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Le stress, l’épuisement professionnel, le locus de contrôle et les mécanismes d’adaptation chez
les professeurs universitaires francophones
Résumé
Cette étude examine le stress chez les professeurs universitaires francophones dans le but de
développer des stratégies pour prévenir l’épuisement professionnel et pour améliorer la qualité de
leur vie. Elle consiste en la vérification des qualités psychométriques d’un questionnaire en
français portant sur le stress (Fimian, 1984), sur l’épuisement professionnel (Maslach, Jackson et
Leiter, 1996), sur les mécanismes d’adaptation au stress (Carver, 1997) et sur le locus de contrôle
(Spector, 1988). Le questionnaire comprend quatre tests validés en anglais que nous avons
traduits et validés en français : le « Teacher Stress Inventory », le « Maslach Burnout Inventory »,
le « Brief COPE » et le « Work Locus of Control Scale ». Les 143 professeurs universitaires
francophones canadiens ne semblent pas stressés ou épuisés outre mesure. Notre modèle
d’équation structurale explique l’interaction entre les quatre variables en question et l’importance
des émotions face au stress.
1. Cameron MONTGOMERY Professeur Faculté d’éducation Université d’Ottawa 145 rue Jean-Jacques-Lussier, pièce 135 Ottawa, Ontario, Canada K1N 6N5 Téléphone: (613) 562-5804 Télécopieur : (613) 562-5963 2. Isabelle MATTE Étudiante à la maîtrise en éducation Faculté d’éducation Université d’Ottawa 145 rue Jean-Jacques-Lussier, pièce 135 Ottawa, Ontario, Canada K1N 6N5 [email protected] 3. Serge DEMERS Directeur et professeur École des sciences de l’éducation Université Laurentienne Pavillon Alphonse Raymond 935 chemin du Lac Ramsey Sudbury, Ontario, Canada P3E 2C6 Téléphone : (705) 675-1151 ou 1-800-461-4030 Télécopieur : (705) 675-4816
Introduction
L’enseignement universitaire, une profession autrefois perçue comme faible en stress, a changé
au cours des 20 dernières années. L’épuisement professionnel est un résultat d’un stress constant
et il prend des proportions inquiétantes chez les professeurs universitaires (Czernis, 2005). En
fait, les professeurs universitaires sont désormais les professionnels qui démontrent les plus hauts
niveaux de stress parmi les professions à caractère social (Kimian, 2001; Leung, Siu et Spector,
2000; Taris, Schreur, Van Iersel-Van Silfhout, 2001; Winefield et Jarrett, 2001). Ce phénomène
d’intérêt international n’a pourtant pas encore fait l’objet d’étude approfondie au Canada. La
présente recherche est inspirée du travail de Chan (1998) sur le rôle des mécanismes d’adaptation
comme modérateur entre le stress et la détresse psychologique. Chan (1998) démontre que des
méthodes actives d’adaptation au stress (active coping) permettent de réduire la détresse
psychologique ressentie chez les professeurs. L’objectif de cette recherche consiste à examiner le
stress chez les professeurs universitaires francophones et sa relation avec l’épuisement
professionnel, les mécanismes d’adaptation au stress et le locus de contrôle. Nous examinerons
chacun de ces quatre concepts dans la problématique et nous mettrons en évidence un modèle
théorique incluant ceux-ci par après.
Problématique
Le stress au travail est un phénomène que tous les individus vivent à différents niveaux et
moments de leur vie. Il existe des différences individuelles au niveau des réactions et du
processus d’adaptation au stress. Les mécanismes d’adaptation au stress (coping) et les traits de
personnalité individuels (p.ex. le locus de contrôle) déterminent le potentiel d’épuisement
professionnel des professeurs en agissant comme modérateurs dans la relation entre le stress et
l’épuisement. Mais avant d’examiner cette interaction chez les professeurs universitaires nous
définirons les quatre concepts privilégiés dans notre étude.
