Stratégies RSE-BOP et Soin des Communautés Humaines. Concepts … · Management international ......
Transcript of Stratégies RSE-BOP et Soin des Communautés Humaines. Concepts … · Management international ......
Document généré le 14 sep. 2018 19:40
Management international
Stratégies RSE-BOP et Soin des CommunautésHumaines. Concepts et Propositions Génériques
Marielle A. Payaud et Alain Charles Martinet
Volume 14, numéro 2, hiver 2010
URI : id.erudit.org/iderudit/039547arDOI : 10.7202/039547ar
Aller au sommaire du numéro
Éditeur(s)
HEC Montréal and Université Paris Dauphine
ISSN 1206-1697 (imprimé)
1918-9222 (numérique)
Découvrir la revue
Citer cet article
Payaud, M. & Martinet, A. (2010). Stratégies RSE-BOP et Soindes Communautés Humaines. Concepts et PropositionsGénériques. Management international, 14(2), 31–51.doi:10.7202/039547ar
Résumé de l'article
Parmi les nombreuses pratiques de stratégies de responsabilitésociale, l’une requiert un engagement fort de l’entreprise sur leterritoire, c’est-à-dire de ses compétences, de sa gouvernanceet de son management : la RSE-BOP (Martinet, Payaud, 2008a,2008b, 2009). La RSE-BOP est inspirée de « La base de lapyramide » (« Bottom of the pyramid ») de Prahalad (2004) quidésigne les 4 milliards d’individus disposant de moins de deuxdollars par jour et qui suggère aux entreprises de reconsidérerce faible pouvoir d’achat et de s’intéresser à ces nouveauxconsommateurs. L’article esquisse un cadre conceptueldestiné au management stratégique de projets d’entreprises’inscrivant dans une telle perspective. Ainsi, il présente laRSE-BOP comme une forme avancée de la RSE et une voiepour l’aide au développement des pays les plus pauvres,développe les fondements théoriques du cadre conceptuel etles conditions de mise en oeuvre d’une RSE-BOP.
Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des servicesd'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vouspouvez consulter en ligne. [https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/]
Cet article est diffusé et préservé par Érudit.
Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Universitéde Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pourmission la promotion et la valorisation de la recherche. www.erudit.org
Tous droits réservés © Management international /International Management / Gestión Internacional,2010
Dansl’éventaildesstratégiesderesponsabilitésocialede l’entreprise à but lucratif (RSE), la RSE-BOP
sembleconstituerlaformeactuellementlaplusavancée.
Cette forme d’exercice de R.S.E. renvoie aux obser-vationsempiriquesdeC.K.Prahalad (2004) [1].L’auteursuggère aux firmes multinationales de s’intéresser aux 4milliardsd’individusdisposantdemoinsde2dollarsparjour–qu’ilidentifiecommeétantlabasedelapyramide,soit «bottom of the pyramid», B.O.P. – et propose uneesquissedeconceptualisationpourguiderunefirmedési-reusedes’engagerdanscettevoie.Cespopulationsnepeu-ventdevenirconsommateurspotentielsquesiunepolitiqued’innovation radicale est poursuivie. Une nouvelle enve-loppeprix/performancedoitêtreconçueafindediviserpar
dixetparfoisdeuxcentsleprixd’unproduit/servicecom-parableenOccident;desinnovationsradicalesdeproduitsetméthodesdedistribution,desréagencementsdecompé-tencesdesopérateurs,desprogrammesde formation,desinterfacesproducteurs/distributeurs/clients totalement iné-ditessontindispensablespourredessinertotalementlesys-tèmed’activitéset lerendreéconomiquementviabledansdescontextesàtrèsfaiblepouvoird’achat,infrastructuresdéficientes,pratiqueslocalesdecorruption…
Lescaslesplusfréquemmentcitésconstituentàcejourdavantage une base d’investigation que des résultats pro-bantstantqu’àlaviabilitédesexpériencespourlesinitia-teursquepourlaréductiondelapauvretédespopulationslocalesconcernées.Lesdiscussionsacadémiquesquis’en-
Résumé
Parmi les nombreuses pratiques de stra-tégies de responsabilité sociale, l’unerequiertunengagementfortdel’entreprisesurleterritoire,c’est-à-diredesescompé-tences,desagouvernanceetdesonmana-gement : laRSE-BOP (Martinet,Payaud,2008a, 2008b, 2009). La RSE-BOP estinspirée de «La base de la pyramide»(«Bottom of the pyramid») de Prahalad(2004)quidésigne les4milliardsd’indi-vidusdisposantdemoinsdedeuxdollarspar jouretquisuggèreauxentreprisesdereconsidérer ce faible pouvoir d’achat etdes’intéresseràcesnouveauxconsomma-teurs.L’articleesquisseuncadreconcep-tueldestinéaumanagementstratégiquedeprojets d’entreprise s’inscrivant dans unetelleperspective.Ainsi,ilprésentelaRSE-BOPcommeuneformeavancéedelaRSEetunevoiepour l’aideaudéveloppementdes pays les plus pauvres, développe lesfondements théoriques du cadre concep-tuel et les conditions de mise en œuvred’uneRSE-BOP.
Mots clés: stratégieRSEBOP,pauvreté,communautéslocales,ONU
AbstRAct
Initiated by Prahalad (2004), “Bottom ofPyramid(BOP)Strategies”needprobably,oneofthehighestdegreesofinvolvementif we consider the large range of corpo-rate social responsibility and responsive-ness practices in the last years (Martinet,Payaud, 2008a, 2008b, 2009). Such verycomplex projects require radical innova-tions and very deep attention and care tocopewithterritoriesandlocalcommunitiesspecificities.
Theaimofthisarticleistoformulateacon-ceptualframeworkandasetofinterrelatedpropositionsforthestrategicmanagementof“BOP”ambitiousprojects.Undertheseguidelines, it seems possible to achieveboth thegoalsof thefirmand thehumancommunitiesdevelopmentonthelongrun.
Keywords: “BOP Strategies”, poorness,humancommunitiesdevelopment,U.N.O.
Resumen
Entre las numerosas prácticas de estra-tegias de responsabilidad sociall, unarequiere un compromiso fuerte de laempresa,desuscompetencias,desubuengobiernoydirecciónenlosterritoriosyenlas comunidades humanas : la RSE-BDP(Martinet, Payaud, 2008a, 2008b, 2009).LaRSE-BDPseinspirade«Labasedelapirámide»(«Bottomofthepyramid»)dePrahalad (2004) que designa a los 4.000millones de individuos que disponen demenosdedosdólaresaldíayquesugierea las empresas que se interesen por esaspoblacionespobres.Elartículoesbozaunmarco conceptual destinado al manage-mentestratégicodeproyectosempresaria-lesqueseinscribenentalperspectiva.Así,A. Martinet presenta la RSE-BDP comouna formaavanzadade laRSEyunavíapara impulsar el desarrollo de los paísesmás pobres, desarrolla un marco concep-tualy sus fundamentos teóricosasí comounsistemadepropuestasgenéricasparalaformaciondeestrategiasRSE-BDP.
Palabras claves: estrategia RSE BDP,pobreza, comunidades locales, desarrollohumano
Stratégies RSE-bOP et Soin des Communautés Humaines. Concepts et Propositions Génériques
MaRIELLE a . PayaUD aLaIn CHaRLES MaRTInET1
EURISTIK – Université Jean-Moulin de Lyon EURISTIK – Université Jean-Moulin de Lyon
1. Le présent article a été principalement développé par MarielleA.Payaudàpartir deACMartinet,MAPayaud,RevueFrançaisede
Gestion,vol.34(180),2008(pourlataxonomie),etRevuedel’Organi-sationResponsable,vol.4(1),2009(pourlecadreconceptuel).
32 Management international / International Management / Gestión Internacional, 14 (2)
gagent semblent privilégier le raisonnement économiqueclassique, comme l’illustre la controverse récente entreKarnani (2007)[2]etPrahalad lui-même(parcourrierenfévrier 2008). Le premier met en doute la possibilité detellesbaissesdeprixenneparvenantpasàimaginerl’am-pleur d’une innovation radicale. Ce constat inspire deuxvoiesderecherche.Premièrement,desanalysesempiriquesextrêmement fines sur le contenu des expériences et leurévaluation économique, sociale et écologique; deuxième-ment,laconceptualisationdecesactivitéscommedesinno-vationsstratégiquesmajeures.Cequisignifielaconceptiond’un système stratégique complet, incluant la totalité dusystème d’offre, le réseaude créationdevaleur, la façondont les compétences stratégiques de l’entreprise doivententrerensynergieaveclesressourcesetsavoirslocaux.
Le présent article constitue le deuxième volet d’untriptyque.Lepremier s’est attaché àbâtir une taxonomiedes formesderesponsabilitéssocialespratiquéescesder-nières années qui a permis de dégager la stratégie RSE-BOPcommelaformejugée laplusavancéeactuellement(Martinet, Payaud, 2008a; Martinet, Payaud, 2009). Cedeuxième volet présente une modélisation heuristiqueconstituée d’un schéma directeur pour un managementstratégiqueRSE-BOPetd’unsystèmepropositionnel,quidéveloppe tout à la fois les fondements théoriques et lesprincipalesconditionsdemiseenœuvre.Letroisièmevolet,quifaitl’objetd’unerechercheencoursd’installation,s’at-tacheraàmettreàl’épreuveetàaffinercettemodélisationparletruchementderecherchescliniquesetderecherches-interventionssurplusieurssitesdedéploiementdestraté-giesRSE-BOP.
Cet article présente, en première section, la stratégieRSE-BOPcommeuneformeavancéedelaRSEquipeutêtreauservicedel’aideaudéveloppementdeshommeslesplusdémunis.En seconde section, l’articledéveloppe lesappuis théoriquesquiviennentconforter lespropositions,etqui s’opposentpresqueen toutpoint au«managementhors-sol»àprétentionuniversellepromuparlecapitalismefinancier et l’enseignement véhiculé dans de trop nom-breuxprogrammesdeMBA(Mintzberg,2005);etensuite,lesconditionsrequisespourundéveloppementauthentiquedes communautés locales de façon à éviter les dérives etles récupérations comme leur transformation en marchésolvable ou en purs consommateurs. La viabilité de cesstratégieset leurcontributioneffectiveà la luttecontre lapauvreté supposent au contraire que ces communautés etcesindividuspuissentjouerdesrôlesmultiples,développerleurs capacités (Sen, 1999) et couvrir leurs coûts d’exis-tence(Perroux,1986):consommateurs,certes,maisaussiproducteurs,distributeurs,porteursdesavoirs.Bref,deres-pecter leurcomplexitéet leurrichesseanthropologiqueetculturelleplutôtquedelesconstituerenhomoœconomicus.
La stratégie RSE-bOP : une forme avancée de la RSE et une voie pour l’aide au
développement humain.
Saufàpréconiserdespartenariatspublic/privénotammentavecdesONG internationales in situ, ou à encourager lemécénat,lestravauxsurlaresponsabilitésocialefontrare-mentcasdel’extrêmepauvretédespaysenvoiededéve-loppement.Ainsi,lorsqueladétressedesPEDestassociéeàlaRSE,l’exercicedelaresponsabilitéserésumeleplussouventaudon,àlasubventionfinancièrephilanthropique.Pratiques évidemment utiles et indispensables, mais quiméritentd’êtrecomplétéesparuneRSEdavantage impli-quéeoùlesentreprisesapporteraientplusqu’uneressourcefinancière,maisdescompétencesstratégiquesadaptéesauxbesoinsdespopulationsdémunies.
lA Rse-bop mobilisée pouR l’Aide Au développement
La RSE et la pauvreté
Rares sont les publications sur la responsabilité socialede l’entreprisequinementionnentpas la théoriedespar-ties prenantes afind’étayer la raisond’êtrede ce champ.Pourtant,raressontcellesquisoulignentl’effetdéfinitifquepeutavoirlechoixd’unedéfinitiondelanotionde«partieprenante»surlapolitiquederesponsabilitésocialemenéeparuneentreprise.Outrequel’entrepriseesttroppeusou-vent considérée comme étant elle-même constellation departiesprenantes,s’ajoutelapropensiondeschercheursetpraticiensàidentifierlespartiesprenantesenexcluantlesdynamiquesdelasociétécivileelle-même.Car,àdécom-posercelle-cienunitésélémentaires«quipeutaffecterouêtreaffectéparlaréalisationd’objectifsorganisationnels»(Carroll et Buchholtz, 2000), l’on oublie que l’entreprisen’est pas seulement «en marché» mais «en société»(Martinet,1984).Adistinguerlespartiesprenantesinternesetexternes(CarolletNäsi,1997),primairesetsecondaires(Clarkson,1995),ouen7catégories(Mitchelletal.,1997),l’onoublieque l’entreprisepeut avoirun rôle au-delàdecespérimètressouventimplicitementnationaux.Araison-nerenimpacts,leplussouventnégatifs,l’entrepriseestvuedavantage en pollueur plus ou moins payeur que commeentrepreneursocialpotentiel.Araisonnerencalculstatiquel’onoubliequel’entreprisepeutdavantageréfléchirsares-ponsabilitéencapacitésstratégiquesetlesdéployerenjeuxpositifs(Martinet,1981).Saufàdéployerdespartenariatsavec des associations ou autres organisations à rayonne-mentinternational,laresponsabilitésocialedesentreprisessetourneleplussouventversdespartiesprenantesdirectesenutilisantquerarementsescompétencesstratégiques.
Dans lespaysoù le tissuéconomiquen’estpasdéve-loppé, ni organisé, les territoires ne bénéficient pas desobligationsderesponsabilitésocialedesentreprises.Ainsi,lesterritoiresetleshabitantsdespayslespluspauvresse
Stratégies RSE-BOP et Soin des Communautés Humaines. Concepts et Propositions Génériques 33
retrouvent exclusd’uneactivité économique structurée etpérenne.
Une orientation de RSE : le Rapport Mondial sur le Développement Humain du PNUD 2003.
