Religions et sociétés (Jean-Marc Aveline)

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1 Institut catholique de la Méditerranée Session nationale de l’enseignement catholique Pluralité religieuse et citoyenneté : éduquer à la paix Religions et sociétés Mesdames, Messieurs, chers amis, Je tiens tout d’abord à remercier les organisateurs de cette session pour leur aimable invitation. La contribution qui m’a été demandée est placée sous un titre très large, « Religions et sociétés », mais j’ai bien noté qu’elle devait s’inscrire dans le thème plus précis qui nous a été proposé : « pluralité religieuse et citoyenneté : éduquer à la paix ». Après avoir quelque peu hésité sur la façon de me saisir d’un tel thème, j’ai finalement décidé, à mes risques et périls, de vous proposer un petit parcours en deux temps. Je voudrais d’abord relire avec vous quelques-unes des grandes mutations du rapport au religieux qui ont marqué notre histoire européenne et qui comptent à mes yeux dans la façon dont s’articulent aujourd’hui religions et sociétés. Je voudrais ensuite tenter de dégager de cette relecture quelques-unes des répercussions qu’ont eues ces mutations sur les pratiques éducatives et enseignantes. Au-delà de la question de l’enseignement du fait religieux à l’école, j’aimerais ainsi ouvrir un débat sur ce que pourrait signifier d’éveiller à la dimension religieuse de la vie dans la société d’aujourd’hui, ce qui devrait pouvoir apporter une contribution au thème de notre session : éduquer à la paix.

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"Religions et sociétés" (Jean-Marc Aveline) Session nationale de l'Enseignement Catholique sur l'enseignement du fait religieux. http://icm.catholique.fr

Transcript of Religions et sociétés (Jean-Marc Aveline)

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Institut catholique de la Méditerranée

Session nationale de l’enseignement catholique

Pluralité religieuse et citoyenneté : éduquer à la paix

Religions et sociétés

Mesdames, Messieurs, chers amis,

Je tiens tout d’abord à remercier les organisateurs de cette session pour leur aimable

invitation. La contribution qui m’a été demandée est placée sous un titre très large,

« Religions et sociétés », mais j’ai bien noté qu’elle devait s’inscrire dans le thème plus précis

qui nous a été proposé : « pluralité religieuse et citoyenneté : éduquer à la paix ». Après avoir

quelque peu hésité sur la façon de me saisir d’un tel thème, j’ai finalement décidé, à mes

risques et périls, de vous proposer un petit parcours en deux temps.

Je voudrais d’abord relire avec vous quelques-unes des grandes mutations du rapport au

religieux qui ont marqué notre histoire européenne et qui comptent à mes yeux dans la façon

dont s’articulent aujourd’hui religions et sociétés. Je voudrais ensuite tenter de dégager de

cette relecture quelques-unes des répercussions qu’ont eues ces mutations sur les pratiques

éducatives et enseignantes. Au-delà de la question de l’enseignement du fait religieux à

l’école, j’aimerais ainsi ouvrir un débat sur ce que pourrait signifier d’éveiller à la dimension

religieuse de la vie dans la société d’aujourd’hui, ce qui devrait pouvoir apporter une

contribution au thème de notre session : éduquer à la paix.

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1. Les mutations du rapport au religieux

Je m’en tiendrai pour cette petite enquête, mais c’est déjà énorme, à notre contexte

européen et je vais oser réduire cette première partie à quelques notes prises rapidement, « à

grandes enjambées », avant de revenir à un rythme de « petite foulée » pour la seconde partie,

plus importante à mes yeux pour notre débat. Mais il faut souvent commencer par relire

l’histoire, dont les leçons sont souvent utiles même si les plats ne repassent pas deux fois ! Je

résumerai mon propos en trois verbes : affranchir (ce fut l’objectif de l’humanisme dans la

relation entre société et religion) ; relativiser (ce fut la critique des Lumières contre toute

prétention religieuse à l’absoluité) ; traduire (c’est le souci de plusieurs philosophes

contemporains à l’égard des religions dans des sociétés devenues post-séculières).

Humanisme et religion : affranchir

L’humanisme et un mouvement de pensée qui s’est développé en Italie pendant la

Renaissance et qui s’est développé en France à partir du XVIe siècle. Fortement influencé par

les penseurs byzantins émigrés dans la péninsule italienne après la chute de Constantinople en

1453, il repose sur une « foi » rationnelle en la valeur et la dignité de l’homme, après des

siècles de conflits non seulement entre chrétiens et musulmans, mais aussi entre chrétiens

eux-mêmes dans l’Empire byzantin, conflits qui mettaient en évidence le fait que pour

éduquer à la paix (pour reprendre le titre de notre session) il n’était peut-être pas judicieux

d’enseigner la religion !

