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Régulation de l’activité enzymatique
1. Allostérie et coopérativité
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Contrôle de l'activité enzymatique
La régulation de l'activité enzymatique se fait à deux niveaux :
1) long terme : régulation de la quantité d’enzyme par synthèse ou
dégradation (ou les deux)
2) court terme : modification des activités enzymatiques elles-mêmes
Contrôle de l'activité d'une enzyme
Les mécanismes principaux se résument en deux catégories :
1) mécanisme impliquant un changement dans la structure covalente d’une
enzyme
2) mécanisme modifiant la conformation de l’enzyme par la liaison réversible
de molécules régulatrices
Les mécanismes secondaires sont :
a) l’inhibition par des macromolécules spécifiques
Exemple : inhibition des protéases ; les macromolécules inhibitrices
agissent plutôt comme sous unités régulatrices que des antienzymes
b) la disponibilité de substrat ou cofacteur de l’enzyme
Ici la concentration intracellulaire des substrats d'enzymes est
fréquemment plus basse que leur constante Michaelis (KM)
par exemple : la [D-G3P] intracellulaire ~ 3 µM tandis que le KM
(GAPDH) ~ 70 µM donc la vitesse de la réaction dépend de
[D-G3P] par contre si la [substrat] > KM, des changements en
concentration du substrat ont peu d’effet
lorsque les concentrations intracellulaires des substrats sont comparées
afin de déterminer si elles représentent des concentrations saturantes, il est
important de noter que les concentrations des substrats peuvent varier de
façon considérable d’une organelle à l'autre dans la cellule
les membranes des organelles possèdent des perméabilités différentes et
par conséquent la distribution du métabolite peut être inégale d’une
organelle à l’autre
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c) l’inhibition par le produit de la réaction
l’accumulation du produit provoque l'inhibition de l’enzyme
d) les réactions catalysées non-enzymatiques
Dans certains cas, la vitesse des réactions catalysées non-enzymatiquement
peut être limitante
Exemple : la spécificité anomérique dans le métabolisme de carbohydrate ;
phosphofructokinase utilise exclusivement du β-anomère de F6P tandis
que la fructose-bisphosphatase agit exclusivement sur les α-anomères de
fructose bisphosphate (FBP)
Les vitesses d’anomérisation sont connues pour F6P et FBP et les calculs
suggèrent que α-F6P ⇌ β-F6P ne soit pas limitant pendant la glycolyse
cependant l’anomérisation de β-FBP ⇌ α-FBP peut être limitante pendant la
gluconéogenèse;
Plus spécifiquement, c’est la vitesse d’anomérisation de β-FBP α-FBP
qui est lente et rend cette réaction potentiellement limitante
α-F6P
fructose
bisphosphatase
phosphofructokinase aldolase
glucose β-F6P β-F1,6P <=====> triose-P
⇌
⇌
⇌ α-F1,6P pyruvate α-G6P
glucose-P
isomerase
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Contrôle de l’activité par modification covalente
Il y a deux cas : modifications réversibles et irréversibles
Modifications irréversibles
a) L’amplification du signal pendant l'activation coordonnée des protéases
pancréatiques où il s’agit d’une petite quantité d’entéropeptidase qui produit
rapidement une quantité plus importante de trypsine et qui à son tour produit
une quantité encore plus importante de protéases
b) Un autre exemple est la coagulation du sang où à la fin des processus
d’activation, les protéases sanguines sont dégradées à leur tour
Modification réversible
Il s’agit d’une interconversion entre deux formes possédant des propriétés
catalytiques différentes.
L’exemple classique est celui du glycogène phosphorylase qui catalyse
(Glycogène)n + Pi ⇌ (glycogène)n-1 + α-D-glucose-1-P
Il existe deux formes de cet enzyme :
a) la phosphorylase a qui est active en l’absence de l’AMP
b) la phosphorylase b qui exige AMP (ou d'autres ligands) pour
l’expression de son activité et
Trypsinogène
Trypsine
Autolyse: clivage
d’un hexapeptide du
N-terminus
Activation de
chymotrypsinogène
Activation de
proélastase
Activation de
procarboxypeptidase
Entéropeptidase
Enzyme localisée dans le petit intestin,
distincte de la production des
zymogènes (granules des protéases
localisées dans le pancréas)
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La seule différence de structure covalente entre les deux formes est
la phosphorylation d’une chaîne latérale de la Ser-14 dans la
phosphorylase a
la phosphorylation rend les 19 premiers résidus du N-terminus plus
ordonnés; la Ser-PO4 interagissant avec la chaîne latérale de
l’Arg-69
En direction b a, la réaction exige ATP et Mg2+
et elle est catalysée par
la phosphorylase kinase
En direction a b, la réaction est catalysée par la phosphorylase
phosphatase et Pi est libéré
Autres modifications covalentes : méthylation, acétylation, tyrosinylation et
sulfatation
La majorité des modifications covalentes et réversibles
d’enzymes utilisent le cycle phosphorylation-dephosphorylation.
