Revue Historique Vol. 134
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REVUE
HISTORIQUE
.M^'
REVUE
HISTORIQUEFonde en 1876 par
GABRIEL MONOD:
directeurs
Charles
BMONT^e
et Christian
PFISTER.
qui falsi audeat, ne quid veri non audeai historta,V
CicRON, de Orat.,
II,
15.
QUARANTE-CINQUIME ANNE.
TOME CENT TRENTE-QUATRIMEMai- Aot 1920.
PARIS
LIBRAIRIE FLIX ALGAN108,
BOULEVARD SAINT-GERMAIN1920
\
u:
-*.
PIERRE DU CHASTEL
GRAND AUMNIER DE FRANCE(Suite et fin
V
Cette dcision mcontenta ceux qui voulaient sincrement perdre Dolet et qui taient inquiets de l'influence acquise par Pierre Du Chastel. Le cardinal de Tournon reprocha un jour
celui-ci d'abandonner
le parti
des bons catholiques pour pro-
tger des athes, pires que des luthriens, et de
manquer ainsi le
tous ses devoirs d'vque.lui cette
Du
Chastel, fort mu, retourna contre
accusation
:
il
s'tait
conduit en vque etles
Cardinal
en bourreau. Ce n'tait pas excuser
crimes de Dolet que de
montrer son repentir et de garantir qu'il changerait de conduite. Du Chastel exprima ses ides sur les devoirs du clerg qui devait essayer de ramener les pcheurs au bien, alors que certainspoussaient le roi user de svrit envers eux et recourir aux supplices barbares. Du Chastel tait assez sr de la confiance du roi pour tre franc et pour s'engager ainsi contre le parti desrigoristes 2.
Du Chastel agissait pour mainteavec l'glise romaine. Henri VIII avait envoy Franois P' un mmoire pour expliquer le schisme d'Angleterre et pour l'engager suivre cet exemple. Il y taitd'ailleurs,^
Au mme moment,
nir le roi dans l'union
question notamment de la scularisation des biens d'glise dontles
avantages pouvaient dterminer:
la dcision
du
roi. Celui-ci
tait hsitant
certaines opinions exprimes dans leil
mmoire lui
semblaient exagres, mais d'autre part
entrevoyait une opIl
ration fructueuse et conforme la raison.
considrait
comme
un crime de
laisser la disposition d'un clerg
paresseux des
biens qui, entre les mains du souverain, pouvaient tre employs1.
Voy. Rev. histor.,
2.
t. CXXXIII, p. 212-257. Galland, Pet. Cast... vita, ch. xxxix.
Rev. Histor. CXXXIV. 1" fasc.
1
ROGER DOUCET. soulager le peuple, secourir les pauvres, encourager la reli-
gion
et la
science et garantir la scurit de tout
le
royaume.
Franois P' exprimait ces ides
Du
Chastel, trs gn pour
rpondre sur un point otaient bien arrts et o
lesil
sentiments et les opinions du roirisquait de les heurter inutilement.^
De
plus,
il
allait treil
amen lui-mme
critiquer
la-
politique
royale, audace dont
redoutait les consquences.
Les souverains, en effet, lui semblaient responsables de cette dcadence du clerg. Si les vques et les abbs taient indignes, la faute en tait au roi qui les avait choisis. Sans attaquer prcisment le principe des nominations ecclsiastiques, sans critiquer ouvertementle
Concordat,
Du
Chastel laissait entrevoirla
son blme. Le remde n'tait pas dans
confusion du pouvoir
laque avec le pouvoir religieux qui s'accomplissait en Angleterre, ni
dans une extension des domaines royaux aux dpejis
de l'Eglise. Les scularisations seraient contraires la volont de ceux qui lui avaient lgu leurs biens ; la raison et le droitles rprouvaient. Cette injustice serait
en outre inutile, car l'tat
ne retirerait pas plus de profit de ces biens une ibis sculariss qu'il n'en recevait dans la situation prsente. Les rois devaientse borner surveiller scrupuleusement la discipline
du clerg.et
Franois
P""
avait cout
Du
Chastel avec bienveillancela parole
Gal-
land ajoute qu'il prit ensuite de Henri VIIIet ses
pour blmer
la politique
imaginations singulires ^
1545, on voyait approcher le moment attendu depuis dix ans o pourrait se runir le Concile qui rtablirait l'unit de l'glise. La France tait en paix avec l'Empire et on esprait
En
encore que
les protestants accepteraient d"y participer.
Ces
cir-
constances taient favorables
Du
Chastel qui pensait faire
partie de l'ambassade charge de reprsenter lacile. C'tait
France au Con-
une
occasion d'agir en
vue de
cette rforme paci-
fique dont
il
tait partisan, etIl
de s'attribuer ainsi un rle minent,
agrable son ambition.
suggra au
roi l'ide de
convoquer
une assemble prparatoire compose de thologiens franais.
Le Concile devait avoir de graves consquences pour l'avenir de la religion et du royaume. La mission franaise qui s'y rendrait aurait affaire des savants rompus depuis vingt-cinq annes auxtudes religieuses et inbranlables dans leurs convictions.faudrait employer contre1.
Il
eux non pas
la scolastique
aux mthodes
Galland, Pet. Cast... vita, ch. xlii.
.
PIERRE DO CHSTEf., GRAND ADMNIER DE FRANCE.
3
dsutes, mais des raisonnements tirs d'une tude approfondie
de l'Ecriture sainte.
Une documentation exacte sur l'histoire des
origines religieuses serait ncessaire, appuye sur
une connaissance des langues anciennes suffisante pour l'intelligence et la
critique des textes.
Du
Ghastel, dont la clairvoyance fut justifie par les vdfiait d'ailleurs
nements, se
des intentions du pape qui n'tait
point favorable aux privilges du roi dans l'Eglise gallicane et
qui pouvait s'accorder avec Charles-Quint pour les menacer.
Ces droits devraient tre tudis spcialement pour permettred'en soutenir l'occasion la lgitimit. Cette assemble prparatoire permettrait ainsi
aux thologiens de
se prparer
aux discus-
sions du Concile et de choisir ceux d'entre
eux
qui, par leur sou-
plesse et leur rectitude de jugement, seraient les plus aptes cette mission.
tablir entre tous les reprsentants
Son plus grand avantage consisterait surtout du clerg franais l'unit de
doctrine sur les questions controverses. Cette cohsion tait enefiet
indispensable pour assurer l'autorit des envoys du roi etfaire prvaloir cette opinion
pour
moyenne
qui tait celle de
Pierre
Du
Chastel. Mais
un
tel
accord, obtenu par l'limination
des lments protestants, devait empcher les rformateurs de soutenir leurs opinions dans le Concile et de reconnatre parsuite son autorit. D'autre part,
quand bien mmeil
les protes-
tants auraient accept la discussion,
tait assez naf
de croire
qu'on pt reprendre l'tude deirrfutables. C'taitla
la thologie
ses sources et trou-
ver dans des textes rebattus depuis trente annes des arguments mal connatre les caractres et la porte de
Rforme. Cette mthode, excellente pour*
le
succs de la poli-
tique franaise et de la thologie officielle, trs profitable
aux
ambitions personnelles de Pierre
Du
Chastel, mritait beaucoup
moins d'loges au point de vue du rtablissement de l'unit catholique, si toutefois on pouvait conserver l'illusion d'y parvenir 1
Les intentions detions dfavorables:
Du
Chastel donnrent lieu des supposi-
Beaucaire, dans ses
Rerum Gallicarumpar le roi
Commentarii, nous
dit qu'il esprait tre choisi
commetho-
chef de l'ambassade franaise.logie taient assez courtes,il
Comme ses connaissances enles
aurait fait runir l'assemble de
Melun pour1.
s'clairer
lui-mme sur
questions qui seraient
Galland, Pet. Cast... vita, ch. lu.
4
ROGER DODCET.
dbattues Trente ^ Cette opinion tait du moins celle qui avait
cours dans l'entourage du cardinal de Lorraine, reprsentant
de la France au Concile.
Les thologiens s'assemblrent donc Melun, assists dese partagrent l'tude de toutes les sources
lin-
guistes verss dans la connaissance du grec et de l'hbreu. Ils
toire religieuse, te^xtes de l'Ecriture sainte et des
du dogme et de l'hisPres de l'glise,
textes historiques relatifs l'Eglise primitive. Rien n'tait plus
simple que de trouver, dans ces documents dont l'autorit tait hors de cause, les fondements des vrits chrtiennes. D'aprsGalland, les textes sur lesquels devait s'appuyer la doctrine
orthodoxe auraient t discuts dans l'assemble pour en dcouvrir le sens vritable. Beaucaire nous parle seulement de mmoires rdigs par chaque membre sur les points controverss. Les deux mthodes ne s'excluent pas et il est probable que
des mmoires furent rdigs et discuts par les thologiens.
Du
Chastel rsmna lui-mme nettement les opinions sur lesquellesl'accord s'tait ainsifait, etil
rdigea un expos somjiiaire des
vrits chrtiennes en quarante et
un
chapitres.titres
Cet expos, dont nous connaissons simplement lesport les discussions depuis
de
chapitres, passe en revue tous les points sur lesquels avaientle
dbut de
la
Rforme
:
il
insiste par-
ticulirement sur le pch originel et la justification, sur les
uvres et
les
sacrements.
Nous ne pouvons que
faire des:
suppo-
sitions sur la doctrine
contenue dans cet ouvrageles
ces titres de
chapitres laissent toutefois supposer que le point de vue romain
y
tait adopt,
que tous
sacrements,
la
messe
et toutes les
pratiques catholiques s'y trouvaient justifis.intituls:
Deux
chapitreset
De antiquoriimet
auctoritate et conciliorum
De
primario Ptri
successorum
loco, devaient exprimer sur
ces questions des opinions plus indpendantes que
Du
Chastel
partageait d'ailleurs avec la plupart du clerg franais. Mais,
en gnral, cet expos reprenait au fond les ides contenues dansles dcisions publies
en 1543 parla Facult de thologie contre
la doctrine luthrienne^.
Beaucaire reproche
Du
Chastel de ne pas avoir publi les
mmoires qui1.
lui
avaient t remis et de s'en tre servi pour1.
Belcarius,
Rerum Gallicarum Commentarii,
24.
2.
Galland, Pet. Cast... vita, ch. lui. Cet expos doctrinal avait t publi
dans un dit royal du 20 septembre 1543.
.
riERBE DD CHASTEL, GRAND AUMONIER DE FRANCE.raliser ses projets ambitieux en les
5
remplaant par une uvre Mais il n'est pas prouv que ces mmoires aient contenu des penses neuves et remarquables, puisque leurs auteurs taient pour la plupart ces thologiens de Sorbonne dont
dpourvue
d'originalit.
la doctrine tait bien
connue.
