Rapport de Stage ORIGINA
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Evolution du secteur de la sécurité privée en Belgique:
Vers la reconnaissance d’un partenaire ?
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« La sécurité peut être produite exclusivement par le privé et vendue sur le marché comme n’importe quel bien »1
Gustave de Molinari (1849) 1 Gustave de Molinari, « De la production de la sécurité« , Journal des Économistes, 1849.
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Table des matières : Partie I – Cadre général du stage 4
1. Identité du stagiaire 4 2. Données relatives à l’organisation au sein de laquelle s’est déroulé le stage 4 3. Autres informations utiles 4 4. Remerciements 5 5. Justification du choix de stage 6
Partie II – Analyse critique du déroulement du stage 7
1. Données et informations contextuelles 7 a. Le citoyen belge et la gestion privée de la sécurité 8 b. Evolution des acteurs du secteur de la sécurité privée en Belgique 8 c. Evolution du cadre légal et réglementaire 9 d. La sécurité privée telle qu’envisagée aujourd’hui 11 e. Morphologie du secteur de la sécurité privée en Belgique 12 f. L’APEG, l’organisation professionnelle, et l’introduction
d’un label de qualité 13 g. Examen du profil des salariés du secteur 14 h. G4S en Belgique 14
i. Identité et valeurs de l’entreprise 15 ii. Organisation de G4S en Belgique 15
1. Business unit – Static, Mobile & Events 15 2. Business unit – Aviation Security 17 3. Business unit – Monitoring & Systems 17 4. Business unit – Training & Audits 18 5. Business unit – Cash & Courier 18
2. Proposition de solution 19 a. La police belge telle qu’envisagée aujourd’hui 20 b. Le secteur de la sécurité privée comme partenaire responsable 21 c. Confier l’exécution de certaines tâches à un coproducteur de sécurité
n’est pas privatiser mais impartir 23 i. La privatisation 23 ii. De l’impartition à l’externalisation d’une tâche 24
1. Avantages d’une procédure d’externalisation 24 2. Inconvénients d’une procédure d’externalisation 25
iii. Mise en œuvre, étapes et tableau de bord 25 iv. La contractualisation 26 v. Le plan de communication, clé d’un plan d’impartition réussi 27
d. Conclusion 27 3. Annexes 29
a. Evolution du cadre légal et réglementaire b. G4S dans le monde / données 2013 c. Organigramme / Dircom / G4S Belgium d. Les valeurs de G4S Belgium e. Tableau synthétique / Process CIT f. Infractions à la loi du 10 avril 1990 organisant la sécurité privée g. Programme du stage
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Partie I – Cadre général du stage : 1. Identité du stagiaire :
CP Jean-‐Luc Trullemans Direction des unités spéciales (CGSU) Avenue de la Cavalerie 1040 Bruxelles
Tel : 0477/81.00.59 E-‐mail : [email protected] (adresse privée)
2. Données relatives à l’organisation au sein de laquelle s’est déroulé le stage : a. Nom : G4S Secure Solutions b. Adresse : Koning Boudewijlaan, 30 1800 Vilvoorde C. Identité du maître de stage : Hendrik Keersmaekers Manager Legal Affairs D. Domaine d’activité : Sécurité privée E. Nombre de membres du personnel et organigramme : > 6000 (organigramme en annexe) F. Chiffre d’affaire/budget annuel : 347.000.000 € (2012) G. Clients principaux : Commission Européenne, Brussels
Airport, Belfius, Nike, Electrabel, Caterpillar, Total, …
H. Fournisseurs principaux : Fleet, real estate, uniformes, … 3. Autres informations utiles : Le stage a été complété par la participation à une formation intitulée « Etude approfondie de la réglementation concernant le gardiennage » dispensée par Madame Hélène Stijns, du G4S Training Services (Poverstraat 75, Blok 44 à 1731 Asse) et par divers entretiens réalisés en Belgique et en France.