Chaqueannée,lePNUDréaliseunrapportsurdesthéma-tiquesdifférentes,celuide2007/2008aparexemplepourthème«laluttecontrelechangementclimatique:unimpé-ratif de solidarité humaine dans un monde divisé», celuide 2004 : «La liberté culturelle dans un monde diversi-fiée»,etc.Celuide2003dontletitreest:«LesobjectifsduMillénairepourledéveloppement:unpacteentrelespayspour vaincre la pauvreté humaine» est le plus pertinentpouruneproblématiquedeRSEambitieuse,d’autantquelaplupartdesobjectifssontàhorizon2015(voirtableau1).
Ce rapportd’unegrandeclarté,documentéet subtile-ment construit est accablant tant les objectifs paraissentinsaisissablesparleurampleur.Cependant,sixorientationssontsuggérées(chapitres3à8):i)Surmonterlesobstaclesstructurelsàlacroissance(Situationgéographique,exiguïtédesmarchés,coûtdeséchanges,gouvernance locale,); ii)Uneactionpubliqueraisonnéeenfaveurdelasantéetdel’instruction; iii) Le financement privé dans les secteursde la santé, de l’éducation et de l’eau; iv) Quand l’ac-tion publique préserve l’environnement; v) Mobiliser lespopulations pour la réalisation des objectifs; vi) L’actionpublique,etnonlacharité:Commentlespaysrichespeu-ventcontribueràlaréalisationdesobjectifs?
Cecidit,le«secteurprivé»estleplussouventassociéaux nouvelles technologies (informations et communica-tions)qu’ildoitmettreàlaportéedetous.Or,ennepréci-santpassuffisammentouenn’identifiantpassuffisammentquelsacteursdisposentdesleviersd’action,ouenréduisantainsi laportéedesacteurs, lesorientationssuggéréesper-dentenopérationnalitéetd’autresnesontpasenvisagées.
Àcôtédenombreusesautres,l’exerciced’uneRSE-BOPpeutêtrel’unedesorientationsàadopter,enrépondanttantauxObjectifsduMillénairepourleDéveloppementqu’auximpératifs des entreprises économiques et/ou sociales. Ilestd’ailleursfrappantdevoirlegroupeDanoneconfirmernotrepositionenfaisantexplicitementréférenceauPNUDdanssondernierrapportRSE.
Des réponses apportées par la RSE-BOP
Lerôleet leseffetsdelaRSE-BOPviennentquestionnerlespréjugéssurlapauvretéetlasuspiciond’unecontribu-tionprivéeàluttecontrelapauvreté.
LeprixNobeldelaPaix,MuhammadYunus,aainsidûdéconstruiredenombreuxpréjugéspourmettreenplacesesprojetsdemicro-crédits:«lespauvresnesontpascapablesde s’en sortir, ne savent pas travailler en équipe, déciderpareux-mêmes,gérerunprêt,lacertitudequelameilleureformededéveloppement,c’estl’aideapportéeàdesprojetscentralisés,degrandeampleuretentreprisparlesgouver-
nements…».Yunus rétorque que «La pauvreté n’est pascréée par les pauvres». Or, les exemples de pratiques deRSE-BOPmontrent l’envie, lavolonté, lacapacitédecespopulationsdémuniesàs’impliquersurleurterritoire.
LaRSE-BOPrépondenpartieàchacundesObjectifsduMillénaire touten intégrant laplupartdesorientationssuggéréesparleRapportMondial.Dèslorsquelabasedelapyramideconcerne lapauvreté (moinsdedeuxdollarspar jour) et l’extrême pauvreté (moins de un dollar parjour),–soitrespectivement2,8milliardsdepersonneset1,2milliardsdepersonnes,4milliardsdepersonnesautotal–,lesentreprisesquis’engagentdansunetelleresponsabilitésociale visent prioritairement les besoins fondamentaux :ellescontribuentauxObjectifsduMillénaireliésàlasanté,àlamortalitéinfantile,àlafaim,àlamalnutrition,etc.Parailleurs, la RSE-BOP nécessitant d’habiter vraiment lesterritoires,d’intégrerlapopulationauxprocessusdevente,dedistribution(…),favorisel’implicationdespopulationsà la formationd’uneéconomie locale, comme le requiertune orientation du Rapport Mondial, et par-là permet degénéreruneactivitééconomique intégrée.Lasollicitationdes populations passe par une formation, une éducation,unapprentissagetantdesmoyenstechniques,quedesprin-cipesdegestion,uneconsommationraisonnéedesmatièrespremières comme des produits finis. Economiquement etsocialement,noussavonscombienlerôledesfemmesestimportant dans le développement d’éco-systèmes de cespays;lespratiquesdeRSE-BOPmontrentquelesfemmessont leplus souvent impliquéesdans lesprojetsdes sites(lesGrameenladiesauBangladesh,lesdaniladiesetdani-grandma enAfrique du Sud, le réseau de distribution deHLL, les techniciennes de Aravind…); ces expériencespositivesmontrentcombien l’exercicedece typedeRSEpeut contribuer à la promotion de l’égalité des sexes, àl’autonomisation des femmes et en conséquence à l’aug-mentationdurevenufamilial.Lespayspauvressouffrentleplussouventdeproblèmesstructurelssubstantiels,commele rappelle le Rapport Mondial (Chap.7 : 133) : une trèslourde centralisation des structures et des pouvoirs, et/ouundespotismedécentralisé, lacorruption, lanon-implica-tiondescitoyensàladéfinitiondesbesoinsprioritaires…Lacomplexitédelasituation,commeladifficultédetraite-mentdetelsproblèmesdegouvernanceetdemanagementnesauraientêtresous-estimées.Maisl’apportpotentieldelaRSE-BOPnepeutêtreignoré.Ladécentralisationpermetnotamment des réponses rapides et précises aux besoinslocaux, des mesures correctives, une responsabilité desacteurs locaux, de fait plus concernés et donc davantageimpliqués.LaRSE-BOPpermetselonZaoual (2005)unegouvernance«située»ouencastrée;parunsystèmederela-tionsetdecroyancespartagées,cetencastrementpermetdemieuxintégrerlesacteurslocaux.Ainsi,ladécentralisationparlesiteencréant,multipliant,étendantdesdémocratieslocales,peutpallierpartiellement l’insuffisancededémo-cratienationale.Lapopulationdémunie,parfoisoubliéepar
34 Management international / International Management / Gestión Internacional, 14 (2)
TabLEaU 1
Résumé des Objectifs du Millénaire pour le Développement
Objectifs Cibles
1. Fairedisparaître l’extrêmepauvretéet lafaim
Cible1:réduiredemoitié,entre1990et2015,laproportiondelapopulationdontlerevenuestinférieuràundollarparjour.
Cible2:réduiredemoitié,entre1990et2015,laproportiondelapopulationsouffrantdelafaim.
2. Garantiràtousune éducationprimaire
Cible3:D’ici2015,donneràtouslesenfantspartoutdanslemonde,lesmoyensd’acheveruncyclecompletd’étudesprimaires.
3. Promouvoir l’égalitédessexeset l’autonomisationdes femmes
Cible4:Eliminerlesdisparitésentrelessexesdanslesenseignementsprimaireetsecondaired’ici2005sipossible,etàtouslesniveauxd’enseignementsen2015auplustard.
4. Réduirelamortalité desenfants
Cible5:Réduirededeuxtiers,entre1990et2015,letauxdemortalitédesenfantsdemoinsde5ans.
5. Améliorerla santématernelle
Cible6:Réduiredetroisquartsd’ici2015letauxdemortalitématernelle.
6. CombattreleVIH SIDA,lepaludisme etd’autresmaladies
Cible7:D’ici2015,enrayerlapropagationduVIH/SIDAetcommencerd’inverserlatendanceactuelle.
Cible 8 : D’ici 2015, enrayer la propagation du paludisme et d’autres grandes maladies, etcommencerd’inverserlatendanceactuelle.
7. Assurerladurabilité desressources environnementales
Cible 9 : Intégrer les principes du développement durable dans les politiques nationales etinverserlatendanceactuelleàladéperditiondesressourcesenvironnementales.
Cible 10 : D’ici 2015, réduire de moitié le pourcentage de la population privée d’un accèsrégulieràl’eaupotable.
Cible 11 : Parvenir d’ici 2020, à améliorer sensiblement la vie d’au moins 100 millionsd’habitantsdetaudis.
8. Mettreenplaceun partenariatmondial pourledéveloppement
Cible 12 : Instaurer un système commercial et financier plus ouvert, fondé sur des règles,prévisible et non discriminatoire, ce qui implique un engagement en faveur de la bonnegouvernance,dudéveloppementetdelaluttecontrelapauvreté,aussibienàunniveaunationalqu’international.
Cible 13 : Subvenir aux besoins spécifiques des pays les moins avancés, ce qui supposel’admission en franchise et hors contingents de leurs exportations, un programme renforcéd’allègementdeladetteetl’annulationdeladettepubliqueaudéveloppementplusgénéreuseauxpaysquidémontrentleurvolontédeluttercontrelapauvreté.
Cible14:SubvenirauxbesoinsspécifiquesdespaysenclavésetdespetitsEtatsinsulairesendéveloppement(…).
Cible15:EngagerunedémarcheglobalepourréglerleproblèmedeladettedesPEDpardesmesuresnationalesetinternationalespropresàrendrecetendettementsupportableàlongterme.
Cible16:EncoopérationaveclesPED,imagineretappliquerdesstratégiesdenatureàcréerdesemploisproductifsdécentspourlesjeunes.
Cible17 :Encoopérationavec les laboratoirespharmaceutiques,proposerdesmédicamentsessentielsaccessiblesàtousdanslesPED.
Cible18:Encoopérationaveclesecteurprivé,mettreàladispositiondetouslesbienfaitsdesnouvellestechnologies,notammentcellesdel’informationetdescommunications;
Stratégies RSE-BOP et Soin des Communautés Humaines. Concepts et Propositions Génériques 35
lesgouvernantsdecespayspeutretrouveruneexistenceetunrôledecitoyenpluriel.
objet et pRojet de lA modélisAtion
L’objectif : une modélisation heuristique
Larechercheenstratégied’entreprises’estpersuadéequelaseulefaçondefairescienceconsistaitàmultiplierl’éta-blissement de relations causales élémentaires «siA alorsB»,touteschoseségalesparailleursbiensûr.C’estpour-tantundomaineoùcettedernièreclausevidelargementdesonsensles«lois»ainsiétablies.Nombreusessontlesvoixautorisées (Hamel, 1998;Whittington, 2004 entre autres)qui se sontmanifestées cesdernières annéespourprovo-quer un changement radical que les conventions domi-nantesparviennentmalheureusementàcontenir.
Cen’estcependantpasunhasardsilestravauxquiontmarquéledemi-siècledelacourtehistoiredelarechercheen stratégie sont presque tous des modélisations heuris-tiques:Harvard,Ansoff,BCG,McKinsey,Porter,HameletPrahalad…L’impactconsidérabledePortertientaux3«frameworks» (Les 5 forces, l’avantage concurrentiel, lediamant)qu’il apatiemmentdéveloppésavantd’enargu-menter l’adéquation aux questions stratégiques (Porter,1991).
Un«framework»–quenousappelonsicimodélisationheuristique – consiste à identifier les éléments pertinentsdansunproblèmecomplexe,àconstruireleursrelations,àfourniruneprocédurederaisonnementpouraffinerleques-tionnementendynamique.
Unmodèle«siAalorsB»nécessiteune forte réduc-tionanalytique,lasélectionetlamesuredevariablesetderelationssimplesqu’ilconvientdevaliderstatistiquement.
Au contraire, une modélisation heuristique associe etarticuledenombreusesvariables,introduitdesparamètresenfluxetdesfiguresthéoriquesquiguident,amplifientetdonnent plus de sûreté intellectuelle dans la constructionde diagnostics stratégiques et amplifient l’imagination deréponsesappropriéesdansunesituationd’actioncomplexe.
L’épistémologie : la réévaluation de la raison pratique et de l’aide à la conception
Al’opposédel’illusoireneutralitédupositivismedétachédesterrains,cetypedemodélisationchercheàproduiredes«savoirsd’action» (Martinet,2007a)ennecraignantpasdetravaillersurl’articulationd’élémentsthéoriquesquelepremierinciteaucontraireàdisjoindre.
Ensesituant«inconcreto»,encherchantàfairesens«ex ante» pour des décideurs confrontés à une situa-tioncomplexeetmal structurée, ce typede connaissanceparticipe de la réévaluation de la raison pratique tropsouventdédaignéeensciencessociales,auprofitd’expli-
cationspointillistesou,aucontraire,d’interprétationstropgénérales.
Il s’agit ici de rapprocher la recherche des pratiquesmanagériales,d’enadopterlescontraintesetlesexigencespourleurfournirdesappuisconceptuels,des«moteursdeconception» appropriés à des genres de situation, à descatégoriesd’entrepriseouàdestypesdeproblématiques.
Lesquestionsstratégiquesnerelèventgénéralementpasd’une démarche de résolution de problème bien identifiéoù la techniquepermetdedonner lasolutionoptimale. Ils’agit,aucontraire,debienconstruireleproblèmedanssonétendueetsacomplexité,delemettreenscèneavantquedelemettreenactes.«Messieurs,dequois’agit-il?»insistaitdéjà le Maréchal Foch! Pour ce faire, les «frameworks»peuvent… au passage… utiliser un modèle «si A alorsB». Mais ils doivent viser bien au-delà, aider à structu-rer la situation en couvrant les principales dimensions etvariablessusceptiblesdefaireproblème.