Le stress
Le stress est un concept complexe et dynamique, en constant changement, qui résulte d’un
système de variables multiples et de l’interaction entre la personne et son environnement. C’est
la tension résultant de l’interaction entre la personne et son milieu lorsque les exigences de
l’environnement sont perçues par la personne comme excédant ses capacités individuelles
(Lazarus et Folkman, 1984). Les principaux facteurs de stress reconnus dans la littérature
scientifique récente chez les professeurs universitaires sont les suivants : friction et compétition
entre collègues, conditions de travail difficiles (contraintes de temps, surcharge de travail,
lourdeur administrative, horaire irrégulier), attentes personnelles élevées, pressions liées aux
subventions de recherche ainsi qu’aux publications, pressions pour demeurer à la fine pointe des
connaissances (expertise), dualité ou conflit des rôles (recherche, direction, enseignement),
manque de ressources techniques et humaines, participation imposée à divers comités,
prolongement du travail à la maison et salaire inadéquat (Gillespie, Walsh, Winefield, Dua et
Stough, 2001; Gmelch, Lovrich et Wilke, 1984; Kinman, 2001; Taris et al, 2001).
Le locus de contrôle
Le locus de contrôle se réfère à un trait de personnalité et au sentiment personnel sur les forces
qui contrôlent les événements de la vie. Le locus de contrôle interne est la perception de
l’individu qu’il exerce une influence sur le monde qui l’entoure, que les événements de la vie
sont le résultat de ses propres actions et de son comportement. Le locus de contrôle externe est la
perception de l’individu que des variables externes à la personne déterminent les aspects
significatifs de sa vie, que les événements de la vie sont le fruit de la chance, du hasard ou du
pouvoir exercé par les autres personnes (Rotter, 1966).
Diverses études ont démontré que les traits de personnalité influencent le type et
l’intensité de la réponse au stress (Rice, 1992; Spector et O’Connell, 1994). Le niveau de
contrôle est une variable très importante à considérer lorsque l’on parle de la satisfaction au
travail et du stress occupationnel. Plus la personne perçoit qu’elle a de l’influence sur les sphères
de son travail (interne), plus elle sera satisfaite de son emploi et moins elle ressentira du stress au
travail (Savery et Luks, 2001; Spector, 1988). Les professeurs universitaires ayant un locus de
contrôle externe sont plus susceptibles d’avoir une pauvre satisfaction au travail et davantage de
détresse psychologique (Leung, Siu et Spector, 2000).
Les mécanismes d’adaptation au stress
L’adaptation est la réponse d’un individu face à une situation stressante. Les mécanismes
d’adaptation sont les moyens que l’individu utilise pour gérer une ou plusieurs situations
stressantes. Il existe une grande diversité de mécanismes d’adaptation au stress classés
différemment selon les auteurs. Nous avons retenu la classification des mécanismes d’adaptation
en 14 types de réponse selon Carver, Scheier et Weintraub (1989) allant de réponses
fonctionnelles à dysfonctionnelles (Carver, 1997; Carver et Scheier, 1999; Muller et Spitz, 2003).
Une réponse fonctionnelle permet à l’individu de s’adapter à une situation et de préserver une
certaine qualité de vie. Les réponses généralement fonctionnelles comprennent le coping actif, la
planification, la réinterprétation positive et l’acceptation.
Les réponses dysfonctionnelles comprennent le déni, l’utilisation de substances (ex:
alcool, drogues), le désengagement et le blâme. D’autres réponses ne peuvent être clairement
rangées dans l’une ou l’autre des extrémités. On pourrait dire que ces réponses ont une
« fonction variable » parce qu’elles dépendent des circonstances ainsi que de l’utilisation
particulière que chacun en fait : la distraction, l’humour, le soutien émotionnel, le soutien
instrumental, l’expression des émotions et la religion. Ces dernières peuvent servir de tremplin
vers l’acceptation d’une situation, vers la résolution active d’un problème ou de méthode
d’évitement. Ces mécanismes d’adaptation pourraient aussi être divisés entre des méthodes
actives et des méthodes passives d’adaptation au stress (Chan, 1998).
L’épuisement professionnel
L’épuisement professionnel est une réponse à la fatigue émotionnelle chronique et affecte plus
particulièrement les personnes qui sont en situation de relation d’aide. Les professions
interpersonnelles ou à caractère social, donc qui requièrent des interactions avec d’autres
personnes, sont très exigeantes au niveau émotif (Freudenberger, 1974; Jackson, Schwab et
Schuler, 1986). L’épuisement professionnel se manifeste de trois façons : l’épuisement
émotionnel, la dépersonnalisation et la perte du sentiment d’accomplissement personnel (Maslach
et Jackson, 1984). L’épuisement émotionnel se réfère à la fatigue extrême et au sentiment de ne
plus être capable de donner de soi-même comme auparavant. La dépersonnalisation se réfère au
cynisme ou à l’attitude négative envers son travail, ses étudiants et la vie en général. Le faible
sentiment d’accomplissement personnel est caractérisé par une incapacité de reconnaître la valeur
de ses accomplissements, le sentiment de ne plus contribuer ainsi que l’impression que ses
actions ne produisent aucun résultat positif (Jackson et al., 1986; Maslach et Jackson, 1984).
