Résumé de l’Acte VI -...
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Résumédel’ActeVI:
Aprèsavoirtraversélepays,KatparvientàconvaincreAndrewdelaforcedeleurrelation.Enéchange,elleconsentàaccepterlesmesuresdesécuritédrastiquesqu’illuiimpose.DeretouràNewYorkpour lemariage deLynne,Kat assemble finalement les pièces du puzzle et comprend à quelpointsonhistoireavecAndrewestmenacée.Pireencore,elledécouvrequeDanielestàl’originedelamortd’Eleanoretdesmultiplesintimidationsqu’Andrewetellesubissent.SomméeparGregoryderesterdanssonappartement,soussaprotection,elleestsurpriseparunevoixfamilièreàsaporte…
CHAPITRE28
Je soupirai de soulagement, et les coups reprirent, frappés à intervalles réguliers. Je reposaimoncouteauetdégageailachaisequibloquaitlaporte.
–Ouvre,bonsang!Gregorym’aditquetuétaisici!râla-t-il.J’ouvris la porte, découvrant Andrew, les traits tirés et le teint pâle, devant moi. Les poings
appuyéssurlechambranle,sonregardsombremefixaitetunenouvelleformedepanique,decrainteirrationnelle,megagna.
–Jecroisquetumedoisunesérieuseexplication,grogna-t-ilenfranchissantleseuil.Trèsvite,ils’arrêta,constatantlesdégâtsdansmonappartement.Puis,toujoursaussiencolère,
il saisitmamainetme traînavers l’extérieur. Je trébuchai, le suivant avecdifficulté alorsqu’il sedirigeaitversl’ascenseur.
–Andrew!criai-jeententantdemedégagerdesapoigne.Andrew,s’ilteplaît!–Tumeparlesmaintenant?–Cen’estpascequetucrois…–Trèsbien,tuvasavoirtoutleloisirdet’expliqueràl’hôtel.Ilmepoussadansl’ascenseuret,dansunsilencepesant,nousgagnâmeslerez-de-chaussée.Danslehalldelarésidence,Andrewtournasonvisageversmoipourprendremamain.Ilnous
dirigeaversunedesvoituresdel’hôteletm’ouvritlaportière.Jeleremerciaidansunmurmureavantdem’installersurlabanquette.Letrajetsefitdansunsilencetenduetangoissant.Nosmainsétaientprochesl’unedel’autre,maisl’idéedeletouchermefaisaitpeur.
Devantsonvisage tournévers lavitre, jerésistaisà l’enviedemeconfondreenexcusesetenexplications.Ce n’était pas le lieu, et nous avions besoin d’être seuls. Il était déjà dans une colèrenoire,jeredoutaisd’autantplusleflotd’informationsqu’ildevraitencaisser.
Aussi, quand la porte de la suite claqua derrière nous, je restai silencieuse, tête baissée,regrettantcommejamaisd’avoirchoisideluimentir.
–Trente-sixheures!hurla-t-il.Trente-sixheures!Sais-tuàquelpointjemesuisinquiété?–Andrew…–Non ! Je veux que tume dises ce qu’il se passe…Parce que j’ai encore le souvenir de ta
superbetiradeàSanFrancisco.Celleoùtudisaisquetum’aimaisetquetun’abandonnaispas!Contrite,jem’installaisurlecanapé.Denouveau,jebaissailatête,triturantnerveusementmes
mains.–As-tuaumoinsreçumesfleurs?demanda-t-iltoujoursenrage.–Oui.Merci,murmurai-je.
–«Merci»?Toutcequetutrouvesàmedire,c’est«merci»?Enmêmetemps,peut-êtrequejenedevraispasenêtreétonné!
Dans un pas vif, il se dirigea vers sa chambre et réapparut quelques secondes plus tard, despapiersentrelesmains.Illesjetaprèsdemoietrepritsapositioninitiale,loin,maistoujoursenfacede moi. Surprise, je posai les mains sur les documents, avant de comprendre qu’il s’agissait dephotos.
Daniel et moi au restaurant, et Daniel et moi à la sortie du restaurant, à l’instant où ilm’étreignait.Jesentisleslarmesbordermesyeuxetmelevaiprécipitammentducanapé.
–Uneâmecharitableacrubondem’informerdetessoirées!–Andrew…cen’estpas…vraimentpas…–Cen’est pas ce que je crois ?Très originale comme réplique !De ta part, jem’attendais à
mieux!–Ilfautquetumecroies!Jamais,jamaisjeneteferaisça!–Alors dis-moi ce que tu faisais avec lui pendant que je cherchais à te parler juste quelques
minutes!cria-t-ilavecuneviolencequejeneluiconnaissaispas.Montéléphonevibradansmapoche.Jelesortis,lesmainstremblantes.QuandAndrewconstata
qu’ilnes’agissaitpasduportablequ’ilm’avaitenvoyé,sonregardsefitencoreplusdur.Il venait de découvrir mon premier mensonge, sûrement le plus petit, et son visage était
effrayant.–Tum’asmenti?exhala-t-il,stupéfait.–Cen’estpascequetucrois,murmurai-jedenouveauenéteignantmontéléphone.–Tuterépètes,remarqua-t-ilavecsarcasme.Àvraidire,jenesaispluscequejedoiscroire!–Jevaist’expliquer.Mais,s’ilteplaît,calme-toi.Tumefaispeur,avouai-je.–Jetefaispeur?Kathleen,cequeturessensactuellementestsûrementàdesannées-lumièrede
cequej’airessentihieretcettenuit!–Jenetetrompepas!criai-jeàmontour.–Alors dis-moi !Dis-moi pourquoi tu as rejeté tousmes appels !Dis-moi pourquoi tu n’as
réponduàaucundemesmessages!Jerestaismuette,cherchantàorganisermespensées.Andrewenprofitapourrevenirversmoiet
sesaisirdel’unedesphotosaccusatrices.– Et dis-moi aussi ce que tu faisais avec ce type ! Parce que je ne sais pas ce qui est pire,
apprendrequetusorsavecunautre,ouimaginerlepireàtonsujet!s’époumona-t-il.–Cen’estpascequejevoulais,jecherchaisjusteàteprotéger.–Meprotégerdequoi?Detouteslesidéesmorbidesquej’aieues?J’aiimaginélepireàton
sujet!Jet’aicruemorte!hurla-t-ildenouveau.As-tuseulementidéedecequej’aipuressentir?–Jesuisdésolée,murmurai-je.–Etcematin, j’aireçuça!Alors,oui, jedoisadmettrequ’unepartiedemoiétaitsoulagée…
L’autreétaitjuste…déçue.Lesouvenirdesonmessaged’hier,mefaisantpartdesadéception,merevintentête.Àvouloir
protégerAndrew,jen’avaisfaitquel’inquiéter,provoquantunevaguedefureurquim’effrayaitmaisquejecomprenais.Jemelevaietmepostaifaceàlui,arrêtantsesalléesetvenues.Sonregard,perduettriste,senoyadanslemien.
–Jenevoulaispastedécevoir,murmurai-je.–Alorspourquoimementir ?Tum’asmenti au sujetde ton téléphone…Etmaintenant, je te
retrouveavecunautrehomme.
Ilsemblaitdévasté,ravagérienqu’àl’idéequej’aiepuletrahiravecunautrehomme.N’avait-ilpascomprisqu’ilétaitleseuldansmavie?Jeposaimamainsursajoue,leforçantàmeregarder.Jesoupirailourdement,etplantaimonregarddanslesien.
–Jevaistoutt’expliquer,maisilfautquetumecroies.–Jeneveuxplusjamaisressentirça,Kathleen.Plusjamais.–Jesuisdésolée,chuchotai-jeenappuyantmonfrontcontresontorse.Son cœur frappait et je posai ma main à sa hauteur. Doucement, le rythme ralentit et je
m’autorisaiàrespirersonparfum.–Jet’aime,murmurai-je,soulagéedenepasêtrerejetée.Andrewnemetouchaitpas,etjesavaisqu’ilneleferaitpastantquelacolèreledominerait.Je
medétachaideluietilfronçalessourcils,passatisfaitdemesentirloindelui.–Jevoulaisteprotéger.Jenevoulaispastemêleràça.–Memêleràquoi?–Allonsnousasseoir.Sansattendresonavis,jeprissamainetl’attiraiavecmoi,surlecanapé.Ilmefixaintensément,
unelueurdecolèrepersistantedanssonregard.–Quandjesuisalléedanstabibliothèque,leweek-enddernier,j’aiouvertquelqueslivreset,par
hasard,jesuistombéesurunephotod’Eleanor.Levisaged’Andrewseliquéfiasousmesyeux.Jesavaisquetoutluidireallaitêtrecompliqué,
maisdevoirfairefaceàsesréactionsétaitencoreplusdur.Ilpassaunemainsursonvisage,soupirantlourdement.
–Enquoiest-cequecelaexpliquetoncomportement?–Surcettephoto,elleétaitaccompagnéedesonamant,complétai-je.Ilselevaducanapéetrepritsaplaceinitiale,loindemoi.–Jesais…Jesaisquecettehistoireestdouloureusepourtoi,maisc’étaitlehasard.J’aivoulu
t’enparler,maisjenevoulaispastefairedemal.–Tunevoulaispas?Donctut’esditquetuallaisdisparaîtreenemportantleplusloinpossible
tonsecret?–C’étaitDaniel,murmurai-je.L’amantd’Eleanor,c’était…Daniel.Je relevai lesyeuxvers lui,découvrantAndrewplusstupéfaitque jamais.Lesoufflecoupé, il
semblait assimiler lentement l’information. Je l’observai, espérant obtenir une réaction plus vive,maisseullesilencerégnaitdanslapièce.
–J’imagineàquelpointtudoisêtresurpris.– « Surpris » ? Tu es vraiment loin du compte ! Je n’arrive pas à croire que c’était ce petit
enfoiré.Etc’estpourparlerdemafemmequetuasdînéaveclui?–Non!Biensûrquenon!Pourquoidis-tuça?–Kathleen,tun’aspascessédemeparlerd’elle!J’encaissai de nouveau pendant qu’Andrewme fixait comme si j’étais une parfaite inconnue,
commesiriennenousliaitplusl’unàl’autre.–C’estvrai,admis-je.J’aiétécurieuse.Jevoulaissavoir…Jenecomprenaispaspourquoielle
t’avaittrompé.–Jemefichedesavoirpourquoi.J’avais tiréun traitsurcettehistoire,grâceà toienpartie !
Pourquoi avoir dîné avec lui ? Bon sang, il t’a touchée ! cria-t-il en désignant les photos d’unmouvementdebras.
–Andrew…
–Non!Écoute-moi.Jet’avaisprévenuequejen’appréciaispaslemensonge.Jepensaisquetuétaisdifférente,etdifférented’ellesurtout.Nonseulementtumemens,maisenplus…tusorsaveclui?
–Jenesorspasaveclui!m’écriai-je.–Alorsquoi?Iltesautedèsquej’ailedostourné?Sa dernière remarque me tordit l’estomac. Non seulement j’avais ruiné ma relation avec
Andrew,maisj’avaisaussi,visiblement,perdudesaconfiance.–Jenesuispaselle!assénai-je.–Tuenprendslechemin.Sonregardglacémebrisalecœur,aussijedécidaid’allerdirectementàlaconclusion,espérant
ainsiattirersonattention:–Jepensequ’ilavoulutetuer,soufflai-jeavecuncertainsoulagement.–Metuer?s’exclama-t-il.Metuer?Kathleen,jecroisquetu…–Non!criai-jeàmontour.Jenesuisnifollenientraindetementir,bégayai-je, légèrement
hystérique.Andrewmefixaétrangement,presqueeffrayédemaréactionextrême,puisvints’asseoirprès
demoi.L’adrénalineetlapaniquesedisputaientenmoi,etj’avaislesnerfsàvif.– Je crois queDaniel est à l’origine desmenaces que tu reçois. Je pense que c’est lui qui a
agresséMeghan.Andrew secoua la tête et, au moment où j’allais poursuivre mon explication, son téléphone
sonna.Ilfixal’écranetmeregardaensuiteavantderépondre:–Elleestavecmoi,Nathan.OK…Signaturevendredisoir,biennoté.Denouveau,ilmejetaunregard,etsesmâchoiresseserrèrent.–DisàEmilyquejenesuispasdisponiblejusqu’àlafindelasemaine.Oui,qu’elleannuletous
mesrendez-voussurSanFrancisco.Jevaisresterici,finit-ilavantderaccrocher.Ilcoupasontéléphoneetleposasurlatablebasse.Ilyeutunsilencetendu,durantlequelilse
pinçal’arêtedunez,semblantréfléchircalmementàcequejevenaisdeluidire.–DoncDanielaagresséMeghan?–Ilavaitaccèsàl’hôtel,accèsàtes«informationsclients».Personnenesavaitoùtuétais,mais
lesplanningstransmispartonassistantesontdanstondossier,àlaconciergerie.Andrew se releva et recommença à arpenter la pièce. Je devinais lesmuscles tendus sous sa
chemise,etcomprisqueleflotderévélationsétaitentraindelesubmerger.–L’amantdemafemme?répéta-t-il.L’amantdemafemmechercheàmetuer?murmura-t-il
pourlui.–Jecrois.Enfait,jepenseaussiquel’accidentd’Eleanorn’étaitpasvraimentunaccident.Andrewsetournavivementversmoi,partagéentrecolèreetahurissement.Ilmefixaitcommesi
j’étaisentraindemetransformerenmonstresoussesyeux,etjemesentissoudainementmalàl’aise.Jeregrettaisdeplusenplusmadécisiondeluiavoircachélavérité.
–Eleanoraeuunaccident,affirma-t-ilavecforce.C’est…Çanepeutpasêtreautrechose.–Andrew…–Non!Eleanorestmorteparcequ’elleroulaittropvite!–Parcequ’elletequittait,finis-jepourlui.Sonregards’assombrit,etilsecontentad’acquiescer:
–Jel’aicomprisenrentrantcheznous…Elleavaitpriscertainesdesesaffaires.Maisjenevoispaspourquoitupensesqu’ils’agitd’autrechosequed’unsimpleaccident…Ilyavaitduverglaset…
–Lespneusdelavoitureétaientlisses.Lespneusde«ta»voiture,précisai-je.–C’estimpossible,mecoupa-t-ilaveccolère.Lavoituresortaitdugarage!–Tongaragehabituel?demandai-jepourvérifiermathéorie.–Oui,pourquoi?– Le père de Daniel gère ce garage. Je l’ai vu quand je suis allée récupérer ta voiture avec
Nathan.–Tutetrompes!–Non,murmurai-je,étonnéedesaréactionsidéfinitive.–Si.J’aimoi-mêmerécupérélavoiture,elleétaitenparfaitétat.Tutetrompes,répéta-t-il.Nousrestâmessilencieux.Andrewreplongeaitdanslesvieuxdémonsqu’ilavaitcherchéàfuir.
Il secouait la tête, rassemblant et recoupant les bribes d’informations que je lui donnais avec sespropressouvenirs.
–EtpourquoiDaniel?–Iltedéteste,iltehaitmême.C’estpresque…maladifchezlui.–Aupointdevouloirmamort?Voyons,Kathleen,soupira-t-ilensedirigeantverslafenêtre.–Andrew…–Çan’apasdesens!cria-t-ilenmefaisantfacependantquejemelevaisàmontour.–Tucroisquejen’aipasenvisagétouteslespossibilités?m’écriai-je.Tupensesquej’aurais
décidédet’éloignerdemoipourunesimpleidéeenl’air!–Tut’eséloignéedemoipourallerdîneraveccetype!hurla-t-il.–Pourlefaireparler!corrigeai-jeavecrage.Parcequejenevoulaisplusqu’iltefassedumal!–Aurisquedetavie?Séparés seulement de quelques pas, essoufflés et en colère, nous nous toisâmes longuement.
Andrewavaitvisiblementdumalàlecroire.Jenesavaispluscequilemettaitvraimentencolère:moi,Eleanor,oulafoliefurieusedeDanielpeut-être.
–Pourquoirefuses-tudemecroire?demandai-jepluscalmement.–Parcequec’est impossible,Kathleen!Lespneusétaientneufs…D’ailleurs,commentsais-tu
qu’ilsétaientlisses?–Parunamidemonpère.Ilavulavoiture.Andrew,jesuisdésolée,maisplusj’ypense,moins
jevoisd’autresexplications.Andrewseservitunverredescotchpendantque,crispée,jelefixaisenattendantuneréactionde
sapart.Quelquepart,j’espéraisquerépéterencoreetencorecequejesavaisfiniraitparmeservir.De toutes lessituationsque j’avais imaginées, jen’avais jamaissongéqu’Andrewrefuseraitdemecroire.Lacolère,larage,ladéception…ça,oui.Maisqu’ilrefused’admettremathéoriemerendaitfolle.
–Tuterendscomptequetuasrisquétavie?dit-ild’unevoixaffreusementcalme.–Nousétionsdansunlieupublic.Gregoryétaitlà,medéfendis-jedoucement.Ilsetournaversmoietjevislasouffranceetlapeinesepeindresursonvisage.–Touslesappelsquej’aipassés,tousmesmessages…J’aicruquejet’avaisperdue,Kathleen.
As-tuseulementpenséàcequejeressentaispendantquetuvoulaisvérifiertathéoriefumeuse?–Jenepensaispasqueçaseraitsidifficile,avouai-je.Jevoulaisjustetepréservermais,là-bas,
j’ai écouté ton message, et ensuite j’ai reçu tes fleurs, j’ai su que je n’y arriverai pas. Je devaist’appeleraujourd’huipourtouttedire…
–Charmanteintention!siffla-t-il.–Jesaisquec’estlui,affirmai-je.C’estDaniel.IlaperduEleanoretilestencolèrecontretoi.
Cequi,audépart,étaitjusteunestratégied’éliminationestentraindedevenirunevendetta.–Ilauraitputefairedumal.Ilsouffla,sacolèrenoireirradianttoutelapièce.Jerestaissilencieusependantqu’Andrewme
fixait. Son visage pâle et défait m’inquiétait. Lentement, je posai une de mes mains sur sa joue,espérantqu’aveccesimplegestesadouleuretsacolèreseraientunpeumoinsvisibles.
–DoncpourEleanor,selontoi,c’estjuste…lehasard?tenta-t-ilavecunvoiled’amertumedanslavoix.
–Jecroisqu’ellen’auraitpasdûprendretavoiture.– «Ma » voiture, répéta-t-il comme si soudain il comprenait. Ça n’explique pas les pneus !
contra-t-il.–Eneffet,admis-je.De nouveau, il se servit un verre pendant que le silence de la suite nous entourait.Mamain
retombaetunenouvelledistancesecréaentreluietmoi.–Est-ceenlienavecl’étatdetonappartement?–Jenesaispas.J’aivécuchezGregorydepuismonretouret jevenaisderentrerquandtues
arrivé.–Àl’occasion,jediscuteraiavecluidesanotionde«professionnalisme»etde«confiance».–Iln’étaitpasd’accord.Iltrouvaitça…dangereux.– Tu ne m’écoutes pas, moi, comment pourrait-il te faire entendre raison ? ironisa-t-il en
sirotantsonverre.Jerisquaiunfaiblesourireàsaremarque,maissonvisagedemeuraimpassible.–Jesuisdésolée,murmurai-jeavecfranchise.–Tuestellement…tellementbutée!gronda-t-il.Tuasmistavieendangerinutilement.Tuas
risquénotrerelation,tuasmenti,tum’asfui,afindevérifierunethéoriehasardeusesurlamortdemafemme.
–Jepensaisbienfaire,jet’assure.Pourlapremièrefoisdepuisquenousavionsfranchilaportedelasuite,Andrewfitunpasvers
moi.Ilplongeasonregard,sincèreetbrûlant,danslemien.Jeremarquaialorslessignesdefatigueautourdesesyeux.
–Dorénavant,jet’interdisd’approchercetype.Sousaucunprétexte,ajouta-t-ilalorsquej’allaisparler.
–Mais…Iln’aencorerien…– Et je t’interdis de disparaître de nouveau, me coupa-t-il sans ménagement. S’il le faut, je
colleraiungardeducorpsàtesbasquesnuitetjour.J’opinaientremblant.Ilfronçalessourcilsetsecoualatête.– Jene saismêmepas si jedoisêtreencolère…ou…reconnaissant.Une fois encore, tume
stupéfiesréellement.–Dois-jeêtreflattéeouinquiète?demandai-jeencraignantlepire.–Aucuneidée,avoua-t-il.Tesmultiplesmanquementsauxrèglesdebasequej’avaisimposéesà
notrerelationmerendent…dingue.Tefaireconfianceestlachoselaplus…difficilequej’aieeuàfairede toutemavie.Mais laplusévidenteaussi.Laisse-moidigérer toutça. J’ai…J’aibesoindecalme.
–Bien.Danscecas,jevaistelaisser,proposai-jeenreculant.
–Decalmeetdetoi,ajouta-t-ildansunmurmure.Jeluioffrisunmaigresourireenpuisantpéniblementdanslepeudeforcequ’ilmerestait.Je
m’approchaidelui,calantmatêtecontresontorseenespérantunerassuranteétreinte.– Je vais prévenir Gregory pour ton appartement. En attendant, que dirais-tu de prendre un
bain?Jenesupportepasl’idéequecetypeaitputetoucher.Jemedétachaide lui, tristedenepasavoirobtenuungestedesapart. Ilm’envoulait,c’était
évidentmaintenant.Ladéceptionavaitété tropforte,et les révélations tropbrutales.Jemedirigeaivers la salle de bains et ouvris le robinet. Au loin, j’entendis la voix d’Andrew donnant desinstructionspourfairechangerlesserruresetretirerlesmeubles.Jem’installaisurlereborddelabaignoire,attendantqu’ilmerejoigne.
Quelquesminutes plus tard, il apparut, un petit sourire éclairant son visage. La baignoire seremplissaitdoucementetiltestalatempératuredel’eauduboutdesdoigts.
–Jepensaisquetuseraisnue,commenta-t-ilenmeregardant.–Je…Euh…J’attendais…labaignoire,bégayai-jeenladésignantd’unmouvementdebras.–Viensparlà.Jem’approchaideluiprudemment,restantàunedistanceraisonnable.Andrewréduisitl’espace
entrenous et attrapa l’ourlet demonhautnoir. Il lepassapar-dessusma tête, le jetantderrière luicommeunvulgairechiffon,puisildéfitlesboutonsdemonjeanetlefitglissersurmesjambes.Jelerepoussaiduboutdupiedet,presqueimmédiatementaprès,Andrewfitsuivrelemêmecheminàmonshorty.
Finalement,ilcollasontorsecontremapoitrineetdégrafamonsoutien-gorge.Leboutdetissuatterrit au sol et Andrew prit mamain pourm’aider àm’asseoir dans l’immense baignoire. Il sedéshabillaàsontouravantdes’installerderrièremoi,collantmondoscontresontorse,etaussitôtmescraintess’envolèrent.
–Avantqu’onneparledéfinitivementd’autrechose:onvoitGregoryetNathandemainpourledéjeuner.
Jemesoulevaietmetournaiverslui,presquehorrifiée.–Nonnégociable,Kathleen.–Non…C’estjusteque…jedoisdéjeuneravecDanieldemainmidi.–Ehbien,tuannules.Jet’aiditquejenevoulaisplusquetuapprochescetype.Maintenant,c’est
lapolicequ’ilfautmettresurlecoup.–Mais…–Findecetteconversation:justeducalmeettoi.Jem’appuyaidenouveaucontrelui,renonçantàargumenter.Lepréserver,lerendreheureux…
C’étaitcequicomptaitàmesyeux.Aprèsdelonguesminutessansesquisserunmouvement,Andrewse décida finalement à poser ses mains sur mon ventre. Je soupirai de soulagement, joignant lesmiennesauxsiennespourmêlernosdoigts.J’hésitaiàrelanceruneconversation.
–Dis-moi,murmura-t-il.–Non,rien,soufflai-jeenchassantl’idéequigermaitdansmatête.– Kathleen, je crois que tu m’as caché suffisamment de choses dernièrement, riposta-t-il
sèchement.–Jet’aientenduparlerdemonappartement,avouai-je.–Ilseravidédemain,etlesserrureschangées.–Peut-êtredevrais-jem’enséparer,suggérai-jeenmetournantverslui.
–Jecroyaisqu’ilétaitdestinéàdevenirnotrepied-à-terrenew-yorkais?s’étonna-t-il.Jepensequetudevraislegarder,proposa-t-ilavecsérieux.
–Cetappartementn’arienàvoiravecnous…Je…–Kathleen,garde-le,mecoupa-t-il.Aumoinspourmefaireplaisir.J’écarquillailesyeux,comprenantfinalementoùtoutcelanousmenait.–Aurais-tufaitpreuved’unnouvelexcès?demandai-jeavecunsourire.–Çadépend.Définis«excès».–As-turachetémonappartement?–Serait-ceun«excès»pourtoi?–Définitivement!assurai-jeenriant.–Un«excès»quetucautionnerais?–Andrew,personnenecautionneraitça.Je me réinstallai dans ses bras, étouffant le rire nerveux qui menaçait de s’échapper de ma
gorge.Ilavaitrachetémonappartement!– De toute façon, depuis quand « cautionner » tes excès fait-il partie de mes attributions ?
plaisantai-je.–Tuconsidèresquec’estexcessifalors?medemanda-t-ildansunmurmure.–Ce qui serait vraiment excessif serait de trouver une voiture hors de prix surma place de
parking, ou qu’une dizaine de personnesœuvrent à remeublermon appartement… pendant que tutrouveraisencorelemoyendem’offrirunbijouhorsdeprix…Etteconnaissant,tuescapabledelefaire!
Ilyeutunsilenceetjesentislamaind’Andrewsecrispersurlamienne.Detouteévidence,maplaisanterieétaittombéeàplat.Jemetournaidenouveauverslui,croisantsonregardsombre.
–Andrew,c’étaituneplaisanterie.Qu’es-tuentraind’imaginer?–Rien…Juste…Jenepensaispasquel’argentétaitsi…importantpourtoi.–Jemefichedetonargent,affirmai-jeavecforce.–Kathleen!râla-t-il,agacé.–Maisc’estvrai…Jemefichedetonargent,cen’estpastonargentquej’aime,c’est…toi.–Moietmesexcèsdonc,murmura-t-il.–Toiettesexcès,approuvai-jeavantdeposerunbaiserfurtifsurseslèvres.Brutalement,Andrewentouramanuqueetm’attiraplusfermementcontresabouche.Salangue
s’insinuaentremeslèvresetilm’embrassadurement,évacuantdesoncorpslesdernièrestracesderage.Jeglissaidansl’eauettentaidememaintenir,enroulantmesbrasautourdesoncoupourmenoyerdanscetteétreinte.Quandilsedétachademoi,sonregardavaitchangé.Lacolère,ladéception,n’étaientpluslà.
–Qu’ya-t-il?demandai-je,inquiète.–J’aioubliédecommanderlavoiture,sourit-illargement.J’aibienpenséauxmeubles,etmême
aubijou,maisj’avouequelavoiture…–Tues…Tuasoséme…Mais…–Toutseraprêtdemaindanslajournée,continua-t-ilenignorantmesremarques.–AndrewBlake, tu es l’être leplus…diaboliqueque je connaisse, râlai-je enme réinstallant
contresontorse.Il m’entoura à nouveau de ses bras, me serrant un peu plus fermement contre lui. Aucune
limite… J’allais devoir lui apprendre à être plus raisonné, voiremême raisonnable.Mais commel’avaitsibienexpliquéNathan,jedoutaisqu’Andrewcomprenneréellementlesensdecemot.
–Etpendantquej’ypense,dèsdemain,tuaurastongardeducorpsparticulier.–Andrew,c’estnon!répliquai-jeviolemment.–Kathleen,c’estabsolumentnonnégociable!–Tunepeuxpasm’imposerça!m’écriai-jeenmeredressantdenouveau.–Aprèslesdernièrestrente-sixheuresquejeviensdepasser,tun’esclairementpasenposition
dediscuterquoiquecesoit.Tuaurasungardeducorps.Parcequec’estnécessaireàtasécurité,etquetuaspromisdesuivremesdirectives.
–Uniquement si tesdirectives sont raisonnables, contrai-jedansundernier espoir de le faireflancher.
–Celle-ciesttoutàfaitraisonnable.Je fronçai les sourcils, cherchantuneéchappatoire,mais riennemevint.Andrewaffichaitun
sourirearrogantetvainqueur.–Jegagnetoujours,Kathleen.J’acquiesçai,sansm’avouervaincuepourautant,avantdemeréinstallercontrelui,mefrottant
volontairementàsonbassin.Andrewnecillapas,melaissantletaquiner,maissarespirationlourdeletrahit.
–Donc,ungardeducorps?repris-jeenaffûtantmondernierargument.–Eneffet.Etnet’avisepasdejouerlesfillesdel’air!Jenechangeraipasd’avis,Kathleen.–Bien.J’espèrequ’ilserajoligarçonalors.Parceque,quitteàpasserdutempsavecquelqu’un,
autantquecesoit…agréable.–Essayes-tudemerendrejaloux?demandaAndrewavecunepointed’humour.–Tuasdescraintes?–Kathleen,quellequesoitmaréponse, tumedonneras lemauvaisrôle :ou j’agiscommeun
typeprésomptueux,oucommeuntypejaloux.–Veux-tumefairecroirequetun’esnil’unnil’autre?m’enquis-jeenmetournantverslui.–Entoutcas,jenetelaisseraipassansgardeducorpspourtedonnerraisonsurlesujet.Jesoupirailourdement.Ilm’agaçaitquandilavaitréponseàtout.–Andrew,vraiment,jetrouveçaexcessif.Çan’apasdesens.Tuprendsdesmesuresextrêmes
alorsquelasituationestsouscontrôle.–Lasituation,oui.Toi,non.–Donccen’estpasvraimentpourmasécurité?– Si… Pour ça, et pour ma tranquillité d’esprit. Gregory n’a pas fait le boulot que je lui
demandais!–Tusaisquecen’estpasdesafaute.–Jesais.Maisjepeuxlepunir,lui,sansrisquerd’affronterlesconséquences.Tepunir,toi,bien
quel’idéesoitvraimenttentante,estexclu.–DonctuvasvirerGregory?–Jelecrains.–Cen’estpasjuste!boudai-je.Iln’arienfait!–C’estbienceque je lui reproche. Jeprends lesdécisions,Kathleen.Gregorym’abeaucoup
déçu.–C’estunchictype!Tuvasruinersaréputationjustepouraffirmertonego?–Eneffet…Etjetrouvequenousavonsbienfaitd’avoircettediscussion.Maintenantquejesais
quetucompteslorgnersurtongardeducorps,jen’aivraimentaucuneraisondegarderGregory.
Je me soulevai vivement, de l’eau éclaboussant le sol de la salle de bains. Andrew arboraitencore ce sourire idiot et victorieux que je rêvais de lui faire ravaler. Aurais-je jamais assezd’influencepourlefairechangerd’avis?
–Gregory?répétai-jeencomprenant.«Gregory»vaêtremongardeducorps?– « Aurait pu » être, corrigea-t-il.Mais je ne peux décemment pas prendre le risque que tu
lorgnessursesattributs…–LesattributsdeGregory?grimaçai-je.–Pastonstylepeut-être?Voilàcequejepropose,Kathleen:ouildevienttongardeducorps,ou
jelevire.–Tumefaisduchantage?m’écriai-je.–Jevoyaisplutôtçacommeunealternative.Je râlai unedernière fois, sachantquemontrer plusde résistancene ferait que le rendreplus
heureuxd’avoirgaindecause.Lesbrascroiséssurmapoitrine,jemeréinstallaicontresontorse,meplongeantdanslesilence.
–Jegagnetoujours,Kathleen,murmura-t-il.–Tunedevraispasenêtrefier,sifflai-je,mauvaiseperdante.–Mesvictoirescontretoisont,deloin,cellesdontjesuisleplusfier.Ilembrassamonépauleplusieursfois,meforçantàmedétendre.Lentement,ilpritmespoignets
etmefitdécroiserlesbraspourlesreplongerdansl’eau.Puisseslèvresattaquèrentlapeaudemoncou,lasuçotantenalternantdesgestestendresetd’autrespluspassionnés.Jesavaiscequ’ilfaisaitetjesavaisquemoncorpsnerésisteraitpaslongtempsàcegenred’assauts.Sesmainssemêlèrentauxmienneset,tropvite,jem’entendisgémird’aise,heureusedeleretrouver.
– J’ai une mission pour toi, murmura-t-il sur ma peau tandis qu’une de ses mains, toujoursnouéeàlamienne,glissaitversmonbas-ventre.
Ilposamamainsurmonintimité,etjesentissesdoigtsmepousseràmecaresser.Jeretiraimamain,maisAndrewlaretintetlareplaçasurmoi,accentuantsongeste.Jebasculailatêteenarrièrependantquemesdoigts,soussoncontrôletotal,metouchaient.
–La…laquelle?bégayai-je.–Noustrouverunenouvellemaison.Unendroitoùjen’auraiquedessouvenirsdetoi.–Andrew,murmurai-je.Je…nepeuxpasfaireça…Denouveau,ilpressasesdoigtscontrelesmiensetmecaressaaveclenteur.–Jesaisquetupeux,chuchota-t-ilenlibérantmamainpourenfoncerunpremierdoigtenmoi.Un cri m’échappa et je m’accrochai au rebord de la baignoire. La main gauche d’Andrew
remontasurmonsein,lemalmenantdurement.–Andrew…Je…C’est…trop…,bégayai-je.–Etcettefois,jen’oublieraipasdet’offrirlavoiture…S’ilteplaît,ajouta-t-ilenfaisantalleret
venirsondoigtdansmonintimité.Je criai de nouveau, sentant la vague de désir grossir beaucoup plus vite que prévu.Andrew
connaissaitmoncorpsetsavaitl’utiliserpourparveniràsesfins.Lemouvementdel’eauautourdemoinefaisaitqu’amplifierlephénomène,lachaleurdubainrendantmapeauencoreplussensibleàsescaresses.
Brusquement, il se retira,pour revenirquelquessecondesplus tard.Cette fois, je lâchaiprise,plongeant avecdélice dans le plaisir qu’ilm’offrait. Je fermai les yeux,me laissant complètementaller contre lui pendant que mon cœur frappait frénétiquement dans ma poitrine. Après quelquessecondes,l’apaisementmegagnaetAndrewsereleva.
–Commandonsàdîner,proposa-t-ilenmetendantuneserviettedebainmoelleuse.
***
Après le dîner, Andrew m’entraîna vers le lit. Ses gestes, cette nuit-là, furent radicalementdifférentsdenosautresétreintes.Jelesurprisplusieursfoisàmefixeraveccetteétonnanteferveurpendantquesesmainsparcouraientmoncorpsavec tendresse.Jecomprisalorsqu’ilétait toujoursinquiet,quemadisparitionl’avaitaffectébienplusquejenel’avaisimaginé.
Cettenuit-là,lemasqueétaitdéfinitivementtombé.Jen’affrontaisplusAndrewBlake,l’hommedepouvoir, lemagnatde lapresse, l’hommed’excès,présomptueuxet sans aucune limite : il étaitjusteAndrew,l’hommediscretàquij’écrivaisetquisavaitmetoucherenuneseulephrase.
Aumilieude lanuit,etaprèsunenouvelleétreinte,Andrewmefit face,sonregardémeraudesoutenantlemien.Dureversdelamain,ilcaressamajoue,etjemesentisrougirviolemment.
– J’ai eu tellement peur, murmura-t-il. Je ne crois pas pouvoir te dire ce que j’ai vraimentressenti.Jeneveuxpasteperdre.Jeneveuxpasreplongerdanscequej’aidéjàvécuavecEleanor.
–Commentétait-ce?demandai-jeenespérantlefaireunpeuparler.–Cauchemardesque. Infernalmême.Maiscen’était rienàcôtédeceque j’ai ressentihier.Tu
faispartiedemonmondemaintenant,etsitun’espaslà…Jemefichedurestesitun’espaslà,avecmoi.
–Jevoulais juste…aider.Faireensorteque tuéchappesàça,àcettehistoire.C’est tellementsordideetinjuste.Maisjesuislàetiln’estpasquestionquejetelaisse.
Ilrisquaunsourireheureux,commes’ilétaitsoulagédel’entendre.–Tulesais,n’est-cepas?demandai-je,inquiète.–Kathleen,jetel’aidéjàdit,jen’aijamaisétéaussifaiblequ’avectoi.Tuasremisencausedes
annéesdeconfianceenmoi.–C’estparceque tuesbien tropprésomptueux.Tuascruque j’allais te tomberdans lesbras
aussifacilement?plaisantai-je.–J’yaicru,oui.Maistuesd’unetellerésistance!–Desannéesetdesannéesd’entraînement,monsieurBlake.Sonregards’assombrit,maisunsourireamuséflottatoutdemêmesurseslèvres.–D’autresclients?demanda-t-il.–Non.J’étaistransparente,jusqu’àcequetudébarquesici.–Tuesloind’êtretransparente.Aucontraire.D’autreshommesalors?–Desquantitésastronomiques!Jecroulaissouslespropositionsgalantes,raillai-je.–Commentest-cepossible?Commentont-ilspupasserprèsdetoisansvoircequej’aivu?–Jenesaispas,souris-je.Peut-êtreétais-jevouéeàvous,monsieurBlake?–J’aimecetteidée,sourit-il.–Maisj’aicruquetu…jouaisavecmoi.Tubrouillaislespistes:tonalliance,tessubterfuges,
tesremarques.L’hôteletmaviesontdeuxchosesradicalementopposées.J’aiapprisàêtrespectatricedurêve,pasàlevivre,expliquai-je.
–Danscecas,explique-moi.Àquelmoment…–Quandtum’asraccompagnéeaprèslasoiréedegala.Ilyavaitcettechoseindéfinissabledans
l’air.Commesij’avaisfranchilemiroir.Toutàl’heure,tuasditquemefaireconfianceétaitàlafoislachoselaplusdifficileetlaplusévidentequetuavaisdûfairedanstavie.Jecroisquec’estça…
Ilposaseslèvressurlesmiennesdansunbaiserchaste,presquepur.
–Tuétaisvouéeàmoi,dit-ilenreprenantmesmots.Ilm’embrassadenouveauetm’attiradansunenouvelleétreinte.
***
Lelendemainmatin,aprèssoncaféhabituel,Andrewm’entraînaavecluidanslerenouvellementdemagarde-robe.Aprèsvérification,ils’étaitavéréquelaplupartdemesvêtementsavaientétésoitdécoupés, soit recouverts de détergent. En deux heures, il dépensa plus pour moi que ce que jegagnaisentroismois.
Nous rejoignîmes l’équiped’Andrewetunhomme,que je supposaiêtrede lapolice,dansunrestaurantchic,àquelquesruesduPeninsula.Notrearrivéenepassapasinaperçue,lamaind’Andrewdanslamienne.Jesaluaitoutlemondeunpeutimidement,offranttoutdemêmeunsourireàNathanetGregory,tandisqu’Andrewtiraitmachaisepourquejem’installe.
Nathan commandaune bouteille de vin auprès de la serveuse et, très vite,Gregory aborda lesujetdontnousdevionsdébattre:
–JevousprésenteGrant,unanciencollègueàmoiquivas’occuperdenotreaffaire.Andrewopinadelatêteet,trèsvite,jem’aperçusqu’ilétaitrepasséenmodeprofessionnel.Je
saluaiGrantàmontour,unsourireanxieuxauxlèvres.–JecroisqueKathleendevraitnousracontercequ’ellesait,proposaAndrewpoliment.–D’accord.Jemelançaialorsdansunrécitfleuve,reprenantmadécouvertedelaphoto,mesdéductionssur
l’accidentd’Eleanor et l’entretiende lavoitured’Andrew.Grantprenait desnotes,m’interrompantuniquement pour éclaircir un détail oum’encourager à poursuivre. J’entamai le compte rendu dudînerquandjesentislamaind’Andrewserrerlamienne.
–Vousavezdînéaveclui?s’étonnaGrantenrelevantlenezdesesnotes.–Je…Oui.J’admetsquecen’étaitpasl’idéedusiècle.–Eneffet,approuvaAndrewavecunsourire.–Jevoulaisjustelefaireparler.Etobtenirdespreuves,carpourl’instant…–…cene sontquedes suppositions, finitNathanpourmoi.Par ailleurs, nousavons reçude
nouvellesmenaces.Jeme crispai tandis qu’il donnait une lettre àAndrew. Il la parcourut rapidement avant de la
passeràGrant.– Langage fleuri, commenta-t-il. Je présume que la « pétasse de journaliste », c’est vous ?
ajouta-t-ilenmedésignant.–Je…euh…Oui,jeprésume,bégayai-jeenrougissant.C’estmoi.–Etdonc,vousditesquecetype,DanielCooper,aaccèsàl’hôtel?–Ilytravaille,expliquaGregory.Aubar.Plutôtdiscretd’ailleurs.–Onleseraitàmoins,sifflaMeghanenportantsonverreàseslèvres.–Avez-vousdéjàétémenacéeavant?medemandaGrant.–Oui.Ilyalongtemps,quandj’étaisjournalistejustement.–Etçaduredepuiscombiendetemps?demanda-t-ilàNathan.–Environmi-décembre.IlyeutunsilenceetGrantsemblaréfléchirintensément.Sonfrontseplissaetilrepritdesnotes,
soulignantlenomdeDaniel.Andrewlibéramamain,seservantunverredevin.
–Vous êtes sûre de vous ?me demanda-t-il. Parce que les accusations que vous lancez sontgraves.
–Kathleenaunjugementtrèssûr,medéfenditAndrew.–Etcedîner?demandaNathanaveccuriosité.–Iln’apasavouégrand-chose.J’aijusteeulaconfirmationqu’ildétestaitAndrew.–Comme,sûrement,denombreusespersonnesdanscepays.–Àmaconnaissance,mafemmen’aeuqu’unseulamant!ripostasèchementAndrew.–MonsieurBlake,jenecherchepasàvousnuire,contraGrantd’unevoixfroide.Jenedoute
pas que Mlle Dillon soit très intelligente, mais vous avouerez que ses présomptions sont plutôtlégères.
–Jesuissûredemoi,intervins-jepourcoupercourtàcetéchangedésagréable.JesuiscertainequeDanielestderrièretoutça.
Grantmefixaet jesoutinssonregard.Jerefusaisdeflancher,surtoutmaintenant.Andrewmesoutenait,jedevaisdoncmoiaussim’investir.
–Avez-vousprévuunearrestationprochainement?demandaMeghanavecuncalmeglaçant.–Nousavonsbesoindepreuvespourça.–Maisenfin,cetypesepayenotretêtedepuisdessemaines!s’écriaNathan.–Ilfautlefaireparler,ditGregory.–Effectivement,cen’estpaslegenredemecquivaavouerunefoislesmenottesauxpoignets.–Faitescequ’ilfaut,maisqu’ilcessedenousnuire,grondaAndrew.J’observais ses mâchoires serrées et le regard perçant qu’il lançait à Grant. Il était sur la
défensive, incertain sûrementquant auxdécisionsàprendre. Ilporta sonverredevinà ses lèvres,maisleplissementdesonfrontnedisparutpas.
–Nousferonscequ’ilfaut,monsieurBlake,assuraGrant.Andrewseredressaet,aprèsavoirreposésonverre,calasescoudessurlatable,penchantson
busteversGrant.–Jen’aipaspourhabitudequ’onmedéçoive,j’attendsdoncdevousunprofessionnalismesans
faille.–Jen’aipaspourhabitudequ’onremetteencausemonprofessionnalisme,monsieurBlake.Je
vaisdoncmettrevotreréactionsurlecomptedelanervosité.Andrewesquissaunsourireetsedétenditlégèrement.–Arrêtez ce typedèsquepossible. Jene tolérerai pasqu’undemesproches soit encorepris
pourcible.Furtivement,ildirigeasonattentionsurMeghan,quisefrottaitnerveusementlepoignetencore
maintenuparuneattelle.Ellegrimaçalégèrement,etGrantreprit:–Dèsquenousauronstouteslespreuvesnécessaires,nousl’arrêterons.Gregorym’aremisles
bandesenregistréesdel’agression.–Iln’yariendessus,râlaAndrew.–Tulesasvues?m’étonnai-je.Andrewsecontentad’opiner, tournantàpeinelatêteversmoi.Denouveau,jesentis lacolère
reprendre le dessus. Je devinais maintenant que son agacement portait plus sur le fait de n’avoirobtenuaucuneinformationquesurlaculpabilitédeDaniel.
–Jeverraicequejepeuxentirer,lançaGrant.–Alors?Quefait-on?demandaMeghanenregardantalternativementGregoryetGrant.–Nousn’avonsquepeud’options.Onpeutsoitleprendresurlefait…
–Çamesembledifficile,commentaNathan.–…Soitonlefaitparler.LeregardgrisclairdeGrantserivaaumien,etjesentisuneboufféedepaniquemesubmerger.
JetournailesyeuxversAndrewqui,redressédanssachaise,prenaitconsciencedecequisepassait.–Horsdequestion!hurla-t-ilenabattantsonpoingsurlatable.Nous tressaillîmes de concert et seulGrant resta stoïque, nullement perturbé par cet accès de
colère.Lesilenceautourdenoussefit,etjesentislesregardsdesautrespersonnesprésentesdanslerestaurantpesersurnotretable.
–C’estnotremeilleureoption,monsieurBlake…–Jamaisdelavie!reprit-ilavecuneassuranceglacée.Inutiled’envisagerqueKathleenjoueun
quelconquerôledanscetteaffaire,ajouta-t-ilfermement.Sonappartementaétésaccagé,elleesttropimpliquée.
– Calme-toi, Andrew. Je suis certaine qu’il y a une solution, dit Meghan avec un calmedésarmant.
–Jecrainsquenon,mademoiselle.–C’estbeaucouptropdangereux,contraNathan.–Elleseraprotégée,assuraGrant.Nousl’équiperonsd’unmicroetelleseracouverteparmon
équipe.Qu’enpensez-vous?m’interrogea-t-il.–Jeneveuxpasquetufassesça,Kathleen.C’est troprisqué,murmuraAndrewenserrantma
maindanslasienne.Mon regard navigua deGrant àAndrew, puis versGregory. Je trouvais la situation absurde.
Aprèsavoirfaittoutetn’importequoipourconfondreDanielavantdecomprendrequejenepourraipasagirseule,voilàmaintenantquej’étaispropulséeenpremièrelignepouravoirsesaveux.
–Iln’yapasd’autrespossibilités?demandai-jeàGranttoutengardantmonregardrivéàceluid’Andrew.
–Àcourtterme,non.Jepeuxmeneruneenquête,maisçaprendradesmoisavantd’aboutir.–Onpeutattendre,proposaAndrew.–Non,onnepeutpasattendre,Andrew,contraNathan.Lesmesuresdesécuritésontdrastiques,
etnousdevonssignercecontratvendredi.Onnepeutplusvivreainsi.–Jemefichedecequevouspensez.JenemettraipasKathleendansceguêpier.–Andrew,elleseraprotégée.JesuiscertainequeGregoryveillerasurelle,proposaMeghanen
risquantunsourireversmoi.–Jelaprotégerai,assuraGregoryavecsérieux.–Commevousl’avezfaitdernièrement?Enl’encourageantàdîneraveccetype?Gregory ne répondit pas, et je lui en fus reconnaissante. Il était inutile d’envenimer la
conversation. Grant me fixait toujours, attendant ma réponse. Je tournai le visage vers Andrew,partagé entre colère et inquiétude. Je lui avais promis mais, d’un autre côté, je voulais que cettesituationcesse.
