Stabilite des huiles alimentaires au cours de leur stockage

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Huiles alimentaires

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  • Stabilite des huiles alimentaires au cours de leur stockage

    Contexte, problematique

    Les huiles vegetales sont principalementconstituees de triglycerides (> 95 %),encore appeles triacylglycerols (TAG).Elles peuvent egalement contenir desvitamines liposolubles et, lorsquelles nesont pas raffinees, des phytosterols, despigments naturels et des phospholipi-des. Les acides gras (AG) constitutifs desTAG different entre eux par la longueurde la chane carbonee et le nombre dedoubles liaisons entre 2 atomes decarbone (C), ces liaisons se trouvantnaturellement sous la forme cis (ou Z).On trouve ainsi des acides gras a chanescourtes (AGCC : 4 a 6 atomes de C),moyennes (AGML : 8 a 12 C), longues(AGCL : 14 a 18 C) et tres longues(AGCTL : 20 C ou plus). Ils peuvent etresatures (AGS) cest-a-dire sans aucunedouble liaison, mono-insatures (AGMI)ou polyinsatures (AGPI) selon le nombrede doubles liaisons. Les huiles vegetalesse caracterisent par leur composition ences differents acides gras (figure 1).

    Les huiles vegetales jouent un ro^leessentiel dans notre alimentation. Ellesassurent tout dabord une fonction nutri-tionnelle : elles contribuent a lapportdenergie, sont sources dacides grasindispensables, en particulier dacidelinoleique (C18:2, precurseur desomega-6, 4 % de lapport energetiquesansalcool selon lesANC2010)etdacidealphalinolenique (C18:3, precurseur desomega-3, 1 % de lapport energetiquesansalcool), etparticipenta lapportetautransport de vitamines liposolubles (dontE, D et pro-A) et dautres constituantsdinteret nutritionnel comme des phy-tosterols ou des composes phenoliques(cas de lhuile dolive notamment). Ellescontribuent a la qualite organolepti-que des produits, leur apportant unetexture onctueuse, cremeuse, fondante,un aspect brillant et une flaveur speci-fique. Enfin, elles assurent des fonctionstechnologiques, en particulier commemoyensdetransfertdechaleurencuisson(exemple des huiles de friture), agentsdenrobage et de demoulage ou

    commesupports daro^mes et de colorantslipophiles.

    Ces huiles vegetales, du fait de leurrichesse en acides gras mono- et/oupolyinsatures, sont sujettes a des reac-tions chimiques telles que lisomerisa-tion et loxydation des acides gras.Lisomerisation conduit a la genera-tion dacides gras trans qui, sils sontconsommes enexces, sont associes a uneaugmentation du risque de maladiescardiovasculaires, dou les recommanda-tions de lANSES (2005, 2009) visant alimiter leur consommation a moins de2 % de lapport energetique total. Laperoxydation lipidique, quant a elle,est un ensemble complexe de reactionsqui se produisent enpresence doxygeneet conduisent a ce que lon appellecouramment le rancissement. Ses reper-cussions economiques peuvent etreimportantes puisquil aboutit a la pertede denrees alimentaires devenuessouvent inconsommables en raisonde lalteration de la flaveur. Au plan

    Abstract: Stability of edible oils during storageVegetable oils are chemically unstable due to the sensitivity to oxidation of theirunsaturated fatty acids. The oxidative mechanisms are based on complex and radicalreactions that always result in a significant loss of oil quality in both sensorial (rancidity)and nutritional values (loss of polyunsaturated fatty acids and vitamin E). Monitoringthe oxidation state of oil can be performed using different markers, each bringing apartial information of the whole phenomenon, but unable to predict by itself the futurestability of the oil. The accelerated ageing tests used in reasonable heating conditions areuseful for measuring the resistance of oil to oxidation but are difficult to extrapolate tonormal storage conditions. The oxidative degradation of oil during storage can bedelayed by protecting it from light, heat, oxygen and metals. Another way consists toincrease the retention of endogenous antioxidants naturally contained in the oil seeds,such as tocopherols (vitamin E), which are partially removed during conventionaloperations of extraction and refining.