Ce moment historique qui commence au milieu du XVe siècle est corrélatif de l’Europe

que nous connaissons aujourd’hui. En écho à la culture venue de Byzance, les humanistes de

la Renaissance sont d’abord désireux de remettre à l’honneur les auteurs grecs et latins, la

philosophie, la littérature et l’art de l’Antiquité classique.1 Peu à peu, mettant à profit la

découverte des auteurs profanes de l’Antiquité, ils appliquent leur science érudite à la lecture

de la Bible en hébreu et en grec et s’affranchissent de la lecture scolastique des textes sacrés,

avec ses gloses infinies que raille par exemple Érasme dans l’Éloge de la folie.

Au début, la première culture humaniste n’entend pas rompre avec la culture chrétienne,

mais plutôt la servir, au sens où l’eruditio, grâce à l’accès renouvelé qu’elle permet aux textes,

1 On pourrait comparer avec l’entreprise intitulée Bayt al-hikma, sous les califes abbassides à Bagdad, entre 830

et 1250 environ.

3

encourage et soutient la pietas, c’est-à-dire le désir de Dieu. Mais très vite, cette nouvelle

culture dite « classique » tendra à évincer la culture religieuse qui jusque-là dominait, l’étude

philologique des textes rendant peu à peu inutiles les explications et commentaires des

docteurs scolastiques. Autrement dit, l’humanisme établit que l’homme dispose par lui-même

des moyens de s’affirmer positivement sans le secours d’autorités extérieures, surtout pas

religieuses.

Dès lors, l’hostilité entre humanisme et religion se fera d’autant plus radicale que viendra

se greffer sur cette distinction, dès le XVIe siècle, une scission à l’intérieur même du

christianisme latin entre les « papistes » et les « réformés », entre catholicisme et

protestantisme, ce dernier trouvant finalement dans l’humanisme, malgré les réserves de

Luther à l’égard d’Érasme, un allié objectif non négligeable.2 Mais il importe de noter que cet

humanisme, s’il est anticlérical, n’est pas antireligieux. Que ce soit chez Érasme, Thomas

More ou Guillaume Budé, l’érudition, l’amour des lettres, est encore au service de la religion,

d’une religion purifiée, d’une piété intérieure recentrée sur l’essentiel, affranchie des pouvoirs

dogmatiques qui en ont provoqué la dérive et que Luther dénoncera.

Il serait trop long, bien que sans doute fort intéressant, de poursuivre la relecture des liens

entre humanisme et religion, liens qui se complexifieront dès le XVIIe siècle, avec notamment

le conflit entre un humanisme libertin et rationaliste, opposé à un humanisme dévot qui fut le

creuset d’un renouvellement profond de la spiritualité chrétienne sur lequel, d’une certaine

manière, on vit encore aujourd’hui. Ces brèves indications suffisent néanmoins à mettre en

évidence pour notre propos deux éléments : d’abord, que l’Europe présente, par rapport à

d’autres ensembles civilisationnels, cette particularité d’être riche non seulement en religion

mais aussi en questionnement critiques par rapport à la religion, avec une dialectique

constante entre la foi et le doute, entre la croyance et la raison, ce qui laisse d’ailleurs penser

que l’opposition trop usitée entre croyants et non-croyants n’est pas théologiquement

pertinente ; ensuite qu’une éducation qui s’inscrit dans le patrimoine de notre histoire

européenne peut trouver dans cette histoire même ce qui valorise l’affranchissement par

rapport aux pouvoirs religieux lorsque ces pouvoirs nuisent à la dignité de l’homme. C’est la

vérité profonde de l’humanisme et c’est en ce sens qu’éduquer à la paix passe sans doute par

une éducation à la liberté religieuse.

2 On ressent encore aujourd’hui les effets de cette césure dans la façon dont catholiques et protestants se situent

par rapport à la laïcité.

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Lumières et religion : relativiser

Je dois ici préciser que je prendrai les Lumières non pas tellement dans leur moment

français de Diderot et de Voltaire, que l’on pourrait situer comme une suite logique du

développement de l’humanisme, mais plutôt dans leur moment allemand de Kant et de Hegel,

appelé plus précisément Aufklärung, lui-même d’ailleurs précédé puis accompagné par la

Haskala juive, avec notamment Moses Mendelsohn. Ce qui m’intéresse ici, dans cette brève

enquête, c’est de repérer l’impact du développement scientifique de l’histoire sur le problème

de la relation entre religions et sociétés.

C’est au XIXe siècle que l’on assiste au développement scientifique de l’histoire et que

prend naissance une discipline nouvelle que l’on appelle « l’histoire des religions », qui

s’édifie surtout en Allemagne à la faveur de l’accroissement des connaissances ethniques,

archéologiques ou anthropologiques sur le fait religieux dans l’ensemble des cultures du

monde. Et cela remet peu à peu en question la prétention des religions à se considérer elles-

mêmes comme absolues. À l’instar de tout phénomène historique, ne doivent-elles pas se

contenter d’être relatives, connaissant un début et une fin et n’ayant de valeur que

relativement à une culture et à une époque ?