–Vouspensezqueçapeutfonctionner?demandai-jetimidement.–Kathleen,non!–Andrew,s’ilteplaît.Nathanaraison,onnevapasvivreéternellementcommeça.Andrewme jetaun regard sombreetdésapprobateuravantde repousser sachaise. Il s’essuya
rapidementlaboucheavecuncoindesaservietteetselevadetable.–Jevouspriedenousexcuseruninstant,Kathleenetmoidevonsdiscuter.Jelevailesyeuxversluiavantdesoupirer.
–Seulàseul,compléta-t-ilentendantsamainversmoi.Avec réticence, je calai mamain dans la sienne et le suivis en slalomant entre les tables du
restaurant.Nousdébouchâmesdansunpetitcouloirsombremenantàunesalleprivative.Andrewmeplaquacontreunmuret,pouréviterunefuitedemapart,appuyasamainprèsdematêtepourfairebarrage.
–Jeneveuxpasquetufassesça,affirma-t-ilaveccolère.–Andrew,soufflai-je,nousn’avonspaslechoix.–C’esttropdangereux.Personnenesaitvraimentjusqu’oùCooperpeutaller!Il approcha ses lèvres demon cou, et je sentis tousmesmembres trembler.Une fois encore,
Andrewcherchaitàmedéstabiliseretàmefaireflancher.–S’ilt’arrivaitlamoindrechose,murmura-t-ilavantd’embrasserlalignedemamâchoire.–Je…Jeserais…protégée,balbutiai-je.Soudain,ses lèvresseposèrentsur lesmiennesdansunbaiserviolentetdévastateur.Lapartie
raisonnéedemoncerveauétaitentraindeseliquéfier.–Jerefusedeteperdre,souffla-t-ilsurmabouchemalmenée.–Etjerefusedemecacheréternellement.–C’estnon,Kathleen.Jamais!Il s’écarta demoi,me laissant pantelante et incertaine. Je posaimesmains contre lemur,me
retenant à ce que je pouvais. Andrew se passa une main nerveuse dans les cheveux, soupirantlourdement.
–Tuneterendspascompte,murmura-t-il.–Jemerendscomptequepourl’instantonnevitpasnormalement.–C’estunequestiondetemps,riposta-t-il.–Combiendetemps?m’exclamai-je.Pendantcombiendetempsallons-nousvivrecommeça?–Jeteprotégerai,ilnet’arriverarien.–Ilnem’arriverarien,jusqu’àcequ’ildécidedes’enprendreàNathanouàJanet!Etcejour,tu
ferascequetuasdéjàfait,tumequitteraspourme«préserver»!–Jet’interdisdepenserça!grinça-t-il,lespoingsserrés.–J’ypensetouslesjours,figure-toi,ripostai-je.Sabouchefonditsurmoi,avideetdésespérée.Ilpritmonvisageentresesmainsetm’embrassa
durement,prenantl’initiativedeglissersalangueentremeslèvres.Sonbassinsefrottacontrelemienetungémissements’échappademapoitrine.Àboutdesouffle,ilfinitpars’écarter,soudantsonfrontaumien.
–Jet’interdisdepenserça,répéta-t-il,haletant.–Alorslaisse-moifaire,plaidai-je.Laisse-moim’occuperdeDaniel.– Je n’aime pas ce type. Je ne peux pasm’empêcher de penser qu’il t’a touchée.Çame rend
dingue,dit-ilens’écartantfinalementdemoi.– Si ça peut te rassurer, il n’a pas non plus aimé l’idée que tu m’aies touchée, tentai-je de
plaisanter.Le visage d’Andrew s’affaissa, etma blague tomba à plat. Je caressai sa joue et relevai son
regardverslemien.–Tuveuxvraimentfaireça?–Oui.Et tuneme feraspas changerd’avis ! assurai-je avecun sourire fier.Cette fois, tune
gagneraspas.
Sonregardbrillantseperditdanslemien.Ilsecoualatête,partagéentredépitethilarité.Ilposasamainsurmajoue,lacaressantàpeine,cherchantsûrementunmoyendemefaireplier.
–Commentai-jefaitpourtombersurlaseulefemmeaumondeplustêtuequemoi?–L’exception,murmurai-jeenrougissant.– L’exception, approuva-t-il en soudant à nouveau son front au mien. Promets-moi d’être
prudente.–Jepromets,tantqueturestesraisonnable.Je bougeai doucement et prudemment. Je pris son visage entre mes mains et plongeai mon
regarddanslesien,espérantluiinsufflertoutemavolontéd’enfiniravecnosvieuxdémons.–Toutirabien,assurai-je.Ondevraitretourneràtableavantqu’ilsnes’inquiètenttous.Andrewm’embrassaunedernièrefois,embrasantdenouveaumoncorps,avantdeprendrema
mainpournousréinstalleràtable.
CHAPITRE29
Nathan,Meghan,GregoryetGrantdiscutaient,mais,dèsque leurs regardsconvergèrentversnous,lesilencesefit.Commeprécédemment,Andrewtiramachaisepourquejem’asseye,etgardasamaindanslamienne.Letempssemblaitsuspendu,ettoutlemondeattendaitquejebrisecesilencegênant.
–Jevaislefaire,lâchai-jeavecuneassurancefeinte.–Parfait.NathanetMeghanmefixèrent, tousdeuxréprimantunsouriremoqueur.Soudain,commepar
enchantement,toutseremitenmarche.Nathanservitduvin,GregorysortitsontéléphoneetMeghans’intéressaauplanqueGrantavaitgriffonnésursonbloc-notes.
–Vousdevezm’assurerdesasécurité,ditAndrewenrivantsonregardàceluideGrant.– Monsieur Blake, je vous assure que nous ferons tout notre possible pour protéger votre
fiancée.–Nousnesommespasfiancés.– Pas encore, complétaMeghan enm’adressant un vrai sourire pour la première fois depuis
notrerencontre.Je rougis légèrement, à l’instant même où Andrew portait ma main à ses lèvres pour
l’embrasser.Jemetournaiverslui,unpeuabrutieparlafatiguecumulée,sesgestesd’attentionetlesregardsperçantsdesconvivesautourdelatable.Ilmefixaavecintensitéavantderelâchermamainetplacersonbrassurledosdemachaise,dansunélanprotecteur.
Finalement,ilsetournaversGrant,brisantainsinotrebullepersonnelle.–Jevousécoute,etvotreplanaintérêtàêtresacrémentbon!lançaAndrew.–Jecroisqu’ilfautjouersurlaconfiancequ’ilaenversvous.L’idéedudînerétaitintéressante,
jepensequ’ilfautrepartirlà-dessus.–Quand?lecoupaAndrew.–Ceweek-endpeut-être?proposaGrant.–Impossible,c’estlemariagedeLynne.Instinctivement,jelançaiunregardversNathan,quin’eutaucuneréaction.Detouteévidence,il
s’étaitfaituneraison,àmongranddésarroi.–NousavonsprévuderentreràSanFranciscoaprèslemariage,contraAndrew.–Oui…maisDanielnesaitpasque…enfin…Toutlemondecroitquenoussommesséparésen
fait,expliquai-jeàl’enquêteur.–Parfait.Danscecas,invitez-leàcemariage.
–Jenepeuxpasfaireça,gémis-jeenmeratatinantsurmachaise.– Vous allez l’expédier à unmariage de la haute bourgeoisie new-yorkaise alors qu’elle est
désormaisconnuedesjournalistes,ellerisquedesefaireharceler!protestaNathan.–Bien.Danscecas,ilfautopterpour…–…ledînerderépétition,murmurai-je.Grantmefixa,attendantquejedéveloppemonidée.JemeredressaietAndrewsetournavers
moi,m’offranttoutesonattention.–Lynnedonneundînerderépétitiondansunrestaurant.–Oui…Jen’aipluslenomentête,maisjepeuxluiproposerdefaireça.–Etensuite,tul’inviterasaussiaumariage?grognaAndrew.–Biensûrquenon…Sij’arriveàlefaireparleraudîner,jepensequelapolicepourral’arrêter
ensuitenon?–Nousferonslenécessairedèsquepossible,monsieurBlake,assural’enquêteur.–Jevaist’épouseravant,memenaçagentimentAndrew.Jejurequejenevaispaslaissercetype
tetoucher!–Etjenevaispaslelaisserfaire…Est-cequecelaira,Grant?demandai-je.–Detoutefaçon,onnepeutpasvraimentfairemieux.Enattendant,jevaismettreseslignessur
écoute.GrantsortitunecartedevisitedesapocheetlatenditàAndrew.Cedernierfronçalessourcils,
ets’ensaisitaprèsunultimesoupir.–Appelez-moivendredimatinpourquenousmettionstoutenplace.–D’accord,approuvaAndrew,avantdeluitendrelamainpourlesaluer.Aprèsunecourtehésitation,Grantlaluiserraetselevadetable.Ilsaluatoutlemondeetquitta
lerestaurant.Sondépartprovoquaunmomentdeflottement.Andrewavaitposélacartedevisiteprèsdesonverre,etjelafixai,m’interrogeantsurlasituation.
Peut-êtreavais-jetortausujetdeDaniel?Peut-êtreavais-jevoulujustifierlamortd’Eleanor?Peut-êtremonancienmétiermetaraudait-ilunpeutrop…C’est lamaind’Andrewsurmajouequimefitsortirdemespensées.
–Tun’espasobligéedefaireça,murmura-t-ilpourmerassurer.–Si…Jeveuxlefaire.Etensuite,jeveuxqu’onpasseàautrechose.–Kat,jenesaispassijedoisêtreadmiratifoujaloux,plaisantaNathanenmetendantlemenu
durestaurant.–Àquelsujet?–Est-cequevoussavezcombienderéunions,dedéjeuners,desouriresetdeflatteries j’aidû
déployerpouravoirneserait-cequ’unefenêtreàmonbureau?–Tuveuxdiretoncagibi?s’esclaffaMeghan.–C’estunbureau,s’agaçaNathan.Petitmaischaleureux…Jelepréfèrelargementautien.–Monbureauestparfait!–Çaoui,uneparfaiterépliquedeTchernobylaujourd’hui:désertetradioactif!J’étouffaiunrirependantqu’Andrewsoupirait.Ilesquissaunsourire,melançantunregarden
biais.Posantsescoudessurlatable,ilycalasonvisage.Jepenchailatêteverslui,dansungesteàlafoisaffectueuxetdesoutien.Denouveau,ilm’offritunsourire,etj’entendisvaguementMeghanetNathanpoursuivreleurséchanges.
–Nathan,quelestlerapportentrevotrebureauetmoi?repris-je.–Crois-moi,tuneveuxpassavoir,soufflaAndrewenlevantlesyeuxauciel.
–Ehbien,j’ailuttépourcettefenêtrependantdessemaines…–Desmois!corrigeaAndrew.–Longtempsdonc…Etvous,encinqminutesetunaparté,vousréussissezàluifaireprendre
unedécisionraisonnable!–Jenesuispascertainequecesoitvraimentraisonnable,rectifiai-jepourdéfendreAndrew.–Merci de l’admettre ! se moqua-t-il. Et je peux encore changer d’avis, me prévint-il avec
sérieux.–Nathan,detouteévidence,Katn’apaslesmêmesarmesquetoi,intervintGregory,hilare.–Oh,etdequelgenred’armesjedispose?demandai-je.–Ehbien,déjà,tuesjolie…Et…enfin…tu…as…des…enfin…–Nefinissezpascettephrase,Gregory,luiconseillaAndrewd’unevoixglaciale.IllefusilladesyeuxetGregorysecontentadedétournerlesyeux.JemetournaiversAndrew,
lui lançantun regard lourdde reproches.Avait-ilbesoinde ruiner leseffortsdeNathanqui tentaitdésespérémentdedétendrel’atmosphère?
–Cen’étaitpasutile,murmurai-jesèchement.–Jerecadreleschoses,sejustifiaAndrew.– Tu as raison, recadrons-les. Au fait, Gregory, l’interpellai-je vivement, rappelle-moi, ta
préférencevabienauxblondes?Gregoryrelevalevisageversmoi,toutetracedecontrariétédisparaissantdanslaseconde.Une
lueurd’amusementilluminasonregardetildirigeasonattentionversMeghan.–Eneffet,j’aiunfaiblepourlesblondes,dit-ilenlouchantversledécolletédeMeghan.–Mesyeuxsontlà,ripostacettedernièreenluirelevantviolemmentlementon.–Ilssontjolisaussi,approuvaGregory.Meghanesquissaunsourire,puisapprochasonvisagetoutprèsdeceluideGregory,laissantun
espacetropréduitvul’intimitédeleurrelation.–Tusaisquoi?C’estunebonnechosequetuaimeslesblondes,susurraMeghanenlongeantla
mâchoiredeGregoryavecsonindex.–Ahoui?s’étonnamonami.–Oui…Nathanestcélibataire!Etbrutalement,elle repoussa levisagedeGregory, ledirigeantversceluidéconfitdeNathan.
Andrewéclataderireetbutunpeudesonvinpourreprendrecontenance.– Ne m’en veuillez pas, Gregory, dit doucement Nathan, mais personnellement j’ai une
préférencepourlesbrunes.–Non,tuasunepréférencepourcellesquisontdéjàprises,corrigeaAndrewdansunsourire.JelevailesyeuxaucielpendantquelerirecristallindeMeghanmeparvenait.–Jenelefaispasexprès,sedéfenditNathanenriant.Franchement,jepréféreraisqu’ellessoient
seules.–VousdevriezparleràLynne,conseillai-jeàNathan.–Lynne?s’étonnaGregoryenrelevantlenezdesonmenu.–Oui,Lynne.Nathana…enfin,ill’aimebien,résumai-jerapidement.–Jenecroispasquecelachangeraitquoiquecesoit.Jedevraispasseràautrechose,soupira-t-
il,las.–Envisage-lacommeuncontrat,luiconseillaAndrew,trèssérieux.–Tutelancesdansleconseilmatrimonial?plaisantai-je.–Jecroisquevousavezvraimentunebonneinfluencesurlui,constataMeghan.
–J’essaye.–Lynnen’estpasunesorted’appeld’offresconcurrentiel.Trèsclairement,jen’airiendemieux
àluioffrirquecequeluiproposedéjàKingston.–Philipne l’épousequepour l’apparat,Nathan. Ilabesoind’unefemmequiferabiensur les
photosdefamille,contrai-jesèchement.Lesilencesefit,et j’entendisAndrewétoufferunrireàmescôtés.Nathanécarquilla lesyeux
avantdenousdésignerdudoigt,Andrewetmoi.–Iladéfinitivementdéteintsurvous.Croyez-moi,cen’estunebonnenouvellepourpersonne!
s’exclamaNathan.–Jesuisencoretonpatron!feignitdeprotesterAndrew.–Vousmetrouveztropdure?demandai-jeàNathan.–Jevoustrouveterrifiante!–Danslebonsensduterme,complétaMeghan.Etjecroisquevousavezraison,Kat.Jepeux
vousappelerKat?m’interrogea-t-ellepoliment.Jehochailatête,etMeghanlevasonverredevindansmadirection.Detouteévidence,j’avais
réussiunesorted’examendepassage.SavoirqueMeghanm’acceptaitenfinnechangeaitpasgrand-chosemais,quelquepart,jesavaisqu’Andrewdevaitenêtresoulagé.
–Jeconnais les typesdanssongenre…Ilsvousvendentunmondemerveilleux,seserventdevouspour la succession familiale et, dix ansplus tard, vous les trouvez au lit avecuneminettede20ans…
–Jesuisd’accordavecMeghan,approuvai-je.NathanetAndrewselancèrentunregardpresqueeffaré.–Voilàquiestvraimentterrifiant,commentaAndrew.Deuxfemmesenaccordcompletsurun
sujet.–Nesoispasgoujat!m’exclamai-je.Nathansoupiraetlaserveusevintprendrenoscommandes.–Engros,vousêtesentraindemedirequejenedoisrienluipromettre.–Jepensequ’elleapassél’âgedecroireauprincecharmant,souritMeghan.–Oh…Donc les bijoux, les robes, les fleurs…Tout ça, ça ne sert à rien ? s’enquitAndrew
soudainementtrèsintéresséparlaconversation.–Tuvoisquetuestropexcessif,dis-jeavantdeluisourire.–Mêmelesfleurs?demandaGregorypresquetimidement.–Tunesaismêmepasquellessontmesfleurspréférées!s’exclamaMeghan.–Lesorties!sifflaNathan.Meghanluilançaunregardmauvais,aussitôtsuivid’unsourireheureux.–Quemeconseillez-vousalors,Kat?demanda-t-ilplussérieusement.–Jenesaispas…Lynneestamoureusedevous,ilsuffitjustequ’elles’enrendecompte.–Çapeutprendredu temps, remarquaAndrewenme lançantunregard,etellesemariedans
deuxjours!Épouse-lademainàVegas!lança-t-ilsansquejepuissedistinguers’ils’agissaitd’uneplaisanterieounon.
–Vegas?Andrew,jenevaispasfaireça…Etjenevaispasnonpluslatraînerparlescheveuxderrièremoienbombantletorsedansunepeaudebête.
–J’aitoujoursdesplacesréservéesàl’annéesurcertainsvols,situenasbesoin,jelesmetsàtonnom.
–Tuessérieux?l’interrogeai-je,incrédule.
Andrewmeregardaétrangement,commesij’avaisremisencauselefaitquelaterreétaitbienronde.
–Nathann’apasledroitd’êtreexcessifluinonplus?–Euh…si…Enfin…non.Disonsque…Jepensequelekidnappingestuncrimefédéralnon?– Sincèrement, Kathleen, tu préfères la savoir kidnappée par Nathan ou mariée à Philip ?
m’interrogeaAndrew.–Serais-tuentraindemefairepasserducôtéobscur?–Possible.–Ettuveuxmefaireadmettrequelekidnappingestunesolution?–Offre-moiunemeilleureidée!–Je…Euh…JelançaiunregardversMeghan,cherchantdel’aide,maiscelle-cilevalesépaules,impuissante.
Soudain,jesentislesouffled’Andrewdansmoncouetmefigeai.Jesavaiscequiallaitsuivre.–Jegagnetoujours,Kathleen.Je secouai la tête et capitulai. Je devais l’admettre : se faire enlever parNathan était unebien
meilleureoptionpourLynnequecemariageavecPhilip.Nos plats furent servis quelques instants plus tard, et le reste du repas se déroula dans une
ambiancedétendue,loindelatensiondenotreconversationprécédenteavecGrant.
***
Àlafindudéjeuner,accompagnésparGregory,àl’avantduvéhicule,Andrewetmoirentrâmesdirectement auPeninsula.Afin d’éviter toute rencontre gênante avecDaniel, nous passâmes par legarageetl’accèsdirectauxascenseurs.
Escorté par un des gardes de sécurité,Andrewmonta le premier dans la suite,m’embrassantfurtivementsur les lèvresavantdequitter lavoiture.Quelquesminutesplus tard,Gregoryreçutunmessagesursontéléphoneet,àsontour,m’accompagnajusqu’àlasuite.
–Siquelqu’untecroiseici,tudisquetuviensmechercher,souffla-t-ilalorsquelesportesdel’ascenseurserefermaientsurnous.
–D’accord.Arrivésau19eétage,etsentantsûrementquenotreconversationavecGrantmehantaittoujours,
Gregorymerassura:–Toutirabien,Kat,promit-ilavantdetoqueràlaportedelasuite.Andrewouvritalorslaporteet,d’unsimplesourire,ilréussitàéloignermespenséessombres.–J’aiunpeudetravail,lâcha-t-ilennousdirigeantverslesalon.– Pas de problème, fais ce que tu as à faire. De toute façon, il faut que je m’occupe dema
nouvellegarde-robe,plaisantai-jeendésignant l’amasde sacsquiavait étéamenéà la suitedurantnotredéjeuner.
Andrewesquissaunsouriredevantmonairpresquedépité,avantdemeprendredanssesbras.–J’avaispenséàuneautreformed’occupation,murmura-t-ilsurlapeaudemoncou.–Jecroyaisquetuavaisdutravail.–Eneffet,admit-ilensereculantpourmefaireface.Maisjecomptaistefaireparticiper.–Andrew,ilmesembleavoirétéclairesurlesujet.Lejournalisme,c’estterminépourmoi,dis-
jepresquesèchement.
–Çaneconcernepaslejournalisme,assura-t-ild’unevoixdouce.–Oh…d’accord.Depuisquandbaisses-tulesbrasaussifacilement?m’étonnai-je.–Kat,tuasdéjàcetteincroyablecapacitéàtemettredanslesennuisenétantconciergedanscet
hôtel.Pourmasanté,jepréfèretesavoirtranquillementàlamaison.–Pourtasantéoupourmacuisine?–Çavadepaire…D’oùtonrôledecetaprès-midi.Ilsedétachademoi,partitendirectiondelachambreetrevintquelquesinstantsplustardavec
sonordinateurportable.Jefronçailessourcilssanscomprendre.–Pendantquejem’attelleraiàfinaliserlecontratquejedoissigneràWashingtonvendredi,je
proposequetutemettesenquêted’unemaison.–Touteseule?m’exclamai-je.–Tuasungoûttrèssûr,dit-ilpourmerassurer.L’hommeavecquitusorsmel’aencoredit,ily
adeuxminutes.–L’hommeavecquijesors?Ceretouràl’adolescenceest…curieux,m’amusai-je.–Tun’espasencoremafiancée.–Tevoilàdenouveauprésomptueux,ripostai-jeensouriant.–J’ailabague,contra-t-il,medésarmantcomplètement.–Tun’aspasungenouàterre,dis-je,fièred’avoirtrouvélaressourcepourunerepartie.–Nemedéfiepas,Kathleen,murmura-t-ild’unevoixrauque.Il leva la main vers mon visage et effleura doucement ma joue, pendant qu’un sourire se
dessinaitsurseslèvres.Jesentismarespirations’accéléreret,quandilplongeasonregardprofonddanslemien,monventresetorditdansunechaudedouleur.
– Ce n’est pas ce que je veux, expliqua-t-il. Je ne veux pas te demander en mariage sur unmalentendu.C’estunedesrareschosespourlesquellesj’espèrenepasavoiràlutter.
Sa caresse, qui avait cessé, reprit doucement sur ma peau. Il s’approcha de moi, laissant unespacerestreintmaispénibleentreluietmoi.
–Tun’aspaspeurdeloupertachance?exhalai-jeenespérantleprovoquerdenouveau.–Tuesmachance.Tantquetuesavecmoi,quepuis-jevraimentcraindre?Il y eut un silence calme et presque reposant pendant lequelAndrew effleura la peau demon
visageetdemoncou.Cettecaresse,àpeineappuyée,mefitfrissonneret,brutalement,ils’arrêta.–Jedoisallertravailler,dit-ilendésignantl’espacebureaudelasuite.–Mais…,protestai-jevivementavantqu’ilneplaqueleboutdesesdoigtssurmeslèvres.–Chercheunemaison…Lanôtre.Faisunesélection,etjeverraiavecEmilypourlibérermon
agendaetvenirlesvisiteravectoi.Ses doigts quittèrent mes lèvres et il me tendit l’ordinateur dernier cri qu’il tenait dans ses
mains.Unpeutremblante,etaveclasensationdéroutanted’avoiruneépéedeDamoclèsau-dessusdelatête,jeleprisetm’installaidanslefauteuil.
–As-tuunepréférence?demandai-je,incertaine.–Tuconnaismescritères.–Piscine?m’enquis-jeavecunsourire.–Piscine,approuva-t-il.J’ouvrisl’ordinateuret,pendantqu’Andrews’installaitàsonbureau,jem’attelaiàlatâche.Le
silencedelasuitenefutperturbéqueparlasonneriedutéléphone.
***
Aprèsdeuxheuresderecherches,etsurtoutaprèsavoirfaitunesélectionméticuleuseetcourtede maisons à visiter, je repoussai l’ordinateur. Andrew travaillait toujours, sa tête penchée sur lalectured’undossier. Il avait cet air concentré et sérieuxque jene lui connaissaispasvraiment.LeAndrew que je fréquentais était parfois autoritaire, souvent incisif, et trop rarement décontracté.J’imaginaisquesontravailainsiquelesresponsabilitésdugroupedevaientavoirlepassursavie.
Commejel’avaissouventfaitavecmonpèrequandillisaitsonjournal,j’étudiailesombresdesonvisage. Jem’emparaialorsd’unstyloetgriffonnai levisaged’Andrewsurundesblocs-notesmisàladispositiondesclients.Jem’appliquaiàreproduireaussifidèlementquepossibleleparfaitdessindesesmâchoiresetleplissementlégerdesespaupières.J’esquissaiseslèvres,lesconnaissantsuffisammentpournepasavoiràreleverlenezsurmonmodèle.
–Tuestrèsdouée,ditdoucementlavoixd’Andrewàmescôtés,mefaisantsursautersurmonfauteuil.
Jecachailedessincontremapoitrine,presquehonteusedem’êtrefaitsurprendre.–Cen’étaitpasdel’ironie,sereprit-ilentirantlafeuilleverslui.–Non…C’est…Jenevoulaispasquetumevoies,expliquai-je.–Tuavaisl’airconcentréesurlesujet.Tudessinesdepuislongtemps?–Aucuneidée…Depuisquejesuispetitej’imagine.–Est-cequejepeuxlerécupérer?–Andrew,c’estjusteundessin…–Kathleen,s’ilteplaît,plaida-t-il.Jeleluitendis,maisilrefusa.–Signe-letoutdemême.–C’estridicule!râlai-je.–IlaurasaplaceprèsduMatisse.Signe!m’ordonna-t-ildansunsourire.Jegribouillaimasignature,lerougeauxjoues.Andrewrécupéralafeuilleetlaglissadansun
desesdossiers.Quandilrevintversmoi,j’avaisrouvertl’ordinateurpourluimontrerlefruitdemesrecherches.Ils’installasurlecanapéettenditlamainpourmefairevenirprèsdelui.Jem’assisàsescôtés,sonbrasdroits’enroulantautourdemesépaules.
–Celle-cidonnesurl’océan,commentai-jeenfaisantdéfilerlesphotos.–Tuveuxvivresuruneplage?s’étonnaAndrew.–Çaneteplaîtpas?–Si…C’estjustequej’aidéjàunemaisonsurlaplage!–J’aimel’idéedelaplage.Maisjen’aimepastamaison…Jeprisuneprofonde inspirationavantdeme jeterà l’eau.Cette idéeme trottaitdans lecrâne
depuisledébutdelajournée,etjedevaistrouverunmoyend’aborderlesujet:–Etjepensequecettemaisondoitêtre«notre»maison.–Queveux-tudire?s’enquit-il,unpeusurpris.–Ehbien…Unbureaupourquetupuissestravailler,maispasderéceptionsprofessionnelleset
pasderéunions.–Tuposestesconditions?plaisanta-t-il.–Jeneveuxpaspasserausecondplan,dis-jeavecforce.Je sentis son corps se tendre et, lentement, il retira son bras de mes épaules. Je bougeai
légèrementetl’observaisepasserunemainsurlevisage.Brutalement,safatiguemesautaauxyeux.Le travail, l’avion, moi… En souriant, je décidai qu’Emily aurait sûrement plus d’une journée àlibérerdesonemploidutemps.
–Tunepasseraspasausecondplan,murmura-t-il.–Tunecomprendspas…Eleanor travaillaitavec toi,etpourtant j’ai lasensationqu’elleétait
seule.–Netecomparepasàelle,s’ilteplaît.Tun’asrienàvoiravecelle,et…cequenousvivonsn’a
rienàvoiraveccequej’aivécuavecelle.Sa voix s’était radoucie, pourtant les traits de son visage étaient toujours durs et tendus. Je
risquaiunemainsursacuisse,espérantlerassurersurmesintentions.Ilfermalesyeuxunecourtesecondeetjeposail’ordinateursurlatablebassepourreprendrelasituationenmainavantqu’ellenem’échappe.
D’unmouvementrapide,jerepoussaiAndrewcontrelecanapéetm’installaiàcalifourchonsursescuisses.Sesyeuxs’ouvrirentsubitementet,alorsqu’ilallaitparler,jelefistaireenl’embrassantdoucement.
–Cen’estpascequejevoulaisdire,soufflai-jesurseslèvres.–Kathleen…–Tuesfatigué,constatai-jeenlongeantdemonindexlescernessoussesyeux.Jetraçailedessindesesmâchoirescrispées,avantderemonterlelongdesestempesetjusqu’à
sonfront.–Tutravaillestrop,chuchotai-jeprèsdesonoreille.Etjepensequetuasbesoindevacances.–C’estimpossiblepourlemoment.–Pourquoi?–Parceque…j’aidutravail,desresponsabilités…–Nathanseraravideprendrelamainsurlegroupe.NathanouMeghan.Jel’embrassaidenouveausurleslèvres,sentantsoncorpssedétendrelentementsouslemien.
Sesmainsseposèrentsurmeshanches,effleurantlemorceaudepeauquemonhautblancdévoilait.Jebougeaiunpeu,appuyantmapoitrinecontresontorse.Mesmainssursesépaules,ilmefixaitavecunelueurétrangedansleregard,entrelasurpriseetl’inquiétude.
–Est-cequetuesentraindemeforcerlamain?s’enquit-ilavecamusement.–S’illefaut,jeleferai.Maisjetepriedenoterquejemeplieàtesrègles.–Cequiestdéfinitivementnouveaupourtoi!ironisa-t-il.–Simessouvenirssontbons,tum’asdemandéd’assurerl’intendance.–Eneffet,acquiesça-t-ilensouriant.–Etjenecuisinepaspourlesfousfurieuxdetravailoupour…lesexcessifs.Il étouffa un rire, et je sentis son corps parcouru de soubresauts d’hilarité. Ses mains
remontèrentsurmapeau,mefaisantfrissonner.–Donc…tuneveuxpasquejetravailleàlamaison?Ettuveuxquejeconfiemonentrepriseà
NathanouMeghan?–Jeveuxquetuprennesdurecul,soufflai-jesurseslèvresavecdouceur.De nouveau, son regard s’illumina. Les traces de fatigue que j’avais décelées sur son visage
disparurentprogressivement,laissantplaceàunsourirefrancetàdestraitsdétendus.–D’accord,murmura-t-il.Ilm’attiracontreseslèvresdansunbaiserdouxetsensuel.Sesdoigtschatouillèrentmondoset,
trèsvite,jemeretrouvaiallongéesurlui.Haletante,jem’écartaiàregretdesabouche,maisAndrewagrippamanuqueetnemelaissapasl’opportunitédem’éloignerdelui.
–Andrew…les…maisons,balbutiai-jeenlerepoussantdoucement.–Plustard…
–Mais…Tu…Enfin…tuescertaindevouloirvivredanscettemaison?–Tantque tuy seras, çam’ira. Jemeplie à tes conditions,me rappela-t-il en repoussantdes
cheveuxdemonvisage.Je replongeai sur ses lèvres, souriant largement. Depuis mon adolescence, je n’avais jamais
embrassé quelqu’un aussi longtemps. Andrew me caressa, réveillant toutes mes terminaisonsnerveuses etm’arrachant quelquesgémissements indécents,mais jamais il n’alla plus loin. Je n’enétaispasdéçue,parcequ’au-delàdusexe,c’étaitsurtoutêtreavecluiquim’importait.
–Dînerdanslasuite?proposa-t-ilprèsd’uneheureplustard.–Çameva.Ilpassacommandeetj’enprofitaipourretirermeschaussures.Piedsnussurlamoquetteépaisse
duPeninsula,jemedirigeaiverslafenêtre.Demain, il me faudrait encore affronter Daniel, et rien que l’idée me rendait nauséeuse. Le
matin,jedevaisaussiaccompagnerLynnepourunultimeessayage.Andrewetsonidéedekidnappingmefirentsourire.
–Àquoipenses-tu?demanda-t-ilenenroulantsesbrasautourdemoi.–Àdemain, avouai-je, sincère. JedoisvoirLynnedemainmatin, et je ne supportepas l’idée
qu’elleépousePhilip.–Tunepeuxpastoujoursobtenirgaindecause,murmuraAndrewenembrassantmoncou.–Jesais.Maisc’estuntelgâchis…EtquandjepenseàNathan…–Nathanestungrandgarçon,ilferacequ’ilaàfaire.MonregardseperditsurlavuedeNewYorkaucrépuscule.Leciellégèrementroseassuraitune
bellejournéeensoleilléepourlelendemain.–Promets-moiquetuserasprudente,ditdoucementAndrew,mesortantainsidemespensées.–Jeleserai.Net’inquiètepas.Jereviendraiiciaussirapidementquepossible.–Jedouted’êtrederetouravantlemilieudelanuit.Jemetournaiversluisanscomprendre.–JevaisàWashingtonpourlasignatured’ungroscontrat,jeprendraiunvolaprèsledîner.–Tudevraispasserlanuitsurplace,proposai-je.Çatepermettraitdetereposer.–Nathannevoulaitpasque j’annule cette signature et jeneveuxpas être loinde toi.Surtout
aprèsça. Jeseraiavec toi lanuitprochaine,n’endoutepas.Etnous ironsensembleaumariagedeLynne.SaufsiNathansedécide,compléta-t-ilensouriant.
–Sedécide?Tuesaucourantdequelquechose?–Nathanestunimpulsifquiréfléchit.–Cen’estpasunpeu…contradictoire?souris-je.–Si!C’estpourçaquejel’aiembauché.–Àquelleheurepars-tupourWashington?–J’aiunvolversmidi.Je soupirai avant de calerma tête sur son torse. Andrew enroula samain surma nuque,me
maintenant contre lui.Sa chaleurm’apaisa et, denouveau, sa simpleprésence suffit à chassermespenséessombres.Nousrestâmesenlacésdelonguesminutes,etilmesemblamêmequ’ilmeberçait.
Quelquesinstantsplustard,alorsquejerangeaismamonstrueusegarde-robedanslesplacardsde la chambre de la suite, je l’entendis rire à gorge déployée. J’abandonnaima tâche, triturant unvêtemententremesmains,etmedirigeaivers sonbureau. Jen’avaisque trèspeuentenduAndrewrireainsi,maissonvisageétaitlumineuxquandillefaisait.Ilétaitautéléphone,hilare,ets’assitdanslefauteuildusalon.Enmevoyant,ilmefitsigneetm’attirasursesgenoux.
Quandilraccrocha,leslarmesauborddesyeux,jecrusqu’iln’allaitjamaispouvoirreprendresarespiration.
–Qu’ya-t-il?demandai-jeensouriantlargement.–Nathan.–QuoiNathan?–Ils’estdécidé…–Oh…Etilsedécidedemain?espérai-jeensongeantaudînerderépétitionavecDaniel.–IlestdéjààWashington,sonavionvientdeseposer.Andrewselançaalorsdansunelongueexplication,parseméed’éclatsderire.Samainjouaavec
mescheveuxpendanttoutecetteconversation,etquandenfinjecompriscommentNathanallaittentersachance,j’éclataiderireàmontour.
–C’estunfoufurieux!m’esclaffai-je.Etilt’aappeléjustepourça?–Apparemment,jesuisdevenuunesortedebaromètredel’excès,réponditAndrewenlevantun
sourcilentendu.–Oh…Aurais-jeécornétonimagedemarque?–Jelecrains!Nouséchangeâmesunsourire,etjemelaissaitomberpluslibrementdanssesbras.–Tun’aspasidéedetoutcequetuasprovoquédansmavie,avoua-t-ildoucement.– Andrew, commençai-je avant que les mots ne s’étranglent dans ma gorge en croisant son
regardflamboyant.–Bienplusquetunel’imagines,ajouta-t-il.Etdetouteslesfaçonspossibles…–Jen’aipasfaitça,murmurai-jedoucement.–Biensûrquesi…Unjour,jeteraconterai,promit-ilennousfaisantredresser.–Raconterquoi?m’enquis-jesanscomprendre.–Commenttuesdevenuemonincroyableetfabuleuseexception.Je rougis violemment, subissant l’assaut de son regard intense. Je sentismon cœur tressauter
dansmapoitrine,etcen’estqu’endevinantlesdoigtsd’Andrewsurmesmainsquejesortisdemadoucetorpeur.
– J’aurais dû ajouter « sexy » ! plaisanta-t-il en tirant le vêtement que j’avais gardé dans lesmains.
Ilsesaisitdumorceaudetissu,dévoilantunenuisettenoire,transparenteettrèscourte.Jerougisdenouveauavantdeluiarracher levêtementdesmains.Leroomservice s’annonça,et j’enprofitaipourfuirverslachambre.
–Nelarangepas,Kathleen!criaAndrewdansunnouveaurire.Jel’entendisinstallernotredîneretremercierlegarçond’étage.Jefinisderangerrapidement
mesaffairesetlerejoignisdanslasalleàmanger.Ilnousservaitduvinetm’offritunsourirequandj’apparusdevantlui.
–Jepensaisquetuallaisétrennercetteravissantepetitechosenoire.–Pastoutdesuite,souris-je.
***
Andrewfinissaitsasaladedefruitsquandsontéléphonevibra.Àsonfroncementdesourcils,jedevinaiqu’ilnes’agissaitpasd’unebonnenouvelle.
–Blake?fit-ilensedirigeantverslesalon.
Je repoussai mon dessert et tentai d’écouter les bribes lointaines de sa conversationtéléphonique.
–Est-cequevousallezbien?s’inquiéta-t-ilaprèsdelonguesminutesdesilence.Je me levai de table et allai le rejoindre dans le salon. Je le fixai, cherchant à obtenir une
explication.Maisilsecoualatêtetoutenfuyantmonregardavantdereprendresaconversation:–Bien.Appelezl’informatiqueetdemandez-leurdevérifiertouslesmotsdepasse.Etprofitez-
enpourréclamerunelistenominativedespersonnesayantaccèsaubâtiment.–Unproblème?murmurai-je,anxieuse,pendantqu’ilallaitetvenaitdanslapièce.–Etenvoyez-moicettelistedèsquevousl’avez.Bonnesoirée,Emily.Andrew raccrocha et tout son corps sembla s’affaisser brutalement. Je m’approchai de lui,
espérantpouvoir le rassurerparmaprésence.Jeposaiunemainsursondos,quisecontractaàcesimplecontact.Quandnosyeuxsecroisèrentenfin,jeperçusunelueurdecolèredanssonregard.
–Lavoitured’Emilyaétéforcée.Sonsacetsonordinateurportableontétévolés,gronda-t-il.–Ellevabien?m’inquiétai-je.–Oui.Savoitureétaitaugarage.Elleavaitoubliéundossieret,letempsdefairel’aller-retourà
sonbureau,sonordinateuravaitdisparu.Brusquement,Andrewmepritdanssesbrasetmeserracontrelui.Ilsoupiralourdement.Une
forme de lassitude devait le gagner. Dès que nous avancions sur un sujet, dès que les chosessemblaientenfinsouscontrôle,unautrepandenosviess’effritait.Jem’accrochaiàlui,leserrantàmontourcontremoi.
–J’aihâtequecettehistoiresoitterminée,murmuraAndrew.–Elleseterminera,jet’assure.Jemedétachai de lui et risquai un sourire. Ilme sourit à son tour, plus faiblement que je ne
l’espérais,etdéposaunbaisersurmonfront.Ils’écartaetsedirigeaversl’undestiroirsdumeubledebureau.
–J’aiquelquechosepourtoi,etj’aimeraisvraimentquetuleportesdemain.–Encoreuncadeau?plaisantai-je.–Est-ceunproblème?–Potentiellement.Jeprésumequejevaisdevoirtefaireuncadeauàmontour.– Tu viens avec moi à San Francisco, jamais je ne pourrais rivaliser ! s’esclaffa Andrew.
Tourne-toi,s’ilteplaît.Je lui tournai le dos et, quelques instantsplus tard, je sentis lesdoigts d’Andrewcaresserma
nuque,puisrepousserlamassedemescheveuxsurmesépaules.Ilembrassalapeaudemoncou,etmêmesanslevoir,jesavaisqu’ilsouriait.
–Unairdedéjà-vu,murmura-t-il.Lecontactfroiddubijoumefitfrémir.Lecollierauxfinsmaillonsglissasurmapeau,entraîné
par un pendentif scintillant. Je passai le bout de mes doigts dessus pendant qu’Andrew l’attachaitautourdemoncou.Jepivotaidenouveau,faisantfaceàmonamanttoutenobservantlebijou.
–Merci,murmurai-je.–J’aimetefaireessayerdesbijoux.–Est-ilvraimentpourmoi?m’enquis-je.Jesourisausouvenirdenotreséanced’essayage.Andrewrepoussamescheveuxenarrièrecette
fois, et comme il l’avait fait ce soir-là, il longea la chaîne du bout de son index. Je frissonnailégèrement,sentantlachairdepoulecouvrirmondécolleté.
–Pourquid’autrepourrait-ilêtre?
–Jet’aitrouvétellementagaçantcesoir-là.–Jesais,murmura-t-il.Tuétaistellementtouchanteàlutterdetoutestesforcescontremoi.–Etj’airésisté,mentis-je.Jeleporteraidemain,assurai-je.–J’aimeraisqu’onreparledecela,lançaAndrew.–Dedemain?Ilmefixaaveccetteétrangeetdéconcertanteintensité.Pourtant,sestraitsétaientdurs,secs,etil
semblaitdistant.Jeprislebijouentremesdoigts,l’agitantnerveusement.–Ceque tuvasfaireavecDaniel…Jenesaispas…Jen’aimepas l’idéequ’il te touche…La
simplepenséequ’ilpuissesepavaneravectoimerépugne,avoua-t-il.–Andrew,c’estjuste…duthéâtre,unefaçondelefairecraquer,jeteprometsquecen’estrien
deplus,assurai-jeenposantmesmainssursontorse.–Peut-être,mais…Kathleen,jamaispersonnen’aempiétéainsisurmavie.Etj’ailasensation
qu’ilvaencoresaccagerquelquechose.Toienl’occurrence.Levisaged’Andrewsecrispaetjesoupirailourdement.Jenesavaispascequ’ilvoulait…Une
assurancedemapart,meprévenirdetoutesceschosesquejedevraifairecroire,oujustemefairepartdesesinquiétudes.
–Jesaisàquij’appartiens,dis-jeavantdel’embrasserdoucement.Iln’yaquetoi.Unsourireflottasursonvisageetsonregards’illumina.–Jevaisgérerça.Jevais le faireparler,assurai-je.Et il seraarrêtésamedimatin,promis-je,
confiante.–Toujoursaussistupéfiante,murmura-t-ilencaressantmonvisage.–Tuessiconfianthabituellement,sûrdetoi…Commentpeux-tucroirequejevaiscéderàcet
homme?Soudain,unsourirecarnassiers’étirasurseslèvres.Sonregardinquietviradanslasecondeetil
m’attiracontreluipouruneétreinte.–Nevapastroploinaveclui.– Juste de la comédie ! Rien à voir avec ce que je ressens avec toi, ajoutai-je enm’écartant
légèrementdelui.Unsouriresedessinasurseslèvres,etlachapedeplombquis’étaitabattuesurnousaumoment
del’appeld’Emilysemblasedissiper.Jel’embrassaidenouveau,meperdantdanslecontactdeseslèvres.Iln’avaitaucuneraisondes’inquiéter.J’étaisàlui,sansaucundoute.Jeportaimesmainsenhaut de sa chemise et entrepris d’en défaire les boutons. Sa respiration s’accéléra et il réduisitl’espacedéjàrestreintentreluietmoi.Dansmacagethoracique,jesentismoncœurbondiretfondrel’instantsuivant.
Jerepoussaisachemiseetlaluiretirai,caressantsontorsemusclé.Andrewôtamonhautetmeguida jusqu’à lachambre. Je trébuchai, l’embrassantavec lepeudesoufflequ’ilme restait.Quandmesgenouxheurtèrentlelit,jem’effondraisurlesdrapsfrais,lecorpsd’Andrewcouvrantlemien.Lapièceétaitàpeineéclairée,lalampedechevetdiffusantunedoucelumière.
Jerelevai lesjambes, lebassindemonamantsefrottantdefaçonindécentecontrelemien.Jegémisfortement,plongeantmesdoigtsdanssescheveux.Unedesesmainsdéboutonnamonjeanet,trèsvite,seposasurmonintimité.Denouveau,jegémiscontrelui,mecambrant.Ilnousfitroulersurlelit,etjemeretrouvaiau-dessusdelui.
–Prendslescommandes,m’intima-t-il.Jesourislargementavantdemedirigerverslafermeturedesonpantalon.Jel’endébarrassai,
puis lui retirai son boxer. Son sexe tendu apparut devant moi, et j’en profitai pour l’embrasser
furtivement.Andrewgeignitetmurmuramonnom.Jeremontailelongdesonventreetdesontorse,parsemant sa peau de baisers.Quand je fus à la hauteur de sa bouche,Andrew défitmon soutien-gorgeetseslèvresseposèrentsurlapointedurcied’undemesseins.Jelerepoussaidoucement.
–Jecroyaisquejedevaisprendrelescommandes?soufflai-jeavantdesuçoterlapeaudesoncou.
Ses yeux croisèrent lesmiens et celamedésorienta totalement.La chaleur de son corps et laflamboyancedesonregardeurentraisondemoietjehaletailégèrement.
–Vas-turesterhabillée?medemandaAndrewavecunepointed’amusementdanslavoix.Jemedéfisdemonjeanetdemonsous-vêtement,etmeglissaidenouveausurAndrew.Cette
fois,jedevinsplusentreprenante,etsentirsoncorpssedétendresouslescaressessimultanéesdemabouche et de mes mains me donnait une puissance phénoménale. J’embrassai ses flancs, tout encaressant son ventre parfaitement plat. Je sentais son sexe bouger sous moi et ce simple contactm’électrisait.
Ses mains se perdirent dans ma chevelure, et il gémit lourdement en sentant mes baisers sedirigerdeplusenplusbas.
–Kathleen,murmura-t-ilenjetantunregardversmoi.–Andrew,soufflai-jeaveccetteintonationparticulièrequ’ilaimait.Satêteretombalourdementsurl’oreilleretjemeplaçaientresesjambes,embrassantsonsexe
tendu. Ses doigts bougèrent surma tête,m’encourageant de façonmuette à aller plus loin. Aussi,quandjeprisAndrewentremeslèvres,songrognementnem’étonnapasvraiment.
Àpart son souffle lourd, je n’entendais rien. Jeme concentrais sur lui, surma capacité à luidonnerduplaisir.Ilgémissaitàunrythmerégulier,surtoutquandmalanguepassaitsurlapartielaplussensibledesonsexe.Mabouchecoulissaitsurlui,enalternantlescadencesrapidesetpluslentes.
–Encore,quémanda-t-ilalorsquej’avaisabandonnésonsexepourlecaressersimplementavecmamain.
Avec un sourire, je reposaima bouche sur lui, et il se cambra violemment en sentant que jel’aspirais entre mes joues. De nouveau, à bout de souffle, il grogna mon nom et ses mainsm’imposèrent un rythme soutenu. Je creusai denouveau les joues, accentuantmapression sur sonsexe,puispassaimalanguelentementsursonextrémité.
Andrewjuraetcelamedonnaunesatisfactionénorme.J’avaislepouvoirsurlui.Monexcitationredoubla,etjem’entendisgémircontrelui.Jefrottaimescuissesl’unecontrel’autre,cherchantunsoulagement,envain.