De tellesmodélisations sontnécessairement engagéespuisqu’elles orientent la construction des problèmes etdonc lesactionssusceptiblesd’endécouler.Lechercheurne doit pas craindre les valeurs et l’éthique qui colorentsesmodélisationsàconditiondelesexpliciterclairement.Iciparticulièrement, laconvictionque lesgrandsgroupesinternationaliséspeuventparticiperaudéveloppementlocaldesterritoiresoùilss’implantent,spécialementceuxoccu-pés par des populations très pauvres.A la condition exi-geantedevouloirco-construirecedéveloppementaveclespartiesprenanteslocalessanslesréduireàunrôleunique– consommateur ou main d’œuvre – mais au contraire,en instaurant des dynamiques d’apprentissage réciproqueambitieuses.
En un mot, il s’agit de combiner épistémique, prag-matique et éthique, c’est-à-dire connaissance, action etconscience.
Danslesdomainesmilitaires,géopolitiques,thérapeu-tiques…lesbonsstratégistesadmettentquelastratégienepeutsesaisirdelacomplexitédessituationsqu’elleentendfaire évoluer qu’en adhérant au principe dialogique ou àsesdiversesmodalités:leparadoxe,ladialectique,larai-son contradictorielle… (Luttwack, 1989; Poirier, 1987;Charnay, 1990; Wunenberger, 1990). A quelques excep-tionsprès (Martinet,1991;Koenig,1996;Phelizon,1998dans la littérature francophone), ce principe peine à êtrepleinement reconnu en management stratégique, encoreinféodéàlalogiquebinaire.
Une bonne façon de conjuguer épistémique, pragma-tique et éthique consiste à se situer dans une systémiqueago-antagoniste, proposée initialement par Bernard-Weil(1988, 2002) et développée et expérimentée longuement(Martinet,1991,1997;Claveau,Martinet,Tannery,1998;Martinet,Payaud,2006).Eneffet,toutesituationpratiquecomplexeamènelestratègeàdevoirpenseretrégulersurla durée des bipolarités en tension – délibéré/émergent,
36 Management international / International Management / Gestión Internacional, 14 (2)
vision/circonstances,autonomie/interdépendance;centrali-sation/décentralisation…–ensegardantdevouloirimpo-ser un pôle unique qui deviendrait alors pathologique etgénérateurdeblocages
La méthode : privilégier la recherche-clinique et l’immersion de longue durée
La construction d’une telle modélisation en managementstratégiquepassenécessairementpardesétudescliniqueset,sinécessaire,parderecherche-intervention.Ils’agiteneffetdes’appuyersurdesmomentscompréhensifs(plutôtqu’explicatifs)pourproduiredeseffortsdeconception,viades concepts fondamentaux judicieusement choisis.C’estcettemiseentension,cenouvelago-antagonismeentreduparticulier etdes concepts englobantsquipermetdepro-duireuncadregénérique(etnondegénéraliser)quiseraàmême,dansdessituationsproches,d’amplifieretd’assu-rerleraisonnementdesacteurs.Déjà,toutendénonçantlescientisme,Hayek(1953)affirmait:«unesciencesocialefécondeestunesciencedecequin’existepasencore».
Le contenu : la prise en compte d’un oublié de la recherche en management stratégique, le territoire
Larechercheenmanagementstratégique,contrairementàlastratégiemilitaire,n’accordepasauxterritoires,àleurgéo-graphie,leurtopographie,leurhistoire,leurculture…l’at-tentionqu’ilsméritentcomtetenudeleurimportancedanslespratiquesd’entreprise.Ellepréfèreretenirunterritoirethéoriqueeteuphémiséensous-traitantauxspécialistesdelogistiqueoudemanagementinterculturell’analysefinedesesspécificités.
Porterestl’undeschercheursenstratégielesplussen-siblesàcettedimensionmaisilrestemarquéparlalocali-sationcommeported’accèsauxfacteursdeproductionet/ouauxmarchés,ets’intéressemoinsàlal’habitationdecesterritoiresendehorsducasparticulierdesdistricts indus-triels(Porter,1998).
Uneentrepriseàresponsabilitésocialeavancéecherchejustementàs’insérerdanslessociétésetlesterritoiresoùellesedéploie,àseconsidérer«ensociété»etnon«enmar-chés»,àhabitervraiment sesenvironnements.La théoriedespartiesprenantescommelesrecherchessurlesréseauxsociaux et l’encastrement (Granovetter, 1985) montrentcombienilyalàsourcesdeperformancesdurables.
Il ne peut pourtant y avoir d’entreprise durable et dedéveloppementsoutenablequ’à laconditiondedésencas-trerlescritèresdegestiondel’idéologieducourttermismevoiredel’instantanéitéinstalléeparlesmarchésfinanciers,lesNTICetuncertainmarketing.Cequinecondamnepasauretouràlanatureouàl’écologieprofondemaisinviteà
unmanagementstratégiquebeaucoupplussubtiletrespec-tueuxdeseslieuxd’opérations.
Rappel de la taxonomie2
Letableau2présenteunrepéragedespratiquesderespon-sabilitésocialedesentreprisesdecapitaux.LesstratégiesdeR.S.E.sontplusoumoinsprésentesetengagéesselonlanaturemêmedel’entreprise.Ainsi,lescolonnesidenti-fientdesformesdeR.S.E.croissante,allantdel’entreprise«Friedmanienne» à l’entreprise sociale. La première nepratiquepas et ne souhaite paspratiquer unequelconqueresponsabilité sociale autre que de maximiser la richessedesactionnairesselonlacélèbreinjonctiondumonétaristedeChicago,sadevise«profitforprofit».LasecondefaitdelaR.S.E.saraisond’êtremême.Cettetaxonomieoffreunebasepourdiscuterl’évolutiondecesstratégies,lepassaged’unecatégorieàuneautreetleslimitesdelaconvergenceentre les engagements les plus avancés et «l’entreprisesociale». Celle-ci émerge théoriquement depuis quelquesannées à partir de la définition du gouvernement britan-nique«Uneentreprisesocialeestuneactivitécommercialeayantessentiellementdesobjectifssociauxetdontlessur-plussontprincipalementréinvestisenfonctiondecesfina-litésdanscetteactivitéoudanslacommunautéplutôtqued’être guidés par le besoin de maximiser les profits pourdesactionnairesoudespropriétaires»(DTI,2002,p.13inDefourny,2006).
Parailleurs,lesstratégiesdeR.S.E.pouvantimpliqueruneplusoumoinsgrandevariétéd’acteurs,departiespre-nantes, les lignes énumèrent les catégoriesdepartenairespossibles.Cettetaxonomiemetdoncenjeulenombre,lavariétéetledegréd’implication,d’interactionetd’engage-mentréciproqueentrelespartiesprenantesetl’entreprise.Les degrés d’implication et d’engagement sont d’ailleurstraitéssouslaformed’échelledanslalittératuredespartiesprenantes, comme celle présentée par Friedman et Miles(2007)surlabasedestravauxdeArnstein(1969).
Entre l’entreprise «Friedmanienne» et l’entreprisesociale, nous avons identifié quatre autres types de pra-tiquesdeR.S.E.:1)laR.S.E.«cosmétique».Celle-cifaitétat de pratiques légères de la R.S.E., comme celles quiremplissentlesconditionslégalesdel’article116delaloifrançaisesurlesNouvellesRéglementationsEconomiques(NRE) stipulant l’obligation pour les sociétés cotées defournir des informations sur les conséquences sociales,territoriales et environnementales de leurs activités dansleur rapport annuel.2)LaR.S.E. annexeoupériphériqueprésente des actions qui montrent une R.S.E. impliquée.OnpeutcependantdistingueruneR.S.E.annexeoupéri-phérique d’une R.S.E. intégrée. Par R.S.E. périphérique,nousentendonsdesactionsqui,toutenétantsignificatives,n’ontpasdeliendirectavecl’activitédel’entreprise.3)La
2. Pour plus de détails, voir : MartinetA.C., Payaud M.A., (2008),«Formes de RSE et Entreprises Sociales. Une Hybridation desStratégies»,Revue Française de Gestion,n°180,Janv-Fév.
Stratégies RSE-BOP et Soin des Communautés Humaines. Concepts et Propositions Génériques 37
Ta
bLE
aU
2
Tax
onom
ie d
es s
trat
égie
s de
R.S
.E.
Ent
repr
ise
F
ried
man
« pr
ofit
for
profi
t »
R.S
.E. d
it
« co
smét
ique
»
R.S
.E. i
mpl
iqué
eR
.S.E
. - B
.O.P
. (P
raha
lad,
200
4)E
ntre
pris
e So
cial
eR
.S.E
. ann
exe
ou
péri
phér
ique
R.S
.E. i
ntég
rée
L’E
ntre
pris
e F
ocal
e et
/ou
ses
Fili
ales
-C
adbu
rye
tTél
étho
n(1
3)
-D
eloi
ttee
tact
ions
sur
l’
envi
ronn
emen
t(8)
-AG
F/en
viro
nnem
ent(
8)
-B
arcl
ay’s
et«
Wom
en’s
D
evel
opm
entW
orks
hop»
(6
)
-Act
ions
de
méc
énat
:V
inci
,Bou
ygue
s,C
ari(
2)
-C
réat
ion
defi
liale
SO
DIE
de
Usi
nor,
GE
RIS
de
Tha
lès,
A
RE
VA
LD
EL
FI
d’A
reva
…(
3)
-Veo
liaW
ater
forc
e:
créa
tion
d’éq
uipe
exp
erts
d’
urge
nce
hum
anita
ire
(1)
-Fo
ndat
ion
:Bri
stol
-Mye
rs
Squi
bb,M
érie
ux(
13),
So
mfy
(8)
-Te
chni
Jad
(Eps
i-Ph
one)
et
Her
mél
ios
:sol
utio
nin
tégr
éep
our
led
év.d
’un
pays
par
son
dév
.rur
al
-C
asas
Bay
a:
ameu
blem
ent,
dist
rie
tcr
édit
Par
tena
ire(
s)
Ent
repr
ise(
s)
-Ade
cco
+E
ntre
pris
es
clie
ntes
+A
GE
FIPH
pou
rin
sert
ion
hand
icap
és(
9)
-Axa
+Q
uiks
ilver
+
Dan
one
+S
odhe
xoe
tpa
rtic
ipat
ion
auto
urd
eFr
ance
àla
Voi
le(
11)
-L
eC
aux
Rou
ndT
able
et
Prin
cipl
esF
orB
usin
ess
(13)
-Sc
hnei
der
Ele
ctri
c+
A
ucha
n,I
BM
,Air
Fra
nce
…
pour
enf
ant@
hôpi
tal(
7)
-Are
va+
BeC
itize
npo
ur
cart
ogra
phie
PP
ets
essi
on
avec
elle
s(3
)
-E
DF
+T
OTA
L+
NU
ON
=
pro
gram
me
AC
CE
SS
(Mar
oc,M
ali,
Af.
du
Sud)
ré
seau
éle
ctri
que
dans
zo
nes
rura
les
Par
tena
ire(
s)
Ent
repr
ise(
s)
Soci
ale(
s)
- Pr
octe
r&
Gam
ble
+
F ond
atio
nFr
ance
pou
r«
Du
Sole
ilda
nsle
sm
urs
»(1
1)
- N
estlé
+S
amu
Soci
al(
12)
-PS
A+
Sam
uSo
cial
=
P arc
aut
omob
iles
- Acc
or+
Agr
iSud
pou
rdé
v.
loca
l ett
erri
tori
al(
3)
-SE
B+
Hab
itate
tH
uman
ism
e po
urin
sert
ion
par
lem
ieux
viv
re(
11)
-B
NP-
Pari
bas
+A
DIE
=
octr
oid
em
icro
cré
dit(
12)
-D
anon
e+
Gra
mee
nB
ank
:500
mic
ro
expl
oita
tions
et1
500
dist
riI
ndiv
.
-Veo
liaE
aue
tprê
ts
adap
tés
àT
étou
ane
tT a
nger
(M
aroc
)
Par
tena
ire(
s)
« no
n pr
ofit »
-Axa
+A
ssoc
.Ver
tical
epo
ur«
Rai
dV
ertic
ale
2001
»(9
)
-E
uroD
isne
y+
Ass
oc.p
our
vaca
nces
d’e
nfan
tsm
alad
es
(7)
-Are
va+
G.I
.P.E
sthe
rpo
urS
IDA
(14
)
-H
SBC
+S
OS
Vill
age
pour
«Fu
ture
Fir
st»
(4)
-Sc
hnei
der
Ele
ctri
c+
Te
rre
Solid
aire
(10
)
-Acc
or+
Ecp
atc
ontr
el’
expl
oita
tion
sexu
elle
des
en
fant
s(4
)
-C
arre
four
+F
IDH
(4)
-L
afar
ge+
Ash
oka
-Veo
liaE
aue
tass
ocp
our
dist
ria
uM
aroc
38 Management international / International Management / Gestión Internacional, 14 (2)
Suit
e T
able
au 2
Ent
repr
ise
F
ried
man
« pr
ofit
for
profi
t »
R.S
.E. d
it «
cos
mét
ique
»
R.S
.E. i
mpl
iqué
eR
.S.E
. - B
.O.P
. (P
raha
lad,
200
4)E
ntre
pris
e So
cial
eR
.S.E
. ann
exe
ou
pér
iphé
riqu
eR
.S.E
. int
égré
e
Pop
ulat
ion,
bo
utiq
uier
s
Une
R.S
.E. «
cos
mét
ique
»
est i
ndiff
éren
te à
l’
inté
grat
ion
de la
po
pula
tion
ou
des
bout
iqui
ers
d’un
terr
itoi
re
-PP
Re
tSol
idar
Cité
,as
sist
ance
au
béné
vola
t
-L
oro
Pian
aet
éle
vage
de
Vig
ogne
sau
Pér
ou(
3)-
Nes
tlé:
lait
en
Uzb
ékis
tan,
Caf
éau
N
icar
agua
…(
1)
-U
nile
ver
etle
s«
Shak
tiw
omen
»-
Cem
exe
t«Pa
trim
onio
H
oy»
-D
anon
eet
«D
anila
dies
»en
Af.
du
sud
et«
Age
nts
Kua
ts»
enI
ndon
ésie
-Sa
nofi-
Ave
ntis
etr
ésea
ude
pha
rmac
ies
enA
friq
ue
Pou
voir
s P
ublic
s
-SF
R+
Min
istè
reE
duc.