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4. Remerciements : Je tiens à remercier très sincèrement, pour la suite réservée à mes multiples demandes, mais également pour leur disponibilité et la qualité de nos échanges :
-‐ Monsieur Jean-‐Paul Van Avermaet, Managing Director G4S Belgium -‐ Monsieur Hendrik Keersmaekers, Manager Legal Affairs G4S Belgium
Pour leur contribution à l’élargissement de mes perspectives de réflexion :
-‐ Monsieur Robby Van Mele, Director Static, Mobile & Events G4S Belgium -‐ Monsieur Ab van Eck, Director Cash & Courier G4S Belgium -‐ Monsieur Chris Van Obbergen, Operations Manager G4S Belgium -‐ Monsieur Marc Bormans, Operations Manager G4S Belgium -‐ Monsieur Terence Dumortier, Branch Manager G4S Belgium -‐ Monsieur Philippe Matthys, Senior Operations Coordinator G4S Belgium -‐ Monsieur Marc Corrijnen, Training & Audit Officer G4S Belgium -‐ Madame Hilde Vandevoorde, Magistrat fédéral -‐ Madame Hélène Stijns, Juriste et training Officer G4S Belgium -‐ Wim, Rachid, Jean-‐Louis et Virginie, collaborateurs G4S Belgium
Et pour leur indéfectible support :
-‐ Monsieur le Commissaire divisionnaire Jean-‐Noël Lecomte -‐ Monsieur le Commissaire Bernard De Maertelaere -‐ Monsieur le Commissaire Peter Huybrechts -‐ Madame Sandrine Mertens
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5. Justification du choix de stage : Le stage (d’observation) s’inscrit dans le cadre de la formation à l’obtention du brevet de direction2. Etape préalable, le brevet donne accès, sous certaines conditions, au grade de Commissaire divisionnaire mais aussi aux fonctions de direction au sein de la police intégrée. D’une durée minimale de 100 heures, le stage a notamment pour objectif de contribuer au développement de certaines aptitudes ou compétences personnelles et de compléter ou parfaire la polyvalence de la carrière du stagiaire. Tenant compte des résultats de l’assessment et des différents entretiens de coaching3, il m’a été conseillé de m’intéresser à une dimension plus large des activités de notre organisation. Enfin, à l’occasion d’une dernière réunion de coaching4, et en accord avec l’Ecole nationale des officiers, il a été convenu d’observer l’évolution du rôle du secteur du gardiennage5 dans le domaine élargi de la sécurité au travers du prisme d’un acteur de la sécurité publique. J’ai fait choix d’effectuer ce stage dans une entreprise, actrice majeure du secteur dans notre pays et dans le monde (G4S Belgium). Mais aussi de compléter mon observation par l’examen superficiel de la tendance en France. Enfin, j’orienterai mon observation sur le partage – et à l’évolution de la tendance – des prestations contributives au concept de sécurité globale. Cette formulation me permet d’envisager, en un stage : la découverte et l’examen d’un secteur méconnu (secteur du gardiennage), l’observation des interactions avec notre organisation et enfin d’envisager une approche prédictive et stratégique de l’évolution de ces interactions. La formulation de ce dernier objectif autorise une liaison – peut-‐être audacieuse – avec certains points développés par notre collègue Bernard De Maertelaere au travers de son travail sur l’importante question de la contractualisation de la fonction de police6. Ce rapport constitue le compte-‐rendu de mes activités, et la livraison de quelques réflexions, exercées depuis la direction de mon maître de stage, Monsieur Hendrik Keersmaekers (Manager Legal Affairs) et des différentes Business units qui composent G4S en Belgique. Ces activités initiales ont été complétées par différentes entrevues avec quelques acteurs du secteur. Enfin, le stage s’est déroulé en région flamande. La plupart des entretiens ont été réalisés en néerlandais apportant ainsi une autre dimension au développement personnel du stagiaire.