–Laisse-moitetoucher,suppliaAndrew.Jelelibéraietclaquaimalanguecontremonpalaispourluirappelersapropreinstruction.Je
menaislejeu.Jeremontailelongdesoncorps,mapeaubrûlantesefrottantàlasienne.J’embrassaiseslèvres,plongeantdanssonregardincandescent.
–Dis-moicequetuveux,murmurai-je,frottantmonintimitéhumidecontresonsexe.–Toi,souffla-t-il.–Comment?–Detouteslesfaçonspossibles.Soudain, ilme sembla que le temps semit à ralentir.Les battements demon cœur prirent un
rythmefouetleregardd’Andrewsevoila.Immobileau-dessusdelui,jecomprisquej’avaisétépriseàmonproprejeuetquejenemenaispasvraimentladanse.
–Andrew,murmurai-je,pantelante.–Promets-moi,supplia-t-il.Promets-moid’êtreàmoiunjour.
–Jetelepromets,assurai-je,lavoixétranglée.Etletempsseremitenroute.Andrewmebasculasurledoset,aprèsm’avoirembrasséeavec
dévotion, s’enfonçaenmoi.Nousgémissionsà l’unisson, tandisque lemouvementdeseshanchesrencontrait parfaitement celui demon bassin. Il nicha sa tête dansmon cou, répétantmon prénomdansunmurmuresansfin.
Jemecambraicontrelui,cherchantàobtenirladélivrance.Lechaud,lefroid,puisdenouveaulechaudmeconsumaient.Jejetailatêteenarrière,attendantqu’ilm’offreleplaisirquej’attendais.
–Andrew…–Encore,grogna-t-ilenintensifiantsesmouvements.Monventresetorditunpeuetilcaressal’endroitleplussensibledemonanatomie.Jecriaison
nom,m’accrochant à sondos,griffant ses épaules. J’envoulaisplus,maintenant, toutde suite.Sesmainss’accrochèrentàmescuissesetillesremontaunpeuplussurlui,accentuantlaprofondeurdesonmouvement.
Ensueur,jemesentispartirversunorgasmedévastateur.LesexeavaittoujoursétéincroyableavecAndrew,mais ce soir, c’était différent.Comme si tout convergeait :mon corps, le sien,moncœur,lesien,mapromessed’êtreàluietnotrevieàvenir.
Ilsetenditau-dessusdemoietgrogna,m’entraînantdansunejouissancenouvelle.Jecriaisonnom,heureuseetenpleineplénitude.Ils’effondrasurmoietroulasurlecôtéavantdem’attirerdanssesbras.
–Jet’aime,soufflai-je,pantelante.–Jet’aimeaussi.Nel’oubliejamais.Après quelques minutes, ma respiration se calma. J’écoutai le cœur d’Andrew reprendre lui
aussiunrythmenormal,caressantdemamainlehautdesontorse.–Ondevraitdormir,murmurai-je.–Ondevrait,oui.Il repoussa doucement les draps et me fit tourner pour caler mon dos contre son torse. Ses
lèvres embrassèrent la peau de ma nuque et ses mains, sagement posées sur mon estomac,descendirentlentemententremescuisses.
–Jen’aipasvraimentenviededormir,souffla-t-il.Samainse logeaentremescuisseset ilmecaressa longuement,m’amenantàun troisièmeet
fulgurantorgasme.Épuiséeparmajournéeetparlesattentionsd’Andrew,c’estbercéeparlerythmedesarespirationquejefinisparm’endormirdanssesbras.
CHAPITRE30
Lelendemainmatin,Andrewmeréveillaencouvrantmonépauledetendresbaisers.Jem’étiraiengémissant,ravied’avoireuunenuitdesommeildécente.Ilmesemblaitquejen’enavaispaseudepuisdessemaines.
–Bonjour,murmurai-je.–Bonjour,belleendormie.Lepetitdéjeunerestservi.–Génial…Tuesparfaitpourl’intendance,letaquinai-jeencaressantsajoue.–Encoreunebonneraisondem’épouser,riposta-t-il.–Ai-jeditquejeneleferaipas?m’enquis-jeenmetournantverslui.– Je tente de mettre toutes les chances de mon côté… T’ai-je dit à quel point tu étais
resplendissanteauréveil?–Tuenfaistrop,Andrew!m’esclaffai-jeenmedégageantdesonétreinte.Jemelevaietfilaiverslasalledebains.Derrièremoi,jesentissonregardmedévorer.Jelançai
le jet de la douche, espérant qu’il me suive pour une ultime étreinte avant son départ pourWashington.
L’eauchaudeachevademeréveiller.Commejel’avaisespéré,Andrewsejoignitàmoi,maisnotredouche fut, audépart, très chaste. Il se contentadememasser les épaulesetdem’embrasserépisodiquementalorsquejevoulaistellementplusdesapart.J’entreprisalorsdelesavonneràmontour,m’aventurant lentementmais sûrement versma zone d’intérêt. Je le caressai doucement, sonsexegrossissantdansmamain.
Andrewretrouvames lèvres,m’embrassantpresquesauvagement, sansme laisser le tempsdereprendremonsouffle.
–Continue,m’intima-t-ilenprenantmamainpourlareposersurlui.Je repris alorsmacaresse,Andrewgémissant lourdementquand j’accentuais lapression sous
mesdoigts.Brutalement,ilmefitpivoteretmecollaàlaparoideladouche.Lesseinsécraséscontreleverre,Andrewmefitl’amouravecunefrénésieparticulière.Savoixrauquemeparvint,articulantmonnompendantquejecriaislesien.
Matêtetournaetjetentaidememainteniralorsquemesjambestremblaient.L’eaus’abattaitsurmondosetAndrewbougeaencoreplusvite,allantetvenantenmoicommesisavieendépendait.L’orgasmemesaisitavecunesoudainetéfolle,metétanisantsurplace.Andrewjouitquelquesinstantsplustard,avantdemurmurerqu’ilm’aimaitdanslecreuxdemonoreille.
Comblés, nous sortîmes de la douche et je tentai de trouver une tenue adéquate pour monentrevueavecLynne.J’optaipourunerobelongueetlégère,choixqu’Andrewapprouvad’unsourire
heureux. Je m’installais à la table du petit déjeuner quand le room service s’annonça à la porte.Instantanément,moncorpsseraidit.
–C’estlavoixdeDaniel,murmurai-jeàAndrew.–Jevaisvoircequ’ilveut.Jecourusjusqu’àlachambreetfermailaporte,laissantunespacerestreintpourentendreleur
conversation.Andrewouvritlaporteetd’oùj’étais,jenedistinguaisquesasilhouettelongiligneetlesmusclestendusdesondossoussachemise.
–Unenvoienexpresspourvous,monsieur.–Jenesavaispasquevousgériezaussileroomservice,lançaAndrewunpeusèchement.–Leconciergedejourétaitoccupé,monsieur.Andrew bougea et je compris qu’il refermait la porte. J’entendis Daniel lancer un « bonne
journée » pendant qu’Andrew ouvrait une enveloppe volumineuse. Je sortis de ma cachette etretournaiàtable.
–Cetypeesttoutdemêmed’unearroganceincroyable,râla-t-il.Ilosesepointeràlaportedemasuite!
–Ilvenaitsûrementvérifiersituétaisseulounon.–Ilpeutcomptersurmoi…Jeluienverraiuncartond’invitationpournotremariage!Jerisquaiunsourire,espérantdétendrel’ambiance.Ilfallaitvitechangerdeconversation.Jene
voulaispasqu’AndrewparteàWashingtonavecdesidéessombresettortueusesdanslecrâne.–Qu’est-cequec’est?l’interrogeai-je.–La dernière version du contrat que je dois signer ce soir. Ça concerne un appel d’offres à
Washington.Onvaréhabiliterunbâtimentpourenfairedeslogements.Cecontratestlepremierquenousgagnonsencinqans.
–Jevaiscommanderduchampagnepourcesoir!souris-je.–Nathans’enestdéjàchargé.–Es-tuentraindedirequetupréfèressacompagnieàlamienne?Andrewétouffaun rire avantde se servir du café. Jemeversai du jusde fruits et beurrai un
toast.J’étaisaffamée.Ilrelevalesyeuxversmoi,m’observant.–Jedevraismeméfier.Maintenantquetues…prise,ilrisquedelorgnersurtoi.Ilaimesauver
lesfemmesendétresse.–Jenesuispasendétresseavectoi!contrai-je.Dois-jem’inquiéterdeMeghan?plaisantai-je.
Simessouvenirssontbons,tuastoiaussi«lorgné»surelle.–C’étaitdifférent.Jen’étaispasmarié.–Jenelesuispas.–C’esttoutcomme.–Devons-noustoujoursenreveniraumariage?J’ail’impressiondemefaire…endoctriner!–Est-cequeçamarche?–Non…Maisjesaisqueçanet’arrêterapas.Donc,Meghan?–Onavaitbu.Sansintérêt,pourellecommepourmoi.Etsincèrement,jecroisqueGregoryest
bienmieuxpourelle!Jem’étouffaipresqueavecmontoast.Detouteévidence,j’avaisloupéunépisodedelarelation
particulièreentreGregoryetMeghan.Lesyeuxd’Andrewpétillaientdevantmoiet,trèsgalamment,ilm’offrituneserviettepourm’essuyer.
–Jenecomprendspas,avouai-jeaprèsavoirbuunegorgéedemonjusdefruits.–Elleleveut.
–Ettusaisçaparceque?–ParcequeMeghans’estmiseausportalorsquejedoutequ’elleait jamaiscourudetoutesa
vie.Mêmeaprèsuntaxi!Jerisàmontour,mepromettantd’appelerGregorypourluifairepartdecetalléchantsecret.Il
allaitêtreravidepouvoirsefrotteràlafemmedel’«Empereur».–Tuestrès…potinfinalement,fis-jeremarqueràAndrew.–Jetiensàeux.Ilsm’ontaidé…aprèsEleanor.SansMeghan,jeserais…jenesaispas…peut-
êtremortnoyédansl’alcool.EtNathan…cequ’ilafaitestau-delàdel’amitié.Jeluisuisredevable.–Jepensequejedoisgardercetteinformationpourmoi?ris-je.–Évidemment.J’arrivetoujoursàluifairepeur,pourlemoment.Mercidenepasbrisermon
«aura».–Tunem’impressionnesplus,avouai-jedansunrire.–Encoreundéfi?– Tu ne pourras pas relever celui-là. J’en suis certaine. Je suis habituée à tes excès, à tes
manœuvrespourmemettreenéchec…Jenecrainsplusriendetoi.–Tum’envoisdésolé,sourit-il,pasdutoutcontrit.Maisjepensequetuastort.–Pourquoies-tusisûrdetoi?m’enquis-jeenvoyantsonregards’illuminer.–Parcequejegagnetoujours,Kathleen.Toujours.Lasonneriedesontéléphoneretentitetilgrimaça.Nousavionsréussiàinstaureruneambiance
unpeulégèreetenuneseconde, touts’effondrait.L’appelfutbrefetpendant toute laconversation,Andrewnemequittapasdesyeux.
–Finistoncafé,ondoitretrouverGrantdanscinqminutes.–Où?demandai-jealorsqu’ilselevaitdetable.–Augarage.Lebriefingserafaitdanslavoiture,etontedéposeensuitechezLynne.J’avalailerestedemoncaféd’untraitetretournaiàlasalledebainspourmebrosserlesdents.
Danslapièced’àcôté,AndrewpréparaitunsacpoursonvoyageàWashington.Quandjeregagnailachambre pour prendremaveste, sa valise était fermée et il consultait son agendapour la semainesuivante.
Jerécupéraimonsac,yglissantmontéléphoneetunepairedelunettesdesoleil.Àpeinel’avais-jeferméquedescoupsfurentfrappésàlaporte.Denouveau,jeretournaimecacherdanslachambrependantqu’Andrewallaitouvrir.Undesagentsdesécuritédel’équipedeGregoryapparutetAndrewluidemandad’attendrequelquesinstants.
–Jedescendslepremier,Gregoryvienttechercherdanstroisminutes,m’annonça-t-il.–D’accord.Ilposaunbaiserfurtifsurmeslèvreset,aprèsunderniersourire,retrouval’agentdesécurité.
LaportedelasuiteclaquaderrièreluietGregorys’annonçaquelquesinstantsplustard.Commelaveille, ilm’escortadans l’ascenseur et jusqu’à lavoiture, où je retrouvaiAndrew. Je saluaiGrant,assisàl’avantsurlesiègepassager,pendantqueGregorys’installaitderrièrelevolant.
NoussortîmesdugaragepournousengouffrersurlaCinquièmeAvenue,grouillantedemonde.Lesvitres teintéesnouscachaientde la foule, et alorsque je fixais sansvraiment lesvoir touscesvisages, ilme sembla reconnaître un regard familier. Je fouillai rapidement dansmamémoire, envain.Andrewposasamainsurlamienne,mesortantdemespensées.
–Est-cequetoutvabien?–Oui…J’ai…Jenesaispas,ilm’asembléreconnaîtrequelqu’un.Maisj’aidûrêver.–Jevousdonnelesinstructionsdecesoir,lançaGrantendégainantunbloc-notesdesapoche.
Andrew prit ma main dans la sienne et la serra fermement. Je lui offris un faible sourire,incapablededonnerpluslechange.
–Gregorym’aconfirmélelieududîner.Çacommenceraà20heures,jeviendraivouséquiperàl’hôtelà18h30.
–Danielvasûrementvouloirvenirmechercherchezmoi,intervins-je,unpeupaniquée.– Il faudra refuser, lui dire que vous irez directement au restaurant. Toutesmes équipes sont
mobiliséeslà-bas,jeneveuxpasprendrederisques.–C’estparfait,approuvaAndrew.C’estunebonnechosequecetypenedébarquepascheztoi.–Etensuite?demandai-je.–Vouslefaitesparler.Gregoryseradanslasallepourvousprotégerencasdeproblème.Etil
seraarmé.Je déglutis lourdement et Andrew m’adressa un regard inquiet. Je me sentis blêmir et me
raccrochaiàsamainpourtenirlecoup.–Ilfautqu’onconvienned’unsigne,Kat.Aucasoù.Jeneprismêmepaslapeinededemander«aucasoùquoi?»àGregory.Jesavaisdequoiil
parlait. Curieusement, ce n’était pas tant l’anxiété d’être avec Daniel qui me rongeait, c’était lapossibilité de ruiner la soirée de Lynne. Je craignais de paniquer, d’agir maladroitement, deprovoqueruntsunamisansaucuneraison.
–Jetoucheraimoncollier,murmurai-jeenportantmamaindessus.JelançaiunregardversAndrew,etilacquiesça.–Ledînerdoitfinirvers23heures,auplustardminuit,repritGrant.–Gregoryvousraccompagneraàlasuite.MonsieurBlake,serez-vouslà?–Non. Je suis àWashington pour la journée.Gregory, je veux que vous gardiez unœil sur
Kathleentantquejenesuispasrentré.–Sansproblème,opina-t-il.–Vousavezdesquestions?demandaGrant.–Jenesaispassi…Enfin,jenesuispassûredelefaire…parler.–Kathleen,faiscequetupeux,merassuraAndrew.Etsurtout,neprendspasderisqueinutile.
S’ilteplaît,ajoutaAndrewdansunmurmureàpeineaudible.–Faitescequevouspouvez…Leseulmystèrequenousdevons résoudre,c’est l’histoiredes
pneus,expliquaGrant.MademoiselleDillon, faitesdevotremieux.De toute façon, l’enquêteestencours,nousfinironspartrouverquelquechose.
Lesilencesefitdanslavoiture,etGregorys’engageasuruneruemoinsfréquentée.L’angoissequejetentaisdecanaliserdepuiscematinrefitsonapparition.Andrewlibéramamainetenroulasonbras autour demes épaules pourm’attirer contre lui. Jeme laissai volontiers faire, respirant sonparfumpendantquejeréfléchissaisàcommentfaireparlerDaniel.
–JevaisresterenbasdechezLynneetsivousbougez,jevoussuivrai,m’indiquaGregory.–Nousironssûrementàlaboutiquepourlesrobes.–Aucunsouci.–Etjedoisenplusluifairecroirequejesuismalheureusecommelespierres,marmonnai-je.–Tunel’espas?medemandaAndrewaveclatraced’unsouriredanslavoix.–Non.Vraimentpas…Jesuis…anxieuseetstressée,etpresséed’enfinir.Pasmalheureuse…Je
nesaispascommentjevaispouvoirluifairecroireça…–Elledoitêtreobnubiléeparsonmariage.Évitedeparlerdetoi,çadevraitsuffire.–J’oubliaisàquelpointtuétaisfinstratège,souris-jeenmeredressantpourluifaireface.
Jeposaimeslèvressurlessiennes,profitantd’unedernièreétreinte.Jesentislavoitureralentir,puiss’arrêter.Andrewagrippamanuque,meretenantcontrelui.J’oubliailaprésencedeGrantetdeGregory,etlaissaifairelalangueexperted’Andrewcontrelamienne.Cen’estqu’àcourtd’oxygènequ’ilsedétachademoi,rivantsonregardétincelantaumien.
–Soisprudente.Jerentrecettenuit,dit-ildoucementavantdesepenchercontremonoreille.Etjeteveuxdanscettedélicieuseetindécentepetitechosenoire,chuchota-t-il.
Il parvint àm’arracher un sourire,même simon cœur frappait frénétiquement et lourdementdansmapoitrine.Jemesentaismal,angoissée,faible,etpourtantj’avaisenvied’enfiniraveccettehistoire.
–Jet’aime,murmurai-jeàAndrew.–Jet’aimeaussi,répondit-t-ilenplaquantunbaisersurmonfront.Tudevraisyaller,tuvasêtre
enretard.Jem’écartaideluiàregret,prismonsacetsortisdelavoiturepourmeprécipiterdanslehallde
l’immeubledeLynne.LavoituredeGregorybifurquadanslapremièrerueet,quelquesinstantsplustard, jevissonimposantesilhouettes’installerdansunbarfaceà l’entréedel’immeuble.Aprèsunderniersignedelamain,jem’engouffraidansl’ascenseur.
***
Lynne était resplendissante quand j’arrivai chez elle. Le teint frais, le sourire aux lèvres, ellem’accueillitenmeproposantdeboireuncafé.OubliantmanuitavecAndrewetconcentréesurlefaitquejedevaisparaîtreabattue,j’esquissaiàpeineunsouriretoutenacceptantsonoffre.Ellerevintdesacuisineavec,dansunplateau,nosdeuxcafésetquelquesbiscuits.
Jem’installaisurlecanapéetelles’assitprèsdemoi.–Avanttout,ilfautquejetedonneça!seréjouit-elleenbrandissantundossiercartonnédevant
moi.Je lui lançai un regard soupçonneux.Lynne était une femme enthousiaste, pétillante,mais ces
dernierstemps,nosdisputesavaientprislepassurnotreamitié, lafragilisanttoujoursunpeuplus.Aussi,qu’ellesemontresiextravertieenmaprésencem’étonna.
–Qu’est-cequec’est?demandai-jeenprenantledossier.–Despropositionsd’embauche.Je fronçai les sourcils et ouvris fébrilement la chemise cartonnée. La situation aurait pu être
presquedrôle.Jeravalailerirejaunequimenaçaitdesortirdemagorgeetplaquaiunsourirecrispésurmeslèvres.
–Merci,Lynne,dis-jeavecunereconnaissantefeinte.–Jesaisque…Disonsquedernièrement,nosdiscussionsontétéplutôtheurtées.Jen’aipasété
d’ungrandsoutienaprès…Andrew,souffla-t-elleensetordantlesmains.Jepensequejetedoisdesexcuses,lança-t-ellesoudainement.
Jerelevailesyeuxverselle.Ellesemblaitsincère.Ellemefixaitintensément,attendantsûrementquej’acquiesce.Jeluisourisdenouveau,replongeantdevantlescinqpropositionsd’emploiqu’ellevenaitdemetransmettre.
–Etc’estpourçaquetuveuxm’envoyerenIndonésie?plaisantai-je.–J’aipenséquetun’auraisriencontre,répondit-elleenhaussantlesépaules.Enplus,lesalaire
estfabuleux,remarqua-t-elleenpointantlasomme.–Eneffet!
–MaisilyaaussiuneoffreàSydney.Notammentpourlapartieévénementielle.Çan’ariendedifférentdecequetufaishabituellement.Jesuiscertainequetuenescapable.
Jerefermailedossieretleposaisurlatabledevantmoi.JemetournaifinalementversLynneetlaprisdansmesbras.Jel’étreignisfortement, laremerciantd’êtrelà,pourmoi.Malgrétoutesnosdisputes,j’appréciaisqu’ellesesouciedemonavenir.
– Je suis désolée,murmura-t-elle. J’aurais dû être plus…ouverte au sujet de ta relation avecBlake,ajouta-t-elleens’écartantdemoi.Aumoinspourt’amenerunebouteilledevinetlemaudirejusqu’àlafindestemps!
–Jen’aipasfaitça,Lynne!ris-jedevantsonairdécidé.–Pourtantillemérite!Jebusunegorgéedemoncafé,stupéfaiteparmonamie.Lynneavaittoujoursététellementsûre
d’elledanssafaçonderemettreencausemarelationavecAndrew.Ceretournementdesituationétaitincroyable.
–Commenttesens-tu?demanda-t-elle.–J’aisurvécuàl’apocalypse,souris-jepourcachermonmensonge.–Blake nemérite sûrement pas que tu te lamentes pour lui, plaisanta-t-elle en reprenant une
gorgéedesoncafé.–Jeprésumequelachuteestplusdurequandonestmontétrèshaut,murmurai-jeenrepensantà
ladévastationquej’avaisressentieaprèsledépartd’Andrew.Ilyeutunpetitsilenceet,curieusement,j’attendaisqueLynnefassecequ’elleavaittoujoursfait
avecmoi:meremettreenplace.Jeluilançaiunregardetvisqu’ellemecomprenait.–Tut’enremettras,j’ensuiscertaine.Ilestleseulàavoirperduquelquechosedevalabledans
votrehistoire.–N’enrajoutepas,souris-je.J’aidéjàacceptétesexcuses.–Jen’enrajoutepas!AndrewBlakeestunidiots’iln’apasvuàquelpointtuétaisparfaitepour
lui.–«Parfaite»?Tulepensesvraiment?m’étonnai-je.–L’aurais-tudéfendusivivementsicen’étaitpaslecas?Votrehistoiresemblaitsérieuse,j’ai
biencruqu’ilallaitt’embarqueravecluiàSanFranciscosansquetunemedemandesmonavis!–Lynne,jen’aipasbesoindetonautorisationpourfaireça!m’écriai-je.–Tuseraispartiesansmedemandermonavis?s’étonna-t-elleenriant.Jerisàmontour,avantdeposermatasse.–Lynne, toiouAndrewBlake,souris-jeenmimantunebalanceavecmesbras.Sincèrement?
plaisantai-je.–Jeveuxbienadmettrequenousn’avonspaslesmêmes…commentdire…moyensdetefaire
céder!Maistoutdemême!Elleritdenouveauetl’ambiances’allégeaprogressivement.Nousfinîmesnoscafésrapidement
et Lynne, regardant samontre,m’informa que nous étions attendues dans une heure à la boutiquepourlesrobes.
–Aufait…J’aiquelquechosepourtoi,lança-t-ellesubitementenmetendantuneenveloppe.Je me figeai en prenant conscience de ce que c’était. Une nouvelle lettre d’Andrew. Je la
récupéraiavantdelatournerentremesmains,meremémorantladernièrequejeluiavaisenvoyée.Jeluiavaisdemandédu temps,du recul…Etmaintenant, jecomprenaisàquelpointcelaavaitdû luifairedumal.
–Commentl’as-tueue?demandai-je,incertaine.
–Gregl’aposéesurmonbureauhier,ilsavaitqu’ondevaitsevoiraujourd’hui.Tunel’ouvrespas?s’étonna-t-elleenmevoyantl’ajouteraudossiercartonné.
–Pastoutdesuite.Jefixail’enveloppedevantmoi,partagéeentrel’enviedelirelalettreetlaconvictionprofonde
quejem’effondreraidansl’instantenlefaisant.Monvisagedutmetrahir,carLynnes’installaàmescôtés,l’inquiétudevoilantsonregard.
–Tusaisquetupeuxtoutmedire,m’encouragea-t-elle.–C’est…compliqué,Lynne.Etjesuisàpeuprèscertainequetunecautionneraispas,detoute
façon.–Depuisquandmonaviscompte-t-ilautant?s’amusa-t-elle.–Ilcomptequandtuasraison.Elleécarquillalesyeux,stupéfaiteparmarévélation.Ilyeutunbrefsilence,puisLynnesoupira.–Tudevraisl’ouvrir.Tumeursd’enviedelefaire!–Jecrainsdelefaire,corrigeai-je,amère.–Ce n’est qu’une lettre…Ce n’est pas comme si tonmonde allait basculer dans la seconde,
plaisanta-t-elle.Je me tournai vers elle et, immédiatement, son rire cessa. J’aurais aimé qu’elle ait raison
maintenant, mais quelque part, je devais l’admettre, j’aurais dû suivre le conseil de Lynne dès ledépart.Me laisser embarquer par cette annonce et écrire à l’inconnu avait été unemauvaise idée.Poursuivremacorrespondanceaveclui–avecAndrew–avaitétépireencore.
Au départ, tout était sous contrôle, je devais me contenter d’être la simple concierge…Maintenant, je ne savais plus où j’en étais. Annoncer à Andrew que j’étais Marie allait s’avérercompliqué.Jeredoutaisqu’ilm’enveuilledeluiavoircachélavérité.
–J’aiparléàNathan, lançasoudainementLynne.Tuavaisraison, je luiai laissé tropdeplacedansmavie.
–Tusaiscequej’enpense,murmurai-je.–Jesais.Maisj’aianalysélasituation.J’aimePhilip,j’aimelarelationquej’aiaveclui.Jesuis
certainequetoutsepasserabien.J’aiditàNathanhiersoirqu’ilnedevaitpasespérermieuxdemapartqu’unesimpleamitié.
Hiersoir…Nathans’étaitsûrementdécidéjusteaprès.IlavaitattenduqueLynneluimontredel’intérêt, et maintenant qu’elle s’éloignait, il avait enfin pris les choses en main. Je réprimai unsourireensongeantàsonplan.JesavaisdéjààquelpointcelaferaitparlerauseinduPeninsula.
–C’estbienquetuaiesparléàNathan,approuvai-je.Aumoins,maintenant, ilsaitàquois’entenir.
–Tu…tuesd’accord?Jem’attendaisà…jenesaispas,undiscourssurlesvertusdel’amourfououdeschoixdudestin,plaisanta-t-elle.
–Jen’adhèrepasàtonmariage,c’estunfait,maisc’esttonchoix.JenevoulaispasqueNathansoitunesortededommagecollatéral.
Jefinismoncafé,sentantleregardinsistantdeLynnesurmoi.Quandjemetournaiverselle,jem’aperçus qu’elle avait pâli. Elle cacha sesmains tremblantes en les joignant l’une contre l’autreavantdebaisserlesyeux.Elleluttaitdenouveau.
–Commenta-t-ilréagi?l’interrogeai-je.– Bien… si on peut dire. Il m’a dit qu’il s’agissait de mes choix, et qu’il ne pouvait pas
m’empêcherdelesfaire.Maiscematin,enyrepensant,jenesaispas…–Tupeuxtoujoursrepousserlemariage,Lynne.
–Non…Non,jeneveuxpas.J’aimePhilip.–EttuaimesNathan,finis-jepourelle.–Jenepeuxpasfaireça,Kat.JeneconnaismêmepasNathan,jesuiscertainequ’il…–Iln’estpasutiledeconnaîtrequelqu’unpour…ça,Lynne.En souriant, je remarquaiqu’effectivement, jen’avaispaseubesoindeconnaître l’identitéde
l’inconnu pour l’aimer. Je n’avais aucun souvenir de quand tout cela était arrivé, à quel momentj’avaissentiqu’autraversdenoslettres,autrechosesepassait.Maisc’étaitlà,imperceptible,léger,flottant…Indéniable.
–Ondevraityaller,proposa-t-elleenselevant.LesilencesefitetLynnerepritpiedprogressivement.Ledoutequihabitaitsesyeuxdisparutet
soncorpscessadetrembler.Ellemelançaunregardtriste,siéloignéd’elle,quej’envisageaipresqued’annulermoi-mêmecemariage. Je reportaimonattention sur le dossier cartonnédevantmoi.Lalettred’Andrewm’attendait.
Discrètement,Lynnesetapotalesyeux.Unefoisdeplus,ellevenaitderepousserNathanetcequ’elleressentaitpourlui.Jem’emparaidemondossieretlemisdansmonsac.
***
Malgrélesessayagesdesrobes, lasensationdemalaisepersistait.Jedécidaid’inviterLynneàdéjeuner.
– As-tu choisi ce que tu vas faire ? me demanda-t-elle après que la serveuse ait pris noscommandes.
–Queveux-tudire?–Ehbien,tuvasresteràNewYorkoupartirpourl’Indonésie?–Jenesaispas,éludai-je.Jenesaispascequejeveuxfaire,mentis-je.–Est-cequetuestoujoursamoureusedelui?–Çanes’estompepasenunenuit.– J’imagine, murmura-t-elle. Mais tu y croyais tellement… Tu t’es lancée là-dedans sans le
connaître.–Jeleconnaismieuxqu’ilnelecroit,lâchai-je.Mieuxquen’importequi.Lynneme fixa étrangement et je compris que j’en avais trop dit.Mais je savais aussi qu’elle
s’inquiétait pour ses propres sentiments pour Nathan. Lui allait déployer les grands moyens dèsdemain. Je préférais ne pas y penser. Les conséquences de ce qu’il s’apprêtait à faire étaient bientrop… grandioses pour y songer. Je ravalai le sourire qui s’affichait sur mes lèvres et tentai machance:
–TutesouviensdesannoncesduNewYorker?–Cestrucsquetulistouslesjeudis?–Oui.Enfait…j’airéponduàuneannonce.–Tuasfaitquoi?s’exclama-t-ellevivement.–J’airépondu.Nemedemandepaspourquoi,j’avaisjusteenviedelefaire.–Tut’esreconnue?–Non…Pasvraiment.Je…Ilcherchaitdel’aideetj’avaisjusteenviedemedirequejepouvais
luidonnerunpeud’espoir.Jelevailesyeuxauciel.SiAndrewm’avaitentendueàcetinstant,jedoutequ’ilauraitpriscette
informationaussisereinement.Lynnem’écoutaitattentivement,délaissantleverredevinqu’elleétait
entraindetournernerveusement.–Nous avons correspondu… longtemps.On ne se connaissait pas et pourtant… Je sais qu’il
s’estpasséquelquechose,Lynne.–Est-cepourçaqu’Andrewet toiavez rompu?Parceque tuavais…uneautre relation?me
demanda-t-elle.–Andrewarompu,corrigeai-je.Iln’estpasaucourantdetoutça,murmurai-jeenrougissant.–Ettucontinuesàluiécrire?C’estluilalettre?C’estcetype?–Oui,ouietoui!–Et tuesamoureusede lui?Jeveuxdire, tuesamoureused’un typeque tuneconnaispas?
s’écria-t-elle.–Jenesaispassic’est…aussifortqueça.Maisjesaisqu’ilsepassequelquechose,unesorte
de…connexion?tentai-je,hésitante.Jepeuxmeconfieràlui,jepeuxluidirecequejenediraispasà…Andrew.
–Alorsc’estcomme…unmeilleuramiparprocuration?–C’estplusqueça,Lynne.C’estfortetinattendu.–Danscecas,pourquoinepasavoirouvertsalettre?–Parcequejeluiaidemandédurecul,etquejeprendsmaintenantconsciencequejeregrettede
l’avoirfait.Laserveusenousamenanosplats,maisjen’avaisaucunementfaim.Mespenséesmemenèrentà
Andrew sûrement dans son avion maintenant. Lynne me regardait comme si j’étais une sorte demonstre.
–Vousêtes-vousrencontrés?–Oui,avouai-jeensentantquelabombeallaitexploser.–Etest-cequec’était…pareil?–C’étaitincroyable,Lynne.Incroyable,souris-je.C’étaitdifférentetàlafoistellementfamilier.
Ilm’adittantdechosesdansseslettres,ils’estouvert…Jeme tus en repensant auxmots d’Andrew, à la façon dont il parlait demoi, de nous. Cette
simplepenséem’ébranlaplusquederaison.Soudain,jemedemandaisitoutcelaenvalaitlapeine,siAndrewn’avaitpasraisonententantdem’empêcherdedînerdenouveauavecDaniel.
–Tuparlesdeluicommesitul’aimaisvraimentalorsquetuviensdemedirequetuaimais…Sesyeuxs’écarquillèrentetjesusàcetinstantqu’elleavaitcompris.Aussibrutalementqu’elle
avaitfaitlelien,elles’esclaffa.Sonrireclairetcristallinrésonnadanslerestaurantetlesregardssetournèrentversnous.
–TuasécritàAndrew?demanda-t-elle,hilare.–Jenepensaispasquecelateferaitrire,grinçai-je.–Cequimefaitrire,c’estd’imaginersatêtequandtuleluiasdit!–Jeneluiairiendit!Son rire s’éteignit aussitôt et elle repoussa son assiette pour caler ses coudes sur la table.Le
visageentrelesmains,ellemeregardatoutensecouantlégèrementlatêted’incrédulité.–Commentest-cepossible?m’interrogea-t-elle.–Jenesaispas.Entoutcas,ilnesaitpasquejesuiscellequiluiécrit.–Jen’arrivepasàycroire,souffla-t-elle.Cetypeesttout-puissant,ettuasréussiàleduper?–Cen’étaitpaslebut…Jenesavaispasquec’étaitluiaudépart,madécouverteestrécente.Je picorai un peu de mon assiette pendant que Lynne assimilait lentement l’information.
L’incrédulité,lastupéfactionetpeut-êtrel’enviesedisputaientsonvisage.Àsontour,elles’intéressa
àsonplat.–Jesaispourquoitumedisça,dit-elledoucement.–Jen’aijamaisétéunefilletrèssubtile,souris-je.–Detouteévidence,si…TuécrisàAndrewBlake!–C’estl’exceptionquiconfirmelarègle.J’étouffaileriredansmagorge.L’exception…Ledestinpeutêtresijoueurparfois!–JenevaispasrappelerNathan,annonça-t-ellecalmement.–Vraiment?m’étonnai-je.–Kat,jeneveuxpasêtre…désagréable,maistarelationavecAndrewestavortée,turemontes
doucementlapente,tuasdémissionnéàcausedelui.Jesaiscequetupenses,jet’assurequejelesais.Maistuesbienplusfortequemoi,bienpluscourageuse.Jet’admired’avoirvécuçaavecAndrew,maisjesuistroptrouillardepourenfaireautant.MarelationavecPhilipmesatisfaitpleinement.
–Te«satisfait»?répétai-je.Tupréfèresdu«confortable».–Jepréfèrele«confortable»,parcequejenesaispasgérerle…–Périlleux?tentai-je.Elleacquiesçasimplementpendantquejesouriais.–Àtonmariage,lançai-je.Jetesouhaited’êtreheureuse,Lynne.–Jetelesouhaiteaussi…Mêmesij’aifranchementenvied’arracherlesyeuxàBlake.–Lynne!lamorigénai-je,incapabledemeretenirdavantage.–Kat, tuas lapreuvequece typeestuncrétin :nonseulement il t’aquittéepourfileravecsa
collèguefaussementblonde,maisenplusilnevoitmêmepasquetuestoujoursdanssavie…J’éclataiderire.Lynneavaitlacapacitéderelativisertouteslessituations.–D’une part,Meghan est une vraie blonde, corrigeai-je, et d’autre part, arrête-moi si jeme
trompe,mais il sembleque tum’avais encouragéeà sortir avecd’autreshommes. Jevais luidire,assurai-je.Jevaisluidirequ’ons’écrit!
–Surtoutpas!s’exclama-t-elle.Sincèrement,jepensemêmequetudevraiscesserdeluiécrire.Tun’asrienàygagner!
–Mais…j’aimeça,soufflai-je.–Peut-être,maistun’arriverasjamaisàt’enleverAndrewducrânesitupersistesàgarderce…
lien.Ilfautquetusorteslatêtedel’eau,etretourneràceslettresneferaquet’enfoncerunpeuplus.Parailleurs,jedoutequ’ilprennebienlachose,ajouta-t-ellesérieusement.
–Tupenses?–AndrewBlakeest…unhommedepouvoir.Nonseulementilrisquedenepasaccepterd’avoir
ratél’immanquable,maisenplusilvat’envouloir.Jereprisunpeudemonpoisson,songeantqueLynneavaitraisonsurcedernierpoint.J’étaisà
lafoisenthousiasteàl’idéederévélermonsecretàAndrewetinquiètedesaréaction.–Tuaspeut-êtreraison,soulignai-je.– C’est un homme,Kat, et un homme puissant qui plus est… Je ne veux pas qu’il te lamine
encoreplus, ilnevapasvouloirperdrelafacedevant toi,et jenesuispassûrequetusoisprêteàentendredeschoseshorribles.
Ellerepritdesonassiette,merecommandantdecontinueràmangermoiaussi.Pourlapremièrefois depuis longtemps, j’étais d’accord avec l’analyse de Lynne. Avec un sourire, je repensai auxrecommandations d’Andrew. Ne pas parler de moi, laisser Lynne s’engourdir dans son mariage,paraîtretriste…
Andrewauraitétéfierdevoiràquelpointjen’avaispassuivisesconseils!
LafindenotrerepasfutplusfestiveettournéeverslalunedemielidylliquequiattendaitLynne,quelquepart,suruneîleaumilieuduPacifique.
Je raccompagnaimonamiechezelleendébutd’après-midi et, àpeine sortiede sa résidence,retrouvaiGregory.Jem’installaisurlesiègepassageretaussitôtilmetenditsontéléphone.
–Messaged’Andrewpourtoi.–Oh…Jecollail’appareilàmonoreille,lavoixmécaniquedurépondeurbientôtremplacéeparcelle
profonded’Andrew.Un sourire s’installa surmes lèvres : ilm’appelait uniquementpourmedirequ’il venait d’atterrir et que je lui manquais. J’effaçai le message quasiment aussitôt et rendisl’appareilàGregory.
–JeteramèneauPeninsula.–D’accord.Monpèredoit arriververs17heures à l’aéroport pour lemariage. Jepenseque
Lynneadûluiréserverunechambreàl’hôtel.–Jevérifierai.Enattendant,jeveuxqueturestesdanslasuite.–Ilfautquej’appelleDanielpourleprévenirqu’onserejointdirectementaurestaurant.JeprismontéléphoneetcomposailenumérodeDaniel,lesmainsmoitesdenervosité.Gregory
me jeta un coupd’œil et jemedécidai à fixer la route devantmoipour nepas flancher.Pourtant,quandledéclicdutéléphonerésonnaàmonoreille,moncœurs’emballa.J’avaisréussiàjouerlejeuaudébutdelasemaine,maisilmesemblaitquetoutavaitchangémaintenant.Jen’étaisplusseuleetl’idéedemettreendangerlespersonnesàquijetenaismeretournaitl’estomac.
–Daniel?Bonsoir,c’estKat.–Bonjour,Kat,c’estJodie.Danielaoubliésontéléphoneàl’appartement.–Salut,Jodie…Jepensaisquetuétaisrentréecheztoi!m’étonnai-je.–C’est le cas,mais je devais rencontrer un fournisseur, donc j’en ai profité pour venir voir
Daniel.JecroisaidenouveauleregarddeGregoryqui,sourcilsfroncésetmainscrispéessurlevolant,
semblait s’énerver luiaussi.Leschosesétaientpourtantdéjàbiencompliquées, il fallaitqu’enplusDanielenrajoute.
–Ils’agitdudînerdecesoir,expliquai-jeàJodie.–Ahoui,ledîner.Ilm’enaparlé.Ilestd’ailleursravidet’yaccompagner.Pourl’occasion,ila
mêmefaitnettoyersoncostume!plaisanta-t-elle.Jerisàmontour,maismonrireressemblaitplusàunricanementmâtinéd’énervementqu’àune
vraieexpressiondejoie.–Bien.Quandilrepasseracesoir,pourras-tuluidirequ’onserejointdirectementsurplace?
Monpèreestinvitéaumariage,doncilm’escorterajusqu’aurestaurant.–D’accord!Jevaisluitransmettre.–Merci,Jodie,j’apprécietonaide.–Jet’enprie.Àplustard!Je raccrochai, le cœur battant et épuisée par cette conversation.Mentir au téléphone s’avérait
plusdifficilequejenelecroyais.J’avaisbataillépourmaintenirunevoixégaleetsansémotion.–C’estréglé,annonçai-jeàGregorypendantqu’ilsegaraitdanslesous-soldel’hôtel.–Bien.Jevaisenvoyerunevoiturepourallerrécupérertonpère.Moi,jevaismonterlagarde
devanttaporte.– Il va falloir que j’explique àmon père ce que je fiche ici,marmonnai-je, pas heureuse de
devoirdenouveaumentir.
–Inutile.Jevaisl’installerdanssachambre,etjeproposequetulerejoignesquandGrantt’auraéquipée.Ilpenseraquetuviensdecheztoi.
–D’accord,murmurai-je.
***
Monpremierréflexeenentrantdans lasuitefutdemedéchausser.Touscesmensonges, toutecettemiseenscènem’épuisaient.Par-dessustout,j’avaislasensationdésagréablequelapaniquemegagnaitpeuàpeu.Jetraversailesalonavantderejoindrelachambre.Unpuissantparfumdefleursmeparvint et, trèsvite,mesyeux tombèrent surundecesmerveilleuxbouquetsde rosesblanchesdontAndrewétaitcoutumier.Jetiraisurlapetiteenveloppe,sentantunlargesourires’étirersurmeslèvres.
Iln’yapassilongtemps,tum’asdemandésijeteconsidéraiscommeunefemmefragile…Tueslafemmelaplusforteetlapluscourageusequejeconnaisse.Etparmiracle,jesuistonexception.Andrew.
Jereconnussonécriturefineetsecouailatête.Enquelquesmots,ilavaitréussiàmeredonnerconfiance.Pourunefois,j’avaisenviedeluidonnerraison.Jepouvaisfaireça,jepouvaissurvivreàcettesoirée.
Quelques instants plus tard, et après avoir tenté en vain de me concentrer sur la lecture desjournauxdujour,jefinisparm’endormir.Moncorpsétaitbienplusmalmenéquejelepensaisparcesluttescontinuelles.
***
C’est un bruit sec contre la porte quime tira demon sommeil. Titubante, jem’y dirigeai, etGrants’annonçaavecàlamainunevalisenoire.Monéquipementsansnuldoute.
–Est-cequevousallezbien?s’enquit-ilenmefixant.–Bien.J’aidormi.–Parfait.Avez-vousdéjàunetenuepourcesoir?J’acquiesçai avant de lui montrer la robe que je comptais porter. Il l’observa brièvement,
s’assurantqu’elleétaitcompatibleavecsonmatériel.–J’ailetempsdeprendreunedouche?demandai-je.–Rapidement.Aussitôt,jecourusàlasalledebainsetmedéfisdemesvêtements.Ladouchebrûlanteacheva
mon réveil et regonflamamotivation. En sortant de la cabine, j’enfilai des sous-vêtements etmeglissaidansunpeignoir.Grantavaitdéballél’équipementélectroniquesurlatabledusalon.
CesoirseraitlederniersoiroùséviraitDanielCooper.–Jevaisvousinstallerlemicro,annonçaGrantens’approchantdemoi.Ilnichaleminusculemicroentremesseins,lecalantsurletissudemonsoutien-gorge.Ilajouta
durubanadhésifpourlemainteniravantdefairecourirlefilsurmahanche.–Voilàl’enregistreur,ilsedéclenchedèsquevousparlez.Ilmemontrauntoutpetitappareilrougeetnoir,pasplusgrandqu’unecléUSB,auquelilrelia
lefildumicro.Jesentismoncœurfrapperviolemmentdansmapoitrineetsursautaiensentant les
doigtsglacésdeGranteffleurermapeau.Ils’excusarapidement.–Lerestaurantvaêtrebruyant,remarquai-je.–Aucunsouci.Detoutefaçon,ilpeutenregistrertoutelasoirée,ilasuffisammentd’autonomie.Ilfixalepetitappareilaureborddemaculotte,lescotchantméticuleusement.Denouveau,ses
doigts froids remontèrent surmon corps, longeant le fil dumicro. Il plaça unmorceau de rubanadhésifàlahauteurdemonnombrilavantdevérifierunedernièrefoislafixationdumicro.
–Parlez!m’ordonna-t-ilenvérifiantl’enclenchementdel’enregistreur.–Euh…Bonjour?chevrotai-je.–Parfait.Çaira.Rappelez-moilesignedontvousavezconvenuavecGregory?Jetouchairapidementmonpendentif,avantdelefaireglisserlelongdelachaîne.Denouveau,
Grantacquiesça,puissetournaverslatabledusalon.–Jeprésumequejepeuxoublierlegiletpare-balles,commenta-t-ilenlerangeantdanslavalise.J’ignoraisaremarqueetremismonpeignoirsurmesépaules.Silasiestem’avaitfaitdubien,
cettepréparationtechniqueenavaitruinéleseffets.Lapaniqueet l’angoissequej’avaisrepousséesrevenaient à la charge, plus virulentes que jamais. Je frémis sous son regard insistant, avant dereprendrelecontrôledemesémotions.
–Est-cequevotreenquêteaavancé?demandai-je.–Voulez-vousunecopiedurapportquej’aitransmisàM.Blakeilyaenvironvingtminutes?Ilesquissaunsourire,etcelasuffitàmefairesentirmieux.Jesecouailatêteetnouaifermement
monpeignoirautourdemataille.–Nous cherchons encore à trouverune explication auxpneus.M.Blakenous a assuréque la
voitureétaitenparfaitétatàsondépart.–LepèredeDanieltientungarage.–Nouslesavons.Maisapparemment,cetypen’ajamaisfoutulespiedsdanslegaragedeson
père.Nousétudionsdonclapisted’uncomplice.Parailleurs,nousavonsretrouvéuneautorisationdeportd’armedanssondossier.Unfusildechasse,plutôtcourant.
–D’accord.–MademoiselleDillon,jenevouscachepasquejesuisplutôtdubitatifsurvotrethéorie.–Pourtanttoutcolle,assurai-je.–Toutsauflespneus.Maisjesuiscertainquecettesoiréevanouséclairer.Ilyeutuncourtsilence.Grantattendaitvisiblementquejeposeencoredesquestions,maisj’en
savaissuffisamment.–Jevaisallerm’habiller,dis-je.–Bien.Rappelez-vousqueGregorysera làpourvousaider,et j’aideuxéquipesà l’extérieur.
Vousn’avezrienàcraindre.–J’espère,murmurai-je.Ilquittalasuiterapidement,melaissantavecundouteaffreuxetunenouvellevaguedepanique
àgérer.Jefermailaporteàclé,envisageantmêmed’appelerAndrew,rienquepourentendrelesonrassurantdesavoix.Maistrèsvite,jechassail’idée.AndrewétaitàWashington,etjenevoulaispasl’inquiéteràdistance.Leconnaissant,ilenvisageraitlepireetseraitinutilementanxieux.
