Rue89 Le Mensuel : extrait du numéro 10
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le mensuel # 10 mai 2011 i Rue89.com
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TÉmoignage Dans la tête d’un gynéco (mâle)
enquÊTe Tout ce que votre portable sait sur vous
Quand le jeunes’éveillera…
2012
Pourquoi il obsède les candidats
Peut-il être séduit par le Fn ?
Doit-il voter dès 16 ans ?
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38 I mai 2011 I # 10 I
LA POLITIQUE I 2012
8 avril. L’idée folle de me présenter aux primaires est devenue une réalité. Je vais la vivre au quotidien pendant cent quatre-vingt-huit jours (si, si, je les ai comptés). Reste à démontrer que « Yes I can » !Je suis seule, ou presque. Ni mes pré-sidents ni mes collègues n’ont fait, en huit jours, la moindre allusion à ma candidature. J’ai le curieux senti-ment d’être atteinte d’une pathologie honteuse, contractée à l’issue d’un parcours atypique. Je n’ai jamais été assistante parlementaire ou collaboratrice de cabinet. Membre d’aucun réseau, d’aucune chapelle, je n’appartiens pas à cette pépinière d’élus socialistes qu’est la fonction publique. Phénomène aggravant, je suis une femme ! Toutes ces tares cumulées ont fait de moi une élue dite « incontrôlable ». […]Je vais axer ma campagne sur cet objectif : parler à tous ceux qui risquent d’être piégés par la vague « bleu Marine ». Sans prendre des pincettes et sans langue de bois.
22 avril. Un éléphant ça tacle énormément. Laurent Fabius a confié aux étudiants de Sciences Po Bordeaux toute l’estime qu’il nourrit à l’égard de son petit camarade François : « Franchement,
Une souris chez les éléphants
tribune. anne mansouret, candidate « incontrôlable » aux primaires socialistes, tient le journal de sa drôle de campagne sur Rue89.
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vous imaginez Hollande président de
la République ? On rêve ! » Moi qui croyais que ces grands animaux poli-tiques se respectaient entre congé-nères… Congénères ? Faudrait pas tout confondre, petite souris : il y a éléphant et éléphant. Comme tu fais partie de la gent trotte-menu, tu ne peux pas comprendre !Ce que je comprends, c’est que le mépris et l’arrogance n’ont jamais rendu les relations humaines sereines et constructives. Ce que je sais aussi, c’est que les Français ont plus de sympathie pour les outsiders que pour les favoris. Qu’un jour ou l’autre… la roue tourne.Ce que je redoute enfin, c’est que le film annoncé par Martine Aubry le 28 août 2009 et choisi par les mili-tants en octobre de la même année soit déprogrammé et remplacé par une superproduction mise en scène par Solferino & Co.On connaît ces grands-messes de ratification, plus ou moins habile-ment présentées comme des plé-biscites. Vous avez aimé le pitch des primaires, frémi au teasing des petites phrases sibyllines ? Alors vous allez adorer la version péplum, avec, dans le rôle de Ben-Hur, notre star mondiale, arrivant dans l’arène à bord d’un char de combat tiré par un troupeau d’éléphants !
Notez que je n’ai rien contre un scé-nario de ce genre, sauf qu’il fallait le prévoir. Eviter de perdre du temps à tourner des bouts d’essai pour un bon film français de série B. Si tout ce cinéma débouche sur une can-didature unique le 9 octobre, parce que les sondages ont décrété que le ou la meilleur(e) pour donner la réplique à Sarkozy c’est évidemment celui ou celle qu’auront choisi les médias, alors on va droit dans le mur, avec un éparpillement garanti des voix de gauche au premier tour – et un 22 avril 2012 aussi cauchemar-desque que le 21 avril 2002.Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? C’est la question que l’on se pose devant le déroulé prévu pour les opérations de vote. Imagi-nez la logistique surdimensionnée qu’il faudra mettre en place, ne fût-ce que pour recevoir un dimanche des centaines de milliers de gens, les enregistrer et collecter leurs sous ! Et tout ça sans structures administra-tives ni agents municipaux.A l’initiative du secrétaire fédéral en charge de la vie des sections, nous nous sommes réunis mercredi soir. C’était juste une « réunion départe-
mentale préparatoire » en vue de la « présentation des primaires par un
camarade du national ».