2 AR 12/10/2006 déterminant le brevet de direction requis pour la promotion au grade de commissaire divisionnaire de police tel que modifié par l’AR 18/07/2013 3 Voir notamment nos entretiens des 31/01/2014 (assessment), 28/03/2014 et 25/04/2014 (coaching) 4 Entretien du 06/05/2014 (coaching) 5 Alors que dans la plupart des pays européens, on emploie le terme de sécurité privée pour caractériser l’ensemble des activités de surveillance humaine et électronique, en Belgique, le terme imposé par la loi et donc par l’autorité chargée du contrôle du secteur, est celui d’entreprises de gardiennage. La dénomination d’entreprise de sécurité s’applique exclusivement aux sociétés de conception, d’installation et de maintenance d’alarmes. 6 Tendance amenée à se développer dans les prochaines années en Belgique et dans le monde. Voir : Une police en réseau – « Une vision pour la police en 2025 » -‐ Willy Bruggeman et groupe de pilotage – 2014 et La contractualisation de la fonction de police, Bernard De Maertelaere, Brevet de Direction, Rapport de stage, 2014, non publié
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Partie 2 : Analyse critique du déroulement du stage : 1. Données et informations contextuelles :
Longtemps ignorée, crainte et parfois méprisée, la sécurité privée sort progressivement de son isolement. Sa montée en puissance bouscule les habitudes de notre pays, souvent confiné dans le carcan de ses certitudes juridiques et de ses dogmes politiques. Le fonctionnement de nos institutions réserve les principales compétences, celles qui sont appelées régaliennes, à l’Etat détenteur exclusif de l’exercice de la puissance publique.
Outre les fonctions qui définissent le champ de la souveraineté, il est convenu que la protection et le maintien de l’ordre public relèvent de l’État, seul garant de l’impartialité que doit inspirer la protection des personnes et des biens contre les menaces encourues du fait d’autres individus. La police veille à réduire les perturbations, les troubles et les dangers. Cet ordre est également positif, la police y contribue dans le sens où elle autorise l’exercice des droits individuels7.
Cependant les concepts de sécurité intégrale8 ou encore de sécurité humaine9 rendent beaucoup plus complexe cette représentation. En effet la sécurité, telle qu’elle y est définie et telle qu’elle inspire notre approche, va bien au-‐delà de la fonction traditionnelle de maintien de l’ordre public (de la tranquillité, de la sécurité et de la salubrité). Cette notion renvoie à un certain nombre de concepts, de stratégies, de plans d’action face à un ensemble de menaces et de risques qui globalisent la notion de danger, tant dans les manifestations qu’il peut revêtir que dans l’espace qu’il occupe.
Cette extension significative du champ de la notion de sécurité n’est pas que conceptuelle, elle traduit également un développement conséquent des missions et donc des actions régaliennes. Il n’y a pas seulement ce que l’Etat doit faire mais il y a aussi ce que l’Etat peut faire. De facto, le constat que ne pouvant pas tout faire, il nous incombe de définir ce qui nous revient en propre et ce dont nous devrons déléguer l’exécution.
Ne pouvant tout assumer, la réflexion sur l’identification des tâches clefs est posée. D’un acteur Léviathan10 à une organisation mue par une stratégie prédictive, il y a une évolution qui a profondément bouleversé notre approche.
7 Loi sur la Fonction de Police (LFP) art. 1, exposé des motifs 8 Pour décrire le concept de sécurité intégrale, il convient de définir les composants que sont les notions d’intégrale et de sécurité. La sécurité est un besoin de base que ressent tout citoyen individuel. Si ce besoin n’est pas satisfait, il se crée une certaine insécurité qui peut se traduire par un sentiment de mécontentement. L’attention intégrale requiert une approche globale qui tient compte de tous les facteurs pertinents. Le citoyen considère la sécurité comme un produit global. La gestion est présentée comme la constitution d’une chaîne de sécurité avec, comme maillons, un composant proactif, préventif, préparatif et répressif, complété d’un suivi. La gestion de la sécurité ne relève plus du domaine exclusif des pouvoirs publics, mais incombe également aux autres partenaires.
9 Par le passé, le concept de sécurité était assimilé à la sécurité territoriale mais cette notion traditionnelle s’est élargie et la valeur centrale est devenue l’individu lui-‐même, au-‐delà de son appartenance à un État particulier. En réponse à ces développements, l'Assemblée générale des Nations Unies a convenu d’examiner et de définir la notion de sécurité humaine. Le paragraphe 143 reconnaît que : « les êtres humains ont le droit de vivre libres et dans la dignité, à l’abri de la pauvreté et du désespoir. Nous estimons que toutes les personnes, en particulier les plus vulnérables, ont le droit de vivre à l’abri de la peur et du besoin et doivent avoir la possibilité de jouir de tous leurs droits et de développer pleinement leurs potentialités dans des conditions d’égalité.