Toujourstremblante,j’enfilaimarobedesoirée,m’assurantquemonattirailresteraitinvisibleàl’œil nu. Je devrais de toute façon limiter les gestes attentionnés de Daniel pour éviter qu’il nedécouvrelesubterfuge.Aprèsm’êtrecoifféeetmaquillée,jepréparaimonsac.JelaissailedossierdeLynnedanslasuite,maisgardailalettred’Andrew.Jenetenaispasfranchementàcequ’iltombe
dessusetdécouvrelavéritéainsi.Jevérifiaiunedernièrefoismatenue.Lemicroavaitlégèrementbougé,etjeleréajustairapidement.
***
–Tu es superbe,me complimentaGregory enm’escortant jusqu’à la porte de la chambre demonpère.
–Merci.Vas-tumettreunsmoking,toiaussi?–Oui,JamesBondm’aprêtélesien,plaisanta-t-il.TuferaisuneJamesBondgirlacceptable,tu
sais?–Tusaisquecetteconversationestenregistrée,n’est-cepas?–Jelesais,répondit-ilfièrement.Jetoquaiàlaporte,sousl’œilvigilantdeGregory.Cedernierrestaàl’écart,voulantéviterde
fourniruneexplication fumeuseàmonflicdepère,quantàsaprésenceperpétuelleàmescôtés. Ilouvritlaporte,etjemejetaidanssesbraspouruneétreinteréconfortante.
–Ehbien,tusemblesheureusedemevoir!remarquamonpèreenriant.– Je suis toujours heureuse de te voir ! m’écriai-je en m’écartant de lui. Joli costume,
commentai-jeenledésignant.–Jebatailleaveccetruc!râlamonpèreenmontrantsacravatedénouée.Levoir et discuter avec luime firentunbien fou. Je l’aidai ànouer sa cravate, pendantqu’il
morigénaitcontreLynneetsalubiedumariage.–Net’avisepasdetemarieravantunlong,trèslongmoment!memenaça-t-ilgentiment.–Cen’estpasprévu,papa.Mavieamoureuseestunpeucompliquée.–Lepèrequejesuisvatenterd’ignorerquetuasunevieamoureuse…–Mais…–Maisleflicquejesuisveutsavoirsurquijedoisenquêter!–Jetel’aidit,c’estcompliqué.– Qui t’accompagne ? s’enquit-il en glissant deux doigts dans son col de chemise pour le
détendrelégèrement.–DanielCooper.–Donc,tonhistoireavecBlake…?–Papa!S’ilteplaît…Jet’expliqueraiquandj’aurailetemps.Pourl’instant,taprioritédoitêtre
d’amenerLynneàl’auteldemainmatin!–D’accord,d’accord,abdiqua-t-il.Maisdemain,j’attendsunesérieuseexplication,jeunefille!–Nem’appellepasjeunefille,protestai-je.–Laissecroiretonvieuxpèrequetuesencoreunejeunefille!Jerougisfaceàluietdétournaimonvisagepourmasquermagêne.Simonpèresavaitceque
j’avaisfait,quelquesétagesplushautavecAndrew,ilnereconnaîtraitpassafille.–Cethôtelesttrèschic…Mêmeleminibarétaitrempli!seréjouit-il.–Tuesimpossible!m’agaçai-jeenriant.–Allons!Ondevraitalleràcefichudîner!J’aiprisl’avionpourça!–Trèscourageux,memoquai-je.Comments’estpassétonvol?l’interrogeai-jeenmedirigeant
verslaporte.–Pastropmal…Presquepasdeturbulencesetunenourritureinfecte!J’oseespérerqueledîner
decesoirrattraperacedésastre.
J’approuvai d’un mouvement de tête et mon père m’offrit son bras pour m’escorter. Noussortîmes de la suite, et la panique me ressaisit en voyant que Gregory avait déserté son poste.J’appelai l’ascenseur, et il apparut derrière nous, essoufflé. Effectivement, il avait tout juste eu letempsd’enfilerunsmoking.Commejel’avaisfaitavecmonpère,jel’aidaiàfairelenœudautourdesoncou.
JeproposaiàGregorydepartagernotrevoiture,excusantainsisaprésenceentremonpèreetmoi.Cederniersemblasurpris,maisjeluioffrisunsourirequisuffitàestompersastupéfaction.Enquittantl’hôtel,j’envoyaiunmessageàAndrew,luiassurantquetoutallaitbienetquejel’aimais.
Les rues défilaient devant moi et je pensais à la mission que je devais mener. ConfondreDaniel…ToutçaavecmonpèreetLynneàgérer.Plusj’yréfléchissais,etplusceplanmesemblaittorduetbancal.J’avaisdeplusenplusdedoutesquantàmacapacitéàgardermoncalmesijamaisDanielsedécidaitàmeparler.
–Est-cequetoutvabien,Kat?medemandamonpèrealorsquej’étaisrestéeplongéedanslesilence.
–Toutvabien,assurai-je.Jeréfléchissais.–Aumariage?s’enquitGregoryavecunsourireheureux.–Non.Gregory fronça les sourcils, et pour toute réponse, je me contentai de faire glisser mon
pendentiflelongdelachaîneducollier.LesouriredeGregorys’estompaetilsoupiralourdement.Ilavaitcompris.Jesavaisqu’aprèscettesoirée,jedevraisdesexplicationsàdenombreusespersonnes.Lynne,mon père…Andrew. Je n’avais pas l’esprit clair et celam’inquiétait pour la suite. J’avaisbesoindesang-froidetdecalme,etplusletempspassait,plusjeredoutaiscequiallaitsepasser.
CHAPITRE31
Lavoituresegaraprèsdurestaurantetlechauffeurvintm’ouvrirlaportière.Monpèresortitduvéhicule à son tour et agrippa mon bras pour me conduire à l’intérieur. Gregory nous suivit àdistance,etmonpèresemblaremarquerl’incongruitédelasituation.Ilseretournaplusieursfois,sonfrontseplissantderéflexion.
–Papa,s’ilteplaît,murmurai-jepourqu’ilcesseetseconcentresurlapiècedanslaquellenousentrions.
Mon père secoua la tête et je donnai nos deux noms à l’hôtesse pour qu’elle nous autorise àentrer.JeluiindiquailenomdeDaniel,vérifiantainsiqueLynnel’avaitbienmissurlaliste.
–M.Cooperestdéjàarrivé,mademoiselle,annonçadoucementlajeunefemme.–Oh…Parfait!m’enthousiasmai-jefaussement.–Allonsvoirdequelboisestfaitcethomme,gloussamonpère.–Papa,soisgentil,s’ilteplaît,lepriai-jeenmontantl’escalierquimenaitàlasallederéception.Intérieurement, je priais pour qu’il se tienne bien. Daniel avait ce tempérament électrique et
fonceur,iln’étaitpasutiled’allumertroptôtlamèche.Àlamoindreétincelle,jesavaisquesahargneetsahaineenversAndrewresurgiraient.Àpeineentrésdanslasalle,Lynnesautaaucoudemonpèreetl’entraînaàsasuite,endirectiondubar.Cederniers’excusarapidementauprèsdemoietj’entendissonrirerésonnerpendantqueLynnebabillait.
–Jerestejustelà,Kat,soufflaGregoryendésignantunemplacementprèsdelasortie.–D’accord,opinai-jeenravalantunnouvelaccèsdenervosité.Ilsereculaetjebalayaidesyeuxlasalle.Lafoulen’étaitpasencoredense,etdepetitsgroupes
étaientformésicietlà.Laplupartdesinvitésavaientdéjàunverreàlamain,pendantqu’unpeudemusique se jouait en sourdine. Je cherchaiDanieldu regard,mais ilme semblait quemavueétaitfloueetbrouillée.
Encoremanervosité,mefustigeai-je,avantdem’ordonnerdemereprendre.–Bonsoir,Kat,murmuralavoixdeDanielderrièremoi.Sa main se posa sur ma hanche et je sentis son souffle chaud balayer mon cou. Mon cœur
tressautaanormalementetmavoixrestacoincéedansmagorge.Jemetournaivers lui,hagardeetpaniquée.
–Est-cequetoutvabien?s’enquit-ilavecunsourire.–Je…hum…oui.Ettoi,commentvas-tu?–Jesuis…heureux,commenta-t-il.Tuessuperbe,mecomplimenta-t-il.–Merci,murmurai-je.
–Veux-tuboirequelquechose?Ilnemelaissapasletempsderépondreetenroulasonbrasautourdemataillepourm’amener
en direction du bar. Je penchai légèrement la tête, croisant le regard imperturbable de Gregorypendantqu’ilgrignotaitunpetit-four.D’unsimpleregard,ilm’encourageaàpoursuivre.
Danielmetenditunecoupedechampagneetenprituneautrepourlui.–Àunnouveaudépart,proposa-t-ilenlevantsonverre.–Àunnouveaudépart,bégayai-jeensentantmonventresetordredouloureusement.Comment
vaJodie?demandai-jesubitement.–Jodie?Ehbien,ellevabien,répondit-ilunpeusurpris.Je me réfugiai dans mon verre, cherchant une posture à tenir. Je déglutis nerveusement, et
manquaidem’étoufferaveclechampagne.Denouveau,Danieln’attenditpasunmouvementdemapart,etilm’entraînaàl’écartdubar,dansunezoneàpeineéclairée.
–Jedoisadmettrequejecraignaisquetuannules.–Vraiment?m’étonnai-je.Pourquoiaurais-jefaitça?–AndrewBlakeétaitpourtantsurlalistedesinvités.–Tuasvulaliste?m’exclamai-je,souslechoc.–Aperçueseulement.Sonsourires’effaçaprogressivement.Effectivement,Andrewavaitétésur la liste, ilauraitdû
êtreici.J’auraisdûleprésenteràmonpère,j’auraisdûmesentirfièred’êtreaveclui.Aulieudeça,jefaisaisfaceàDaniel,nauséeuseetperclusededouleursdanstoutlecorps.
–C’étaitavantqu’ilneparte…Çan’aplusd’importancemaintenant.C’estdupassé,Daniel.–Parfoislepasséestimportant.–As-tudesrévélationsàmefaire?m’enquis-jeavecprovocation.Seslèvressesoulevèrentdansundemi-sourire.Iljubilait.Enlelaissantentrerici,enlelaissant
revenirdansmavie,ilavaitgagnécontreAndrew.Celamedégoûtaitencoreplusdelui.Aussi,quandiltentadeprendremamain,jemedécalaivivementetfuissoncontactdérangeant.Dansecontentadefroncerlessourcils.
Je retournai en direction du bar, prenant de profondes inspirations pour calmer le rythmeeffrayant demon cœur. Jeme ruai sur le plateau de petits-fours pour justifiermon comportementfuyant.
–Jevaisteprésentermonpère,proposai-jeenlecherchantduregard.Quandfinalementjeletrouvai,ildiscutaitaveclepèredePhilip,unecoupedechampagneàla
main.–Excusez-moi,lesinterrompis-je.– Oh, Kat ! Tu pourras assurer à Lynne que ces petites choses à grignoter sont nettement
meilleuresquelanourrituredel’avion.–Jeluidirai,souris-je.Papa,jeteprésenteDanielCooper.Daniel,voicimonpèreWalt.Levisagedemonpèrese fermaet il secontentadehocher la tête,alorsqueDaniel tendait la
mainverslui.–Ravi,grognamonpère.–Moidemême,souritDaniel,avantdepassersamaindansmondos.Je tressaillisetm’immobilisai.Papacroisamonregardet,àcet instant, jesusqu’il sedoutait
quequelquechosenetournaitpasrond.BienquefaisantlaconversationavecDaniel,ilmejetaitdepetitsregardsinquiets,pendantquejecontenaislehurlementquejevoulaispousser.
–Etquefaites-vousdanslavie,Daniel?demandamonpèrepoliment.
–Jesuisbarman.AuPeninsula,précisa-t-ilenmeserrantunpeupluscontrelui.–Décidément,ma fille fait toujoursdes rencontres incroyablesdanscethôtel !plaisantamon
père.– En effet. Mais j’ose espérer que, maintenant qu’elle a démissionné, toutes ces rencontres
s’arrêteront,assénaDaniel.Lesyeuxdemonpères’écarquillèrentetilécartalacoupedechampagnequ’ilallaitporteràses
lèvres.–Tuasdémissionné?s’exclama-t-il.–Cen’estrien,papa…Àvraidire,j’aijustedemandémamutation,mentis-je.–Unemutation?s’étonnaDaniel.Où?–Peut-êtreSydney.Maisrienn’estcertain.J’envisageaussiunretourauxsources.Jesourisàl’attentiondemonpère,etsestraitssedétendirentpeuàpeu.Papatenaitàcequeje
reprennemonmétierdejournaliste.Luifaireentendrequej’allaisenfinl’écoutersuffiraitàl’inciteràoublierl’informationdemadémission.Brutalement,jesentisleslèvresdeDanielseposersurmajoue.
–Jetesoutiendrai,Kat.Enfonctiondeteschoix,onavisera.–Jenesavaispasvotrerelationsisérieuse,commentamonpère,agacé.–Noustravaillonssurlesujet.Ilyeutunsilenceet,denouveau,monpèremelançaunregardinquiet.Jelerassuraicommeje
lepouvais,luisouriantfaiblement,toutenpriantpourqu’ilnefassepasd’esclandremaintenant.–Jevaisretourneràcespetits-fours,jeprésumequejevousreverraiplustard.Il s’éclipsa,me laissant seuleavecDaniel.Lasensationdemalaise reprit, cent foisplus forte,
maintenantquemonpèren’étaitpluslà.Denouveau,jetrouvail’idéedecettemascaradefarfelue.Jen’auraispaslaforcedetenir.
–Tucomptaism’enparler?s’enquitfinalementDan.–Daniel,onvienttoutjustede…–Quelestleproblème,Kat?hurla-t-il.Jesentismoncorpssetendre,etfixaisonregardsombreetpleindecolère.Autourdenous,la
foules’étaittueetjedevinaiquenousétionsaucentredel’attentiondesinvités.–Cen’estnil’endroitnilemoment,sifflai-je.–Eneffet.Allonsendiscuterailleurs!Aussitôt, il agrippamon coude etme tira endirectiondu couloirmenant aux cuisines. Jeme
débattais pour qu’il me lâche, mais sa poigne mêlée à sa rage étaient trop puissantes. Quandfinalementilmelibéra,rivantsonregardhaineuxaumien,jefrottaimonbras,enespérantqu’aucunetracevisiblenesubsisterait.
–Est-cequec’estlui?demandaDaniel,furieux.–Dequoiparles-tu?–D’AndrewBlake!Est-cequec’estlui?Pourquoies-tuiciavecmoi,Kat?–Parcequej’avaisbesoind’uneescorte.JenesuisplusavecAndrew!criai-je,leslarmesaux
bordsdesyeux.–Maistuespèresqu’ilrevienne,non?–Pourquoiledétestes-tuautant?demandai-jefinalement.–Parcequ’ilaruinémavie,etqu’ilestencoreentraindelefaire.Leslarmesquejeretenaiscoulèrentsurmesjoues.Toutemanervosité,toutemacolèrecontre
lui,mon envie de hurler surgissaientmaintenant. J’essuyaimes larmes rapidement et relevaimon
visageversceluideDaniel.–Regardedansquelétatiltemet,murmura-t-ilenpassantsonpoucesurmajoue.–Laisse-moi,grognai-jeenécartantvivementsamain.–Jenesuispaslui,Kat.Jenelelaisseraipastedétruire,commeill’afaitavecd’autres.–CommeavecEleanor?leprovoquai-je.Le visage de Daniel se durcit et la vague de colère froide revint à la surface. Il tentait de
préserverlesapparences,espérantquejetombedanssonpiège,maisj’ensavaistroppourêtredupe.Derrièrelui,jevisGregorycroiserlesbras,restantdansl’ombre,surveillantsesgestes.Ilamorçaunmouvementversmoi,mais je lui lançaiun regard rassurant. Ilnedevaitpas intervenirmaintenant,Danieln’avaitencoreriendit.
–Commentsais-tu?m’interrogea-t-il,glacial.–Aucuneimportance.Jelesais.–Jel’aimais.–Cen’estenrienlafauted’Andrewsielleestmorte.–Biensûrquesi!cria-t-ilavantd’enfoncersonpoingdanslemurderrièremoi,justeàhauteur
dematête.Lecraquementduplâtrem’effraya.Maiscenefutrienencomparaisondel’attitudestoïquede
Daniel.Sonvisagen’avaitmêmepastremblé,etaucunedouleurnesemblaitleparcourir.Gregoryfitunpasversmoi,maisjeluilançaiunregardpourqu’ilresteàdistance.Danieldevaitallerauboutdesesrévélations.
–Ellen’étaitpasheureuse.Illagardaitprisonnièred’unmondequ’elledétestait.–Elleavaitlechoixdepartir.– Elle avait peur de lui, corrigeaDaniel. Tu ne sais pas de quoi il est capable. Je voulais la
protéger.J’auraisfaittoutetn’importequoipourelle.Latristessepritlepassursacolère.Mêmesilaphotoavaitétéclairesurlesujet,jecomprenais
maintenant àquelpoint il avait aiméEleanor. Jeme redressai légèrement, cherchant àmedécaler,maisDanielmeretint,faisantbarragedesesbraspuissants.
–Elleétaittoutpourmoi,murmura-t-il.Etj’aicruqu’avectoi…J’aicruquej’allaisreprendrepied.
–Dan,soufflai-jeenposantmamainsursapoitrine.Jenepeuxpasêtre…elle.–Tun’asmêmepasessayé,rugit-il.Tun’asmêmepasessayéd’êtreavecmoi.DèsqueBlakeest
apparu,tuestombéedanssesbras.–Turacontesn’importequoi.Tuesencolère…–C’estdesafaute!hurla-t-ildenouveauensaisissantmonpoignetavecviolence.Illepressaentresesdoigts,etjeserrailesdentspourm’empêcherdecrierdedouleur.Daniel
mefixait,unelueurfolledansleregard,lesyeuxexorbités,leteintcrayeux.Puis,brutalement,ilmerelâchaetposasamainsurmajoue,avantdedescendrelelongdemagorge.Jemesentishaleteretlapaniquemesubmergeaquandsonpouces’enfonçaentremesclavicules.
–Dan…Lâche-moi,articulai-je,lesoufflecourt.– Tu vas devoir l’oublier, murmura-t-il à mon oreille. Andrew Blake ne sera bientôt qu’un
lointainsouvenir.Samain se crispa un peu plus sur ma gorge, m’étranglant douloureusement. Je plaquai mes
mainssursesavant-bras,lerepoussantlégèrement.Jeretrouvaiunpeud’air,etsentislesangaffluerdenouveausurmonvisage.
–Combiendefoisas-tuvoululetuer?demandai-je.
Danielricana,sesépaulestressautantdansunrireétrangeetmoqueur.Jenemedémontaipas,etrefusaid’éluderlesujet.Auloin,jevisGregoryapprocher,etcettefoisjenefisrienpourleretenir.JecraignaisquelafoliedeDanielnefinisseparl’emportersurtoutlereste.
–Eleanorestmorteparcequ’elleaprissavoiture,repris-je.Çan’arienàvoiravecAndrew!–Biensûrquesi.S’ilavaitétélà,elleseraittoujoursenvie!–Tucherchesuncoupableàtespropresméfaits?ironisai-je,amère.Danielmefixaetpressasoncorpsmusculeuxcontrelemien.Unedesesmainsquittalemuret
ses yeux, noirs comme l’ébène, ne laissèrent aucun doute sur ses intentions. Il y avait une telleviolenceenlui,qu’ellesemblaitirradierdesoncorps.Ilcalasamainsousmagorgeet,cettefois,jecomprisqu’ilnemelâcheraitplus.
Gregorydégainasonarmeet,sansunbruit,ils’approchadeDaniel.Sonvisagesecrispaetsesdoigts seserrèrentautourdemoncou. Jeportaimamainàmoncollier,dansunultimeréflexedesurvie,tandisquejesuffoquais.Jefermailesyeux,larespirationcoupée,avantdesentirmesjambessedérobersousmoi.
Lavuebrouillée,j’entendislavoixdeGregoryhurlermonprénom.Puis,ilyeutdesbruits.Uneportequiclaquaitrythmiquement,desrespirationshaletantes,descliquetismétalliques.Toutsepassaitprèsdemoi,mais j’étaiscommeprisonnièredemonproprecorps.Aprèsquelquesminutes, jemesentissoulevéeetrouvrispéniblementlesyeux.
–Alorsma belle…On a voulu jouer les super-héroïnes ? plaisanta Gregory en risquant unsourireforcé.
–JamesBondgirl,articulai-je,lavoixenrouée.Jeclignaidesyeuxrapidement,lalumièreblanchem’aveuglant.Jecherchaiàmeresituer,puisà
meredresser,maisGregorym’intimademecalmer.–Jet’amèneàl’écart,ensuite,jeteramèneauPeninsula.–Non…Non,jeneveuxpas…Lynne…–Lynnecomprendra.–Jeneveuxpas,répétai-jeenmedébattant.Gregory poussa une porte avec son dos et nous entrâmes dans une petite salle de réception
déserte.Enmeconcentrant,meparvenaitencorelebruitdelamusiquedudînerdeLynne.Ilmemitsurmespiedsetdéfitlenœudpapillonautourdesoncou.
–Oùest-il?demandai-je,encorepaniquée.–L’équipedeGrantl’aamenéauposte.Ilvaêtreinterrogé.–J’ailasensationd’avoiréchoué,melamentai-je.–Kat,tuasétéparfaite.Vraimentparfaite.Toutirabienmaintenant.Jepassaimamainsurmagorge,lesdoigtstremblants.SiGregoryn’avaitpasétélà,ilm’aurait
sûrementtuée.Jevacillaisurmesjambesetilmeretintavantdetirerunechaise.Moncœurfrappaitdans ma poitrine, et j’avais la curieuse sensation d’être à bout de souffle, sans avoir fait unquelconqueeffortphysique.
–Calme-toi,Kat.Encorechambouléeparcequejevenaisdefaire,j’observaimonpoignetmeurtri,puislehautde
monbras.Des tracesbleutéesétaiententraind’apparaître.Jesoupirai lourdement,avantdereleverlesyeuxversGregory.
–Tuaurasdesmarquessurlagorge,commenta-t-ilensepenchantversmoi.–Andrewvaêtrefurieux,dis-je.Ilcraignaittellementcettesoirée.–Andrewvaêtresuperfierdetoi.Ill’estdéjà,tusais.
–C’estunfiasco,Gregory!Ils’accroupitdevantmoietmeforçaàleverlevisageverslui.L’airsérieuxetdéterminé,cela
me rappela le jour où je l’avais rencontré. Gregory avait cette incroyable capacité à rassurer lemondeentier…etàlefairerireunedemi-secondeplustard.
–Cen’estpasunfiasco,assura-t-il.Tuasréussiàlefaireparler,àluifairedirequ’ilavaitunerelationavecEleanor.
–Maisriennenousditque…–Laisselesenquêteursagir.Lesperquisitionsdonnerontdeséléments,j’ensuiscertain.–Jesuisdéçue,jecrois,murmurai-je.–Kat,sanstoi,onn’auraitjamaismislamainsurcetype.Jet’assurequetuasfaitleplusgros
dutravail.J’acquiesçai, pas franchement convaincue,mais rassurée par les paroles deGregory. Il avait
raison:lapolicedevaitmaintenanttrouverlespreuvesquiaccableraientDaniel.Monamiseredressaet,sansriendire,seversaunverredecequejedevinaisêtreducognac.
–Çaneteferapasdemal,proposa-t-ilenm’offrantsonverre.–Non,merci.J’ail’espritsuffisammentembrouillécommeça.–Commetuveux,répondit-ilenbuvantsonverreculsec.Jemerelevaidemachaise,enprenantuneprofondeinspiration.J’espéraijustequeledînerde
Lynnen’étaitpasgâché.–Est-cequelesinvités…?–Çaaététrèsdiscret.Danielnousafacilitélatâcheensecachantdanscecouloir.Rienn’afiltré.–D’accord.Jecroisquejedevraisyretourner…Monpèrevaseposerdesquestions.–Tuescertaine?– Oui, je dois le faire pour Lynne. Elle a besoin demoi. Et j’ai besoin deme vider la tête.
Pourras-tuêtremonescorte?m’enquis-jeavecunsourire.–Sûrementpas!Lepatronrisquedemebotterlesfesses!Jeréprimaiunrire,chassantlesdernièrestensionsdansmesmuscles.Jen’avaisaucundoutesur
le fait que je serais très certainement courbatue le lendemainmatin. J’étais restée crispée toute lajournée,appréhendant,àjustetitre,cettesoirée.
–Peux-tuaumoinsm’aideràmedéséquiper?demandai-jeàGregory.JejuredeneriendireàMeghan!promis-jeunemainsurlecœur.
–Tupeuxluidirecequetuveux,jecroisquejesuistransparentàsesyeux.–Tutetrompes.Andrewm’aassuréeducontraire.–Vraiment?s’étonna-t-ilenmefaisantpivotersurmespieds.JemeretrouvaidosàGregory,fixantlemurfaceàmoi.Cetteconversationpresquenormaleme
tiraunnouveausourire.–Offre-lui des fleurs, proposai-je.Oh !Et fais-lui à dîner, je ne connais pas une femmequi
résisteàcegenred’attention.Gregory resta silencieux et je me demandai si je ne l’avais pas vexé. Même si nous en
plaisantions, il semblait vraiment accroché àMeghan, tandis qu’elle le snobait continuellement. Jefrissonnailégèrement,lefroiddelapiècemesaisissant.
–Desfleursetundîner?s’étonnaunevoixderrièremoi.Jeme figeai et, soudain,mesmains semirent à trembler etmagorge se serra. Il entourama
tailledesonbrasetnichasatêtedansmoncou.Moncœursursauta,s’emballa,s’arrêtamêmependant
une petite seconde, avant de redémarrer. Je me tournai vers l’homme qui me serrait contre lui,cachantmonvisagecontresontorse.
Andrew était là et, pendant de longues minutes, il me garda contre lui, me berçant dans unsilenceapaisant.Jerespiraisonparfumetm’agrippaiautissudesachemise.Soudain,moncorpssedétenditbrutalement,commesi tout reprenaitenfinsens.L’adrénaline, la tension, l’angoisse, toutesces émotions désagréables quime hantaient depuis le début de la journée se désagrégeaient à soncontact.
–Quefais-tuici?demandai-jeenm’écartantlégèrementdelui.–Jemesuisorganisépourfinaliserlasignatureplustôt,etj’aireprisunvoldanslafoulée.–Est-cequeGregoryt’araconté?demandai-je.–J’aiappeléGrantdel’aéroport.Jenevoulaispasresteràl’écartàl’hôtelpendantquetuétais
ici,alorsj’airejointunedeseséquipesàl’extérieur.Quandj’aivuCoopersortiraveclesmenottes…Jesentismagorgeseserreret,nerveusement,jepassaiunemainsurmoncou,àl’endroitoùil
me semblait encore sentir les doigts de Daniel s’enfoncer dans ma peau. Doucement, Andrewrepoussamamain,fronçantlessourcilsenvoyantmagorgeendolorie.Ilpassalapulpedesesdoigtssurmesmarques,sonvisagesedurcissantdecolère.
–Ilt’atouchée,constataAndrew,lesdentsserrées.–Jevaisbien.Samain remonta le longdemoncouet seposasurma joue. J’appuyaimonvisagecontresa
paume,fermantlesyeux.Jem’autorisaiunelarmequ’Andreweffaçarapidement.–Jen’aijamaiseuaussipeur,avouaAndrewpendantquesesdoigtsmassaientmanuque.–C’estterminémaintenant,soufflai-jepourlerassurer.Demain,onfêteralemariagedeLynne
etensuiteonpartira.Son regard croisa lemien et, pour la première fois depuis que je le connaissais, j’y devinai
l’angoisseetlacrainte.Jeposaimamainsurlasienne,réprimantlegrimacementdedouleurdemonpoignet.
–Tutesouviens,nousavonsparlédevacances?souris-jepourleforceràpenseràautrechose.Oùveux-tualler?
–Oùtuseras.Juste…Jeveuxêtreseulavectoi.–D’accord.J’écartai sa main et posai un baiser dans sa paume. Le regard d’Andrew se voila. De toute
évidence,ilétaitentraind’assimilerlesévénementsdelasoirée.Jelaissailesilencenousenvelopperet,denouveau, jemeglissaidanssesbras,mepressantcontresoncorps.L’adrénalinequim’avaitpermisdetenirlechoctoutelasoiréeétaitentraindesedissoudre,melaissantépuisée.
Aussi,quand les lèvresd’Andrewtrouvèrent lesmiennes, je répondisàpeineàsonbaiser,unpeu étourdie par mes émotions. Ce n’est qu’en l’entendant murmurer mon prénom que je prisconscience de ce qu’il faisait. Il me poussa en arrière, mes fesses percutant une des tables durestaurant.J’enroulaimesbrasautourdesanuque,attaquantviolemmentsabouche.Andrewgrognaetmesoulevapourmedéposersurlatable.Dansungesteemplid’autorité,ilrepoussaletissudemarobesurmescuissesetsecalaentremesjambes.
Sonbaiserdévastateurme tiraungémissementbruyant, et lesmainsd’Andrewquittèrentmeshanchespoursaisir l’arrièredemesgenoux. Ilme tiracontresoncorps.L’envieet lebesoinde lesentircontremoiremplacèrentlapeuretladouleurphysique.Ilfinitparquittermeslèvres,sabouchesedirigeantversmagorge.
–Andrew,murmurai-jeenperdantlepeudecontrôlequimerestait.
Il embrassa ma gorge, se concentrant sur les marques persistantes de mon face-à-face avecDaniel.Jegrimaçai légèrement,mais ladouleurs’estompaitgrâceaumouvementdeses lèvressurmapeau.Jeremuaiunpeu,frustréedenepassentirplusdelui.Jemeredressailégèrementetposaimesmainssurlenœuddesacravate.Encomprenantcequejem’apprêtaisàfaire,Andrewretirasesmainsdemesjambesets’écartademoi.
–Pasici,murmura-t-il.–Pourquoi?gémis-je,presquedésespérée.–Tuasunmicro.Jerâlaiunpeu,l’observantréajustersacravate.Ilmefitunpetitsouriresatisfait,presquefierde
m’avoirrepoussée.Jedescendisdelatableetremismarobeconvenablement.–Jevaist’aideràtedéséquiper,proposaAndrew.Tourne-toi.Lentement,ilfitdescendreleZipdemarobe,avantd’effleurermapeaupourenécarterlespans.
Jelaretinsd’unemainsurmapoitrine,pendantquedel’autrejedécrochailemicronichéentremesseins. Il débrancha le fil reliant à l’enregistreur et, du bout des doigts, remonta doucement endirectiondemonestomac.
Jemesentisfrémiraucontactdesesdoigtschauds,maisAndrew,concentrésursatâche,necillapas.Ilrécupéralemicro,leposasurlatableets’attelaàretirerl’enregistreur.Denouveau,ileffleuramahanche,caressantsubtilementmapeau,avantderetirerlabanded’adhésifquiretenaitl’appareil.
Quandilleposasurlatable,jeremismarobesurmesépaulesetAndrewplaquaunbaisersurlehautdemondosdénudé,avantderemonterleZip.Ilmefittournerfaceàluietembrassachastementmeslèvres,attisantdenouveaucettedélicieusetensiondansmonbas-ventre.
Il récupéra l’enregistreur et le mit dans sa poche. Puis, il me tendit la main, m’invitant à lesuivre.
–Ilfautquetumeprésentestonpère,sourit-il.–Deuxhommesdifférentsenunesoirée,ilvaêtreravi!plaisantai-je.–Jesuiscertainquetupourrasluifournirunebonneexplication.IlouvritlaportedelapièceetnousremontâmeslefameuxcouloiroùDanielavaitétéarrêté.Je
frissonnailégèrement,etAndrewentouramataillepourmeserrercontrelui.–Ondevraitdiscuterdecesvacances,murmura-t-ilpourchassermesidéesnoires.Jeluisourisfaiblement,espérantquelapénombreducouloirparviendraitàdissimulerl’étrange
sensationdemalaisequipersistaitenmoi.Quandnousretrouvâmeslagrandesallederéception,jeconstataiquelamusiqueavaitcesséetquelesinvitéss’installaientautourdelagrandetableàmanger.Gregorynousaccostaavecungrandsourire.
–J’airéussiàdégoterça!lança-t-ilenmetendantunfoularddesoie.–Dois-jedemanderd’oùçavient?l’interrogeai-je,soupçonneuse.–Cen’estpas àMeghan? s’étonnabrutalementAndrewpendantque jeglissai le foulard sur
moncou.Gregoryvirapâlecommeunlinge,avantqueleboutdesesoreillesnerougissefortement.–OK,jeneveuxriensavoir,ritAndrew.–Jecroyaisquetuétaistransparentàsesyeux?tentai-je.–Jelesuismaintenant,grinça-t-il.Andrewsouritdenouveauetluiremitl’enregistreurdeGrant.Aprèsavoirvérifiéquelefoulard
cachaitmeshématomes,ilpritmamaindanslasienneetilnousdirigeaverslatable.Duregard,jecherchaimonpère,avantdelevoirenpleinediscussionavecLynne.
Cette dernière, face à moi, écarquilla les yeux, avant de pousser doucement mon père pours’assurerqu’ellenerêvaitpas.SesyeuxnaviguèrentdemoiàAndrew,puisd’Andrewànosmainsjointes.
–Jevaistefourniruneexplication,dis-jerapidement.–Jecroisquecelaneserapasnécessaire.Sonsouriremerassura.Lamoustachedemonpèrefrémit,etilfronçalessourcils,pasheureux
delasituation.Lynnepassaprèsdemoietmelançaunclind’œil.–J’auraisbesoindeteparlerdanscinqminutes,murmura-t-elle.–Pasdesouci.Elle s’éclipsa et alla saluer d’autres invités, un sourire géant sur les lèvres. Je la suivis du
regard,espérantqueNathanarriveraitàsesfins.Sonplanétaitrisqué,etsiLynnen’adhéraitpas,ilallaits’enmordrelesdoigts.Jedirigeaimonregardversmonpère,quitoisaitAndrew,dubitatif.
–Papa,jeteprésente…–AndrewBlake, finitmonpère pourmoi.Kat, combien d’hommes différents comptes-tume
présentercesoir?– J’espère être le dernier, monsieur, s’amusa Andrew en tendant sa main. Et pas que de la
soirée…–J’espèreaussi,ronchonnamonpère.–Andrew,voicimonpère,Walt,bégayai-jepourfinirlesprésentations.Ilyeutunmomentdeflottement,oùmonpèreetAndrewsefixèrent,pendantquejepriaipour
que le sol s’ouvre sous mes pieds. Je pressai ma main contre celle d’Andrew, lançai un regardimplorantàmonpère,etfinalementilsedécidaàprendrelamaind’Andrew.
–Ravi,lança-t-ilavecunsourirecrispé.–Kathleenm’abeaucoupparlédevous.–Vraiment?s’étonnamonpère.Etoùestdonclejeunehommedetoutàl’heure?–Ilaeu…uneurgence,mentis-je.Etcen’étaitqu’unami.–Alors,monsieurBlake…VousavezdélaisséSanFrancisco?demandamonpère.–LesattraitsdeNewYorksontmultiples, réponditAndrewenme lançantun regardheureux.
Maisj’espèreramenerunsouvenirdeNewYorkavecmoi.Jecachaimonrougissementenbaissantlatêteverslesol,brutalementintéresséeparleparquet.
Cettefaçondontilparlaitdemoiavecmonpèremegênaitterriblement.–Oui…Un souvenir,murmuramonpère en prenant une gorgée de sa coupe de champagne.
Aveclenombredevoyagesquevouseffectuez,vousdevezavoirbeaucoupde…souvenirs.–Jenegardequelesbonssouvenirs,monsieur.Ceux-làsontraresetprécieux.Je rougissaisdenouveau,pendantqu’Andrew lâchaitmamainpourentourerma taille, sûrde
lui.–Jeprendraisoindevotrefille,assura-t-il.Sivousm’endonnezl’autorisation,compléta-t-il.De nouveau, je vis la moustache demon père trembler. J’entendais d’ici les rouages de son
cerveau semettre enplace. Il soupira lourdement, essayant de capturermon regard. Je sentismoncorpssecrisper,maisAndrewpressasamaincontremahanche,mecalmantimmédiatement.
–Voussavezqu’elleestlafilledesonpère?– Je sais qu’elle est têtue, s’esclaffa Andrew. Mais ce trait de caractère est particulièrement
bienvenuchezelle.Mon père manqua s’étouffer avec son restant de champagne. Je lui lançai un regard noir,
pendantqu’Andrew,detouteévidenceamuséparcettesituationembarrassante,jubilait.
–Àpartvoussouhaiterboncourage…etvousencourageràconsulterrapidement,jenesaispasquoivousdire!plaisantamonpère.
–Trèsdrôle,papa!Lynne passa dans mon champ de vision, et s’arrêta un peu plus loin, attendant que notre
conversationsetermine.–Papa,Andrew,allezvousinstalleràtable,Lynneveutmeparler.–Netardepas,soufflaAndrewavantdeporterledosdemamaincontreseslèvres.Denouveau,unrougissementfleuritsurmesjouesetj’évitaisoigneusementleregarddemon
père,témoindelascène.Jem’écartaid’AndrewetmedirigeaiversLynne.Derrièremoi,j’entendislavoixdemonpèreindiqueràAndrewquej’étaisàlarecherched’unnouvelemploi.
–Elleneveutpastravaillerpourmoi,selamentaitAndrewavecexagération.–Quandjevousdisaisqu’elleétaittêtue!Je souriais en les entendant rire ensemble. Je rejoignismonamie,qui, sublime, se tordait les
doigts.–Tuvoulaismeparler?dis-jeenjetantuncoupd’œilversAndrew.–Est-cequeçat’ennuiesijedorscheztoi?J’eus un geste de recul instinctif, avant de rougir violemment. Je cherchai à fournir une
explication,maisriennevint.–Écoute, je saisque tuveux sûrementprofiterde tes retrouvaillesavecAndrew,mais j’avais
prévudedormirseuleàl’hôtel,pourtantjetrouveça…jenesais…–Impersonnel?tentai-je.–Oui,c’estça!acquiesça-t-elleavecsoulagement.–C’esttropimpersonneloutuaspeurdecroiserNathan?Ellebaissalesyeuxverslesoletsoupiralourdement.J’esquissaiunsourire.–OK,Lynne.Chezmoi.Maisjedouted’avoirgrand-choseàgrignoter,laprévins-je.–C’estmadernièrenuitdecélibataire,jen’avaispastrèsenvied’êtreseule.–Tun’aspasbesoindemefournird’explication,murmurai-je,avantdeglissermonbrassous
lesien.J’aiconfiance.Toutsepasseracommeprévudemain.Elleréponditfaiblementàmonsourire,maisjedevinaisesdoutesetlatensionpersistantedans
soncorps.Jel’entraînaiverslatable,et,aprèsavoirsaluéPhilip,m’installaiauprèsd’Andrew.–Tonpèreestincroyable,sourit-ilenmeservantduvin.–Jetiensbeaucoupdelui,admis-je.–Évitesimplementlamoustache,s’esclaffaAndrew.Etprometsdenejamaism’inviteràpêcher,
ajouta-t-ilaprèsunecourteréflexion.–Monpèret’ainvitéàpêcher?–Jecroisqu’ilm’aimebien…Etj’aieuuneconversationpalpitanteaveclui.–Dois-jevraimentsavoirdequoivousavezparléderrièremondos?–Rienquetunesachesdéjà,Kathleen.L’entréenousfutservie,etlebrouhahadesconversationss’intensifiaprogressivement.Ilyavait
unetellefouleici,alorsqu’ils’agissaitsimplementd’undînerderépétition.Maisaprèsavoirobservéendétaillesinvités,jem’aperçusqu’ils’agissaitsûrementdesrelationsdePhilip.
Après le plat, l’orchestre reprit, et quelques couples se décidèrent à danser. Je les regardais,virevoltantplusoumoinsgracieusement,pendantqu’Andrewentretenaituneconversation,enapartéavecGregory.Brutalement,maconversationavecLynnemerevint.
–Andrew,soufflai-jedoucement,pourl’interrompre.
–Oui?–Jedorsàmonappartementcesoir.–Oh.Uneraisonparticulière?m’interrogea-t-il,inquiet.–Lynneneveutpasresterseule.C’estsadernièrenuitdecélibat!– C’est ce qu’elle croit, s’amusa Andrew. Je pense que le nouveau jeu de clés est dansmon
attaché-case.–Bien.JeferaiundétourparlePeninsulapourlesrécupérer.Andrewgrimaçaets’approchademoi,saboucheàquelquescentimètresdemoncou.–Tusaisquejevaispasserlasoiréeàtenterdetefairechangerd’avis,n’est-cepas?–J’aidit«oui»àLynne.Etpourl’instant,elleaplusbesoindemoi,quetoi!–Jenepensepasquecesoitpossible.Jefrémisensentantlesvibrationsdesavoixcontremapeau.D’unemain,ilécartaunpeuma
chevelureetcaressama joue. J’oubliai la fouleautourdenous,meconcentrant surcecontact ténuentreluietmoi.
–Seras-tuunjourtoutàmoi?m’interrogea-t-ildoucement.Jemetournaiverslui,sanscomprendre,maisAndrewsecontentademesourire.Furtivement,je
songeaiànotrecorrespondance.Jeluisourisàmontour,mepromettantdetoutluiavouerenrentrantàSanFrancisco.
MonattentionfutcaptéeparLynne,quidiscutaitàvoixbasseavecPhilip.Cedernierluisouriait,pendant qu’elle semblait s’agacer de quelque chose. Je me demandais comment elle avait pu êtreséduiteparlui.Jenemesouvenaisplusdudébutdeleurrelation,àpartquePhilipétaitl’invitéd’unévénementmondain,etqu’ill’avaitaccostée.
Etmaintenant,nousyétions.Lemariage.Mais lemystère perdurait. Comment Lynne pouvait-elle faire ça ? Lynne doutait… Il y avait
Nathan, elle l’avait embrassé, elle luiparlait. Jen’arrivaispasà comprendrecommentLynneavaitréussiàseconvaincredelapertinencedesonmariage.Nevoyait-ellepascequiétaitpourtantévidentpourtouslesautres?LafaçonmêmedontelleavaitrencontréNathanauraitdûluimettrelapuceàl’oreille.Maislaviolenceduchocdel’ascenseurnel’avaitpassortiedesatorpeur.
–Partagerais-tutespenséesavecmoi?proposaAndrewenmeservantunverredevin.–Est-cequetucroisauxâmessœurs?– J’ose croire que nous en sommes un parfait exemple. Je suis tombé amoureux de toi dès
l’instantoùtuesentréedansmavie.Nousrestâmesunlongmomentlesyeuxdanslesyeux,savourantcenouveaumomentd’intimité
aumilieudecettefouledense.Jemeremémoraisavecémotionnotrerencontreàl’hôtel.Andrewétaitparfait.Etilétaitàmoi.Toutàmoi.Ils’inquiétaitdesavoirsijeluiappartiendraisunjour.
Unjourpeut-être,jeluiraconteraiscommentj’avaisétéàlui.Commentj’avaissu…Commentmoncœurtressautaitstupidementquandilmetouchait…Àquelpointilétaitplusimportantquetout.– Et je bénis chaque jour le ciel que tu sois dans lamienne, chuchotai-je avant de placer un
baiserdanssoncou.JeretournaimonattentionsurLynne,lesyeuxbrillants,rayonnante.Elleparlaitmaintenantavec
lafamilledesonfuturépoux,souriantàchacun.Jesoupirai.Unnouveauchangementd’humeur,unenouvelledécision,unenouvellepromessedePhilip…
–Lynneadûrêverdecemariagedepuistoutepetite.
–Commetouteslespetitesfilles,non?Tontourviendra,chuchota-t-ildoucement.Soispatiente.Ilme fit un sourire discret avant de se pencher surmon épaule pour l’embrasser.Mon cœur
frappafrénétiquementdansmapoitrine.Andrewtrouvait toujourslemoyenderevenirsurcesujet.Mais,quelquepart,jecraignaisdedevenirunenouvelleEleanor.
Jechassaicesidéessombresrapidement.Monpèredansait–dumoinsessayaitdedanser–avecunefemmeélégante,au largesourire.Samaladressem’attendrit.Moncœurseserraensongeantàcesdiscussionsgênantesquenousavionseues:lesexe,lacontraception,l’achatdupremiersoutien-gorge.Maispapaavaitétélemeilleurdespères.Attentif,aimant,drôle,borné,tendreetprotecteur…JejetaiunœilversAndrew.Jem’abstiendraisdeleurdireàquelpointilsseressemblaient.
LynnedansaitmaintenantavecPhilip.Elledonnaitdéjàlechange,lemasquedelafemmeépriseparfaitementcalésursonvisage.
Jerepensaisaujouroùnousavionschoisisongâteaudemariage.Cemêmejouroùmavieavaitpris un autre tournant. C’est à ce moment précis que les lettres avaient commencé. Tout avaitcommencécejour-là.
–Tuveuxdanser?–Euh,oui.Biensûr.Aprèsavoirreculémachaise,Andrewmetenditlamainetmeconduisitverslapiste.Ilmeserra
contreluiet,instinctivement,jeposaimatêtecontresontorse.J’appréciaicesmomentsdedouceuravec lui.Sûrementparcequecelam’offraitdesmomentsd’oublietdepaix.Quand j’étaisdanssesbras,toutallaitbien.J’étaisprotégéedumondeextérieur.
–Jesuisheureuxd’êtrelà,avectoi,murmura-t-il.–Moiaussi.–TuescertainedevouloirresteravecLynnecettenuit?medemanda-t-ilendescendantsamain
danslecreuxdemesreins.–Aurais-tudesidées…inavouables?rétorquai-je.–Tun’aspasidée…Dèsquejetevois,çafleuritdansmoncerveaudétraqué.Jerisdoucementavantdememettresurlapointedespiedspourl’embrasser.Jemedoutaisqu’il
n’allaitpasabandonnersifacilement.–Iltefaudraattendrelanuitprochaine…J’aifaitunepromesseàLynne.–Jesuiscertainquesonpromisaimeraitl’avoircontrelui,cettenuit!contra-t-il.Je tournai la tête versLynne et son cavalier. Ils dansaient, collés l’un à l’autre.Elle, les yeux
clos, reposait sur lui pendant qu’il la berçait. Ils auraient pu faire un joli couple…Et pourtant, jen’arrivaispasàmedéfairedel’idéequetoutsemblaittropparfaitetbienhuilé.
–C’estlatradition,ripostai-je.Jecroyaisquetuétaisattachéauxvaleurséculées?–Quandellesvontdansmonsens!– Et tu ne trouves pas que ça rend la chose plus belle ? Attendre, découvrir la mariée le
lendemain,etensuiteavoirunenuitderêve…Andrewmefixaétrangement,àlafoisstupéfaitetravi.–Laisse-moijusteletempsdedemandertamainàtonpère,etjeprometsdet’épouserdemain.–Andrew,tuterendscomptequ’unjour,tuteferasprendreàtonproprepiège?–Maisjen’attendsqueça!s’esclaffa-t-il.Tedécouvrirenmariéelelendemain,etensuiteavoir
unenuitderêve,meplagia-t-il.–Tun’espascenséreprendremesarguments!boudai-jefaussement.– Tes arguments sont toujours meilleurs que les miens ! Toujours, Kathleen, ajouta-t-il plus
sérieusementetuntonplusbas.
