Réflexions sur la non-observance

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Réflexions sur la non-observance Reflections about non compliance Correspondance. Adresse e-mail : [email protected] (S. G. Consoli). © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Organe de la Société Française de Dermatologie et de l’Association des Dermatologistes Francophones Observance thérapeutique en dermatologie tome 139 supplément 1 janvier 2012 Annales de dermatologie et de vénéréologie (2012) 139, S28-S32 S. G. Consoli 7, rue Mouton-Duvernet, 75014 Paris, France Résumé À un moment ou à un autre du long suivi d’un malade souffrant d’une maladie dermato- logique chronique, la non-observance d’un traitement local est rarement évitable. Elle est provoquée par de nombreux facteurs, à chercher chez le malade comme chez le médecin, et dans la réalité externe comme dans la réalité interne, psychique, du ma- lade et du médecin. La prise de conscience, au sein de la relation médecin-malade, de ces facteurs est fondamentale pour résoudre le conflit de non-observance. Ainsi, la non- observance peut devenir une chance à saisir pour éviter le nomadisme des malades et construire une relation médecin-malade plus dynamique, plus authentique et plus solide. © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Summary Throughout the follow up of a patient suffering from a chronic cutaneous disease, non compliance is rarely avoidable. It is provoked by numerous factors, which have to be looked for in the patient and the doctor, as well, and in the external reality, as in the internal, psychic, reality, both of the patient and the doctor. Being aware of these fac- tors is fundamental for resolving the non compliance conflict. Thus, non compliance can become a chance to seize for avoiding patients’ wandering and building a more dynamic, authentic and stronger doctor-patient relationship. © 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. MOTS CLÉS Non-observance ; Maladie dermatologique chronique ; Relation médecin/ malade ; Réalité psychique KEYWORDS Non compliance; Chronic cutaneous disease; Doctor-patient relationship; Psychic reality

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Réfl exions sur la non- observance

Refl ections about non compliance

Correspondance. Adresse e- mail : [email protected] (S. G. Consoli).

© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Société Françaisede Dermatologie

et de Pathologie Sexuellement Transmissible

Organe de la Société Française de Dermatologie et de l’Association des Dermatologistes Francophones

Observance thérapeutique en dermatologie

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ISSN 0151-9638

tome 139 supplément 1 janvier 2012

Numéro réalisé avec le soutien institutionnel du laboratoire LEO Pharma

Annales de dermatologie et de vénéréologie (2012) 139, S28-S32

S. G. Consoli

7, rue Mouton- Duvernet, 75014 Paris, France

RésuméÀ un moment ou à un autre du long suivi d’un malade souffrant d’une maladie dermato-logique chronique, la non- observance d’un traitement local est rarement évitable. Elle est provoquée par de nombreux facteurs, à chercher chez le malade comme chez le médecin, et dans la réalité externe comme dans la réalité interne, psychique, du ma-lade et du médecin. La prise de conscience, au sein de la relation médecin- malade, de ces facteurs est fondamentale pour résoudre le confl it de non- observance. Ainsi, la non- observance peut devenir une chance à saisir pour éviter le nomadisme des malades et construire une relation médecin- malade plus dynamique, plus authentique et plus solide.© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

SummaryThroughout the follow up of a patient suffering from a chronic cutaneous disease, non compliance is rarely avoidable. It is provoked by numerous factors, which have to be looked for in the patient and the doctor, as well, and in the external reality, as in the internal, psychic, reality, both of the patient and the doctor. Being aware of these fac-tors is fundamental for resolving the non compliance confl ict. Thus, non compliance can become a chance to seize for avoiding patients’ wandering and building a more dynamic, authentic and stronger doctor- patient relationship.© 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

MOTS CLÉSNon- observance ;Maladie dermatologique chronique ;Relation médecin/malade ;Réalité psychique

KEYWORDSNon compliance;Chronic cutaneous disease;Doctor- patient relationship;Psychic reality