Selon Gmelch, Lovrich et Wilke (1984), les professeurs devraient être conscients de leur situation
stressante et des facteurs qui les influencent négativement de façon à développer des mécanismes
d’adaptation appropriés. Une prise de conscience par l’individu de sa condition d’épuisement est
absolument nécessaire pour identifier ses facteurs de stress et ses mécanismes d’adaptation pour
ensuite déterminer le plan d’action qui lui conviendra.
Modèle théorique
Le modèle transactionnel de l’évaluation cognitive du stress de Lazarus et Folkman (1984)
constitue une référence pour l’exploration des mécanismes qui entrent en jeu lorsqu’un individu
perçoit un ou plusieurs facteur(s) de stress. Lazarus et Folkman (1984) proposent que
l’évaluation du stress passe à travers trois phases : l’évaluation primaire, l’évaluation secondaire
et les mécanismes d’adaptation (voir figure 2 en annexe A). L’évaluation primaire est le
processus par lequel l’individu perçoit un événement stressant et les conséquences négatives que
celui-ci peut engendrer. L’évaluation secondaire est l’évaluation des réponses possibles et de
l’efficacité attendue de ces réponses. Il s’agit donc du processus d’élaboration d’un plan d’action
suite à l’évaluation de ses ressources personnelles et environnementales. L’adaptation est la
mise en œuvre d’efforts cognitifs ou comportementaux visant la résolution de la situation
stressante. Ce modèle transactionnel n’est pas linéaire mais plutôt un processus dynamique où
l’on peut revenir à une phase antérieure pour réévaluer la situation avec une nouvelle perspective.
Figure 1 Le modèle de l'évaluation cognitive du stress
(Lazarus et Folkman, 1984)
Événements de vie ou stresseurs
Zone d’impact personnelle ou interpersonnelle
Phase 1 : Évaluation primaire du stress
(la personne évalue l'événement)
Préoccupations : - blessant ou entraînant une perte - menaçant de blesser ou d'entraîner une perte
- suscitant un défi
Phase 2 : Évaluation secondaire du stress
(ressources personnelles et environnementales) Perception négative des événements, des ressources personnelles et
environnementales = détresse maximale
Phase 3 : Stratégies d'adaptation
a) cognitives ou comportementales b) adaptées ou mésadaptées c) centrées sur le problème, les stratégies ou les émotions
Méthodologie
Procédure et échantillon
La population ciblée pour cette étude est constituée de professeurs francophones de l’Université
d’Ottawa et de l’Université Laurentienne. Un questionnaire en format papier a été envoyé à tous
les professeurs francophones de l’Université d’Ottawa. Une version électronique du
questionnaire leur a aussi été envoyée par courrier électronique. Les professeurs de l’Université
Laurentienne ont reçu uniquement la version électronique. Les questionnaires en format papier
(n = 120), en version électronique d’Ottawa (n = 16) et en version électronique de Sudbury (n =
7) nous ont été retournés, pour un total de 143 questionnaires complétés.
L’échantillon était composé de 80 hommes (56%) et de 63 femmes (44%). L’âge moyen
est de 46 ans avec un écart type de 9.25 ans, et la moyenne d’années d’expérience en tant que
professeur est de 13.8 ans avec un écart type de 9.56 ans. Ce groupe avait en moyenne 1.39
enfant par professeur, ce qui est comparable à la moyenne de la population canadienne.
Finalement, 132 professeurs (92%) se disaient en bonne santé au moment de la passation du
questionnaire.
Instruments de mesure
Voici une courte description de chacun des quatre instruments de mesure.