Ilm’embrassafurtivement,dissipantainsilesdernièrestracesdetensionetd’interrogationquimetourmentaienttoujours.
J’aimaisAndrew.Monincroyable,parfaitetexceptionnelinconnu.Quandledînertouchafinalementàsafin,jeproposaiàLynnedepartagerlavoiturequinous
ramenait, luietmoi,auPeninsula.Elleacceptaetallasaluersonfuturépoux,un largesourireauxlèvres. En l’attendant, je rejoignisAndrew, qui était en pleine conversation téléphonique,Gregoryfaceàlui.
–Bien…Pasdesouci,Grant,jepasserai.Iljetauncoupd’œilàsamontre,etcouvritlemicrodesontéléphoneavantdepencherversmoi.–Tuescertainededormircheztoi?m’interrogea-t-il.–Certaine.LynneestpartiesaluerPhilip,etellearrive.Andrewnesemblapasravidemaréponse,etsoupira.– Disons dans trente minutes, proposa-t-il, tandis que Gregory acquiesçait. Je prendrai une
voitureauPeninsulaetvousrejoindraidirectementaucommissariat.Il raccrocha, et aussitôt enroula son bras libre autour de moi pour m’embrasser. Un peu
surprise, jene réagispas toutde suite, avantd’entendre sifflerderrièremoi.Andrewgrogna,puiss’écarta,fusillantduregardlemalotru.
–J’auraisdûm’endouter,marmonna-t-il,levisagefermé.–Ehbien,Kat,jenesavaispasquetunousramèneraisunecélébriténationale!s’exclamaPhilip,
visiblementunpeuéméché.–Onvayaller,proposaLynne,horriblementgênée.Ellesedétachadelui,maisillaretintetplaquaseslèvrescontrelessiennes.Lesmainscontre
sontorse,Lynnelerepoussa,lacolèreflamboyantdanssonregard.–Tuavaispromis,murmura-t-elle.–Laseulepromessequitienneestcellededemain,sourit-ilavecfierté.Elle le toisa un court instant, secouant le visage de honte et de rage contenues. Son regard
papillonnaverslesspectateursdecettescèneaffligeante,avantdesefixersurmoi.–Allons-y,proposa-t-elleavecunsourirefactice.J’opinai, et Andrew, son bras toujours autour de moi, m’entraîna en direction de la sortie.
Gregory nous suivit, mais, dans la rue, emprunta une voiture différente. Je présumai qu’Andrewl’avaitlibérédesamissionpourlasoirée.Lynnes’installaàl’avantdelavoiture,pendantqu’Andrewm’ouvrit la portière arrière. Il me rejoignit sur la banquette quelques instants plus tard, et,automatiquement,pritmamaindanslasienne.
La voiture démarra, et ce n’est qu’après de longs instants de silence que Lynne se décida àprendrelaparole.
–Jesuisdésolée.Jeluiavaisdemandédenepasfairederemarquesur…vousdeux,lança-t-elleensetournantversnous.
–Cen’estrien,Lynne,murmurai-je.Net’inquiètepas.–C’étaitdéplacé!Jenevoulaispasvousmettremalàl’aise,etjepensequ’ilaunpeuabusédu
cognacdefindesoirée,sourit-elle.–Aucunsouci,repritAndrewd’untonplusferme.Detoutefaçon,nousallonsdevoirapprendre
àgérercegenrederemarque.Sonvisagesedétendit,etellesemblavraimentapaiséeparnotrediplomatie.Jemetournaivers
Andrew,m’apercevantquesestraitstirésettendusdénonçaientnonseulementlafatigue,maisaussi
uneformedecolère.Jedétachaimamaindelasienne,pourlaposersursacuisse, lapressantafind’attirersonattention.
Son regardbrillantplongeadans lemien, et je lui fisun faible sourire. Ily répondit àpeine,tourmenté,detouteévidence.Jefronçailessourcils,penchantlégèrementlatêtepourl’encourageràselivrer.Ilrepritmamaindanslasienneetlaportaàseslèvres,sansjamaisquittermonregard.Lestracesdecolèredisparaissaient, auprofitde l’envieetdudésir.Sabouche traîna longuement, troplonguement,surledosdemamain,provoquantdesfrissonsincontrôlablesdanstoutmoncorps.
Jemedécalaiverslui,pressantmoncorpscontrelesien.Illibérafinalementmamainetentouramesépaulesdesonbras.Sonparfummeparvint,ettrèsvite,jesentisseslèvrescaressermajoue.
–Tuescertainedenepasvouloirrester?murmura-t-il.–Jenepeuxpas,chuchotai-je,ensentantl’aircrépiterautourdenous.Ilglissa sabouche surma joue, atteignant la lignedemamâchoire. Je sursautai en le sentant
poserunedesesmainssurmacuisse,passantsousletissudemarobe.Moncœurs’accéléraet,mêmesi jevoulaisvraiment l’arrêter,moncorps toutentierétaitconquis.Sonsoufflechaudembrasamanuqueetjefermailesyeux,anesthésiéeparlessensationsviolentesqu’ilprovoquait.
–Bien.Danscecas,nousferonsvite,dit-ildoucementens’écartantdemoi.Jerestaifigéesurlabanquette.Andrewavaitabandonnémacuisse,secontentantdegarderson
bras autour de mes épaules. Je lui jetai un regard, entre surprise et frustration. Il se contentad’esquisserunsouriresatisfaitetemplidepromesses.
CHAPITRE32
Lerestedutrajetsefitensilence,ettrèsvite,nousnousretrouvâmesdanslegaragedel’hôtel.Andrewlaissadesinstructionsauchauffeurpournousconduirechezmoi,etmeproposadelesuivredanslasuitepourquejerécupèremesclés.
–Jevaisattendreici,ditLynneavecungrandsourire.–Çamesembleévident,contra-t-ilavecironie.Je réprimaiunsourire, retrouvant leAndrewprésomptueuxque jeconnaissais. Je sortisde la
voiture,etilnousdirigeaversl’ascenseurdel’hôtel.Sansunmot,nousgagnâmeslasuite,etdèsquelaportefutfermée,ilmeplaquacontreelle,puismesouleva.Saboucheretrouvalamienne,avide,exigeante,quémandant l’accès totalà lamienne.Haletante,etdansunéquilibreprécaire, j’enfonçaimesmainssursesépaulesengémissant.
–Andrew,murmurai-jeenlerepoussantfaiblement.Ilmecalacontrelaporteavecviolence,sesmainssoutenantmescuisses.Denouveau,mondos
frappaleboisdelaporteetjehoquetai,souslechoc,avantqu’ilnerepoussebrutalementlesbretellesdemarobe.Sonbassinfrottacontrelemien,embrasantladernièrepartiedemonorganismeencoreinerte. Je descendismesmains le long de son torse, tirant sur sa cravate, puis sur les pans de sachemise.Laplupartdesboutonssautèrent,révélantsontorsemusclé.
Andrewm’avaitdéjàdonnéunavant-goûtdecequ’ilsouhaitaitavantledîner,maisjecomprisque l’attente, etma nuit hors de sa suite, étaient en train d’exacerber son désir. Jem’attaquai à laceinturedesonpantalon,glissantmamaindanssonboxer.
Ilrelâchameslèvres,gémissantlourdementdansmoncou.–Maintenant,grogna-t-il.Jeteveux,maintenant.Il tira surma robe, la releva un peu plus surmes hanches, avant d’agripperma culotte et de
l’écarter. Je geignis en sentant ses doigts aller et venir enmoi. Je renversai la tête en arrière,meheurtantdouloureusementàlaporte.J’étouffailecridedouleurdansmagorge,etmeconcentraisurleplaisir intensequemedonnaitAndrew.Resserrantmeschevillesdanssondos,etmedébrouillaipourlibérersonsexedesonboxer.
Je le caressai aumême rythme que ses allées et venues. Il colla son front aumien, nos deuxregardssoudés.Nousavionsvécutellementdechoses,maisrienn’avaitétéaussifort,aussipuissantet aussi incontrôlable que ce soir. Même faire l’amour dans son bureau ne m’avait pas autantbouleversée.
Ilaccéléra,mefaisantgémirethaleterdeplusenplusfort.Monbas-ventrese torditdansunechaleurfulguranteettrèsvite,lesyeuxclos,jemesentispartir.Moncorpssedétenditdanslaseconde
etAndrewmemaintientcoincéeentreluietlaporte,agrippantmescuisses.–Est-cequeçava?murmura-t-ilhorsd’haleine.–Je…Oui…çava,acquiesçai-jedansunsouffle.Jeretrouvaisonregardsombreetbrûlant,etavantquemoncœurnepuissereprendreunrythme
normal,jesentissonsexecontrelemien.Ilmetaquinalonguement,cherchantàattiserunpeuplusledésirdéjàmonstrueuxquejeressentais.Mapeaumebrûlait,moncorpsréclamaitdélivranceetmoncœur frappait si fort,qu’ilmenaçaitdecesserdebattre. J’ondulai sur lui,malgré tout,espérant luirendreunpeuduplaisirqu’ilm’offrait.
Mais très vite, il me souleva de nouveau, et s’enfonça en moi. Nos cris de soulagement semêlèrent et résonnèrent dans la pièce. Je soupirai d’aise, savourant la présence d’Andrew enmoi.Toute l’angoisse que j’avais ressentie se transformaitmaintenant en envie chaude et brûlante. J’envoulaisplus.Plusdelui,plusdeviolence,plusdetout…
De nouveau, je sentis les prémices de l’orgasme me menacer. J’allai à la rencontre de sesmouvements,accentuantmacambrurepourprofiterunmaximumdelui.Ilappuyasonfrontcontrelemienet,pantelant,mefitunsourireheureux,allantetvenantenmoiavecuneénergiefolle.Jeplaçaimesmainssursonvisage,l’attirantcontremeslèvres.J’étaisprochedel’orgasme,etjesavaisqueluiaussi.
Jel’embrassaidoucement,àcontre-courantdesmouvementssynchronesetsaccadésdenosdeuxcorps.Jecaressaisalangue,prenantledessussurlui.Andrewémitungémissementétoufféparnosbouches,sesdernièresrésistancestombantfinalement,etdansundernierà-coup,ilm’emportaavecluidansunnouvelorgasme.
Je quittai ses lèvres,mondos s’arc-boutant contre la porte, pendant qu’Andrew reprenait sonsouffle,nichantsatêtedansmoncou.
Aprèsquelquessecondes,ilmerelâcha,etjetitubai,àmoitiédéshabillée,jusquedanslesalon.Lesjouesrougesetcouvertedesueur,jeréajustaimarobe.
–Tuesvraimentcertainedenepasvouloirrester?demanda-t-ilderrièremoi.–Doncc’étaitsimplementpourça?Unefaçondemeconvaincre?ripostai-jeenmetournant
verslui.–Non…J’enavaisenvie.Etjel’auraisfaitdanslavoituresiLynnen’avaitpasétélà.–Aveclechauffeur?m’exclamai-je.–Jepeuxêtrediscret,sourit-il.Ilrebouclalaceinturedesonpantalonetretirasachemise,partiellementdétruite.–J’aiaimé,avouai-je,tandisqu’ilfouillaitdanssonattaché-case.–Justeaimé?s’étonna-t-il.–Beaucoup aimé.N’en fais pas une habitude, cependant. Tes chemises n’y survivraient pas !
plaisantai-je.–Commesicelateposaitproblème!Voilàtesclés.Ilposauntrousseaudanslecreuxdemamainetenprofitapourm’attirercontreluidansune
dernièreétreinte.–JedoisallervoirGrantpourl’affaire.Ilattendmadéposition.–Jeteretrouveicidemainmatin?–Tucomptesm’apporterlecafé?–Peut-être…Jedoisyaller,Lynnevafinirparseposerdesquestions!Je l’embrassai rapidement, et après quelques secondes de lutte, il se décida àme relâcher. Je
quittailasuiteencourantpresque,déjàhonteusedecequ’allaitpenserLynnedemalongueabsence.
Je rejoignis la voiture, et elle se contenta deme sourire d’un air entendu. Je fuis son regard,merecoiffantàlava-vite,pendantquelechauffeurnousconduisaitchezmoi.
***
En entrant dans mon appartement, j’avais presque la sensation de ne pas être chez moi. Ladévastation, les débris,mes affaires éparpillées au sol avaient disparu pour faire place à un salonimmaculé,danslestonsdegrisetdeblanc.
–C’estjoli,constataLynne.Jenesavaispasquetuétaisuneprodeladécoration!– Je me suis fait aider, répondis-je rapidement. Je vais me changer, prépare-nous un thé en
attendant.Jecavalaijusqu’àmachambre,enfilantunjeanetunsweat-shirt.J’éclataiderireenvoyantune
roseblanchedéposéesurmonlit.Cethomme…Ilfallaitquejeluiapprenneleslimites…Entrerchezmoipourfaireça…Jecherchaimontéléphonedansmonsac,sanssuccès.Jel’avaissûrementoubliéà l’hôtel. Jeme coiffai rapidement etme démaquillai avant de retrouver Lynne dans le salon. Luitournant le dos, je glissai le dernier courrier d’Andrew avec les autres lettres, dans un tiroir.Apparemment,lapersonnequiavaitdécidéderuinermonappartementn’avaitpaspoussélafouillejusque-là.J’enétaisheureuse,carceslettresreprésentaientpluspourmoiquecetendroit.
Lynnenousservitlethéetnousnousinstallâmessurlenouveaucanapé,entoutpointconformeauprécédent.
Nousdiscutâmespendantunlongmoment,essentiellementdesonvoyagedenoces.JeluiparlaidenotreprojetdevacancesàAndrewetàmoi.Ellemeconseillauneîledéserte,àl’abridesregardsindiscrets.
–Ilveutquenousofficialisions,dis-jefinalement.–Tuasfaitleplusdurenluiprésentanttonpère,plaisanta-t-elle.–C’estvrai,admis-je.Disonsqueseretrouverdujouraulendemaindanslesjournaux…–Tuauraispréférégardertoutçasecret?demanda-t-elleavecsérieux.–Peut-être…Entoutcas,j’auraispréféréunpeudeprotection.Là,j’ailasensationd’êtreune
sortedegibier…–Andrewnelaisserapasfaire,merassura-t-elle.Ilsaitquecacherlavéritéauxjournalistesne
feraqu’attiserleurcuriosité.–Jesaiscommentilsréfléchissent,raillai-je.Lynne se contenta de sourire et je pris conscience qu’Andrew avait raison : donner aux
journalistes cequ’ils voulaient pourrait sûrement nousgarantir unpeude calme et de respect.Parailleurs,jesavaisqu’ilferaitsonpossiblepournouspréserver.
Ilm’avaitparlédelapossibilitédefaireunephotoofficielle.Trèssincèrement,jenemevoyaispasposerpour lesphotographes, façonhéritièrede lacouronne.Si j’avais lechoix, jepréféreraisencoreassisteràunesoiréeetapparaîtreàsonbras.Autantfaireensortequelachosesoitnaturelleetpasmontéedetoutespièces.
–Etvas-tum’expliquerlaprésencedeDanielaudînercesoir?demanda-t-ellefinalement.–C’estunelonguehistoire,soufflai-je.–Nousavonstoutnotretemps!–Danielétaitàl’originedesmenacescontreAndrew,résumai-jerapidement.–Vraiment?s’écria-t-elle.–C’étaitl’amantdesafemme…
LesyeuxdeLynnes’écarquillèrent.Jereprisunpeudemonthé,merendantcomptequejenesavaispasparoùcommencer.Lynnen’étaitmêmepasaucourantdemonexpéditionàSanFrancisco.
–J’aimeraisoubliertoutça.Parailleurs,c’est«ta»soirée!Lynnesecontentadesourireetcommençaàbabillerausujetdesonmariage,etimmédiatement
je repensai àNathan. J’espérais que son plan fonctionne…J’espérais queLynne se laisserait aller.J’espéraissûrementunpeutrop.
–Hey?Tum’écoutes?–Euh…Oh,pardon.–Turêvais!J’imaginetrèsbiendequi,sourit-elle,maissitupouvaisteconcentrersurcequeje
teraconte.–Pardonne-moi…Enplus,jepensaisjustementàtoi.J’attrapail’assiettedecookiesdevantmoietlaposaisurmescuisses.Latélévision,ensourdine,
éclairait la pièce. Lynne ramena ses jambes sous elle et porta sonmug fumant à ses lèvres.Monregardfutattiréparsabaguedefiançailles.
–Tuesstressée?demandai-jeenprenantunbiscuit.–Non…Jedevrais,tucrois?–Disonsqueçasembleraitnormal.Tut’apprêtesàtemarier…Àpasserlerestedetavieavecle
mêmehomme.Personnellement,çamestresserait!Ellepenchalatêteversmoietmesouritavectendresse.JeretrouvailaLynnequej’avaisappris
àconnaître.Cettefillesimple,drôle,piquante…Toutavaittellementchangé,etsivite.Je tournai le visage vers l’écran de télévision, et soudain mon cœur s’affola. L’assiette de
cookiesm’échappaets’écrasaausol.Jemerelevaiprécipitamment,fixantl’écran,stupéfaite.–Oùestlatélécommande?demandai-je.–Jenesaispas…Attends…Je sentis Lynne remuer et soulever les coussins. Je fixai l’écran, les yeux écarquillés. C’était
impossible.Ildevaitsetromper…Forcémentsetromper.–Oùestcetteputaindetélécommande?grondai-jeenm’agitantvainementàsescôtés.–Tiens…Tiens…Lavoilà…,s’exclama-t-elleenmelatendant.Kat,qu’est-cequ’ilsepasse?Jemontai le son de la télévision etm’effondrai à genoux à quelques centimètres de l’écran.
Alorsqueleslarmesgagnaientmesyeux,jesentislamaindeLynneseposersurmonépauleetseresserrer.
–MonDieu,Kat…Jenerêvaispas.SiLynnel’avaitvu,alorsc’étaitréel.Jefixailebandeaud’informationenbas
del’écran.Lenomd’Andrewapparaissait.Lavoixdésincarnéedelaprésentatriceblondemeparvintàpeine.Toutcequejevoyais,c’était
l’amasdeferrailleetleverrebriséausol.Lavoituredel’hôtel,lui,sonrendez-vousavecGrant…–Est-cequ’ilestmort?A-t-elledits’ilétaitmort?paniquai-jebrutalement.–Jecroisquenon,Kat.– Non quoi ? Non elle n’a rien dit, ou non il n’est pas mort ? hurlai-je sans pouvoir me
contrôler.Ilétaitlà.Ilétaitdanscettevoiture,j’enétaiscertaine.Jelesentais.Moncorpsentiersouffraitet
pourtantjecontinuaisderegarderlesimages,happéeparleurcontenu.–AndrewBlakeaétévictimecettenuitd’unaccidentdelaroute.Cedernieraétépercutéparune
autrevoitureàuncarrefour.Lechauffeurdel’autrevéhiculeaprislafuite,maisdestémoinsassurent
qu’il a vraisemblablement grillé le feu rouge. Les ambulances ont évacué Andrew Blake dansl’hôpitalleplusproche.Nousn’avonspasd’informationssursonétatdesanté.
Jem’affaissaiunpeuplusausol, les larmesroulantsurmesjoues.J’avais lasensationdemeliquéfier, comme si toute énergie vitale me quittait. Comme si « lui » me quittait. Je me relevaidoucement,songeantàtoutcequis’étaitpasséenpresquequatremois.Ducoindel’œil,jevisLynnetapoteràunevitessehallucinantesursonportable.
Nathan.Laseulesourced’informationsquenousavionsencommun.J’ouvris le tiroir en essuyant mes larmes. Je dégageai la première enveloppe… Sa dernière
lettre. La seule que je n’avais pas ouverte. J’aurais dû lui dire. J’aurais dû lui avouer qui j’étais.Andrewnepouvaitpas…Iln’avaitpasledroitdemourirsanslesavoir.
–Kat,nefaispasça,meconseilladoucementLynnederrièremoi.Leslarmesseremirentàcouler.Pasdechagrincettefois,maisdecolèrecontremoietcontre
Lynne. Pourquoi l’avais-je écoutée quand elle m’avait conseillé de me taire ? Pourquoi avais-jeécoutélafillequis’apprêtaitàépouserunhommequ’ellen’étaitmêmepascertained’aimer?
Oui,Andrewm’en aurait voulu d’avoir joué à ce jeu avec lui.Oui, il aurait hurlé.Oui, il seseraitsentitrahi…Maisilauraitcompris.
Je décachetai l’enveloppe en tremblant, ignorant sciemment le bruit de la télévision. Je nevoulaispassavoir.Jefermailesyeux.Je«devrais»savoir.Mort,vivant…jedevraislesentir.Moncœuraccéléradenouveau,maismonestomacsetorditdansuneatrocedouleur.Jedépliai la lettre,constatantquec’étaitcertainementunedespluscourtesqu’ilm’avaitenvoyées.
Tunem’écrisplus.Oùes-tu?QuelquepartdansNewYork?Quesuis-jecenséfairemaintenant?Commentpeux-tumedemanderdefairecommesiriennes’étaitpassé?Ças’estpassé.Jel’aisenti.Dansteslettres,danstesmots,j’aisenti.Tumemanques…Écris-moi.
–Quedit-il?medemandaLynne.–Riend’important,répondis-jeenreniflant.Alors?demandai-jeentremblant.Pourtouteréponse,ellemeserradanssesbrasencaressantmescheveux.J’explosaiensanglots,
m’accrochantàelle.–Lynne…S’ilétaitvraimentmort,jelesentirais…Jetejurequejelesentirais.–Calme-toi,calme-toi…Jem’écartai d’elle et fermai lesyeux, tentantdemeconcentrer sur le lien fragile et ténuque
nousavionsconstruitluietmoi.Ilyavaitnotrehistoire…Etdansnotrehistoire,ilyavaitceslettres.Maisjenevoyaisrien…nesentaisrien…Justelenéant,levide…lenoircomplet.Elle m’entraîna sur le canapé, et subitement, j’eus la sensation d’étouffer. Ma poitrine se
comprimaetjehaletai.Lynnemefixait,incapabledesavoirquoifairepourmecalmer.Jeposaimamainsurmapoitrine,suffoquantdepaniqueetd’angoisse.
–Kat,s’ilteplaît,calme-toi,m’implora-t-elle.–AppelleNathan,articulai-jedansunmurmure.–Ilnerépondpas,dit-elleenraccrochantvivementsontéléphone.–Appellel’hôtelalors.Quelqu’undoitsavoiroùilest.–Kat…–Appellel’hôtel,hurlai-je.
EllefinitparcomposerlenuméroduPeninsulaet,aprèsunecourteconversationavecSam,elleparvintàluisoutirerl’information.
–MeghanademandéunevoiturepourleLennox.–Onyva.–Kat…Jesuiscertaineque…–Onyva,lacoupai-je.Dumoins,moij’yvais.Faiscequetuveux,maisjenevaispasattendre
iciqu’onm’annoncesamort!Ellesoupira,avantdeserallieràmonargument.J’enfilaiunepairedebasketsetclaquailaporte
del’appartementderrièremoi.Aprèsdixminutesd’attenteinsoutenable,jeparvinsàhéleruntaxi.Jehurlaipresquepourqu’ilailleplusvite.Lacirculationétaitfluideàcetteheure,etjesavaisquenousyserionsenpeudetemps.Lesruesdéfilèrent,etpourtantilmesemblaitquenousnoustraînions.
Lynne, àmes côtés, passait son temps sur son portable, les traits de son visage tirés.Le teintencorepluspâlequ’habituellement,éclairéparl’écrandesontéléphone,ellepestait.Pourtant,malgrétoutelanervositéquiémanaitd’elleetdegestesbrutaux,elleparaissaitcalmeencomparaisondelatempêteintérieurequimeravageait.
Andrew.J’espéraiseulementqu’ilétaitencoreenvie.Peuimportaitl’étatdesesblessures,jelevoulaisenvie,aumoinspourluiavouerlavérité.
–As-turappeléNathan?demandai-jefinalement,totalementpaniquée,àLynne.–Ilnerépondpas,s’énerva-t-elle.–Iln’estpasmort,murmurai-je,sûredemoi.Jelesais.Jetapaimesdoigtsnerveusementcontremacuisse,réfléchissantàtouteallure.Commesinous
n’avions pas eu suffisamment de choses à subir… Cet accident était la goutte d’eau.Mon état denervositéétaitentraindem’achever.MesmembresétaientengourdisetmonventrejouaitauYo-Yo,imaginantsoitlepire,soit…lepire.Maislaseulechosequej’entendais,c’étaitlapetitevoixdemaconscience.
Si Andrew était mort, je l’aurais senti. À chaque feu rouge que nous subissions, j’avais lasensation de me ratatiner un peu plus. Comme si on m’assommait encore, rendant l’attente etl’ignoranceencoreplusinsupportables.Moncorpsétaitdouloureux,tendu,crispé,etchacundemesmouvementsm’arrachaitdesgrimaces.
Lavoitures’immobilisa,etjem’agaçaidesubirunnouveaufeudesignalisation.–Jenepeuxpasallerplusloin,annonçabrutalementlechauffeur.–Quoi?dis-jeavantdemetordrelecouetdecomprendre.–Larueestbarrée…–Bordeldemerde,pestai-jeavantd’ouvrirlaportière.Jememisàcourirendirectiondel’hôpital,entendantauloinlechauffeurdetaxihurlerpour
qu’onluirèglesacourse.Jerefusaideperdreplusdetemps,etespéraiqueLynneseraitenmesuredelefaire.
Au bout de la rue, je distinguai des lumières vives et des flashes crépitants. Les journalistesétaient là, se préparant à transmettre le moindre scoop. L’entrée de l’hôpital était inaccessible etbondéedemonde.Haletante,etlesmainssurlesgenoux,jecherchaiunesolution.Donnermonnomnesuffiraitsûrementpas…etdirequejevenaisvoirAndrewBlakeétaitl’argumentclépourmefaireembarquerparlapolice.
–Viensparlà,murmuralavoixétoufféedeLynnederrièremoi.Elle me prit par le coude, sans me laisser le temps de répondre et manquant de me faire
trébucher,pourm’entraînersurletrottoird’enface.
–Qu’est-ce que tu fais ? m’agaçai-je en redirigeant mon attention sur l’entrée principale del’hôpital.
–J’aieuNathan,ilvientnouschercher,répondit-elle,essoufflée.– Est-ce qu’il a dit quelque chose pour Andrew ? Dis-moi ! la pressai-je, avec une énergie
retrouvée.–Ilvabien,m’assura-t-elle.Viens,ilfautqu’oncontournelebâtiment.Jesoupiraidesoulagementetsentismoncorpsreprendrevieinstantanément.Ilallaitbien.Jeme
surprisàsourire,avantdecomprendrequejevoulaislevoiretl’entendre.Jereprismafollecourse,longeantl’hôpital.Lynnemesuivit,prenantlemêmerythme.Ellem’indiqual’entréedeslivreursetnous nous engouffrâmes dans un des sous-sols. Un des gardes de l’hôpital fit barrage, nousempêchantd’allerplusloin.
–OnestavecNathanEvans!expliquaLynnehorsd’haleine.–Personnenerentre,ordredeladirection.–Jesuislapetiteamied’AndrewBlake!criai-je,àboutdenerfs.–C’estça!EtmoijesuisleChrist!ironisalegardeenriant.Jerâlai,prêteàfoncersurlui,maisLynnemeretint.Etfinalement,derrièrelui,levisageterneet
cendreuxdeNathanapparut.Jehurlaisonprénomencourantcommeunefollefurieuseverslui.J’esquivailegarde,unpeutropcorpulentpourêtrebonàlacourse,etmedirigeaiversNathan.
Jefonçaidanssesbras,oùilm’accueillitenamortissantlechoc.–Woah…Kat…Respirez!m’intima-t-ilensouriant.Elleestavecmoi,cria-t-ilaugarde,qui,
rougevif,mepoursuivaittoujours.–Commentva-t-il?–Bien…sionpeutdire.Montons.–Bonsoir,Nathan,murmuraLynnederrièremoi.Illaregardaétrangement,entresidérationetfascination,ethochalatête.Ellebaissalesyeux,le
rouge aux joues. Quand finalement nous gagnâmes l’ascenseur, je trépignai dans l’espace étroit,observantlesétagesdéfileràunrythmebientroplent.Nathanmejetaplusieursfoisunregard,maisneparlapas.Ilavaitcetteétrangecapacitéàcontrôlersesémotions.Jenel’avaisjamaisvuénervéouagacé.Quelque part, ce calme souverain, dans un espace si restreint,m’horripilait. Travailler auxcôtésd’Andrewluiavaitsûrementapprisàsemaîtriser.Quandlesportess’ouvrirent,jemeprécipitaidanslecouloir.
–Ladernièrechambre,m’indiquaNathan.Jemarchairapidementjusqu’auboutducouloir,meretenantdecourirpournepasattirerplus
l’attention.Jepassaidevantlasalled’attente,oùsetenaientMeghanetGregory,enpleinconciliabule.Devant sa porte, jememis bêtement à prier pour qu’il n’ait rien de grave,même si le sourire deLynne,enpleinerue,m’avaitrassurée.Jetoquaidoucementàlaporteetentrai.
Andrew était couché, les yeux clos. De l’oxygène lui parvenait par le nez et sa respirationsemblaitcalme.J’approchaidoucement,fixantsonvisageblanc,inerte,etunsanglots’étrangladansmagorge.Jeposaimamainsurlasienne,lapressantunpeu,maisilnebougeapas.Jeregardailemoniteurcardiaque.Lerythmeétaitrégulier,etcelamerassura.
Jecontournai le lit, évitantde fairedubruit toutenespéranten faire suffisammentpourqu’ilouvreunœil.Avecprécaution,jem’assissurlereborddulitetpassaiunemainsursonfrontpourdégagersescheveux.
–Andrew?murmurai-je.
De nouveau, il resta immobile. Je renouvelaimon geste, passant sur sa joue un peu râpeuse,avantdecaresserfurtivementsabouche.
–Andrew?répétai-jeavecunpeuplusd’espoir.Seslèvressèchesetpresquegercéess’entrouvrirent,etmoncœurs’emballasubitement.Ilétait
là.Jemepenchaisurluietembrassaisabouchelégèrementabîméeparuneentaillesuturée.Ilgeignitfaiblement,etjemeredressaipourlaissermamaincaressersonfront.Ilétaittellementpâle.
Ilcillaunpeu,sespaupièrespapillonnantsansjamaiss’ouvrirréellement.Jerepassaimamainsur son front, puis descendis sur sa joue, suivant la ligne de samâchoire, espérant provoquer unquelconquemouvement.Ilbougealégèrement,engémissant,puiss’immobilisa.
Jemerelevaidulitetprisunechaisepourm’asseoirprèsdelui.Jecalaisamainfraîcheentrelesmiennes,détectantunnouveaumouvementdesapart.Ilsecoualatête,etmurmuramonprénomdansunsouffleàpeineaudible.
–Jesuislà,Andrew,répondis-jeentremblant.Sespaupièress’ouvrirentdifficilement,etilclignadesyeuxplusieursfois.Jeposaimamainsur
son front, soulagée et heureuse. Il grogna un peu et étouffa un cri de douleur en tentant de seredresser.
–Calme-toi.Tuesàl’hôpital,expliquai-je.Ils’apaisapresqueinstantanément,et tournasonvisageabîméversmoi.Jerisquaiunsourire,
pluspour enprovoquerun chez lui, quepar réelle envie. Il lécha ses lèvresdesséchées et soupiralourdement.
–Jeleuravaisditdenepasmedonnerdecalmants,murmura-t-il,agacé.–C’étaitsûrementpourt’éviterdesouffrir,soulignai-je.Il ouvrit les yeux, avant de les refermer aussitôt. Son visage se crispa et il tenta de bouger
légèrementsoncorps.Lentement,ilseredressasursescoudes,avantdes’effondrersurlesoreillersenrâlant.
–Tunedevraispastropbouger,suggérai-je.Denouveau, il lâchaun longsoupir,à la foisagacéetcontraintdesesoumettreàcequeson
corpsluidictait.Sestraitssedurcirent,etjecomprisàquelpointcettesituationluiétaitinsupportable.–Commenttesens-tu?demandai-je.–Fraiscommeungardon,dit-ild’unevoixrauque.Jesourismalgrémoi.J’enauraispresquepleuréderire,silasituationavaitétéplusnormale.Je
mepenchaisurlui,faisantattentionànepasprendreappuid’unequelconquefaçonsursoncorps,etl’embrassai.
Ilpressadoucementseslèvrescontrelesmiennesetrepoussaledrapquicouvraitsapoitrineauniveaudesonventre.Jeremarquaialorslebandageautourdesescôtes.Ilgrimaçaetparvintaprèsdelonguesminutesàsemettrequasimentassis.
–Andrew,tudevrais…–Jeveuxsortird’ici,mecoupa-t-il.Ilmejetaunregardet,soudain,moncorpsrelâchatoutelapressiondemacavalcadejusqu’ici.
Mes nerfs lâchèrent si brutalement que je fus surprise de sentir les larmes couler sur mes joues.J’étaisincapabledeprononcerlemoindremot,tétaniséeprèsdecelit.Lapaniquemedéserta,laissantplaceausoulagementetàuneformed’épuisement.
–Toutvabien,Kathleen.Cenesontquedeségratignures,m’expliqua-t-ilavecdouceur.–J’ai…je…J’ai…tellementpeur…,articulai-jeenmemaudissantdepleurerdevantlui.
Jem’assisprèsdelui,gardantmamaindanslasienne.Illevaprudemmentsamainetcaressamajoue,essuyantleslarmes.
–Toutvabien,jet’assure.Jevaisrentreràl’hôtel.–Tun’espasenétatderentrer,ripostai-je.Ilétouffaunriredanssagorgeetgrimaçaenpivotantversmoi.Jeletoisai,arquantunsourcil,
heureusedevoirquesoncorpsneluidonnaitpasraison.–Dèsqu’ils’agitdemecontredire,turetrouveslaparole,seréjouit-il.–J’aivulavoiture,soufflai-je.–Çasemblepirequecequec’étaitréellement.Lesairbagsontétéefficaces.–J’aiimaginélepire,avouai-je.–Moiaussi,murmura-t-il.Maisjet’assurequejevaisbien.–Donccebandage?C’estquoi?Delacoquetterie?– Juste une côte de cassée. J’avais l’épaule déboîtée, mais c’est arrangé. Et j’ai quelques
coupures…Je levai ma main vers son visage et, du bout de mon index, suivis le dessin d’une des
microcoupures.Jesoupirailourdement.Ilparlaitdetoutçaavecunetellelégèreté.Commesic’étaitsansimportance.Sonvisageetlestracesdesonaccidentdisaientpourtantl’inverse.
–Jeveuxrentreràl’hôteletpasserlanuitavectoi,souffla-t-ildansmoncou.–Cen’estpasraisonnable,dis-jeenlibérantsamain,dansungestedeprotestation.–Passermesnuitsavectoiestsûrementlachoselaplusraisonnablequejen’aiejamaisfaite.–Lesmédecinsnetelaisserontpasfaire,contrai-jeencroisantlesbrassurmapoitrine.–L’hôpitaln’aqu’unehâte : sedébarrasserdemoietdes foutus journalistesquiattendentma
nécrologie!–Pourquoi cherches-tu à jouer au héros ?m’agaçai-je en sentantmavolonté flancher petit à
petit.–Parcequejepréfèreêtreavectoi…Jesavaisquetupaniquerais.Je lui lançai un regard. Jedevais admettrequ’il avait raison sur cepoint.De toutemavie, je
n’avaisjamaiseuaussipeurdeperdrequelqu’un.–Kathleen,jet’assurequejevaisbien,promit-il.Tusais,cesvacances,dontnousavonsparlé…–Jesais…Tunelâcherasrien,n’est-cepas?–Jesuisaussitêtuquetoi.–Detoutefaçon,quejeleveuilleounon,jesaisquetuquitterascethôpital,soupirai-jeenme
relevantdulit.–C’estvrai,admit-il.Maispourunefois,jepréféreraisquetusoisd’accord.Lescalmantsm’ont
totalementanesthésié,etjedoisreconnaîtrequejenesuispasenétatd’argumentercontretoi.Jerisdesafranchise,tandisqu’ilmesouriaitaussi.Sonvisagereprenaitunpeudecouleur,mais
lespetitescoupuresdanssoncoutrahissaientlesderniersévénements.Subitement,ilsefigeaetportaunedesesmainsàsescôtes.Jefronçailessourcils.Andrewavaitvraimentbesoinderesteraumoinscettenuitàl’hôpital.
–Jevaisallerchercherunmédecin.Maistudoismepromettrequetuserasraisonnable.–C’esttanouvellelubie,quejesoisraisonnable?–Manouvellelubie,c’esttoi!râlai-jepourqu’ilcomprennequejefaisaisçapoursonbien.–Disauxjournalistesquejenesuispasmort,ajouta-t-ilalorsquejem’apprêtaisàsortirdela
pièce.
–Àpartunemétéorite,jenevoispascequipourraittetuer!plaisantai-je.Jevaisdireauxautresquetuvasbien,ajoutai-jeavantdefermerlaportederrièremoi.
Jeretournaiendirectiondelasalled’attente,yretrouvantMeghan,dontlatêtereposaitsurcelled’unGregoryquasiment endormi, etNathan, en un face-à-face silencieux avecLynne.Quand cettedernièremevit,ellebonditversmoi,s’enquérantdel’étatd’Andrew.
–Ilvabien.Ilveutsortir,m’agaçai-je,tandisquelestroisautressetournaientversmoi.–Vousn’avezquandmêmepascruqu’ilallaitrestericisansrienfaire?s’étonnaNathandansun
sourire.–Ilesttellementborné,soupiraMeghan.– Vous devriez rentrer dormir, suggérai-je. Surtout toi, Lynne. Tu es censée être fraîche et
pimpanted’iciquelquesheures!Ellehaussa lesépaules,commesi la journéededemainétait sans importancepourelle,avant
d’acquiescer.–Travailleravecluifiniraparmetuer,ditpéniblementMeghanenbâillant.Ellesepenchaetramassasestalonsaiguilles,avantd’enroulersavesteautourdesonavant-bras.–Mais, il me paie bien… Et je présume que si je menaçais de démissionner, il me paierait
encoreplus!–C’estdoncçatonsecret?Menacerdepartir?–Commentcrois-tuquej’aieuunbureauavecfenêtre?Nathanlevalesyeuxauciel,pendantqueMeghanpouffaitderire.Lynnesepinçaitleslèvres,se
retenantsûrementd’enfaireautantelleaussi.J’avaispresqueenviedel’encourageràlefaire.Aprèslafrayeurquenousavionseue,rirenepouvaitnousfairequedubien.
–RentronsauPeninsula,proposaMeghanenenroulantsonbrasautourdeceluideGregory.Jelançaiunregardsurprisàcedernier,etilsecontentadesourire.Pourtant,quandelleesquissa
unpremierpaspoursortirdelasalled’attente,ilnebougeapas,statufiéaumilieudelapièce.–Tunevienspas?demandaMeghan,étonnée.–Jen’aipasfranchementlesmoyensdem’offrirunesuite,mêmelaplusminable,auPeninsula,
arguaGregory.–Ons’enfiche,onmettraçasurlecompted’Andrew!éludarapidementMeghan.–Ilappréciera,ironisaNathan.–Jegèrelesfinances,tugèreslecommercial…Enfintuessayes!plaisanta-t-elle.Allez,Greg,
viensavecnous.Greg?–Passezdevant,jedoisparleravecKatquelquesinstants.–Commetuveux!soupiraMeghanenentourantfinalementlebrasdeNathan.Ilsquittèrentlapièce,suivisparLynne,justederrièreeux.Elleallaitsûrementdevoirassisterà
leurspetites joutesverbales.ÀmoinsqueNathannemettesonplanàexécutionunpeuplustôtqueprévu…
Alorsquejelesregardaiss’éloignerdanslelongcouloiréclairédenéons,Gregorysepostaàmescôtés.
–Sielleseretourne,c’estquej’aigagné,murmura-t-il,conspirateur.–Stratégiedel’ignorance?–Exactement.OnaunpeudiscutépendantquetuétaisavecAndrew.Ellen’estpasdugenreà…–…àtomberàtespiedsentesuppliantdeluifairel’amour?finis-jepourlui.–Çasi…C’estlesrelationsqu’ellenegèrepas.D’autantplusquenousavonslemêmepatron!
J’entendis le rire deMeghan résonner, et celui deNathan retentit quasiment enmême temps.Lynnes’étaitapprochéeetsetenaitprèsdeNathan.Cederniersetournaverselleetluioffritcequidevaitsûrementêtresonpremiervraisouriredelasoirée.
–TuvascontinueràtravaillerpourAndrew?demandai-jeenespérantuneréponsepositive.–Tucroisvraimentquejevaistelaisserbatifoleravecl’«Empereur»entoutequiétude?– Ça veut dire que je vais t’avoir sur le dos tout le temps ? grimaçai-je en pensant au fait
qu’Andrewvoudraitsûrementcontinueràœuvreràmaprotection.–SaufsiMeghantournelatêteetquejetrouveuneautrefemmequetoiàagacer.Lynneappelal’ascenseur,sabonnemineetsabonnehumeurretrouvées.J’attendaisqueMeghan
seretourne,etjeredoutaisdeplusenplusqu’ellenelefassepas.Prèsdemoi,jen’entendaispluslarespirationdeGregory,commes’ilretenaitsonsouffle.
–Jenesavaispasquetuavaispassélanuitavecelle,luidis-jedoucement.–Jeluiaioffertunmassage,souritGregory.–Tusuismesconseils?–Tuasséduitl’«Empereur»…T’esunesortederéférencedanslemilieu,désormais!Jeluitapail’avant-brasenriant.L’ascenseurs’ouvritdansunpetitding,etfinalementMeghanse
retournalégèrement,noussaluantdelamain.–J’aigagné,murmura-t-iltoutsourireenlevantlamainverselle.Ilopinaet,brutalement,enroulasonbrasautourdemesépaulespourmeserrercontrelui.–Tudevraisallerlarejoindre…Lastratégiedel’ignoranceaseslimites.–Tucrois?– Eh bien, tu penses avoir gagné parce qu’elle s’est retournée… Elle, elle pense qu’elle va
gagnerparcequ’ellevarentrerseule.Ducoup,sij’étaistoi…Jen’euspasletempsdefiniretvisGregoryfoncerendirectiondel’ascenseur,sonpaslourd
résonnantdanstoutl’étage.–Attendez-moi,criait-ilauméprisdesrèglesdesilenceimposéesparl’hôpital.Au loin,Meghan fronça les sourcils.Nathan jeta son bras en avant pour retenir les portes et
Gregory s’y engouffra. Je n’eusmêmepas le droit à undernier salut.Mais en les voyant tous lesquatredans lepetitespace,MeghanriantavecGregory,pendantqueNathanetLynnesemblaientsedévorerduregard,jemesouvinsdesmotsd’Andrewalorsqueluietmoinousconnaissionsàpeine.
Ilyavaitdéfinitivementquelquechoseaveclesemployésdecethôtel.
***
Je priai pour que le Dr Hamilton soit à la fois indulgent et doté d’une forme d’esprit deconservation. J’étais certaine qu’Andrew refuserait d’obéir à un quelconque ordre médical, s’iln’allaitpasdanssonsens.
– Cette jeune femme m’a dit que vous vouliez déjà nous quitter, plaisanta le médecin enparcourantsondossiermédical.
–Eneffet.J’aiunpeudemalavecladécorationdecetendroit,railla-t-il.–Lechocaétérude.Lemédecinsetournaversmoi,toutsourire.–Ilesttoujoursaussitêtu?m’interrogea-t-il.–Ilesttrèsexigeant.–Etilsaits’entourer.
Je rougissais furieusement, tandis que le médecin m’examinait minutieusement. De touteévidence,l’espritdeconservationnel’étouffaitpas.Andrewlefusilladuregard,et,lespoingsserrés,ilagrippalesdraps,prêtàendécoudre.
–Merci,balbutiai-je,hagarde.–Peut-onenreveniraumotifdevotreprésenceici?grondaAndrew.–MonsieurBlake,votredossierindiqueunenuitd’observation.Vousavezeuunaccidentviolent
etnousdevonsvérifiersitoutvabien.–Toutvabien,assura-t-il.–C’estànousdeledire,lecontralemédecin.Puis,subitement,ilrefermasondossiermédicaletlecalasoussonbras.Jerisquaiunœilvers
Andrewquisemblaitbouilliretprêtàexploserdanslaseconde.Ilserralespoings,malmenantledrapamidonnédel’hôpital,etfixalemédecin,commes’ilallaitletuer.
–Mademoiselle,sivouslesouhaitez,nousavonsdeschambresdisponibles.–Non,jepréfèreresterici,lecoupai-je.– C’est juste à l’étage en dessous, précisa le médecin, c’est très calme et je peux vous y
accompagner.Jecontournailelitetm’assistoutprèsd’Andrew.Cedernierposaunemainpossessivesurma
jambe,laserrantunpeutropfort,avantdetoiserlemédecin.–Elleaditqu’ellepréférait rester ici,grondaAndrew.Dois-jeappelerunmédecinpourfaire
vérifiervotreaudition,oujusteunpsychiatrepourvostendancessuicidaires?–Sivousavezbesoindequoiquecesoit,proposalemédecinenignorantostensiblementcette
dernièreremarque,sesyeuxtoujoursrivésauxmiens.J’en étais stupéfaite. Non seulement il me draguait ouvertement – ce qui était déjà assez
exceptionnel dans ma vie –, mais en plus devant Andrew. Était-il idiot ou simplement culotté ?Andrewattrapafinalementmamainetentremêlanosdoigts.
–Mercidevotrediligence,docteurHamilton,dit-ild’un tonglacial.Pouvez-vousveilleràcequemeseffetspersonnelssoientrassembléspourmondépartdemainmatin?
–Jevaisvoir,aviez-vousdespossessionsdevaleur?–J’enaiune,approuva-t-ilenportantledosdemamainàseslèvres.Je frissonnai légèrement, tandisqu’Andrewmitraillaitdesyeux lepauvremédecin.Unsilence
tendus’installa,et le jeunedocteurtentadesecomposeruneposture,enmettantsesmainsdanslespochesdesablouse.
–Jevaisdoncfairelenécessaire,monsieurBlake,assura-t-ilensedirigeantverslaportedelachambre.
Jeréprimaiunsourire,constatantlapâleurduvisagedumédecin.Sonculots’étaitévaporéetsapomme d’Adam tressautait nerveusement dans sa gorge. Andrew reposa doucement ma main, lagardanttoutefoisfermementdanslasienne.