    Key words: oxidative degradation, polyunsaturated fatty acids, tocopherols, antiox-idants

    Marie-Elisabeth CUVELIERMarie-Noelle MAILLARD

    AgroParisTech, Inra UMR1145

    Ingenierie Produits Aliments, 91300

    Massy, France

    Pour citer cet article : Cuvelier ME, Maillard MN. Stabilite des huiles alimentaires au cours de leur stockage. OCL 2012 ; 19(2) : 125-132.doi : 10.1684/ocl.2012.0440

    doi:

    10.168

    4/ocl.201

    2.04

    40

    OCL VOL. 19 N8 2 mars-avril 2012 125

    QUALITE SECURITE ALIMENTAIRE

  • nutritionnel, loxydation des huilesconduit peu a peu a une perte de leurqualite, en raison notamment de ladegradation partielle des AG indispensa-bles et des vitamines E et A (sous laforme de son precurseur). On suspecteegalement une toxicite potentielle decertains composes de degradation oxy-dative des acides gras insatures, dont lesmonomeres cycliques, les polymeres, lesfuranes ou le 4-hydroxynonenal (HNE),particulierement en cas de degradationoxydative associee a une degradationthermique. Enfin, lorsque ces huiles sontincorporees dans des produits alimentai-res, il est a craindre des reactions de co-oxydation initiees par les produits doxy-dation des acides gras, pouvant notam-ment conduire a une perte en acidesamines essentiels et a une diminutionde la digestibilite des proteines.

    La stabilite oxydative des huilesdependra en particulier de leur teneuret de leur composition en acides grasinsatures (AGI). Ainsi, les huiles les plusinsaturees seront les moins stables aloxydation, et ce dautant plus que lenombre de doubles liaisons sur lesacides gras est eleve. Ainsi, lhuile detournesol (plus de 85 % dAGI dont60 % dAGPI) sera plus oxydable que

    lhuile de colza (environ 90 % dAGIdont 20 a 30 % dAGPI) ou lhuile detournesol oleique (environ 90 % dAGI

    dont moins de 10 % dAGPI). Cettestabilite sera egalement dependante dela teneur en tocopherols dans lhuile(dont vitamine E), susceptibles dexer-cer une action protectrice antioxydante(Frankel, 2007 ; Graille, 2003).

    Oxydation des lipides :mecanismes, methodesde suivi

    Les principales reactions doxydation deslipides insatures sont complexes maisbien connues (Frankel, 2007 ; Jeantetet al., 2006). On peut les representerschematiquement a la figure 2. Ellesconstituent une suite de reactions enchane qui aboutissent a laccumulationdhydroperoxydes (LOOH). Les reactionsdinitiation de cette chane, qui consis-tent en larrachement dun proton H8 auvoisinagedunedouble liaisondunacidegras, vont aboutir a la formation despremieres molecules lipidiques radicalai-res, les radicaux alkyles notes L8 sur leschema de la figure 2. Dans le cas dedeux doubles liaisons separees par unC (dienes), larrachement du protonsaccompagne dun deplacement desliaisons qui se retrouvent alors consecu-tives (dites conjuguees). Ces reactionsdinitiation sont spontanees mais natu-rellement lentes en conditions douces.

    Sensibilisateur+ photons

    chauffage

    mtaux

    photons

    mtauxchauffage

    Lipoxygnase

    OXYDATIONENZYMATIQUE

    AUTO-OXYDATION

    PHOTO-OXYDATION

    31

    3

    3

    O2 O2

    O2

    O2

    LO

    LOO

    L

    H

    L'H

    L'

    LOOOH

    LH

    LOOH

    LH

    LH

    LH = Lipide insatur(acide gras libre, triglycride, phospholipide)

    Aldhydes, ctones, acidesPolymres+/- oxyds,

    Composs cycliss, trans

    Scission,remaniement,

    cyclisation,polymrisation

    Coxydationdes vitamines,des pigments,des protines

    Figure 2. Schema des reactions doxydation des lipides (dapres Berset et Cuvelier, 1996).

    Coco (coprah)

    Palme

    Tournesololique

    Olive

    Colza

    Arachide

    Coton

    Soja

    Mas

    Germe de bl

    Tournesol

    Noix

    Carthame

    AGS AGMI (dont w9) AGPI (dont w3 et 6)

    Figure 1. Classement des huiles vegetales en fonction de leur composition en acides gras (%satures AGS, mono-insatures AGMI et polyinsatures AGPI).