Nat
po
ur«
Pass
epor
tIng
énie
urs
Tele
com
s»(
10)
-IB
Me
tKid
smar
tdan
sle
séc
oles
(5)
-T
NT
+M
inis
tère
T
rans
port
spo
urD
ange
rsd
ela
rou
te(
5)
-A.R
aym
ond
+V
ille
Gre
nobl
epo
urr
éind
us.
des
itee
trec
lass
emen
tde
sala
riés
(3)
-Are
va+
vill
ede
Pon
tarl
ier
=id
em(
3)-
filia
leS
ide
deM
iche
lin
pour
con
seil
enc
réat
ion
d’E
tse
avec
col
l.lo
cale
s(3
)
- T
NT
+G
des
Vill
esd
eFr
ance
pou
r«
Liv
rais
on
Prop
re»
(3)
-Sa
nofi-
Ave
ntis
:ac
cès
méd
icam
ents
pay
sdu
Sud
-E
ssilo
r+
hôp
itaux
Ind
e
Lég
ende
: le
chi
ffre
qui
sui
t l’
acti
on, p
ar e
xem
ple
(8),
iden
tifie
la t
hém
atiq
ue d
ans
laqu
elle
l’en
trep
rise
a in
scri
t l’
acti
on
1A
ide
aux
pays
en
déve
lopp
emen
t8
Env
iron
nem
ent
2C
ultu
re9
Han
dica
p
3D
ével
oppe
men
tloc
ale
tter
rito
rial
10In
sert
ion
prof
essi
onne
lle
4D
roits
de
l’H
omm
e11
Inse
rtio
nso
cial
e
5E
duca
tion
etF
orm
atio
n12
Lut
tec
ontr
el’
excl
usio
n
6E
galit
éde
sch
ance
sda
nsl’
entr
epri
se13
Prat
ique
sco
mm
erci
ales
ets
olid
aire
s
7E
nfan
cee
tjeu
ness
e14
Sant
é
Stratégies RSE-BOP et Soin des Communautés Humaines. Concepts et Propositions Génériques 39
R.S.E.qualifiéed’intégréeestrévéléeparsaprésencedansun tableau de bord équilibré, par exemple le «balancescorecard» (Kaplan, Norton), ou mieux, le «sustainabi-lity scorecard» proposé par le cabinet KPMG. Même sil’onpeutcritiquerl’utilisationsouventdescendantedecetoutil de pilotage, il n’en demeure pas moins qu’il inciteles managers à mieux comprendre les dimensions de laperformance.Dès lorsqu’on intègre lesdimensionsde laR.S.E. au tableau de bord, les indicateurs financiers sontpartiellementcontrebalancéspardesindicateurs«sociaux»et peuvent signifier une performance «globale» et pour-quoipas«durable».Deplus, laR.S.E. intégréeconcernedes actions en relation avec les activités de l’entreprise,c’est-à-direprochesducœurdemétier.Enfin,laquatrièmequi est l’objet principal de cet article, la RSE-BOP, plusoumoinsprochedelasuggestiondeC.K.Prahalad(2004).Les populations du bas de la pyramide des revenus nepeuventdevenirconsommateurspotentielsetacteurséco-nomiques que si une politique d’innovation radicale estpoursuivie.Unenouvelleenveloppeprix/performancedoitêtreconçueafindediviserpardixetparfoisdeuxcentsleprixduproduit/servicecomparableenOccident(Opérationdelacataracteà25$parAravindenIndecontre2500$à8000$auxEtats-Unis;prothèsesdesmembresposéespour35$parJaipurFootenAsie…);desinnovationsradicalesdeproduitsetméthodesdedistribution,desréagencementsdecompétencesdesopérateurs,desprogrammesdeformation,des interfaces producteurs/distributeurs/clients totalementinédites sont indispensablespour redessiner totalement lesystème d’activités et le rendre économiquement viabledansdescontextesàtrèsfaiblepouvoird’achat,infrastruc-turesdéficientes,pratiqueslocalesdecorruption…LescasévoquésparPrahaladfontétat,bienau-delàdelafournitureà bas prix de produits et services de qualité, de transfor-mations sociales et d’éco-systèmes locauxde créationderichesseprofondémentrenouvelésparl’actionstructurantedel’entrepriseconcernée.
Laméthodologieutiliséepourbâtirlataxonomieavaitconsisté à explorer de nombreuses sources secondaires(rapportsd’experts,d’observatoires,rapportséconomiqueset sociaux d’entreprises, articles de presse, sites inter-net).LaplusgrandediversitédespratiquesdeRSEavaitété recherchée et non, bien évidemment, une quelconquehomogénéité ou représentativité statistique. Le repéragedespartenaires(nombre,type),l’identificationdesactions,deleurportée,dulieudemiseenœuvreetladuréedelacoopérationconstituentdesdonnéesobjectivesetdesmar-queurssignificatifsdel’éventaildespratiquesobservablesrecueillies, notamment grâce à l’important travail d’en-quêteréalisépar leréseauIMS-EntreprendrepourlaCité(siteinternetetouvragede2007).Lataxonomienequalifiepasune entreprise dans son ensemblemais distinguedestypesd’actiondeRSE.Ainsi,certainesentreprisespeuventsetrouverdansplusieurscolonnes.
Architecture générale
LesystèmedemanagementstratégiqueRSE-BOPquenousavonsproposé(Martinet,Payaud,2008b;Martinet,Payaud,2009)peutêtrereprésentéparleschémasuivant.
Le schéma directeur (Figure 1) est composé de cinqblocs:1)Intentionstratégiquepréciselastratégiecorporatedéfinienotammentparlechoixd’uneformulestratégique;2)Clientsetmarchéexplicitelepositionnement;3)Systèmed’offre indique la mise en cohérence des propositions deproduit;4)Réseaudevaleursidentifielaconstellationdespartenariatsetrelationset5)Compétencesstratégiquesestuneévaluationdesressourcesetcompétencesàmaintenir,acquérir,développer,etc.L’intérêtdeceschémadirecteurest de ne pas dissocier les blocs, mais de les considérerensemble,avecleursinterdépendances.
On peut parler de meta-innovation (Hamel, 2000) oud’innovation-enveloppe(Claveau,Martinet,Tannery,1998)pourdésignerlaruptureopéréedansceschémaderéférence.Lemodèlestratégiqueconceptualiseetarticulelesystèmequirelieaminimal’orientationstratégique,lesressources-clés,l’interfaceaveclesclientsetleréseaudevaleurquesechoisitetqueconstruit l’entreprise.Ilconstitueuneinno-vationderupturemajeurequandildémultiplielepotentieldecréationdevaleurenjouantsurunenouvelleefficacitépour les clients, une singularisation forte de l’entreprise,une cohérence accrue des ressources et des accélérateursdeperformances(Hamel,2000).DesmodèlesstratégiquesbienconnuscommeIkea,Microsoft,Dell,Sephora…ontpossédécesqualitéssurdesduréesplusoumoinslongues.Detelscasillustrentlesautqu’ontsuopérercesentreprisesenreconfiguranttoutàlafoisleursystèmed’offreetlesys-tèmed’usagedesclients.Maisl’effectivitéetladuréedesavantages concurrentiels qu’elles ont su ainsi construirereposentlargementsurlesprocessusquileurconfèrentdesavantagesliésauxressourcesetcompétences,ainsiquedesavantagesliésauxpartenariats(Martinet,2001).
Le schéma directeur et les propositions ci-dessousmettent en évidence la combinaison singulière qu’opèrelastratégieRSE-BOPentrel’avantageconcurrentiel(AC)entendu au sens usuel, les avantages liés aux ressourceset compétences (AR)dont certaines sont inédites et liéesaux innovations radicales requises et les avantages liésauxpartenariats(AP)queconfèreuneinsertionenprofon-deuretimaginativesurlesterritoiresetauseindespopu-lations locales. Les fortes mises en tension qu’opère unetelle stratégie, lecaractère syncrétiquede lacombinaisonAC*AR*AP, sont susceptibles d’entrer en synergie pourenclencher des bouclages récursifs bénéficiant à chaqueélémentdelacomposition.
40 Management international / International Management / Gestión Internacional, 14 (2)
Le système propositionnel : fondements théoriques et conditions de mise en œuvre.
Apartirduschémadirecteur(Figure1)etpourchacundesblocs,despropositionsontétéidentifiées.Pourl’ensembledespropositions, lesfondements théoriquessontexposés,pourchacuned’elle,desconditionsdemiseenœuvreontétérepérées.
les fondements théoRiques
Nous avons dit plus haut que l’architecture générale(Figure1)devaitêtrecomprisedanssonensemble,ilsuffi-raitdedissocierlesblocspourqu’elleperdeenpertinenceetendensité;delamêmemanière,sidesfondementsthéo-riquespeuventêtrerepéréspourchacundesblocs(commeparexemple,l’approchefondéesurlesressourcesetcom-pétencespourleblocCompétencesStratégiques),ilseraiterronédelesdistinguerblocparblocetdeperdrelacohé-
renceet laphilosophiegénérales.Cequi justifie lemoded’exploitationretenu.
L’entreprise est «en société» et non pas seulement«en marché» (Martinet, 1984). Ainsi, ses actions sontcontraintesethabilitéespardesstructuressocialesenmou-vement,sesactivitéssontencastréesdansdesterritoires,et,dès lors, elle est un ensemble de parties prenantes parmid’autres.Lesimplicationsd’unetelleconceptionsuggèrentde mentionner la théorie de la structuration de Giddens(1984, 1987), l’encastrement de Granovetter et, avant luiPolanyi, (1944) ainsi que la théoriedespartiesprenantesbiensouventréféréeàFreeman(1984).
Alanotiondestructureassociéegénéralementauxcri-tèresderéalité,derigiditéetde«fixité»,Giddensproposedesubstituerleconceptdestructurelcommeensembledecritères virtuels, actualisés lors de la mise en œuvre desactions et activités effectives des entités sociales indivi-duelles et collectives. Le structurel est donc l’ensembledesrèglesetdesressourcesquel’acteurengagedemanière
FIGURE 1
Schéma directeur pour un management stratégique RSE-bOP
Intention Stratégique- Ambition et buts-Formule stratégique- Stratégie générique
Réseau de Valeur- Fournisseurs- Sous-, Co-traitants- Alliances - Co-développeurs- Distributeurs
Compétences Stratégiques- Compétences centrales- Compétences périphériques- Aptitudes- Actifs, ressources
Système d’Offre- Eventail- Localisation- Distribution- Stratégie marketing
OffresConcurrentes
Clients et Marché- Usage- Segments- Accès Architecture
et management stratégique
AC
AR
AP
AC = Avantages ConcurrentielsAR = Avantages liés aux ressources et compétencesAP = Avantages liés aux partenariats
Stratégies RSE-BOP et Soin des Communautés Humaines. Concepts et Propositions Génériques 41
récursive. Les lois, règles, règlementations sont autantd’éléments qui façonnent les actions des entreprises, les-quellesagissenten interactionavec lesautrespartiespre-nantes. Les décisions et les activités menées au nom del’entreprise contraignent et habilitent en même tempsqu’ellessontcontraintesethabilitéespardifférentsacteurset institutions.Cesprocessusengagent l’hommedans sesmultiplesrôlesetexpliquentlesspiralesvertueusesouper-versesquisedéveloppentparfoiscommecelaaétéévoquéplushaut.
Lathéoriedespartiesprenantesconceptualiseundiri-geantauserviced’un intérêtsupérieurde l’entreprisequiimplique un rôle de composition et d’arbitrage entre lesintérêts et attentes des diverses parties prenantes et quitraduisent donc toujours des choix politiques et éthiques(Martinet,1984;Mercier,2001).
UnestratégiededéveloppementRSE-BOPnepeutpasnepasconsidérerl’entreprisefocalecommeunepartiepre-nanteauseind’unflorilègedepartiesprenantes;chacuneadoncdesobligationsenversl’autre,toutesdoiventdéve-lopper un tissu relationnel solide, fiable, réciproque dansletempspourfaciliterlaconcrétisationdecesobligationséthiquesetmorales.Danscecadre, la théoriedespartiesprenantes et la notion d’encastrement (Polanyi, 1944;Granovetter, 1985, 1992) ne peuvent pas être disjointes,dèslorsquetoutesdeuxaccordentunrôlesignificatifàlarelation,l’échange,l’interaction,laréciprocitéetlarécur-sivité dans l’action économique. Granovetter propose deconsidérer les relations économiques et les organisationscomme le résultat d’actions individuelles étayées sur desréseaux sociaux qui à leur tour orientent l’action, cetteconceptionrejointdonclathéoriedelastructuration.Selonlui,l’actionéconomiqueestaussisocialeetfaitintervenird’autrescritèress’appuyantsurlerelationnel,laloyautéetlesvaleursinterviennent;lanotiond’encastrementestdonccompatibleaveclathéoriedespartiesprenantes.Lesinsti-tutionséconomiquessontdesconstructionssociales;lefac-teurd’efficiencecertes,maisaussilesréseauxderelationspersonnellesdéterminentlasolutionadoptée.Ainsi,lesins-titutionssont leproduitd’unmélanged’actionsfinaliséesmisesenœuvrepardesréseauxcomplexesd’acteurs.Lescomportementset les institutionséconomiquessont,pourGranovetter, tellement contraints par la configuration desrelationssocialesencours,qu’ilestimpossibledelescom-prendreindépendammentdelasphèresociale.Ilrejointparlàlanotiondestructureldelathéoriedelastructuration.
L’entreprise se retrouve en position de développerdes relations avec des parties prenantes-partenaires, pourconstruireensembledesjeuxcoopératifsàsommepositive.L’encastrement,quantàlui,seprésentecommeunprincipederéalité,iln’yapasdetransactionpurementmarchandequinesoitunphénomèneencastré,c’est-à-direquinesoitpas liéeouquinerésultepasderelationssociales,cultu-relles...ToutestratégieRSE-BOPappelleaucontrairedes
outilsetdesdispositifsprofondémentréencastrésdanslescontexteslocaux.