10En sciences économiques, le Léviathan symbolise une tendance de l'État à grandir toujours plus.
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a. Le citoyen belge et la gestion privée de la sécurité En Belgique, traditionnellement depuis l’indépendance, les citoyens ont toujours rempli
un rôle actif dans le domaine de la sécurité. La garde civique, sorte de garde bourgeoise, en tant que police de réserve devait essentiellement être vue dans son contexte du 19ème siècle en tant que protecteur de la bourgeoisie et de ses biens contre un mouvement ouvrier émergent et turbulent. Jusqu’à la fin du 19ème siècle, ces gardes civiles sont en mesure de garantir un certain degré de sécurité. A
cette époque, nous trouvons chez Karl Marx une certaine vision de la politique sécuritaire en Belgique que nous ne pouvons éviter de rappeler :
« Il n’existe qu’un seul pays du monde civilisé où la force publique est là pour massacrer les ouvriers en grève, où toute grève est saisie avec avidité comme prétexte pour massacrer officiellement les ouvriers. Ce petit pays unique et béni, c’est la Belgique, l’Etat modèle du constitutionalisme continental, le confortable paradis et la chasse gardée des propriétaires fonciers, des capitalistes et des curés »11.
C’est à la même époque que l’économiste ultra-‐libéral, Gustave de Molinari12 tente de démontrer que la sécurité, loin de devoir rester le domaine privilégié de l’Etat, peut être produite exclusivement par le privé et vendue sur le marché comme n’importe quel bien, à l’avantage de la société.
En 1907, la première entreprise de sécurité privée est constituée en Belgique, à savoir la Garde Maritime et Commerciale (qui deviendra plus tard la GMIC). Historiquement, durant les années 30, le monde politique a cependant consacré beaucoup plus d’énergie à la lutte contre les milices privées. Ces efforts se concrétiseront par la promulgation de la loi du 29 juillet 1934 interdisant les milices privées.
Un regain d’intérêt teinté de peur et de méfiance émerge dans les années 80. La crainte de voir apparaître des milices commerciales, dans le contexte des années de plomb et face à des actes qui seraient aujourd’hui qualifiés de terroristes a vu naître la volonté de légiférer dans le domaine de la sécurité privée. La sécurité privée et particulière sera régulée par la loi du 10 avril 1990 sur les entreprises de gardiennage, sur les entreprises de sécurité et sur les services interne de gardiennage.
b. Evolution des acteurs du secteur de la sécurité privée en Belgique :
La première structure organisée de sécurité privée voit le jour en 1907. Cette première entreprise portera plus tard le nom de GMIC. Figure marquante dans les années 80, GMIC sera reprise successivement par Initial Security et aujourd’hui par Seris.
11 Karl Marx, La Belgique, Etat constitutionnel modèle, Le Fil du temps, s.d. 12 Gustave de Molinari, « De la production de la sécurité » , Journal des Économistes, 1849
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L’organisation de l’Exposition de 1958, ainsi que les besoins en matière de sécurité favoriseront l’émergence de nouvelles entreprises, comme Intergarde. Image longuement associée aux activités de parc des expositions au Heyzel à Bruxelles.
Quelques années plus tard, en 1962, les activités de G4S ont démarré sous l’impulsion de Jørgen Philip Sørensen. La société s’appelait alors Nouvelle Société de Surveillance et de Sécurité. Orientée exclusivement dans le secteur du gardiennage, l’entreprise s’est rapidement diversifiée vers le transport de valeurs et la sécurité électronique.
La croissance du secteur devient significative. Les premiers acteurs, d’abord actifs dans le domaine du gardiennage au sens étymologique du terme, intègrent différents services. En 1981, la marque Group 4 Securitas est introduite sur le marché belge, quelques années après sa première utilisation par la société sœur en Angleterre.