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  • En revanche, elles sont fortementaccelerees par une elevation de latemperature, un eclairement du produitou encore la presence dions metalliquesqui vont reagir avec des hydroperoxydesdeja presents dans lhuile pour formerdes radicaux initiateurs de loxydation.Les radicaux libres L8 vont se combinerimmediatement avec loxygene dissousdans lhuile, et les radicaux LOO8 ainsiformes, tres reactifs, vont aller a leur tourarracher un H8 a une autre moleculedacide gras, liberant alors un nouveauradical L8 et formant un hydroperoxydeLOOH. Il sagit bien dun mecanisme depropagation radicalaire, autocatalytique,qui devient tres rapidement irreversible.Les hydroperoxydes peuvent aussi pro-venir de reactions catalysees par lalumiere a travers un mecanisme dephoto-oxydation mettant en oeuvre unpigment photosensibilisateur, ou encorepar des enzymes telles que la lipo-xygenase (figure 2).

    Quils soient formes par lun ou lautredes mecanismes decrits ci-dessus, leshydroperoxydes LOOH saccumulentdans lhuile. Ce sont des moleculesinstables, surtout en presence dionsmetalliques tels que Fe2+ et Cu+ ou a destemperatures depassant 60 8C. Lesnouveaux radicaux quils produisent,notamment les alkoxyles LO8 et leshydroxyles OH8, vont a leur touralimenter lauto-oxydation des AGI outrouver pour cibles dautres composestels que les vitamines, les pigments, ouencore les proteines dans le cas de

    produits formules. Les radicaux alkoxy-les sont egalement a lorigine dereactions de scission, de cyclisation etde polymerisation. Ces reactions, ditesde terminaison, vont donner naissance aune multitude de composes, parmilesquels des composes volatils et tresodorants responsables de lapparitionde la note rance. Les produits nonvolatils sont plus ou moins oxygenes,cyclises et polymerises. Sy ajoutent lespolymeres dorigine thermique en casde chauffage intensif, qui peu a peuvont contribuer a laugmentation de laviscosite de lhuile.

    Ainsi apres une periode de latence plusou moins longue, appelee aussi periodedinduction, loxydation semanifeste parune reduction significative de la qualitede lhuile ou des produits alimentairesdans lesquels elle est incorporee.

    Letat doxydation dans lequel se trouveune huile peut etre mesure de diversesmanieres, selon que lon dose lappari-tion des produits primaires doxydation(dienes conjugues, hydroperoxydes) oudes produits secondaires (polymeres,composes volatils. . .), la consommationdoxygene ou des acides gras insatures,ou encore la co-oxydation dautressubstrats, tels que des pigments oudes proteines. Le tableau 1 presenteles diverses methodes et normes francai-ses ou internationales actuellementdisponibles.

    La diversite des techniques avec leurslimites, leurs sensibilites et leurs

    specificites rend difficile la comparaisondes resultats. Lanalyse sensorielle restebien su^r la methode de choix puisquelleest la seule a rendre compte parfaite-ment de letat dacceptabilite mais ellereste lourde a mettre en oeuvre.

    Chaque mesure apporte ainsi uneinformation partielle sur un phenomeneglobal, lideal etant devaluer letatdoxydation par plusieurs methodescomplementaires, permettant de suivreen parallele la formation des produitsprimaires et secondaires (Cuvelier etMaillard, 2007 ; Frankel, 1998).

    Il faut egalement avoir conscience queloxydation est un phenomene evolutif,comme le schematise la figure 3, etquunemesure seule, a un temps donne,nepermetpas toujoursde rendrecomptede letat reel doxydation, ni de savoir aquel stade davancement des reactionson se situe. Il est donc interessantdetablir les cinetiques devolution desmarqueurs doxydation, ce qui permetde reperer le temps dinduction, cest-a-dire le moment ou commence aapparatre le phenomene doxydation.

    En presence dantioxydants dans leshuiles, la mesure de letat doxydationrenseigne egalement sur leffet protec-teur de ces derniers vis-a-vis des AGI, quise marque notamment par un retard ouun ralentissement dans lapparition desproduits doxydation.

    La mesure de letat doxydation danslequel se trouve une huile a un tempsdonne ne permet en general pas de

    Tableau 1. Methodes devaluation de letat doxydation des huiles.