1- Teacher Stress Inventory (TSI) (Fimian, 1984) : Ce test évalue les sources ainsi que les
manifestations comportementales et physiologiques du stress vécu au travail par les enseignants
sous cinq composantes (la gestion du temps, le stress relié à la tâche, la détresse professionnelle,
la discipline et la motivation, l’investissement professionnel). Nous avons choisi ce test parce
qu’il adresse l’enseignement plus spécifiquement et parce qu’il touche les aspects
organisationnels et personnels du travail.
2- Maslach Burnout Inventory (MBI) (Maslach, Jackson, Leiter, 1996) : Ce test évalue le
syndrome de l’épuisement professionnel, soit l’épuisement émotionnel, la dépersonnalisation et
la perte d’accomplissement personnel. Seulement la section sur les enseignants a été utilisée pour
cette recherche. Nous avons choisi ce test parce qu’il est rapide à compléter et parce qu’il est
fréquemment utilisé et reconnu au niveau de la recherche.
3- Brief COPE (Carver, 1997) : Ce test évalue les réponses au stress sur une échelle allant de
réponses adaptées et appropriées à des réponses dysfonctionnelles. Nous avons utilisé le test
dans la forme dispositionnelle puisque nous cherchions à savoir quels sont les mécanismes
d’adaptation que la personne utilise généralement. Il est facile et rapide à compléter, seulement
28 items (14 échelles de deux items chacune).
4- Work Locus of Control Scale (WLCS) (Spector, 1988) : Questionnaire de 16 items (huit
items qui mesurent l’internalité et huit items mesurent l’externalité). Chaque item est répondu
selon une échelle de un à six, un score élevé réfère à un locus de contrôle externe. Nous avons
choisi ce test parce qu’il est standardisé, rapide à compléter et parce qu’il a été utilisé au cours
d’études similaires (Leung, Siu et Spector, 2000).
Traduction et construction du questionnaire
La traduction initiale des quatre tests a été réalisée par deux personnes bilingues qui œuvrent dans
le domaine de l’enseignement, en consultation avec les auteurs des questionnaires, des collègues
et des spécialistes. Une révision a ensuite été effectuée suite à l’analyse et aux commentaires
obtenus suite à la passation du questionnaire auprès d’un groupe pilote composé de 14
professeurs universitaires provenant de diverses facultés. Pour alléger la tâche des répondants,
nous avons construit un questionnaire unique en cinq sections : la première section comprend des
questions de nature démographique (âge, genre, expérience, situation familiale, statut de
l’emploi, perception de l’état de santé), la deuxième section porte sur le stress (TSI), la troisième
section sur l’épuisement professionnel (MBI), la quatrième section sur les mécanismes
d’adaptation (Brief COPE) et la dernière section sur le locus de contrôle (WLCS).
Résultats
Validité interne
Les analyses de consistance interne de chacune des échelles et sous-échelles ont été effectuées.
Insérer le tableau ici
Au TSI, au MBI et au WLCS, les alphas sont tous au dessus de 0.7 sauf pour la sous-échelle des
manifestations comportementales au TSI (0.386). En ce qui concerne le Brief COPE, les alphas
varient entre 0.606 et 0.910 selon les sous-échelles, sauf pour le coping actif (0.425). Ces
résultats sont satisfaisants et sont comparables aux résultats obtenus par les auteurs des
questionnaires.
Modèle d’équation structurale pour le TSI
Une analyse du TSI a été effectuée afin de vérifier la validité de la structure du questionnaire à
l’aide d’équations structurales. L’analyse du TSI révèle une forte corrélation (,74) entre les
facteurs de stress et les manifestations du stress.
Insérer la figure 2 ici
Bien que le modèle présenté ne soit pas statistiquement significatif (chi-carré = 127,57, dl = 34, p
< 0,001), et qu’il n’explique pas bien la variance dans les réponses, il n’en demeure pas moins
possible, en ajoutant certaines corrélations entre les variables observées, de le rendre significatif.
Analyses descriptives
Les moyennes des scores au TSI et au MBI se situent dans la moyenne, donc n’indiquent pas de
niveau de stress ou d’épuisement professionnel élevé au niveau de notre échantillon.
Insérer le tableau 2 ici
D’ailleurs, la dépersonnalisation au MBI est sous la moyenne, ce qui signifie que les participants
de cette étude ont un faible sentiment de dépersonnalisation. Cependant, au niveau des sous-
échelles de la gestion du temps et des stresseurs au travail, les moyennes sont supérieures à la
moyenne, ce qui indique que ces facteurs de stress affectent particulièrement notre échantillon.