Je suis convaincue par ailleurs que
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le mode de scrutin retenu pose pro-
blème dans nos petites villes et nos
communes rurales. Afficher des
convictions politiques n’est pas dans
la culture de nos compatriotes de la
« France profonde ».
De facto, le candidat sera exclu-
sivement investi par les grandes
agglomérations. Sans parler du
vote des étrangers et des mineurs,
moi qui croyais que ces grands animaux politiques se respectaient entre congénères… Faudrait pas tout confondre, petite souris.
unique, que l’électeur
irait retirer dans
le mois précédent le
scrutin au siège de la
fédération locale du PS, moyennant
vérification de sa carte électorale
et règlement de sa participation
financière.
On aurait pu mettre en rapport les
personnes ne disposant pas du maté-
riel informatique nécessaire avec
des internautes plus expérimentés,
ce qui aurait tissé des liens et posé
les bases de réseaux locaux efficaces
pour les campagnes à venir.
Pas assez complexe ? Logique,
voyons… ce ne sont que des
réflexions de souris !
qui faussera également le résultat
final. Pourquoi organiser un vote
dans des conditions qui se veulent
conformes à un authentique scrutin
national si on ne respecte pas les
mêmes règles de base ?
Il est vrai qu’il y a un paradoxe entre
l’observation d’un code électoral très
strict, garantissant une totale discré-
tion – vous obligeant par exemple
à prendre plusieurs bulletins et à
passer dans l’isoloir sans manifester
vos intentions –, et la demande qui
vous sera faite d’une déclaration sur
l’honneur attestant votre adhésion
à des valeurs de gauche ! J’aurais
souhaité un mode opératoire beau-
coup plus souple. Par exemple, voter
de chez soi à l’aide d’un code identi-
fiant totalement inviolable à usage
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l’ÉvÉnement
On a parlé politique avec des jeunes footballeurs de Troyes Par Hugo Domenach I Photos audrey Cerdan I Rue89
Plus apolitique qu’un jeune joueur de foot, a priori, ça n’existe pas. Vérification auprès d’une demi-douzaine de jeunes recrues de l’Estac, l’Espérance sportive de Troyes-Aube-Champagne. Si la discussion commence souvent par un : « Je ne vote pas, ça me fait chier »… la politique ne les laisse pas indifférents. Rencontres.
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I # 10 I maI 2011 I 27
Abdou sissoko soigne son apparence : col blanc impeccable, un diamant dans chaque oreille, visage rasé de près… Ses frères, Ibrahima et Momo Sissoko, jouent respectivement à la Juventus et à Valence et subviennent aux besoins de la famille. Abdou, 21 ans, n’a jamais manqué d’argent, il a arrêté les études à 18 ans et il est devenu professionnel – mais « je suis toujours le même avec mes potes ». Né à Troyes, le jeune milieu de terrain s’est rendu à 13 ans au Mali (« mon pays ») et veut y
retourner pour voir « comment ça a évolué ». Il dit que cette expérience lui a permis de relativiser :
En France, on se plaint pour des vieux trucs, alors qu’il y a des gens qui souffrent vraiment ailleurs.
Abdou ne s’intéresse pas à la politique : « Je ne vote pas, j’ai pas envie, ça me fait chier. » Pourtant, il admire Barack
Obama, « pas parce qu’il est noir,
mais parce qu’il a l’air sincère. Pas
comme Sarko ». Abdou trouve
qu’il y a « un manque de respect
pour ceux qui veulent pratiquer
leur religion en France ». Musulman,
il juge absurde la loi anti-burqa :
« Personne ne peut m’interdire de
pratiquer ma religion. » Pour lui,
la priorité en France est d’« aider
les familles en difficulté ». Il considère
aussi que « la police est trop sévère
avec les jeunes ».