On doit au théologien protestant Ernst Troeltsch (1865-1923) d’avoir le premier cherché à

relever théologiquement ce nouveau défi. Néanmoins, la question a aussi agité les milieux

catholiques, bien que le contexte de ce qu’on appela plus tard la crise moderniste qui sévit à la

jointure entre le XIXe et le XX

e siècle, en ait retardé l’expression. Mais j’aimerais au moins

rappeler que le jésuite Léonce de Grandmaison qui fut en 1910 le fondateur des Recherches

de science religieuse, alors qu’il dirigeait déjà la prestigieuse revue des Études, connaissait et

appréciait les travaux de Troeltsch.

Que disait donc Troeltsch ? Ceci, déjà en 1898 : « Seul celui qui parcourt rapidement

l’histoire des religions simplement du point de vue de l’apologétique, comme un chasseur à

l’affût des évidences de l’infériorité des religions autres que le christianisme, seul celui-là

peut rentrer chez lui, après ses expéditions, avec son supranaturalisme intact. »3 Puis, en 1901,

une grande conférence prononcée à Mühlacker, dans laquelle il montrait que s’il était

nécessaire que le christianisme renonce à sa prétention d’absoluité, cela ne portait cependant

pas préjudice au besoin de certitude nécessaire à la conscience croyante.

3 Ernst TROELTSCH, « Geschichte und Metaphysic », Zeitschrift für Theologie und Kirche 8 (1898), p. 1-69 ; ici p.

52.

5

En effet, de quoi celle-ci a-t-elle besoin ? D’une part, d’être sûre que c’est bien de Dieu

qu’elle fait l’expérience dans la religion qu’elle pratique ; d’autre part, d’avoir la certitude de

ne pouvoir trouver ailleurs une meilleure voie religieuse que celle sur laquelle elle est engagée.

Or, pour que ce besoin de certitude soit rempli, il suffit que soit reconnue au christianisme

non pas une absoluité mais simplement une validité. Pour Troeltsch, la différence tient en

ceci : l’absoluité est décrétée dogmatiquement, de l’intérieur même d’une religion, a priori,

sans tenir compte du fait qu’il existe d’autres prétentions à la vérité que la sienne ; la validité

est reconnue historiquement a posteriori, après comparaison objective entre les différentes

propositions religieuses. Se lançant donc dans une étude comparée des religions avec les

moyens dont il disposait à l’orée du XXe siècle, Troeltsch parvenait à montrer à la fin de cette

conférence que, parce qu’il était une « religion personnaliste de rédemption », le christianisme,

après avoir été mis en comparaison avec les autres religions existantes, pouvait se voir

attribuer une Höchstgeltung, c’est-à-dire une validité suprême.

Mais quelque vingt ans plus tard, en mars 1923, pour une conférence qu’il ne prononça pas

à cause d’une embolie pulmonaire qui l’emporta le 1er

février, Troeltsch avait rédigé un texte

dans lequel il reconnaissait que des études plus approfondies sur les autres religions ainsi

qu’une réflexion plus aiguë sur le lien entre religion et culture l’avaient conduit à estimer que

le critère personnaliste dont il s’était servi pour comparer les religions du monde en 1901 était

peu fiable pour une telle comparaison puisqu’il était lui-même issu d’une culture imprégnée

du christianisme. Il n’était donc pas étonnant que l’usage d’un tel critère aboutît à conférer à

la religion dont il était issu la Höchstgeltung qu’il lui avait décernée.

Par honnêteté, Troeltsch proposait donc de n’attribuer au christianisme qu’une « validité

relative » : le christianisme est la religion qui est valide pour nous et jusqu’à présent.

Troeltsch n’excluait pas que les relations entre les religions pourraient leur permettre de

développer chacune le meilleur de leur spécificité et que pourrait ainsi s’établir entre elles une

fécondation réciproque de grand intérêt pour leurs membres. Quant à leurs différences, mieux

valait laisser à Dieu le soin de décider de leur signification. À la fin de la conférence de 1923,

il écrivait : « Qui oserait se prononcer de manière définitive sur la validité des prétentions à la

vérité des différentes religions ? Seul Dieu, qui a déterminé ces différences, peut faire cela. »4

Si j’ai accordé autant d’importance à Troeltsch, c’est au moins pour deux raisons en

rapport avec notre thème. D’abord parce qu’il me semble que nombre de nos contemporains,

4 Ernst TROELTSCH, Christian Thought : its History and Application, éd. Friedrich von Hügel, Londres, 1923, p.

27.