–Bonnenuit,monsieurBlake.Mademoiselle,mesalua-t-ilenfuyantmonregard.Ilquittalachambreet,pendantquejeriaisdoucement,marmonnaAndrewdanssabarbe.–Quelincroyablecrétin,siffla-t-il.–Jecroisqu’ilacomprislemessage.Tun’aspasététrèssubtil.–Jenesuispassubtilaveclesidiotsdesongenre.Cetypeétaitentraindetedraguersousmes
yeux!Je retiraimes chaussures avec le bout demespieds et enlevaimes chaussettes. Je soulevai le
drap, riant toujours pendant qu’Andrew jurait de supplicier le pauvre homme dès qu’il serait en
pleinepossessiondesesmoyens.–Tuvaspasserlanuitici?s’étonna-t-il.–Çasembleévident,murmurai-jeenretirantmonsweat-shirt.Sesyeuxs’illuminèrentetilmelaissaunpeudeplace.–Detoutefaçon,chaquefoisquej’ailemalheurdetelaisseràtonpropresort,ilt’arrivedes
ennuis,plaisantai-je.–Nemelaissepas,alors.Jamais,murmura-t-ilenm’accueillantàsescôtés.Je levai les yeux vers lui, toutes traces d’amusement sur son visagemaintenant disparues. Le
changement d’ambiance avait été imperceptible, et pourtant, nous nous engagions dans une de cesconversationsqui,jelesavaisdésormais,marqueraitnotrehistoire.
–Jamais,promis-jependantquenousnousallongionstousdeuxdanslesbrasl’undel’autre.–J’aieupeur,avoua-t-il.Peurdeneplusterevoir.–J’aieupeuraussi.Jenesaispascequej’auraisfait,s’ilt’étaitarrivéquelquechosedegrave.Ilmepressacommeilputcontrelui,m’étreignantamoureusement.Jeposaiunedemesmains
sur son torsebandé, lecaressantprudemment.Soncorps sedétenditpresque immédiatement.Nousrestâmessilencieuxdelonguessecondes,etjemerendiscomptequelemomentétaitvenudeluidirepourleslettres.
Après ce soir, après avoir eu tellementpeurpour lui, jene craignaisplus sa réaction. Jemisquelquessecondesàformerlapremièrephrasequimelanceraitdansmonlongrécit.
–Andrew?murmurai-je.Ilfautquejet’avouequelquechose…quelquechosesurmoi,ajoutai-jeavechésitation,toutenmeredressant.
–Unsecrethonteux?m’interrogea-t-il,lesyeuxclos.L’instantsuivant,ilbaillaetresserrasaprisesurmesépaules.Jesoupirai,prenantconsciencede
son extrême fatigue. Je l’embrassai furtivement sur les lèvres, avant de constater qu’il venait desombrerdansunprofondsommeil.
***
Le lendemain matin, Andrew eut l’autorisation de sortir. Avec un sourire arrogant, il avaitrécupéréseseffetspersonnelsquelemédecinavaitrassemblés.GregoryavaitprévuunevoiturepournousramenerauPeninsula,ainsiquedesvêtementsproprespourAndrew.
AlorsqueGregorygaraitlavoituredanslegaragedel’hôtel,jejetaiunœilàmamontre.Ilétaitquasiment10heures.Lynnedevaitêtreplongéedanslesderniersdétailspoursonmariage,prévuenfindejournée.
–Voulez-vousvousjoindreànouspourunbrunch?proposaGregory.–Nous?l’interrogeaAndrew.–Nathan, Lynne et…Meghan.Nous avons pris la liberté de réserver une table dans l’un des
restaurantsdel’hôtel.–Vousprenezdeslibertés?s’étonnaAndrew.–Andrew,c’estsamedi!râlai-je.–Tuveuxfairecebrunchaveceux?demanda-t-il,presquevexé.–J’enseraisravie.Etàvraidire,jeneveuxpasmanquerunemietteduspectacle,souris-je.Andrew leva les yeux au ciel, pendant queGregory, ne comprenant pas, semblait réfléchir à
touteallure.Ilsortitdelavoitureetlacontournapourm’ouvrirlaportière.–Tuesparfoissi…fleurbleue,chuchotaAndrew.
–Ditl’hommequim’aoffertdesfleurs,desbouclesd’oreilles,unerobe…–J’auraispréféréquetupensesd’abordàmoncœur,ironisa-t-il.Jecomprendsmaintenantque
jen’auraisjamaiseumachanceavectoisij’avaisétépauvre.–Tuneseraisjamaisrentrédanscethôtelsituavaisétépauvre,contrai-je.–Oh…Donc,c’estl’hôtellaclédenotrehistoire?s’enquit-il,pensif.Jen’avaispasenvisagé
leschosesainsi.Ilsortitde lavoitureet,enroulantsonbrasautourdemataille, ilm’entraînavers l’ascenseur.
Gregory,silencieux,noussuivitàdistanceavantdenousrejoindredanslapetitecabine.–Ettuenvisageaisleschosescomment?l’interrogeai-je.–Jenesaispas…Puisquetupensesquenoussommesdesâmessœurs,j’aimeàcroirequenous
nousserionsrencontréssanscethôtel.Jepensaisfurtivementauxlettres,maislemomentétaitmalchoisipourluiannoncerlavérité.
Parailleurs,jenevoulaispasfaireçadevanttémoin.–Enfin, jeprésumequecequicompte,c’est le résultat,conclutAndrew.Et je suisàpeuprès
certainqueGregorynevapasmecontrediresurlesujet!Cederniersortitdesatorpeur,hagardetstupéfait,avantdenousfixeralternativement.–Meghanestparfoisglaciale,mais…–Ellen’estpasglaciale,riposta-t-il.Juste…prudente.–Jevouspréviens,si…–Ellem’adéjàprévenu,lecoupaGregory.Elleesttrès…persuasive.–Etelleconnaîtdestueursàgage!souritAndrew.–J’aiétéflic,j’enconnaisplusqu’elle.–IlvarendreMeghancomplètementchèvre!murmura-t-il,conspirateur.–Jecroisquec’estlebut.Ànotrearrivéedans le restaurant, je repérai immédiatementnotre table.MeghanetNathanse
chamaillaient,pendantqueLynne,lestraitstirésparunévidentmanquedesommeil,tentaitdetrouverdes forcesdansune tassedecafé.Andrewme tiraunechaiseet s’installaàmescôtés,pendantqueGregoryfonçaitprèsdeMeghan.Ilssesourirentlargement,etelleluiservitdujusd’orange.
–Andrew,jedoisdirequecettefois,tuasfaitfort!souritNathan.–A-t-onretrouvélechauffard?demandai-je.–Rienpourlemoment.Lesrecherchessepoursuivent.–Est-cequeçava,Lynne?l’interrogeai-jealorsqu’elleétaitpâlecommelamort.–Fatiguée,avoua-t-elle.Jejetaiuncoupd’œilversNathan,visiblementinquietluiaussidesapetitemine.Jepenchaila
tête,l’encourageantàselancer.Maisilsecoualasienneetplongealenezverssonassiette.–Veux-tudesœufs?meproposaAndrew.–Justedusaumon,etdesbagels.–Jevaisretournermereposer,murmuraLynneenfixantsespieds.–Jet’accompagne,proposaNathanenselevantdetable.–Çaira.–Lynne…,murmura-t-il,contrarié.–S’ilteplaît.Nerendspasleschosesplusdifficiles.Docile,ilserassitàsaplace,pendantqueLynnenoussaluait.Ellesedirigeaverslasortieetje
mesurprisàsupplierNathand’allerluiparler.Maisdenouveau,ilrefusa.–Quandelleaurafranchicetteporte,çaseraterminé!arguai-jeavecforce.
–C’estdéjàterminé,murmura-t-ilavectristesse.–Jeteviredanslasecondesitunelèvespastonculdecettechaise,grognaAndrew,sansquitter
desyeuxlemenuqu’illisaitavecassiduité.Nathan nous questionna du regard, mais Andrew l’ignora superbement tandis que,
silencieusement,jel’encourageaiàfoncer.
CHAPITRE33
–Lynne!hurlaNathanenselevantbrutalementdetable.–Obligédelemenacerpouryarriver,râlaAndrewtoujourslenezdanssonmenu.Devantmoi,jevismonamieseretournerversNathan.Elleétaitlivideetsemblaitmêmeàbout
deforce,tenantpéniblementdeboutsursesjambes.Ellefixasonattentionsursespieds,enattendantqueNathanlarejoigne.
–Tucroisqu’ilvasuivreleplan?demandai-jeàAndrew.–Sonplanestfoireux,répondit-il.Ilyadoncdeschancesqueçafonctionne.–Taisez-vous,jeveuxentendre,s’agaçaMeghanprèsdenous.Nathan prit lamain de Lynne et l’amena à l’écart. Ils s’étaient rapprochés de nous, mais les
regardscurieuxneseportaientplus sureux.Deboutdevantelle,Nathan la fixaet relâchasamain.Elletanguaitsursespieds,hésitante.Etquandellerelevafinalementlevisage,jevisseslarmes.
–S’ilteplaît,laisse-moi,dit-elledoucement.–Jerefuse.–Jevaismemarier,contra-t-elledansungémissement.–Jesais.Etjesuiscertainqueçavaêtre…spectaculaire.–Qu…quoi?fit-ellesanscomprendre.–Tuvaspromettreàunhommedel’aimer,d’êtreavecluitoutelavie…Ehoui,jesaisquetu
serasspectaculaireenmariée.Tul’esdéjàmaintenant!Ellesemorditleslèvresetessuyaseslarmes.Nathanfitencoreunpas,s’approchantunpeuplus
d’elle.–Ettuvasfaireunefêteénorme,tesoûlerauchampagne,pleurerettesentirridiculeenécoutant
lesdiscoursdesunsetdesautres…Maislàencore,tuserasspectaculaire.Etensuite,cethommeauralachancedet’avoirprèsdelui.Jouretnuit…Etilseraunsacréveinardd’avoirunefemmecommetoidanssavie.Parceque tues…tuas toujoursétéet tuseras tout le temps…spectaculaire,àmesyeux.
–Va-t-ilrépétercemotencorecinqfois?s’enquitAndrewdansunmurmure.–Combiendefoism’as-tuditquej’étaistonexception?contrai-je.–Tuavouerasquec’estnettementmieuxtrouvéque«spectaculaire»!–Chut!nousintimaGregoryensetordantlecoupouradmirerlespectacle.Andrewlui lançaunregardmenaçant,mais trèsviteseradoucitdansunsourire.Quoiqu’ilen
dise, je savais qu’une partie de lui admirait ce que faisait Nathan. Lynne avait juste besoin decomprendrequ’ellefaisaitfausseroute.
–Etjeveuxquemaviesoitspectaculaire,Lynne.–Nathan,cen’estpas…–S’ilteplaît,laisse-moifinir.Jesaisquej’arrivesûrementtroptard,maistunemelaissesplus
lechoix.Soudain,ilposaungenouàterreetsesaisitdesamain.–Lynne,veux-tum’épouser?–Quoi?hurlèrentMeghanetLynneàl’unisson.Gregoryposaunemainsurl’épauledeMeghan,laforçantàserasseoirsursachaise.Andrew
secouaitlatête,tentantderéprimerunsouriresansyparvenir.Jeportaimonattentionsurmonamie,qui,commenoustous,semblaitretenirsonsouffle.
–Ça,c’estlaméthodedouce,expliquaNathan.Tudisouiettureviensàtableavecnous.Lynnetrembla,etunsourireflottasurseslèvres.LeslarmesréapparurentetNathanseredressa,
sansavoirlaréponsequ’ilespérait.– Laméthode forte consiste à continuer à te faire croire que je suis sain d’esprit, alors que
j’envisageréellementdet’enleverdanslaminute,detefaireprendreunavionpourLasVegasetdet’épouserlà-basdelafaçonlaplusringardepossible.
–Ilestcomplètementcinglé,commentaGregory,défaitiste.Brutalement,LynneagrippalachemisedeNathanetl’attiracontreseslèvres.Ilyeutunmoment
deflottement,oùtous,àtable,nouslesfixions,stupéfaits.Finalement,NathanentouraLynnedesesbrasetleurbaiserdevintpassionné.
Àmes côtés,Meghan semit à siffler et à applaudir, etGregory se leva pour en faire autant.AndrewsortitsontéléphoneetdonnadesordrespourdesréservationsimmédiatesdansunhôteldeluxedansleNevada.
Auboutdequelques instants,Lynne,essouffléeet le rougeaux joues,s’écartadeNathan.Elleavaitceregardpétillantetfouquejeluiconnaissais.Unetellejoieirradiaitdesonvisageetsemblaitcontaminerlepublicautourd’eux,souriantlargement.
–Alors,quelleméthodepréfères-tu?l’interrogea-t-ilenpassantsespoucessursesjouespoureffacerseslarmes.
–J’aitoujoursrêvéd’alleràVegas,avoua-t-elleenrougissantencoreplus.–AlorsVegas,çasera.Attends-moiici.Ellehocha la tête etNathan revint versnous, uniquementpour reprendre saveste. Il lançaun
regardàAndrew.–Tuasunesemainedecongés.Pasunjourdeplus.– Une semaine ? s’étonna-t-il. Kat, je vais vous offrir la lune si vous parvenez à l’attendrir
encoreunpeu.Andrewlevalesyeuxaucieletjeluisourislargement.–J’ytravaille,plaisantai-jeenfixantAndrew.Amusez-vousbien!–Nousavonsunvoldans…quatreheures,expliqua-t-iltoutenjetantunœilauxbilletsd’avion
sortisdelapochedesaveste.–Justeletempsdefaireunsacetd’annulersonmariaged’aujourd’hui,raillaMeghan.–Toi,tuesfâchéeparcequetun’espasinvitée!ripostaNathan.– Je suis fâchée parce que tu as osé faire ta demande sans bague ! s’exclama-t-elle. C’est…
c’est…illégal!bégayaMeghan.–Jevaisarrangerça,promit-il.
–Tun’arrangerasriendutoutsiturestesàbavassericiavecnous,plutôtquedelarejoindre,ditdoucementAndrew.
NathansetournaversLynne,qui,immobileaumilieudelasalledurestaurant,attendaitleretourdesonnouveaufuturmari.
Laminutesuivante,illaretrouvaet,heureux,ilcalalamaindanslasienne,avantdel’embrasserchastementsurleslèvres.
–J’aifailliattendre,dit-elleenplantantsonregardéclatantdanslesien.–Jeprometsdeneplusjamaistefaireattendre,réponditNathan.Maindanslamain,ilssedirigèrentverslasortiedurestaurant.Quelquessecondesplustard,les
conversationsreprirent,dessouriresfleurissantsurlaplupartdesvisages.–J’espèrequePhilipnevapasêtretrop…encolère,soufflai-jeàAndrew.–Nathanleconnaît.IlneprendrapaslerisquedelaisserLynneseuleaveclui.–Tucrainsqu’ilsoitviolent?m’enquis-je.–Non…justemanipulateur.C’estunhommed’affaires,ilvatoutfairepourarriveràsesfins.Nousdéjeunâmesdanslecalme,etMeghanetGregorys’éclipsèrentlespremiers.Seuleàtable
avec Andrew, je finissais mon café, pendant qu’il consultait son téléphone. Il fronça les sourcilsplusieursfois,avantdesetournerversmoi.
–IlyaunavioncesoirpourSanFrancisco,annonça-t-ildoucement.–Jecroyaisqu’ondevaitpartirdemain?m’étonnai-jeenreposantmatasse.–J’aimadépositionàbouclerdanslecourantdel’après-midi.EtlemariagedeLynnen’est,de
touteévidence,plusd’actualité.Plusriennenousretientici!–Jedoisvérifierquandrentremonpère,balbutiai-je.Ildoitsûrementprendreunvoldemainet
je…–Kathleen,situveuxpasserdutempsavectonpère,jen’yvoisaucuninconvénient.Ilmeregardaavecunmélangecurieuxdetendresseetdequasi-dévotion.Ilplaçasamainsurma
joue et m’attira contre ses lèvres. Son baiser était doux, léger, presque hésitant. Je m’écartailégèrementetilpassasonpoucesurmaboucheensouriant.
–Demain,alors,murmura-t-il.Demain,tuserasenfintouteàmoi.Je rougissais violemment, songeant que je tenais peut-être enfin l’occasion de tout avouer à
Andrew.Leslettres,Marie,notrehistoire.Jesentisunebouled’angoissedésagréableseformerdansmon ventre, et soudainement tout appétit me déserta. Jeme forçai à sourire et pris une profondeinspiration.
–Andrew,j’aibesoindeteparlerdequelquechose.–Voilàlegenredephrasequ’unhommen’aimepasentendredelapartd’unefemme.Ilmefixaitaveccuriosité.Ilpritunegorgéedesonjusdefruit,sonregardnequittantjamaisle
mien.Jegigotaisurmachaise,commesiteniruneautrepositionallaitm’aider.–Est-cevraimentimportant?m’interrogea-t-il.–Oui,murmurai-je.Plusqueçamême,ajoutai-jeenbaissantlesyeux.–Nefaispasça,m’intima-t-ildoucement.Nebaissepaslesyeuxdevantmoi.Avecdouceur, ilme fit remonter le visage et ancra son regarddans lemien. J’hésitai encore
plus.J’auraispugarderlesecret,fairecommesi…Maisquelquepart,jesavaisquelafuiten’étaitpasune bonne idée. Si Andrew venait à apprendre que je lui avais caché la vérité, une partie de saconfianceseraitbrisée.
–Quandtubaisseslesyeux,j’ail’impressionquetumecrains.Penses-tuquecequetucherchesàmedirechangeraquelquechoseentrenous?
–Jecroyaisquetuaimaisl’honnêteté?contrai-je.–C’est vrai, admit-il.Mais je crois que nous avons eu notre lot de péripéties. J’aspire à une
périodede…calme,maintenant.Etquoiquetuenpenses,riennemeferachangerd’avissurtoi.Sonregardquittalemien,etmoncorpsrepritunfonctionnementnormal.Marespirationlourde
eterratiques’apaisa.L’angoisseétaittoujourslà,maiscetteconfianceabsoluequ’ilavaitennousmerassura. Ilavait raisonsurunpoint :nousavionsbesoinderepos,d’êtreaucalme,d’avoir l’espritlibrepournousconcentrersurnous.
***
Aprèsledéjeuner,Andrewgagnasachambre,m’indiquantqu’ildevaitpasserquelquescoupsdefilsàSanFrancisco.IlironisamêmesurlesvacancesdeNathan,jurantquecedernierluidevaitunevieentièredegratitude.
Jerejoignisdonclapetitesuitedemonpèrepourl’aviserdel’annulationdumariagedeLynne.CettedernièreavaitsûrementparléàPhilip,maisjedoutaisdelaloyautédelafamilledesonex-futurépoux.LesinvitésdeLynnesecomptaientsurlesdoigtsdelamain,ceuxdePhilipreprésentaientlamoitiédeNewYork.Sesparentsvoudraientsauverlesapparencesàtoutprix.
Monpèremontraunétonnementpoli, triturantsamoustacheavecréflexion,avantdeconclurequedetoutefaçon,Philipneluiavaitpasinspiréconfiance.
–C’estLynnequiadécidéd’annulerlemariage,lecorrigeai-jeensouriant.–Oh…d’habitude,c’estlemariquipanique!–Ellen’étaitpasamoureusedelui,pascommeelleledevaitentoutcas.–PascommetuaimesAndrewBlake?demandamonpèreens’installantdansunfauteuil.–Papa!m’exclamai-je,gênéequ’ilabordelesujet.–Entoutcas,tun’aspaschoisileplusmauvaisdespartis.–Jemefichedesonargent,murmurai-je.–Jesais.Jevousaivushiersoirpendantquevousdansiez.Je m’assis à mon tour, prête à affronter une conversation inopinée père-fille. Je baissai le
regard, rougissant en repensant àma conversation de la veille avecAndrew. Lemariage semblaitimportantpourlui.Etmoi,jeprenaisdoucementconsciencequejen’avaisriencontrel’idéedeluiappartenirnonseulementlégalement,maisaussiauxyeuxdesautres.
–Queveux-tusavoir?soupirai-je.Jesaisquetuasdéjàenquêtésurlui.–Hiersoir,j’aivucommenttuleregardais,etj’aivuqu’ilteregardaitavec…jenesaispas…–Amour?tentai-jepresqueamuséedevantlaminedésabuséedemonpère.–J’allaisdire«prédation»…Jesuistonpère,techniquement,personneneseraassezbienpour
toi.Maisjedoisadmettrequ’AndrewBlaken’estpaslepiredeshommesquetuauraispuchoisir.–Jeleluidirais,çaluiferaplaisir,memoquai-je.Monpèreseredressaet,denouveau,semitàjoueravecsamoustache.Cegeste,danslemonde
deWaltDillon,n’étaitjamaisanodin.Ilsedirigeaverslafenêtreetadmiralavues’étalantdevantlui.–Ettuasvraimentdémissionné,n’est-cepas?–Oui,avouai-je.JevaisallervivreàSanFrancisco,avecAndrew,continuai-jeenespérantque
cetteinformationm’excuseplusrapidement.–Oh.L’étonnementdemonpèreétaitréel.Metournanttoujoursledos,ilsoupiralourdement,comme
s’ilacceptaituneformededéfaite.Jemelevaietpassaiunemaindanssondosavantdecalermatête
contresonépaule.J’étreignismonpèrefortement,entourantsatailledemesbras.–Tuasraison,techniquement,ilneserajamaisaussibienquetoi,souris-jecontrelui.–Ilaséduitmafille,ilnepeutpasêtresimauvais,bougonna-t-il.Votrehistoiresemblesérieuse.Ilsetournafinalementversmoietmefixapourjaugermaréaction.–Ellel’est,dis-jeavecfranchise.–Çamerassure.–Papa,n’as-tudoncaucuneconfianceenmonjugement?–Ohsi…c’estjustequej’aipayécesmokingunepetitefortune,j’espèredonclerentabiliser,
expliqua-t-ilendésignantlecostumesuspenduderrièrelaporte.Ilmesourit,heureuxdesaplaisanterie,pendantquejel’imaginaismeconfiantàAndrewdevant
l’autel. Je réprimai un rire et mon père me serra dans ses bras. Sa chaleur, sa confiance en moim’avaient manqué. Je sentis les larmes me piquer les yeux. Tout était parfait maintenant, et jeregrettaispresqued’avoirrefusédepartirplustôtpourSanFrancisco.
–Jeteproposequenousdînionsensemble,dis-jeàmonpèreavantdequittersasuite.Commeça,tupourrasapprendreàconnaîtreAndrew.
–Jeleconnaisassez.Exigeantetvoleurdefille,râla-t-il.–Vousvousressemblez,souris-je.Monpèrebougonnaquelquechosed’inintelligibleetjesouris.Ilrâlaencoreplus.–Jeterécupèredanstasuitevers20heures.JequittailachambredemonpèrepourrejoindrelaPeninsulaSuite.J’annonçaiàAndrewmon
projetpournotredîner,qu’ilacceptaavecplaisir.Enfind’après-midi,ildutretourneraucommissariatpourfiniretsignersadéposition.–Jereviensvite.–Soisàl’heurepourledîner,leprévins-je.–Jenemanqueraisçapourrienaumonde,assura-t-ilenm’embrassantfurtivement.Jedoisfiler,
Nathanmeconduit.–Ilnedevaitpasprendrel’avionpourVegas?m’enquis-jeenvérifiantl’heure.–Ilprendunvolcettenuit.Lynnenevoulaitpaspartirsansrécupérerquelquesaffaires.EtGrant
aaussibesoindesadéposition.–OùestLynne,maintenant?–ProbablementdanslasuitedeNathan.Andrewenfilasoncabanet,aussitôt,j’approchaideluipourajustersoncol.Ilsouritlargement
enmevoyantfaire,s’amusantdemonenthousiasme.–Quelgenredechanceai-jedet’avoir?murmura-t-il.–Unechanceinsolente?plaisantai-jeenrelevantlesyeuxverslui.–Sûrement.Mavieétaittellementplanifiée…ettuasdébarqué.–«Tu»asdébarquédansmonmonde!Jemenaisunevietranquilleavantquetuchoisissesle
Peninsula!–N’est-ellepasplusexcitantemaintenant?Son regard s’assombrit et son corps approcha dumien.Monpère avait raison, l’amour et la
prédationchezAndrewétaientdesnotionsassezproches.Jesentismoncœurtressauteretmoncorpssetendit.
–Plusintense,même?reprit-il.–Très,avouai-je.Jedouted’enavoirfaitautant…
–Jetel’aidéjàdit…Avanttoi,mavieétaittriste.Lesmois,lessemaines,lesjours…toutcelasesuivait sans jamais m’apporter autre chose que ce que je connaissais déjà. Tu m’as sorti de matorpeur,tum’assauvéduvidedanslequeljevégétais.
Ilmefixaitaveccetteintensitéétrange.Ilvoulaitmerassurer,maissesmotsmerendaientencoreplus fébrile. Ilme croyait forte, et j’osai croire que je l’étais,mais à cet instant, perdue dans sonregardbrillant,jemesentaisfragileetencoreplusamoureusedelui.
–Andrew,murmurai-jepourl’interrompre.–Etcettefaçondonttuprononcesmonnom,reprit-ilencaressantmalèvredelapulpedupouce.
Rienqueçarendmaviebienplusbellequ’avant.Parceque,quandtum’appellesainsi,jenesuisplusAndrewBlake,l’hommemédiatique,juste…moi.Tumeconnaismieuxquequiconqueetavectoi,jesuisunhommenormal…
–L’hommequej’aime,finis-jepourlui.Jemedressai sur la pointe des pieds pour l’embrasser et il entourama taille de ses bras.Ce
baiserne ressemblaitpasauxautres.BiensûrAndrewm’avaitdéjàditqu’ilm’aimaitetme l’avaitprouvédenombreusesfois,maiscettefois,c’étaitdifférent.C’étaitchaud,tendre,vraietsensuel.
–Monexception,chuchota-t-ilens’écartantlégèrementdemoi.–Latienne,définitivement,acquiesçai-je,bouleverséepar l’effetdusouffledesavoixsurma
peau.–Nathanvam’attendre,dit-ilenmelibéranttotalement.–JevaisallervoirLynne…etjeferailessacsensuite.–Neremballepascettedélicieusepetitechosenoire,meconseilla-t-il.–Obsédé!souris-je.–Seulementpartoi.Ilsecontentadesourireetsedirigeaverslaportedelasuite.Jeretournaiverslachambre,prête
àcontacterLynnepourdiscuteravecelleavantsondépartpourVegas.Soudain,unbrasentouramataille,etj’éclataiderireendevinantleparfumd’Andrewderrière
moi.Ilembrassamoncouetm’attiracontresontorse.– Et j’ai vraiment hâte de te voir dans notre cuisine avec cette délicieuse petite chose noire,
murmura-t-ilavecunetracedesouriredanslavoix.–Lescuisines,memoquai-je.–Toi.Toujourstoi.Soissage,m’intima-t-ilenplaquantundernierbaiserdansmoncou.Il partit tellement vite que j’eus à peine le temps de me retourner pour voir sa silhouette
disparaître.Jerisdoucement,repensantàcettemaisonsurlaplage.Ilfallaitquejevérifiel’équipementdelacuisine,songeai-jeenm’emparantdemontéléphone.
***
Après m’être assurée qu’elle était bien dans la suite de Nathan, au 4e étage de l’hôtel, j’yretrouvai Lynne. Elle était… époustouflante de vie. Ses yeux brillaient d’une lueur que je ne leurconnaissaispas.Elleétaitheureuse,libreetsoulagéeaussi.Assisesdanslepetitsalondelasuite,elleme proposa de boire un verre, tout en me racontant les derniers développements de sa nouvellerelation.
–Commentl’aprisPhilip?m’inquiétai-je.
–Pas trèsbien. Je l’ai appelé, et il a tentédeme faire changerd’avis.Comment ai-jepuêtreaussiaveuglesursonmodedefonctionnement?soupira-t-elle,honteuse.
–L’argent?tentai-je.– L’argent, les apparences… Il était plus inquiet de l’avis de sa famille que de notre vie
ensemble.Peuimporte,jeparscesoir,seréjouit-ellebrutalement.Tuavaisraison,souffla-t-elle,lerougeauxjoues.Çavautlecoupdeprendredesrisques.
–Ettuvasvraimentl’épouser?luidemandai-je,unpeuinquiètedecettesoudaineprécipitation.–Oui.JeconnaisNathan…Dumoinsnosconversationsm’ontapprisàleconnaître,jenevois
pascequejepourraisapprendredeplussurlui.J’acquiesçai en souriant. Je savais que,moi aussi, à l’instantmêmeoù il poserait ungenou à
terre, j’accepterais sa demande. Ce qui, jusqu’ici, était une sorte de jeu entre nous s’avérait êtrebeaucoupplussérieux.
Nos échanges de lettres m’avaient permis de découvrir la facette cachée et protégée de sapersonnalité.Même si, au départ,mon attirance avait été avant tout physique– une attirance certesmâtinéed’unagacementcertainenverssonarrogance–,nosécritsavaientsûrementétéundéclic.
–Etilfautquejetrouveunnouveautravail,soupiraLynne.–Nathanadesrelations,net’enfaispaspourça.–Non.Pourunefois,jeveuxfaireleschosesàmafaçon.Jeneveuxpasd’unhommequime
protègeetseservedemoi.–Peut-êtreque tudevrais songeràdevenirhôtessede l’air !plaisantai-jeen repensantàcette
habitudedéconcertantechezNathan.–Hôtessedel’air?Etpourquoi?s’étonna-t-ellesanscomprendre.–Oh…disonsqueNathan…enfin, ilprendsouvent l’avion,éludai-jeenm’apercevantqu’elle
neconnaissaitpastoutdelaviedesonfuturmari.–Etbienvoilàunsujetquejevaisdevoiréclaircir,sourit-elle.Nousdiscutâmesainsipendantunebonneheure.Lynnem’expliquacommentelleavaitdûberner
le garde à l’entrée de son immeuble pour récupérer des affaires. Après l’avoir semé dans lescouloirs, elle avait foncé jusqu’à son ancien appartement pour prendre quelques vêtements et sespapiers.
–J’aivumarobesuspenduedanslasalledebains.Commentas-tupumelaisserembarquerdanscettehorreur?meréprimanda-t-ellegentiment.
– Ne jamais offusquer la mariée, souris-je. Je suis juste déçue de louper ton mariage avecNathan,jesuiscertainequ’ilseraparfait!
Jejetaiuncoupd’œilàmamontre,prenantconsciencedel’heuretardive.Andrewn’allaitpasmettredutempsàrevenirducommissariat,etj’avaispromisdefairelessacs.
–Jedoisretourneràlasuite.JedîneavecmonpèreetAndrewcesoir.–Commentçasepasseentreeux?demanda-t-ellealorsquejemerelevaisdufauteuil.–Plutôtbien.Papaaétédéçudenepasétrennersonsmokingpourtonmariage.–J’iraislevoirpourm’excuserdevivevoix.Jemedirigeaiverslaportedelachambre,quandmonamiem’arrêtaavecempressement.– Peux-tume rendre un service et faire envoyer ce colis ? demanda-t-elle enme tendant une
petiteboîte.Jelafixaisanscomprendre,pendantqu’ellejouaitaveclepetitcarton,unpeugênée.–C’est…mabaguedefiançailles.Etlaplupartdesbijouxquem’aoffertsPhilip.–Oh…
–Jenemevoyaispaslesgarder,etdansmacoursefolleàl’appartement,j’aioubliédelesluilaisser.Samestaucourant,ilfautjusteleluidéposeràsonpupitre.
–Tucommencesà agir commecesclients fortunés…Tu refiles l’administratif à cespauvresemployés!
–Excuse-moi,maisest-cequetun’entretienspasunesortederelationquasiclandestineavecunclient?ironisa-t-elle.
–J’aidémissionné!luirappelai-je.–…Ettun’asjamaispasséautantdetempsici!semoqua-t-elleensouriant.–Jesuistrèsattachéeàmesclients,j’aidumalàquittercetendroit!Elleéclataderireetmetenditlapetiteboîteminutieusementscotchée.Jelevailesyeuxauciel,
hilare.–Merci,murmura-t-elleavecsincérité.–Derien,Lynne.Ellerefermalaportedelasuitederrièremoi,son«merci»résonnantencoredansmesoreilles.
Jesavaisqu’ilnes’agissaitpasdesimplementluirendreservicepourcettehistoiredebijoux.Lynneetmoi,nousnousétionsbeaucoupdisputéesdernièrement,maisjesavaisquecettecolèren’étaitpasdirigéecontremoi.
JedescendispourdéposerlecolisdeLynnesurlepupitredeSam.ExpédiersesbijouxaubureaudePhilipendisaitlongsurl’étatdeleurrelation.Luietsontravail…mêmeLynne,safiancée,n’avaitpasétéassezpersuasivepourdevenirprioritaire.
–LivraisonàAstoria?medemandaSampourconfirmation.–Lynneadûmettrel’adressesurlecolis.– Sur Steinway, commenta-t-il en notant l’adresse sur le bordereau. Je le fais partir dans la
journée.Jeleremerciaietaprèsuneconversationbrèveavecmonanciencollègue,rapidementhappépar
d’autresdemandesclients, jem’éclipsaiendirectiondesascenseurs.Jemesentaismalbrutalement,ressentant un mélange de malaise et d’angoisse. Je cherchai à mettre le doigt sur ce qui metourmentait,envain.
Cen’estqu’enentendantlebruitcaractéristiquedesportesdel’ascenseurserefermantsurmoiquecelamesaisit.
L’adressedePhilip.Jeconnaissaiscetteadresse.Moncœursemitàpalpiteràunrythmefouetmagorgeseserra.
Mes poumons, comprimés dans ma cage thoracique, semblaient ne plus fonctionner. La panique,violente, soudaineet irrationnelle, était en traindem’asphyxier. Je tentaideme reprendre,prenantconsciencepeuàpeudel’ampleurdemadécouverte.
Jemeredressaietappuyaifrénétiquementsurlesboutonsdel’ascenseurpourlefairearrêter.Jedevaissortirdecetendroitet fuir laclaustrophobiequ’il suscitaitenmoi.Dansunpetit sursaut, lacabines’arrêtaau4eétage.CeluideLynne.Parveniràgagnersasuitesuffiraitsûrementàmecalmer.
Entitubant,jesortisdel’ascenseur.Lasensationd’étouffementcommençaitàs’estomper,maisj’étaisétourdie.Cetteadresse…
C’étaitundesraresélémentsdontjemesouvenaisparfaitement.LorsdemonenquêteauDaily,c’étaitcetteadressequej’avaisretrouvée,suiviedemesinitiales,notéesàlava-vitesurunbloc-notessur le bureaudemonpatron. J’avais chargéGregoryde la vérifier et ilm’avait confirméque cetimmeubledebureaunerévélait rien.Aprèsmonarrestation,et lassede toutescesmenaces, j’avaisremisécetteaffairemêlantpolitiqueetfinancementdouteuxauplacard.
Çanepouvaitpasêtreça…Forcément,ilyavaituneexplicationraisonnable.Jeprislederniercouloir me menant à la suite de Lynne, soulagée d’y trouver refuge. Je respirai bruyamment,réfléchissant à toute vitesse à ce que je pouvais faire.Mes dossiers étaient chezmon père, j’avaisencoreunechancedeleconfondre.
Montéléphonevibradansmapoche,etdistraiteparlenomd’Andrewsurl’écran,jebaissailesyeux.Jem’apprêtaiàdécrocherquandjesentisunemainseplaquerviolemmentsurmabouche.Jelâchaimon téléphone, la respirationcourte et le sentimentdepeur intense resurgissantdemanièredésagréable.
–Bonjour,Kat,murmuraunevoixfémininederrièremoi.Je m’immobilisai, avant de me débattre encore plus, tentant de repousser la main qui me
bâillonnaitavecforce.Jebattisdespieds,remuaiviolemment,maislamaindeJodieseresserraplusfermementcontremabouche,m’étouffantd’avantage,pendantquejedevinaisunobjetfroidcontremahanche.
–Àtaplace,jecesseraisdemedébattre,menaça-t-elleenappuyantlecanondesonarmecontremesreins.
Jemecalmaiquasiinstantanément,maiscontinuaidehurler.Envain.Messons,étouffésparsamain,neportaientpas,etellem’entraînaenarrière,mespiedstraînantsurlamoquetteépaisse.Jemeretrouvaidenouveaudansl’ascenseuretilseremitenbranle,montantlesétages.Jodiemerelâchaetmerepoussaviolemmentcontrelemur.Monépaulesefracassacontrel’undesmiroirsetjeretinsuncridedouleur.
–Jodie…mais…,bégayai-je.–Laferme!cria-t-elle.Brutalement,celamerevint.Levisagedanslafoule…Ceregardquisemblaitmefixer,mêmeau
traversdesvitresteintées.Elleavançaversmoietmefrappaauvisageavecuneviolenceinouïe.Legoûtmétalliqueetamerdusangtapissamaboucheetjepassaileboutdesdoigtssurmeslèvres.
–Unsouvenir,pourtonamant,railla-t-elle.Jelafixai,sanscomprendre.Pourquoifaisait-elleça?Ellemetoisaitd’unœilmauvais,sombre
etcolérique.–C’estPhilipquit’envoie?demandai-je.–Lablondeétaitnettementmoinsintelligente,siffla-t-elle.–C’esttoiquiasagresséMeghan?–C’étaitunemiseengardepourtoietBlake.L’uncommel’autre,vousnesavezpasresteràvos
places.Combienvais-jedevoirenéliminer?marmonna-t-elle.L’ascenseurs’arrêtaau10eétage,etjemeremissurlespieds,prêteàcavaleraussivitequejele
pouvais.Mais dès que les portes s’ouvrirent, je compris quemon sort était scellé. Philip apparutdevantmoi,unsourirenarquoisauxlèvres.Jereculaijusqu’aumurdufonddelacabine,tétaniséeparsonregardfroidetdénuédetoutsentiment.
–Ondescend,ordonna-t-ilàJodieenfrappantleboutonmenantausous-sol.–Ilfautlaclé,sifflai-je,pouralleraugarage.Aussitôt,Jodieensortitunedesapocheetl’inséradanslaserruresécuriséemenantaugarage.
Jebougeailégèrement,espérantatteindrel’arrêtd’urgence.–Bonboulot,monange,complimentaPhilipenregardantJodie.–Àtonservice.Daniellaissetoujourssescléstraînerpartout.Quefait-onàcelle-là?–L‘Hudsonseraparfaitpourelle.–Pourquoi?gémis-jeenmedécalantsurmagauche.PourquoiPhilip?
–Pourquoi?Pourl’argent,s’esclaffa-t-il.J’avaisréussiàt’écarterunepremièrefoisavectonenquête…
–C’étaittoi!soufflai-jestupéfaite,lesmenaces,leslettres…–Moiettonattendrissantpetitamidel’époque.Bradleyaétéunhommedemainremarquable.–Queldommagequ’ilsoitmort,semoquaJodiedansunrireaffreux.–Vousl’aveztué?Soudain, lepeude forcequ’ilmerestait semblait sedissoudredans l’airambiant.Rienne les
arrêterait.JefixaiJodie,quisemblaithypnotiséeparPhilip,vraisemblablementamoureuseetdévouéecorpsetâmeàluietsessombresdesseins.
–Touscesgensquimeurent…C’estincroyablenon…Unsuicide,unaccident,uneagression.–J’aitentéd’êtrecréative,sefélicitaJodie.Etj’aimêmeredécorétonappartement.– Quel dommage qu’il faille encore prévoir une période de deuil pour ce cher Andrew, se
lamentafaussementPhilip.–«Encore»?répétai-je.–C’étaitunterribleaccidentdevoiture,semoqua-t-il.Çal’aécartépendantquelquetemps,mais
ilestrevenu.Etjevaisdésormaispouvoirl’écarterdéfinitivement.Ilnepeutpasachetercequ’ilveutàWashington.
Lesyeuxécarquillés,monregardpassaitdeJodieàPhilip,sansvraimentcomprendre.Detouteévidence, Jodie était la plus violente des deux. Philip était malhonnête et pratiquait la fraude sansfrémir,etJodieétaitchargéedeliquiderlesobstaclessursaroute.
–C’esttoiquiaschangélespneusdelavoiture?demandai-jeàJodie.–Unjeud’enfants…EtDanielquisepâmaitd’amourpourelle.C’étaitpitoyable!J’aiprofité
d’unedesesvisitesnocturneschezsamaîtresse.–Daniel,murmurai-jeenprenantconsciencedemamonstrueuseerreur.–CebraveDaniel.Toujoursàs’amouracherdesfemmesd’AndrewBlake,plaisantaPhilipavec
unriregras.– Il te fait confiance, assénai-je avec rage.Daniel te considère comme…une sœur, hésitai-je,
fautedetrouvermieux.–Danieln’estqu’uncrétin.Eleanorn’auraitjamaisquittésonmondepourlui.Elleaimaitbien
tropl’argentetlaviefacile.–Ellel’aimaitlui,ledéfendis-je,enespérantdistrairesuffisammentsonattention.Tut’esservi
delui!–Ilacruquetul’aimais,siffla-t-elle.Jen’aipascomprisaudépartpourquoiilt’accompagnait
audîner.Etpuis,jet’aivueaveccecherBlake.Lamiseenscèneétaitastucieuse.Ethiersoir…Danielm’aappeléeducommissariat.
PhiliplançaunregardàJodie,etjecomprenaismaintenantqueleurrelationdatait.ElleœuvraitpourluiàSanFrancisco,pendantqu’ilfaisaitprospérersesaffairesàNewYork.
Je bougeai de nouveau, me rapprochant des touches de contrôle de l’ascenseur. Au-delà del’arrêt d’urgence, qui ne ferait que prolonger cette désagréable entrevue, j’espérai surtout activerl’alarme.Enattendant,lesfaireparler,lesdistrairesemblaientêtremameilleureoption.
–Cequejen’avaispasprévu,c’estquevousfiniriezparfricoter,lançaPhilipavecunegrimace.LajournalistefouineuseetAndrewBlake…QuandLynnem’enaparlé,jen’aipasvouluycroire.
–Lynne,murmurai-je,tétaniséeàl’idéequ’illuiaitfaitdumal.–CettebraveLynne,ellesaittenirsesdossiersetsesplannings.–Sivousmetuez,Andrewfiniraparapprendrelavérité,lesmenaçai-je.
–Sijetetue,ilcesseradevenirlorgnersurmonterritoire.Jeprotègemonespaceréservé.–Tuveuxdiretesaffairesfumeuses?leprovoquai-je.Cellespourlesquellestuasdûgraisserla
pattedessénateurs?–Tu neme donnes pas le choix. La seule façon de préserver tout ce que j’ai construit, c’est
d’éliminerlesgêneurs.Onvacommencerpartoi.–PuisAndrew,j’imagine,leprovoquai-je.Philipsecontentadesourire,acquiesçantainsisilencieusementàmessuppositions.Aprèstoutes
cesannées,j’avaisenfinfaceàmoilapersonnequejecherchaisàconfondre.C’étaitlui,qui,cachéderrièrecetteholding,tiraitlesficellesdesmarchéspublics.Lui,quipayaitdessénateursenéchangedeleursilenceetdeleuraide.Lui,quim’avaitmenacéeetavaitfaitcapotermonenquête.
Mais comprendre aujourd’hui qu’il était encore plus virulent maintenant que trois ansauparavantm’effrayait.Combiendepersonnes avait-il tuées ?Bradley, sans aucundoute.Eleanor.Jodieavaitavouéàdemi-motêtrel’auteurdel’agressiondeMeghan…
–Andrew,murmurai-jeensongeantàsonaccidentdelaveille.–Ilestpluscoriacequeprévu…Jedoisdirequ’ilm’acauséplusdedégâts.Ilremuasanuqueentoutsens,chassantsûrementunedouleurpersistante.Jefisencoreunpas
surlagaucheetsentis,derrièremoi,lepanneaudecontrôledel’ascenseur.Jemesurprisàsourire,fièredemoi.
–Mais,unefoisquej’auraiséliminélachoselaplusprécieuseaumondepourlui,jedoutequ’ils’enremette.
Philipmelançaunregardglacialetjejetaiunœilversl’indicateurd’étage.Nousarrivionsaurez-de-chaussée.Àmagrandesurprise,lacabines’immobilisa.PhilipetJodiesejetèrentunregard,pendantque,pétrifiéeetstupéfaite,jepriaispourquelesportess’ouvrent.Curieusement,lapaniqueavaitchangédecamp.J’avaispeur,maisJodieetPhilipétaientdésemparés.
Jodie arma son revolver, pendant que Philip se plaçait près demoi, unemain saisissantmonpoignet.Jemedébattisavecuneforcenouvelle,etdèsquelesportess’écartèrentl’unedel’autre,jebondisàl’extérieur,mejetantenavant.
Derrière moi, j’entendis un coup de feu et un cri horrible, presque insupportable. La voixd’Andrewmeparvint,etilmesoulevapourm’écarter.Ilmecalacontreunmur,soncorpscontrelemienfaisantobstacleaurestedumonde.
–Est-cequeçava?demanda-t-ilenscrutantmonvisage.–Je…oui…je…–Tuesblessée?Est-cequ’ilt’afaitdumal?–Tout…toutvabien,bégayai-je,lesoufflecourt.Ilmeserracontrelui,melaissanttoutjusterespirer,pendantquemoncœurreprenaitunrythme
normal.Jem’agrippaiàsachemise,lapeuretl’adrénalines’estompantauprofitdeslarmes.Jecachaimes pleurs en me calant contre lui, étouffant un sanglot en pensant à tout ce que Philip et Jodievenaientdem’avouer.
–J’aieutellementpeur,murmura-t-ilenencadrantmonvisagedesesmains.Tellementpeur…Jedistinguaisonvisageblêmeetinquietautraversdemeslarmes.Desespouces,illesessuya,
pendantquejetentaisdemereprendreetderespirernormalement.–J’aiessayédetejoindre,mais…–Jodiem’abâillonnéequandletéléphoneasonné,expliquai-je,toujourstremblante.Comment
as-tusu?
–Jereviensducommissariat.Grantapoussésesrecherchesetlavoitured’hieraétéretrouvée.Elleappartientàl’unedessociétésdePhilip.
Andrews’écartademoi, et jemesentisdéfaillir.Mes jambesmenaçaientdeme lâcher, aussi,Andrew,instantanément,plaça-t-ilunbrasautourdemoietm’invitaàs’asseoirsuruncanapédanslehall. Derrièremoi, j’entendis Philip clamer qu’il n’avait rien fait, pendant queGrant lui lisait sesdroits.
–IlsonttuéEleanor,murmurai-je.Jepensaisquec’étaitDaniel…mais…–Calme-toi,m’intimaAndrewens’agenouillantàmahauteur.Danielseralibérédanslajournée
ettun’avaisaucuneraisondesoupçonnerJodieetPhilip.Jem’en voulaismaintenant d’avoir refoulé le sentiment diffus de culpabilité et de doute qui
m’avaitsaisipendantledînerderépétition.J’avaisfaitarrêterDaniel,quiavaitpourseultortd’êtremalheureuxetd’êtreuneautrevictimecollatéraleduduoJodie-Philip.
–IlfautallervoirLynne,m’écriai-jesoudainement.Jodieétaitàsonétage,et…Andrewécarquillalesyeux,etsestraitss’affaissèrentbrutalement.Ilseredressavivementetdu
regardcherchaNathan.–Nathan,vavoirLynne!hurla-t-il.À l’imaged’Andrew, levisagedeNathansedécomposaet il fonçaendirectiondesescaliers.
Leslarmesréapparurent,etjepriaipourqueriennesoitarrivéàmonamie.Elleneméritaitpasça.Etdetoutefaçon,ellen’était,elleaussi,qu’unpiondanslastratégiedePhilip.