Un score élevé au WLCS se réfère à un locus de contrôle externe. Bien que la moyenne des
professeurs de cette étude soit légèrement supérieure à la moyenne nationale au WLCS, ils ne se
démarquent pas de façon significative de la moyenne canadienne et américaine étant donné le
grand écart type. Au niveau des mécanismes d’adaptation au Brief COPE, on observe que la
planification, le coping actif, l’acceptation et la réinterprétation positive sont fréquemment
utilisées alors que le déni, l’utilisation de substances et le désengagement sont les mécanismes les
moins populaires.
Analyses corrélationnelles
Les tests t de student n’ont révélé aucune corrélation significative entre les scores obtenus aux
tests et les variables démographiques telles que l’âge, l’expérience ou la situation familiale.
Cependant, il semble que les femmes ressentent davantage les manifestations du stress que les
hommes au niveau émotionnel (p < 0,05), de la fatigue (p < 0,05) et du comportement (p < 0,01).
D’ailleurs, elles utilisent certains mécanismes d’adaptation significativement plus que les
hommes : la distraction, le blâme, le soutien émotionnel, le soutien instrumental et l’expression
des émotions.
Insérer le tableau 3 ici
Les personnes qui ont rapporté ne pas être en bonne santé ont obtenus des scores
significativement plus élevés au niveau du TSI et de l’épuisement professionnel, ce qui signifie
que ces personnes ressentent davantage de stress et d’épuisement que celles qui se disent en
bonne santé (voir tableau 4). Les personnes avec une santé précaire utilisent significativement
plus le blâme (p < 0,01) et le désengagement (p < 0,01), et significativement moins le coping
actif (p < 0,001), la planification (p < 0,05) et la réinterprétation positive (p < 0,05) comme
mécanismes d’adaptation au stress que les personnes qui se disent en bonne santé.
Modèle d’équation structurale
Nous avons voulu confirmer, à l’aide d’équations structurales, l’hypothèse selon laquelle les
mécanismes d’adaptation au stress et le locus de contrôle agissent comme modérateurs de la
relation entre le stress et l’épuisement professionnel.
Insérer la figure 3 ici
Les analyses confirmatoires préliminaires ne répondent pas à nos attentes à ce moment (chi-carré
433.8, degré de liberté 179). Bien que nos résultats sont comparables à ceux de Chan (1998),
nous prévoyons poursuivre les analyses de façon à améliorer le modèle. Entre autres, les aspects
du locus de contrôle et de l’épuisement professionnel sont problématiques et requièrent des
analyses supplémentaires.
Discussion
Contrairement à nos attentes et à d’autres études effectuées chez les universitaires à travers le
monde (Gillespie et al., 2001; Hogan, Carlson et Dua, 2002; Kinman, 2001; Leung, Siu et
Spector, 2000; Taris et al., 2001; Winefield et al., 2003; Winefield et Jarrett, 2001), nos résultats
suggèrent que les professeurs francophones canadiens ne sont pas plus stressés ou épuisés que
d’autres professionnels. Ils ne se démarquent pas de la population générale au niveau du locus de
contrôle ou des mécanismes d’adaptation au stress. L’âge, le niveau d’expérience ou de scolarité
et la situation familiale ne semblent avoir aucun impact ni sur les niveaux de stress ressentis ni
sur l’épuisement professionnel des professeurs.
Or, selon plusieurs études récentes, il semble que les professeurs plus jeunes et moins
expérimentés soient plus stressés que ceux qui sont plus âgés et expérimentés (Hogan et al.,
2002; Kinman, 2001; Winefield et Jarrett, 2001; Winefield et al., 2003). Bien que les autres
études mentionnées ici n’aient observé aucune différence significative entre les hommes et les
femmes, nous observons que les femmes se démarquent des hommes de façon significative au
niveau des manifestations du stress et des moyens qu’elles emploient pour gérer le stress, ce qui
correspond aux résultats obtenus par Hetty van Emmerik (2002). Les femmes pourraient, à
l’affut de cette connaissance, poursuivre dans l’utilisation de ces mécanismes à « fonction
variable » mais s’en servir consciemment comme tremplin vers une résolution active des
situations problématiques.