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Introduction

L’adhésion d’un malade à un traitement général ou local est étroitement liée à la qualité de la relation médecin- malade. Cette relation est un processus dynamique dont les principaux acteurs (le médecin et le malade) peuvent changer, se transformer. Dans cette relation, la survenue d’un con it est à considérer comme un évènement positif et précieux. Il ne faut pas, en effet, avoir peur des con its. La façon dont un sujet traverse les con its, les dépasse, dynamise et structure sa pensée, le structure lui- même ainsi que sa relation aux autres. En dermatologie, la non- observance d’un traitement local peut être une chance à saisir pour l’établissement d’une relation médecin- maladeplus authentique, plus dynamique, plus vivante et, donc, plus solide.

A n de parvenir à un tel résultat, il est certainement important que les deux partenaires de la relation médecin- malade se ménagent, dans cette relation et parfois en dehors d’elle (par exemple lors de groupes de paroles pour les médecins, de séances d’éducation thérapeutique pour les malades), des moments pour penser différemment le suivi et le traitement de la maladie dermatologique concernée et ré échir aux sources du con it de non- observance.

Les sources de la non- observance

Ces sources sont nombreuses et variées. On les découvre aussi bien chez le malade que chez le médecin, aussi bien dans la réalité externe (le coût du traitement, le temps qu’il nécessite, son inconfort, ses modalités d’application et ses complications locales et éventuellement générales plus ou moins bien expliquées et précisées ou même banalisées…) que dans la réalité interne, psychique du malade et du médecin. Il ne faut pas oublier que toute relation médecin- malade est la rencontre de deux individus, chacun porteur d’une histoire médicale et socio- affective personnelle et familiale qui lui est propre. La réalité psychique est tissée d’idées reçues, de croyances plus ou moins conscientes : un traitement local avec seulement des crèmes est de nos jours, au XXIe siècle, dépassé ; toute crème est forcément une crème de beauté ; toute maladie de peau est seulement un problème esthétique et bénigne puisque la vie n’est pas mise en danger ou bien, en revanche, est une fatalité et toujours inguérissable ; les dermatologues ne sont pas des médecins comme les autres puisqu’ils peuvent s’occuper d’esthétique… La réalité psychique est aussi tissée de représentations (du corps, de la maladie, de la médecine et des médecins, des traitements…) et de fantasmes inconscients. Ces derniers nécessitent parfois une prise de conscience quand se pro-longe un con it de non- observance.

Soulignons que toute relation médecin- malade n’est jamais duelle et ce, encore plus particulièrement en dermatologie et quand il s’agit d’un traitement local. Les membres de l’entourage du malade (conjoint, parents et grands parents, amis, collègues, professionnels de la santé…) ont souvent des avis, des conseils à donner sur la peau (et

donc sur ses maladies et leur traitement), cet organe offert depuis la naissance et, à la suite du personnage maternel, au regard et aux soins de tous. Ces avis et ces conseils grossissent les sources de la non- observance car ils nais-sent à partir des idées reçues, croyances, représentations et fantasmes des membres de l’entourage du malade. La corticophobie, aboutissement de messages contradictoires et incohérents, illustre bien cette problématique. À ce propos, insistons une fois de plus sur l’importance de prendre en considération l’histoire médicale du malade et des membres de son entourage tant la confusion est fréquente entre les complications de la corticothérapie par voie locale (à ne pas banaliser malgré tout) et celles de la corticothérapie par voie générale.