    Marqueurs doxydation Methodes

    Niveau dinsaturation Indice diode (mesure colorimetrique) (Norme AFNOR NF EN ISO 3961)

    Profil en acides gras Dosage par chromatographie en phase gazeuse apres methanolysedes triglycerides (Norme AFNOR NF EN ISO 12966-2 et 5508)

    Teneur en acides gras libres Indice dacide par colorimetrie (Norme AFNOR NF EN ISO 660)

    Teneur en dienes conjugues Mesure par spectrophotometrie UV (Norme AFNOR NF EN ISO 3656)

    Taux de peroxydes Indice mesure par iodometrie (Norme AFNOR NF EN ISO 3960) oupotentiometrie (ISO 27107)

    Presence daldehydes Indice de para-Anisidine par spectrophotometrie (Norme AFNOR NF EN ISO 6885)

    Test TBA (acide 2-thiobarbiturique) par spectrophotometrie

    Taux de polymeres Mesure directe par chromatographie liquide haute performance dexclusion(AFNOR NF EN ISO 16931) ou par viscosite

    Taux de composes polaires Chromatographie liquide dabsorption et gravimetrie (Norme AFNOR NF EN ISO 8420)

    Composes volatils Mesure par chromatographie en phase gazeuse de lespace gazeux (AOCSRecommended Practice Cg 1-83, 4-94)

    Rancidite Analyse sensorielle avec juges experts (AOCS Recommended Practice Cg 2-83)

    OCL VOL. 19 N8 2 mars-avril 2012 127

  • predire son evolution. En revanche, il estpossible de mesurer son oxydabilite ousa resistance a loxydation enmettant enoeuvre des tests acceleres. On peut citerle test de Schaal ou a letuve, le test deSwift ou AOM (Active Oxygen Method)et des tests plus recents, automatisestels que Rancimat ouOSI, Oxidograph etOxipress. Dans ce type de tests, lhuileest soumise a des conditions favorisantles reactions doxydation : eclairage,elevation de temperature, oxygenation.Lextrapolation aux conditions reelles destockage savere neanmoins delicateet fonction de chaque matrice. Onveillera a ne pas appliquer des conditionstrop drastiques, notamment avec destemperatures tres elevees car alors, ongenere des reactions de degradation desacides gras oudes antioxydantsqui nontpas lieu dans les conditions habituellesde stockage et les resultats sont doncdifficilement extrapolables (Frankel,1998). Neanmoins, une telle approche,plus rapide, permet de comparer lesperformances de plusieurs huiles et peutapporterdeselements interessants quanta des applications particulieres, tellesque la friture. Elle permet egalementdevaluer lefficacite relative de mole-cules ou dextraits antioxydants.

    Stabilisationde la qualite des huilesau cours du stockage

    Plusieurs facteurs vont intervenir pourfavoriser ou au contraire freiner les

    reactions doxydation de lhuile. Lesconditions du stockage telles que lachaleur et la lumiere vont bien su^raugmenter la vitesse dauto-oxydation.Mais celle-ci depend enpremier lieude lacomposition en acides gras de lhuile, enparticulier en AGPI, et de sa compositionen composes mineurs pro-oxydants telsque des traces dions metalliques ou depigments comme les chlorophylles. Aucontraire, loxydation est reduite enpresence de tocopherols ou autrescomposes phenoliques antioxydants.Ainsi, les huiles vegetales naturellementriches en tocopherols et les huiles peu oupas raffinees telles que lhuile doliveriche en divers composes phenoliques,sont naturellement protegees par lesantioxydants endogenes.

    La vitesse doxydation dependegalement de la qualite initiale delhuile, en particulier de sa concentra-tion en hydroperoxydes, qui reduiradautant plus le temps dinductionquelle est elevee, les hydroperoxydesexercant alors une fonction dinitiateursde radicaux, surtout sils sont en contactavec des ions metalliques. Si lhuile estincorporee dans un produit formule,alimentaire ou cosmetique, dautresparametres pourront intervenir, notam-ment letat de dispersion de lhuile, lanature des interfaces avec lhuile, lapresence de sel ou de tensio-actifs.