Les résultats de nos deux modèles d’équation structuraux sont en accord avec une
recherche récente de Montgomery et Rupp (2005) qui ont également démontré le lien direct entre
le stress et les émotions. Cela est significatif parce que les émotions semblent être le premier
signe lorsqu’un professeur universitaire manifeste du stress; surtout des émotions négatives.
Conclusion
Bien que les résultats obtenus n’aient pas été ceux escomptés, il demeure que bon nombre de
professeurs et de professionnels ressentent des niveaux de stress élevés. Les mécanismes
d’adaptation au stress semblent agir comme modérateurs entre les facteurs de stress et les
manifestations du stress mais la relation se doit d’être examinée davantage en tenant compte du
locus de contrôle et de l’épuisement professionnel. Les différences observées entre les hommes
et les femmes mériteraient un approfondissement quant aux implications de ces différences sur
leur fonctionnement au travail.
Limites de la recherche
Le choix d’un outil pour mesurer les facteurs de stress des professeurs est difficile puisqu’aucun
outil ne semble saisir les particularités de leur emploi, soit la combinaison entre l’enseignement,
la recherche, et dans certains cas, la direction. Cette combinaison est un facteur de stress
important et unique à cette profession (Taris et al., 2001). Dans la présente recherche, nous
avons seulement abordé l’aspect de l’enseignement. De plus, nous n’avons pas utilisé de mesure
de la satisfaction au travail ou de mesure de l’état de santé, ce qui aurait pu apporter des
informations complémentaires pertinentes à cette recherche. Étant donné que le questionnaire
était répondu sur une base volontaire, il se peut que seuls les professeurs non-stressés aient pris le
temps de répondre, biaisant ainsi possiblement les résultats. La prochaine étape de ce projet de
recherche devrait se pencher sur l’adaptation au stress chez les professeurs universitaires de façon
plus approfondie en combinant des données quantitatives et qualitatives ainsi qu’en considérant
tous les aspects de l’enseignement supérieur.
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Tableau 1 Coefficients α pour chaque sous-échelle
Sous-échelles # Items n α Item enlevé
α corrigé
Teacher Stress Inventory Gestion du temps 8 143 0.728 - - Stresseurs reliés au travail 6 143 0.894 - - Détresse professionnelle 5 143 0.810 - - Discipline et motivation 6 143 0.885 - - Investissement professionnel 4 143 0.784 - - Manifestations émotionnelles 5 143 0.841 - - Manifestations de fatigue 5 143 0.649 35 0.723 Manifestations cardio-vasculaires 3 143 0.745 - - Manifestations gastriques 3 143 0.842 - - Manifestations comportementales 4 143 0.386 - -
Maslach Burnout Inventory Épuisement émotionnel 9 142 0.885 - - Dépersonnalisation 5 142 0.701 - - Accomplissement personnel 8 138 0.814 - -
Brief COPE Distraction 2 140 0.626 - - Coping actif 2 139 0.425 - - Déni 2 136 0.700 - - Utilisation de substances 2 139 0.910 - - Soutien émotionnel 2 140 0.838 - - Soutien instrumental 2 139 0.823 - - Désengagement 2 139 0.715 - - Expression des émotions 2 140 0.606 - - Réinterprétation positive 2 140 0.737 - - Planification 2 139 0.731 - - Humour 2 139 0.761 - - Blâme 2 138 0.781 - - Acceptation 2 137 0.614 - - Religion 2 139 0.866 - -
Work Locus of Control Scale 16 137 0.847 - -
Tableau 2 Tableau des scores obtenus aux tests
Échelles et sous-échelles n Minimum Maximum Moyenne Écart type TSI