Lastructurationde l’encastrementdes transactionsdepartiesprenantes-partenairesnécessitequechacunedéve-loppedescapacitésdynamiques (Teece,PisanoetShuen,1997). Puisque celles-ci désignent le renouvellementcontinu des compétences visant une congruence avec unenvironnement, tout à la fois économique, social, territo-rial, écologique, sectoriel… Les capacités dynamiquesconstruisent une capacité de résilience qui passe par desprocessus d’apprentissage individuel, collectif, complet,évolutionnisteetstructurant(Payaud,2005a,2005b).Cettecapacitéderésilienceestunprocessusquipermetdecréerunéquilibraged’intérêtsentrepartiesprenantes,etnondesseulspropriétaireset/oudirigeants.Cerenouvellementdescompétencesrépondcertesàuncritèredesurvie,maisdesurviedurablequisuggèredesatisfairedesdemandespoli-tique,sociale,écologique,maisbienévidemmentaussiéco-nomiqueetfinancière.
L’identification, la construction et l’appropriation decompétencespassealorspar l’apprentissageorganisation-nel (Dodgson, 1993). L’apprentissage organisationnel estuneréponseàlanécessitéd’ajustement.Ilyalàunconceptdynamiqueetintégrateurquirelieplusieursniveauxd’ana-lyse : l’individu, les petits groupes et l’entreprise selonCrossan, Lane etWhite (1999), et dans le cadre de l’en-treprisedurable,lespartiesprenantes.Decefait,ilpermetderevoirlanaturedelacoopérationdesorganisations.Sil’apprentissage est généralement considéré comme étantunecompétencedel’entreprise,l’intérêtrésideplusparti-culièrement dans le mécanisme de transfert qui permet àl’apprentissageindividueldedevenirapprentissageorgani-sationnel, et réciproquement (Kim,1993).Ainsi, la capa-citédynamiquenaîtdelamanifestationstructurantedetroiscatégoriesdecompétences:lescompétencesindividuelles,lescompétenceslocalesetlescompétencesglobalesquisontàlafoisinter-organisationnellesetintra-organisationnelles.Lepassaged’unecompétenceàl’autreintègreàlafoislasimple boucle («single-loop learning») : apprentissageadaptatifparlequelonréagitauxchangementsenadaptantson action; la double boucle («double-loop learning») :l’atteinte des objectifs nécessite une remise en cause desschémas d’action de l’organisation; et le deutero-appren-tissage:apprendreàapprendre(ArgyrisetSchön,1978).Nonaka&Takeushi (1995)affirmentque leprocessusdeconnaissanceorganisationnelleserésumedansl’élargisse-mentd’uneconnaissanceindividuellepardesexpériencesnouvelles,suiviparlepartaged’expériencesvécuesauseind’ungroupe,puisparlaconceptualisationetlacristallisa-tion de ces expériences : création d’un nouveau conceptet sa concrétisation. L’apprentissage est complet dès lorsqu’ileststructurant,c’est-à-direqu’ilvient,ici,compléter,ajouterdesconnaissancesetdespratiquesàl’ensembledespartiesprenantes-partenaires,devenantainsiunenouvellebasedecompétencesaméliorablepartous.Lesrelationset
42 Management international / International Management / Gestión Internacional, 14 (2)
lessavoirsdeviennentainsiindissociablesetnécessairesàl’activitécollective(Hatchuel,2005).
Selon Kim (1993), ce sont soit les modèles mentauxindividuels, soit les modèles mentaux partagés qui affec-tent l’interaction de l’apprentissage individuel et de l’ap-prentissageorganisationnel.Ainsi,pourquedesprocessusd’apprentissagepuissentavoir lieuentre lesorganisationsetlesterritoires,lesmodèlesmentauxdesorganisationsetdesacteursdesterritoiresdoiventêtresuffisammentconnusparlesacteursdeterraindechacunedespartiesprenantesafin que tous puissent construire des intérêts sécants. Ladialectique entreprise/territoire n’est certes pas nouvelle(Dupuy,1985;Pailliart,1992).Lemaintienet l’organisa-tiondecettedialectiquepermettentlaconsolidationd’inté-rêtscommuns,quisemanifestenttrèsclairementlorsqueladurée,laconfianceetlaqualitédesrelationssetraduisentparuneappropriationdesspécificitésdesterritoires.SelonparexempleOffner(1992)lesréseauxnesauraientignorerlesterritoires.Qu’ilsdoiventcompteraveclepolitique,leconsommateur, le salarié, et autrespartiesprenantesdontlesancrageslocauxconstituentpourchacundescaractéris-tiquessubstantielles.Dèslorslesentreprisesdoiventmana-ger le territoire : lereconnaîtreet leconnaître, l’informeretl’écouter;maisaussi«ménagerleterritoire»(Martinet,1984):composeravecladiversité,intégrerlamultiplicitédes échelles géographiques, adapter la norme à la règlelocale.
Ainsi,l’entreprisedoitapprendredelapopulation,elledoit s’imprégner des spécificités et assembler des com-pétences locales, intégrer les subtilités culturelles et lesparticularitésquifontquecemarchésedistinguedeceluides pays riches. L’entreprise peut ici être comprise à lamanièredesgéographesoùelleoccupeuneplaceoriginaleentreladimensionlocaleduterritoireetladimensionglo-balede l’économie.L’entreprise transforme les territoiresàtraversl’ensembledesfluxmatérielsethumainsqu’ellegénère.Elleagitcommeunvecteurmajeurdesmutationséconomiques,socialesetspatialesdumondecontemporain(Daviet,2005).L’entrepriseestl’«undesgrandsacteursdel’espace»(Brunetetalii,1992).
Les habitants intégreront en retour l’entreprise à leurquotidien parce qu’elle répondra parfois à un besoin, leplus souvent à des nécessités vitales (revenu, produit debase…).LespopulationsysontnaturellementincitéescarmalheureusementcommelementionneYunus(1997)àpro-posdumicro-crédit«Lechoixestdramatiquementsimple:ou(ladame)emprunteàGrameen,ouellevoitmourirsesenfants».
Ainsi,entrepreneurslocaux,populationlocaleetentre-prisepeuventconstruiredesrelationsriches,économiquesmaisaussisociales,culturelles;cettecoalitiond’individusetd’organisationenchâsséedansunsystèmesocio-écono-mique local crée«une communauté», au sensdePeredoet Chrisman (2006). Ces auteurs développent le conceptd’«entreprise fondéesur lacommunauté»–Community-
based enterprise, CBE –, et y voient une stratégie soute-nabledudéveloppementlocaldespayspauvres.Eneffet,leslimitesdesactionsmenéesparlesEtats,ONGouautresinstitutionspourdiminuerlapauvreté,leconceptd’entre-prisefondéesurlacommunautéprôneuneformed’entre-preneuriat enracinée dans une culture locale, un capitalsocialetnaturel.Selonlesauteurs,c’estcetenracinementquifaitsouventdéfautauxpolitiquesjusque-làengagées.
La communauté, ici, ne se définit pas seulement parune agrégation de personnes qui partagent des objectifsdeproduction;lacommunauté,etdoncsesmembres,par-tagent égalementune localitégéographique,un territoire,une culture, des caractéristiques éthniques éventuelle-ment…Grâceàcetteproximitégéographique,maisaussiune proximité d’intérêts et de moyens, la communauté aunrôled’entrepreneurcollectif.Sesmembressontàlafoispropriétaire,manageretemployéd’uneorganisationcrééeensemblepourrépondreàcequi,dupointdevuedel’entre-priseestuneactivitééconomiquesocialementresponsableet,pourlespopulationslocales,unesourcedeproduitsetderevenusaccessiblesetrécurrents.Achargepourtousdes’engagerdansdenouvellesrèglesdujeuetdefaire«lesparissurstructuresneuves»quePerrouxplaçaitàlabasedetoutdéveloppement.Cettepluralitéderôlesquepeuventjouerlespopulationslocalesestdenatureàlimiterleseffetsnégatifsouperversdel’élargissementdumarchédel’entre-priseauxpauvres(positiondominantedel’entreprisevis-à-visdesproducteurslocaux),telsquelescraintRenouard(2007).
les conditions de mise en œuvRe
Ces conditions s’adressent aussi bien aux «entrepreneurssociaux» soucieux de mettre en œuvre, qu’aux critiques,carellespermettentdenepasfaireglisserlesenjeuxdelaRSE-BOPversdesperspectivesmoinsresponsablesetdesepréserverdesdéviancesdecettepratique.
LerôleetleseffetsdelaRSE-BOPnepeuventêtresim-plifiés,niréduitsàunchevaldeTroieducapitalisme.Aucontraire,elledoitassurerlapriseencomptedesdommagescollatérauxliésparexempleàlapositiondominanted’unemultinationale vis-à-vis des autres producteurs locaux(Renouard,2007).LaRSE-BOPn’estpas«l’ennemiedelarévolution»–critiquesouvententendueparMuhammadYunuslorsdelamiseenplacedesmicro-crédits–carellenedépossèdepasl’indigènedesondésespoir,desarageet/oudesonidéalrévolutionnaire,iln’estpasréduitàunsimpleconsommateurgourmandavidededépensesmatériellesousuperficielles.Enfin,laRSE-BOPn’estpasqu’uneactivitéàcharges,elledoitdégagerdesrésultatspourperdurerdansletempscommesurdesterritoires.
Des exemples de pratiques de RSE-BOP illustrentchaque bloc de propositions ou des propositions particu-lièresafindemieuxensaisirlecontenu,lesimplicationsetlesréflexionsmenéespardesentrepreneurssociaux.Ainsi,
Stratégies RSE-BOP et Soin des Communautés Humaines. Concepts et Propositions Génériques 43
seizeexemplestousissusdesourcessecondairesetextraitssoitdel’ouvragedePrahalad(2004),soitduréseauIMS-EntreprendrepourlaCité(livreetsiteinternet),soitderap-ports économiques et sociaux d’entreprises, concrétisentlesconditionsdemiseenœuvre.
Propositions 1 : Intention Stratégique
P.1.1. La conception RSE-BOP concerne directement la mission et les buts fondamentaux assignés à l’entreprise ou au moins à l’une de ses entités.
Des entreprises sociales naissent ex nihilo avec unemissionetdesbutssociaux,d’autresentreprisesnaissentdel’initiatived’uneentrepriseéconomique,maisdontlamis-sionestd’êtresociale.Danslesdeuxcasdefigure,laviabi-litééconomiqueestposée.Decefait,lanaturedel’activitédel’entrepriseoudel’unedesesentitésestconçueàpar-tirdescaractéristiquesdescommunautés,despopulationslocalesconcernées,desbesoinsparfaitementidentifiéssurlesterritoires.
P.1.2. Elle s’inscrit dans le cœur de métier de l’entreprise où elle puise le type de produits offerts et des compétences centrales.
Le fait que l’activité BOP s’inscrive dans le cœur demétierdel’entreprisesignifiequelasatisfactiondesbesoinspasseparl’activitésupportdel’entreprise,parsescompé-
tences.Ils’agitd’uneconditionveto,absolue,nécessaireetnonnégociable,soitquecetteactivitépréexiste,soitqu’ellesoitcrééedefaçonadhoc.
Le cas de l’entreprise sociale The Bakery. Lamissionsocialedecetentrepreneurfrançais,Alexisde Ducla, est de former les plus pauvres – lesIntouchables–aumétierdelaboulangerie(P.1.1.)considéré comme de l’artisanat de luxe en Inde,grâceàuneécoledeboulangeriefrançaiseouverteà Chennai. La production est vendue à des cafésdeluxedelaville,aulycéeaméricain,etdansdesboulangeriesimplantéesdansdesquartiersprivilé-giésen Inde.Ces individus,exclusdusystèmedecastes qui régit la société indienne, n’ont accès àaucune formation, aucune protection. A la fin decette formation, lesélèves issusdesbidonvillesetcampagnesprétendentàdespostesdansdesgrandshôtelsinternationauxoùlesindividusdecastesnesontpasfavorisés.
Sources:aujourdhuilinde.com
Le cas de l’entreprise économique CEMEX,fabricantinternationaldeciment,auMexique.Cetteentreprisea lancéleprojet«PatrimonioHoy»quipermet aux pauvres d’acheter des services et desmatériauxdeconstructionpouraméliorerleurhabi-tat. «Pour Cemex, ce programme est à la fois un
TabLEaU 3
Les fondements théoriques d’une intention stratégique RSE-bOP
IntentionStratégique
ClientsetMarché
Systèmed’OffreRéseaude
ValeursCompétencesStratégiques
Théoriedelastructuration
Encastrement
Entreprise«géographique»
Socioéconomiedelaproximité
Apprentissage
ApprochesfondéessurlesR&C
Réseaux
Approchebaséesurlescommunautés
Théoriedespartiesprenantes-partenaires
Entrepreneuriatsocial
Innovation
44 Management international / International Management / Gestión Internacional, 14 (2)
instrumentderecherchedeprofitetdecontributionsociale (P.1.1. et P.1.2.). Les principaux objectifssont les suivants :donnernaissanceàuneactivitésourced’avantagesconcurrentiels(P.1.1);représen-teruneoptionaccessiblepourlesfamillespauvresàlarecherched’unemeilleurequalitédevieàtraversl’améliorationdeleurhabitatenleurproposantducimentetdesmatériauxdebonnequalité(P.3.2.)àdesprixabordablesetfixes(pasdefluctuationdesprix) (P.3.3.); permettre aux pauvres d’accéder aucrédit(parlebiaisd’avancesdematériaux)(P.3.3.);positionner Cemex comme une entreprise socia-lement responsable (P.1.1.); construire du capitalsocial(P.1.1.)».