Un résidu Ser est phosphorylé dans la majorité des cas, cependant il y a
aussi de la phosphorylation à des résidus Thr et Tyr
Mg2+
Phosphorylase kinase
Phosphorylase
phosphatase
Phosphorylase b
E-CH2-OH
Phosphorylase a
E-CH2-O-PO3
ATP
H2O Pi
ADP
Régulation de l’activité de la phosphorylase
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Il y a deux considérations importantes à retenir :
1) La conversion de l’enzyme d’une forme à l’autre est catalysée
enzymatiquement, donc le changement de la quantité d’enzyme actif est
rapide, résultant en une grande amplification du signal initial
2) La modification réversible permet des réponses mieux contrôlées à des
conditions métaboliques différentes
En effet, l’enzyme est positionnée pour être activée rapidement.
Ce type de modification peut consommer beaucoup d’ATP, mais permet à
l’organisme d’entretenir un mécanisme de contrôle sophistiqué pouvant réagir
rapidement à des changements métaboliques
Contrôle de l'activité par des changements conformationnels induits par des
ligands
La plupart des notions concernant le rôle des changements conformationnels
dans la régulation de l'activité des enzymes ont été élucidées à partir des études sur
les voies biosynthétiques des micro-organismes dans les années 1950-60.
Les faits essentiels ressortis étaient :
Inhibition mixte de la thréonine déshydratase ; la première enzyme dans la
voie de la biosynthèse de l’isoleucine en E. coli est fortement inhibée par
l’isoleucine alors que l’isoleucine possède seulement une ressemblance moléculaire
très limitée avec le substrat ou le produit de la réaction
Inhibition par des voies biosynthétiques : Un exemple très frappant concerne
la carbamoyl-P synthase et l’aspartate carbamoyl transférase, des enzymes qui
catalysent les premières étapes de la voie biosynthétique des pyrimidines chez E.
coli.
Elles sont inhibées par le produit final de cette voie, soit le CTP. L’inhibition
de la carbamoyl-P synthase, utilisée également dans la voie de biosynthèse
d’arginine, peut-être contrecarrée lors de l’accumulation d’ornithine, un
intermédiaire de cette voie, afin de restaurer la synthèse d’arginine
uniquement.
D’autres nucléotides par contre peuvent activer l’aspartate carbamoyl
transférase (ATP)
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L-glutamate
Carbamoyl-P + 2ADP + glutamate +Pi
2
L-aspartate N-Carbamoyl L-aspartate
Pyrimidine nucleotides
N - acetyl L-glutamate
L-Ornithine Citrulline L-arginine
-
Glutamine + 2ATP +
bicarbonate
Carbamoyl-P synthase
Aspartate carbamoyl transférase
Acide-aminé acétyltransférase
-
+ Activation
Inhibition
+
-
3
1
-
Contrôle de la synthèse de carbamoyl-P en E. coli
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Au début des années 1960, un nombre important de cas a révélé que la première
enzyme dans une voie métabolique est très fréquemment assujettie à des
rétro-inhibitions («feed-back inhibition») par le produit final de cette voie.