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28 I maI 2011 I # 10 I
l’ÉvÉnement
maxime mannoni est né à Arles ; il s’est habitué à vivre loin de son père, maraîcher, et de sa mère, comptable. Outre le football, il aime la mode et les nouvelles technologies, « comme l’iPhone ». Derrière son apparence de jeune homme tranquille (bandeau noir et chaîne en argent sous le col ouvert, quand même), le gardien de but est complètement débordé. Au centre de formation de l’Estac depuis trois ans, il va bientôt disputer la demi-finale de la Coupe Gambardella (une coupe de France pour les moins de 19 ans). Entre deux entraînements, il prépare un baccalauréat STG en gestion marketing. Il considère être en bonne voie pour devenir joueur
professionnel, même s’il accorde autant d’importance à ses études : « Avoir le bac, c’est le minimum. » Comme beaucoup de jeunes joueurs, il rêve de porter la marinière : « Représenter mon pays serait la consécration ultime. »Maxime annonce ne pas suivre l’actualité et ne pas être branché par la politique, car, il en est persuadé :
La politique ne peut rien changer à mon quotidien. Pourtant, il admet que « les gens élisent quelqu’un qui pourrait leur faciliter la vie ». Plus par devoir que par conviction, il ira « peut-être voter en 2012 ». Il est prêt à redonner une
chance à Nicolas Sarkozy : « C’est un homme droit. Il n’a pas eu assez de temps pour réaliser ses réformes. La France a besoin de stabilité. » A l’étranger, il apprécie Angela Merkel : « Elle valorise l’image des femmes en politique, un milieu dominé par les hommes. » Encore en formation, Maxime n’est pas salarié du club. Mais il n’a pas peur de payer des impôts : « Ça me dérangerait pas de donner la moitié de ce que je gagne si l’argent est bien utilisé. » Pour lui, « l’État devrait encore plus investir dans le sport, même si de ce côté, c’est déjà pas mal. Quand on est bien dans son corps, on est bien dans la vie ».
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FAbrice nsAkAlA, 20 ans, est originaire de Bondy, en Seine-Saint-Denis. Il a cessé les études à 18 ans lorsqu’il a intégré l’effectif professionnel de l’Estac : « A l’école, je n’étais pas une lumière. Ma réussite est une surprise pour mes parents. » Le latéral gauche remplaçant n’a pas peur de dévoiler son salaire : près de 6 000 euros par mois. Sa mère est employée dans un hôtel, son père, agent de sécurité. Fabrice aime faire la fête « sans en abuser » et « acheter des sapes dans les magasins ». Il dit avoir eu du mal à quitter sa cité, où il avait « tous [ses] repères ». L’année prochaine, il a prévu d’aller au Congo pour rendre visite à ses grands-parents. La politique ? « Je ne vote pas, je ne me sens pas concerné, ça ne me dit rien.
