Reportage-photo "Regard neuf sur Gaza"
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Bienvenue à Gaza !
Il est tellement difficile de rentrer dans Gaza que, forcément, la visite d’étrangers ne passe pas inaperçue…
On trouve très peu d’animaux de compagnie chez les Gazaouis. Ni chats, ni chiens. Mais des oiseaux en cage, oui. Etrange métaphore de la vie à Gaza.
Gaza. Symbole de l’enfermement. Il faut s’imaginer un endroit du monde où les vacances sont synonymes d’ennui. A Gaza, être en vacances, c’est ne pas pouvoir aller au cinéma depuis que les islamistes ont décrété le 7ème art contraire aux bonnes moeurs ; c’est ne pas pouvoir se baigner dans une mer polluée par les égouts d’Israël ; c’est l’impossibilité d’être dépaysé, ne pas pouvoir sorQr de ce territoire de 40 kilomètres sur 6 que l’on connaît déjà par coeur. Des murs. Partout, des murs. AZendre que le temps passe, et les fasse s’écrouler.
La mer. Tout à la fois seul lieu
de loisirs pour les Gazaouis et barrière infranchissable qui
nourrit bien des fantasmes.
Parce que Gaza n’a pas les moyens de construire une usine de traitement des déchets, nombreuses sont les plages qui font office de décharge à ciel ouvert. Coincée entre des eaux polluées par les égouts qu’Israël y déverse et des tas d’ordures isalubres, la plage reste, faute de mieux, le lieu de loisirs préféré des Gazaouis.
Les pêcheurs de Gaza. Une acQvité à risques. Malgré une zone de pêche définie par les accords d'Oslo à 20 milles marins, ceZe distance est sans cesse changée, de manière unilatérale et kabaïenne par Israël.
Lors de notre séjour, ceZe distance avait été ramenée à 3 milles marins. Or il n'y a quasiment rien à pêcher à 3 milles marins des côtes. À peine quelques sardines, celles qui n'ont pas encore compris qu'un peu plus loin la
vie est belle. Au loin, les "gunships" israéliens marquent matériellement une fronQère mouvante et terrifiante. Nombreux sont les récits de pêcheurs bombardés pour s'être approchés un peu trop près des profondeurs où ils avaient encore le droit de pêcher la veille, sur leurs peQtes barques qu'Israël leur confisque après les avoir fait se déshabiller et regagner la rive à la nage. Une embarcaQon qu'ils devront racheter à Israël pour espérer
conQnuer à travailler. Jusqu'à la prochaine fois. Un pêcheur palesQnien nous racontait ainsi qu'il avait déjà racheté son bateau 4 fois et ne pourrait pas le faire une cinquième.
En arrivant au pouvoir, le Hamas a imposé la non-‐mixité dans les écoles dès l’âge de 9 ans. Dans quelques années, ces jeunes filles seront également contraintes à porter le voile.
En dépit de ça, l’éducaQon des filles reste une priorité à Gaza.
A Gaza, les femmes s’organisent et s’entraident pour pouvoir travailler. Nous sommes dans les locaux d’une coopéraQve agricole qui n’accepte que les femmes. Sur la table, un tas de zaatar, délicieuse épice
du Moyen-‐Orient.
Derrière ceZe femme, au-‐dessus de son épaule, le trou dans la tôle qu’une balle a
laissé en venant se figer dans le mur derrière moi, lors de l’opéraQon Plomb
Durci en 2008.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, Gaza est une terre ferQle, autrefois surnommée “grenier à grains de l’empire romain”. Malgré le nombre croissant de ses habitants et la raréfacQon des terres agricoles, Gaza
produit certains aliments en quanQté supérieure à ce qu’elle consomme. Elle gagnerait à exporter ses marchandises, si Israël n’empêchait pas tout commerce avec l’extérieur qui ne passe par elle.
Le jardin familial. On y culQve un peu de tout, notamment de la menthe en quanQtés astronomiques pour parfumer ce thé délicieux que l’on boit en toutes circonstances et à toute
heure de la journée.
Courir. Le sport reste pour beaucoup de jeunes Gazaouis un moyen d’évasion. Courir et se senQr pousser des ailes…
… pourtant, à l’arrivée, le jeune vainqueur de la course du jour est incapable de se réjouir de sa victoire. Il se laissera photographier avec sa médaille, mais sans jamais se déparQr de ceZe expression grave. Que se passe-‐t-‐il dans sa tête à ce moment-‐là ?
Certains enfants, traumaQsés entre autres par les bombardements, s'avèrent incapables de sourire, s'accrochant à leurs jouets comme à une bouée de sauvetage.
Une nouvelle ludothèque vient d'ouvrir à Khan Younes, grâce à l’aide d’Evry PalesQne. Une vraie bouffée d'air frais pour les enfants. Ici, une parQe endiablée de chaises musicales.
Les rires joyeux qui s’échappent de la ludothèque aurent vite d'autres enfants.
Partout, l’innocence de l’enfance…
… et partout, les sQgmates de la guerre.
Ici, l’aéroport internaQonal Yasser Arafat, détruit par Israël en 2002.
Quelqu’un me dit : “les Gazaouis ont vu
tellement de morts qu’ils connaissent le
sens de la vie.”
Saisissant paradoxe que ceZe irrépressible joie de vivre au milieu des
décombres.
Le drapeau palesQnien. Le V de la victoire de Yasser Arafat. Et des chants de luZe fesQfs. L’enthousiasme sans faille de Gaza la résistante…
L’intensité, la maturité, la lucidité du regard des enfants de Gaza me transperce…
On dit qu’il n’y a pas une famille à Gaza qui n’ait perdu un ou plusieurs de ses membres sous une bombe ou une balle israélienne. Les garçons se retrouvent parfois propulsés chefs de famille bien
avant l’âge.
Mahmoud me raconte qu'il a perdu deux frères. En 2002, son grand frère Mohamed est mort dans un bombardement israélien. Peu après, ses parents ont eu un autre enfant à qui ils donnèrent le même nom. Le peQt Mohamed sera tué en 2009 lors de l'opéraQon Plomb Durci.
Lorsque je demande à ceZe réfugiée de 1948 si je peux photographier sa maison, elle me répond : “Prends autant de photos que tu veux. Mais souviens-‐toi que ce n’est pas ma maison. Ma maison m’aZend depuis 1948 de l’autre côté du
mur.” Et me montrant l’enfant qu’elle Qent dans les bras : “Un jour, il retrouvera notre maison, inch’allah.”
Dans les camps de réfugiés, la densité est telle que les familles s’entassent dans les logements. Pour se faire une idée, le camp
de réfugiés de Khan Younes compte plus de 75.000
habitants sur 2kms carrés.
Ici, ce garçon pose à côté du lit de ses grands-‐parents, installé dehors sous un préau en tôle
parce que toutes les chambres à l’intérieur sont occupées.
Difficile retour. C’est la gorge serrée que nous laissons Gaza derrière nous. Des amiQés se sont créées, des liens qui rendent d’autant plus difficile notre retour à la vie quoQdienne. Nos nouveaux amis nous envient de pouvoir parQr si facilement, eux qui, pour la plupart, n’ont jamais pu sorQr de la bande de Gaza et de ses
difficultés.