–Comment…commentas-tusupourl’ascenseur?bégayai-je.–Quandtun’aspasprismonappel,j’aicontactéGregorypourqu’iltecherche.Nathanaroulé
commeunfoufurieuxjusqu’icietquand,enfin,noussommesarrivés…Kathleen,j’aieu…jecroisquejen’aijamaiseuautantpeurdeteperdre,murmura-t-ild’unevoixcassée.
–Jevaisbien,lerassurai-jepéniblement.–J’aidemandél’arrêtdel’ascenseur.Grantvoulaitvouscueillirausous-sol,maisj’aipenséque
l’effetdesurprise…Sa voix s’éteignit, alors qu’il replongeait dans des souvenirs désagréables. Comme moi,
Andrewavaitsûrementimaginélepire.Jesaisissonvisageentrelesmainsetl’embrassaidoucement,espérantainsieffacercetépisodesombredesatête.
–Tuastrèsbienfait,leconfortai-je.Detoutefaçon,jenemeseraispaslaisséfaire.Jerisquaiunsourirepourdétendrel’atmosphère.PhilipetJodie, tousdeuxmenottésetagités,
passèrentdevantnous,maintenuspardesagentsdepolice.J’avais toujours lesoufflecourtà forced’imaginercequiauraitpum’arriversansl’arrêtinopinédelacabineaurez-de-chaussée.Andrewserelevavivementetesquissaunpasverseux,unelueurglacialeeteffrayantedanslesyeux.
–Andrew,murmurai-jeenposantlamainsursonbras.–Jevaispulvérisercetype…Pourtoutcequ’ilm’afait,etpouravoirosés’enprendreàtoi.Ilbougeaetd’unmouvementdebrasmefitrelâcherlaprise.IlfonçasurPhilipet,derrièrelui,
jeluisuppliaidenepasfaireça.Lesdeuxhommessefixaient.Andrew,detouteévidence,dominéparlacolère,tandisquePhiliparboraituneattitudefière,presquearrogante.
–MonsieurBlake,luiintimaGrantenl’écartantdoucement.C’estterminémaintenant.–Allons,Andrew,restonsentrepersonnescivilisées,sifflaPhilipenrelevantlementon.Ilssetoisèrentdelonguessecondes.Lasilhouettelongiligned’Andrewsurplombantlégèrement
celle de Philip. Prudemment, je calai la main sur le dos d’Andrew, espérant un apaisementquelconque.
–Retournedoncdanslesbrasdetafouineusedepetiteamie…Etfaisensortedelagarderenvie,celle-là,leprovoquaPhilip.
–Tuesuneordure,murmuraAndrewd’unevoixglaciale.–Jesuisdelamêmeespècequetoi!ripostaPhilip.–Embarquez-les,ordonnaGrantàseséquipes.JodieetPhilipfurentpoussésenavantpartroispoliciersetévacuésdel’hôtel.Sansluidemandersonavis, jem’installaientrelesbrasd’Andrew,faisantreposermatêtesur
sontorse.Ilm’entouradesesbras,etjesentissoncorpssedétendrecontrelemien.–Jem’enveuxdet’avoirentraînéelà-dedans,dit-ilavectristesse.–Andrew,cen’estpastoi…ÇaremonteàmonenquêteauDaily.C’estPhilipquiétaitderrière
lestransactions.Toietmoi…c’estjustelehasard!Ilmefixaétrangement,commesijevenaisd’annoncerlaplusgrandeabsurditédel’année.Puis,
ilmesourit,etcefutcequim’embrasa.–Tuastoujoursl’artdetemettredanslepétrindèsquejetelaisseseule!–J’aitendanceàcroirequec’estquandtuesavecmoiquejesuisdanslesennuis.–Jeneveuxquetonbien,plaisantaAndrew.J’aurais voulu rire,mais l’apparition deGrant devantmoi ruina l’ambiance légère que nous
tentionsd’installer.–Jevaisavoirbesoindevotredéposition.–Vousl’aurezdemain,réponditAndrewpourmoi.J’opinai,peuenclineàreplongertoutdesuitedanslesrévélationsdePhilipetdeJodie.J’avais
enviedepasseràautrechose,d’êtreaucalme,sanscraindredenouvellesmenaces.Unpeuderépitensomme.
–Commentvoussentez-vous?medemandapolimentGrant.–Aussibienquepossible.Grant nous salua et Andrew lui assura que nous passerions le lendemain pour la déposition
d’usage.Andrewetmoi,nousnousdirigeâmesversNathanqui,penchéau-dessusdupupitredeSam,semblaitenpleinediscussion.
–CommentvaLynne?l’interrompis-je.–Ellevabien.Elleétaitunpeusonnée,maisapparemment,Jodietecherchait,toi,etçaapermis
delimiterlesdégâts.–Tantmieux,souris-je.–Donc,jedoisencorechangermesbillets,pourallerdéposerdemainaucommissariat.–LedestinneveutpasquetuépousesLynne,semoquaAndrew.–C’estunfait!Vegasviendraànousavantquenousallionslà-bas,sedésespéra-t-il.–Àquelleheuredevons-nousdîneravectonpère?s’enquitAndrew.–20heures.Je jetaiunœilà l’horlogederrièremoi.Nousavionsencoreunpeude temps. J’étaispresque
heureuse que mon père n’ait pas assisté à ça. Très sincèrement, je pensais que Philip aurait étésalementamochés’ilavaiteulemalheurdecroisermonpèredanslehall.
–Montonsetallonsprendreunbain,proposaAndrewdansunmurmure.J’acceptaiensouriant,raviederetrouverunsemblantdenormalitédansnotrerelation.J’hésitai
uninstantdevantlesascenseurs,lessouvenirsdemonentrevueavecPhilipresurgissantviolemment.–Jesuistongardeducorps,m’encourageaAndrewenprenantmamain.
Nousparvînmes rapidementau19eétage, etdèsque laportede la suite fut franchie,Andrewcommença à déboutonner les boutons de sa chemise, pendant que je restais immobile, hagarde,incapable.
–T’a-t-iltouché?s’inquiéta-t-il.–Non.Ilm’ajustetenulepoignet,précisai-jeenfrottantnerveusementl’endroitenquestion.Doucement,Andrewpritmamaindanslasienne,faisantainsicessermongested’angoisse.Du
boutdesdoigts,ilcaressamapeau,déclenchantunesalvedefrissonnettementplusagréablequecequePhilipm’avaitfaitressentir.Ilportamonpoignetàseslèvres,l’embrassantdoucement,commes’iltouchaitunobjetfragile.
Marespirations’accéléraetAndrewmelançaunregardpours’assurerquetoutallaitbien.Jeluioffrislemeilleursourirequejepouvais,mesderniersrelentsdestressdisparaissantdifficilement.
–Pluspersonnenetetouchera,murmura-t-ildansunepromessesincère.Justemoi.–Jesais,avouai-jedansunsouffle.–Parcequetuserasbientôtmafemme.–Toujourspasdegenouàterre,monsieurBlake?ironisai-je.–Pasencore.Ilnousrestedeschosesànousdire.Son visage s’illumina et il libéra ma main pour se concentrer sur mon haut. Il en agrippa
l’ourletetmelefitpasserpar-dessuslatête.Sesdoigtspassèrentsurmoncou,effleurantlesmarquesmaintenant bleutées de mon tête-à-tête avec Daniel. Il caressa ma peau, passant au-dessus demonsoutien-gorge,avantdedescendrelelongdemonestomacpourfinirsurmonnombril.Denouveau,unfrémissementmeparcourut.
–Passonsàlasalledebains,m’ordonna-t-ilenprenantlamainfermementdanslasienne.Jetrébuchai,suivantpresqueencourantlesgrandesenjambéesd’Andrew.Il commençaà remplir labaignoire, avantde retirer sa chemise. Jemedéfisdu restedemes
vêtements, me glissant dans l’eau chaude et parfumée. Andrew s’installa derrière moi, me faisantreposersursontorse.
–Àquelleheureestlevoldemain?demandai-je.–Endébutd’après-midi.Monamantposa lesmains surmes épaules et commençaà lesmasserdoucement.La tension
nerveuse accumulée dans mon corps se dissipait lentement. L’eau, la chaleur et sa présence merassuraient.Enfinnoussortionsdenotrecauchemar.Enfin,nouspouvionspasseràautrechose.
–OndevraitprévoirundîneravecJanetetDavid,proposai-je.–Tutelancesdanslesmondanités?–Sionveut…J’aijustehâtederencontrerlaseulepersonnequisemblet’attendrir.–Davidestunchouettegamin.Justeunpeuturbulent.–Etj’inviteraiNathanetLynne,continuai-je.–Onsortlegrandjeu?–Ohnon…j’ail’intentiond’évaluertescapacités.Tucomprendsquejenepeuxpasm’engager
avecunhommesansavoirunminimumd’informations.Jeparvinsàpivoteretm’installaifaceàlui.Sonmagnifiquevisagerespiraitlajoiedevivre,et
ilmesemblaitquecelafaisaituneéternitéquejenel’avaispasvuaussidétendu.–Queveux-tusavoir?demanda-t-ilsuspicieux.–J’aimeraissavoircequetusaisfairedetesmains.Illevaunsourcilarrogant,pendantquejerougissaisàl’idéedesesmainssurmoi.–Pascommeça,protestai-jeenl’éclaboussant.Jepropose…unbarbecue.
–Unquoi?s’écria-t-ilavantd’éclaterderire.–Lesfemmesgèrentl’intendance,leshommesgèrentlebarbecue.Jepensequeçaaunrapport
aveclamaîtrisedufeuetlatestostérone.–Alorshamburger?C’estçatonidéedeladétente?–Monidéedeladétente,c’estd’êtreavectoi…Maisnousnepouvonspasvivrerepliésainsisur
nous-mêmes.– D’accord, approuva-t-il. Mais en échange, je te veux à une soirée de gala, avec photo
officielle.Jeveuxquetoutlemondesachequelhommeheureuxjesuis,maintenantquetuesàmoi.–J’aitoujoursétéàtoi,admis-jeenmetriturantlesmains.Jelesentais…entretoietmoi.Andrewpenchalatêtesurlecôté,visiblementinterloquéparmonraisonnement.Jetenaisenfin
lebonmomentpourtoutluidire.Ilfallaitquejelefasse,avantquelabombefinisseparm’exploserauvisage.
– Je savais qu’il y avait une forme de lien entre toi etmoi.Mon corps le savait, quand je tevoyais,ilsepassaitcetressautementparticulier,là,expliquai-jeenposantlamainsurmapoitrine.
–Kathleen,murmura-t-ilpourm’arrêter.–Non…laisse-moifinir,l’interrompis-je.Laplupartdesgenssaventàquelmomentilstombent
amoureuxdel’autre.Personnellement, jenecroispaslesavoir.C’estcommesi,dèsledépart,celaavaitétéuneévidence.
–Lesoirdelaconférence?demanda-t-ilsurpris.–J’aivutonalliance…etensuiteMeghan.–Aurais-tuagidifféremmentsitul’avaissudèsledépart,pourEleanor?–Sansdoutepas,maisçam’auraitaidéàtecomprendre.Tues…tellement…secretparfois.–Jen’aipasdesecretpourtoi,Kathleen.Jen’enaijamaiseu.Monpasséestlà,jenepeuxpas
fairecommesi jen’avaispasaiméautantquedétestéEleanor.Maisje te l’aidéjàdit,unepartiedemoil’aimeratoujours.
Lesoufflecourt,j’hésitaidenouveauàmelancerdanslerécitdenoslettresrespectives.–Pasautantquetoi,évidemment,ajouta-t-ilenposantleslèvressurlesmiennes.Maistuassu
éveillercettechoseéteintequej’étais.–Dèslaconférence?demandai-jecurieuse.–Dèslaconférence.Tuavaiscemagnétismeindéfinissable.Etensuite,quandtuasluetcritiqué
Powerfull…autant te l’avouer, j’ai demandé tes notes, uniquement parce que je n’ai pas écouté untraîtremotdecequetudisais.J’étais…hypnotisé.
Jesourislargement.Enunephrase,ilvenaitd’effacertouslessouvenirsétrangesquejegardaisdecetteentrevue.
–Ondevraityaller, jeneveuxpasfairemauvaise impressiondevant tonpère, lançaAndrew,mettantainsifinànotreconversation.
Unequinzainedeminutesplustard,ilsepostaitderrièremoiet,s’aidantdumiroirdevantnous,m’aidaitàmettrelesplendidecollierqu’ilm’avaitoffert.
–Nelsonvaêtredésolédeteperdrecommeclient,commentai-je.–Ladernièrefoisqu’ilm’avu,ilavaitplutôtl’airravi.EtjeluiaienvoyéNathan.–Nathan?m’écriai-jeenriant.Maiscethommeestdoncunexcellentparti!raillai-je.–Certes,maisjelebatsaubarbecue!Il sourit largement, comme si je venais de le récompenser pour une bonne action, avant
d’embrassermonépaule.Jelaissaimescheveuxdétachéset,commeàmonhabitude,aidaiAndrewàréajustersoncoldechemise.
–Cravateoupas?demanda-t-ilpendantqu’ilenplaçaituneàhauteurdesonencolure.–Papapourraitt’étrangleravec,m’amusai-je.–Tonpèrem’adore,Kathleen.–Iltetrouveexigeant.–Jesorsavecsafille,jesuismêmeàdeuxdoigtsdeposerungenouàterredevantluipourlui
demandertamain…Qu’ilmetrouveexigeantestuncompliment,finalement.–Tunevaspasfaireça?m’écriai-je,effrayée.Il jeta lacravatesur le lit,abandonnantdumêmecoup l’idée,etentourama tailledesesbras.
Sonregardplongeadanslemien,etjemesentaisbrutalementfaiblefaceàlui,cherchantunargumentvalableàluiopposer.
–Personnenemedictecequejedoisfaire,Kathleen.Sijeveuxdemanderàtonpère…–Andrew,s’ilteplaît,pascesoir,implorai-je.Onseconnaîtàpeine,çaseraittrop…–Prématuré?tenta-t-ild’unevoixassurée.–Oui.Prématuré,répétai-jeensongeantauxlettres.–Lebarbecue?risqua-t-ildansunsourire.C’estunpeul’épreuveultime,c’estça?–C’estça,soufflai-je,toujourshésitante.Ilplaquaunbaisersurmonfront,etquelquesinstantsplustard,nousrejoignîmesmonpère.
***
Ànotrearrivée,monpèrenemanquapasderemarquermoncollierhorsdeprix,masquanttoutjustelesbleusdansmoncou.Andrewsecontentadesourire,resserrantsapriseautourdemataille.Aucoursdu repas,contrairementàceque j’avais imaginé, jemesentaisde trop.Andrewsemblaitavoirunesciencedébordante,nonseulementpourlapêche,maisaussipourlarégionoùhabitaitmonpère. Ce dernier était de toute évidence impressionné : aucun frémissement de moustache, ni degrognements intempestifs. J’eus à peine leur attention quand je m’éclipsai pour répondre à montéléphone.
Ànotreretouràl’hôtel,jemesentaislittéralementvidée,épuiséeparcetteinterminablejournée.Aussi,quandAndrewmeproposad’alleraulitetmeserradanssesbras,jem’endormisquasimentimmédiatement.
***
Mon réveil auprèsd’Andrew futdesplus agréables.Sonvisage serein et reposéétait enfoncédansl’oreiller.J’embrassaisonépaule,murmurantsonprénom.
–Wake-upcall,chuchotai-jeamusée.–Jedétestelematin,marmonna-t-il,lesyeuxtoujoursclos.–Jevaiscommanderlepetit-déjeuner.Jemeredressai,maisilfutplusrapidequemoi,meretenantcontrelui.–Pourquoin’ai-jepaseucegenredewake-upcallavant?demanda-t-ilensommeillé.–Parcequejen’avaispaspourhabitudedem’attacheraussi…étroitementàmesclients.–Ilsnesaventpascequ’ilsperdent.Il me libéra et je sautillai à l’extérieur du lit. Je commandai un petit-déjeuner copieux.Mon
ventre gargouillait. SiAndrew détestait lematin, je devais avouer que c’était un demesmoments
préférés. NewYork était encore calme, endormie, et les gratte-ciel étaient ornés de cette lumièrediffusequej’aimaistant…Toutcelaallaitmemanquer.
Le room service se manifesta et Andrew, encore au lit, sirota son café en lisant son journalmatinal. Je souris enme rendant compte que tout cela allait êtrema viemaintenant.VoirAndrew,dormiraveclui,mangeraveclui.Vivreaveclui.
–Pourquoisouris-tu?medemanda-t-ilsansleverlesyeux.–Pourrien…Jecroisquecertaineschosesvontmemanquer!Ilposasonjournaletsortitdulitenrampant,setraînantjusqu’aufauteuilprèsdemoi.Sansrien
dire,ilmefitreposermonverredejusd’orangeetm’attirasursesgenoux,avantdefondresurmeslèvres.
–Certaineschosesvontmemanqueraussi,admit-illesoufflecourt.–Monuniforme?souris-je.–Non.Toidanscettesuite.J’aiunequantitédebonssouvenirsici.D’excellents,même,précisa-
t-ilenfrottantsonbassincontrelemien.–Ilfautquetuvendestamaison,chuchotai-je.–C’estencours.J’attendsuneoffre.–J’ail’impressiondeteforcerlamain,grimaçai-je.–Cen’estpasdutoutlecas,Kathleen.Jedevaisvendrecettemaison.Personnen’yestplusmalà
l’aisequemoi.ÇafaitdesmoisqueNathantentedemefaireallerdel’avant.–Ilpourrasevanterd’avoirréussi!plaisantai-je.–C’estvrai…Sanslui,leschosesauraientétédifférentes.Investirdanscethôtelestsonidée,il
m’amotivéàrevenirici.Ilm’embrassadenouveau,melaissantpantelante.Trèsvite,ils’écartacependantet,duboutdes
doigts, caressa mes lèvres. Une fois encore, je sentis ce tressautement particulier, cette légèreoppressiondansmespoumonsquimefaisaitperdreunepartiedemoncontrôle.
–Ondevraitfinirdefairenosvalises,proposai-jeenpassantmamaindanssescheveux.–Oui.Unavionnousattend.
***
Quelquesheuresplustard,assiseprèsd’Andrewenclasseaffaires,j’observaisonprofil,tandisqu’ilseconcentraitsurundossier.Jenesavaispasvraimentdequoiallaitêtrefaitemavie,maisilétait là. J’étais presque nostalgique.Mon existence avait changé de façon tellement brutale. J’avaispassélesdernièresannéesàfuir.
Andrew m’avait soutenue pendant ma déposition au commissariat. Mais c’était de croiser leregarddeDaniel,toutjustelibéré,quim’avaitfaitleplusdemal.J’avaisenvisagéd’allerm’excuser,maisjedoutaisquecelasuffise.Mêmes’iln’étaitqu’unevictimedanscettehistoire,jesavaisquesacolèrecontreAndrewnefaibliraitpasdesitôt.
Ensilence,nousavionsensuitegagnél’aéroport,assurantàGrantquenousl’aiderionsdenotremieux pour boucler son enquête. Je promis, notamment, de lui faire parvenir mon dossierd’investigation,quicroupissaitchezmonpère.
Le soir même, de retour dans cette grande et froide maison, Andrewm’annonça qu’il avaitacceptéuneoffreetquenousavionsdeuxmoispourquitterleslieux.
–J’appelleraisquelquesagences,promis-je,alorsquejem’affairaiànouspréparerundîner.–Tun’avaispasrepéréunemaison?s’étonna-t-il.
–Si…maisjevaisétendremesrecherches.–Prévoisuneterrasse…ouunjardin,pourlebarbecue,plaisanta-t-il.–MonsieurBlake,ilmetardedevousvoiravecuntablier!Ilm’adressaunsourireheureux,avantd’enroulersesbrasautourdemoietdecalersontorse
contremondos.–Toujourscetrucaveclescuisines?murmurai-jependantqueseslèvresbutinaientmoncou.–Avec«toi»,jetel’aidéjàdit.Jebougeailégèrement,mefrottantcontresonérection.Ilgrognadansmoncouet,trèsvite,défit
lesboutonsdemonjean,pouryglissersamain.Jecriaisonprénom,m’agrippantauplandetravaildevantmoi.Ilmecaressaavecunelenteuraffolante,réveillanttouteslesterminaisonsnerveusesdemon corps, tandis que mon sang bouillonnait sous ma peau. Quand il quitta mon intimité, uneprofondefrustrationmefitgémir.Jenevoulaispasquecelas’arrête.
–S’ilteplaît,lepriai-je.–Jeveuxêtreentoi,murmura-t-ild’unevoixchaude.Et l’instant suivant, il était effectivementenmoi.Malgrénotrepositionetmonenvie toujours
plusprésente, ilprit son temps,allantetvenantenmoi,avecune lenteurexaspérante.Dèsqu’ilmesentaitauborddel’explosion,ilcessaitdebouger,faisantdurernotreplaisir.
–Andrew!râlai-jeensentantmonbas-ventresecontracter.–Encore,m’intima-t-il.Je répétai une nouvelle fois son prénom, son rythme devenant haché et plus soutenu que
précédemment.Sesmainss’enfoncèrentdansmeshanchesm’arrachantuncrioùsemêlaientplaisiretinfimedouleur.Ilaccéléradenouveau,àunrythmeprochedelafrénésieet,cettefois,jelâchaiprise.Andrewmesoutint,mesjambesflanchantetmenaçantdelâcher,avantdejouirenmoienchuchotantqu’ilm’aimait.
–Jet’aimeaussi,soufflai-je,toujoursperduedanslesbrumesdemonorgasme.Ilnichasatêtedansmoncouet,aprèsuneultimeétreinte,ilserhabillapendantquejeréajustai
monjean.Lanuitqui suivit fut à l’imagede l’épisodede la cuisine : chaude, tendre et libératrice.Nous
avions enfin mis notre passé derrière nous, et plus rien ne pouvait gâcher ce que nous vivions.Commesitout,finalement,rentraitdansl’ordre.
***
Le lendemain matin, Andrew s’éclipsa tôt pour rejoindre son bureau. Il devait effectuer undéplacementàSacramentoenfindesemaineet,enl’absencedeNathan,sonplanningsecompliquait.Danslamatinée,plongéeenpleinerecherched’unemaison–cellesurlaplagequej’avaisrepéréeayantétévendue–,deuxévénementsmesortirentdemamission.
Le premier fut unmessage de Lynnem’annonçant que Nathan et elle étaient finalement bienmariés,etofficiellementenlunedemiel.
JesourislargementenlesimaginanttouslesdeuxàVegas.Çan’étaitsûrementpaslegenredemariage que Lynne avait imaginé. Pourtant, il me semblait nettement plus prometteur que Philip.Lynneavait étéplutôt choquéed’apprendrequecelui-ci étaitderrière lesmenacesquenousavionssubies.Néanmoins,elles’étaitproposéepourtémoignerlorsduprocès.
Lesecondévénementfutplusinattenduetmebouleversa.
Kat,Unenouvellelettrepourtoi.IlvatefalloirtrouveruneautreplanquequelePeninsula!Greg.
Denouveau,unsourires’étirasurmeslèvresenimaginantlatêtedeGregory.Siseulementilsavait!Ilavaitétéd’uneaideplusqueprécieusedepuisquej’étaisarrivéeauPeninsula.Sanslui,jen’auraispasparcouruuntelchemin.
La lettre me brûlait les doigts. Je n’avais pas répondu au dernier courrier d’Andrew – officiellement toujours l’inconnu – et ses mots résonnaient encore dans ma tête. Sa tristesse, savolontédepoursuivrecetterelationsiparticulière.
Vul’épaisseurdel’enveloppe,cettelettreétaitlongue.Jemedécidaiàl’ouvrir,lecœurbattant,jurant solennellementdedire lavérité àAndrew.Oudumoinsd’essayerde le faire. Jeme sentaislâcheetviledeluicacherquelquechosed’aussiimportant.
Marie,Vousn’avezpasréponduàmadernièrelettre.J’imaginequevousêtesplutôtoccupéeetquevousprenezlereculquevousm’avezdemandé.Jenesaispassijedoisêtrevexéparcetespacequevousmettezentrevousetmoi,ou justeêtre stupéfaitparvotreentêtement. J’imaginequevous faitespartiedeces femmesqui s’entiennentàleurdécision.Lavérité, c’estque je faispartiedeceshommesqui font toutpourquedes femmescommevouschangentd’avis.Votre dernière lettre parlait de vos sentiments enversmoi, de votre inquiétude, des lignes brouillées danslesquellesvousvousdébattiez.Dois-jevous rassurer?Dois-jevousdirequemoiaussi, jemedébatsdanscesmêmeslignes?Jecroisprofondémenten la franchiseet en l’honnêteté.Sivousnevoulezplusdecette relationétrangeetuniqueentrevousetmoi,dites-lemoi sincèrement,et jecesseraidevous importuner.Ouplutôt, j’essayerai.Parceque j’ai l’habitudedemebattrepourceque jeveux,etquevousêtesdésormais toutenhautdemaliste. Je crains donc ne pas pouvoir vous laisser partir. Si vous décidez, à la fin de cette lettre, que vousvoulezmerencontrer,alorsvoustrouverezmonadresseenbasdececourrier.Évidemment,jepréféreraislasecondeoption…Maisnous avonspromisd’êtrehonnêtes l’un envers l’autre…Alors ilme semble justede replongerdanscertainssouvenirs.Àvraidire,jenesaispasparoùcommencer…Peut-êtreparlecommencement…Jevousailaissédesindices,j’aivouluvousfairecomprendre,j’aicherchéàvousfaireouvrirlesyeuxsurlarelationquenousavons.Envain…J’aimepenserquenotrerelationestincroyableet,contretouteattente,plutôtuneréussite.J’aiaiméchacundevosmots,chacunedevosphrases,toutesvosattentionscharmantesetdésintéressées…Votrepremièrelettreétaitmiraculeusepourmoi.Etlemiraclenes’estpasarrêtélà…Kathleen.
Mesdoigtssecrispèrentsurlalettreetjemepenchaienavantpourêtrecertainedenepasavoirrêvé.
–Ilsavait,murmurai-je,stupéfaite.Il«savait».
Dernièrement,jet’aipromisdeteraconterl’histoire,deteracontercommentj’étaistombésouslecharmedelafemmeincroyableetstupéfiantequetues.Jedois l’admettre :pour lapremière foisdepuisque je l’ai embauché,Nathanaeuunemeilleure idéequemoi. C’est lui qui a mis cette annonce dans leNew Yorker. Les mots étaient bien de moi, d’une périodelointaine où je pleurais Eleanor sans savoir qu’elle voyait quelqu’un d’autre. Je l’ai aimée de toutesmesforces,maiscen’étaitpassuffisant.Et,de touteévidence, jem’étais lourdement trompé,nonseulementsurelle,maisaussisurnous.Parcequecequejeressenspourtoiestàmillelieuesdecequej’aijamaisressentipourelle.Quand j’ai lu ta lettre…Je ne saismêmepas comment le décrire. Sais-tu seulement que tu es sûrement laseule femmedecepaysàécrire tes lettresà lamain?Rienquecedétail endisait longsur toi. Ilyauneformed’honnêtetédansleslettresmanuscrites,parcequ’iln’yapasdecorrectionspossibles,pasderetourenarrière,pasdedoutesqu’onpuisseeffacer…
Sincèrement,jenepensaispasquenotrerelationiraitaussiloin,aussivite.Maistuavaisraisonsurleslivres,sur le chocolat et sur toutes ces choses qu’il faut vivre à tout prix. J’avais oublié ces bonheurs légers etfacileset,grâceàtoi,jelesairetrouvés.J’ai cru, au départ, que tu accepterais qu’on se rencontre. Je voulais mettre un terme au plus vite à cette« double vie ». Je trouvais ça dangereux et déloyal. Mais tu as refusé. Et maintenant, je t’en suisreconnaissant.Enyrepensant,jecomprendsquejetefaisaispeur.L’unedespremièresfoisoùjet’aiparlé,àton pupitre, tu étais tétanisée, rien qu’enme regardant.Alors que je voulais juste apprendre à te connaître.Parcequetumeplaisais,etquetuétaisunedesraresfemmesàprovoquercelachezmoi.Ehoui,jemesouviensdenotrepremièrerencontre.Detonsourirecrispé,demamainquetun’aspassaisie,detesbégaiements…Etsurtout,jemesouviensdetonregardquandMeghanestvenuemeparler.Tuavaisl’airtellementencolère.Çam’astupéfié…Jeteregardais,jeteparlais,etc’étaitcommesitoutreprenaitsens.Commesimoncorpsseréveillaitd’unsommeilprofond,commesijesortaisd’uneformed’engourdissement.Etça,rienqu’avectonregard.J’ai cru que c’était passager. Mais je t’ai vue, plusieurs fois, et cette sensation étrange se reproduisait,s’amplifiait,merendaitincroyablementheureux…Maistusemblaissihermétique,paniquée,perdue.Et puis j’ai compris : tout ce que tu pensais de moi était faux. Mon alliance, mon mariage, ma vie, mapersonnalité. Tu me voyais arrogant, sans cœur, peut-être même abusif. Les lettres ont été ma seuleéchappatoire, ma seule façon de te faire voir une autre partie de moi. Une partie plus privée et moinsprésomptueuse.Etj’osecroirequecettepartiet’aplu.Maisleslettresnesuffisaientpas.Jevoulaisêtreprochedetoi.Alors,j’aitoutfaitpourt’attirerauprèsdemoi.AvecPowerfulld’abord,avec lasoiréedegala,avec lesbijoux,avecmoncafématinal. Je tevoulais.Et,lettre après lettre, je tevoulais encoreplus.Mais tu as résisté, et j’ai failli renoncer.Plusieurs fois. J’ai crupouvoirm’éloigner,sortirdetavie.Maisjedoisadmettrequejenesuispasaussirésistantquetoi.MeghanetNathan ont perçu les changements que tu provoquais. Ils m’ont fait remarquer que j’arborais ce sourireridicule…Pourtant,ilsn’ontpassutoutdesuitequec’étaitàtoiquej’écrivais.Maisilyaeucettesoirée.Cesoir-là,oùj’aifaitcequejerêvaisdefairedepuisdessemaines:regarderlaneige tomber en ta compagnie. C’était tellement imprévu, tellement loin de ce que j’imaginais, tellementincroyable.Tuétaislàdevantmoidanscetterobe,etj’aifailliteledireàcetinstant.J’aifaillitedirequejesavaisquituétais.MaisLynneestarrivéepourannoncernotredépart,etlecouragem’amanqué.Cesoir-là,jet’aiembrassée.Cen’étaitpasréfléchinicalculé,maisjemesouviensdecequej’airessentientevoyantdanscetterobe.Jevoulaist’embrasser.Là,devanttoutecettesalle.J’étaisdenouveaustupéfaitetheureux,etj’étaisfierdeteprésenteràtoutlemonde.J’aiétéadmiratifdetoncomportement,malgréMatt,malgréAbby.Malgrémespiedsquetuasécrasés,j’aicomprisquejenepourraisplusêtreloindetoi.Àl’instantoùj’aiquittéteslèvres,j’aisuquejevoulaisrenouvelerl’expérience.Jel’auraisrenouveléedansl’instant si j’avais pu,mais tu semblais tellement surprise. Je ne voulais pas ruiner lemoment. Tum’avaislaisséentrerdanstavieetjecraignaisquetumerepousses.Je ne savais pas ce que tu pensais, j’avais tellement de mal à te comprendre et à comprendre ce que tuprovoquais en moi… Ça a été mon alibi pour continuer notre correspondance. D’ailleurs, tu doisprobablementtedemanderdepuisquandjesuisaucourant.Tesouviens-tudececartonquetuassignédansmasuite?Cecartonquisignalequel’équipedel’hôtelestànotre service. C’est une des premières choses que j’ai vues en rentrant dansma suite. Peut-être est-ce, làencore,uneformededestin.Ilyavaittonprénomdessus.Jenediraispasquejen’aieuaucundoute.Maisjesaisqu’iln’apasdurélongtemps.J’ai eu de quoi comparer ensuite. Tes notes surPowerfullont été vraiment utiles ! Et je t’ai vue lire lesannonces duNew Yorker. Tout concordait si parfaitement. Je t’ai même fait écrire sur mon dossier devantmoi…Maisdepuisledépart,dèslapremièrelettre,jesavaisquetuétaisMarie.Peut-êtrem’envoudras-tud’avoirgardélesecret?Maisunefoisencore,jenel’aifaitquepournous.Sansces lettres, tu n’aurais jamais eu l’occasion deme connaître.Et tu nem’aurais pas offert une chance.Nosmondesétaienttropdifférents.Quandjesuisrevenuaprèslegala,j’aicrut’avoirperdue.TuétaisavecDaniel,tusemblaisindécise,tujouaisavecmoi.Tum’asparlédecettefameuserelationprofessionnellequetuprivilégiais…Jemesuissincèrementretenudenepastefairevirerdanslaminute,parcequejesavaisqueçaauraitétépire.Jen’auraisalorspluseud’excusespourtevoir,pourteparleroupourt’attirerdansmesfilets.J’admets que j’ai été excessif avec cette histoire de billets pour lematch.Mais je te voulais tellement, etj’étaiscertainquecetypeneteméritaitpas.Aprèslethéâtre,quandtuasacceptédepasserlanuitavecmoi,j’étais décidé à ne plus te laisser. Sincèrement, je ne me souviens pas d’avoir été aussi heureux. Te sentircontremoi,t’entendrerire,c’étaitparfait.Etj’étaisdécidéàtoutt’avouer.Maisnousvenionstoutjustedecommencerquelquechose,etjecraignaisquecelaneruinelepeudeconfiancequetuavaisenmoi.Peut-êtreai-jeeutort…Jemesuistoujoursaccrochéà
l’idéequetutrouveraislasolution,etquejen’auraispasàtouttedire.Mais,pourêtrefranc,jenevoulaispasqueceslettrescessent.C’étaitleseulmoyenpourmoidesavoircequeturessentais.Tum’asditunefoisquej’étaissecret.Jenel’aijamaisétéaussipeuqu’avectoi.Meslettresneparlaientquedetoi,decequejeressentaispourtoi.Jen’aipassutrouverlesmotsjustesetàlahauteurdemessentimentspourtoi.Commentaurais-jepu?C’étaittellementinéditetfort.Tequitter,cettenuit-là,lanuitoùNathanm’aappelépourannoncerqueMeghanavaitétéagressée,aété,detoutemavie,lachoselaplusdifficileàfaire.Affrontertonregard,tediredeschoseshorribles,remettremonalliance…Jel’airegrettéà l’instantmêmeoùj’aifranchi taporte.Mais je tenaisà tasécurité, jenevoulaispasqu’ilt’arrivequoiquecesoit.Pasàtoi,pasàlafemmequej’aimais.À l’hôpital, j’ai tenu bon. C’était un sentiment curieux : j’étais heureux de te voir, la simple vision de tonvisagemerendtoujoursheureuxmaisj’étaistellementencolère.Jevoulaistefaireéchapperaucôtésombredemavie,et tuvenaismedéfier.Tuétaisstupéfiante,etquandtuespartie, j’aisincèrementcruquejenetereverraisplus.Cesentiments’estrenforcéquandj’aiappristadémissionet tondéménagement.Malgrétousmesefforts, jen’aipaspuobtenirtanouvelleadresse.Gregoryestd’uneloyautésansfailleenverstoi.J’aiencaissélecoup.J’aitravailléplus,jet’aiécritenespérantgardercelienentretoietmoiparcequec’étaittoutcequimerestaitdésormais.Làencore,j’étaisheureuxquecesecretn’aitpasétééventé.Cesquelques jourssans toiontétédifficiles.Plusqueçamême: j’étais totalementanesthésié, incapabledevivrenormalement.Toutmeramenaittoutletempsàtoi,ànous.Pourtant,jesavaisquec’étaitdangereuxetc’étaitinconcevablepourmoidemettretavieenpéril.Etpourêtrefranc,personnen’ajamaismissavieenjeupourmoi.Aussi,quandtuesapparuedansmonbureau,j’aitentédefaireillusion.Maistum’aseudèsledépart…Àl’instantmêmeoùtum’asmislenezdansmesmensonges–quecesoitma soirée avecMeghan ouma vie sans toi –, j’étais de toute façon perdu. J’ai dit aux journalistes que tun’étaisqu’uneamie…C’étaitladernièrechosequejevoulaisdetoi.Tonamitién’auraitjamaispumesuffire.Tu as promis d’accepter mes recommandations. Et je sais – n’essaye pas de me contredire – que cettepromesseestvaine.Maisc’estcequej’aimecheztoi.Tonespritlibertaire,avecsesvaleurséculéesquenouschérissons l’un et l’autre, ta loyauté envers tes vieux amis –Gregory et Lynne – comme envers les plusrécents – Nathan et Janet –, ta façon de prononcer mon prénom quand je te fais l’amour, tes joues quirougissentaumoindrecompliment,teshésitations,tesdécisionsintuitives,tonsensdel’ironie.J’aimetoutçacheztoi…Parcequetoutescespetiteschosesfontquetuestoi,monexception.Etsurtout,j’aimetonrire.J’aimelafaçondonttesyeuxpétillent,testraitsrelâchés,lestressautementsdetagorge.Etj’aimeencoreplusêtreceluiquitefaitrire.Parcequedanscesinstants-là,jesuisàlafoisletypeleplus heureux du monde et le plus puissant. Tu sembles tellement libérée… J’aime vraiment ça. Te savoirheureuse,terendreheureuse.Jenesaispasàquelmomenttuasdécouvertquej’étaisderrièreleslettres,maisj’aicomprisàtavenueàSanFrancisco, à l’instant où tu as regardé par la fenêtre, que tu le savais.Là encore, j’ai espéré que tume ledises.Toutétaitréunipourtouts’avouer:lelivrequetum’avaisoffertsurlechevet,lavuesurlePacifique,notrehistoirequireprenait.Toutallaitêtresimple.Maisunefoisdeplus,ilyaeucesilenceentrenous.Jen’étaispourtantpasinquiet.Parlaforcedeschoses,toutseraitfinalementrentrédansl’ordre.Pourtant,ilyaeucettehistoireavecPhilipetavecDaniel.Nepasentendrelesondetavoix,nepassavoirquetuallaisbienm’ontrendufoufurieux.D’ailleurs,àtaplace,jenerentreraispasdanslabibliothèquetoutdesuite…Jecrainsquelesdégâtsnesoienttropimportants.Jenesaispascequiaétéleplusduràgérer:tonabsence,lesentimentdetrahisonoulasensationqueplusriennecomptaitvraiment.Jeneveuxpasteperdre.Parcequejedeviendraiscinglésanstoi.Gregoryn’arienvoulumedireetquandj’aiavouéàNathanquetuétaisderrièreleslettres,ilaeuceréflexequim’insupportetoujours…Ilapristonparti.Ilm’aditquej’auraisdûtouttedire,toutt’avouer…Alorsj’aipris un vol pourNewYork, ne sachant pas vraiment ce que j’allais trouver là-bas. Entre-temps, j’ai eu talettre,disantquetuvoulaiscouperlesponts,etc’étaitinsupportable.Jenevoulaispasquenosdeuxhistoiress’arrêtent…Aucune,nil’unenil’autre.J’aicruteperdre.Etrienquecetteidéemerendaitdingue.Je te voulais… Et tu étais à moi. Comment as-tu pu croire que j’allais te laisser partir sans rien faire ?Comment as-tu pu croire que j’allais acquiescer sans rien dire ? J’étais fou furieux, dans une colère sansnom…Maispascontretoi:contremoi-même.Parcequec’étaitencoreuneformed’échecpourmoi.D’abordEleanor,puistoietenfinMarie.Madernièrelettren’étaitqu’unappelausecours.Tu le savais, et moi aussi… Pourtant on se faisait encore dumal. Tu tentais de me faire croire que tu neressentais rien, alorsque tuavaisdébarquéchezmoi sansprévenir.Et je tentaisde te fairecroirequenotrerelationétaitnormale,alorsqu’elleétaitstupéfiante–àtonimage–etexaltante–encoreàtonimage.J’ai rarementressenti lapeurou lapanique.J’ai l’habitudedeprendre lesdécisionsetdemaîtriser tous lesaspectsdemavie.Pourtant,dernièrement,j’airessenticettepeurirrationnelledeteperdre.Quandj’aicomprisquetuétaisdanscetascenseur,quandj’aiprisconsciencequePhilippouvaittefairedumal,jemesuisjuréde
toujourstoutfairepourtepréserver.Jemesuispromisdet’aimerchaquejourunpeuplus,d’êtreàtescôtés,detefairedesenfants,deprofiterdelavraievie.J’avaislasensationd’étouffer,etcen’estqu’entesentantdansmesbras,qu’enentendanttavoix,quemonmondearecommencéàtournerrond.Tum’offresuneformed’équilibreettum’empêchesdetomberdanslafoliefurieuse…Tuesaddictive.Etmaintenant…c’est étrange,mais, curieusement,unepartiedemoiveutgarder les lettres,veutengarderl’aspectpersonnel,presquesecret.Maisuneautrepartiesouhaitequetuapprennesàmeconnaître.Combiendefoisai-jerêvédepouvoirvoirtonvisagependantquetumelisais?Jenepeuxterépéterquecequejet’aidéjàdit:jeneconnaisrienquipourraitchangerl’amourquejeteporte.Tesouviens-tudelapremièrefoisoùjet’aiconsidéréecommemonexception?C’étaitlorsdelasoiréedegala.Maisbienavantça,tul’étaisdéjà.Laseulefemmeàfairedeslettresmanuscrites,Laseuleàm’avoirtenutête…Plusieursfois.Laseuleàavoirrisquésaviepourmepréserver.Laseuleàéveillerceschosesincroyablesenmoi.Laseuleàm’avoirdéfiédemaîtriserunbarbecue.Tuavais raisonausujetdudestinetdeschoses inattenduesquipeuventnousarriver.Tuasétéet tu resterassansaucundoutelaplusbelledessurprisesqueledestinm’aitréservée.Maintenant,tusaistoutoupresque…Ilyasûrementtoutuntasdechosesquetuveuxsavoir,maisavoirtonvisagefaceàmoi,entendrelesondetavoix,embrasserteslèvres,tesentirtremblercontremoietprofiterdetonrire,sontdésormaistoutcequicomptepourmoi.Etça,leslettresnepeuventpasencoremel’offrir.Àlafemmequej’aime,marare,précieuseetexceptionnelleKathleen.MonadresseCenturyDrive,2Strawberry,CA.Ton…Andrew.
Je reposai la lettre surmes genoux, hagarde et abasourdie.Depuis tout ce temps, il savait. Jepensaismener la danse, alors qu’ilm’entraînait sur le chemin qu’il voulait que je prenne. Il avaitraison,ilm’avaitlaissédestasd’indices…lelivre,lavuesurSanFrancisco,sesexpressions.Jemesentaispresquestupide.«Presque»parcequemoncœurfrappaitdansmapoitrineencoreplusfortqu’habituellementsurpassanttouteautresensation.Cettelettreseraitladernière.
Etlesentimentdenostalgieréapparutsoudainement.Je lapliai délicatement et laglissai dansmapocheavantdemeprécipiter au rez-de-chaussée
pourprendremeschaussures.Andrewm’attendaitàcetteadresse,etjevoulaisjustelevoirsourireenmêmetempsquemoi.Jecommandaiuntaxitoutenenfilantuneveste,pestantd’attendrecinqminutesqu’unchauffeurarrive.
Jetentaidemeconcentrerdenouveausurlalettre,maisl’excitationetlafrénésieavaientprislepassurlaséréniténécessaireàunerelecture.Quandfinalementletaxiarriva,jebondissurmespiedsetfonçaivers lui.Je lui indiquai l’adresse, luipromettantunalléchantpourboires’ildécidaitdenepassuivreàlalettrelecodedelaroute.
Après trenteminutesderoutependant lesquelles j’étaisauborddel’apoplexie, le taxis’arrêtafinalement.J’éclataiderireendécouvrantl’endroitoùAndrewm’attendait.Ill’avaitfait…luietsonexcessivité.Je réglai le taxietensortispourmedirigervers la terrassede la fameusemaisonquej’avaisrepéréequelquesjoursauparavant.
Lamaisonsurlaplage…oùAndrewm’attendait,sourireauxlèvres.J’avançaiverslui,partagéeentrehilaritéetéblouissement.Ilétaitsublime,parfaitetàmoi.
–Tulesavais,soufflai-je,toujoursstupéfaiteparsalettre.–Jelesavais,oui.C’estpourtoi,dit-ilenmetendantunemagnifiqueroseblanche.–L’inconnutentedemecharmer?m’amusai-jeenportantlaroseàmonnez.–Jecroyaisquec’étaitdéjàfait,plastronna-t-il.
– En effet, admis-je. Je suis très, vraiment, très impressionnée, avouai-je avec une certaineémotion.
J’étaispresquegênéeparlasituation.C’étaitstupide,maismeretrouvernezànezavecAndrewmaintenantquenoussavionstouslesdeuxpourleslettresavaitquelquechosed’improbable.
–Etc’esttoiquiasachetélamaison?demandai-je.–Cettenuit.Pendantquetudormais.Jefaisbeaucoupdechosespendantquetudors.–Écrireparexemple?–Teregardersurtout.Tuestellementapaiséequandtudors.Etoui,j’écris,admit-il.J’écrissur
toi,essentiellement.– J’ai cru que tum’en voudrais au départ…Que tu penserais que je t’avaismanipulé, d’une
manièreoud’uneautre.Andrewposalamainsurmajoueetcaressamapeauaveccepetitsourireheureuxsurleslèvres.
Derrièrenous, j’entendis lebruit rythmédesvagues.L’airétaitunpeu fraiset je sentis lachairdepoulegagnermanuque.
– Quel genre de chance ai-je de t’avoir ? demanda-t-il avec une lueur d’amusement dans leregard.
–Unechanceinsolente,répondis-jeautomatiquement.–Bien,jevaisdoncpoussermachance.Andrewlibéramajoueetposadoucementungenouàterre.Jesentismoncœurrepartiràune
vitesse folle, tandisqu’il sortait un écrinde sapoche.Mesmains semirent à trembler et, une foisencore, je constatai qu’Andrew pêchait par excès. Jamais, il ne ferait les choses comme tout lemonde…
Monexception.
Tabledespersonnages
Kathleen –Kat –Dillon :Après avoir abandonné sa carrière de journaliste,Kathleen, jeunefemme de 25 ans, est devenue concierge de nuit dans un palace new-yorkais, le Peninsula.Romantique et profondément attachée à l’importancedudestindans savie, elle espère, un jour, sereconnaîtredansunedespetitesannoncesduNewYorker.Prenantconsciencedelamonotoniedesonexistenceethantéeparuneannoncequil’abouleversée,ellefinitparyrépondre.C’estégalementauPeninsula qu’elle rencontre Andrew Blake, puissant magnat de la presse, client de son hôtel, unhommeséduisantquitroublelaroutineprofessionnelledeKat.
AndrewBlake:ClientduPeninsulaetchefd’entreprisepuissant.Magnatdelapressesurlacôte
ouest,AndrewBlakeestaussiarrogantqueriche.Ilalimentelesrumeurs,attiselesconvoitises,maispeutsemontrerparticulièrementfragilequandons’attaqueàceuxqu’ilaime.