6

sans même qu’ils n’aient jamais lu Troeltsch, sont habités par les questions qu’il a tenté de

résoudre. Même si les solutions qu’il a proposées restent théologiquement discutables, il n’en

reste pas moins que c’est avec lui que commence l’édification d’une problématique en

théologie chrétienne à propos de la pluralité religieuse. Or il n’y a pas d’éducation à la paix

qui puisse faire l’économie d’une prise au sérieux de la pluralité des religions et de la

légitimité de leurs prétentions à la vérité. Ensuite parce que dans l’Europe d’aujourd’hui, cette

critique des prétentions à l’absoluité s’impose également aux religions dont le nombre des

fidèles au sein de la population européenne s’est accru au cours du XXe siècle. On vantera le

bouddhisme à cause de la prétendue absence chez lui de cette revendication d’absoluité ; et on

craindra l’islam à cause de la prétendue impossibilité pour lui de se satisfaire d’une telle

relativisation. Et ces préjugés pèsent lourdement sur le rapport entre pluralité religieuse et

citoyenneté dans le contexte d’aujourd’hui.

Sécularisation et religions : traduire

J’ai eu l’occasion, à la faveur de plusieurs séminaires de recherche que j’ai dirigés sur ce

sujet, de suivre l’évolution de la pensée du grand philosophe allemand Jürgen Habermas sur

la place des religions dans l’espace public, depuis sa thèse de philosophie sur Schelling

jusqu’à ses derniers ouvrages sur la démocratie, en passant par son intérêt pour les penseurs

juifs allemands qui contribuèrent grandement au passage d’un messianisme religieux à un

messianisme séculier, de Franz Rosenzweig à Ernst Bloch et Theodor Adorno, puis par sa

construction d’une théorie de l’agir communicationnel, recueillant auprès de Max Weber et de

George-Herbert Mead l’héritage du potentiel de communication jadis inclus dans l’agir rituel

afin de poser les bases d’une théorie sociale pouvant garantir dans une société séculière et

démocratique le principe et la méthode d’une communication la moins déformée possible.

Or voici que depuis quelques années, Habermas inscrit dans son axe de travail la question

du rôle des religions dans l’espace public, rôle que les sociétés post-séculières ne peuvent plus

négliger, non pas parce que ces religions, soudainement revigorées, entameraient un nouveau

rapport de force dont il faudrait que les sociétés post-séculières se protègent, mais plutôt, à

l’inverse, parce que ces sociétés auraient tort de laisser disparaître les ressources sapientielles

et anthropologiques dont les religions sont porteuses, ressources sans lesquelles ces sociétés

seraient menacées de déshumanisation. Dans la ligne de ses magistrales études sur le rapport

entre connaissance et intérêt et sur les bienfaits ou les méfaits de l’idéologie de la science et

7

de la technique, Habermas en vient aujourd’hui à plaider en faveur d’une appropriation en

langage séculier des contenus sémantiques véhiculés par les religions, cette traduction

séculière des ressources anthropologiques religieuses étant de la responsabilité de tous les

citoyens, qu’ils appartiennent ou non à une tradition religieuse déterminée. L’urgence est

grande, explique Habermas, dans la mesure où les démocraties actuelles ont de plus en plus

de mal à pouvoir s’appuyer sur des convictions partagées.

Habermas n’est pas le seul philosophe à tenir aujourd’hui ce genre de discours : John

Rawls [1921-2002] (avec ses réflexions sur la raison publique), Charles Taylor (avec A

secular Age, paru en 2007) ou encore Jean-Marc Ferry (avec ses ouvrages sur l’éthique

reconstructive), alimentent un débat qui prend progressivement de l’ampleur, même si, en

France surtout, il gêne les tenants d’un laïcisme étroit qui ne comprennent pas qu’un auteur

comme Habermas, chef de file de la deuxième génération de l’École de Francfort, héritière de

Karl Marx et de Max Weber, en vienne à se fourvoyer avec ces questions religieuses d’un

autre temps qu’ils espéraient révolu ! Pourtant, le tome II des Pensées postmétaphysiques,

déjà publié par Habermas en Allemagne et dont une traduction française devrait sortir à

l’automne prochain, apportera encore bien des éléments sur cette question, après l’imposant

Prologue de l’ouvrage Entre naturalisme et religion. Les défis de la démocratie, consacré à

une relecture suggestive de la philosophie kantienne de la religion appliquée aux évolutions

de la dimension religieuse dans les sociétés occidentales.5

Alors que pendant longtemps la pensée occidentale s’originant dans les Lumières a pu

considérer que l’évolution irréversible de la raison devait signer l’arrêt, à plus ou moins long

terme, de l’influence et même de l’existence des religions, l’on s’interroge désormais, non

plus sur le démenti qu’aurait pu infliger à ce diagnostic ce que l’on a pendant un temps appelé

le « retour du religieux », retour dont on s’aperçoit aujourd’hui qu’il n’était qu’une écume

trompeuse alors que progressait inexorablement la lame de fond de la sécularisation, mais

plutôt sur la meilleure façon de récupérer, sous la coque parfois craquelante des religions, les

indices d’une composante anthropologique indispensable à l’être humain, et qu’il paraît

désormais urgent de traduire en langage séculier, si l’on veut éviter que le confinement des

religions dans la sphère privée ne se solde par une redoutable déshumanisation de la société

tout entière.