Dans une revue critique de ce type de système, Monod, Changeux et Jacob ont
noté plusieurs facettes communes :
1) Les ligands impliqués dans la régulation de l'activité enzymatique (effecteur)
étaient très souvent différents au niveau moléculaire des substrats ou des
produits de l’enzyme en question
Il est improbable donc que l’effecteur se lie au site actif
L’inhibition dans la plupart des cas était de type mixte (pas compétitif, ni
non-compétitif, ni incompétitif)
2) Le comportement cinétique de la plupart des enzymes n'était pas simple;
graphique de vitesse vs [substrat] était sigmoïde plutôt qu’hyperbolique
La forme sigmoïde implique plus de sensibilité par le système à certaines
gammes de [substrat] par rapport à une enzyme qui démontre une
cinétique normale
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
[S]
Vit
esse
Courbe
Hyperbolique
Courbes sigmoïdes
KM
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3) La liaison de l’effecteur distinguée
de la liaison du substrat à l’enzyme
Des traitements physiques
(échauffement) ou chimiques
pourraient conduire à une
désensibilisation de l'enzyme
envers leur réponse en présence
d'effecteurs
4) Les enzymes sujettes à la régulation étaient oligomèriques
Monod et al ont suggéré que dans chaque cas les molécules régulatrices s'étaient
liées à un site distinct du site actif, ce qui conduit à deux conséquences :
1) Le lien entre l’effecteur et le substrat n’était pas direct, mais plutôt indirect ou
allostérique (mot d’origine grecque qui veut dire « objet différent »)
2) La liaison de l’effecteur au site régulateur induit un changement de
conformation réversible qui a comme résultat de modifier le comportement
cinétique de l'enzyme
Figure récapitulent : la liaison d’un effecteur au site modulateur change la
conformation d’une sous-unité d’une enzyme allostérique. Ce changement
conformationnel est transmis aux autres sous-unités de l’enzyme et par
conséquent modifiant leurs sites actifs propices pour la catalyse.
[S]
Vit
ess
e
Désensibilisé ibilisé
Aspartate carbamoyl transferase
( CTP)
(- CTP)
(+ CTP)
Normale
Substrat
Site actif
Site
modulateur
Effecteur
Changement conformationnel
Sous
unité Interaction
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Modèles théoriques pour expliquer le comportement cinétique des enzymes
régulatrices
Quatre modèles principaux ont été utilisés pour expliquer le comportement
cinétique
Le premier modèle a été déjà utilisé au début du 20e siècle. Il s’agit de la
courbe de la liaison de l’oxygène à la myoglobine qui était hyperbolique tandis que
la courbe de saturation décrivant la liaison de l’oxygène à l’hémoglobine était
sigmoïde.
Ici, la courbe de saturation hyperbolique se résume par la liaison du ligand A à
la protéine P comme
P + A ⇌ PA
et si K = [P][A] / [PA], on a [PA] = [P][A] / K
La courbe de saturation fractionnelle Y ([sites] de la protéine occupée divisée
par [sites] totale) est défini par:
][][
][
PAP
PAY
et en remplacent [PA] par [P][A] / K , l’équation
pour Y devient : ][
][
AK
AY
Équation hyperbolique de Michaelis-Menten
i) Équation d’Hill
En 1910, Hill a proposé de façon empirique une courbe de saturation où la [A]
est augmentée à la puissance h c.-à-d.
Ce type de relation prédit une courbe sigmoïde entre Y et [A] comparable à
celles qui étaient observées pour le comportement du système hémoglobine –
oxygène.
[A]
Y (
liais
on
)
h
h
AK
AY
][
][
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Une telle équation peut être obtenue en faisant l'approximation que la liaison
entre la protéine et les sites de liaison est fortement coopérative.