LynneHoffman :CollèguedeKat,enchargede l’événementiel,Lynneest très terreà terreet
raisonnable.TroppourKatquiluireprocheunevieterneetsanspassion.FiancéeàPhilipKingston,elleprépareassidûmentsonmariage.
NathanEvans:Brasdroitdévouéd’AndrewBlake,Nathanestuncharmeur,bourréd’humour.
C’estauPeninsula,àl’occasiond’unerencontrefortuiteetbrutale,qu’ils’éprenddeLynne,collèguedeKat.
DanielCooper:EngagécommebarmanintérimaireauseinduPeninsula,Danielserapproche
trèsvitedeKathleen.Gregory : Ancien policier, Greg a connu Kathleen quand elle était encore journaliste.
DésormaisresponsabledelasécuritéduPeninsula,ilagitcommeungrandfrèreavecelle.MeghanStanton :Belle,brillanteet toutà fait conscientede l’être,Meghanpeut sembler,de
prime abord, glaciale, voire même pédante. Elle se révèle chaleureuse et sensible au charme deGregoryaufuretàmesuredel’évolutiondelarelationd’AndrewavecKathleen.
Sam:CollèguedejourdeKathleen,c’estluiquil’aforméeàsonposte.Ilssonttrèsamis.JimCooper:PèredeDan.
Jodie:MeilleureamiedeDanieldepuisl’enfance.Elleestraviedelarelationqu’entretiennentKathleenetDaniel,quitteàêtreintrusive.
MattetAbby :Collèguesd’Andrew.Matt semontreparticulièrementdésagréableetdubitatif
surlarelationd’AndrewavecKathleen.WaltDillon : Père deKathleen, policier.Éloignégéographiquement, il demeure pourtant très
protecteurenverssafille.Ilespèrelafairereveniràsonmétierdejournaliste.EleanorBlake:Décritecommeétantenthousiasteetpétillanteparsonmari,Eleanorestdécédée
dansunaccidentdevoiture,laissantAndrewdansl’incompréhensionetlechagrin.Emily:Assistanted’AndrewBlake.Nelson : Vendeur de bijoux, représentant de la maison Cartier. Il a ses habitudes au sein de
l’hôteletestsurnommé«l’hommequivalaittroismilliards».Bradley:AncienamantetcollèguedeKat,quandcettedernièreétaitencorejournaliste.Misau
courantdusujetsurlequelelleenquête,ilestfinalementretrouvémort.C’estsondécèsquipousseraKatàchangerdemétier.
Janet : Belle-sœur d’Andrew, sœur d’Eleanor. Elle a un fils,David.Malgré l’accident qui a
coûtélavieàEleanor,Andrewetellesontrestésproches.Grant:Enchargedel’enquêtesurlesmenacesquereçoitAndrewetsurl’hypothèseémisepar
Kathleen.
Lescarnetsd’AndrewBlake–premièrepartie
Jeressentaistoujourscedéchirementétrangequandj’étaisici.Leventsifflaitdansmesoreilles,le froid engourdissait mes mains. Mais je venais quand même. Chaque vendredi, je retrouvais latombe dema femme, pleurant à la fois le souvenir de ses yeux bleu azur et les cendres de notremariage.
Aprèsavoirposélesfleursdevantlapierretombale,jefixaislepetitcarrédepelouse,espérantque le cauchemar cesserait enfin. Mais curieusement, mon corps se tétanisait un peu plus. Lessouvenirsdesoncorps inerte,desonvisagetuméfié,dusanggelédanssescheveuxmerevenaientsystématiquement. Ces flashes douloureux et répétitifs déclenchaient en moi une vague de froidparalysante.Lamortd’Eleanorm’avaitvidédemonénergie,merendanthermétiqueaumonde,auxgens,auxsentiments.
Elle me manquait. Elle et ses yeux pétillants, elle et ses baisers furtifs au réveil, elle et sonparfumentêtantqu’ilm’arrivaitencoredesentir.Jen’arrivaispasàmedéciderà jeter le flacon. Iltrônaitdansmasalledebains,seulvestigevisibledenotreviedecouple.
Elle.–Jusqu’àcequelamortnoussépare,murmurai-je,enravalantlabouledechagrinquimenaçait
d’exploserdansmagorge.Jenepensaispasquelamortviendraitsivite.Jedétachaimonregarddesonprénomgravédanslapierreetfixail’horizon.L’automneavait
fait sonœuvre et le vent, qui était particulièrement violent en cemoment, avait balayé les feuillesmordoréesauloin.Jesoupiraietenfonçaimesmainsdansmespoches.Lefroidsemblaithabitertoutmoncorps,metuantpeuàpeu.Etluttercontrelefroiddel’automneétaitplussimpleetplusfacilequedebataillercontrel’autre.
–Tumemanques,Eleanor,soufflai-jeensentantunelarmecoulersurmajoue.Une de plus. Quand je venais ici, quand j’affrontais le silence de ma vie, les larmes étaient
brûlantes.Brûlantesmaisvraies.Elles ne ressemblaient pas à celles que je versais le soir, amères et violentes, en regardant
l’océan.Ellesneressemblaientpasàcellesquejeversais lematin,chaudesetsilencieuses,quandmon
alliances’entrechoquaitavecmonmugdecafé.Ceslarmes,leslarmesducimetièreétaientcellesduchagrin,celuiquipersistaitaumilieudes
regretsquim’envahissaientchaquejourunpeuplus.Jesoupiraiànouveau.Jen’avaisplusrienàluidiremaintenant.Lesfleursavaientétélivréesce
matinmêmeet,machinalement,jelesréajustai,m’agenouillantdevantlatombe.Ellesfaneraientdèslelendemain,sansavoirsurvécuauventglacialetnocturne.
–Jeneseraipaslàvendrediprochain.
Etpourtouteréponse,encoreceventaffreuxquisifflait.Jeréalisaiàcetinstantquelesouvenirdesavoixétaitentraindes’effacerpeuàpeu.Lefroidàl’intérieurdemoiétaitentraindegagnerduterrain, il me rongeait, comme la rouille détruit le fer – lentement et inexorablement. Bientôt, jedisparaîtrai moi aussi, englouti dans mes souvenirs heureux. Englouti dans les souvenirs que jechercheàpréserver,d’elleetdenous.
–Souhaite-moibonnechance,chuchotai-je,lesyeuxrivésausol.Jemeredressaietaprèsavoirprissurmoi,jeregagnaimavoiture.Jelançailechauffagedans
l’habitacleet,mécaniquement,conduisisjusqu’àmonbureau.Larouteétaitsècheetunpeusinueuse.J’appuyaisurl’accélérateur.Ledestinavaitvouluque,chaquesemaine,jepasseàcemêmeendroit.Jerevoyaislavoitured’Eleanorencastréedanslaglissière,lesgyropharesdel’ambulance.Leresteétaitflou,brouillépar lefroid,par ladétestation–fragmentdenotreultimedisputesur lemêmesujet :mesabsencesrépétées–etparlequestionnement.
Je garai ma voiture à ma place dédiée, rivant les yeux au sol pour ne pas voir, mêmefurtivement, la plaque au nom d’Eleanor, un nouveau souvenir. Un jour ou l’autre, je devraisdemanderleretraitdecetteplaque.Maispastoutdesuite.Ellerestemafemme.Malgrésatrahison,malgrésamort,elleestmafemme.
–Tuétaisaucourant?avais-jedemandéàJanetlelendemaindemadécouverte.DepuisleregardcontritdeJanet,depuisladécouverteduplacardvide,jenesaisplusvraiment
qui je suis. Pire, je ne sais plus ce que je dois être. Chaque jour, chaque nuit, chaque instant, lesouvenir d’Eleanor ressurgit.Chezmoi, aubureau, dans la rue…Peu importe, puisqu’elle est unepartiedemoi-même.Etcettepartie, jel’aimeetjelahaistoutàlafois.J’aimelafemmepétillante,douce,heureuseetprovocante,etjehaislafemmevile,menteuseetfuyante.
–Ellel’aimait?–Jecrois,avaitchuchotéJanet.L’ouverturedesportesde l’ascenseurmesortitdemarêveriehabituelle.Àchaquefoisque je
revenaisducimetière,cesmêmesimages,cesmêmesmotsmerevenaiententête.Commesi,cejour-là,touts’étaitfigépourmetortureretmerappelermeserreurs.
L’avais-jemoinsaimée?Avais-jeétémoinsprésent?Jen’airienvu,riensenti.Mêmecebébésilongtempsdésiré,mêmecepetitêtren’apassunous
mainteniràflot.Parfois,jemeposelaquestionet,trèsvite,jesecouelatête.Jenepeuxpasimaginerqu’Eleanoraitpumetrahiràcepoint.Etrienquepourcetenfant,jel’aimeraitoujours.
–BonjourLauren,lançai-jeenpassantdevantsonbureau.–MonsieurBlake,mesalua-t-elle.M.EvansetMlleStantonsouhaiteraientvousvoir.–Maintenant?–Votreprochaineréunionestdanstrenteminutes,ilsm’ontassuréquecelaneseraitpaslong.–Bien.Pouvez-vousmepréparerledossierpourNewYork?–Toutdesuite,monsieur.Aprèsavoirvérifiélesmessagessurmontéléphone,jemedirigeaiverslebureaudeNathan.Je
toquaià laporteet, sansattendrede réponse, j’entraidans lapièce.MeghanetNathanétaientassisderrièrelebureau.Quandilsmevirent,ilssejetèrentunregard,avantdemefixer.Ilssavaientd’oùjevenaisetjevisunsourirecompatissants’étirersurleslèvresdeMeghan.
Jedétestaiscesourire,parcequ’ilmerappelaittoujourscequej’avaisperdu.CommesiMeghanappuyait sur une plaie douloureuse en espérant la faire disparaître.Mais l’effet était contraire. Jegrimaçaiunvaguesourire,avantd’approcherdeleurbureau.
–Leschiffresdesventesdelasemainedernière,indiquaMeghanenmetendantunefeuille.–Passimal,commentai-je.– Et le numéro zéro de Powerfull. Tu veux toujours qu’on le passe en comité de lecture ?
m’interrogeaNathanpendantquejefeuilletailespremièrespagesdumagazine.–Çanepeutpasfairedemal.Mais jeveuxlacompositiondétailléeducomité.Et il faudra le
passerensecondelectureàNewYork.–J’aiquelquescontactssurplaceet…–Appelle-lesetmonteçapourlasemaineprochaine,intimai-jeàNathan.–Lasemaineprochaine?Maisenfin,Andrew,jamaisje…–Lasemaineprochaine.Laconférenceestdansunesemaine,nousauronsbesoind’un retour
rapidesurlesujet.–JeseraiàChicago,Andrew!intervintNathan.–Peuimporte,s’illefaut,j’yassisterai.NathanetMeghansejetèrentdenouveauunregard.Cettedernièreréunitsesquelquesdossierset
serelevapourmerejoindre.– Il y a autre chose dont nous aimerions te parler, dit-elle en calant ses documents contre sa
poitrine.Nathanselevaàsontouretsepostadevantsonbureau,légèrementappuyédessus.Ilcroisales
brascontresontorseetprituneprofondeinspiration.–Unemauvaisenouvelle?tentai-je,monregardpassantalternativementdel’unàl’autre.–Euh…non,hésitaNathan.Àvraidire,ils’agitd’unsujet…euh…–…personnel,finitMeghanpourlui.À nouveau ce sourire atroce. Le froid, qui avait fini par quitter mon corps, revint
immédiatement. Nerveusement, je me mis à jouer avec mon alliance, la triturant de mon poucegauche.
–Jeneveuxpasenparler,lescoupai-je.–Onnetedemandepasd’enparler,Andrew.On…disonsqu’ons’inquiètepourtoi.–Meghan, tu connais mon goût modéré pour le mensonge. Dis plutôt que tu t’inquiètes des
retombéesmédiatiques.–Andrew,tunepeuxpasespérerquetonretoursurledevantdelascènepasseinaperçu.–Maisjeneveuxpasquecelapasseinaperçu.JeveuxNewYorketjesaiscequejedoisfaire.–Tuastoujourstonalliance,indiquaNathanendésignantmamaindumenton.–Elleesttoujoursmafemme!–Elleestmorte,Andrew…,soupiraMeghan.–Etelleesttoujoursmafemme!répétai-jeenaccentuantchaquemot.Mafemme!Le regard deMeghan changea, se durcissant aussitôt. Je savais ce qu’elle pensait d’Eleanor.
Nathanposa samain sur lebrasdeMeghan, l’invitant à se tempérer. Il savaitpertinemmentque jeprendraisladéfensedemafemme,quoiqu’elledise.
– Andrew, ce que Meghan veut dire, c’est que… qu’il est peut-être temps de passer à autrechose…
–Passeràautrechose?répétai-je,enréprimantunrireamer.Est-cequetuesentraindemedirequejedevraismepavaneraveclapremièrevenue?
–Cen’estpascequ’ondit,Andrew.Mais…c’estvrai,lamortd’Eleanoraététerribleet…–Dis-le!grognai-je.Ellemetrompait, je lesais.Maisçanechangeenriencequejeressens
pourelle.
–Cequeturessenspourelles’appelledumasochisme,Andrew!criaMeghan.Tuvistoujoursdans cette maison, sa place de parking est toujours là, tu portes ton alliance ! Tu… tu… tu esquasimentpsychotiquedèsqu’onparled’elle.Tun’espasobjectifàsonsujet.Tues…
–...commemortavecelle,finitNathandansunsouffleàpeineaudible.Je me figeai et cessai de jouer avec mon alliance. Le regard gris de Nathan me fixait,
transperçantlefroidquim’avaitgagné.Furtivement,jerepensaisauxderniersmoisécoulés,avantderéaliser,avecinquiétude,quejen’enavaisquasimentaucunsouvenir.
Mavie,c’étaitlasuccessionderéunionsdansmonagenda.Eteux.NathanetMeghan.Meghans’approchademoietposalamainsurmonavant-bras,avantdelepresserlégèrement.–LeAndrewdelafacmemanque.Celuiquim’aembarquéedanscetruc,dit-elleendésignant
l’espace autourd’elle, celui quim’adit que je ne trouverai jamais unmeilleur bossque toi…CetAndrew-làmemanque.
–Eleanor…–Non,mecoupa-t-elledoucement.CetAndrew-làétaitlàbienavantelle.J’aimeraisque…Juste
ouvrelesyeuxsurcequit’entoure.Personnenetejugera.Sansmelaisser le tempsderépondre,elledéposaunbaisersurmajoueetquitta lebureaude
Nathan.Jesoupirailourdement,réalisantquej’avaisretenumonsouffleàl’instantmêmeoùMeghanm’avait touché. Je déglutis lourdement.Meghan était la seule femme àme toucher depuis lamortd’Eleanor.
Ellem’avait étreint le jour de samort, ellem’avait tenu lamain le jour de l’enterrement et,finalement,elleétaitlaseuleàquij’autorisaicegenredecontact.
–C’esttout?demandai-jefinalementàNathan.Il se contenta de hocher la tête et je quittai son bureau à mon tour. Hagard et frigorifié, je
regagnailemien.LaurenyavaitdéposéledossierpourNewYork.Jejetaiuncoupd’œilàlaphotod’Eleanorquitrônaitprèsdemontéléphone.Jesecouailatête,chassantlesbribesdemaconversationavecMeghan, étouffant de mon mieux ma raison qui hurlait qu’elle disait vrai, ravivant ainsi lesouvenirdusourired’Eleanor.
J’ouvris le dossier pour New York, compulsant les détails logistiques de la conférence depresse.C’estàcetinstantquecelamepercuta.
J’avaisoubliéleriredemafemme.Etlefroid,pernicieuxetsurpuissant,megagnatoutàfait.Quelques jours plus tard, j’embarquai avecMeghan etNathandansun avionpourNewYork.
DepuistoutescesannéesoùjegéraiBlakeMedias,j’enavaispresqueoubliélestressetlanervosité.Reprendreunmagazine,enlancerun…Toutçaétaitdevenupresqueroutinier.
Aprèsavoirdéposémavalise surmon lit, jemeprécipitai sous ladouche.MeghanetNathann’avaient plus abordé le sujet surma vie privée. J’admettais facilement qu’ils ne comprennent pasmoncomportement.Quelgenred’hommeregrettesafemmevolage?Quelgenred’hommeacceptequ’onpiétinesafierté,auxyeuxdetous,sansriendire?
Mêmemoi,jenemecomprenaispas.Nathanfrappaàmaportealorsquejerelisaislesslidesdeprésentation.
–Lecompte-renduducomitédelecture.Jegrimaçaienleparcourant.–Unramassisd’idioties,râlai-je.–Ilesttrèsbon,contraNathan.
–Justement!Aucuneremarquenégative?Cetrucnevautrien!dis-jeenroulant lafeuilleenbouleavantdelajeterdanslapoubelle.Àquelleheureestlaconférence?
–Danstrenteminutes.Jeretrouvai le récapitulatifde lasoiréeàvenir.Unparterrede journalistesavaitétéconviéet
j’espéraisquemonspeechlespersuaderaitplusquelechampagneetlespetits-fours.–TonvolpourChicago?m’enquis-je.–Enfindesoirée.Jevaisencorelouperlemeilleur!râla-t-il.–DemandeàMeghandetegarderunebouteille!ironisai-je.–Trèsdrôle!Allons-y!AndrewBlakeestattenduparsesdétracteurs.–Parsdevant,j’arrive.Ilquittalasuiteetj’enprofitaipourmeconcentrersurcequim’attendait.Madernièreapparition
publiquedataitdeplusieursmois.Mêmesilaplupartdesjournalistesrespectaientmonsilenceetmonisolement, je savaisaussiqu’ilsattendaientque j’ensorte.Mais jen’avaisplus lechoixdésormais.PouravoirNewYork,jedevaissortirdemabulle,sortirdecemondesombre,froidetsourdquejem’étaiscréé.
Je regagnaimachambreetnouaiunecravateautourdemoncou.CesimplegestemerappelaEleanoretlafaçonadorableaveclaquelleelleajustaitmestenues.Jepassaimamainsurmajoueunpeurâpeuse,mesouvenantdesesdoigtsfraisaumêmeendroit.Ellemecaressaitsystématiquementici,enlongeantmamâchoire.
Je chassai aussi vite que possible ces images et enfilaima veste de costume. Réunissantmesquelques notes, je quittaima suite et rejoignis la salle de conférence, embrassant furtivementmonalliancedansl’ascenseur.
Restantàl’écartdelascèneprincipale,j’observaileballetdesinvités.Leursbadgesautourducou, ils arpentaient les allées de sièges, à la recherche de leur place. Le personnel de l’hôtel étaitprésent,facilementidentifiableà leurtenue.Nathanmeproposaunverre,maisjerefusai,préférantresterconcentrésurmaparticipationàcelancement.
À18heures,jem’installaisurl’estrade,encadréparNathanetMeghan,etmelançaidansmonexposé.
Convaincre.Voilà tout ce que je devais faire. Je ne devaismême pas être pertinent dansmesremarques, ou concis dans mes réponses. Je savais, de toute façon, que ce n’était pas ce que lesjournalistes retiendraient. Ilsmémorisaient lessourires– forcéspourmoi,naturelspoureux–, lesmimiques, l’attention que je leur porterai. Un vrai cirque. Un mensonge tellement énorme quepersonneneleverrait.
Aprèsquarante-cinqminutesdeprésentation,jelançailaséancedequestions/réponses.NathanetMeghanquittèrentl’estrade.
–Quelestlecœurdeciblevisée?– Il s’agira d’un magazine masculin, tourné en priorité vers la tranche 30-40 ans. Nous y
aborderons la vie new-yorkaise, ainsi que des sujets d’actualités sous forme de reportagesd’investigation.
–Pourquoinepasavoirrachetéuntitre?–Parcequejenefaisjamaisdanslafacilité.Ledéfimeplaît.–Êtes-vousdécidéàrevenirsurledevantdelascène?–UniquementauprofitdeBlakeMedias.J’annonçaifinalementlaclôturedelaconférencedepresse,lesremerciantpourleurprésence.
Lesflashescrépitèrent,jeprislaposequelquesminutespourlescontenter.Auloin,jevisleséquipes
de serveurs s’affairer à verser le champagne dans les coupes. Je portai mon regard plus loin,quasimentaufonddelasalle,devinantunesilhouetteféminineetseule.
–Merciàtous,jevouslaisseprofiterduchampagneetdespetits-fours.Je quittai l’estrade rapidement, rejoignant Meghan un peu plus loin, discutant avec une
journaliste.Jelasaluaiavecunsourire,observantunrougissementfurtifenvahirsesjoues.–Peux-tumerappelerlenomdelagestionnaireévénementiel?–Hoffman,m’indiqua-t-elleavecunsourire.Belleprestation,aufait!–Tuendoutais?plaisantai-jeenarquantunsourcil.–Jesuisadmirative!Mêmemoi,j’aieuenvied’achetercemagazinepourhomme!Saremarquam’arrachalepremiersourirespontanédelasoirée.J’enroulaimonbrasautourde
sataille,remarquantlesyeuxécarquillésdelajournalistefaceànous,avantdeposermeslèvressurlajouedemacollaboratrice.
–Merci,murmurai-jeàvoixbasse.Bonnesoirée,mesdames,lessaluai-je,avantdemedirigerversl’organisatricedelasoiréepourlaremercier.
Toujoursaufonddelasalle,sonregardbalayantlesinvités,ellenebougeaitpas,vérifiantquetoutsedéroulaitnormalement.La tenuede l’hôtelne lamettaitpasvraimentenvaleur,mais j’étaissurtoutintriguéparsapeau,presquetranslucide.Peut-êtreétait-ceuneffetdel’éclairageambiant,oupeut-êtreétait-cesimplementdûàsaposturelointaine.
Lesmainsderrière ledos, lescheveux tirés, lespiedsserrés l’uncontre l’autre,elleauraitpuêtre…invisible.Parcequeimmobile.Etpourtant…
–MademoiselleHoffman,jeprésume?demandai-jeentendantlamainpourlasaluer.Ses joues se colorèrent immédiatement et son regard, qui fixait un point derrière moi,
papillonnapartout, sauf surmoi.Quand finalement, sesyeuxaccrochèrent lesmiens, ilmesemblaqu’ellesereprit.
– Monsieur Blake… je… euh… non… Mlle Hoffman s’est absentée pour finaliser certainsdétailsdevotre…séjour,bégaya-t-elle.
Jelaissaimamainretomber,l’observantintensément.Laplupartdeshommessontfacilement…bernables.Un sourire, un regard, un rire, et ils tombent sous le charmed’une femmequelconque.L’illusionneduregénéralementpas.
Mais elle. Ce n’était en rien son magnifique regard apeuré qui me fascinait, ni son sourirehésitant.C’étaitlafaçondontsapeausipâlesecolorait.Sespommettesunpeuroséestrahissaientsagêne. Elle baissa le regard, constatant qu’elle ne m’avait pas salué. Mais très vite, elle se reprit,secoualégèrementlatêteetcettedélicieusecouleurroséedisparut.
–Souhaitez-vousquejetransmetteunmessageàMlleHoffman?Meghanapparutàmescôtésetm’offritunecoupedechampagne.–Merci,soufflai-jeenluijetantunregard.–J’aibesoindetoipouruneinterviewavecleTimes,murmura-t-elleàmonoreille.–Laisse-moiuninstant,j’arrive.–Commetuveux,sourit-elleens’écartantdemoi.Jereportaimonattentionsurlajeunefemmedevantmoi.Sonregardavaitchangé,unpeuplus
dur,presqueagressif.Pendantunecourteseconde,ellesuivitMeghanduregard,avantd’explorerlasalle.
–Excusez-moi,vousdisiez?dis-jeenespérantcaptersonattention.–UnmessagepourMlleHoffman?répéta-t-elledansunéland’automatisme.
Ànouveau, ses yeux papillonnèrent, se posant à la fois partout et pourtant nulle part. Elle setriturait les mains et, brutalement, les cala dans son dos. Je pris une gorgée de ma coupe dechampagne. Il était très certainement délicieux, mais j’étais tellement obnubilé par ses réactionsincontrôlablesqueplusrienn’avaitvraimentd’importance.
Curieusement, elle se pétrifia devant moi. Son corps se tendit et elle se lécha les lèvresnerveusement.Sonregardaccrochamesmains,avantqu’ellenesefasseviolencepourleplanterdanslemien.
–Dites-luiqu’elleafaituntrèsbontravail,dis-jefinalementpourromprecetétrangesilence.–Jeluitransmettrai,monsieur.Ellehochalatêteetjemedemandaisiellemecongédiaitous’ils’agissaitsimplementd’untic
nerveux. Je reculai, après lui avoir jeté un dernier regard stupéfait, je me dirigeai versMeghan.Quand je parvins au petit groupe qui m’attendait, et alors que Meghan me présentait les deuxjournalistesdevantmoi,jerisquaiuncoupd’œilversl’emplacementqu’avaitoccupélajeunefemmeauxjouesrouges.
Mais elle avait disparu. Troublé, je chassai son image de mes pensées et répondis avecconcentrationauxquestionsqu’onmeposait.Lasoiréetoucharapidementàsafin,jeraccompagnaiMeghanetunpetitgroupedepersonnesdanslehallduPeninsula.Jeconsultaimamontre,réalisantque je n’avais pas eu le temps d’appeler mon fleuriste habituel pour la tombe d’Eleanor. Laculpabilitérefitinstantanémentsurfaceetjemedécidaiàréparermonoubli.
–Jedoisréglerundétail,soufflai-jeàMeghanenlarelâchant.Jemedirigeaivers lepupitreduconciergedenuit, reconnaissantmabelle inconnue installée
derrière.Ellesemblaitagitée,maisdèsqu’ellemevit,ellesefigeaetseplanta,droitecommeun«i»derrièresoncomptoir.Seslèvress’étirèrentdansunsouriremécanique,presqueaffreuxtantilétaitcrispé.
–Oh…bonsoir,fis-je,enrisquantunvraisourire.–MonsieurBlake.Quepuis-jepourvous?– Jevaisallernager.Pouvez-vous faireen sortequ’undînermesoit servi…disonsdansune
heuredansmasuite?–Sansproblème,monsieur,acquiesça-t-elle.–Etunebouteilledevin!Dublanc.–Bien,monsieur.Jesourisendevinantunlégertremblementdanssavoix.Soudainement,jemedemandaisielle
aimait levinblanc.C’estàcet instantque je le sentis.Elleexerçait surmoiune formed’attractionétrange.Jelafixai,etmêmesiellesemblaitembarrassée,jedevinaisquec’étaitmoncomportementquilatroublait.
Jeprismon téléphoneet lus lemessagede Janet,me félicitantdemonsourire sur lesphotosofficiellesdelaconférence.
–JedoisfairelivrerdesfleursàSanFrancisco,dis-jeenrepensantàmonoubli.–Jepeuxvousrecommandernotrefleuristehabituelle.–Jeneveuxpasd’unbouquetstandard,claquai-jesèchement.C’estuneoccasionparticulière.–Pourquandvousfaut-ilcesfleurs?reprit-elle,trèsprofessionnelle.– Demain midi, à San Francisco. Et je veux une discrétion absolue, précisai-je, prenant
consciencequecerituelsecretentreEleanoretmoiallaitêtrepartagé.–Noustravaillonstoujoursdanslaconfidentialitélaplustotale,monsieurBlake.Jesuiscertaine
queCarmensaurarépondreàvotredemande,assura-t-elleenmetendantunecartedevisite.
Jeluslacarte.Lesfleursn’étaientpassiimportantes.Maisnepasallerlavoir,nepasparleràEleanor…Jemesentais tellementcoupablede la laisser.Et laculpabilité se fitplus fortequand jedétaillailaconciergedevantmoi.Unemèchedecheveuxglissasursajoueetrougissantànouveau,ellelaplaçaderrièresonoreille.
Pourquoiculpabilisai-jemaintenant?Et pourquoi mon regard était-il happé par elle ? Par ses joues, par la peau de son cou…
Commentétait-cesimplementpossible?–Voustravailleztoujoursdenuit?demandai-jepourbriserlesilence.–Euh…oui.–Depuislongtemps?–Trois…ans.Ellerougitviolemment.Ellecherchaàréprimercettemarqued’émotionensepinçantleslèvres,
mais échoua et provoqua l’effet inverse. Un sourire apparut sur mes lèvres. Il y avait tellementd’embarrasenelle.Etçalarendaitadorableetvraie.
–Çafaisaitlongtemps…,raillai-je.Nesoyezpassinerveuse,luiintimai-jeenposantmamainsurlasienne.
Stupéfait,jefixaimamain.Observersapeauétaitfascinant,latoucherétait…Jen’avaismêmepasdemot.Douce,chaude, lisse.Parfaite.Jesentissesmusclesse tendre.Maiscette tensionn’étaitplusdelagêne.C’étaitdelaretenueet,moi-même,enfranchissantcettelimite,jem’impressionnai.Sonregardn’étaitplusfuyant,ellemeregardait.
Jefinisparlalibérerettrèsvite,ellecachasamain.–Jevoussouhaiteunebonnenuit,murmurai-je.–Merci,vousaussi.Surprispar sa réponse, jemedirigeaivers l’ascenseur, tentantd’analyser cequecette femme
provoquait. Je gagnai la piscine dans un état presque second. Comment faisait-elle ça ? En uneseconde,elleavaitréussiàmefaireoublierlaconférence,lesobligations…etmêmeEleanor.
Eleanor.Jecommandailesfleursjusteavantderentrerdanslapiscine,m’assurantd’unelivraisonrapide
le lendemain matin. Je coupai mon téléphone juste après et plongeai, laissant l’eau engloutir lestensionsdelajournée.Jefisdeuxlongueurs,assezénergiques,meforçantàtoutoublier,àmeviderl’esprit.
Alors que jem’apprêtais àme lancer dans une troisième longueur, une silhouette attiramonattention. Je m’arrêtai et fixai la jeune fille aux joues rouges suspendre un peignoir propre. Ànouveau, je sentis cette réaction étrange de mon corps. Comme si le froid qui m’engourdissaithabituellementluttaitcontrequelquechosedepluspuissant.
Elle.–Merci!dis-je,lasurprenant.–Jevousenprie,monsieur,murmura-t-elle.Cettepeausiréactive.–Vousaviezraisonpourvotrefleuriste.–Oh…–Doncjedoisaussivousremercierpourça!Jetenaisbeaucoupàcequecesoitfait,dis-jeen
m’approchantd’elle.–Ravied’avoirpuvousaider,monsieur.–Vousnefaitesjamaisça,n’est-cepas?m’inquiétai-jeenlavoyantbaisserlesyeuxverslesol.
–Jevousdemandepardon?–Parlerauxclients.Existeràleursyeux,jeveuxdire.Votreembarrasestpalpable.–Jevouspriedem’excuser,dit-elleenfaisantquelquespasverslasortie.Pourlapremièrefoisdepuisdesmois,jem’entendisrire.Pasàcaused’elle,maisgrâceàelle.
Elleétaitsihésitante,touchante…vraie.C’étaitlaseulechosequirevenaitdepuisquejel’avaisvuedanscettegrandesalle.
Elleétaitvraie.–Quelestvotrenom?demandai-jeaveccuriosité.–Dillon…KathleenDillon,répondit-elle,tremblante.–Enchanté,Kathleen.–Jevoussouhaiteunebonnesoirée,monsieurBlake.Elledisparutdansl’instant,seprécipitantverslasortiedelapiscine.Jerestaiquelquessecondes,
immobile,àfixerlecheminqu’elleavaitemprunté.–Réellementenchanté,dis-jeensouriant.Je nageai pendant une bonne heure, perdu dans mes pensées pour Kathleen Dillon, la
rougissante. Jenecomprenais toujourspas cequ’il sepassait etmis ça sur le comptedudécalagehoraire.
Àmonretourdanslasuite,jerepérailecartonderemerciementdupersonnel.–Kathleen,murmurai-jeenprenantlecartonentremesmains.Jeleglissaidansmonagenda,heureuxd’avoirunetraced’elle.Le lendemainmatin, je partageaimon petit-déjeuner avecMeghan.Nous échangeâmes sur la
conférencedelaveille.–Est-cequetutesensbien?medemandaMeghanalorsquejeconsultaimonagenda.–Ai-jel’aird’allermal?–Noussommesvendredi,Andrew.–J’avaisoublié,avouai-je,aprèsunsilence.Ledécalagehoraire,soufflai-jecommeexplication.
J’aifaitenvoyerdesfleurssursatombe.–Tun’aspasàfaireçaAndrew.Jet’assure.Jeluilançaiunregardnoiretellecompritquelaconversationétaitterminée.Quelquesinstants
plustard,jesortisdel’ascenseur,toujoursavecMeghan,pourunesériederendez-vousàl’extérieur.Maiselleétaitlà,àsonpupitre,assurantsûrementlafindesonservice.Jebifurquaiaussitôtdans
sadirection,moncorpsévacuantlesdernièrestracesdesommeil.Kathleen.Rienquedepenseràsonprénomsuffisaitàmefairesourire.–Bonjour,Kathleen,lasaluai-je.–MonsieurBlake.–Cela vous dérange-t-il que je vous appelle par votre prénom ? lui demandai-je en espérant
qu’elleaccepte.Vouspréférezpeut-être«mademoiselleDillon»?–Commevoussouhaitez,monsieurBlake.–Commentvousappellentvosclientsgénéralement?–Mademoiselle.Encorecetteréactioninstantanéeetcettedélicieusecouleur.–Parfait.Donc,pourmoi,çaseraKathleen.Nousallonsnousrevoirrégulièrement,autantéviter
unformalismeinutile.Kathleen. Pour moi. Pas pour les autres. Et même si pour ça, je devais me cacher sous le
déguisementduclientexigeant.
Kathleenetsapeauréactive.Kathleenetsonétrangeforced’attraction,quimefaisaitmêmeoublierlaprésencedeMeghanà
mescôtés.Jelasaluaid’unmouvementdetêteetm’éloignaiendirectiondelagrandeportetambour.Mais
jenerésistaipasàl’enviedelaregarderunedernièrefois.–Etencoremercipourlesfleurs,j’aiappréciévotredévouement,Kathleen.Meghanpassadevantmoi,exhalantunlongsoupirdésapprobateur.En rentrant à San Francisco, plus tard dans la journée, je ne ressentais plus rien. Rien de
remarquable en tout cas. Je parvins difficilement àme concentrer sur un compte-rendu détaillé deMeghan.LesouvenirdeKathleenpersistait,surgissantparfoisàl’improvisteetilmefallutunenuitblanchepourreprendrelecoursdemavie.Unenuitblanchepasséeàtriturermonalliance,àjoueravec,àlaretireravantdelaremettreenm’excusant.
Le surlendemain, jemeprécipitaisdans lebureaudeMeghan. Jen’avais jamais été encolèrecontreelle.Nousavionseudesdifférends,maisjamaisjen’avaisressentilaragequim’habitaitencetinstant.
–C’estquoiça?hurlai-jeenjetantsursonbureauunetrentainedelettres.–Merde,pesta-t-elle.Andrew,cen’estpas…–Qu’est-cequec’est?criai-jedeplusbelleenlavoyantseredresserdesonfauteuil.ElleappuyasurunetouchedesontéléphoneetdemandaàNathandevenirlarejoindre.Quandil
arriva dans le bureau deMeghan, son regard se posa instinctivement sur les lettres et son sourires’effondra.
–Merde…Jen’aipaseuletempsdeluienparler,dit-ilàMeghan.–Meparlerdequoi?–Je…Nathanetmoi,corrigeaMeghan,on…ons’inquiétaitpourtoi.–J’aimisuneannonce,avouadansunsouffleNathan.–Uneannonce?m’écriai-je.Genrequoi?Jeunecélibatairerecherchecompagnedescrabble?–Non,ricanaNathan.J’ai…j’aireprisunelettrequetuavaisécriteàEleanor.Unsilencedeplombs’abattitdanslapetitepièce.Jereculai,m’adossantaumurpournepasfinir
ausol.–Tu…tuaslucettelettre?murmurai-jeencolère.–Justelesderniersmotsetc’étaitunpurhasard,Andrew.Elleétaitdanstonbureau,jecherchai
undossier.–Depuiscombiendetemps?lecoupai-je.–C’est paru cette semaine, ditMeghan surma gauche.Dans leNew Yorker. On voulait… on
voulaitt’aider.–Jedevaist’enparler,maisavecChicago,j’aioublié.Meghan et Nathan se lancèrent un regard inquiet. Ce dernier haussa les épaules, s’excusant
presqueauprèsdeMeghan.JemedécollaifinalementdumuretmeplaçaijusteenfacedeNathan.–Jevousinterdisdevousmêlerdemavie.–Andrew…–Jevousl’interdis,répétai-jefroidement.L’instantsuivant,jerécupérailesclésdemavoitureetfonçaisurl’autoroute.Peuimportaitma
direction,peu importait l’étatde la route, lavitesse…Jevoulaisoublier toutça.Commentosaient-ils?
Jen’avaisaucuneidéedunombredekilomètresquej’avaisparcourus.Etjen’avaisaucuneidéedunombredefoisoùj’avaistapémonalliancecontrelevolant.Jem’étaisarrêtédevantlecimetière,mais Eleanor ne pouvait plus m’aider. Alors que la nuit était tombée, je regagnai notre maison,trouvantNathanm’attendantdanssavoiture.
Jegarailamienne,ignorantostensiblementmoncollaborateur.–Andrew!cria-t-ilenmesuivant.–Cen’estpaslemoment!–Nesoispasstupide!–Non, toi, ne sois pas stupide ! Une annonce ?Vraiment ? Tu as cru quoi ?Que j’allais te
remercier?Ilmesuivitàl’intérieurdelamaison,grimpantlesescaliersquimenaientàmonsalonprivé.Je
jetailesclésdelavoituresurleguéridonavantdemedébarrasserdemaveste.–Lis-lesaumoins!ripostaNathanenposantleslettressurlatable.–Pourquoi?Liredesmessagespathétiques?–L’annoncen’estpaspathétique!Jesuiscertainquetutetrompes.– Vraiment ? Et quand Meghan me regarde avec ce sourire affreux et horripilant chaque
vendredi…j’aitortaussi?–Çan’arienàvoir.Meghan…etmoi…ons’inquiètevraiment.Tuteprivesd’êtreheureuxet…–Et donc vous avez décidé de faire votre truc dans votre coin et dememettre devant le fait
accompli?Nathansoupiraetabattitlesbraslelongdesoncorps.J’avaisgagné.Ilabdiquait.–Tuveuxlavérité?medemanda-t-il.–Jesaiscequetupenses.–Non, c’est faux. Tout lemonde te craint au bureau. Tu es une ombre, tu n’es pas là. Tu es
effrayantdevide.Tutecachesderrièrelamortd’Eleanor.Tul’idéalises,tufaisd’elletafemme.Tugardestonalliancepourfairecroirequevotremariageétaitheureux.Lavérité,Andrew,c’estquetuteplanques.Elletetrompait.
–Jesais,murmurai-je.–Cessede…cessedefaired’elleunmodèled’exemplarité.Jecomprendsquetusoisblessé,que
tu ne veuilles pas souffrir à nouveau,mais… ce n’est plus possible, Andrew.Maintenant, tu as lechoix.
–Lechoix?m’étonnai-je.–Soistureviensavecnous,tureprendstavie…sois,turestesavecelledanscefoutucimetière.JefixaiNathan,m’étonnantdesalibertédetonavecmoi.Nathannemecraignaitpas,maisqu’il
m’attaquesurmavieprivéemesurprenait réellement.Nerveusement, il fouilladans lapochedesavesteetensortitunenouvellelettre.
–Maissiturestesavecelle,alorsjequitteraiBlakeMedias.Ilmetenditcequejesupposaiêtresalettrededémissionet,aprèsm’avoirsalué,quittalapièce.
Jem’effondraidansmonfauteuil, fixant,unpeuabruti, laportedemonsalon.Muéparunsursautd’automatisme, jemeservisunbourbon,puisunautre,avantde retrouvermonfauteuil. Je fixai lepaquetdelettres,m’interrogeantsurl’intérêtdetoutça.
Sincèrement,mavienemeconvenaitpas.Êtreencolère,être triste,être…veuf.Toutcelamepesait.
Désabusé,j’ouvrislapremièrelettre…Puisunedeuxième.Fades,sanssaveur.Tristes.Pathétiques.Compatissantes.C’étaientcelles-cilespires.
Aprèsavoirouvertunedizained’enveloppes,j’avaislasensationd’êtreencoreplusminableetabattu.Uncocktailnauséabondquim’entraînaversunnouveaubourbon.
Leregarddanslevague,jereprismalecture.Lesvapeursd’alcoolm’embrumaient,mesmainstremblaient.Toutétaitflou.Pourtant,alorsquej’atteignislafindelapile,unelettremesortitdemonivresse.
C’estainsiquelaviefonctionne.Toutbouge,toutévolue,leschoseslesplusdifficileslesontmoinsauboutd’unmoment.Lasolitudequevous ressentez,audétourd’une rencontre,d’uncaféoud’unsimple regard,voussemblerafinalementmoinspesante.Regardez autour de vous, écoutez les gens rire, savourez la douceur d’un morceau de chocolat, sentezl’odeurde laneige fraîche, effleurez lespagesd’un livre…Revenir à lavie, c’est aussi ça.Qui sait si ledestinnemettrapasalorsquelqu’unsurvotrechemin?Cequelqu’un,qui,j’ensuiscertaine,vousattenddéjàenvoustendantlamain.
Cettelettre…Elle avait tort.Cette lettre ne ressemblait à aucune autre.Elle étaitmanuscrite.Quel genre de
femmesécritencoreseslettresàlamain?Etsurtout,ilyavaitcetespoir,cetteenvie.Lequatrièmebourbonn’avaitpas legoûtamerdes troispremiers. Ilétaitmêmeréconfortant,
presquedouxdanslagorge.Jenesaiscombiende fois j’ai relucette lettre.Dix fois?Vingt fois?Sûrementplus.Chaque
mot,chaquephrasemefaisaitmesentirmieux,vivant.Lefroids’évanouissait.Ma conscience aussi. Au cinquième bourbon, je m’endormis dans mon fauteuil, la lettre
manuscritecaléecontremapoitrine.Àmonréveil,lelendemainmatin,lamigrainenemesurpritpas.J’étaisvaseux,monorganismeencaissantdansladouleurmasuccessiondeverres.Jerelusànouveaulalettre,prenantmaintenantconsciencequel’euphorieétaitretombée,quejen’avaisaucunmoyendejoindrelafemmequim’avaitécrit.
Lavoixpâteuse,j’appelaiNathan.–Andrew?s’étonna-t-il.–IlfautquejepasseuneannoncedansleNewYorker.Enurgence.–Tuasluleslettres?s’écria-t-il.–Tuasdequoinoter?Je réfléchissais à toute vitesse à ce que je voulais lui dire. Sa lettre était tellement unique,
tellement…incroyable,quejedevaisluidirequ’ellen’avaitriendebanal.JerécitailetextedemonannonceàNathan,lefaisantrépétertroisfoispourm’assurerquetout
étaitconforme.– Je ne suis pas sûr qu’elle passe pour la semaine prochaine, ilsm’ont déjà fait une fleur la
semainedernière.–Débrouille-toi,avantquejenetransmettetalettrededémissionauxressourceshumaines.Jeraccrochaiaussitôtetfilaisousladouche,enespérantmedébarrasserdemagueuledebois.
Aprèsm’êtrehabillé,jemefiscouleruncaféetrécupéraimonagendadanslesalon.MonvoyageàNewYorkétaitprévuaprès-demain,maisj’avaisencoredeschosesàbouclerici.
Jerelusencoreunefoislalettre,Nathanm’assurantquemonannoncepasseraitbienlasemainesuivante.
Jemanquai de renversermonmug sur la table et repoussai vivementmon agenda, le faisanttomberausolpourlimiterlesdégâts.Pestantcontremoi-même,j’essuyailesquelquesgouttesdecafé
écraséessur la tableet ramassaimonagenda.Lescartesdevisiteque j’yentassaiétaientétaléesausol.Jerâlaiànouveau,tombantsurlacarteduPeninsula.
Je la rangeaiavec lesautres,chassant le souvenirdeKathleenetcequ’elleavaitprovoquéenmoi.MontéléphonevibraetNathanm’informaquel’annonceseraitauprochainnuméro.Jesourislargement,relisantunenouvellefoislalettre.
Etlà,l’espritclair,lacolèredissipéeetenfinconcentré,jeviscequejen’avaispasvulaveille.Ilyavaitdenouveaucettesensationétrange,cefourmillementauboutdemesdoigtsquitouchaientlepapier.Cetteattractioninédite,lesentimentquemoncorpssortaitdesaparalysie,quelefroidn’étaitplussipiquant.
Le souffle court et stupéfait, je ressortis la carte du Peninsula. La dernière fois que j’avaisressentiça,c’étaitavecelle.Jecomparairapidementlesdeuxécritures.C’étaitelle.Sonécriture,sonénergie.
Lafilleauxjouesrouges.Kathleen.Je souris en repensant à nos dernières conversations, à ses hésitations, aux mouvements
intempestifsdesesmains.C’étaitelle.Cequej’avaisressentienlavoyant,jeleressentaisànouveaumaintenant.
–Kathleen,murmurai-je.JereprismontéléphoneetrappelaiNathan.–Décidément…Tuasmangédulioncematin?s’amusa-t-il.–OnpartpourNewYorkdemain!Le lendemain, nous volions en direction de New York. J’avais cette étrange et inexplicable
appréhension.Aussi,quandjeladécouvrisderrièresonpupitre,chantonnantl’airdeJingleBellstouten rangeant son coinbureau, jene fuspas surprisde sentir ànouveaucette attraction étrange.Pasvraimentdutrac,plutôtdel’anticipation.Decellesquivouspicotentagréablementl’estomacetvousrendentinstantanémentplusheureux.
–Vousassurezl’ambiancemusicale?demandai-jeenneretenantpasmonsourire.–Bonsoir,monsieurBlake,dit-elleenreprenantsonattitudeprofessionnelle.–Kathleen.–Voicilepassedevotresuite,annonça-t-elleenmeletendant.Nos doigts se touchèrent subrepticement et jem’aperçus que le froidm’avait quitté.Kathleen
esquissaunsouriretimideetretirasamain.Je la fixai ardemment, me retenant de la remercier d’être là, devant moi. Elle avait réussi à
repousserlefroid.Jemecontentaideluisourire,mepromettantaussitôtdelagarderdansmavie.Hormislesilence,riennefiltrapendantquesonregardseperdaitdanslemien.Riensauflacolorationdesesjoues.
HarlequinHQN®estunemarquedéposéeparHarlequinS.A.
Conceptiongraphique:AliceNUSSBAUM
©2013HarlequinS.A.
ISBN9782280300636
Tousdroitsréservés,ycomprisledroitdereproductiondetoutoupartiedel’ouvrage,sousquelqueformequecesoit.Celivreestpubliéavecl’autorisationdeHARLEQUINBOOKSS.A.Cetteœuvreestuneœuvredefiction.Lesnomspropres,lespersonnages,leslieux,lesintrigues,sontsoitlefruitdel’imaginationde l’auteur, soit utilisés dans le cadre d’uneœuvre de fiction.Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou décédées, des entreprises, desévénementsoudeslieux,seraitunepurecoïncidence.HARLEQUIN,ainsiqueHetlelogoenformedelosange,appartiennentàHarlequinEnterprisesLimitedouàsesfiliales,etsontutiliséspard’autressouslicence.
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