En effet, le problème n’est plus seulement de lutter contre l’obscurantisme religieux, même

s’il convient de rester vigilant, car de son côté, la raison moderne, délivrée de la tutelle de la

5 Jürgen HABERMAS, Entre naturalisme et religion. Les défis de la démocratie, Paris, Gallimard, 2008.

8

religion, s’est elle aussi révélée vulnérable à de multiples pathologies et tend à « sortir des

rails », comme le dénonçait déjà Eric Voegelin à propos de l’historicisme, du scientisme et du

totalitarisme, tous trois engendrés par la raison séculière.6 D’où la question posée par

Habermas à l’orée de sa relecture de Kant : comment est-il possible « de s’approprier

l’héritage sémantique des traditions religieuses sans effacer la frontière qui sépare les univers

de la foi et du savoir » ?7 Question qui rejoint directement les préoccupations de ceux qui

s’interrogent sur les modalités de l’enseignement du fait religieux à l’école et qui en même

temps, déplace et enrichit ce questionnement.

À l’interprétation classique du texte kantien, insistant sur la critique de la religion par la

philosophie, il faut ajouter, plaide Habermas, une perspective constructive, qui consiste à

« renvoyer la raison aux sources religieuses pour que la philosophie puisse y trouver en retour

une sollicitation et dès lors en apprendre quelque chose ».8 Habermas est attentif au fait que

Kant « cherche à trouver par la raison une posture équivalant à celle que permet la foi – à

l’habitus cognitif du croyant » : « ce que veut Kant, ce n’est donc pas, en premier lieu,

récupérer les contenus religieux par la voie conceptuelle, mais intégrer à la raison le sens

pragmatiste propre à la modalité religieuse de la foi ».9

Dès lors que la philosophie, chez Habermas et bien d’autres auteurs, en vient à

entreprendre une telle appropriation critique du contenu religieux, il importe que la théologie,

en débat avec elle, s’efforce de contribuer à ce travail de traduction tout en faisant valoir la

pertinence de sa propre herméneutique confessante de la signification anthropologique de la

démarche religieuse. C’est avec cette préoccupation, qui ouvre sur la question fondamentale

« qu’est-ce que croire ? », que je voudrais maintenant aborder la deuxième partie, plus brève,

de mon propos, dont j’avais annoncé qu’elle s’efforcerait d’ouvrir un débat, au-delà de la

question de l’enseignement du fait religieux à l’école, sur ce que pourrait signifier l’éveil à la

dimension religieuse de la vie dans la société d’aujourd’hui.

6 Ibid., p. 14.

7 Ibid., p. 14.

8 Ibid., p. 18.

9 Ibid., p. 27.

9

2. Éduquer à la dimension religieuse de la vie

Affranchir, relativiser et traduire : tels furent les trois verbes par lesquels j’ai essayé de

décrire les principales mutations du rapport au religieux dans l’histoire de l’Europe. Je

voudrais maintenant repartir de la question à laquelle nous sommes parvenus en lisant

Habermas : dès lors que la philosophie cherche à traduire en langage séculier les contenus

religieux, comment la foi peut-elle faire valoir, dans ce débat, la pertinence de sa propre

herméneutique confessante de la signification anthropologique de la démarche religieuse.

Cela revient à se poser la question : qu’est-ce que croire dans la société d’aujourd’hui ? Ou

bien, en d’autres termes, plus proches des préoccupations de cette session : qu’est-ce

qu’éduquer à la dimension religieuse de la vie ? Pour lancer le débat, je voudrais proposer

deux éléments de réponse à cette question : il s’agit d’une part d’éduquer à la résistance,

d’autre part d’éduquer à la symbolique.

Éduquer à la résistance

On l’a dit tout-à-l’heure : l’Europe n’est pas seulement riche en religions, elle est riche en

questionnements critiques sur le religieux, en conflits plus ou moins violents entre pouvoirs

temporels et pouvoirs spirituels. L’Europe, c’est aussi la terre des déchirures du christianisme,

éclaté en orthodoxie, protestantisme et catholicisme, pour ne prendre que les principales

familles. Le théologien sait que beaucoup de sang a coulé sur les terres de l’Europe au nom de

Dieu et des religions ! Il sait aussi que l’Église a mis du temps à renoncer au pouvoir qui était

le sien au temps de la chrétienté. Y a-t-elle d’ailleurs totalement renoncé encore aujourd’hui ?