Si marine Le Pen est au pouvoir, je m’en fous, puisque j’ai prévu de partir à l’étranger. Par contre, ma mère me poussera peut-être à voter si elle est au second tour. » Chrétien non pratiquant, il sait pour qui il ne pourrait pas voter : « Le gouvernement abuse avec la laïcité. On dirait qu’ils n’ont aucun autre sujet à traiter. Ils parlent de liberté d’expression et ils interdisent de s’exprimer. » Selon lui, il est « impossible de faire confiance à Sarko, qui a l’air d’un comédien avec sa façon de parler ». Pour Fabrice, baisser les impôts doit être une priorité en France : « On donne plus qu’on gagne, après on s’étonne que les gens partent à l’étranger. »
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l’ÉvÉnement
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medhi hociAnAt considère son père, vendeur dans une boutique de matériaux de construction, et sa mère, au chômage, comme ses « héros » car il l’ont toujours soutenu dans ses projets. Né à la Défense, le défenseur de 19 ans a intégré la réserve de l’Estac il y a trois ans. Il gagne environ 80 % du Smic. Il a dû « bosser dur » pour intégrer Sport-études à Colombes. Un bac STG en poche, il prépare un BPJEPS, un diplôme d’éducation et de loisirs dans le milieu du sport : « Si je ne deviens pas pro, je veux rester dans le sport et m’occuper des enfants pour transmettre ce qu’on m’a appris. » Medhi vient de recevoir sa carte électorale et compte bien s’en servir : « Je ne connais pas tous les candidats, mais je vais savoir qui va se présenter avec les affiches. Je ferai mon choix à ce moment-là. » Pour l’instant,
mAtthieu sAunier, 21 ans, entame sa deuxième année dans le monde du football professionnel. Originaire de Hyères, formé aux Girondins de Bordeaux, il a été prêté à l’Estac pour la saison. Sa mère travaille dans un collège, et son père est employé de mairie. L’école lui a laissé de mauvais souvenirs : « Pour moi, c’était plus une obligation qu’une véritable envie », mais il est titulaire d’un bac pro en commerce. Comme ses coéquipiers, Matthieu ne s’intéresse pas plus que ça à la politique. Mais il explique vouloir voter à la présidentielle :
il n’a pas de préférence, mais il se sent plus de gauche, car il « n’aime pas l’image de la droite ».
avec ses propos sur le Kärcher, Sarkozy a fait une différence entre les gens. Ce n’est pas digne d’un président.
Pour les mêmes raisons, Medhi se méfie du « discours arrogant » du Front national : « Marine Le Pen veut changer la France dans un mauvais sens. Il faut une politique qui s’occupe de tout le monde. » Pour Medhi, l’égalité sociale doit être la priorité des hommes politiques : « Il faut donner sa chance à tout le monde aux niveaux scolaire et professionnel. Pourquoi les Blacks et les Arabes foutent la merde ? Ils n’ont pas d’occupation. Il
faut venir les chercher dans les quartiers
pour les aider. » Selon lui, il faut aider
les personnes défavorisées avec la
formation, les maisons de quartier,
les aides aux devoirs – « tout ce que
j’ai connu ». Les jeunes générations
« vont construire notre société et
apporter des idées nouvelles. Si on les
lâche dès le plus jeune âge, on perd
beaucoup ». Medhi s’intéresse à la
politique parce qu’il trouve que c’est
important de savoir qui va diriger son
pays : « C’est un peu comme un coach. »
Il en parle de temps en temps avec ses
parents, « surtout quand il y a quelque
chose de choquant, comme Sarkozy et
le Kärcher ». Il considère que l’intérêt
porté au sujet est dicté par la télévision :
« Je ne me souviens pas avoir déjà eu
un bouquin de politique dans les mains.