    Il est possible dintervenir pour retarderou ralentir le processus de degradationde lhuile pendant le stockage. Unepremiere voie consiste a supprimer tousles facteurs favorables a linitiation ou a

    la propagation, cest-a-dire loxygene,lelevation de temperature, laction de lalumiere ou la concentration en cataly-seurs (metaux, pigments, enzymes).Ces precautions sont mises en oeuvrependant la fabrication des huiles puis aucours du stockage, notamment par unchoix demballages appropries et/oupar inertage a lazote des huiles avantconditionnement afin de reduire lereservoir doxygene disponible danslespace gazeux qui risque de diffuserdans lhuile au cours de sa conservation.De fait, la DLUO dune huile estgeneralement de 12 mois a tempera-ture ambiante avant ouverture. Apresouverture de la bouteille, un stockagedu produit a labri de la lumiere,eventuellement au froid pour les huilesles plus instables (riches en AGPI,possedant un point de fusion plus faibleet ne risquant donc pas de figer a 4 8C),permet de retarder lapparition de notesrances. Dans certains cas, en particulierdans les produits formules ou quand lateneur en antioxydants endogenes nestpas suffisante, meme si lon sefforcede limiter la deterioration oxydativede lhuile, les moyens de preventionsaverentparfois insuffisants oudifficiles amettre en oeuvre. On a alors recours aune deuxieme voie qui consiste a ajouterun agent antioxydant qui va ralentirlactivite des catalyseurs de loxydationou limiter la propagation des radicauxlibres (Cuvelier et Latino-Martel, 2009 ;Frankel, 2007). Ces additifs viennentcompleter ou renforcer le ro^le deja tenupar les composes antioxydants naturel-lement presents dans les huiles ou danscertains ingredients des produitsformules.

    Les antioxydants peuvent etre classes endeux groupes selon leur mode daction.Les antioxydants primaires, egalementappeles antiradicalaires, sont des mole-cules capables de bloquer les radicauxlipidiques L8, LO8 et LOO8 par transfertdun H8 :

    LOO8 + AOH ! LOOH + AO8Lantioxydant devient alors lui-memeporteur dun radical, mais a la differencedes radicaux lipidiques, il est peureactif, ce qui stoppe la propagationradicalaire. Ce groupe dantiradicalairesest constitue presque exclusivement decomposes phenoliques en raison de lagrande stabilite apportee par leur cyclearomatique. On trouvera ainsi dans cegroupe les additifs antioxydants, BHA,BHT, TBHQ, gallates, mais aussi les

    substrat

    hydroperoxydes

    composs non volatils

    qu

    anti

    t

    tempsinitiation

    composs volatils

    propagation

    Figure 3. Evolution schematique de lauto-oxydation des acides gras insatures au cours dutemps (adapte de Labuza et Dugan, 1971).

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  • tocopherols (vitamine E) et les poly-phenols vegetaux (flavonodes, acidesphenoliques, diterpenodes) (Berset,2006).

    Les antioxydants secondaires agissentpar des mecanismes indirects tels quela chelation des ions metalliques ou lareduction doxygene. On les appelleaussi antioxydants preventifs car ilsviennent completer les moyens deprevention de loxydation, ou encoresynergistes car ils sont souvent employesen combinaison avec les antiradicalairesdont ils renforcent laction. Les agentschelateurs de metaux les plus couram-ment utilises sont lEDTA et lacidecitrique. Certains polyphenols vegetauxpossedent egalement cette capacitegra^ce a leurs groupements ortho-diphenoliques. Cest le cas par exemplede la quercetine, des catechines et delacide carnosique. Parmi les reducteursdoxygene, citons principalement lesacides ascorbique (vitamine C) eterythorbique. On peut egalement men-tionner le beta-carotene et le lycopenequi sont des desactivateurs de loxygenesingulet, forme active de loxygene enphotooxydation (figure 2).

    La presence ou lajout dantioxydant semarque par un effet-retard ou un ralen-tissement dans lapparition de loxyda-tion, cet effet etant fonction de la naturede lantioxydant et de sa concentration.En aucun cas, il ne sagit dune suppres-sion totale de loxydation car une fois lesantioxydants consommes, la chaine dereactions peut se poursuivre (figure 4).