Je désigne par « chrétienté » non pas le christianisme en tant que phénomène religieux,

mais une organisation de la société régie par la religion chrétienne. La chrétienté, c’est le

régime qui prévalut en Europe lorsque, pendant plusieurs siècles, le glaive et le goupillon

furent unis, lorsque le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel étaient mêlés, chacun voulant

avoir la primauté sur l’autre, depuis la querelle entre Philippe le Bel et Boniface VIII. Même

la Réforme protestante, sur ce point, n’a pas changé fondamentalement la donne, accentuant

même, dans un souci d’indépendance face à la papauté, l’imbrication entre le prince et la foi,

propulsant en Europe le cujus regio, eius religio au rang de principe d’élargissement des

frontières de la sphère d’opposition à la papauté.

10

Il fallut donc attendre encore quelques siècles après la Réforme pour qu’apparaissent de

nouvelles interrogations théologiques qui me paraissent être de nature à pouvoir apporter une

contribution à notre débat d’aujourd’hui. Elles se sont développées après le traumatisme des

deux guerres mondiales qui montrèrent à l’humanité tout entière non seulement que le passé

chrétien des peuples ne les garantissait pas contre la barbarie, ce qui devrait rendre plus

humbles les théories religieuses sur l’importance des racines chrétiennes de l’Europe, mais

aussi que les idéologies anti-religieuses étaient au moins aussi barbares que les pires

déformations des religions dont elles prétendaient délivrer, ce qui devrait rendre plus humbles

les théories sociales sur les bienfaits du laïcisme.

Éduquer à la dimension religieuse de la vie, c’est suggérer une certaine humilité dans la

façon de concevoir la relation entre religions et sociétés, humilité qui devrait permettre de

dépasser les préjugés qui enferment et d’éviter les instrumentalisations réciproques. La

religion n’est pas réductible à un vecteur de la paix sociale, comme on voudrait nous le faire

croire quelquefois. Nous savons bien que, sur ce registre, même le dialogue interreligieux

peut être ambigu, s’il n’est pas autre chose que ce que les pouvoirs publics voudraient que les

religions fassent pour concourir à cette paix sociale qu’ils n’arrivent plus à assurer par eux-

mêmes. Une théologie qui ne serait pas suffisamment attentive à cette ambiguïté risquerait de

perdre la distance et la liberté qui lui permettent de dire autre chose que ce qu’il est de bon ton

de dire, dans l’espace feutré du « politiquement correct », lorsque la religion se fait plus

prompte à jouer le rôle d’utilité sociale qu’on veut bien lui concéder qu’à remplir

courageusement la mission prophétique et critique qui lui incombe.10

En outre, ce que l’on appelle dans nos sociétés « tolérance » peut prendre la forme d’une

subtile idéologie qui relativise les messages religieux au prétexte que le meilleur combat

contre l’intolérance consisterait à décréter une neutralité de la société civile, cantonnant la

religion à la sphère privée ou ne « tolérant », comme expressions publiques, que celles qui

tendent à montrer que « tout se vaut » ! On se souviendra du fait que ni les juifs ni les

chrétiens, à l’aube de notre ère, ne purent coïncider avec les religions qui, dans l’Empire

romain, pouvaient être assimilées, les dieux des uns étant interchangeables avec les dieux des

autres et pouvant même se compléter dans de grands panthéons ! Les paroles adressées aux

dieux devaient pouvoir se côtoyer sans problème selon le préjugé qu’elles étaient, finalement,

équivalentes. J’ai parfois l’impression que la pensée dominante d’aujourd’hui a quelque chose

10

J’ai pu développer ces thèmes lors d’un récent colloque à l’Université de Nantes, dans le cadre de la Chaire de

philosophie de l’Europe, dont le titulaire, Jean-Marc Ferry, est un ardent défenseur de la mise en valeur du

potentiel critique des religions dans l’espace public.

11

à voir avec les présupposés de cette époque et que pour éduquer à la paix, il faut résister à

cette idéologie de la tolérance !

Mais il est d’autres résistances à mettre en œuvre, en particulier par rapport à tout ce qui

nuit à l’intériorité qui est l’une des caractéristiques les plus importantes de l’être-homme.

Éduquer à la dimension religieuse de la vie, c’est aussi éduquer à l’intériorité. Or il me semble

que l’homme d’aujourd’hui souffre tout particulièrement d’une réelle atrophie de sa

dimension de profondeur, une « dimension oubliée »11

ou même refoulée par les diverses

idéologies qui convoitent le monde au mépris de l’humain. Nié dans son identité la plus

profonde, savamment anesthésié par des divertissements qui éteignent en lui la potentialité

critique de sa liberté et la force de son désir de vivre, l’être humain semble être devenu une

chose parmi les choses, un simple objet dont la seule utilité est de pratiquer le culte de la

consommation devant l’idole invisible des « marchés ».