Ce
travail, aprs avoir t remis
au
roi, devait tre tudi et
discut par
Du
Chastel en
commun avec
les
reprsentants de
la
France au Concile ^ Le premier efet fut une protestation du pape qui suspectait ces assembles des clergs nationaux et les dclarait inutiles la
papaut
comme auDu
succs du Concile, alors qu'il tait peutle
tre surtout
mcontent des principes gallicans exprims dansChastel.
travail de Pierre
C'est ce dernier qui,
au nom du
roi,
rdigea la rponse.
Il
y
dmontrait que cette procdure, loin de nuire au Concile ou aupape, tait ncessaire pour dlimiter les questions litigieuses,
pour rendre efficacesrformateurs, dont
les efforts
du clerg catholique contreextrme.
les
il
faudrait combattre la science qui
tait
grandenous
et l'enttement qui tait
On
pouvait assurde notre
ment compter surest
l'assistance de Dieu et
du Saint-Esprit qui
promise dans l'vangile, mais
les souillures
existence, la dcadence desl'Eglisefallait
murs
et
de l'antique discipline deil
nous rendaient indignes de cette protection laquellecette affaire
suppler par une prparation plus savante^.
Dans
du Concile, Du Chastel
fut
l'inspirateur et l'interprte de la politique royale.
donc rellement Mais nous
observons chez
lui
un sentiment
trs net de ses ambitions per-
sonnelles et une intelligence trop courte de la rforme protestante.Si jamais la reconstitution de l'unit chrtienne avait t possible,
cette politique
mesquine
et
chicanire y aurait mis obstacle. Elle
auraitil
mme empch
la restauration
de l'glise catholique dont ont vu commen-
se dclarait partisan.
Les derniers mois du rgne de Franois
P''
cer l'affaire que suscita la publication de la Bible imprime en
1545 par Robert Estienne^. Du Chastel
agit en faveur de l'ditetir
1 On ne sait pourquoi Du Chastel ne fit pas partie de la dlgation franaise envoye au Concile. Cette dlgation se composait de Claude d'Urf, Pierre
Dans2.
et
Jacques Ligneri.
Galland, Pet. Cast... vita, ch. liv.
3. Biblia sacra latina, juxta veterem et vulgatam editionem : cui nova ex Hebraeo columnatim respondet : ad cujus margines annotantur variae lec-
6
ROGER DODCET.
tant qu'il se sentit sr d'tre en accord avec le roi.
Nous verrons
comment
il
l'abandonna sous Henri
II et quelles
maldictions lui
valut ce changement d'attitude^.
A
la vrit,
Du
Chastel ne pouvait pas ignorer les opinions
religieuses de Robert Estienne.
Mais
il
pouvait fermer les yeux
sur des tendances qui ne s'taient jamais exprimes par des manifestations scandaleuses, et il estimait que la plus grande
indulgence
tait
due un
hommeil
qui s'tait acquis par ses tra-
vaux de semblables mrites. Quant la Bible eUe-mme,
reconnaissait que certains pas-
sages en taient blmables et que, si la plupart taient critiqus tort, il y en a d'autres qui mritent d'tre condamns plus
rigoureusementfolle
Dans ce nombre il en cite plusieurs d'une Mais ces taches ne devaient pas entraner la condamnation d'une uvre aussi estimable par ailleurs. Qui donc ignore, crivait-il, que les Bibles d'Estienne sont enri.
tmrit
.
chies,
sur d'innombrables points, de notes, d'explications et
d'autres additions utiles; que cette dernire dition, surtout,
recommande au jugement de tous les travailleurs et des savants par un talent, un soin et une habilet merveilleuse 2? se
C'taient prcisment ces annotations qui avaientlogiens.
mu les
tho-
Les premires critiques avaieut t formules par ceux- de Louvain, puisque les docteurs de la Facult de Paris leur rpondaient en ces termes, ds le 25 avril 1545:
Quant
la sainte
Bible, annote par Robert Estienne, nous la condamnons comme errone et, si nous l'avions eue avant vous entre les mains, nousl'aurions, sans hsitation,tiones
condamne^.
et expositiones ex doctissimis Hebraeorum commentariis, quibus explicaniur obscuriores loci. Paris, 1545, in-8% 2 vol. 1. Cette affaire provoqua une vive motion chez les rformateurs qui nous ont laiss des rcits plus ou moins dtaills. Le principal intress, Robert Estienne,
en a fait un opuscule intitul1552, in-S").
Censures des thologiens de Paris (Paris, pour l'abondance et la prcision des dtails, n'est pas toujoura exact et manque parfois de clart, par faute de suivre rigoureusement l'ordre chronologique des faits. L'Histoire ecclsiastique de Th. de Bze et Henri Estienne, dans l'Apologie pour Hrodote, s'en occupent galement, Galland ne parle de cette affaire que brivement. Les documents originaux qui:
les
Ce
rcit, intressant
se trouvent aux Archives nationales (M 71) sont du plus grand intrt et permettent de critiquer les autres sources. 2. Lettre de Du Chastel aux docteurs de la Facult de thologie, du 26 jan-
vier 1547(Arch. nat.,3.
M 71).la
Lettre des docteurs de la Facult d thologie de Paris
Facult de
PIERRE DU CBASTEL, GRAND AUMONIER DE FRANCE.
7
Pendant une anne, l'affaire semble tre demeure dans le domaine des imprimeurs et des thologiens. Finalement, Estienne, par crainte que la vente de la Bible ne ft interdite, serendit la cour oetil
tait
sr en pareil cas de trouver un appui
particulirement celui de Pierre;
Du
Chastel. Celui-ci parta-
gea ses sentiments il craignait toutefois de s'aventurer en soutenant trop compltement Robert Estienne qui le trouva par trop timide en une si bonne cause . Il finit par approuver un
compromis dont Estienne lui fit la proposition on ajouterait au volume le texte des censures de la Sorbonne qui suffiraient pour avertir le lecteur. Ce compromis tait encore audacieux, puisqu'il consistait signaler le danger sans le supprimer, et :
mettre sur unqu'ils
mme
plan l'opinion des thologiens et les erreurs
avaient condamnes'.
Cette solution fut discute devant le roi dans une nombreuse assemble o se trouvait un reprsentant des th^logiens.Celui-ci avait remontr qu'il suffit d'un grain pour corrompre toute la masse. Du Chastel rpondit que cette maxime, appli-
cable
aux
relations des
hommes
entre eux, tait sans valeur dsfait
qu'il s'agissait
de livres,
o une opinion fausse ne
aucun
tort au bon sens qui remplit les autres pages. Il n'est point ncessaire de rien supprimer, mais il suffit de signaler les pas-
sages critiquables par un signe convenu qui mette le lecteur en garde lorsqu'il est ncessaire, sans lui interdire la lecture dureste. Puis, critiquant directement la conduite des thologiens.
Chastel ajoutait qu'un esprit large et modr, dsireux de redresser les erreurs plutt que de les punir, ne devait rien
Du
condamner sans en donner les motifs, et il les accusait, par suite de leur ignorance, de mal interprter les textes. Il proposa finalement de publier en appendice aux Bibles les passages suspects,suivis des observations de la Facult de thologie.
Cet avis plut au roi qui prescrivit cette dcision la Sorbonne^.thorgie de Louvain,
Du Chastel de M 71).
transmettre
trompe donc
lorsqu'il attribue l'initiative des censures la
essay d'en rejeter la
Robert Estienne se Sorbonne qui aurait responsabilit sur l'Universit de Louvain. Il montre ses
du 25 aot 1545 (Arch.
nat.,
adversaires plus hypocrites qu'ils ne le furent rellement. 1. R. Estienne, les Censures des thologiens; Galland, Pet.ch. L.2.
Cast... vita,
ajoutant seulement que
Galland, Pet. Cast... vita, ch. l. Galland arrte l son rcit de l'aft'aire, Du Chastel fut souponn d'hrsie pour avoir expos
trop librement son opinion aux thologiens.
.
8
ROGER DOUCET.
Duquant
Ghastel crivit donc aux thologiens qui, bien loin d'en-
trer dans ses vues, lui rpondirent, lela Bible
16 octobre 1546, en
atta-
d'Estienne dont l'indice est vicieux, que par
ncessit ne se peult toUrer .
Quant au corps de l'ouvrage,
il
est tellement farci d'hrsies, tant es gloses, quotations
marginalles et sommaires, que aultres choses, que, bien prandreet dire vrit, la
chose est pitoiable, digne. Ils joignaient
la toutalit d'estre
estaincte et
extermine
leur lettre quelques
propositions choisies titre d'exemples parmi les
nombreux pas-
sages rprouvs ^
Du
Ghastel fut grandement du par cette
rponse
qu'il interprtail
comme unyvoit
refus-.
Estienne,et
est vrai,
un acte de soumission apparente
une manuvre pour temporiser, tandis que ses ennemis ngociaient avec les thologiens de Louvain pour qu'ils ajoutassent sa Bible au catalogue des livres condamns par eux. Mais le jugement ou plutt le mmoire d'Estienne est ici en dfaut, car il ne peut y avoir aucun doute sur le sens de la rponse faite par les thologiens, et nous savons d'autre part que l'initiative de la condamnation appartient la Facult de Louvain.D'ailleurs, FranoisP""
riposta aussitt par des lettres patentes
du 26 octobre, suiviesla
le
lendemain d'une
lettre close adresse
Facult de thologie.
Il
interdisait la publication
du catalogue
des livres condamns Louvain et ordonnait nouveau d'exa-
miner la Bible pour en extraire les passages suspects d'aprs la mthode qui leur avait t prescrite 3. C'est la suite de cette mise en demeure qu'ils essayrent de ruser et, plusieurs mois aprs. Du Ghastel dut reprendre les ngociations par l'intermdiaire du chancelier de Ganay, auquel les thologiens dclaraient avoir commenc l'examen de l Bible1.
Lettre des doyen et docteurs de la Facult de thologie
Du
Ghastel,
du
16 octobre 1546 (Arch. nat.,2.
M
71).illae
Vestrarum quidem literarum superiores
omnem
mihi expectatiochristianissisura.
nem mus
judicii nostri praeciderunt, et autoritatis, ad id,
quod rex
tantopere desiderat, quodque ego
tam veheraenter saepius hortatus
Lettre de
Du
Ghastel aux docteurs de la Facult de thologie, du 26 janvier
1547 (Arch. nat.,3.
M 71).Franois I" aux docteurs dela
La
lettre de
Facult de thologie, du
27 octobre 1546, est conserve au muse des Archives nationales. Les lettres patentes du 26 octobre ne figurent pas dans le Catalogue des actes de Franois,
I". Elles sont
simplement mentionnes par Robert Estienne dans:
les
Cen-
sures des thologiens. Les deux passages relatifs ces lettres des 26 et 27 octobre sont d'ailleurs peu clairserreur' et qu'il y ail en ralitil
est possible qu'Estienne aitlettre royale.
commis une
une seule
PIERRE DU CHASTEL, GRAND AUMONIER DE FRANCE.