    Les antioxydants ajoutes dans les huilesou les produits alimentaires sont soumisa la legislation sur les additifs dureglement CE/1333/2008. Seuls quel-ques antioxydants sont autorises et desdoses maximales dutilisation leur sontassociees (Cuvelier et Latino-Martel,2009). Pour repondre a un besoin denaturalite, un grand nombre de sourcesvegetales dantioxydants a ete exploredepuis plusieurs decennies et toutrecemment, la directive 2010/67/UEet le reglement 1130/2011 ont donnelautorisation den utiliser quelques-unes (dont les extraits de romarin).

    La plupart des huiles alimentaires raf-finees restent naturellement riches enantioxydants naturels que sont lestocopherols (ou vitamine E) et/ou lestocotrienols (figure 5, tableau 2), memesi une part significative presente dans lesmatieres premieres est perdue au cours

    de lextraction et du raffinage deshuiles, notamment pendant letape dedesodorisation. Certaines huiles, commelhuile dolive, contiennent dautrescomposes phenoliques, comme le tyro-sol, lhydroxytyrosol, loleuropeine ouquelques acides phenoliques, qui contri-buent a sa stabilisation au cours de laconservation (figure 5).

    De facon generale, la stabilite des huilesvegetales pourrait etre renforcee si lesantioxydants endogenes presents natu-rellement dans les matieres premieresdont elles dont issues (grainesoleagineuses en particulier) etaientrecuperes au cours de leur extractionet conserves pendant le raffinage.Dapres les procedes dextraction misen oeuvre classiquement aujourdhui,par pression et/ou par solvant (hexane),les composes phenoliques des grainesne sont pas extraits. Ainsi, les huiles detournesol ou de soja par exemple necontiennent pas dantioxydants autresque les tocopherols. Seule lhuile brutede colza contient de lacide sinapiqueet surtout du vinylsyringol, produit dedecarboxylation de lacide sinapiqueforme sous leffet de la chaleur lors deletape de pressage des graines, mais ilssont ensuite elimines lors des etapesde raffinage. Dans le projet europeenOptimoils (FP6-2005-FOOD 36318,2006-2010) coordonne par lITERG,une nouvelle strategie visant a modifieret optimiser les procedes actuelsdextraction et de raffinage des huilesa ete developpee de facon a preserver aumieux les composes dinteret des grai-nes, cest-a-dire les antioxydants natu-rels (tocopherols, polyphenols, co-enzyme Q10), mais egalement dautres

    composes dinteret nutritionnel (phy-tosterols). Au cours de ce projet, unenouvelle huile de colza ( Optim Rap )a ete produite a lechelle pilote parlITERG et CREOL (Pessac, France), parpression a froid, extrusion, extractiona lhexane et desodorisation (170 8C,2 h). Elle possede une couleur brunemarquee. Ses performances ont etecomparees a celle dune huile dereference ( Rap Ref ) produite parpression, extraction a lhexane et doubleraffinage. Ces deux huiles ont etestockees pendant huit mois, a labri dela lumiere, a temperature ambiante(21 8C)ouau froid (4 8C), sans ouverturedes bouteilles. Lhuile de colza optimisee(figure 6) amontre unemeilleure stabiliteque lhuile de reference si lon senrefere a une production plus faible desproduits doxydation : dienes conju-gues, hydroperoxydes (taux de peroxy-des), aldehydes (indice de p-Anisidine) etcomposes volatils (en particulier 2,4-heptadienal, 1-penten-3-ol, 2-pentenal,propanal, 2-butenal et hexanal) (Ramli,2010) (figure 6).

    Ce resultat sexplique par une teneurplus importante de lhuile de colzaoptimisee a la fois en tocopherols eten composes phenoliques, teneur quiest maintenue intacte sur les six pre-miers mois de stockage (figure 6). Lastabilite de cette nouvelle huile de colzaa egalement ete amelioree par rapport alhuile de reference lorsquil y avaitouverture reguliere de la bouteille,prelevements dhuile et stockage a4 8C. Dans cet exemple, la presencesimultanee de plusieurs familles danti-oxydants (flavonodes, acides phenoli-ques et tocopherols) joue egalement en

    Effet-retard

    temps temps

    Ind

    ice

    do

    xyd

    atio

    n

    Ind

    ice

    do

    xyd

    atio

    n Ralentissement

    Figure 4. Representation schematique de leffet antioxydant (pointilles : cinetique temoin ; traitspleins : cinetique avec antioxydant).