Source:Prahalad,2004;195
Propositions 2 : Formule et Stratégie Générique
P.2.1. La conception RSE-BOP peut s’inscrire dans la formule stratégique de l’entreprise
P.2.2. La conception RSE-BOP peut inviter à un changement de formule stratégique.
Proposéen1980parTregoeetZimmermanauxUSA,leconceptdeforcemotriceaétédéveloppéauplanacadé-miqueparMartinet(Martinet,1984,1999)souslelibellédeformule stratégique.Ce concept préfigurait les approchesfondées sur les ressources (Barney, 1991; Black et Boal,1994;Conner,Prahalad,1996)toutenoffrantuncaractèreopératoire et synthétique. Rappelons que la formule stra-tégiqueconstituelecœurdelastructurestratégiqued’uneentrepriseetdésignesa logiquedominantededéveloppe-mentqu’ilestsuggérédesuivresuruneduréesuffisammentlongue(Johnson,1987).Selonlalogiquechoisie,sontainsiclairement identifiés, l’éventail des produits et des mar-chés à venir, les capacités et compétences fondamentalesnécessaires, les orientations stratégiques cohérentes. Laformulestratégiquedel’activitéexercéedanslespaysBOPpeutsoitsuivrelaformulestratégiquedel’entreprisefocale(GrameenDanoneFoods,Hewlett-Packard),soitemprun-teruneautreformulestratégique(Cemex,bloc1).
Cas de la société Grameen Danone Foods. Leprojetdecetteentrepriseestnédelarencontrededeux hommes, Franck Riboud P-DG de DanoneetMuhammadYunusPrixNobeldelaPaix.Deuxhommesquipartagentunemêmeidéesurledéve-loppement des populations démunies. Cette expé-rience est relatée sous les termes suivants dans lerapportéconomiqueetsocial:«elleafficheuntripleobjectif:développerunyaourtàfortevaleurajoutéenutritionnellepourlesenfantsetaccessibleauxpluspauvres(…),améliorerlesconditionsdeviedelacommunautéencréantdesemploiset,enfin,proté-gerl’environnementetéconomiserlesressources.»etd’ajouterunquatrièmeobjectif«Cetteentreprise
viseaussilarentabilitéafind’inscriredansladuréecestroisobjectifs».(P.2.1.)
Source:rapportéconomiqueetsocialDanone2007.
Le cas Hewlett-Packard. Son programme Worlde-Inclusion qui a pour objectif d’inventer et d’in-tégrer des technologies, produits et e-services quipermettrontd’apporterlessolutionsdontontréelle-mentbesoinlespayslesplusdémunis,encollabora-tionavecdespartenaireslocaux.(P.2.1.)
Source:IMS-EntreprendrepourlaCité.
P.2.3. La stratégie générique est une différenciation de rupture par un très haut rapport valeur/prix à coûts faibles.
Prahalad(2004)rappelleque«silamargeunitaireestsouventpeuélevée,l’intérêtdesinvestisseurspourlesmar-chésdelabasedelapyramideestmotivéeparlaperspec-tived’ydévelopperdesactivitésdevolume,assortiesd’unrisquelimitéetderetoursélevéssurcapitauxemployés.».La RSE-BOP passe par un cumul de conditions de miseenœuvreàlafoisstratégiquesetorganisationnelles:per-formance/prix,volumed’activité,solutionstechnologiquesinnovantes hybrides et développement durable respectantl’environnement (Les cas Danone et Aravind Eye CareSystembloc6,Cemexbloc1).
Propositions 3 : Clients et marchés
P.3.1. La stratégie RSE-BOP répond prioritairement à des besoins fondamentaux (Maslow) : alimentation (Danone, voir P.5.2., Unilever P.4.), logement (Cemex bloc 1, Lafarge), transport, santé (Sanofi-Aventis, Procter & Gamble), énergie (EdF, Suez P.5.1.), accès aux biens fondamentaux.
A hiérarchie des besoins de l’homme, on peut asso-cierdenombreuxauteurs,dontlesplussouventcitéssontMaslow, Perroux et Sen. La pyramide de Maslow identi-fie lesbesoinsphysiologiques, la sécurité, l’appartenanceetamour,l’estimedesoietd’autrui,etlapossibilitédeseréaliser.Perroux(1986)développeles«coûtsdel’homme»qu’ildécomposeen1)besoinsquiassurentà lapersonnel’équilibrephysiqueetmental;2)lesbesoinsquiassurentà la personne une vie intellectuelle et morale; et 3) lesbesoinsquipermettentdeprocurerà lapersonne le loisirminimumsanslequelestimpossiblelaconsciencedesoi.Enfin,nouspouvonsfaireréférenceàSenquitravailleéga-lementlanotiondebesoinsfondamentauxsousletermede«fonctionnements» comme étant « les différentes chosesqu’unepersonnepeutaspireràfaireouàêtre(…)depuislesplusélémentaires-senourrirconvenablement-jouirdela libertéd’échapperauxmaladiesévitables- jusqu’àdesactivitésoudesétatstrèscomplexes-participeràlaviedelacollectivité,jouird’unebonneestimedesoi…».
Stratégies RSE-BOP et Soin des Communautés Humaines. Concepts et Propositions Génériques 45
Voyons quelques exemples dans le tableau 4 danslequelilestpossibledecomparerlastructurededépensesdeconsommationliéesàl’alimentationetlesdépensesnonalimentairesdesménagesdansquelquesEtats.
Unemanièreplusprécisedepercevoiretdesaisir lesbesoinsfondamentauxestdes’intéresseràlarépartitiondesdépensesdeconsommationdesménages–dontletableau5relatel’exemplebrésilien–etainsid’adapterletyped’offreaux priorités des pays concernés. Malheureusement, cesdonnéesnesontpastoujoursaccessibles,etmêmelaplu-partdutempsinexistantes.
Le cas EdF. «LegroupeEdFproposeleprogrammeACCESS(accèsàl’énergie)dansdeszonesruraleséloignées des réseaux électriques du Maroc, duMalietdel’AfriqueduSud».
Le cas Procter & Gamble.«Legroupealancé,en2000,PUR(PurifierofWater),une solution inno-vantedetraitementdel’eau,simpled’utilisationetaccessibleauxpopulationsàbasrevenus.»
Le cas Unilever. «Dans le cadre du programmeNEP (Nutrition Enhancement Programme),Unileveralancéen2000auGhanaleselAnapurnaenrichieniode,ladéficienceeniodeétantrespon-sablede retardsdedéveloppement etdemortalitéinfantiledanslesPED».
Source:IMS-EntreprendrepourlaCité.
P.3.2. Elle s’adresse à des populations et/ou des segments de clientèle à très faible pouvoir d’achat.
Les consommateurs BOP n’ont pas d’épargne, n’ontjamaisfaitdedemandedecrédit,nedisposentpasdereve-nus réguliers ou déclarés. Pour toutes ces raisons, ils nepeuventaccéderauxfinancementsoffertsparlesétablisse-mentsfinanciersclassiques.Auxentreprisesd’imaginerdesmoyensetaccèsdefinancementsinnovants.
Le cas de Casas Bahia. En 2002, la populationbrésilienne s’élevait à 176 millions d’habitants,dont 84% appartenaient au BOP. 70% des clientsde Casas Bahia – une des plus grandes enseignesde ladistributiondedétail brésilienne, spécialiséedansl’électronique,l’électroménageretl’ameuble-ment–n’ontpasderevenusofficielsouréguliers.Cettepopulationconsacre2,9%desesdépensesauxmeubles,4,7%auxappareilsménagers.Lesventesfinancéesparcrédits’élèventà90%duvolumetotaldeventes.Pourvendreàcettepopulationdémunie,l’entreprise a notamment conçu un système definancementinnovant.Unlivretpermetauxclientsdepayerenpetitsversementséchelonnés–de1à15mois–, ilnepeutêtreapprovisionnéquedanslesmagasinsdel’enseigne,uneadressepermanentesuffitàcontracterunprêtpourunachatinférieurà600réals;au-delàdecettemêmesomme,lalimiteducréditestaffectéeauclientsurlabased’unrevenutotal,officielounonofficiel,de sonactivitéetdesesdépensespardesanalysteseninterne.Lorsquelesclientsviennentaumagasinpayerleuréchéance,unenouvellelimitedecréditestfixéeetlevendeuralapossibilitéderéaliseruneventecroiséeentrantdanscettenouvellelimite.Leprocessusd’éducationdesclientsestundesélémentscléspourlamaîtrisedutauxd’impayés.
Source:Prahalad,2004.
TabLEaU 4
Répartition en % des dépenses liées à l’alimentation
France Burkina
Faso
Guinée-
BissauNiger
Alimentation 19,2% 33,9% 61,5% 43,6%
Hors alimentation
80,8% 66,1% 38,5% 56,5%
source : Biaka Tedang, 2006
TabLEaU 5
La répartition des dépenses des ménages brésiliens
Répartitiondesdépensesen%
Boissonsetalimentation 32%
Logement 18%
Autres 16%
Santé 10%
Transports 8%
Habillement 6%
Appareilsménagers 4%
Voyagesetloisirs 3%
Meubles 2%
Education 1%
Source : Prahalad, 2004
46 Management international / International Management / Gestión Internacional, 14 (2)
P.3.3. Elle oriente la construction de moyens novateurs permettant l’accès direct de ces clients aux produits et/ou services de l’entreprise.
La conception de produits et services BOP ne s’en-tend pas seulement dans l’acception de «produits finis»,elledoitaussiengloberl’accèsdirectquipeutprendredif-férentes formes. En effet, selon que nous avons affaire àdesbiensdurables,desservices,l’accèsdirectpeutêtreuneformation,unusage,uncomportement,unfinancement,unmodededistribution,etc.Enfonctiondel’activitéetdelapopulation,ilfauts’assurerqu’iln’yaitpasd’entrave,au-delàdurevenu,d’ordreculturel,géographique…et/ouliéeàlanatureduservice.
Cas de Lafarge. Bertrand Collomb, Président deLafarge témoigne : «Au Brésil, notre partenariatavec Habitat for Humanity nous a amenés à faireunedistribution largementplusatomiséequedansnos pays, où l’unité de livraison du ciment est lapaletteetoùilestimpossibled’acheteruniquementquelquessacs.Danscepays,comptetenudescarac-téristiqueslocales,nousdisposonsaucontraire,decamionspourfaire‘latournéedulaitier’etdéposerquelquessacsdanslespetitspointsdedistribution»
Source:IMS-EntreprendrepourlaCité.
Propositions 4 : Système d’offre
P.4.1. L’offre est concentrée sur un produit et/ou service primaire.
Enréalité,l’offredoitseconcentrersurunproduitouun nombre très limité de références de produits et/ou deservices.L’entreprisenedoitpascéderàladifférenciationdesproduits,niàlagadgétisation,niàunmarketingsophis-tiqué. Le produit, malgré son très faible nombre de réfé-rences,doitassurersonauto-promotion.Ainsi, lecourantd’affairesseraentretenuparunrapportqualité/prixetunestabilité du produit plutôt que par une obsolescence pro-gramméedesproduits.
P.4.2. La localisation est totalement ou largement intégrée; Fournisseurs, sous-traitants, distributeurs, clients… doivent pouvoir constituer progressivement un « éco-système d’activités ».
Lesystèmed’offredoitlimiteraumaximumlescoûtsd’acheminement des approvisionnements, de la distribu-tion, de transport des clients comme des employés. Lesterritoires sont souvent vastes, les sites séparés par desroutes difficiles, voire inexistantes, ou des zones déser-tiques.Chaquelocalisationdoitfabriquersonéco-systèmed’activités.
Le cas Lafarge India.«L’entrepriseestsituéedansdesrégionsruralesoùleniveauderevenuestbasetlapopulationmarquéeparl’illettrismeetlemanquedequalification.Enraisonducontexteéconomique,
Lafarge et d’autres entreprisesmanufacturières nepeuvent pas fournir des emplois à tous les chô-meursdescommunautéslocales,cequientraînedesconflitsentrelesdeuxparties.LafargeIndiaadécidédeformer600jeuneschômeursrurauxàlamaçon-neried’ici2008(100en2004)etd’assurerauxcan-didatsuntauxd’embauchede25%aucoursdeleurformationchezunconstructeurouun fournisseur.Lescourssontévaluésetcertifiésparl’InstitutdesIngénieurs,uneinstitutionréputéedansledomainetechnique. Pour compléter le projet, Lafarge offreauxcandidatsdiplômésunepetitesommed’argentainsiqu’unkitd’outilsdemaçonnerie.Celapermetdepromouvoirl’unedesmeilleuresméthodespourformerunstagiaireàlamaçonneriemoderneen30jours.Enguisede travauxpratiques, lescandidatsdoiventconstruireunesalledeclassedansunvil-lage.Dessalariésvolontairesjouentparlasuiteunrôle de guide durant un an pour les candidats quiauront réussi, en lesorientantdans leur recherched’unemploisignificatif.
Les constructeurs et les fournisseurs cherchentdésormaisàemployerlesdiplômésissusduprojetsur leurs chantiers. 70 % des candidats au départdevraienttrouverunemploiaprèslaformation.Laréussiteetlesbénéficesdeceprojetontétéplébis-cités à la fois en Indeet sur leplan international.Le Conseil mondial des entreprises pour le déve-loppement durable (WBCSD) l’a salué commeun exemple de bonne pratique. L’Education andResearch Institute, une ONG indienne renommée,l’adésignécommel’unedescinqplusbellesillus-trationsdelaresponsabilitésocialed’entrepriseenInde.»
Source:http://www.lafarge.fr
P.4.3. La distribution constitue un facteur stratégique majeur. Elle doit généralement faire l’objet d’innovations radicales, notamment dans les pays où les réseaux de transport sont défaillants.
P.4.4. La stratégie marketing combine des prix très bas, une qualité satisfaisante, une promotion directe empruntant les liens de l’éco-système et minimisant le budget marketing global.
La réflexion sous-jacente à ces deux propositions estquel marketing pour des besoins fondamentaux? Quelcontenupourles«4P»?
