occurrence : tuez-les tous. « La génération 68 ne plaidera jamais coupable : à nous de l’anéantir », proclament les tracts. L’anéantir en commençant par ceux qui nous sont les plus chers, nos parents – boum, deux bastos et un fi let de sang qui serpente sur le carrelage de la

cuisine familiale. Un « âgicide » sans rime ni raison qui transforme Paris en un champ de bataille fumant où rodent les bandes d’ados munis de kalachnikovs, ravitaillés par les Albanais et les Russes (les vieux ont les Italiens de leur côté). Au fait, à quel âge devient-on vieux pour les mutins ? On n’est pas vieux « dans sa tête », comme le disent les idiots. Non, la vieillesse est certifi able comme un groupe sanguin. Pour eux, c’est 25 balais. Au-delà, c’est l’inéluctable, la décrépitude, le passage à l’ennemi. D’où un petit quelque chose hilarant sur les « complices passifs », les trentenaires (Mazaurette en est et ça se sent) : « Ils trouvent notre rébellion géniale, ils ont enfi n quelque chose à raconter dans leurs blogs. Installés dans leurs gros fauteuils Ikea, accros au virtuel, ils s’échangent des e-mails exaltés, fi ers de vivre un moment historique. »

Chantilly maison Rééquilibrant la pyramide des âges à la mitrailleuse, les jeunes sanguinaires savent qu’ils n’en ont pas pour très longtemps. Une armée internationale va bientôt débarquer pour les zigouiller. Aucun d’entre eux n’en paraît plus peiné que ça. Ils savent qu’une révolte digne de ce nom est comme une chantilly maison : à déguster immédiatement, sous peine de se rancir. Jamais ils ne seront vieux et leurs forfaits rendront toute récupération nostalgique impossible. Non, jamais il n’y aura de casquettes « Kill Daddy » et cela suffi t à rendre leur fi n moins tragique. —ARNAUD GONZAGUE

dr

A LIRE NI VIEUX NI MAÎTRES

« La génération 68 ne plaidera jamais coupable : à nous de l’anéantir », proclament les tracts des jeunes en pleine guerre civile contre leurs aînés.

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Vers une société d’abondance frugaleSERGE LATOUCHE,MILLE ET UNE NUITS, 208 P., 4,50 EUROSReconnaissons à l’économiste Serge Latouche une certaine constance : cet ouvrage est, au bas mot, son dixième à parler de décroissance ! Celui-ci dresse une liste des « contresens et objections » opposés à sa philosophie et y répond. Mais rien à faire, les restes (assumés) de marxisme ne passent pas : des généralités, peu de chiffres pour les étayer, un jargon pénible (les « réciprocités horizontales »), un brin de complotisme (contre « la propagande productiviste et consumériste ») et beaucoup (trop) de certitudes. La société décroissante sera le genre humain ? Pas celle-là en tout cas. — A.G.

Comme une soudaine envie de volerTHIERRY DEDIEU, PETITE PLUME DE CAROTTE, 43 P., 16 EUROSQuand on sait la regarder, la nature peut nous apprendre des tas de choses, même l’art du vol. Magnus Philodolphe Pépin, un scientifi que lutin de 327 ans – avec des faux airs de Claude Allègre ! – s’inspire des coccinelles, papillons et divers piafs pour réaliser son rêve icarien. En général, ça se fi nit mal… Mais, pour les enfants – à partir de 6 ans –, cet album superbe constitue une introduction idéale au biomimétisme, la reproduction industrielle des propriétés naturelles. Et, qui sait, le germe d’une vocation. — A.G.

Changer le monde : tout un programme !JEAN-MARC JANCOVICI, CALMANN LEVY, 242 P., 18 EUROSLa dernière livraison de Jean-Marc Jancovici est une redoutable arme anti-café du commerce. Le polytechnicien y rappelle qu’il n’y a plus assez de pétrole, que le charbon est une cata environnementale et que les énergies renouvelables coûtent cher. Et surtout que nous consommons sans limite. Que propose-t-il ? Un méga-programme pour chasser nos sources d’énergie carbonées. Reste un problème : le nucléaire. Pour Jancovici, on ne pourra pas faire sans. Il ne manque pas d’arguments, mais son refus d’entendre qu’il y a un avant et un après Fukushima dérange. Sur ce point, on aurait aimé lire un « Janco » acéré ! — WALTER BOUVAIS

Le pire ami de l’hommeCATHERINE MOUGENOT ET LUCIENNE STRIVAY, LA DÉCOUVERTE, 176 P., 13 EUROSAnodine, cette bouboule de poil qu’est le lapin ? Que nenni ! Débarquée d’Afrique en même temps que l’homme, au paléolithique, la bestiole, par une faculté d’adaptation hors du commun – sans parler de sa reproduction – s’est propagée partout. Ni domestique, ni sauvage mais vraiment nuisible, elle a transformé « les prairies en landes pierreuses », s’est révélée impossible à éradiquer, a trimbalé d’affreuses maladies mais aussi nourri quantité de familles pauvres. Son histoire est racontée avec une délicieuse érudition et des tonnes d’anecdotes plus savoureuses encore que le civet de maman. — A.G.