Dès qu’un site est occupé, les sites restants (n sites totaux) sur la protéine sont
immédiatement occupés. Ceci se traduit par un équilibre entre seulement deux
espèces P et PAn (absence d’une contribution à l'équilibre par des espèces
intermédiaires e.g. PAn-1). Donc P + nA ⇌ PAn et avec
En remplaçant [PAn],
et il est possible d’exprimer Y en fonction de la constante d’équilibre K et h
où l’exposant h ou n est connu sous le nom de coefficient d’Hill
La valeur h ou n est extraite des mesures expérimentales d’Y en fonction de
[A] en utilisant la représentation réciproque d’Y en fonction de [A]. Donc
KAPP
KAPY
n
n
/]][[][
/]][[
][
][][
n
n
PA
APK
][][
][
n
n
PAP
PAY
K
A
Y
Y h][
1
1
][
1
hA
K
Y hA
K
Y ][1
1
hA
K
Y
Y
][
1
⇒ ⇒ ⇒
n
n
AK
AY
][
][
[O2]
Y (
liais
on
)
h = 2.6
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En prenant le logarithme, cette dernière équation devient :
Cette équation prédit une relation linéaire entre log10 [Y/1-Y] et log10 [A] où
l’intercepté nous informe sur la constante d’équilibre K et la pente sur l’exposant h
À noter que la relation est linéaire sauf à faible et à forte concentration d’A. La
théorie n'est plus valide à ces concentrations
h représente une mesure du degré de coopérativité entre les sites
si h = 4 dans le cas d’hémoglobine, il y a coopérativité extrême puisque les
espèces intermédiaires n'existent plus et elles n'interviennent pas dans la
formulation de l'équation
Dans la plupart des cas, h < n et h ne correspond pas à un nombre entier,
donc la dérivation d’Hill représente une approximation
si h < n et h > l, la liaison par le ligand est coopérative de type positif
si h = l, il n’y a pas coopérativité et la courbe de saturation est
hyperbolique
si h < l, la liaison est de type coopérativité négative
L’équation analogue d’Hill pour analyser des données cinétiques est obtenue
en utilisant la relation :
KAhY
Y101010 log][log
1log
YVv MAX
Log10 [O2]
Lo
g10[(
Y/(
1-Y
)]
log10K
Pente = 2.6
Hémoglobine
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1/v0
1/[S]
Représentation double réciproque montrant de la coopérativité positive (+)
et négative (-)
Aucune coopérativité
Dans la formulation
Michaelis - Menten, la
vitesse qui s’exprime en
fonction de [A] par
devient en cas de
coopérativité
À l’aide de l’équation
ci-haut, l’analyse consiste à
tracer log10 [v/(Vmax-v)]
contre log10 [substrat], ce qui
devrait donner une ligne droite ayant h comme pente et un intercepté log10 KM.
La représentation en double réciproque (Lineweaver-Burk), voir figure
ci-haut est particulièrement diagnostique de quelle sorte de coopérativité s’agit-il.
ii) Équation d'Adair
En 1952, Adair a proposé une équation plus réaliste décrivant l'interaction
entre l’oxygène, O2, et l’hémoglobine, Hb.
Il a postulé quatre équilibres avec leurs constantes de dissociation Ki
La courbe de saturation, où [O2] = [A], est donc :
Par analyse détaillée, il est possible de déduire les valeurs des constantes de
dissociation.
Hb + O2 ⇌ HbO2 K1
HbO2 + O2 ⇌ Hb(O2)2 K2
Hb(O2)2 + O2 ⇌ Hb(O2)3 K3
Hb(O2)3 + O2 ⇌ Hb(O2)4 K4
4321
4
321
3
21
2
1
4321
4
321
3
21
2
1
][][][][14
][4][3][2][
KKKK
A
KKK
A
KK
A
K
A
KKKK
A
KKK
A
KK
A
K
A
Y
][
][
SK
SVv
m
MAX
h
m
h
MAXSK
SVv
][
][
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iii) Modèle de Monod, Wyman et Changeux (MWC)
En 1965, Monod, Wyman et Changeux ont proposé un modèle radical pour
expliquer le comportement allostérique des protéines et des enzymes. Le modèle
distingue deux classes d’effets allostériques.
a) Effet homotropique ; interactions entre des ligands identiques.
b) Effet hétérotropique ; interactions entre différents ligands.
Leur modèle dépend sur l’observation que la plupart des protéines allostériques
sont des oligomères.
Il est basé sur quatre énoncés :
1) Les sous-unités (protomères) sont équivalentes afin que chaque oligomère
possède au moins un axe de symétrie.
2) La conformation de chaque protomère existe en (au moins) deux états
conformationnels désignés R pour « relax » et T pour « tendu »; ces états sont
en équilibre et ceci indépendamment de la liaison d’un ligand à l’oligomère.
3) Les états possèdent des affinités différentes pour un ligand donné. Seulement
le changement conformationel modifie l’affinité d’un protomère pour un
ligand.
4) La transition conformationnelle de R T ou T R conserve la symétrie de
l’oligomère.
Donc, pour une protéine dimérique, ceci implique :
Mais pas d’espèce hybride puisque la symétrie
n'est pas préservée dans cette espèce ()
Le changement de conformation est, par conséquent, concerté.