9
d'aprs les instructions reues. Ces affirmations satisfaisaient
une lettre destine moins au milieu de compliments de toutes sortes, il leur rappelait en effet les demandes du roi et les engagements qu'il avait pris lui-mme en leur nom, ne leur cachant pas les doutes que leur rponse crite avaitdifficilement
Du Chastel,
qui leur crivit
les
fliciter
qu' signaler ses inquitudes
;
fait natrefait
touchant la ralisation de ces promesses.disait-il,
Il
n'avait
qu'en douter, car jamais,
je
n'ai
cru que vous
pussiez ainsi abandonner la cause de l'humanit et refuser votre
concours uneroi,
affaire juste, l'autorit
du Roi Trs Chrtienj'ai
et
aux avis de votre plus intime ami. Ce concours,et
promis autoujours
cela
de toutes mes forces,
qu'il
lui
serait
acquis 1 .
Comme
les thologiens tardaient
rpondre,
Du Chastel
leur
adressa une troisime lettre o les compliments faisaient place des remontrances.Il
rappelait la confiance qu'il avait eue:
jusque-l dans leurs promesses
J'ay estim, disait-il, qu'il
ne vous en fauldroit point parler davantage. Mesnle lepersuad par
Roy
estoit
moy
que, quand les faultes de la table et des argu-
mens seroyent
corriges et qu'on auroit
marqu
es annotations
ce qui peut offenser, aussi touch le reste ose pourroit tellement expdier,
il
y peut avoirle reste
quelque cachette de malice ou incommode suspicion, que
que
les livres
pourroyent estre
publiquement receuz, tant soubs l'asseurance du
Roy que
soubs
vostre censure. Mais maintenant je ne diray point l'intermissioa
du temps. C'est plus tost une longueur, dont vous usez donnervostre.jugement, et
comme une
dlation de baiUer vos opinions, et
puis ce qui est entrevenu par la censure des thologiens de Lou-
vain a faict souponner aucuns
et
craindre que vous ne vouliez
rejetter le vieil Conseil, c'est--dire
du Roy, pour user de quelque nouveau moyen en une chose ja envieiUie-. Les thologiens firent semblant de cder devant une telle:
insistance
ils
envoyrent vingt extraits et les leur
Dule
Chastel qui les
examina avec Ganay1.
renvoya
26 janvier 1547
Lettre de
Du
Chastel aux docteurs de la Facult de thologie, du 19 jan-
vier 1547 (Arch. nat.,
M 71).
Cette lettre a t publie dans le
Muse des Archivesque nous donnele 19 et le
nationales.2.
Cette
lettre
ne nous
est
connue que
par
l'extrait
R. Estienne, les Censures des thologiens. Elle fut crite entrevier, ainsi
26 jan-
que cela ressort du tmoignage de R. EStienneChastel.
et
de la lettre sui-
vante de
Du
10
ROGER DODCET.lettre latine
avec une longuenion sur toute
dans laquelle
il
exprimait son opi-
l'affaire. Il
accusait les thologiens de se laisser
garer par leur parti pris. Il tait draisonnable de condamner un ouvrage aussi prcieux pour quelques passages suspects qu'on pouvait corriger et sur lesquels Estienne acceptait leur dcision.
qui donc, Dieu immortel, dmontrerez-vous que ces Bibles sont tellement corrompues, dans tous leurs dtails, que, les
A
erreurs une fois supprimes,ni de sain?
Ds
lail
il ne demeurerait plus rien d'intact premire rponse des thologiens du 16 oc-
,
a t du par une telle intransigeance. Le moins et leur attitude est une bravade envers roi ne le sera pas pourrait lui comme pour l'opinion publique en gnral, qui ne et accueillerait par ses gmissements souscrire leur dcisiontobre prcdent,
pour la science. Du pour arriver une solution modChastel tenta un nouvel effort re parmi tous les passages condamnables, vingt seulement lui avaient t signals qui ne mritaient pas tous d'tre galement
unanimes
cette nouvelle perte dplorable
:
critiqus. Il s'en trouve
dans
le
nombre qui
seraient compl-
tement rejeter et condamner pour les rformer svrement dans le sens de la croyance catholique et de la doctrine de l'glise. Du Chastel en cite cinq de ce genre, susceptibles de dtruire l'autorit du clerg en matire de dogme et la croyance
Quant au reste, tout pourrait s'arranger avec une censure plus modre encore. Du Chastel, tout en se l'utilit de lafoi.
dfendant de vouloir empiter sur, les droits de la Facult dethologie, exposait cependant sa rsolution, qui tait celleroi,
du
ne ft envelopp dans une mme condamnation faite la manire des thologiens de Louvain^. Cette lettre, dont le ton tait assez svre, fut trs apprcie
d'empcher que
le tout
par Estienne," mais moins bien accueillie par les thologiens Il y avoit en la dicte pistre beaucoup de choses de l'utilit des annotations, comme je scay, qui les faschoyentet les pressoyent:
fort^.
point Aussi tardrent-ils rpondre et l'affaire en tait l^' mourut. Peut-tre le roi et Du Chastel lorsque Franois n'avaient-ils pas montr autant de complaisance pour Estienne
que celui-ci en aurait1.
dsir,
mais
il
tait difficile,
moins de
Lettre de
Du
Chastel aux docteurs de
la
Facult de thologie, du 26 jan-
vier 1547 (Arch. nat.,2.
M 71).
R. Estienne, les Censures des thologiens.
PIERRE DU CHASTEL, GRAND AUMONIER DE FRANCE.
11
se dclarer tout fait
partisan de la Rforme, de protger
davantage ses intrtssaires.
et
de traiter plus rudement ses adver-
Ces interventions de Du Ghastel dans les affaires religieuses nous montrent bien l'accord qui existait entre le roi et lui dans ces dernires annes du rgne pour pratiquer une politique orthodoxe et catholique, mais favorable aux rformes et indulgente
aux rformateurs.
Par
ses
fonctions de lecteur et de bibliothcaire, par ses
relations intimes avec le roi,
Du
Ghastel devait ncessairement
exercer une influence sur l'rudition contemporaine. Aprs la disparition de Colin et de Bud, il resta l'unique pourvoyeurintellectuel de Franoistenait, lesI"".
Les lectures dontqu'il
le
choix
lui
appar-
commentairesil
y
ajoutait,
les
conversations
dans lesquelles
talait
son savoir encyclopdique fournissaient
celui-ci les aliments ncessaires sa curiosit d'esprit. Avec son prestige inattaquable, Du Ghastel disposait des rputations;
il
tait l'intermdiaire et le protecteur attitr des
savants et le
conseiller qui discutait tous les projets, toutes les ides
du
roi
sur ces matires.
Il
proposait son admiration cet idal deil
monarchie humaniste auquell'tude des lettres antiques.
avait t lui-mme conduit par
Gomme beaucoup
de ses contempo-
rains,
il
mprisait le peuple dpourvu de l'lgance d'esprit et des
qualits
d'me ncessaires pour rendre la dmocratie aimable. Latait bien prfrable,
royaut
mme
si le
souverain tait un per-
sonnage mdiocre, pourvurespect des savants.
qu'il et le culte de l'rudition et le
Du
Ghastel se plaisait faire l'loge de ceet l'autorit seraient attribus
systme o
les
honneurs
aux ru-
dits et o il se rservait une place minente. Ce rgne des lettres serait en mme temps celui des vertus dont l'antiquit avait elle aussi offert l'exemple. Gette socit idale, vertueuseet lettre,
Du
Ghastel affirmait qu'elle avait exist Sparte,
qu'il jugeait d'aprs les descriptions
videnament exagres deexigeait, en plus de talents
Xnophon^.
Le1.
rle
que s'attribuait
Du GhastelDu
Ces ides sont dveloppes parstatu reipublicae.
Ghastel dans le dialogue de R. Breton,
De oplimo
12littraires, les qualits
ROGER DOUCET.
d'un
homme
d'action et surtout de l'ent-
tement pour
faire aboutir des rsultats pratiques les volonts
fugitives de Franois
P^
Celui-ci avait assurment le got des
choses de l'esprit et recherchait la conversation des lettrs dont loges. Il ne les il savait, par ses complaisances, s'attirer lesddaignait pas, caril
savait que ce sont les dispensateurs de la
gloire la plus durable; mais tout cela restait intrts politiquesl'entretien:
subordonn aux
ses magnificences littraires passaient aprs
de ses armes et de ses ambassadeurs. Elles ne devaient consister qu'en des vellits aussitt interrompues par les guerres qui vidaient le trsor. 4ussi la troupe des crivains
ne devait gure compter que sur de grands projets et de belles paroles et elle lui semblait singulirement importune lorsqu'elle ne sesatisfaisait
pas
si
bon compte. Pendant tout
le
rgne,
ceux-ci n'ont cess de solliciter le roi qui se drobait toujours ou n'accordait que peu de chose ^. On comprend combien, dans cesconditions, le patronage de Pierre
Du
Chastel pouvait leur tre
avantageux.
Il
prenait au srieux son rle de chef d'arme dans
cette guerre des
bonnes
lettres contre la barbarie et collection-
nait les manuscrits avec le
mme
zle qu'il aurait dploy ru-
nir des
armes pour
la dfenseil
du royaume 2.
Commedrie.
bibliothcaire,
rvait d'effacer la rputation des col-
lections les plus' riches de l'antiquit, de
Pergame
et
d'Alexandsordre,
Aussi continua-t-il la chasse aux manuscrits les plus varis
en
Italie,
en Grce
et
jusqu'en Asie 3. Pour viter de ces richesses,il
le
pour assurer
la protection et
obtint l'tablissele roi.
ment de gardiens
de bibliothcaires salaris par
Chastel tait un singulier bibliothcaire qui n'aimait pas les livres par passion de collectionneur, mais pour les services qu'ils taient appels rendre au public. En dehors de cela,
Du
disait-il,
tout n'tait que vaine ostentation.la lecture
GaUand nous
dit
que,
pour rpandreet
de ces textes,
il fit
crer l'Imprimerie
royale, pour laquelle furent fondues des collections de caractres
dont les ouvriers taient pays par le roi. Cette imprunerie tait spcialement destine reproduire les livres rares de la1.
A
2.
Lefranc, Histoire du Collge de France. Galland, Pet. Cast... vita, ch. xxxiii.le
3.
Nous trouvons dans
Catalogue des actes de Franois I" l'indication
d'achats de manuscrits; mais la plupart, antrieurs' 1540, ont t faits alors
que Bud
tait bibliothcaire
du
roi.