DansunelogiquedeRSE-BOP,laréflexiondes«4P»est totalementdifférentede celle encore exercéedans lespaysriches;ces«4P»sontrepenséspourintégrerl’indigènedanssesqualitésd’hommepluriel:consommateur,citoyen,distributeur,vendeur,transporteur…toutessatisfaitespourencourager la duplication de chacune de ces expériencessur les sites. Le produit, on l’a vu, ne doit pas subir des
Stratégies RSE-BOP et Soin des Communautés Humaines. Concepts et Propositions Génériques 47
élargissements ou approfondissements de gamme, le prixdevantêtreadaptéaupublicdémuninécessiteunerefontedelalogistique,deladistribution,commedelaforcecom-merciale.Lesinnovationsneconcernentpasseulementlesproduits, mais les processus qui permettent d’accéder auclientetd’intégrerleclient.
Le cas de HLL.Cettefilialed’UnileveracrééenIndeduseliodéquineperdpassateneureniodependant le stockage, le transport et la cuisine etdiffuse seulement l’iode lors de l’ingestion d’ali-ments cuits. Ciblant traditionnellement les mar-chésurbains,HLLpouvait s’enorgueillird’undesmeilleurssystèmesdedistributiondupays.Maislesresponsablesdelasociétécomprirenttrèsvitequ’ilsnepourraientpasaccéderauxvillagessituésdansleszonesreculéesenutilisantlesmêmesméthodes.HLL initia donc un programme dans lequel cesont les femmes des villages imparfaitement cou-verts par le système qui distribuent les produitsdugroupe (P.4.3.).Leprogramme,baptiséShakti,offre aux femmes de devenir entrepreneurs. (…)Ce canal supplémentaire de distribution permettraàtermedeservirunmarchéde200à300millionsdepersonnes.Eneffet,cetteinnovationquerepré-sentel’utilisationducapsulagepourprotégerl’iodecontenudansleselaétébrevetée.Unileverestentrain de la déployer dans d’autres pays touchésparleTroubleDuàlaCarenceenIode(TDCI),auGhana,Côted’IvoireetauKenya.
Source:Prahalad(2004)
Le cas Sanofi-Aventis.Legroupe«amisenplaceen2002unestructuredédiéeàlacompréhensiondela situation et des attentes des populations dému-nies, ainsi qu’à l’élaboration de plans d’actions.L’engagement du groupe s’exprime concrètementpar une politique de prix adaptée (P.4.4.) et desefforts en matière de recherche : le programmeImpact Malaria de Sanofi-Aventis (P.4.1.) (…).S’appuyant sur une équipe de 15 personnes etreprésentant un budget d’environ 8 millions d’eu-rosen2006,ceprogrammemetenplaceunepoli-tiquedeprixpourfavoriserunmeilleuraccèsauxmédicaments contre le paludisme, une démarchedeformationetd’informationdetouslesmaillonsde lachaînedesoinset la recherchedenouveauxtraitement antipaludiques. Au niveau des prix, leprogramme pratique une politique de vente d’an-tipaludiquespar lescircuitspublicsàprixcoûtant(P.4.3.). Dans des circuits de pharmacies privées(P.4.3.), il développe une politique tarifaire diffé-renciéeàl’aideduprogrammeCAP(carted’accèsauxantipaludiques).D’autrepart,conscientqu’unemeilleureaccessibilitéauxmédicamentsnepermet-trapasdebattreefficacementlepaludismesansuneréelle politique d’information, le groupe mène de
nombreusesactions,tantauprèsdesprofessionnelsdelasantéquedespopulations,pourlesformerautraitementdupaludismeetàlaprévention».
Source:IMS-EntreprendrepourlaCité
Propositions 5 : Le réseau de valeurs
P.5.1. L’« éco-système d’activités » doit présenter des relations denses et proches (physiquement, culturellement…) entre acteurs.
Les relations denses et proches doivent engendrerune efficience économique, une préservation écologiquequidiminuent les coûts sociaux supportéspar les acteursdes populations locales. Plus les relations sont denses etproches(culturellement,socialement,…),pluslesystèmed’activitépeutêtreconsidérécommeunéco-système,pluslavaleurcrééeestpotentiellementforte.
Le cas Suez. Lydec,filialedugroupeauMaroc,amisenplacedès1998,unpartenariatinnovantaveclesautoritéslocalesdeCasablancaetlapopulationpourélectrifier120bidonvilles,soit30000foyers.«la distribution de l’électricité s’est effectuée parblocs d’une vingtaine de ‘baraques’. Chaque blocaéluunreprésentantpourgérerson‘réseausecon-daireprivé’:coordonnerlaréalisationdestravaux,lamaintenanceet ladistributionauxbénéficiaires.Cette personne, signataire d’un contrat collectifavecLydecaunomdesfamillesqu’ellereprésente,reçoit également la facture de consommation glo-baleetrépartitlemontantsurlabasedesconsom-mationsrelevéessurdescompteursindividuels.Auseinde l’entreprise,deséquipesdédiéesàce seg-mentdeclientèleassurentlacoordinationetl’ani-mationduréseaudesintervenantsdeterrain.Unedeleursmissionsconsisteàcomprendrelesusagesdeshabitantsenmatièred’accèsfrauduleuxàl’énergieetàévaluer lesdépensescorrespondantàcespra-tiques,pourmieuxadapterl’offredel’entrepriseàleursattentesetbesoins.Demême,afinderéduirelesrisques,Lydecencouragel’implicationcomplèteetlaparticipationdeshabitantsdansl’élaborationetlagestionquotidienneduprojet.Enfin,l’entrepriseaadaptésapolitiquedesprixderaccordementauxhabitantsdecesbidonvilles».Denouvellessolida-ritéssontnées:«Lesfamilleslespluspauvresontété aidées par les autres familles pour financer lebranchement (Dans61,1%descas)oupourpayerleurfacture(43,1%descas).Demême,lesconsom-mations électriques des infrastructures collectivesinstalléesdanslesblocsontétéprisesenchargeparlesfamillesdublocconcerné(41,7%descas)».
Source:IMS-EntreprendrepourlaCité
48 Management international / International Management / Gestión Internacional, 14 (2)
P.5.2. L’encastrement des acteurs dans les réseaux locaux fait qu’ils peuvent tenir simultanément plusieurs rôles : distributeur, consommateur, fournisseur, formateur, etc.
L’éco-systèmeetl’encastrementoffrentdespossibilitésaccruesàlapopulationlocaledetenirdesrôlesquinesau-raientseréduireàunedimensionforcedetravail.Au-delàde la création de valeur, des jeux à somme positive sus-ceptiblesdedécoulerdelaprécédenteproposition(P.5.1.),l’encastrement des acteurs dans les réseaux leur offre lapossibilitéd’augmenter leurpotentialité, d’accroître leurscapacités,ausensdeSen.
Le cas Danone. En développant un nouveau sys-tèmededistribution,l’entrepriseacréédesemploisetdefaitagénérédesimpactssociauxpositifssurleterritoire(P.5.1).Troispaysbénéficientàl’heureactuelledecemodèlededistributionsociétal.Les«daniladies» en Afrique du Sud, les «Grameenladies» au Bangladesh et les «cruceros» auMexique.Dès2005,lesdaniladiesdistribuaientunyaourtconçupourrépondreauxbesoinsnutrition-nels des enfants (P.3.1.) et accessible financière-ment.Lesdaniladiessontdesfemmesauchômagequi vendent le produit en faisant du porte-à-portedanslestownships(P.5.2.),encadréespardesdani-grandma, femmes de la township dont le niveaud’éducation est plus élevé. En 2007, l’expérienceest renouvelée au Bangladesh. Les cruceros quivendent lesproduitsDanoneMexiquedans la rueobtiennent l’équivalent du SMIC Mexicain ainsiqu’unecouverturesocialepour32yaourtsvendus.
Source : rapport économique et social Danone2007,p.56.
Propositions 6 : Compétences et Ressources Stratégiques
P.6.1. Les capacités stratégiques sont à co-construire entre l’entreprise et les populations locales en mobilisant les pouvoirs et les relations sis sur le territoire ainsi que les compétences (globales et locales) de l’entreprise.
L’entreprise se trouve en tension (Hamel et Prahalad,1994)danslesensoùlesdéfisàreleverrévèlentunedis-proportionentrelasituationprésenteetlefutursouhaité.Lavolontédemobiliserlessavoir-faireetsavoirslocauxainsique lessystèmesrelationnelspousse l’entrepriseànepassecontenterdetransféreret/ouappliquersescompétenceshabituellesàuncontextenouveau,maisàinnoverencom-binantet transférant lescompétences localesauxsiennes.De ces innovations, découlent des capacités stratégiquesaccruespourl’entreprise.
P.6.2. Le financement des investissements initiaux peut justifier une ingénierie spécifique (à vocation socialement responsable) au niveau de la tête de groupe, en collaboration ou non avec des acteurs globaux (ONG…)
Ici,l’idéeestdenepastraiterleproblèmecommeunematriceBCGdansunpremiertemps.Eneffet,lorsquel’ac-tivitééconomiquelocalequiémaned’uneentreprisecapita-listiquecotéen’estpasassurée,ilestjudicieuxdeconcevoirunfinancementdesinvestissements,quidupointdevuedesinvestisseurs comme des évaluateurs (agences, audit…),relèvedeniveauxdecritèresdifférentsdel’activitéd’ori-ginedugroupedanssonensemble.Ainsi,sil’activitéBOPnedégagepasderésultatssuffisants,ellepeutêtrecircons-criteàuneopérationlimitée,obéissantàsaproprelogiqueetàsespropresexigencesdesurvieetdeviabilitéminimalequ’ontl’habitudedesupporterlesentreprisessociales.Si,aucontraire,l’activitéBOPmontresescapacitésetqu’ellerejointentermesdeperformanceslesstandardsdugroupe,elle peut à terme intégrer l’activité du groupe dans sonensemble.
Le cas Danone.Communities. Du succès deGrameen Danone Foods (P.2.1.) est venue l’idéede promouvoir «cette nouvelle grande idée d’uneéconomiesocialeetinnovante».LeprojetDanone.Communities est composé d’une SICAV et d’unFCPR.EnsponsorisantceprojetDanoneseconsti-tueunecommunautéd’investisseursetd’épargnantsintéressésparl’expansiondenouveauxmodèlesdedéveloppement.
Source : rapport économique et social Danone2007,p.55.
P.6.3. La conception, la construction, le fonctionnement, la maintenance des équipements s’inscrivent dans une logique d’éco-système industriel et empruntent le plus possible les savoirs, les techniques, les matériaux locaux renouvelables.
Cette proposition souligne l’obligation à respecter lesite, le territoireet toutcequi lecompose.Ainsi, l’entre-priseveilleàl’utilisationraisonnéedumatériaulocal,ànonseulementminimiser l’empreinteécologiquemaisaussiàcontribuer, si possible, à la gestion des ressources écolo-giques,àajuster la tailledeséquipementssanscéderà latentationdeséconomiesd’échellequineprennentpasencomptelescoûtscachésécologiquesetsociaux,maiséga-lement à co-construire, anticiper, prévoir une autonomielocaleenformantlapopulationlocaleàlamaintenancedesappareils,àlarénovationdesbâtimentsouautresphasesdesuiviquidécoulentdel’activitéBOP.
Stratégies RSE-BOP et Soin des Communautés Humaines. Concepts et Propositions Génériques 49
P.6.4. Les processus et systèmes d’approvisionnement, de production et de distribution sont conçus et fonctionnent de façon à habiter les territoires en mobilisant le plus possible les ressources humaines locales.
EncohérenceaveclespropositionsP.4.2.etP.4.3.,l’en-sembledesprocessusd’approvisionnement,deproductionetdedistributionmobilise lepluspossible les ressourceshumaines locales dans leurs différents rôles et s’efforced’habiterlesterritoiresenprofondeuretdansladurée,defaçon respectueuse plutôt que de céder à la tentation del’exploitationmonodimensionnelledeshommesoudesres-sourcesnaturelles.
P.6.5. La conception des produits et/ou services s’appuie sur un ago-antagonisme entre compétences globales (tête de groupe), locales (unités) et indigènes (population).
La conception des produits et services ne résulte nid’une logiqued’imposition,nid’unepureadaptationauxgoûtslocaux,maislescompétences,savoir-faireindigènessetrouventmisentensionaveclessavoir-fairedugroupeetdesfilialeslocalesdemanièreàinnoveraumaximumtoutenétantcohérentaveclapropositionP.2.3.
P.6.6. Les processus d’apprentissage visés sont réciproques et récursifs : enrichissement des compétences locales et indigènes sur les compétences globales; enrichissement de ces dernières par les compétences locales et indigènes. Ces processus sont susceptibles à terme d’enrichir les compétences du groupe.
Lemanagementdescompétencess’efforcedefavoriserlesprocessusd’apprentissagecomplet,structurant,habili-tant(Payaud,2005a),ilsdoiventêtreréciproquesetrécur-sifsauxdifférentsniveauxde l’organisationdemanièreàaugmenterlescapacitésdel’ensembleetladynamiquedel’innovation.Encasderéussitedecesprocessusd’appren-tissage,lescompétencescentralesdugroupesontsuscep-tiblesd’êtreenrichiesetdéployéessurd’autresterritoires,parcequ’ilsgénèrentdescompétencestransférables,oudessavoir-fairegénériques.