    OCL VOL. 19 N8 2 mars-avril 2012 129

  • faveur deffets de synergie qui peuventse traduire par un mecanisme deregeneration des tocopherols.

    Conclusion

    Conserver les huiles dans de bonnesconditions permet donc de maintenir

    leur qualite nutritionnelle, en garantis-sant une teneur en acides gras insatureset la preservation des vitamines, ainsique leur qualite sensorielle, en retardantlapparition des composes volatils res-ponsables de la note rance et premierssignes perceptibles dune degradationde lhuile. Ainsi, limiter lexposition a lalumiere, a la chaleur ou reduire la

    disponibilite de loxygene en inertantles huiles sous azote saverent etre desmoyens efficaces pour lutter contre leuroxydation. Sy ajoute une protection parles antioxydants dont certains, endoge-nes aux matieres premieres dont sontissues les huiles, seraient source dunestabilisation renforcee sils etaientmieuxvalorises.

    Tableau 2. Composition en tocopherols (mg/kg) des principales huiles vegetales (adapte de Gunstone, 2007).

    Tocopherols Tocotrienols

    a b g d Total a b g d Total Total

    Soja 100 - 590 260 960 - - - - 0 960

    Mas 110 50 600 20 780 - - - - 0 780

    Colza 170 50 600 20 780 - - - - 0 780

    Tournesol 490 - 50 10 550 - - - - 0 550

    Olive 200 10 10 - 220 - - - - 0 220

    Palme 260 - 320 70 650 140 30 290 70 530 1180

    Tyrosol Oleuropine

    Tocophrols Tocotrinols

    R1 R2 R3 Nom

    CH3 CH3 CH3

    CH3 H CH3

    H CH3 CH3

    H H CH3

    OH

    OHOH

    OH

    OH

    HOHO

    O O

    R1 R1

    R3 R3R2 R2

    O

    O

    O

    O

    OO

    OH

    HO

    HO

    HO

    Figure 5. Structures chimiques de quelques composes antioxydants des huiles vegetales.

    130 OCL VOL. 19 N8 2 mars-avril 2012

  • REFERENCESBerset C, Cuvelier ME. Methodes devalua-

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    1

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    5

    7

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    0 50 100 150 200 250 300 0 50 100 150 200 250 300

    0 50 100 150 200 250 300

    0 50 100 150 200 250 300

    0 50 100 150 200 250 300

    Ab

    sorb

    ance

    Sp

    cif

    iqu

    e (2

    33 n

    m)

    Dure de stockage ambiant (jours)

    Teneur en Dines Conjugus

    Rap Ref

    Optim Rap

    6

    8

    10

    12

    14

    16

    18

    20

    Ind

    ice

    de

    p-A

    nis

    idin

    e

    Dure de stockage ambiant (jours)

    Indice de p-Anisidine

    0

    200

    400

    600

    800

    1000

    mg

    To

    cop

    hr

    ols

    /kg

    hu

    ile

    Dure de stockage ambiant (jours)

    Teneur en Tocophrols Totaux(NF ISO 9936)

    0

    5

    10

    15

    20

    25

    30

    35

    40

    mm

    ol

    per

    oxyd

    es/k

    g h

    uil

    e

    Dure de stockage ambiant (jours)

    Taux de Peroxydes

    2

    7

    12

    17

    22

    Air

    e to

    tale

    des

    pic

    s (1

    0e6

    u.a

    .)

    Dure de stockage ambiant (jours)

    Composs Volatils

    0

    100

    200

    300

    400

    500

    600

    0 50 100 150 200 250 300

    mg

    q

    uiv

    Aci

    de

    Caf

    iq

    ue/

    kg

    hu

    ile

    Dure de stockage ambiant (jours)

    Teneur en Composs Phnoliques(HLB-SPExtraction + Folin-Ciocalteu)

    Rap Ref

    Optim Rap

    Rap Ref

    Optim Rap

    Rap Ref

    Optim Rap

    Rap Ref

    Optim Rap

    Rap Ref

    Optim Rap

    Figure 6. Evolution dune huile de colza de reference (Rap ref) et de lhuile de colza optimisee (Optim Rap) produite dans le cadre du projeteuropeen OptimOils, au cours dun stockage a 21 8C a lobscurite.

    OCL VOL. 19 N8 2 mars-avril 2012 131

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