Niveau moyen de stress entre 1.90 et 3.20 Total TSI 143 1.10 3.89 2.35 0.549 Gestion du temps 143 1.25 5.00 3.23 0.668 Stresseurs au travail 143 1.17 5.00 3.33 0.966 Détresse professionnelle 143 1.00 5.00 2.45 1.065 Discipline et motivation 143 1.00 5.00 2.22 0.919 Investissement professionnel 143 1.00 4.75 2.05 0.876 Manifestations émotionnelles 143 1.00 5.00 2.58 0.969 Manifestations de fatigue 143 1.00 4.00 2.33 0.813 Manifestations cardio-vasculaires
143 1.00 5.00 2.13 1.019
Manifestations gastriques 143 1.00 5.00 1.74 0.990 Manifestations comportementales
143 1.00 4.25 1.41 0.514
MBI Épuisement émotionnel Épuisement moyen entre 17 et 26 142 2 46 20.55 9.829 Dépersonnalisation Niveau moyen de dépersonnalisation entre 9 et 13 142 0 18 6.22 4.309 Sentiment d’accomplissement Sentiment moyen d’accomplissement entre 31 et 36 138 16 48 32.50 6.407
Brief COPE Distraction 140 2 8 5.06 1.379 Coping actif 139 2 8 5.97 1.167 Déni 136 2 6 2.51 0.927 Utilisation de substances 139 2 7 2.81 1.231 Soutien émotionnel 140 2 8 4.94 1.502 Soutien instrumental 139 2 8 4.86 1.577 Désengagement 139 2 7 2.88 1.100 Expression des émotions 140 2 8 5.10 1.385 Réinterprétation positive 140 2 8 5.66 1.371 Planification 139 3 8 6.17 1.245 Humour 139 2 8 4.27 1.402 Blâme 138 2 8 4.83 1.512 Acceptation 137 2 8 5.92 1.301 Religion 139 2 8 3.15 1.676
WLCS Moyenne canadienne de 40.6 et moyenne américaine de 40.0 137 21 78 41.85 11.017
Tableau 3 Corrélations significatives entre le sexe et les scores aux tests et aux sous-échelles
Moyenne scores
Hommes Femmes Test-T
TSI Manifestations émotionnelles 2.4325 2.7587 -2.072* Manifestations de fatigue 2.1975 2.4984 -2.228* Manifestations comportementales 1.2844 1.5794 -3.362***
Brief COPE Distraction 4.81 5.38 -2.503* Soutien émotionnel 4.69 5.25 -2.249* Soutien instrumental 4.55 5.22 -2.541* Expression des émotions 4.65 5.65 -4.548*** Blâme 4.60 5.11 -2.000*
* p < 0.05 ** p < 0.01 *** p < 0.001
Tableau 4
Corrélations significatives entre la perception de l’état de santé par les professeurs et les scores aux tests et aux sous-échelles.
Moyenne scores
Bonne santé Santé précaire Test-T
TSI Score total 2.3138 2.7430 -2.538* Stresseurs au travail 3.2689 4.0455 -2.613** Manifestations émotionnelles 2.5197 3.2545 -2.458* Manifestations de fatigue 2.2909 2.8000 -2.017* Manifestations cardiaques 2.0505 3.0303 -3.156**
MBI Épuisement émotionnel 19.81 29.36 -3.196** Sentiment d’accomplissement personnel 32.87 28.27 2.317*
Brief COPE Coping actif 6.07 4.82 3.557*** Désengagement 2.80 3.82 -3.043** Réinterprétation positive 5.74 4.73 2.402* Planification 6.24 5.36 2.280* Blâme 4.73 6.00 -2.730**
* p < 0.05 ** p < 0.01 *** p < 0.001
Figure 2 Modèle d’équation structurale du TSI
Chi-carré = 127.57, degré de liberté = 34. p-value = 0.0, RMSEA = 0.139
Figure 3
Modèle d’équation structurale : relation entre les variables
Gestion du temps
Stresseurs au travail
Détresse professionnelle
Discipline et motivation
Investissement professionnel
Facteurs stress
Émotions
Fatigue
Cardiovasculaire
Gastrique
Comportement
,59 ,27
,41
,60
Manifestations
stress
,29
,74
,73
,55 ,66
,62
,21
,39
,70
,41
,41
,68
,58
,65
,63
,68
,22
Gestion du temps
Stresseurs au travail
Détresse professionnelle
Discipline et motivation
Investissement professionnel
Coping actif
Déni
Épuisement
Dépersonnalisation
Blâme Désengagement
Facteurs stress
Réinterprétation Acceptation
Planification
Accomplissement
Émotions
Fatigue
Cardiovasculaire
Gastrique
Comportement
,48
,32
,81
,90
,79
,34
,67
Fonctionnels
Locus contrôle
Dysfonctionnels
Manif. stress
Burnout
,52 ,99
,33 ,60
,67
7,88
-3,90
3,09
,76
,64
,64
,55
,21
-,34
,56
,28
-,43
,30
,25
-,02
Locus contrôle
11,02
,10
-,07
,92
,88
,76
Chi-carré = 433.8, degré de liberté = 179