L’équilibre entre R et T est modifié lors de la liaison d’un ligand
⇌
T R
+ A ⇌
KT
+ A ⇌
KR ⇌
T0 ⇌ R0
T2 ⇌ R2
⇌
⇌
⇌
1.0
0.0
Y 0.5
T1 ⇌ R1
Liaison par un ligand A et les espèces R et T
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Deux paramètres sont suffisants pour décrire l'état du système allostérique.
- Y ; la saturation fractionnelle des sites présents dans la protéine.
- R ; la fraction des protéines dans l’état R.
Si n représente le nombre de sites de liaison occupés par des ligands et α la
concentration normalisée du ligand libre, [ ]/KR, et définissant :
L = [T0] / [R0] et c = KR / KT
On obtient pour des interactions homotropiques
et
Il est important de noter que les constantes de dissociation intrinsèques sont
les mêmes pour chaque état (=KT pour T et = KR pour R).
Donc, selon le modèle MWC, la coopérativité est le résultat du fait que la
protéine est majoritairement dans un état (mettons T) mais que le ligand se lie de
préférence à un autre état (mettons R).
Avec l’addition de ligand au système, le ligand stabilise ou fige le système en
l'état R.
L'analyse du système hémoglobine se conforme à cette description avec
des valeurs L = 9050 et c = 0.014.
La protéine est à 99.9% dans l’état T, ( 001.0R ), mais l'oxygène
se lie 70 fois plus fortement à l'état R (1/c = 1/0.014 = 70).
Pour des interactions hétérotropiques, traitant le cas le plus simple
correspondant à la liaison de l’activateur allostérique A et du substrat S uniquement
à l’état R et celle de l’inhibiteur allostérique I seulement à l’état T, et illustré dans la
figure ici-bas.
Utilisons γ pour la concentration normalisée de l’activateur libre, [ ]/KA, et
β pour la concentration normalisée de l’inhibiteur libre, [ ]/KI, la constante
d’équilibre, L’, entre les états R et T devient par rapport à celle d’un
nn
nn
cL
cLcY
)1()1(
)1()1( 11
nn
n
cLR
)1()1(
)1(
La coopérativité est plus prononcée quand L est grand et c petit.
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système non-activé et non-inhibé:
n
nLL
)1(
)1(
. Et la saturation
fractionnelle devient:
Deux effets importants à noter dans les interactions hétérotropiques:
1) La liaison de l’activateur (γ > 0) diminue le degré de coopérativité pour
le substrat, L’ plus petit. Ceci augmente la concentration de l’état R qui
lie le substrat et par conséquenceY .
2) La présence de l’inhibiteur (β > 0) augmente la concentration de l’état
T et le degré de coopérativité, L’ plus grand. Ceci diminue l’affinité
pour le substrat, puisque R est plus petit, et ce qui rend Y plus petit.
Les effets hétérotropiques sont résumés dans la figure ci-bas.
Pour les analyses cinétiques, les constantes de dissociation sont remplacées
par des constantes Michaelis et les deux états conformationnels peuvent avoir des
vitesses maximales différentes.
n
n
n
n
)(
)(L)(
)(Y
1
11
1 1
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Dans le modèle MWC, les effecteurs qui sont des ligands distincts des
substrats influencent différemment les cinétiques correspondant aux états R et T de
l’enzyme.
Il y a deux catégories majeures, soit : l'enzyme allostérique représentant un
système K ou un système V.
Dans un système K, le substrat et l'effecteur possèdent des affinités différentes
pour les états T et R.
La présence d’un effecteur modifie l’affinité de l’enzyme pour son substrat
i.e. Km
Modification de l'équilibre T ⇌ R.
Dans leur premier modèle, l'effecteur se liait seulement soit à l’état R ou T.
Ce modèle a été ensuite généralisé par Rubin et Changeux traitant le cas de la
liaison par l’effecteur aux deux états R et T (liaison non exclusive), cependant avec
des affinités différentes.
Ceci permettait l’analyse de la cinétique de l’ACTase par exemple
Dans un système V, le substrat possède la même affinité pour les deux états R
et T mais les deux états possèdent des activités différentes afin que l’effecteur
modifie l’équilibre entre R et T.