La crise que nous connaissons de nos jours montre l’étendue désastreuse de cette idolâtrie

à laquelle il est urgent de résister avec persévérance. Or ce que signifie, au sens large, la

religion, désigne cette dimension de profondeur qui caractérise tout être humain aux prises

avec les questions de la vie. Bien des gens se sentent étrangers à toute religion concrète

précisément parce qu’ils ne trouvent pas, dans la façon dont leur sont présentés les messages

de ces religions, de quoi assouvir leur quête à propos du sens de la vie. Car pour nombre de

nos contemporains (et c’est un grand défi pour l’Église aujourd’hui), le vocabulaire et les

symboles des discours religieux semblent ne plus avoir aucun lien avec leur propre soif

spirituelle.

Souvent, c’est vers la culture que le sens des symboles cherche à émigrer. Peut-être parce

que la culture est une façon de donner forme à la profondeur de l’humain. Est-il besoin

d’ajouter que, de même que l’abondance du vocabulaire religieux n’est pas le meilleur indice

de la sainteté, de même les motifs religieux ne sont pas nécessaires pour que s’exprime dans

l’art la question religieuse du sens de la vie ? Bien des poètes, des dramaturges, des peintres,

des architectes, pourraient en témoigner !12

Souvent, c’est par leur créativité qu’ils résistent au

nivellement de la culture et expriment à leur façon la dimension religieuse de la vie. Cela

nous amène à ma deuxième proposition : éduquer à la symbolique.

11

Cf. Paul TILLICH, La dimension oubliée, Paris, Desclée de Brouwer, 1969. 12

Je renvoie en particulier au livre d’André GENCE, Sur la terre comme au ciel, Marseille, La Thune, 1997 et à

celui de François CHENG, Cinq méditations sur la beauté, Paris, Albin Michel, 2006.

12

Éduquer à la symbolique

Permettez-moi d’évoquer ici la pensée de Paul Ricœur, dont nous fêtons cette année le

centenaire de la naissance. On doit à Ricœur, entre de nombreuses autres choses, d’avoir

dénoncé l’illusion de transparence qui caractérise la philosophie réflexive qui a marqué

l’Europe depuis Descartes. Car en réalité, l’opération par laquelle un sujet prend connaissance

de soi n’est jamais immédiate : elle passe par de nombreuses médiations au travers desquelles

l’altérité configure l’identité. Cette altérité n’est pas seulement celle de la personne d’autrui ;

elle est aussi celle des signes, du langage, des symboles et des mythes, et même celle de

l’inconscient. Pour honorer l’intention de la philosophie réflexive, il faut dès lors accepter le

détour par l’herméneutique des symboles. Lecteur de Jean Nabert, mais aussi de Mircea

Eliade et de Rudolf Bultmann13

, Ricœur a montré qu’on ne saurait déchiffrer l’énigme de

l’humain, sans mener l’enquête, aussi loin que possible, dans le maquis des matériaux

mythiques et symboliques qui façonnent les cultures de l’humanité. La tâche de la philosophie

consiste alors à explorer rationnellement ce que « le symbole donne à penser » et la tâche

éducative consiste à ouvrir à la dimension symbolique de l’existence.14

C’est ainsi que Ricœur

mettra au jour les multiples facettes de la symbolique du mal, la riche et curieuse dialectique

entre le volontaire et l’involontaire, les relations toujours difficiles entre faillibilité et

responsabilité, et développera une grande et suggestive anthropologie de l’homme faillible.15

Pour se comprendre lui-même, le sujet doit donc accepter le long détour par

l’interprétation des signes, des symboles et des mythes qui forgent une culture : « avec Nabert,

écrit Paul Ricœur, je tiens ferme que comprendre est inséparable de se comprendre, que

l’univers symbolique est le milieu de l’auto-explication ; […] il n’y a pas d’appréhension

directe de soi par soi, pas d’aperception intérieure, d’appropriation de mon désir d’exister sur

la voie courte de la conscience, mais seulement par la voie longue de l’interprétation des

signes »16

. L’on sait bien que la question de l’identité constitue aujourd’hui l’un des défis

éducatifs majeurs auxquels nous sommes confrontés. Or, explique Ricœur : pas d’identité

réfléchie sans détour par l’altérité ; pas de « reconnaissance » de soi qui ne se découvre « soi-

13

Ricœur est l’auteur d’une Préface magistrale à la traduction française du livre de Rudolf BULTMANN, Jésus.

Mythologie et démythologisation, traduit par Florence Freyss, Samuel Durand-Gasselin et Christian Payot, Paris,

Éditions du Seuil, 1968 [1926]. 14

« Ce qu’il nous faut, c’est une interprétation qui respecte l’énigme originelle des symboles, qui se laisse

enseigner par eux, mais qui, à partir de là, promeuve le sens, forme le sens dans la pleine responsabilité d’une

pensée autonome » (Philosophie de la volonté, II : Finitude et culpabilité, Paris, Aubier, 1960, p. 481). 15

Philosophie de la volonté, Paris, Aubier, vol. I, 1949 ; vol. II, 1960. 16

Le conflit des interprétations. Essais d’herméneutique, Paris, Seuil, 1969, p. 169.