Le malade

Il existe des situations où les idées reçues, les croyances du malade ont été abordées, écoutées et travaillées au sein de la relation médecin- malade associée ou non à une éducation thérapeutique. Le dermatologue, reconnaissant la singularité de son malade, a initié cette démarche en deman-dant à ce dernier ce qu’il pensait de sa maladie, comment il la vivait et ce qu’il était prêt à faire pour la traiter. Le dermatologue a d’abord accueilli ce que son malade évoquait en se montrant disponible, sans jugement hâtif et dé nitif (par exemple en écoutant ce que son malade lui rapportait à propos des médecines dites parallèles…) et même prêt à ré échir à ses propres idées reçues et croyances. Je rappelle que chaque génération de médecins reçoit son lot d’idées reçues et de croyances. Il n’y a pas si longtemps, le psoria-sis était considéré comme une maladie dermatologique ni prurigineuse ni douloureuse.

Par la suite s’impose la nécessité d’accorder, d’ajuster avec tact, la réalité de la maladie dermatologique constatée par le médecin et la façon dont le malade vit sa maladie et envisage de la traiter. Dans de nombreux cas, un tel ajustement est possible et il est déterminant pour une rela-tion médecin/malade de bonne qualité et pour une bonne observance. Cependant, cette démarche demande souvent des consultations répétées et peut être émaillée de malen-tendus voire d’échecs. Une étude a montré qu’après une consultation avec un dermatologue, le degré de satisfaction du malade est le plus bas si la maladie est jugée peu sévère par le dermatologue mais entraîne une mauvaise qualité de vie. Notons déjà que dans cette étude le temps passé n’est pas associé à une meilleure satisfaction [1].

En revanche, il existe des situations où, quelle que soit l’approche thérapeutique, la non- observance ne parvient pas à se résoudre. Il est alors important que le malade puisse prendre conscience de l’existence de probables con its personnels, intrapsychiques. Ces con its peuvent, en effet, pousser ce malade à donner à sa maladie dermatologique un rôle particulier dans son fonctionnement somatopsychique, entravant une bonne observance. Dans certains de ces cas, il est même nécessaire de travailler avec un psychiatre ou un psychologue que le médecin connaît bien et qui est rompu aux problématiques de la relation médecin/malade souffrant d’une maladie somatique lésionnelle.

Deux exemples cliniques illustrent cette problématique.

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indépendance quand un enfant qui grandit refuse les soins locaux prodigués, sans toujours protéger son intimité et sa pudeur (par exemple en présence de ses frères et sœurs, dans une pièce commune), par une mère qui s’est transformée en in rmière.

En n, la dépression, associée ou non à une addiction (alcoolique par exemple), ne fait pas bon ménage avec une observance de bonne qualité. Un malade déprimé est dans l’impossibilité de se mobiliser pour faire correctement un traitement et plus particulièrement un traitement local (il est certainement plus facile, dans ces conditions, d’avaler un comprimé). En outre, un malade déprimé est incapable de se projeter dans le futur, de faire con ance à ce futur et donc à une amélioration possible de sa maladie cutanée. Il est alors important qu’il puisse évoquer, au sein de la relation médecin/malade, ses affects dépressifs. Un proche peut même représenter un véritable porte- parole pour un malade d’humeur triste, n’éprouvant plus d’intérêt et de plaisir dans la vie (anhédonie), replié sur lui- même. Il faut savoir par exemple écouter la femme d’un malade qui dit : « docteur, depuis plusieurs semaines je ne reconnais plus mon mari, son caractère a changé ».

Le médecin

La routine

Dans toute maladie chronique, le médecin est guetté par le poids des habitudes. Or une relation médecin- maladequi paraît sans histoire et, par exemple, organisée autour d’un simple renouvellement d’ordonnance n’est pas à l’abri d’une non- observance. La routine entrave la capacité à se laisser surprendre, la prise de conscience, l’apprentissage, le changement, la transformation.