Le cas Aravind Eye Care System.Aravind EyeCareSystemarévolutionnél’ophtalmologiedepuisla détection des patients nécessitant une prise encharge, jusqu’au processus qui préside l’inter-vention, en passant par les consultations, dans unpaysoùmoinsd’un tiersde lapopulationaaccèsà des infrastructures sanitaires correctes : l’Inde.Quelques chiffres concernant l’activité d’AravindEyeCareSystem:200000opérationsparan,60%despatientssefontopérergratuitement,40%payentuntarifbas,uneinterventioncoûteentremoinsde50à100dollars(contre2600et8000dollarsauxEtats-Unis), le prix de vente de sa propre lentilleinteroculaireestde5dollars(contre200auxEtats-Unis), un niveau de qualité supérieur aux normes
internationales.Les1500campsd’ophtalmologieitinérantssontunmoyend’éduquerlesgenssurlessoins des yeux, un moyen d’accéder aux patientsquiontbesoind’êtreopérésetsontconduitsparlesentrepriseslocales,lesONGprésentesetlesécoles(P.6.1.).Destechniciennessontdesjeunesfemmesrecrutées sur place (P.6.4.), elles sont forméesexclusivementauxsoinsophtalmologiquesparl’en-treprise(P.6.5),ets’occupentdesphasespréetpost-opératoires,etdessuivis(P.6.3.).AravindEyeCareSystem a su conserver l’infrastructure locale desvillages,toutenlesdotantd’équipementsmodernes(P.6.3).AravindEyeCareSystemintègredésormaisdes activités de recherche, de fabrication de petitoutillage,deformationetdetélémédecine(P.6.6.).
Source:Prahalad(2004)
Conclusion
Pour radicalesqu’elles soient les innovations exigéespardesstratégiesRSE-BOPnerelèventpasdelapureutopiecomme l’illustrent les cas cités, tous caractérisésparunecertaineviabilitééconomiqueetunecontributionsignifica-tiveauxcommunautés locales.Ellessupposentcependantunprojetexigeant,durableettenaceainsiqu’unecapacitéàs’affranchirdel’orthodoxieetdesconventionsouthéoriesenusage.D’ailleursYunusacoutumededire:«Nousavonsregardécommentfonctionnaientlesautresbanquesetnousavonsfaitlecontraire».
Pourlechercheurenmanagementstratégique,l’hétéro-doxieconsisteiciàposerquesonchamppeutcontribueràlaluttecontrel’extrêmepauvretéviauneconceptionstraté-giqueexigeantedelaRSE.Jusqu’icilemanagementstraté-giqueapeunourrilesréflexionssurl’économiesocialeousolidaireensecantonnantàuneconceptionconventionnelleet restrictive de la performance (la valeur actionnariale).Pourtant, la recherche de valeurs partenariales, la théoriedes parties prenantes, le développement durable… sontautantde«petitspas»quicontribuentàélargirl’espacededécision et d’opérations de l’entreprise et à suggérer descritèresdegestionplusnombreuxetplussubtils.
Au-delàencore,lacriseactuelleinterrogedirectementlesgrandesentreprisesquantàleurresponsabilitédanslesgrandsproblèmesdumonde.Lefaitque4milliardsd’indi-vidusdisposentdemoinsdedeuxdollarsparjourconstitueuneinvitationlancinanteàinnover.
Fondéd’abordsurl’observationdequelquescasorga-nisés en taxonomie, puis sur la proposition d’un cadreconceptuel provisoire mais d’emblée synthétique, le pré-sentarticleélaboreunschémadirecteuretdespropositionslogiquementcohérentesàmêmedeguiderlaconceptiondeprojets stratégiques ainsi orientés.Une tellemodélisationheuristiquen’apasvocationàêtrevalidéeempiriquementselonunprotocole standard.Ellen’ad’intérêtquesi elle
50 Management international / International Management / Gestión Internacional, 14 (2)
suggèreetorientedesfluxderecherche,guideetsécurisedes projets d’action, ouvre le champ des possibles quantauxvoiesetmoyensdeluttecontrel’extrêmepauvretéets’exposeàlamiseàl’épreuveetàlacritique.
La RSE-BOP ne peut constituer évidemment qu’uneréponsepartielleetlocaleetnesauraitsesubstitueràdespolitiques nationales et supranationales d’aide au déve-loppement. Mais l’ampleur du problème et son caractèreinsoutenablepourtouthommeresponsableinvitentànepaslesnégliger.
bibliographie
arnstein S.R., (1969), «A ladder of citizen participation»,America Institute of Planners Journal,35(July),(216-224).
argyris C. & sChön D., (1978), Organizational learning : a theory of action perspective, Addison Wesley PublishingCompany.
Barney J.B.,(1991),«Firmresourcesandsustainedcompetitiveadvantage»,Journal of Management,vol.17(1),(99-120).
BernarD-weil E., (2002), Stratégies Paradoxales en Bio-Médecine et Sciences Humaines,Paris,L’Harmattan.
BernarD-weil E.,(1988),Précis de Systémique Ago-Antagoniste,Limonest,L’Interdisciplinaire.
Biaka teDang D., (2006), «Problématique des indices de prixà la consommation dans les économies d’Afrique subsaha-rienne», Observatoire Economique et Statistique d’Afrique Subsaharienne, AFRISTAT,17pages.
BlaCkJA.& Boal KB.,(1994)«Strategicresources:traits,con-figurations and path to sustainable competitive advantage»,Strategic Management Journal,vol.15,(131-148).
BrunetR.etali,(1992),Les mots de la géographie, dictionnaire critique, Montpellier-Paris, La Documentation Française,520pages.
Caroll A.B., BuChholtz A.K., (2000), Business and Society: Ethics and Stakeholder Management, South-WesternPublishing,4èmeed.Cincinnati.
CarollA.B.,näsi J.,(1997),“Understandingstakeholderthink-ing: themes from a finnish conference”, Business Ethics: A European Review,vol.6(1),(46-51).
CharnayJ.P.,(1990),Critique de la Stratégie,Paris,L’Herne.
Clarkson M.B., (1995), “A stakeholder framework for analys-ingandevaluatingcorporatesocialperformance”,Academy of Management Review,vol.20(1),(92-117).
Claveau N., martinetA.C., tannery F., (1998), «Formes etingénierie du changement stratégique», Revue Française de Gestion,n°120.
Conner K.R., prahalaD C.K.,(1996),«Aresource-basedtheoryof the firm : knowledge versus opportunism», Organization Science,vol.7(5),(477-501).
Crossan M.M.,lane H.W.&white R.E., (1999),«Anorgani-zational learning framework : from intuition to institution»,Academy of Management Review,vol.24(3),(522-537).
Daviet S., (2005), Industrie, Culture, Territoire, Paris,L’Harmattan.
DefournyJ.,(2006),«Entreprisesociale»,inLavilleJ.L.,CattaniA.D.,Dictionnaire de l’Autre Economie,Paris,FolioActuel.
DoDgsonM.,(1993),«Organizationallearning:areviewofsomeliteratures»,Organization Studies,vol.14(3),(375-392).
Dupuy G., (1985), Systèmes, Réseaux et Territoires, Presse del’EcoleNationaledesPontsetChaussées.
freeman R.E., (1984), Strategic Management : a Stakeholder Approach,PitmanPublishingLuc,Marshfield.
frieDman A.L., miles S., (2007), Stakeholders, Theory and Practice,OxfordUniversityPress.
giDDens A.,(1984/87),La Constitution de la Société,Paris,PUF.
granovetter M.,(1985),(2000),Le Marché Autrement,Paris.
granovetter M.,(1992),“Problemsofexplanationineconomicsociology”, inNetworks and Organizations : structure, form and action,Cambridge:HarvardUniversityPress,(25-56).
granovetterM.,(1985),“Economicactionandsocialstructure: the problem of the embeddedness”, American Journal of Sociology,vol.91(3),(481-510).
hamel G., (2000), Leading the Revolution, Harvard BusinessSchoolPress, trad.fçseLa Révolution en Tête, Paris,VillageMondial.
hamel G.,(1998),“Strategyinnovationandthequestforvalue”,Sloan Management Review,Vol.39(2),(7-14).
hamel G.&prahalaD CK., (1994),Competing for the Future,HarvardBusinessSchoolPress,Boston,Etats-Unis.
hatChuel A., (2005), “Towards an epistemology of collectiveaction: management research as a responsive and action-able discipline”, European Management Review, vol.2 n°1,pp.36-47.
hayek F.,(1953),Scientisme et Sciences Sociales,Paris,Agora.
Johnson G., (1987), Strategic Change and the Management Process,Oxford,Blackwell.
karnani A., (2007), “Fortune at the Bottom of the Pyramid:AMirage”,w.p.UniversityofMichigan,april,42p.
kim D.H., (1993), «The link between individual and organi-zational learning», Sloan Management Review, vol.35(1),(37-50).
koenig G., (1996), Management Stratégique. Paradoxes, Interactions et Apprentissages,Paris,Nathan.
luttwaCk E.N.,(1989),Le Paradoxe de la Stratégie,Paris,OdileJacob.
martinetA.C., (1981), «Externalités et comportements straté-giques:àlarecherchedenouvelleséquilibrations»,Economie Appliquée,n°1,(61-88).
martinetAC,(1983),Stratégie,Paris,Vuibert,322pages.
martinetA.C.,(1984),Management Stratégique, Organisation et Politique,Paris,McGrawHill.
martinetA.C., (1991), Epistémologie et Sciences de Gestion,Paris,Economica.
martinet A.C., (1997), «Pensée stratégique et rationalité : unexamen épistémologique», Management International,vol.2(1),(67-75).
martinetA.C(1999),«Lecturestratégiquedudiagnosticglobal»inMarionA.(coord.),Diagnostic d’Entreprise, Economica.
Stratégies RSE-BOP et Soin des Communautés Humaines. Concepts et Propositions Génériques 51
martinetA.C.,(2001),«Lefauxdéclindelaplanificationstraté-gique»,inA.C.MartinetetR.A.ThiétartStratégies : actualité et futurs de la recherche, Vuibert.
martinetA.C.,(2007a),«Savoir(s),connaître,agirenorganisa-tion : attracteurs épistémiques», inAvenier M.J. et SchmidtC.(coord.),La Construction de Savoirs pour l’Action,Paris,L’Harmattan.
martinetA.C.,payauDM.A.,(2006),«Absorptiond’incertitude,enrichissement des stratégies et cadres intermédiaires : unemodélisation ago-antagoniste», Management International,vol.10(2),(29-42).
martinet A.C., payauD M.A., (2008a), «Formes de RSE etEntreprisesSociales.UneHybridationdesStratégies»,Revue Française de Gestion,vol.34n°180,Janv-Fév.
martinetA.C.,payauD m.A.,(2008b),«Ledéveloppementdura-ble,vecteuretproduitd’unerégénérationdelagouvernanceetdumanagementstratégique:Uncadrethéoriqueintégrateur»,Management International,vol.12(2),(13-25).
martinet A.C., payauD M.A., (2009), «Un Cadre ThéoriqueIntégrateurpourleManagementStratégique«BOP»»,Revue de l’Organisation Responsable,vol.4(1),(19-30).
merCier S.,(2001),“L’apportdelathéoriedespartiesprenantesau management stratégique : une synthèse de la littérature”,XIème Conférence AIMS,Canada,Laval,24p.
mintzBerg H.,(2005),Des Managers, des Vrais! Pas des MBA,Paris,Eds.d’Organisation,522pages.
mitChell etali.,(1997),“Towardatheoryofstakeholderidenti-ficationandsalience:definingtheprincipleofwhoandwhatreally counts”, Academy of Management Review, vol.22(4),(853-886).
nonaka I. & takeushi H., (1995), The Knowledge-Creating Company,OxfordUniversityPressInc.
offner JM, (1992), «Entreprises de réseau et territoires», inEconomie et Management des Entreprises de Réseau, N.Curien(coord.),Paris,ENSPTT-Economica,210pages.
paillart I., (1992), «Stratégies des réseaux et pouvoir local :conflit ou coopération?», in Economie et Management des Entreprises de Réseaux,N.Curien,(coord.),Paris,ENSPTT-Economica.
payauD M.A., (2005a), Formation des Stratégies et Middle Managers,Paris,L’Harmattan.
payauD M.A., (2005b), «La contribution des entreprises deréseau à la dynamique des territoires par le truchement deréseaux multi-acteurs», in Intelligence Economique et Veille Stratégique : défis et stratégies pour les économies émer-gentes, coord D.Guerraoui et X.Richet, Paris, L’Harmattan,(97-127).
pereDoA.M.,Chrisman J.J., (2006), “Toward a theoryof com-munity-based enterprise”, Academy of Management Review,vol.31(2),(309-328).
perrouxF.,(1986),Pour une philosophie du nouveau développe-ment,Pressedel’Unesco.
phelizon J.F.,(1998),Action Stratégique,Paris,Economica.
poirierL.,(1987),Stratégie Théorique II,Paris,Economica.
polanyiK.,(1944),La Grande Transformation,Paris,Gallimard,trad.frçse1983.
porter M.E.,(1998),«Clustersandtheneweconomicsofcompe-tition»,Harvard Business Review,Nov-Déc,(77-90).
porter M.E., (1991), «Towards adynamic theoryof strategy»,Strategic Management Journal,vol.12,(95-117).
prahalaD C.K.,(2004),The fortune at the bottom of the pyramid,PearsonEducation;trad.Fçse:4 milliards de nouveaux con-sommateurs,VillageMondial,Paris.
renouarD C., (2007), La Responsabilité Ethique des Multinationales,Paris,PUF.
senA.,(1999),Development as Freedom,Knopf,tradfçse: Un Nouveau Modèle Economique, Paris,OdileJacob,2000.
teeCeD.J.,pisanoG.&shuenA., (1997),«Dynamiccapabili-ties and strategic management», in Resources, Firms and Strategies,FossNJ.(Ed.),Oxford.
tregoeB.& zimmerman J., (1980),Top Management Strategy,New-York, Simon et Schuster; trad.fçse : La Force Motrice, une nouvelle stratégie pour l’entreprise,Paris, InterEditions,1982,157pages.
whittington R., (2004), “Strategy after modernism: recoveringpractice”,EuropeanManagement Review,vol.1,(62-68).
wunenBerger J.J.,(1990),La Raison Contradictoire,Paris,AlbinMichel.
yunusM.,(1997),Vers un Monde sans Pauvreté,Paris,JCLattès.
zaoualH.,(2005),Socioéconomie de la Proximité-Du Global au Local,Paris,L’Harmattan.