PIERRE DU CHASTEL, GRAND AUMONIER DE FRANCE.
13
Bibliothque royale*. Mais Galland
fait
erreur en attribuant
Duil
Chastel la cration d'une Imprimerie royale qui n'a jamaisP"". Il
exist sous Franoisest certain que,
se peut qu'un projet ait t fait,il
maisqui,
comme
tant d'autres,
ne
fut point excut.
Ce que nous voyons ce moment, ce sont des imprimeurs
comme Robert Estienne,mais encore ce
reoivent le titre d'imprimeurs royaux,
titre se rencontre-t-il
avant l'arrive de Pierretout au plus lui recon-
Du
Chastel la cour.
Nous pouvons doncfait
natre le mrite d'avoit
fabriquer les fameux caractres grecs
dont se servait Estienne,vilge du roi.
et
pour l'usage desquels
il
avait
un
pri-
Du Chastel semble avoir t plus du Collge de France. On ne saurait, il est vrai, lui en attribuer l'ide premire qui date des dbuts du rgne de Franois P"". Celui-ci, ds 1517, avait fait des projets qui se transformrent par la suite, suivant ses fantaisies et les ncessits financires. Ceux du dbut manquaient de prciL'intervention de Pierreefficace
dans
la cration
sion
:
tablissement de haute culture ou simple collge de jeunes
Grecs, l'imitation de Lon X, on hsitait entre les deux, et ceshsitations, accrues de celles d'rasme, n'avaient abouti rien.
Puis, vers 1519, le collge de jeunes Grecs avaitser,
failli
se rali-
on avait attendu dix ans il avait fallu toute l'activit des hmnanistes, Bud, Poncher, Jacques Colin, du Bellay, pour aboutir en 1530 au modeste tamaisles
guerres avaient tout arrt
et
;
blissement de quelques lecteurs royaux. Cette institution tait apparue furtivement, sans constitution formelle, sans organisation, et, qui pis est, sans ressources. Les promoteurs, ne reconnaissant pas leur projet, continuaient d'en demander la ralisation et se dcourageaient parfois constater l'inutilit de leurs
eorts et Tindifirence du roi, duquel
ils
ne pouvaient pas
mme
obtenir les gages des lecteurs en fonctions.
Le choix des
lecteurs et la haute surveillance de leurs travaux
avaient t confis Jacques Colin. Aussi
Du
Chastel en hrita-
t41 et l'autorit qu'il possdait auprs du roi, jointe son
amour
de l'rudition, exera-t-eUe une heureuse influence sur les progrs de l'institution.
Du
Chastel arrivait
un moment favorableIl
:
la
paix
laissaitle
quelques ressources disponibles.1.
en profita pour reprendre
Galland, Pet. Cast... vita, ch. xxxiii.
14
ROGER
DOTJCET.
projet d'un collge djeunes gens, projet qui tait celui de tousles rudits et qui
transformerait l'institution des professeurs
royaux en assurant ses effets pratiques. On esprait, par la diffusion des mthodes et des sciences nouvelles, faire une con-
Ce
currence srieuse l'Universit, toujours entte de scolastique. projet tait grandiose; le collge recevrait le nom de Collge
des trois langues.
On
prvoyait au bord de la Seine, sur l'em-
placement de
l'htel
de Nesle, la construction d'un beau etet
grant colleige..., accompaign d'une belle
somptueuse
glise,
avec aultres
(hffices et
bastimens
.
Les professeurs royaux,toutes les langues et
assists d'autres savants,
y enseigneraient
toutes les sciences plus de six cents jeunes gens choisis parmi
mieux dous. Du Chastel avait arrt tout le programme d'un laisserait de ct aucune partie du savoir humain et rgl tous les dtails, jusqu' dterminer le temps qui serait consacr chaque spcialit. Les tudes compltes dureraient quatorze annes. Le collge possderait mme unles
enseignement qui ne
clerg, ce qui lui donnait le caractre d'un couvent et d'un vaste
-tablissement de culture humaine.serait ncessaireles fr-ais
Une dotation de 100,000 francs pour l'entretien de cette fondation, sans compter de premier tablissement.excuter ce projet.le
Lefait.
roi semblait dispos faire
On
avait
dlimit le terrain rserv
aux constructions dont
plan tait
Par
lettres
du 19 dcembre 1539, on chargeait Nicolas de
Villeroy et Jeart Grollier de passer les marchs pour l'excutiondes travaux et Audebert Catin de faire les payements, ainsi que
de rendre compte des
sommes qui y
seraient consacres ^
L'entreprise devait en rester l et le Collge des trois langues,
qu'on attribue gnreusement Franoisralisation. Galland
P^
ne reut pas d'autre
impute Poyet la responsabilit de cet arrt. Celui-ci, par mchancet, aurait retard les travaux; puis, la guerre tant survenue contre l'Angleterre et l'Empire, ilaurait invoqu le
manque
d'argent pour faire tout abandonner.
Nous
hsitons cependant considrer Poyet:
comme
le
plus
grand coupablefavorables et
les dispositions
du
roi n'avaient jamais t trs
il tait tout prt trouver bonnes les raisons de Poyet, raisons fondes sur l'absence de ressources et qui n'taient
1.
Galland, Pet. Cast... vita, ch. xxxii. Lettres patentes, du 19 dcembre
1539, publies par Baluze dans les notes jointes l'ouvrage prcdent.
PIERRE DU CHASTEL, GRAND ADMNIER DE FRANCE.
15
que trop
justifies.
La preuve en
est
que
la disgrcet
de Poyet
n'entrana jamais la reprise du projeta
A dfaut de cette fondations'efforait
qui tait dispendieuse et incertaine,:
dans des tches plus modestes il aurait Du Chastel faire enseigner un plus grand nombre de sciences et de voulu langues et multiplier les professeurs. Il russit du moins obtenir la cration d'un cours de philosophie grecque pour lequelil
Son intervention pour le choix de fit dsigner Viraercati^. G. Postel comme professeur de mathmatiques est reconnue par son protg lui-mme, qui partage sa reconnaissance entre Franois P'', la reine de Navarre et Pierre Du ChasteP. Mais la situation des professeurs tait prcaire et, pour empcher la ruinecomplte del'institution,il
fallait
avant tout assurer leur exis-
tence en faisant payer rgulirement leurs gages
comme ceux
des autres officiers du roi, sans qu'ils eussent suivre la cour pourobtenir une assignation dont les efets taient toujours alatoires.
Duil
Chastel s'effora de leur faire fixer des gages convenables et
obtint leur inscription parmi les officiers de la maison du roi,
ce qui devait avoir pour rsultat de leur faire payer ces gages
par quartiers, peu prs rgulirement,
et
du moins sans ces
drangements qui interrompaient constamment les leons. Le roi se laissa facilement convaincre. Il en fut autrement des trsoriers qui pouvaient arrter l'effet de toutes ces promesses.
L'existence des professeurs royaux resta prcairepass.4
comme
par
le
Aussi tait-ce un devoir que s'imposaitnir sans cesse en leur faveur.Il les
Du
Chastel d'interve-
protgeait avec la
mme
obstination que les pauvres et les hrtiques.
Comme
supplment
de salaire,tenir et
il
leur faisait confrer des bnfices pour les entreet
donner occasion de mieux entendre au fait de leur charge .1.Il
plus continuellement
serait
injuste,
en
efiPet,
de se reprsente'r Poyetl'esprit.
comme(liv.
hostile
auxla
savants ou mprisant les choses derespondance).2.
L'impression que nous laisse
lecture de Galland est corriger par les lettres de Sadolet
XIII de sa cor-
Vimercati, en tmoignage de reconnaissance, lui ddie un commentairele titre
sur Aristote et une dissertation publis sous
suivant
:
Gommentariiin
tertium librum Aristotelis de anima... Ejusdeni detelica disceptaiio. Paris, 1543, in-8.3.
anima
ralionali peripa-
G. Postel, Quatuor librorum de orbis terrae concordia primus (1541),
in-8.
16
KOGER DOUCET.
lettres patentes leur
mois de mars 1545, Du Chastel leur faisait obtenir des accordant le privilge de committimus : tous leurs procs seraient jugs aux Requtes du Palais^ Paris, ou dans les chambres des requtes des autres parlements, pour
Au
leur permettre de se livrer sans interruption cette tant
et tant sainte entreprise de connaissance de langues et de tout
bonne bon
savoir . Ces lettres donnaient l'institution une consistance plus grande et comme une sorte de personnalit morale, en ten-
dant cette disposition tous les successeurs des professeurs alors
en exercice K
Duet
Chastel aunait d'ailleurs la science sous toutes ses formesliberts. Il
avec toutes ses
en donnaet
la
preuve dans
la
que-
relle qui
mit aux prises en 1543le
Ramus
et les universitaires.le
Ramus, qui aimaitdale, s'tait attir
paradoxe
ne reculait pas devant
scan-
par ses diatribes contre Aristote des haines
dont GaUand, qui cependant n'tait pas un conservateur obstin, nous donne la mesure. Ses ennemis, et peut-tre GaUand lui-
mme, auraient souhait de l'envoyer auxdoute exagrer que d'attribuer lesoisP'".
galres. C'est sans
intentions Franpu cder aux conseils de rigueur, si Du Chastel ne l'avait apais en ramenant l'affaire avec finesse ses vritables proportions Ramus tait un mauvais plaisant mais de tels crimes ne mritaient pas et un pauvre philosophe la mort. Il suffisait de le mettre en prsence d'rudits comptents qui se cliirgeraient de le ramener la raison. Du Chastel
mmes
En
tout, cas,
il
aurait
:
;
suggra ainsi
la solution qui fut ralise
par les lettres patentes
du 30 mai
1543"-.
Du
Chastel, dans l'oraison funbre de Franois
P%
le glorifie
d'avoir honor magnifiquement les lettres, de les avoir difieset plantes
en son peuple par sa largesse
et libralit, tant latines,
grecques qu'hbraques
, d'avoir entretenu et rmunr excel-
lemment hommes esleuz pour leur doctrine..., remis les aornemens de la Grce en vie et en vigueur, la posie, l'histoire, la philosophie en son royaume . Ces beaux rsultats n'taient dus qu'en partie l'action personnelle du roi et, dans les dix der1.
GaUand, Pet.
Cast... vita, ch.
xxxi. Lettres patentes du mois de mars
1546, galement publies par Baluze,2.
Du
Boulay, Hislor. Universitatis pcerisiensis...,
t.
VI, p. 388.
PIERRE DU CHASTEL, GRAND AUMONIER DE FRANCE.
17
nires annestribu.
du rgne, Du Chastel y avait largement con-
*
du rgne de Franois l^% avait plus intime, ne le quitta pas durant ses derniers jours. 11 nous a laiss un rcit dtaill de ces vnements, rcit assez dpourvu de pittoresque et d'motion, mais qui rvle en lui de la nettet d'esprit et une certainefin
Du
Chastel qui, pendant la
fait partie
de son entourage
le
fermet d'me au milieu de l'motion gnrale.