Chacun des deux malades évoqués précédemment a été adressé à une psychanalyste par un dermatologue surpris par l’évolution de la maladie qu’il traitait, les conditions du suivi et le vécu de cette maladie par le malade. À un moment de ce suivi, ces dermatologues ont pu s’arrêter pour penser différemment leur approche thérapeutique et évoquer avec leur malade de possibles dif cultés à observer le traitement. Cette démarche est facilitée lorsque les dermatologues ne se sentent pas visés personnellement et donc blessés, remis en question par la non-observance. Il est aussi important, pour faciliter cette démarche, que le dermatologue puisse continuer à être empathique et donc non déçu par un malade qu’il pensait observant. Ainsi le dermatologue pourra dédramatiser le con it de non- observance et parler de ses aspects positifs. À ce propos insistons sur le fait suivant : comme on l’a vu précédemment, les facteurs de non- observance sont nombreux, complexes et longtemps obscurs mais, dans l’immense majorité des cas, le dermatologue n’est pas visé personnellement. Une réserve peut être faite quand il s’agit d’un adolescent (ou d’un adulte qui a un fonctionne-ment adolescent !). Celui- ci est souvent poussé à répéter avec son médecin ce qu’il est en train de vivre avec ses parents : un processus de séparation et d’individuation qui passe fréquemment par des comportements d’opposition pour ne pas dire de révolte.

- Alain rencontre une psychanalyste à propos d’une dermatite atopique sévère, généralisée et très prurigineuse qui altère considérablement son visage. Il est adressé par un dermatologue surpris par la résistance de la dermatite atopique à tout traitement (par la suite ce dermatologue apprendra qu’Alain applique surtout une crème hydratante conseillée par une amie de sa mère). Le dermatologue est aussi agacé par la multiplication de rendez- vous de consultation toujours pris en urgence entre deux autres malades. Les crises de démangeaison surviennent le soir. Alain se gratte longuement et frénétiquement dans la salle de bain avant d’aller se coucher, épuisé, avec son amie. Rapidement, lors de sa psychothérapie analytique, Alain évoque le nombre considérable de situations professionnelles et socio- affectives qui l’angoissent, surtout quand elles sont nouvelles. Il craint de ne pas être à la hauteur de tout ce qu’on pourrait lui demander. Alain prend alors conscience que la dermatite atopique s’est considérablement aggravée quand son amie lui a demandé de s’engager plus fortement dans leur relation amoureuse et de faire le projet d’avoir un enfant avec elle. Même si le chemin a été long pour démêler le con it personnel d’Alain, ce dernier reprendra très vite, à partir de ce moment, un suivi et un traitement dermatologiques réguliers et cohérents.

- Aïcha souffre d’un psoriasis localisé aux coudes et aux genoux qui a bousillé sa vie, comme elle l’a dit au derma-tologue rencontré. Elle désire un traitement qui fasse tout disparaître, très vite et dé nitivement. Aïcha a rencontré de très nombreux dermatologues lors de consultations restées le plus souvent uniques. Le dernier dermatologue consulté, surpris par l’écart entre l’étendue très modérée des lésions constatées par lui- même et l’importance de l’altération de la qualité de vie rapportée par Aïcha conseille à cette dernière de rencontrer une psychanalyste. Aïcha évoque alors combien tous les matins elle se précipite devant le miroir grossissant très éclairé de la salle de bain. Elle scrute la peau de son visage et guette l’apparition de la moindre tache, dit- elle, qu’elle soit ou non psoriasique, pour y appliquer aussitôt une épaisse couche de crème cortisonée. En fait, ajoute- t-elle, je guette l’apparition d’un monstre. Aïcha, issue d’un milieu défavorisé, a réussi brillamment sa vie professionnelle. Elle a été élevée surtout par sa mère qu’elle quali e de dure, intransigeante, injuste. Depuis trois ans, Aïcha ne la voit plus. Lors d’un entretien, Aïcha dit combien elle se sent honteuse et monstrueuse à propos de cette attitude. Il sera alors facile de faire le lien entre ces pensées, la façon dont Aïcha vit son psoriasis et ses dif cultés à se traiter.