C’est TF1 qui fait la politique. »
Voter, c’est un devoir, on me l’a toujours dit. Il se déclare spontanément de droite, sans pouvoir expliquer pourquoi. Pour l’instant, aucun homme politique n’emporte ses faveurs, mais il sait pour qui il ne votera pas : « J’ai regardé des débats avec Sarkozy. Je ne l’aime pas, il a toujours réponse à tout. Je n’irai pas voter non plus pour Marine Le Pen, je n’aime pas le FN. » Sa réforme prioritaire ? « Je trouve qu’il y a trop d’impôts, même si je sais qu’il en faut. On rend trop d’argent. J’ai l’impression de bosser pour l’Etat. »
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56 I mai 2011 I # 10 I
L’art peut être dangereux », écrit dans le New
York Times Salman Rushdie, qui en a fait l’expérience. L’auteur, d’origine indienne, des Versets sataniques parle de l’artiste chinois Ai Weiwei, arrêté à Pékin le 3 avril et qui n’a
pas été revu depuis. En Chine, l’art peut être dangereux lorsque les artistes ne respectent plus une règle du jeu tacite qui leur permet l’ironie et l’insolence dans leur travail, mais interdit la contestation sociale ou politique.Pendant longtemps, Ai Weiwei a ainsi été un artiste marginal, forte personnalité, imposant physiquement et intellectuellement, mais pas trop dérangeant, juste ce qu’il faut. Le doigt d’honneur a été son symbole, qu’il a promené, et photographié, de la place Tiananmen, cœur de la vie politique à Pékin, à la Maison-Blanche, à Washington, en signe de défi symbolique, mais unique-ment symbolique, à tous les centres de pouvoir.Ses détracteurs lui ont même reproché d’avoir travaillé, au milieu des années 2000, avec l’équipe des architectes Herzog et de Meuron, qui a conçu le « nid d’oiseau », le stade olympique de Pékin, édifié pour les JO de 2008, l’apothéose du régime communiste.Fils d’un grand poète persécuté de l’ère maoïste, Ai Weiwei a participé à la naissance et à l’essor de l’art contemporain chinois, d’abord avec le groupe Xing (Etoile), peu de temps après la mort de Mao, puis à son retour d’un long séjour aux Etats-Unis, en créant un centre d’art avant-gardiste dans les années 1990 et, au début des années 2000, en multipliant perfor-mances, créations, organisation d’événements comme le « off » de la Biennale de Shanghai en 2000, joliment baptisé « Fuck off ».
Le tournant dans la vie d’Ai Weiwei, c’est le séisme du Sichuan, en mai 2008, au cours duquel des milliers d’enfants trouvent la mort sous les décombres de leurs écoles efffondrées : elles avaient été mal construites à cause de la corruption de l’administration. Ai Weiwei prend fait et cause pour les familles de ces enfants, dont la quête de justice se heurte à la raison d’Etat, ou plutôt à celle du PC chinois. Sur son blog, il publie la liste des disparus, et tente de témoigner en faveur des familles endeuillées dans de vaines procédures judiciaires. L’artiste remuant est devenu dissident.
Ai Weiwei, le plus célèbre des créateurs chinois, a disparu.
L’Art ArrÊtÉPar Pierre Haski i Rue89
le monde I effet jAsmin
Ai Weiwei en 2009, dans
l’une des nombreuses mises
en scène du mot qui était devenu
son slogan, et qui visait sans
ambiguïté le pouvoir chinois.
l’artiste a été arrêté le 3 avril à
l’aéroport de Pékin.
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Est-ce la reconnaissance internationale croissante de
son travail qui lui donne une confiance excessive dans
son impunité relative ? Ai Weiwei participe à la Docu-
menta de Cassel, un événement artistique majeur en
Allemagne, où il « importe » 1 001 Chinois pour une
performance géante ; à la Tate Modern de Londres, il
expose plus de 100 millions de graines de tournesol en
porcelaine, faites à la main. Il fera l’objet d’une rétros-
pective en 2012 au Jeu de paume, à Paris.
Mais la peur de la contagion du « jasmin » a fait dis-
paraître cette impunité, avec le soutien d’Ai Weiwei
à la Charte 08 – qui a conduit en prison le prix Nobel
de la paix 2010, Liu Xiaobo. A un an d’un changement
d’équipe majeur à la tête du PC chinois, Pékin a voulu
faire un exemple du plus remuant des artistes.
Et si le reste du monde, en particulier les grands
musées et le monde de l’art, s’émeut de cette
arrestation d’un artiste, la réponse est venue du
quotidien nationaliste Global Times : « La loi ne pliera
pas pour un électron libre. » La nouvelle grande puis-
sance mondiale qu’est devenue la Chine aurait donc
peur d’un « électron libre » ?
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cannes, modes d’emploi
11-22 mai : tout le monde verra le festival côté glamour. Mais comment vit le pauvre festivalier ? Pas si mal. Enquête, pile et face.