Toutes les chroniques culturelles sur

Comme une

Toutes les chroniques culturelles sur

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Sur vos agendas

21 au 28 août

Coupe du monde de football des SDF Pour la 9e édition de ce tournoi qui

rassemble des équipes nationales

masculines et féminines de

sans-abris, les équipes se

retrouveront sous la tour Eiffel.

(Champ de Mars, Paris).

www.homelessworldcup.org

30 et 31 août

Communication pour le développement durableLa 9e édition de l’Université

d’été de l’Acidd (Association

communication et information

pour le développement durable)

réunira des professionnels de la

communication d’entreprise et de

collectivités autour d’ateliers et

de conférences (La Tour

d’Aigues, Vaucluse).

www.communication

developpementdurable.com

1er au 4 septembre

Ethical Fashion ShowSalon de « la mode éthique » :

showrooms, tables rondes et

défi lés de créateurs dont l’idéal est

une mode tendance qui respecte

l’homme et l’environnement (Cité de

la mode et du design, Paris).

www.ethicalfashionshow.com

2 au 4 septembre

Dance on the beachPour sa 2e édition, ce rendez-vous

électro de la fi n de l’été s’inscrit dans

une démarche de développement

durable et met notamment en

avant le patrimoine maritime de la

région. Au programme également,

des ateliers pédagogiques afi n

d’appréhender la biodiversité

locale (La Londe les

Maures, Var).

http://danceonthebeach.com

2 au 4 septembre

WoodstowerCet écofestival

bucolique présente

Goran Bregovic et

Brigitte. Et l’art de

rue est à l’honneur

(Parc de Miribel-

Jonage, Lyon).

www.woodstower.com

10 et 11 septembre

We love greenUn rendez-vous musical et

architectural qui s’attache à

promouvoir la responsabilité

écologique depuis sa conception

jusqu’à sa réalisation. Le tout dans

un cadre naturel enchanteur (Parc

de Bagatelle, Paris).

www.welovegreen.fr

14 septembre

Festival NLSDOrganisé depuis treize ans par le

syndicat la Coordination rurale, le

festival de non labour et semis direct

réunit des agriculteurs autour des

questions du travail du sol (Saint-

Pouange, Aube).

www.nlsd.fr

16 au 18 septembre

Salon Viv’Expo« Bien-être nature » et « éco-

habitat » : un double salon pour

rénover durablement son logement

et apprendre à consommer

responsable (Bordeaux, Gironde).

www.vivexpo.com

16 au 22 septembre

Semaine européenne de la mobilité

Une occasion

pour redécouvrir

les transports

dits « doux », qui

n’émettent pas ou

moins de gaz à effet

de serre (partout en

Europe).

www.agissons.

developpement-durable.gouv.fr

24 et 25 septembre

Salon Vivre et habiter écologique et bioPlus de 65 exposants sont

attendus pour cette manifestation.

A venir

7 septembre

« La mer est-elle l’avenir de l’homme ? »Cette conférence destinée

au grand public accueillera

notamment Tarik Chekchak,

directeur de l’Equipe Cousteau, et

les navigateurs Catherine Chabaud

et Roland Jourdain. Entrée

gratuite (Nantes,

Loire-Atlantique).

www.conference-mer.com

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terra eco septembre 2011 81

A venir

Vous souhaitez nous informerd’une manifestation, écrivez-nous :[email protected]

Sur les stands, éco-habitat,

énergies renouvelables ou encore

alimentation bio seront à l’honneur.