Pour tous les malades, la souffrance somatique et psychique associée à la maladie dermatologique doit être accueillie et reconnue par le médecin et ce quel que soit son mode d’expression (la non- observance par exemple) et quel que soit l’écart entre la maladie constatée par le méde-cin et le vécu de cette maladie par le malade lui- même.Cependant, a n de résoudre et de dépasser le con it de non-observance il faut savoir que la maladie dermatologique peut être plus ou moins inconsciemment utilisée par le malade pour régler des con its personnels et pour éviter des situations anxiogènes.

La maladie dermatologique peut même être la scène où se joue le con it relationnel. Pensons au con it dépendance/

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dermatologique chronique, surtout quand le traitement n’est pas complètement ef cace ou bien quand son mode d’administration n’est pas simple (traitement local consom-mateur de temps et compliquant les échanges amoureux, tendres et sexuels, par exemple). De toutes les façons, la non- observance s’enracine dans de nombreux facteurs souvent associés et liés à la réalité externe et à la réalité interne, psychique, des deux partenaires, au moins, de la relation médecin/malade.

L’exploration et la prise en compte de tous ces facteurs demandent évidemment du temps, temps qui manque cruellement à tous les médecins quel que soit leur mode d’exercice. Il est cependant plus facile de dégager du temps quand on sait, non pas subir la chronicité, mais la mettre à pro t pour utiliser au mieux les consultations répétées qu’elle nécessite. On peut ainsi rencontrer le malade en dehors de consultations réclamées en urgence, lors d’une poussée de la maladie et nir ainsi par diminuer le nombre de telles consultations. À ce propos insistons sur le fait suivant : invoquer le manque de temps pour approfondir « les ratés » de la relation médecin/malade et se pencher sur un éventuel problème de non- observance peut masquer les dif cultés d’un médecin à s’engager dans une relation médecin- malade qui risque de devenir con ictuelle.

Par ailleurs, on ne peut pas à la fois informer le malade, lui demander de devenir un allié et éviter de l’accompagner dans ses recherches d’informations, d’expériences inno-vantes, de rencontres originales et de nouvelles thérapeu-tiques. Un malade n’est jamais trop informé (par Internet, par les associations de malades…), il peut cependant mal comprendre les informations reçues ou être mal informé. L’aide d’un médecin, prêt à partager son savoir, est alors précieuse. Quand un malade s’aperçoit qu’il peut apporter des éléments nouveaux utiles à son suivi, que son expertise n’est pas refusée, il sera souvent plus disposé à écouter et à suivre les avis et les conseils de son médecin (c’est le fameux donnant/donnant). Ainsi le malade devient non seulement un allié du médecin mais aussi un chercheur et un éducateur du médecin.

Il est donc fondamental que le médecin repère en lui-même et prenne en compte les différents affects qui l’agitent face à un malade, qui peut toujours devenir un jour ou l’autre non observant, ou face à un malade dont il doute d’emblée de l’observance. Sinon peuvent survenir des contre- attitudes délétères pour la relation médecin/malade et enracinées dans différents affects : agacement, incompréhension, déception, découragement, fatalisme, hostilité voire rejet. Reconnaître la singularité de tout malade, supporter ce qui paraît incompréhensible, énigmatique chez le malade ou dans la relation médecin/malade, supporter les échecs thérapeutiques, désidéaliser le malade (le malade parfait n’existe pas), faire con ance au dynamisme de la relation médecin- malade sont des gages de bonne observance.