En 1991, Group 4 Securitas procède à l'acquisition de son plus important concurrent sur le marché belge, Intergarde Monitor Security, et consolide ainsi sa position de n°1 du marché de la sécurité en Belgique.
C’est en juin 2000 que Group 4 Securitas et Falck fusionnent pour former Group 4 Falck. Cette fusion entraîne l’entreprise dans une nouvelle forme de capitalisation. Le groupe est coté en Bourse et renforce son offre tant vers les autorités publiques que vers les particuliers. En juin 2004 Group 4 Falck fusionne avec Securicor. Le nouveau groupe ainsi constitué,
s'appelle désormais Group 4 Securicor. Depuis 2009, Group 4 Securicor est devenu G4S.
c. Evolution du cadre légal et réglementaire
En Belgique, jusqu’en 1990, les entreprises de gardiennage étaient soumises à la loi du 29 juillet 1934 interdisant les milices privées. Les entreprises de gardiennage intervenant sur le domaine public (et leurs collaborateurs) ne bénéficiaient d’aucun confort juridique. Elles étaient considérées, d’un point-‐de-‐vue strictement juridique, comme une milice privée et étaient donc interdites. Ce principe connaissait une exception, à condition d’avoir obtenu l’autorisation préalable du Conseil des ministres. Ces entreprises échappaient à tout contrôle organisé.
Enfin, la sécurité privée et particulière a d’abord été réglée par la loi du 10 avril 1990 sur les entreprises de gardiennage, sur les entreprises de sécurité et sur les services internes de gardiennage13 ainsi que par la loi du 19 juillet 1991 organisant la profession de détective privé14. Précisons d’emblée que ce métier de la sécurité privé n’a pas été abordé à l’occasion de notre stage. Il ne fera l’objet d’aucun développement dans le cadre de la présente contribution.
Depuis sa publication au Moniteur Belge en 1990, le texte initial a connu de très nombreuses et parfois fondamentales modifications … rendant son application concrète
13 Loi du 10 avril 1990 sur les entreprises de gardiennage, sur les entreprises de sécurité et sur les services internes de gardiennage, M.B. 29 mai 1990
14 Loi du19 juillet organisant la profession de détective privé, M.B. 2 novembre 1991.
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particulièrement complexe. Notons que suite aux modifications des 7 mai et 27 décembre 200415, la loi a changé de nom et l’on parle actuellement de la loi du 10 avril 1990 organisant la sécurité privée et particulière.
L’examen de l’exposé des motifs révèle l’état d’esprit du législateur. Au travers de cinq objectifs16 le gouvernement vise manifestement l’épuration du secteur au moyen de sa professionnalisation. Autre objectif déclaré par le législateur : éviter toute collusion entre la sécurité privée et la police (ainsi que les services de renseignement et le personnel pénitentiaire).
La professionnalisation du secteur de la sécurité privé, telle que le législateur l’envisage en 1990, passe par la formation professionnelle de l’ensemble du secteur.
Selon Jean-‐Louis Blanchou, délégué aux Coopérations de Sécurité (DCS) en France : « Il s’agissait de contrôler la formation, ce qui était un argument pour la confier aux entreprises elles-‐mêmes (qui seraient de toutes façons contrôlées) en en vérifiant la qualité in fine. Avec le recul, Jan Cappelle de la Direction de la Sécurité Privée (DSP) au SPF Intérieur, aurait préféré que la formation soit effectuée par les écoles de police, afin de mieux la contrôler et de participer aux contenus des formations »17.
Historiquement, le bornage des limites du champ « sécurité publique / sécurité privée » repose sur deux principes fondateurs :
• L’utilisation de la contrainte relève de l’Etat. Le recours à la contrainte, qui constitue une caractéristique essentielle des services de police qui disposent du monopole de la violence légitime, n’est autorisé que dans les conditions prévues par ou en vertu de la loi et pour l’exécution de leurs missions18.
• La surveillance du comportement des citoyens sur la voie publique relève de l’Etat.
