Seance3 Boileau Art Poetique1

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M lle Grilli Séquence 5 : la poésie. Premières

Problématique : Quelle image du travail poétique est-elle donnée par Boileau, théoricien du classicisme ? Support : Nicolas Boileau, Art Poétique, « Chant I », vers 155-198. Numérotez les vers ! IntroductionIntroductionIntroductionIntroduction :::: Contrairement à la majorité des mouvements littéraires, le classicisme naît d’abord de façon théorique, dans l’Art Poétique de Nicolas Boileau, en 1674, [entre autres] inspiré par la redécouverte des réflexions du philosophe grec Aristote. Dans le « Chant I » de ce long poème argumentatif en alexandrins, le poète donne des conseils de travail aux jeunes poètes du XVIIème siècle. Comment le registre didactique permet-il de dégager l'éloge du travail poétique ? Il s’agit alors d’analyser quelle image du travail poétique est donnée par ce didacticien. Les conseils concernent à la fois la rigueur dans la construction de l’œuvre et dans le travail du poète. I. I. I. I. Un poème didactique qui expose lUn poème didactique qui expose lUn poème didactique qui expose lUn poème didactique qui expose la rigueur de construction classiquea rigueur de construction classiquea rigueur de construction classiquea rigueur de construction classique conseillée par Boileauconseillée par Boileauconseillée par Boileauconseillée par Boileau et qu’il et qu’il et qu’il et qu’il applique luiapplique luiapplique luiapplique lui----même:même:même:même: 1) Un poème didactique

• Ton impératif : Boileau s'adresse directement aux écrivains : "en vos écrits" V155, "travaillez" V163

• Poème qui montre le point de vue de Boileau : marques du "je" avec "mon esprit n'admet point" V159, "J'aime mieux" V167

• Maxime "Hâtez-vous lentement" - oxymore que l'on peut retenir comme une leçon • Antithèse entre le beau et le laid, l'obscurité et la clarté, le rapide et le lent, le trouble et le pur • Utilisation de métaphores de la nature (à partir du V167) qui permettent une visualisation de

concepts abstraits (rythme de l'écriture, clarté de la pensée...)

2) la rigueur de construction A. La versification est un des points sur lesquels le poète doit concentrer ses efforts : v. 11 « qui court en rimant », avec effet négatif au vers suivant, mot « rimant » à la rime avec « jugement », qui semble dire que l’œuvre est jugée / rimes. On peut alors observer les rimes de Boileau : alternance rimes féminines, rimes masculines, rimes suffisantes ou riches, pas pauvre. (Attention à la lecture du [e] final). = En rejet du baroque, le classicisme demande de la rigueur ; l’œuvre doit être construite selon un code strict de versification que Boileau revendique et applique à titre d’exemple. B. Le langage doit évidemment être précisément recherché et utilisé : Langue soutenue, sans « barbarisme » ni « solécisme », respect de la langue, « sacrée », à la rime. Voir les mots placés en rime, donc mis en évidence. Mise en pratique des conseils. Insistance avec l’adverbe superlatif « surtout » placés en début de vers. = Le classicisme lutte contre le courant précieux qui utilise nombre de mots savants et alambiqués pour le plaisir, sans forcément respecter la sémantique et la syntaxe. Boileau dénonce le pédantisme et s’efforce d’utiliser des termes précis. C. L’ordre de composition apparaît lui aussi comme essentiel au travail poétique :

Séance 3 : Boileau - Art poétique Le classicisme et l’éloge du travail poétique

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M lle Grilli Séquence 5 : la poésie. Premières Ordre des éléments les uns par rapport aux autres, formation d’un ensemble harmonieux / la disposition en vers mime ce qui est dit : « début, fin // milieu », v.181-182 « du sujet s’écartant » / « trop loin quelque mot éclatant » Boileau montre ici aussi l’exemple en organisant les idées selon une forme harmonieuse qui mime le sens des propos, mais aussi de façon plus générale en respectant un plan d’ensemble, qui énumère les conseils de façon ordonnée, en passant d’un sujet à l’autre avec transition : le respect de la langue, la patience, le recommencement incessant du travail, l’ordre, l’entourage. II. L’exigence de travail classiqueII. L’exigence de travail classiqueII. L’exigence de travail classiqueII. L’exigence de travail classique :::: Question : quelles sont les qualités que doit posséder le poète pour écrire son œuvre ?

= Refus de la démesure (l'hybris) : c'est le cœur même de la pensée théorique de Boileau.

1) La patience est la première vertu du poète : Impératif affirmatif puis négatif, jugement, oxymore « hâtez-vous lentement » : pas de paresse mais de la patiente, travail continu, acharné et long // Fable du Lièvre et de la Tortue, la Fontaine. Boileau lui aussi prend son temps pour écrire son poème. Attention, différent de la « paresse » de Saint Amant ! 2) Il semble qu’il faille alors toujours recommencer : Métaphore filée de l’artisan, v. 171 -172 : « métier, ouvrage, polissez, repolissez » mise en valeur avec le chiasme et la répétition. Fameuse maxime « vingt fois sur le métier… » Construction en chiasme pour montrer la lenteur du travail sans cesse défait, qui avance très lentement. Construction du vers très travaillée : 173-174 en parallèle : comme pour mimer la répétition du travail poétique : travail d’orfèvre en théorie et en pratique. 3) De plus le poète doit se méfier des louanges et rester humble : L’humilité est une des qualités de l’honnête homme du XVIIe siècle // καλοσκαγαθοσ de l’Antiquité (= « beau et bon ») = Il doit savoir critiquer son travail, selon certaines règles, et écouter les critiques, les conseils d’ « amis prompts à vous censurer » = Boileau, par exemple ? Portrait hyperbolique et péjoratif du flatteur, tel qu’il y en avait beaucoup à la Cour de Louis XIV. [Pensez à La Fontaine, encore !!] Présent de vérité générale qui semble énoncer des définitions : v. 44, qui revient à la notion de lenteur associée cette fois à la « vérité » : vérité de la beauté, vérité de l’art… ConclusionConclusionConclusionConclusion ::::

Le XVIIe siècle redécouvre les auteurs et penseurs de l’Antiquité grecque. Nicolas Boileau lit la Poétique d’Aristote et compose son Art poétique pour prodiguer des conseils aux auteurs de son époque, tout en donnant l’exemple : il théorise ainsi le classicisme. Il donne alors une image du poète patient, acharné, recommençant sans cesse son travail à la façon d’un artisan appliqué, comme pour réconcilier l’étymologie commune d’art et artisanat, comme pour rappeler que poésie veut dire « faire » en grec. Le travail poétique apparaît alors comme le travail de l’ordre et de la beauté du langage.

Plus tard, les Romantiques, partisans d'une inspiration divine, puis les Surréalistes, tenant de l'écriture automatique et onirique, dénonceront cette mesure et se tourneront vers l'obscur, l'inconscient et le rêve. Comme Baudelaire, en son temps, avec ses deux célèbres vers : "Là tout n'est qu'ordre et beauté / Luxe, calme et volupté", Boileau énonce avec des vers si frappants qu’il nous en reste des maximes, les principes de l'art de son époque.