La non- observance est un moment con ictuel crucial pour la relation médecin/malade. Sa résolution dépend en grande partie du médecin qu’elle met toujours à l’épreuve. Cependant, les malades doivent comprendre qu’un médecin qui n’est pas tout puissant n’est pas pour autant impuissant. À leur tour, il leur est nécessaire de

Les échelles de qualité de vie

Les deux exemples cliniques rapportés suggèrent forte-ment combien les résultats des échelles de qualité de vie peuvent être dif ciles à interpréter. Ces résultats doivent en effet être discutés au regard de la personnalité du malade et de son histoire personnelle et médicale. Par exemple, on sait bien que la réalité psychique du malade et, en particulier, sa fragilité narcissique (une image de soi dégradée associée à un sentiment d’estime de soi altéré et à un faible sentiment de sécurité interne) in ue sur la façon dont le malade vit sa maladie et la traite. Par conséquent, il est important, pour prendre une décision thérapeutique observable par le malade, de ré échir à la signi cation des résultats des échelles de qualité de vie utilisées. On peut, par exemple, découvrir que les graves dif cultés sexuelles d’une malade souffrant d’un psoriasis particulièrement prurigineux au niveau des organes génitaux externes existaient bien avant le début du psoriasis et que les violentes crises de déman-geaison surviennent lorsque les relations de cette malade avec son mari deviennent con ictuelles.

Les échelles de qualité de vie constituent un premier pas pour apprécier le vécu de la maladie. Si elles facilitent cette démarche, elles ne peuvent pas remplacer l’abord par le dialo-gue médecin- malade, des divers domaines qu’elles explorent. Encore faut- il être à l’aise pour explorer ces divers domaines et, en particulier, le vécu de stigmatisation ou celui des relations affectives, amicales, amoureuses, tendres et sexuelles.

La dépression

Alors que la dépression complique fréquemment l’ob-servance, pour les médecins non psychiatres, il est encore parfois dif cile de réaliser une démarche diagnostique et thérapeutique dans ce domaine.

Et pourtant ces médecins connaissent parfaitement la sémiologie de la dépression. En fait, les principales dif cultés pour réaliser cette démarche sont liées aux représentations plus ou moins conscientes que les médecins non psychiatres ont de la dépression, de son traitement et des effets secon-daires de ce dernier, des psychiatres et du rôle et de la place des médecins non psychiatres dans le dépistage de la dépres-sion. Par exemple, il est assez fréquent qu’un médecin non psychiatre n’ait pas de correspondant psychiatre alors qu’il a des correspondants dans les autres spécialités médicales. Ou bien certains excellents médecins craignent encore de demander à un malade s’il a des idées de suicide (« est- cequ’il vous arrive parfois d’avoir des idées noires ? ») par peur de les susciter et de favoriser un passage à l’acte auto agressif. Alors que c’est parce que le malade a été soulagé d’avoir pu parler de ses idées suicidaires qu’il y aura moins de risque pour un tel passage à l’acte.

Conclusion

La non- observance est rarement évitable à un moment ou à un autre du suivi d’un sujet souffrant d’une maladie

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Déclarations d’intérêts

S. G. Consoli : essais cliniques : en qualité d’investiga-teur principal, coordonnateur ou expérimentateur principal (P zer) ; rapports d’expertise, participation à des Groupes d’Experts (LEO Pharma, Pierre Fabre) ; versements substantiels au budget d’une institution (LEO Pharma, Avène, Galderma).

Références

[1] Renzi C, Abeni D, Picardi A, Agostini E, Melchi CF, Pasquini P, et al. Factors associated with patient satisfaction with care among dermatological outpatients. Br J Dermatol 2001;145:617- 23.

reconnaître la singularité de leur médecin et de désidéa-liser ce dernier ainsi que les traitements possibles (le traitement « miracle » d’une maladie dermatologique chronique n’existe pas).

La non- observance pousse le médecin à penser à la façon dont il considère la dermatologie et les malades dermatologiques et dont il désire exercer son métier. La non-observance est une chance à saisir, non seulement pour construire une relation médecin/malade dynamique et authentique et éviter le nomadisme des malades, mais aussi pour développer la disponibilité, l’empathie, l’inventivité du médecin. Elle peut aussi élargir le champ de la dermatologie en favorisant les liens entre tous les professionnels de santé concernés par le sujet souffrant d’une maladie dermatologique chronique.