Entrée libre (Chérisy, Eure-et-Loir).

www.avern.fr

26 au 28 septembre

Global ConferenceComment gouverner ensemble

une planète globalisée ? La

question sera au cœur de ces

trois jours de rencontres, avec au

programme, quelque 600 acteurs du

développement durable (Evian-les-

Bains, Haute-Savoie).

www.planetworkshops.org

29 septembre

Colloque « Smart Grids »L’occasion de faire le point sur les

opportunités et les contraintes

de ces réseaux de distribution

d’électricité intelligents (Valbonne,

Alpes-Maritimes).

http://colloque2011.cma.ensmp.fr

29 septembre au 1er octobre

Salon de la croissance verte et des éco-industriesTrois jours et plus de 160 exposants

pour vous accompagner dans vos

projets d’éco-habitat, de mobilité

décarbonée ou de valorisation des

déchets (Futuroscope,

Vienne).

www.salon.croissanceverte.

poitou-charentes.fr

Jusqu’au 30 septembre

Festival Photo de La Gacilly400 clichés sur le

thème « Peuples

et nature » et voilà

comment un village

breton se transforme

en grande galerie

d’art pendant

quatre mois (La Gacilly, Morbihan).

www.festivalphoto-lagacilly.com

30 septembre au 2 octobre

Salon « résidence et bois »Chalets, isolation, bois traditionnel...

Un grand rendez-vous éco-

construction pour répondre à

tous vos projets d’habitat

(Eurexpo, Lyon).

www.salon-residence-bois.com

Jusqu’au 1er octobre

Nils Udo : exposition « Nature »

Photos et peintures

de l’artiste allemand,

grand nom du

« Land art », autour

de son thème

fétiche : la nature

(Musée de la

Poste, Paris).

www.ladressemuseedelaposte.com

1er octobre

Le Jour de la NuitAu programme

de la 3e édition de

cet événement :

observation des

étoiles et balades

nocturnes. Cette

nuit-là, il faudra

en prendre conscience : face à la

pollution lumineuse, la diversité

nocturne est à protéger (partout

en France).

www.jourdelanuit.fr

Jusqu’au 16 octobre

Festival international des jardins de ChaumontPour sa 20e édition, le festival de

Chaumont-sur-Loire se concentre

sur les jardins d’avenir, « ou l’art de

la biodiversité heureuse ». A ne pas

manquer notamment, les jardins

d’alerte et divers ateliers pour

reconstruire la diversité (Chaumont-

sur-Loire, Loir-et-Cher).

www.domaine-chaumont.fr

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Faites construire votre mini-maison de vacancesVous pouvez déjà faire construire votre maison de vacances modulaire. En identifiant les bonnes personnes sur le site Internet Archit-ecteo. Ou alors opter pour un Mini Loft 36 conçu par le bureau d’études Ecop Habitat, le premier habitat portable autonome en énergie. Attention, il ne vaut mieux pas être gêné par l’exiguïté. www.www.architecteo.comwww.ecop-habitat.fr

« Maison à faire soi-même miniature » : le magazineSi, si ! Ça existe ! Il y a des magazines pour tout. Small House Style magazine est le mag consacré à la tendance du « microhousing ». Pas mal d’images inspirantes. Un concept américain à découvrir si vous vous contentez facilement de 15 m2.www.smallhousestyle.com

Architecture de containersSi vous faites un saut à Londres prochainement, déviez votre chemin vers Trinity Buoy Wharf, au cœur des docks. Vous y trouverez la première ville-containers : des studios aménagés dans des containers empilés les uns sur les autres, et reliés par des passerelles. Architecture étonnante développée par Container City™. Ça vaut le coup d’œil. On en fait aussi des résidences étudiantes.www.containercity.com

Modulaire, classe, design et chic : la itHouseC’est le concept de itHouse développé avec des architectes. Des maisons construites sur mesure, selon vos besoins, à partir de modules ajustables à votre guise. « Une maison minimale pour une expérience immense. » Pas si mini que ça, si on en croit les photos !www.tkithouse.com

nowideas

Construisez votre maison comme un LegoMinuscule ou géante, la bicoque de demain sera modulable ou ne sera pas. En petits morceaux ou en gros cubes, vous l’agencerez comme vous voudrez. Par ALEXIS BOTAYA

Demain, vous pourrez construire votre maison vous-même. Ce sera une micro-résidence modulable et déplaçable à merci. Chaque module, comme une pièce géante de Lego, constituera une partie d’une pièce et parfois même une

Terra eco vous présente tous les mois une tendance futuriste et décalée, dénichée par l’un des « éclaireurs » de nowideas,

le webmagazine des styles de vie du futur. www.nowideas.frPour d’autres expériences, branchez votre e-mail : www.nowideas.fr/news

pièce entière. Les parois qui séparent les pièces pourront être déplacées si vos besoins évoluent. Demain, chaque maison sera design, écologique mais surtout évolutive. Marre du salon orienté nord-est ? Permutez la cuisine

et le salon en changeant l’ordre des modules. Avec une grue. C’est moins cher que déménager. Et ajoutez une piscine en container recyclé. Demain, votre maison pourrait bien évoluer au gré de vos envies. Et non l’inverse. —

john

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rTendance détectée par Benjamin Van Bockstaël

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