Par Olivier de Bruyn I Journaliste
la culture I festival
104 I MaI 2011 I # 10 I
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Y alleR
Riche. La voie royale vers la Croisette est celle des airs. La preuve : le ciel cannois, pendant le festival, est aussi encombré que les marches du « Palais » un soir de cérémonie d’ouverture. Ciel cannois ? Façon de par-ler… L’aéroport accueillant les grandes transhumances est en effet sis à Nice, à 35 kilomètres de Cannes. Pour un vol Paris-Nice aller-retour acheté le jour même (beaucoup plus chic), comptez 500 euros ; pour un taxi Nice-Cannes, environ 80 euros le trajet (« Mais c’est
le compteur qui fixe le prix », indique-t-on du côté des compagnies de taxi locales). Soit 160 euros minimum l’aller-retour, car il vous faudra bien rentrer à Paris ou ailleurs une fois la grande fête achevée. Addition : 660 euros.
Pas riche. Etre désargenté n’interdit pas d’être pré-voyant (c’est gratuit). En réservant vos billets de train deux mois avant le début des hostilités, vous payez votre billet SNCF Paris-Cannes 81 euros aller-retour. Cinq heures après votre départ de la brumeuse capitale, vous débarquez en plein centre-ville inondé de soleil (ou sous des trombes d’eau), à cinq minutes montre en main de la Croisette et du Palais. Echappant aux contrôles aériens, à l’attente des bagages (monstrueuse en cette saison), au trajet onéreux en taxi, vous n’avez finalement pas mis plus de temps à rejoindre la terre promise que vos camarades fortunés qui se sont envoyés en l’air.Addition : 81 euros.
Solutions alternatives.
Le stop : aléatoire. Le covoitu-rage : tentant, mais, sachez-le, se garer à Cannes pendant le festival donne une idée assez précise de ce à quoi peut ressembler l’en-fer. Si vous covoiturez, soyez donc mesquin et n’utilisez pas votre propre véhicule.
se loGeR
Riche. Vous voulez vous « lâcher » ? S’abandonner à la dépense exponentielle est votre tentation secrète ? Vous êtes en notes de frais et vous foutez du montant de la douloureuse ? Bingo ! Même si vous évitez les palaces (Carlton, Majestic…), de toute façon squattés par les stars du petit et du grand écran, il va vous en coûter si vous désirez à tout prix (c’est le cas de le dire) demeu-rer dans le périmètre centre-ville - Croisette, là où il fait bon voir et être vu. Oubliez les prix à la nuitée. Soit vous acceptez le « forfait festival », soit vous restez chez vous. Pour un deux ou trois-étoiles au cœur de l’agita-tion, comptez entre 2 000 et 3 000 euros les onze nuits. A ce prix, vous pouvez viser la connexion wi-fi gratuite dans votre chambre et la vue sur le jardin fleuri.Addition : de 2 000 à 3 000 euros.
Pas riche. Une alternative. Soit vous aimez la promis-cuité et vous louez avec quelques amis un petit appar-tement bien situé – 2 000 euros divisés par 4, calculez votre part. Soit vous ne l’aimez pas et, dans ce cas, vous préférez l’éloignement. Vous choisissez alors d’émi-grer vers la Bocca, quartier excentré à 5 kilomètres à l’ouest du Palais, et trouvez refuge dans des résidences hôtelières très aimables autour de 900 euros pour tout le festival.Addition : de 500 à 900 euros.
Solutions alternatives. Le camping (12 euros la nuit pour une tente, sans emplacement véhicule) : pas très glamour. La plage : pas de tout repos, humide, arpentée aux heures pâles de la nuit par les fêtards saouls.
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fRimeR
Riche. Parader sur la Croisette en limousine ne vous
tente pas ? Aucun problème, vous pouvez vous amuser
autrement – en allant passer la soirée à Nice en héli-
coptère (114 euros l’aller simple) ou bien une journée
sur un yacht de 11 mètres avec skipper (1 800 euros de
location pour la journée).