Ce nepas
fut pas lui qui assista le roi
plus qu'il
ne
l'avait fait jusqu'alors,
en qualit de confesseur, mais il lui servit de pr-
dicateur et de conseiller spirituel. Depuis le
moment o
la
mortIl lui
apparut invitable,geant implorerles
il
resta jour et nuit auprs de lui, l'encoura-
le
secours et la misricorde de Dieu.
expliquait les mystres de la mort pour lui faire dcouvrir,, sous
apparences effroyables qui s'offrent aux sens,la lui
les consola-
tions que la raison fait entrevoir
Cette mort,
il
aux mes pieuses. prsentait comne un bain dlicieux ouen
comme unque parle
banquet. Mais ces rcompenses n'taient accessibles
le repentir; aussi lui remontrait-il ses fautes passes,
pressant de recourir au mdecin de l'me et de les expier conserait
formment aux prceptes de l'Eglise. Le pcheur repentantla
ainsi justifi par le sacrifice de Jsus-Christ et par le mystre de
Rdemption.il
Comme
cette contrition devait s'achever dans
l'humilit,
sut dtacher le roi des sentiments orgueilleux
du
pass en lui montrant les misres de ce sjour ct de la gloirequi l'attendait dans le ciel'.Telles taient les penses qu'il exprimait avec
une gravit de
circonstance, mais aussi avec sa douceur habituelle. Servi parsa facilit de parole,il
fut d'ailleurs d'uneles assistants:
abondance extrme
qui semble avoir frapp
son rudition se dversa
dans de vraies dissertations de philosophie dogmatique, tayes de lectures et de citations. Aprs dix annes passes discourir,il
voyait son auditeur lui chapper avant d'avoir achev ce qu'il
avait dire 2.Galland, Pet. Cast... vita, ch. lvii.
1.
2.
Voir dans
le
premier sermon funbre
les
passages relatifs
la
mort de2
Franois P'.
Rev. Histor. CXXXIV.
l-^-^
FASC.
18
ROGER DOUCET.
Une remarque
est ncessaire
:
Franois
P""
mourut dans
l'ac-
complissement des
rites catholiques;soit
mais
les ides qui furent
exprimes ce moment,
par
lui soit
par
Du
Chastel, sont
des penses chrtiennes qui n'ont rien de spcialement catholique et qu'un protestant n'aurait pas dsavoues.d'ailleurs, aprs avoir attest
Galland,
ment, saintement
et
que Franois P'' mourut pieusechrtiennement , en attribue le mrite,
d'abord Dieu, auteur de tous les biens
puis, immdiate-
ment aprs, la parole de Pierre Du Chastel qui fut l'instrument employ par Dieu pour mettre la bont du roi dans la voie du salut. Ce qui semble bien indiquer que les contemporainsavaient eu quelques doutes sur la parfaite orthodoxie de Franois P""!.
mort le 31 mars et ne devait tre enterr que le deux mois, Du Chastel les passa dans le deuil, don24 mai. Ces nant les marques d'un regret que GaUand nous dit sincre. Il tait inquiet en mme temps, car c'tait un moment critique pour tout l'entourage du feu roi qui, voyant arriver une nouvelle cour, s'attendait des disgrces. Certains d'entre eux
Le
roi tait
s'envolaient
comme
des hirondelles l'approche de l'hiver ,
tandis que les autres essayaient de refaire leur situation en s'in-
sinuant auprs de Henri
II
tenait l'cart de ces intrigues,:
ou de ses favoris. Du Chastel se ne recherchant personne et
vivant dans la retraite il semblait se consacrer exclusivement au culte de son"' ancien matre, prparant les crmonies fujibres, organisant des prires dans les couvents et distribuant des aumnes pour le salut de son me. Il pouvait compter sur les flatteries qu'il avait autrefois adresses ceux qui mainte-
nant taient au pouvoirFranois FranoisP''
:
il
n'avait qu' en attendre les rsultats 2.
fut enterr en
mme tempset
que ses deux
fils,
et Charles,
morts en 1536
1545, dont
les funrailles
solennelles avaient t diffres. Les crmonies, cortges et
services religieux durrent du 21 au
24 mai. Du Chastelet
tait
charg de l'oraison funbre
:
il
en pronona deux. Le 23 mai,dela cour,il fit
Notre-Dame de Paris, en prsence du lgat la partie dplorative consistant dans la la vie et
commmoration de,
mort de feuassistance,
roi .il
Le lendemain, Saint-Denis, devant
la
mme1.
continua par la partie consolatrice
GaUand, Pet.
Cast... vita, ch. lvii.
2. -Id., Ibid., ch. lviii.
PIERRE DU CHASTEL, GRAND ADMONIER DE FRANCE.
19
dans laquelle il montrait les destines de l'me aprs la mort'. Ces sermons firent grande impression sur l'auditoire. Le chevalier Casai crivait le lendemain au pape que l'vesque de Mas-
con a
fait l'oraison
funbre fort doctement et bien propos,les paroles
sauf qu'il n'a pas est bien escout, cause de la grande plainteet pleurs
esmeus par
mesmes duditvesque^le
.
Nous
reviendrons sur cesla
deux sermons pour en examiner
fond et
valeur littraire.
considrer
Ces crmonies acheves, Du Chastel, feignant toujours de comme termine sa carrire d'homme de cour, fit:
connatre ses projets d'avenir
il
avait rsolu de vivre dans la
retraite en se consacrant l'accomplissement de ses fonctions
piscopales^.
m.DuAprsles
Chastel la cour de Henri II.P"",
obsques de Franois
Du Chastel semblait dcid
la retraite^
mais
il
tait
vraisemblable que ses amis combat-
traient cette rsolution. C'est ce qui se produisit. Ils lui repr-
sentrent que sa prsence tait ncessaire auprs de la princesse Marguerite, accable de chagrin, que le nouveau roi n'tait
pas moins bien dispos son gard que
l'tait
son pre et que
son mrite
lui rservait
encore d'autres rcompenses.
Du Chas-
tel rsistait,
en invoquant sa propre douleur et toutes sortes:
d'autres prtextesvait toujours
assurment, la princesse Marguerite pou-
compter sur lui, sur sa correspondance lorsqu'ils seraient spars, sur sa prsence lorsque ses devoirs piscopauxils
Quant au roi, il apprciait sa bienveillance, du mme ge et leurs gots devaient diffrer. Aussi valait-il mieux songer la retraite en se consacrant au salut du troupeau qui lui tait confi. Des dignits, il en avait eu au del de son attente et ne dsirait plus rien. La satitle permettraient.
mais
n'taient point
des richesses tait affaire de raison et ne dpendait pas de leur1.
Voir
le
Trespas, obsques et enteiTement... et les deux sermons funbres,indiques au dbut de cette tude.III,
dont2.
les ditions sont
Lettre du chevalier Casai Paul:
du 25 mai 1547. Publie dans
le
recueil intitul
pUres des princes^
recueillies par Rucelli et traduites par
Belleforest, fol. 151.3.
Galland, Pet. Cast... vita, cb. lviii.
20
ROGER DOCCET.:
abondance
il
possdait du reste le ncessaire puisqu'il avait dei.
quoi obliger ses amis et rcompenser ses serviteurs
Ces propos taient pleins de sagesse.
Mais
le
pass de Pierre
Du
Chastel
comme
la suite
de sa vie nous font encore douter de
sa sincrit.Il
commena parmaisles
se rendre la cour
pour prendre cong du
roi, de la reine et del princesse Marguerite. C'tait le
moment
critique,ls ordres
larmes de celle-ci
et les prires
de la reine,
du
roi triomphrent de sa rsolution. Il
demeura donc,
en affirmant que ce sjour ne serait
que provisoire. du dauphin Franois.
Le
roi dsirait lui confier l'ducation
Du Chastel refusa cette fonction qui fut attribue Pierre Dans et il continua, comme par le pass, de suivre la cour dans sesdplacements 2.
Du
Chastel jouissait donc toujours de la faveur royaleP"".
comme
sous Franois
Henri
II le lui
fit
bien voir l'occasion de
cette retraite simule, puis plus tard encore
en
lui
confrant
dignits et bnfices. Galland l'atteste aussi dans sa prface del'dition de Quintilien:
Tu
possdes aujourd'hui, lui
dit-il,
auprs d'un roi trs avide de science, plus d'autorit et de
faveur que nul autre. Vimercati
le
rpte et renchrit encore
:
Henri a voulu te donner une autorit plus grande encore que celle dont tu jouissais auprs de son pre Fran-
Le
roi
ois!'"'
3.
II
Assurment, Henri
prouvait de la sympathie et peut-tre
mme
Chastel, mais c'en tait fini de au temps du feu roi. Henri II, quoi qu'en dise Galland, n'aimait gure les bonnes lettres et n'avait ni cette avidit de savoir ni ce got de la conversation si dvelopps chez son pre. Du Chastel tait toujours lecteur du roi,cette intimit qui avait exist
de l'admiration pour
Du
maisIl
c'tait
un lecteur qui ne
lisait
plus et qui ne parlait gure.
avait du coup perdu
le prestige qui s'attachait autrefois S'il
son rudition ainsi qu'au charme de sa parole.
assistait
encore
le
plus souvent au djeuner du roi, nous n'y voyonsil
jamais ces petites assembles dans lesquelles
aimait tenir la
premire place,1.
et l'occasion n'existait plus
de ces entretiens du
Galland, Pet. Cast... vita, ch. lviii.Id., Ibid., ch. Lix.
2.3.
plre ddicaloire de Vimercati :
Du
Chastel en tte d'une dition d'Aris-
tote
F. Vicomercati... in octo libros Arislotelis de naturali anscuUatione
covimentarii. Paris, 1550, in-fol.
PIERRE DU CHASTEL, GRAND AUMNIER DE FRANCE.soir
21
o l'vque pouvait donner librement son avis sur toutes
choses.
Aussi, lorsque
Du
Chastel manifestait son dsir de retraite, Car leurs ges et leurs
peut-tre tait-il dtermin par l'ide de ce dsaccord, par ledsir d'viter cette sorte de dchancegoiits taient diffrents. :
De tous
les prtextes
invoqus, celui-l
seul aurait t valable i.
autres
Par contre, Du Chastel semblait toujours assidu auprs des membres de la famille royale presque chaque jour il se:
rendait auprs de la princesse Marguerite et de la reine pours'entretenir avec elles de questions d'art et de littrature'^.Il
continuait aussi d'exercer cette sorte de rgence littraire
qui le faisait comparer par Galland ApoUon, matre du
chur
des muses. Sa tche consistait toujours surveiller les professeurs royaux et choisu* ceux qui seraient chargs de ces ensei-
gnements.