L’exemple est la liaison par AMP avec la phosphorylase b.
iv) Modèle de Koshland, Némethy et Filmer (KNF)
Extension de l’hypothèse de l’ajustement induit « induced fit » de Koshland à
des comportements de liaison par des protéines et enzymes oligomèriques.
Dans l’hypothèse de l’ajustement induit, il est admis que la liaison du substrat
à l’enzyme induit une conformation propice pour effectuer la catalyse.
De façon similaire, la liaison d'un ligand à une sous-unité de la protéine
oligomérique provoque un changement conformationnel dans la sous-unité et, par
conséquent, modifie l’interaction de la sous-unité avec ses voisins.
Ceci se traduit par
et
+ A ⇌
+ A ⇌
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Aspects du modèle à retenir :
a) En l'absence de ligand, la protéine existe dans un seul état conformationnel
plutôt qu’un équilibre entre deux états.
b) Le changement conformationnel est séquentiel.
Les sous-unités changent leur conformation en fonction de la liaison des
ligands à chacune des sous-unités plutôt que de façon concertée.
c) Les interactions entre les sous-unités peuvent être positives ou négatives.
Donc, la liaison d’un ligand peut démontrer de la coopérativité positive ou
négative par rapport à la liaison du ligand précédent.
Le modèle MWC montre une coopérativité positive seulement, puisque la
liaison d’un ligand provoque une transition concertée dans toutes les sous-unités à
une forme qui possède une affinité plus élevée pour le ligand.
Le modèle de Koshland, Némethy et Filmer a été utilisé avec succès pour
expliquer la forme des courbes de saturation fractionnelle très similaire à celle
d’Adair.
Chaque constante de
dissociation dans le modèle
KNF possède trois
composantes :
1) une constante de
dissociation qui décrit la
liaison du ligand avec une
conformation préférée (
dans ce schéma).
2) une constante
d’équilibre décrivant le
changement conformationnel
de la sous-unité (i.e.
).
reliée aux différences
en ΔG entre les deux
conformations.
3) une (ou plus) constante
d’interaction dépendant du degré de stabilité du complexe oligomérique par
rapport aux sous-unités isolées
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Relation entre les modèles MWC et KNF
Les deux modèles représentent des cas limitants d’un modèle plus général
décrivant les équilibres entre tous les états conformationnels et liés d’une protéine
oligomérique.
Les équations cinétiques décrivant le cas général sont très compliquées et
dans la plupart des cas, il s'agit de savoir lequel des deux modèles est le plus
approprié.
L’identification du modèle le plus approprié peut se faire dans certains cas.
1) Coopérativité négative
Le modèle MWC ne prédit pas de coopérativité négative tandis que celui de
KNF prédit est la coopérativité positive ou négative.
Le meilleur exemple est la coopérativité négative dans la liaison de NAD+
à la GAPDH
Cinétiquement, cependant, il n’est pas possible de distinguer entre des sites
identiques et non identiques – voir exemple de la figure sur la prochaine page.
Les deux cas, sois sites identiques et non identiques, peuvent conduire à une
cinétique démontrant une apparente coopérativité négative. Dans sa forme extrême,
la coopérativité négative peut se manifester par "half-of-the-sites reactivity" ce qui
signifie que seulement la moitié des sites d’une enzyme oligomérique peut catalyser
une réaction simultanément
Exemple : Tyrosyl-tRNA synthétase de B. stearothermophilus.
⇌
⇌
⇌
⇌
⇌
⇌
⇌
⇌
⇌
⇌
⇌
⇌
Concerté
Séquentiel
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2) Mesure des changements conformationnels et de la liaison des ligands
Le changement de conformation de l'enzyme provoqué par la liaison d’un
ligand se caractérise par la spectroscopie, par l’observation du coefficient de
sédimentation et par la réactivité des chaînes latérales des acides aminés
À partir de ces techniques, il est possible de déterminer la quantité d’enzyme
dans l’état R en fonction de [ligand].
Les valeurs de Y, la fraction de sites occupés par le ligand, peuvent être
déterminées par des études de liaison
La comparaison de la forme des graphiques de R contre Y peut être utilisée
pour distinguer entre les deux modèles ;
Dans le modèle séquentiel le plus simple, le changement conformationnel
d'une sous-unité coïncide avec la liaison d'un ligand, donc le graphique de R contre
Y doit être linéaire.