Pas riche.
Arborez votre plus
beau sourire et acti-
vez votre réseau pour
arracher une « invit’ »
pour les fêtes. Prenez les
navettes gratuites prévues en
général par les organisateurs. Ne ratez pas la dernière,
vous risquez de vous retrouver à 6 heures du matin à
30 bornes du Palais.
Solution alternative. Allez vous baigner entre deux
pseudo-starlettes sur la plage devant le Palais, vous
serez forcément pris en photo.
manGeR
Riche. C’est comme partout, et encore un peu plus que
partout : si vous voulez payer cher, vous y arriverez. Pri-
vilégiez les restaurants des palaces et grands hôtels, et
vous n’aurez pas de mal à dépasser les 100 euros le repas
à la carte (champagne en sus). Pour les soirs de petite
faim, privilégiez toujours les établissements proches de
la Croisette, plus onéreux que ceux situés près de la gare
ou, sacrilège, de l’autre côté de la voie rapide, soit quasi
en banlieue. Pas raccord, donc, avec la « magie Cannes ».
Addition : 2 000 euros.
Pas riche. Pas d’inquiétude, il suffit de chercher
un peu : côté gare, au-delà de la voie rapide ou
au Suquet (le vieux quartier), on peut se nourrir
pour 12 euros (bière en sus). Tout près du Palais
ou rue d’Antibes, des fast-foods d’une enseigne
bien connue proposent encore moins cher.
Addition : 260 euros.
Solution alternative. Les résidences hôtelières
précitées (voir « Se loger ») comprennent une kit-
chenette pour faire votre popote si le cœur et l’esto-
mac vous en disent. Et rien ne vous interdit de vous
taper un « mousseux-œufs de lump » en pensant à
ceux qui carburent au « champ’-caviar ».
la culture I festival
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boUGER
Riche. A priori, si vous avez élu domicile dans le centre ou sur la Croisette, vous évoluez à pied. Mais pourquoi s’interdire le plaisir de circuler en limousine le soir venu ? Pas de problème, ça se loue, à la journée ou/et à la soirée. Comptez 100 euros de l’heure. Soit 600 euros la soirée si vous allez à une fête sur les hauteurs.Addition : 3 600 euros (pour 6 locations de six heures).
Pas riche. Si vous squattez à la Bocca, une solution pour être libre de vos mouvements : le scooter. Evi-demment, ça se paye (350 euros, les onze jours), mais la liberté à un prix. Si vous êtes plus économe, ou plus
froussard, ou moins pressé, déplacez-vous en bus – 1 euro pour vingt-cinq minutes de trajet entre Cannes et la Bocca. Problème : après
22 heures, il n’y en a plus.Addition : de 22 euros (22 trajets en bus) à
400 euros (scooter + essence).
Solution alternative. Le vélo (120 euros de location pour les
onze jours). Problème : pas pratique pour gagner les hauteurs, fatigant, oblige à une sobriété exemplaire.
S’HAbILLER
Riche. Vous montez les marches tous les soirs en compagnie de stars et des notables locaux sous les caméras de Canal + : louez sur place robes de soirée et smoking. Pour ce dernier, comptez 60 euros la soirée (nœud pap’ inclus) + 10 euros la chemise as-
sortie. Encore plus bling-bling : ache-tez dans les boutiques de marque de la rue d’Antibes. Avec un peu de chance,
vous croiserez des égéries venues van-ter les produits desdites marques.
Addition : de 660 euros à beaucoup plus.
Pas riche. Pas de souci, le débraillé se porte très bien à Cannes. Aucune dé-
pense en vue. N’oubliez pas la petite laine et le parapluie pour les iné-
vitables coups de froid et d’eau. Addition : 0 euro.
Solution alternative. Se faire engager dans
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la police municipale de Cannes (très active durant fes-tival). Costume fourni jour et nuit.
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