Il s'intressait
mme
plus directement leurs tra-
vaux
:
il
procurait Jacques Goupyl
un manuscrit d'Alexandre
"^ de Tralles et l'engageait en donner une dition
Une
fois,
en 1548,
il
intervint directement en faveur des pro-
fesseurs royaux, lorsque les troubles universitaires du Pr-aux-
Clercs fournirent leurs ennemis
un prtexte pour demander
la
ruine de l'institution^. Tous les adversaires des professeurs^
royaux, tous ceux qui se dfiaient de cet enseignement donn en dehors de l'Universit et contraire aux traditions, les accusaient d'avoir dtruit la religion et les bonnesseillant
murs en con-
au roi de leur retirer cette indpendance qui tait la condition de leurs succs ils proposaient de leur interdire l'enseignement ou, ce qui revenait au mme, de les faire professer dans;
des collges fidles l'ancienne discipline. C'et t
unla
dsastre
auquel1.
Du
Chastel s'opposa rsolument
:
il
dnona
mchan-
Galland, Pet. Cast... vita, ch. lviii.
2. Id., Ibid., ch. lxxii. 3.
iigationes... Paris,
Alexandri Tralliani, medici, libriXII... Jacobi Goupyliin eosdem cas1548, in-fol. C'est Goupyl lui-mme qui nous donne cesl'ptre ddicatoire
renseignements dans4.
de cet ouvrage.
trouve sur ces vnements les dtails les plus prcis dans les Croniques et annales de France... par N. Gilles. dition de 1562-1566, t. II, fol. 162-163, et dans l'Histoire de Paris de Dom Flibien, t. IV, p. 1025. Galland tait d'autant mieux inform de cette affaire qu'il y tait intervenu ds le
On
mois deroyaux
juillet 1548;
l'agitation persistait six
son intervention n'eut d'ailleurs pas grand succs, puisque mois plus tard; mais elle prouve que les professeurs
s'en taient inquits et se croyaient intresss rtablir le calme.
22
ROGER DOCCET.
cet qui inspirait ces tentatives, l'exagration avec laquelle on rendait une institution excellente responsable des fautes de
quelques-uns.des mutins. Or,
Caril
les
lves
des professeurs royaux
amisint-
des bonnes sciences n'taient certainement point au nombreserait contraire la dignit
comme aux
avec ceux des collges universitaires, de les exiler ainsi, eux et leurs auditeurs, dans des tablissements privs destins aux enfants. Ce serait durts des professeurs de les confondre
mme coupmentet
le
bouleversement de ces collges, de leur enseigne-
de leurs vnrables habitudes. Le roi se laissa convaincre
par l'loquence et l'habilet de la plaidoirie qui faisait argmnent de l'intrt mme des plaignants, et les professeurs royaux continurent d'enseignerIl
comme par
le
passe
semble que
Du
Ghastel n'avait pas non plus renonc
l'ide
de renouveler les mthodes d'enseignement par la cra-
tion d'un collge ou de quelque tablissement magnifique.l'dition de Quintilien qu'il lui ddie,
Galland
fait allusion
projet consistant restaurer les disciplines antiques et
Dans un un
mmoire remis par
lui
au
roi
sur ce sujet en 1548. Cet crit,et
remarquable par sa pntration,et la pertetifs
auquel
le roi avait
donn
toute son approbation, ne provoqua aucune
rsolution pratique,
de ce document nous laisse ignorer les dtails rela-
cette tentative encore une fois inefficace^.
Il
s'accommodait d'ailleurs aux circonstances nouvelles enrle nouveau.il
se
mnageant un
Comme
il
avait t des familiers
de Franois
P^
resta le reprsentant des traditions de l'an-
cienne courquente.
et le
protecteur attitr de ceux qui l'avaient fr-
Il sollicitait
pour eux avec plus d'pret que pourdontil
les
pauvres
et les faible^
n'avait jamais
abandonn
le soin.
Ce zle finit par provoquer des plaintes de personnagesmcontents de cette concurrenceles faveurs.et
influents,
de voir accaparer ainsi toutes:
Du
Chastel fut habile se dfendresolliciter
il
demanda
si
jamais on l'avait vu
pour son frre, pour sa famiUe ou ses serviteurs, si jamais on avait lu une requte tendant l'enrichir lui ou les siens. Comme personne ne rpondait pour l'accuser,1.
il
reconnut avoir souvent implor pour des malheureux
Galland, Pet. Cast... vita, ch. xxxiv.
2.
ptre ddicatoire adresse par Galland :
Du
Cbastel en tte de son diargutnentisqxie... Ptri
tion de Quintilien
M. F. Quintiliani...
libri XII...
Gallandii... elucidalL Paris, 1549, in-fol.
PIERRE DU CHASTEL, GRAND ADMONIER DE FRANCE.
23
dignes d'intrt et surtout en faveur des serviteurs du feu roi,
mais jamais pour sondevoir d'agir ainsi.lesIl
avantage personnel.
Il
tait
de son
aurait fallu que le roi apprcit autrement
choses et qu'il se montrt importun de ces procds pour
qu'il se rsignt :
y renoncer. Leil
roi avait cout ce discours
mme expressment la conduite avec bienveillance de Du Ghastel, en attestant son honntet et son dsintresseapprouva
ment qui l'empcheraient de l'intrt public'.
faire quoi
que ce ft de contraire
La
religion semblait tre en plus grande rvrence et surtout
plus troitement pratique que jamais la cour de Henri
IL Du
Ghastel devait subir cette influence, soit qu'il ft arriv l'ge
o ces redoublements de
foi
sont frquents, soit qu'il juget cesil
habitudes conformes aux fonctions dont
tait investi.
Lui qui, auparavant, semblaitzle de ses devoirs sacerdotaux,il
s'tre acquitt
sans excs de
se livra dsormais assidment
aux divers exercices pieux. Il est vrai que la clbration de la messe tait la tche quotidienne du grand aumnier, mais il ne manquait jamais de rciter ses heures. A la recherche de manuscrits profanes avait
succd ceUe des reliques,
et, s'il
russissaitil
en dcouvrir une qui et t rapporte d'Orient, aussitt
la
vnrait avec la plus grande dvotion et conseillait au roi del'acqurir.firenttrait
En 1551, Du Ghastel et le cardinal de Lorraine payer mille cus d'or un marchand grec pour un porde la Vierge peint sur un morceau de la vraie croix. Cettetait,
peinture, qu'on prtendait avoir t faite au temps de l'empe-
reur Constantin,
nous dit-on, extrmement vivante. Assu-
rment,
il
estimait que l'esprance et la foi du chrtien n'ontet
pas besoin d'images,rielles qui
justifier leur confiance.
que le mystre de la Rdemption suffit Mais toutes les reprsentations matd'un culte trs ancien doivent tre
expriment nos yeux la vrit contenue dans un saint
mystre
et qui ont t l'objet
recherches avec zle et traites avec vnration 2.Autrefois,s'tendaitil
protgeait surtout les humanistes. Sa sollicitudeet les captifs.
maintenant sur les plerinsil
En
souvenir
de son propre plerinage,visitei;_les
lieux saints,
ceux qui allaient aux moines qui y demeuraient pour assuportait intrt tous
1.
Galland, Pet. Cast... vita, ch. lxxii.ch. lxvii.
2. Id., Ibid.,
24
ROGER DOnCET.
rer l'exercice du culte et qu'il fallait protger contre les violences
des Turcs. Il leur faisait donner de grosses sommes par le roi, au grand scandale des gens de finance. Il accueillait tous les chrtiens d'Orient venant implorer secours pour racheter ceux des leurs qui avaient t faits prisonniers. Quant aux Turcs eux-
mmes,nequoi,il
s'il lui
arrivait d'en rencontrer,
il
n'avait de repos qu'ilfoi
les et convertis et instruits
dans la
chrtienne; aprs
ne cessait de
les surveiller et leur faisait attribueril
rgu-
lirement des secours. Pendant la guerre,visiter
allait
dans
les
camps
malades
et blesss, se prodiguait
en paroles, en soins de
toutes' sortes, faisait l'aumne, distribuant argent et consola-
tionsIl
.
vivait
au milieu des bndictions, tandis queles manifestations
le roi et toute
la
cour s'merveillaient devant
de cette cha-
un beau spectacle que de voir Du Ghastel accomplir ainsi toutes les uvres de misricorde. Telle tait l'existence qu'il menait habituellement. Au moins une fois, il l'interrompit pour se rendre dans son diocse qu'ilrit. C'tait
en
effet
n'avait pas encore visit.
Le 27 mai 1548, jour deentre solennelle.
la Trinit,
il il
faisait
Mcon sonprcd par
A
la
porte de la viUe,
prta le serment tra-
ditionnel, puis passa par les rues ornes de tapis,
les bourgeois marchant en procession, jusqu' la cathdrale,
la porte
de laquelle
il
s'arrta de nouveau,
pour revtirfaisait
les
insignes piscopaux^.
De Mcon,entre.Il
il
se rendit
Evaux, o,le
le
12 juin,
il
sonle
s'tait arrt
dans
faubourg Saint-Bonnet, oet les religieux
clerg de la paroisseSaint-Pierre, dont
Notre-Dame
de l'abbaj^e de
il
tait prvt,
vinrent sa rencontre.il
Du
Chastel se rendit Saint-Pierre, ol'glise,
fit
le
serment devant
sur les reliques de saint Marien^.il
Peu1.
aprs,
tait
de retour Mcon, o
le
dauphin Fran-
Galland, Pet. Cast... vitn, ch. lxvii.Severt, Chronologia... archiantistitum Lugdunensium..., ch. lxx.
2. J.
La
Gallia Ghristiana reproduit, parfois textuellement, les renseignements donns
par Severt.3.
P. de Cessac, Liste des prvts
du monastre d'vaux. Publie dansde
le
Bul-
letin de la Socit des sciences archologiques
la Creuse, 2 bulletin, 1888.
Nous y trouvons des d'vaux.
dtails
emprunts au Reg. de cath. de la paroisse
PIERRE DU CHASTEL, GRAND ADMNIER DE FRANCE.ois ettel les
25
Marie Stuart faisaient leur entre le 22 juillet. Du Chasreut la porte de la cathdrale o il prcha le lendemainla
en prsence deIl
Dauphine^.
ne s'attarda gure dans son diocse, o il ne devait plus revenir. Nous le retrouvons bientt la cour o de nouvelles le 25 novembre, il tait nomm grand dignits l'attendaient:
aumnier de France en remplacement de Philibert de Coss, vque de Coutances. Henri II, bien qu'il ne lui et fait aucune promesse en 1543, ralisait ainsi les esprances qu'il avait alors provoques 2.
Du
Ghastel
fit
des objections
:
cette charge allait le dtourner
de ses tudes
littraires.