Par contre, dans le modèle concerté, le graphique de R contre Y doit être non
linéaire puisque la transition R ⇌ T implique toutes les sous-unités d'une enzyme à la
fois.
1/v0
1/[S]
Coopérativité négative
apparente
Enzyme 1
Enzyme 2
Enzyme 1 + Enzyme 2
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Dans l’exemple montre ci-bas, les C-terminus de chacune des sous-unités de
l’enzyme sont dégradés par une protéase en absence de la liaison du substrat. La
liaison par le substrat S provoque un changement conformationnel qui protège le
C-terminus contre la dégradation par la protéase.
Dans le modèle concerté, il y a 2 C-terminus protégés lors de la liaison d‘une
seule molécule de substrat, S, tandis que dans le modèle séquentiel il y a un seul
C-terminus protégé. Donc, la relation entre le nombre de C-terminus protégés (R) et
de molécules, S, liés (Y) est non-linéaire
pour le modèle concerté tandis qu’elle
est linéaire pour le modèle séquentiel.
Liaison de l’AMP à phosphorylase
b est concertée tandis que la liaison de
NAD+ à GAPDH de muscle de lapin est
séquentielle.
Y
R
Séquentiel
Concerté
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3) Isomérisation
La liaison de NAD+ à la GAPDH de levure a été analysée par les techniques
de cinétique rapide, flot arrêté et « T-jump », et en absence de ligand, les résultats
sont cohérents avec l’enzyme en équilibre entre deux états soit T et R (« La cinétique
de la liaison de NAD+ à la GAPDH de levure est complexe. La coopérativité est
positive pour la liaison de NAD+ au deuxième sous unité mais devient négative pour
la liaison aux sous unités subséquents »).
L’existence d’une réaction d’isomérisation est cohérente avec le modèle
concerté ; le modèle séquentiel ne permet plus qu’un état non lié.
Structure-fonction
Il faut noter que les modèles théoriques donnent une vue assez limitée en ce
qui concerne la nature des interactions entre les sous-unités et leur coopérativité en
présence de ligands.
Afin de comprendre la base structurale des interactions, il est nécessaire
d'accéder à des données cristallographiques.
Cependant, les renseignements sur les changements structuraux induits par
des ligands sont limités;
Quelques systèmes seulement étudiés à fond notamment : phosphorylase,
LDH, GAPDH, hémoglobine
Un exemple est celui du système hémoglobine en complexe avec oxygène
dans lequel la liaison de l'oxygène à l’hème de la deoxyhémoglobine
stabilise un déplacement de 0.7 Å du fer hors du plan de l’hème et ce
changement conformationel représente la transition vers l’état R.
La signification des comportements allostériques et coopératifs
Les enzymes qui démontrent de la coopérativité cinétique répondent très
différemment lors de changements en concentration de substrats, relativement aux
enzymes possédant une cinétique hyperbolique.
La différence peut être quantifiée en exprimant le changement du [substrat]
exigé pour augmenter la vitesse de 10 % de Vmax à 90 % de Vmax (90
10][S ) en
fonction du coefficient d’Hill, h.
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Si la vitesse est définie en fonction [S] par
La réponse de l’enzyme en fonction d’h est résumée par le tableau suivant :
Les réponses augmentées pour h = 2, 3, 4 permettent à une enzyme de
répondre plus rapidement à des changements de [substrats].
La coopérativité positive du système hémoglobine - oxygène provoque la
saturation de la protéine dans les capillaires à une pression de 0.13 atm et la
libération de l’O2 à 0.01 atm
Une pression nettement moindre aurait été requise pour la libération de l’O2 si
la réponse avait été hyperbolique.
L'enzyme qui démontre de la coopérativité négative possède une réponse
diminuée à des changements [substrats].
Ceci est cohérent avec des changements de [substrats] peu importants in vivo.
La coopérativité négative peut isoler l’enzyme de changements de
[substrats].
La vitesse des changements conformationnels induit par des ligands est de
l’ordre de 10-2
à 10-4
s.
Même ordre de temps que les vitesses catalytiques
Il existe également des changements conformationnels plus lents que le cycle
catalytique.
h 90
10][S
1 81 Hyperbolique
2 9
Coopérativité + 3 4.33
4 3
0.5 6561 Coopérativité -
h
m
h
MAX
SK
SVv
][
][