13

même comme un autre »17

. Et cette anthropologie de la reconnaissance a des conséquences

éthiques :

Le terme de reconnaissance me paraît beaucoup plus important que celui d’identité, autour

duquel le débat sur le multiculturalisme tourne la plupart du temps. Dans la notion d’identité, il

y a seulement l’idée du même ; tandis que la reconnaissance est un concept qui intègre

directement l’altérité, qui permet une dialectique du même et de l’autre. La revendication

d’identité a toujours quelque chose de violent à l’égard d’autrui. Au contraire, la recherche de la

reconnaissance implique la réciprocité.18

La reconnaissance, tout comme la paix, n’est pas complaisance réciproque. Elle apprend la

discussion entre des identités qui restent différentes mais peuvent s’enrichir mutuellement.

C’est dans cette perspective que Ricœur a forgé, dans sa fameuse trilogie Temps et récit, le

concept si éclairant d’« identité narrative » : en définitive, explique-t-il, répondre à la question

« qui suis-je ? », c’est raconter l’histoire d’une vie19

. L’anthropologie ricœurienne décèle ainsi

dans la capacité humaine à (se) raconter l’indice de la singularité d’un être qui, malgré la

brièveté, à l’échelle cosmique, de sa vie, est le seul à poser la question du sens :

[L’immémoriale sagesse] a toujours su la disproportion du temps que, d’un côté, nous

déployons en vivant et qui, de l’autre, nous enveloppe de toutes parts ; elle a toujours chanté la

brièveté de la vie humaine au regard de l’immensité du temps. Le vrai paradoxe est là : à

l’échelle cosmique notre durée de vie est insignifiante, et pourtant ce bref laps de temps où nous

paraissons sur la scène du monde est le lieu d’où procède toute question de signifiance.20

Je tiens que ce dialogue des identités narratives est la base de tout dialogue des fidélités à

des normes de foi différentes. C’est là l’un des plus sûrs chemins vers la paix et l’une des

voies les plus prometteuses pour le dialogue interreligieux, par-delà les questions doctrinales.

Conclusion

Après avoir rapidement parcouru, à l’aide de trois verbes, « affranchir, relativiser et

traduire », quelques-unes des mutations du rapport au religieux dans les sociétés européennes

au cours des derniers siècles, de la naissance de l’humanisme jusqu’à nos jours, j’ai essayé de

suggérer quelques incidences possibles de ces mutations sur les pratiques éducatives et

enseignantes, en soulignant notamment la nécessité d’une éducation à la résistance et celle

d’une éducation à la symbolique.

17

Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, 1990. 18

La critique et la conviction, op. cit., p. 96. 19

Temps et récit, Paris, Seuil, vol. I, 1983 ; vol. II, 1984 ; vol. III, 1985. 20

« Le temps raconté », Revue de métaphysique et de morale 1984 / 4, p. 440.

14

J’aimerais, pour conclure, revenir à Paul Ricœur, en cette année anniversaire, pour

recueillir la réponse qu’à la fin de sa vie, dans des Fragments publiés en 2007, deux ans après

sa mort, il donnait à la question que nous avons rencontrée vers la fin de notre traversée :

« qu’est-ce que croire ? » S’interrogeant sur ce que signifiait à ses yeux son attachement au

christianisme, il le définissait par une de ces formules lapidaires dont il avait le secret : « un

hasard transformé en destin par un choix continu ». Et voici comment il explicite cette

formule :

Un hasard : de naissance et plus largement d’héritage culturel. Il m’est arrivé de répliquer ceci à

l’objection : « si vous étiez chinois, il y a peu de chances que vous seriez (sic) chrétien. » Certes, mais

vous parlez d’un autre que moi. […] Ainsi suis-je, par naissance et héritage. Et je l’assume. […] C’est

cet héritage, indéfiniment confronté, au plan de l’étude, à toutes les traditions adverses ou compatibles,

que je dis transformé en destin par un choix continu. C’est ce choix dont je suis sommé de rendre

compte, ma vie durant, par des arguments plausibles, c’est-à-dire dignes d’être plaidés dans une

discussion avec des protagonistes de bonne foi, qui sont dans la même situation que moi, incapables

de rendre raison des racines de leurs convictions. […] Par ce mot de destin, je ne désigne aucune

contrainte, aucune charge insupportable, aucun malheur, mais le statut même d’une conviction, dont je

peux dire : ainsi je me tiens ; à cela j’adhère. […] Le terme adhésion [par lequel Chouraqui traduit

pistis, plutôt que par foi] est en outre approprié dans le cas du christianisme auquel… j’adhère et qui

comporte l’attachement à une figure personnelle sous laquelle l’Infini, le Très-Haut, se donne à

aimer.21

21

Paul RICŒUR, Vivant jusqu’à la mort, suivi de Fragments, Paris, Seuil, 2007, p. 99-102.