Mais
le roi,
n'en tenant aucun compte,
le contraignit d'accepter 3.
peut douter de cette modestie et supposer que ce refus n'tait que de pure forme. Il en eut toutefois le mrite auprs de ses contemporains, puisque Vimercatile complimente d'avoir reu cette dignit non ambiente, imo vero
On
renuente^
.effet,
Du
Chastel s'appliqua, en
remplir exactement tous
les
devoirs de sa charge, d'aprs des principes qu'il avait conus et auxquels il avait dcid de conformer sa conduite. Nous verronsplus tardIl si
comment
il
y parvint.il
dclarait cependant que sa conscience tait trouble, car
sa charge d'aumnier l'attachait la personne du roi,
avait
dans son diocse d'autres devoirs qu'il lui fallait ngliger. Il implorait en vain la permission de s'y rendre et souhaitait, pour tre dlivr de ses angoisses, qu'une rforme de la disciplineecclsiastique contraignt les vques la rsidence; le roi serait ainsi oblig d'entretenir ses frais ceux dont il exigeraitles services,ils
au
lieu de leur attribuer le bien des
pauvres dontle
jouissaient indment.
mery Du
Ghastel et Galland s'enten:
dirent pour lui suggrer
une solution
c'tait
d'abandonner
1. J.
Severt, Chronologia..., ch. lxx.
2.
Philibert de Coss
mourut
le
24 novembre. La date exacte de la
nomina-
Chastel est indique dans le registre des bnfices la collation du grand aumnier, registre dont nous reparlerons plus loin et dont le titre est reproduit par Du Peyrat, Hist. eccls. de la cour. Paris, 1645, in-fol. p. 382tion de
Du
384.
De Thou commet donc unela dignit
par Franois I" de3. 4.
erreur en disant que de grand aumnier.
Du
Chastel fut pourvu
Galland, Pet. Cast... vita, ch. lx. ptre ddicatoire de Vimercati dans son dition d'Aristote.
26sige de
ROGER DOUCET.
Mcon contre un vch
situ
dans
le
voisinage des
rsidences ro3^ales, ce qui lui permettrait de satisfaire en
mme
temps ses diffrentes obligations ^ Entre temps, l'abbaye d'Auberive, de l'ordre de Clairvaux, sise au diocse de Langres, c'est--dire dans la rgion o DuChastel avait des intrts, tait vacante depuis le 25 avril 1550.Elle lui fut confre sans doute vers la fin de cette
mme anne ~.
Un ande
plus tard, Franois de Faucon, l'ancien comptiteur
Du
Chastel Mcon, qui, en 1550, tait devenu vque d'Orsemblait dispos rsigner son nouveau sige. Cette
lans,
rsidence ne retiendrait paset,
Du
Chastel trop loign de
la
cour
ce qui ne gtait rien, le sige tait honorable. Par leurs ins-
tances, les amis de
Du
Chastel le dcidrent ngocier
un
change, dans lequel on dut surtout tenir compte des revenusdes bnfices:
il
recevait l'vch d'Orlans contre celui de
Mcon et l'abbaye de Belleperche^. Nous ignorons la date exacte de ce1551,il
transfert
:
le
12 dcembre
tait
encore vque de Mcon, o son vicaire gnral
confrait en son
nom une
cure^. D'autre part, aprs avoir obtenuil
sa bulle de nomination Orlans,
eut encore le temps de
sjourner pendant environ trois semaines dans son diocse
avant sa mort, survenueIl lui fut
le
3 fvrier 1552.
On
doit
donc rap-
porter sa nomination au mois de dcembre 1551.
d'aiUeurs malais de se faire dlivrer cette bulle
:
redit de Fontainebleau, du 9 septembre 1551, interdisait de sor-
mtaux prcieux du royaume, et cela prcisment pour empcher les payements faits au trsor pontifical. Mais Du Chastir les
tel se faisait
scrupule d'tre investi seulement, par l'autorit
laque.
Il
obtint du roi, par faveur exceptionnelle, l'autorisationlui fut
de solliciter rgulirement la bulle pontificale, qui
octroye
moyennant 4,000 cus d'or environ,
et l'arrive
de cette
sommeles
remplit de joie les banquiers en cour de
Rome
ainsi
que tous
cardinaux qui voyaient dans cet vnement l'indice d'un chan-
gement dans
la politique royale^.
Du1.
Chastel tait ainsi bien pourvu de dignits et de bnfices
Galland, Pet. Cast... vita, ch. lxxv.
2.3.
Gallia Christiana,Ibid.,t.
t.
IV, p. 836.
VIII.l'acte
4.
Le texte de
de collation est cit par
J.
Severt,
Clironologia...,
ch. LXX.5.
Galland, Pet. Cast... vita, ch. lxxvi.
FIEREE DU CHASTEL, GRAND AOMNIER DE FRANCE.:
27
sur la fin de sa carrire la charge de grand aumnier de France, un vch, celui d'Orlans, trois abbayes Auberive, Hautvillers et vaux, et peut-tre encore un canonicat de la Sainte-Chapelle.:
Il
avait, dit-on, d'autres ambitions
:
les
rformateurs
et
Robert
Estienne, en particulier, lui supposaient V esprance de gai-
gner ung chappeau de cardinal GaUand accuse de malveillance ceux qui interprtaient ainsi la conduite de son ami et ses com'.
plaisances envers l'Eglise romaine.la
Il est
pourtant certain quela
mort arrta prmaturment Du Chastel sur
route qui le
conduisait au cardinalat.
Ce cumul de bnfices tait parfois svrement apprci. Il un jour Du Chastel d'tre pris partie devant une nombreuse assistance par Franois de La Rochepot, frre du conntable de Montmorency. Celui-ci l'accusait de reprocher aux autres ce cumul qu'il pratiquait lui-mme contrairement au devoir, et de ne point abandonner ses bnfices, s'en rservant un seul qu'il administrerait en personne. Du Chastel se justifia avec abondance et non sans prsence d'esprit. Il avouait qu'il serait plus rgulier que tous les dignitaires de l'glise accomarrivaplissent les fonctions attaches leurs bnfices.
Mais
le
cumul,
dont
la
pratique de la
commenden'tait
tait la
consquence, n'tait ni
interdit par le pape, ni contraire l'esprit de la religion.lors, le
Ds
commendataires'il
coupable que
s'il
donnait vicariat
un incapable,s'il
dtournait les revenus de leur usage lgitime
ou
profitait de cette tolrance
pour satisfaire ses vices. Maisle
encore, tait-ce une affaire de conscience dont Dieu seul pourrait lui
demander compte. Les hommes d'glise ont
devoir de
consacrer des aumnes une bonne part de leurs revenus, mais
aucune puissance humaine ne pourrait les contraindre restisommes mal employes, car l'intention des fondateurs avait t de leur confier l'exercice du culte, sans soumettre leur administration aucun contrle. S'il convenait d'appliquertuer lesd'autres principes,il
faudrait
commencer par
les hpitaux,
dont
la condition tait toute diffrente,
car leurs ressources taient
destines
aux pauvres
et
aux malades. Rien ne devait en revenir
aux administrateurs eux-mmes, et ceux qui les dtournent deleur emploi peuvent tra contraints les restituer et privs de leur administration. Ces fonctions doivent tre temporaires et
soumises des redditions de comptes. Pour sa part.1.
Du
Chastel
R. Estienne, les Censures des thologiens.
28souliaitait
ROGER DOUCET.
que
le
cumul des bnficesIl se
et l'usage
de la
commende
lussent interdits.dcision.Il
soumettrait volontiers lui-mme cette
parat que le seigneur defit
LaRochepot, convaincu par
cette
argumentation,
des excuses
Du
Chastel'.
Nous n'avons pas Chastel.Il suffit
porter de jugement sur la conduite de
Du
d'en rechercher et d'en examiner les motifs.
Or,
si
nous examinons ses actes, nous sommes souvent amens
douter de la sincrit des sentiments qu'il manifestait. Etait-il sincre, en 1547, dans ses projets de retraite, lui qui, jus-
vue de se mnager sa situation auprs du nouveau roi? L'tait-il davantage en refusant la charge de grand aumnier, sur laquelle il pouvait compter depuis cinq ans et qu'il finit du reste par accepter? L'tait-il encore, lorsque, pourqu'alors, avait agi en
obtenir
un nouvel vch,
il
cience, alors que depuis dix annesses fonctions piscopales?Il
invoquait ses scrupules de consil s'tait si peu souci de
serait peut-tre
une conclusion de ces rapprochements,indispensable de faire.
qu'il tait
imprudent de tirer cependant
Avec
le
nouveau rgne. Du Chastel changea
d'attitude dans
les questions religieuses. Alors que, sous
Franois P"", il avait tmoign une relle indulgence aux rformateurs, sans rien abandonner toutefois de son orthodoxie, il devint par la suite
rigoureusement conservateur. Galland s'efforce bien de nous montrer la parfaite unit de sa conduite, mais sans jamais discuter les griefs prcis que sesadversaires formulaient contreaffaires qui ontlui. Il
ne parle pas
mme
des
motiv ces accusations, comme s'il trouvait plus facile de s'en tenir aux gnralits que de discuter ces accusations en dtail pour mieux justifier Du Chastel. Histoire ecclCes adversaires n'hsitent pas l'accuser.
V
siastique de Thodore de Bze et Robert Estienne
nous
le
montrent perscutant ceux qu'il excusait auparavant. Henri Estienne, avec plus de pittoresque, nous dit qu' il retourna sa robbe au rgne du roy Henri deuxime de ce nom (pour tantqu'il
voyoit que ceux qui faisoyent profession de l'vangile
1.
Galland, Pet. Cusl... vila, ch. lxx.
PIERRE DU CHASTEL, GRAND ADMNTER DE FRANCE.
29
n'avoyent pas du bon alors en la cour), voire la retourna tellement qu'on n'y recongnoissoit plus rien* . Il est vrai que ces tmoignages sont influencs par l'affaire de Robert Estienne et que la rancune peut provoquer ici
quelque exagration, mais aussi le changement d'attitude de Du Chastel fut assez net pour entraner notre conviction. Il lui tait d'ailleurs bien difficile de maintenir les principes de conduite qu'il avait adopts sous Franois P% alors quela
politique royale s'affirmait par la cration de lal'dit
Chambre
deChteaubriant. Henri II n'avait pas non Ardente et par plus pour les rformateurs ces indulgences personnelles capablesde faire flchir les principes. Cette politique tait voulue par des
personnages plus puissants que
Du
Chastel, et celui-ci, pour
conserver quelque apparence d'autorit, ne pouvait faire autre-
ment que de
s'y conformer.
A l'avnement de Henri II, l'affaire de Robert Estienne n'avaitvoulait lui imposer, ne
pas reu de solution. La Sorbonne, oppose au compromis qu'on communiquait pas le texte de ses censures et laissait sans rponse la dernire lettre de Du Chastel. Ce dernier cessa d'ailleurs d'tre l'unique interprte de la
volont royale. Ce rle chut Montmorency, si bien que Du Chastel n'intervint plus que d'une faon discrte. C'tait pourlui
un avertissement quiHenriII,
l'incitait
la prudence.
tout d'abord, voulut imposer la solution laquelle
s'tait arrt
Franois
P""
:
dans
les lettres patentes
1547,
il
constatait que les docteurs n'avaient pas tenu
du 16 aot grand
compte , sur le. moment, des ordres de Franois P% et encores moins en auroyent tenu compte depuis le trespas de celui-ci . Un huissier irait leur ordonner d'achever sans dlai l'examen de la Bible et de remettre Estienne leurs notes, censures ou corrections pour les imprimer en leur nom, mettre en devant ouderrire desdictes Bibles , etles ajourner il
devait, en cas de refusle
ou
dlai,
comparatre devant Les thologiens, qui n'avaient pas coutume de rsister franchement, promirent qu'ils remettraient la Toussaint le texte
Conseil priv.
de leurs censures 2.
Le 14
octobre.
Montmorency
leur crivait encore pour les
presser, en leur rappelant la volont1.
du
roi qui avait hte d'en
2.
H. Estienne, Apologie pour Hrodote, ch. xxvi. R. Estienne, les Censures des thologiens.
30finir et
ROGER DOUCET.
son intention de soumettre leurs censures certains.
personnages*
Mais, au jour
dit,
ils
prsentrent seulement
une requte pour
faire interdire la
vente des Bibles, qui taientChastel la fausset de cette
entaches d'hrsie et sacramentaires.
Estienne dmontra au roi et accusation 2.
Du
Le
roi,
comprenant que
le
mauvais vouloir des thologiens
l'empcherait d'aboutir, dcida de se passer d'eux et se contenta d'en faire comparatre dix, en
mme temps que Robertle
Estienne, devant le Conseiltable deet
troit,
auquel assistaientfirent
conn-
Montmorency,
le
chancelier, ainsi que tous les vques
cardinaux prsents
la cour.
Les thologiens
un expos
motiv des erreurs contenues dans la Bible. Estienne y rpondit,et le Conseil,
sans juger la question au fond, se contenta d'mettre:
une dcision de principe le droit de censure appartenait exclusivement aux vques et dfense tait faite la Facult de thologie de se l'arroger'^.
Les vques auxquels furent remistel,
les textes
censurs esti-
mrent, conformment l'opinion dj exprime par
Du Chas-
que tous taient orthodoxes, sauf cinq ou six qui paraissaient
douteux. Les thologiens objectrent alors qu'il existait d'autrespropositions suspectes en plus de celles qu'ils avaient dj signales
au Conseil priv.le roi leur ordonna d'indiquer cette nouvelle srie donna commission au Conseil pour se faire rendre
L-dessus,d'erreurs et
compte du rsultat^. Mais le roi se dfiait fortement de son imprimeur. Les thologiens insistaient de leur ct pour obtenir contre lui des mesures de rigueur.^ Ils voulaient lui faire intenter un procs d'hrsie en le dfrant la Cliambre Ardente. Il semble bien que le roi1.
Lettre de
Montmorency aux docteurs de
la
Facult de thologie, du 14 oc-
tobre 1547 (Arch. nat.,2.3.
M 71).11
R. Estienne, les Censures des thologiens.R. Estienne, les Censures des thologiens. Cette dcision est d'ailleurs
contredite par ledit de Fontainebleau du
dcembre 1547 qui
interdit l'im-
pression et la vente de tous les livres concernant l'criture sainte qui n'auraient pas t
examins par
la
Facult de thologie de Paris. Le rcita-t-il
fait
par
Estienne est-il inexact?
Ou
bien le roi
tranch la question contrairement
l'avis exprim au Conseil?
Dans
prise par Henri II donnait gain de cause4.
Commission du
roi
deux cas, nous concluons que la dcision aux thologiens. Messieurs de son Conseil )),du 3 mai 1548 (Arch.les
nat.,
M 71).
PIERRE
fiO
CHASTEL, GRAND AUMONIER DE FRANCE.:
31
fut prs de cder
il
aurait
mme
crit
aux
conseillers de
cette Chambre pour leur prescrire d'entendre les reprsentants de la Facult, puisque ceux-ci rendent compte Montmorency des difficults souleves au Parlement, en le priant de faire
donner aux juges
les
pouvoirs ncessaires^.
La
suite de l'affaire
nous chappe,
et
nous ignorons
les
causes
pour lesquelles la Chambre Ardente ne la poursuivit point. Elle n'en tait pas moins perdue pour Estienne dans l'esprit de Henri IIqui, le
25 novembre 1548,
crivait la Facult de thologieet
qu'il acceptait la dcision
de l'assemble des docteurssi
qu'on
devrait inscrire la Bible parmi les ouvrages rprouvs
quelque
erreur y tait dcouverte par eux 2. Estienne, considrant sa cause comme perdue, se rendit
Lyon auprs de Henri
II
pour voir
Du
Chastel et lui demander
de s'enqurir des intentions du roi, tout en laissant comprendre qu'il se verrait sans doute contraint de sortir du royaume-^.Chastel se chargea sans plaisir de cette mission. Le roi lui dclara qu'Estienne tait plus dangereux qu'aucun autre hrtique et qu'il avait, pour cette raison, consenti la suppres-
Du
sion des Bibles. Du Chastel lui fit part des apprhensions d'Estienne et de l'animosit des thologiens qui poursuivaient leurs victimes jusqu' la mort. Le roi rpondit qu'Estienne aurait tort
de s'exiler, parce qu'ill'avenir.
lui
suffirait
de se montrer prudent
Peut-tre le roi
s'tait-il laiss
influencer par
Du
Chastel.
Toujours
est-il
que
l'interdiction de la Bible
nele
fut pas publie
1.
R. Estienne nous dit que les thologiens veulent
faire juger par la
Cela semblerait ressortir galement d'une correspondance pleine de sous-entendus change entre Montmorency et les thologiens Montmorency avait reu un envoy de la Sorbonne, Estienne Rufiy, charg d'une
Chambre Ardente.
:
mission mystrieuse. Le
roi,
consult, avait
donn son assentiment
(lettre
de
71). Les Facult de thologie, du 2 mai 1548. Arch. nat., thologiens, dans leur rponse, parlent trs nettement d'une dcision du roi qui aurait renvoy l'afTaire devant la Chambre Ardente (lettre de la Facult dte
Montmorency
la
M
thologie
mme ocontre2.
Montmorency, du II mai 1548. Arch. nat., M 71), et cela au moment roi donnait commission son Conseil. Henri II et Montmorency semblent avoir voulu perdre Estiennne, mais sans agir franchementle lui.
Lettre du roi la Facult de thologie, du 25
novembre 1548 (Arch.les
nat.,
M 72).3.
La On de
cette affaire nous est conte par R, Estienne
:
Censures des
thologiens.
.
32et
ROGER DOUCET.
qu'Estienne obtint des lettres interdisant de l'inquiter ce
sujet,
en rservant au roi toute dcision dans cettesemblait ainsi
affaire.
Tout
termin, et les thologiens, nous dit
Estienne, devindrent plus muets que poissons . Mais Estienne, ngligeant les conseils de prudence, profita
de sa victoire pour imprimer
le texte
grec du Nouveau Testa-
ment. Cette
fois,
Du
Chastel, qui connaissait les sentiments du
roi, n'tait plus
dispos le soutenir.il
apporta son dition,
le
Le jour o Estienne lui aigrement de ne point l'avoir tansa
soumise l'examen de la Facult, et l'accusa d'tre un orgueilleux. Estienne rpliqua que les thologiens ignoraient le grec de et qu'ils avaient dj voulu lui faire changer un passagesaint Paul.
Mais Du Chastel
le
blma de nouveau, car
il
y
avait
diversit de
lecture sur ce dernier passage, et c'est
en vain
qu'Estienne rpondit que son texte tait conforme tous lesautres.
Ds lors, Du Chastel abandonna compltement Estienne, si nous nous en rapportons au tmoignage de celui-ci Comme estant agit de je ne sais quelle fureur, il baille en proye aux thologiens celui qu'il avoit maintenu contre telles furies par une instinction de Dieu, plustt que d'affection pure et syncre.:
C'estoit
en esprance de gaigner ung chappeau de cardinal qu'il
s'addonnoit ainsi servilement eulx et sans raison, car il les hayoit fort. Il aurait mme charg son Gallandius de leurdire qu'il s'tait
tromp sur
le
compte d'Estienne, en
les priant
d'aviser sur ce qu'il
convenait de faire pour ce Nouveau Testa-
ment
^
Galland, qui tait
li
avec Estienne,
l'en avisa, lui conseillant
d'aller s'entendre avec les thologiens. Estienne leur prsenta un exemplaire du Nouveau Testament qui fut remis l'un d'entre
eux pour
tre examin. Puis la Facult s'assembla
pour entendre
son rapport en prsence de l'imprimeur. Le doyen Le Clerc, aprs avoir expos les griefs de la Facult, conclut qu'elle ne devait rien approuver de ses uvres, et en particulier ce Nou-
veau Testament imprim sans autorisation. La Facult dcida d'en empcher la vente, mais sans vouloir communiquer le textede sa sentence.l'affaire Celte intervention de Galland montre bien que, s'il insiste peu sur ce n'est pas faute de s'y tre intress, mais plutt cause de la d'Estienne,1.
difficult
de
justifier
pleinement
Du
Chastel.
PIERRE DU CHASTEL, GRAND AUMONIER DE FRANCE.
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roi son
Le lendemain, Estienne se rendait la cour pour offrir au Nouveau Testament en prsence des cardinaux et des
princes.
Du
Chastel, ayant appais la chaleur de son ire, fut
addoulci, d'aultant qu'il luy estoit grief que je fusse ainsi opprim
par
la
venimeuse cruault de ces gens-cile
et
que je pensoye
d'abandonner
pas . Estienne discuta cinq points o les tho-
logiens avaient fait erreur.les dcisions de la
Du
Chastel exposa ensuite au roi
Facult qui scandalisrent les assistants.
Estienne mit donc en vente son Nouveau Testament, malgrla
mauvaise humeur des thologiensil
;
mais
il
avait pris la rso-
lution de ne rien publier l'avenir sans
le
leur avoir
commu-
niqu. D'ailleurs,dit-il, qu'ils
jugea plus prudent de quitter Paris, parce,
bayoyent de grand apptit aprs mon sang . Du Chastel, dans tout cela, ne fut peut-tre pas aussi gravement coupable que nous le dit Estien