Ces principes de base ont connu une évolution qui produira ses effets quelques temps après l’installation du service de police intégré. Nous y voyons l’illustration des effets cumulés d’une approche globale de la notion de sécurité et d’une pression budgétaire sans cesse plus prégnante.
Nous pensons que le mécanisme des modifications intervenues dans les années 2004 et 2014 trouve ses racines dans ces mêmes causes19 . Les premières modifications intervenues en 2004 permettent de réglementer l’organisation de la sécurité dans les transports en commun, d’élargir le scope et d’envisager la gestion des incivilités.
15 Loi du 7 mai 2004 modifiant la loi du 10 avril 1990 sur les entreprises de gardiennage, sur les entreprises de sécurité et sur les services internes de gardiennage, la loi du 29 juillet 1934 interdisant les milices privées et la loi du 19 juillet 1991 organisant la profession de détective privé, M.B. 3 juin 2004 ; Loi du 17 décembre 2004 portant des dispositions diverses, M.B. du 31 déc. 2004.
16 Augmentation de la qualité des entreprises au travers de la formation du personnel, limitation du risque d’immixtion dans la fonction public, blocage du passage des fonctionnaires de police vers le secteur privé, mise en place d’un système de contrôle et de sanction et fixation des modalités de fonctionnement des entreprises 17 La Sécurité Privée en Belgique, Rapport de mission, Délégation Interministérielle à la Sécurité Privé, aujourd’hui Délégation aux Coopérations de Sécurité, 2012 et entretien 09/2014 18 La loi sur la fonction de police, Christian De Valkeneer et Fernand Koekelberg, Larcier, 1993. Voir également Circ. Min commune des Ministres de la Justice et de l’Intérieur, MB 20/03/1993. 19 Voir le tableau synthétique – Evolution du cadre légal et réglementaire
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d. La sécurité privée telle qu’envisagée aujourd’hui … La sécurité privée en Belgique constitue une réalité que nous ne pouvons nier. Au quotidien, nous la rencontrons en différents lieux : grandes surfaces, entreprises, festivals, aéroports, hôpitaux et même sur la voie publique … et depuis quelques années, même chez le particulier.
Nous assistons depuis quelques décennies à un essor remarquable du secteur de la sécurité privée dans notre pays20. Le nombre d’acteurs en concurrence dans le domaine ne cesse par ailleurs de grandir21. Nous pensons pouvoir expliquer cette dynamique par la convergence de différents facteurs :
• Le sentiment d’insécurité a suscité et stimulé un accroissement significatif de la demande des personnes intéressées.
• Le développement de nouveaux espaces publics et de concentration de population (aéroports, gares, supermarchés, …).
• L’outsourcing des activités de sécurité interne d’un grand nombre d’entreprises. • La contrainte de politiques budgétaires acérées et la contraction des finances
publiques. Ce n’est pas ici le lieu de se livrer à une recension de l’évolution du secteur de la sécurité privée ; tâche de longue haleine qui justifierait à elle seule une étude minutieuse dans laquelle nombre d’auteurs ne manqueront pas de s’illustrer. Cependant, il nous a paru utile de développer le dernier point qui contribue notamment à la justification de notre choix de stage. En effet, nous pensons que nos organisations policières, pressées par des contractions de financement resserrent naturellement leurs activités autour d’objectifs prioritaires. Nous avons de cette manière, cédé graduellement, par délégation, certaines tâches du domaine public au secteur privé. De la sorte, nous participons indéniablement au déploiement et à l’expansion du secteur de la sécurité privée. Se pose le débat de l’appartenance de ces tâches « réservées » au domaine public aux missions dites « de police ». Le législateur parle même, sans les définir, des compétences qui ne sont pas exclusivement réservées aux représentants de l’autorité publique. A ce stade de notre développement, il nous paraît utile de définir la notion de gardiennage, telle qu’envisagée en Belgique. Cette notion repose sur quatre piliers fondamentaux : Le gardiennage, la sécurité, les conseils et la formation. La notion de gardiennage comprend les activités telles quelles ont été définies par le législateur :
1. Surveillance et protection de biens mobiliers et immobiliers 2. Protection de personnes 3. Surveillance et protection de transports de biens, manipulation de valeurs, centre
de tri d’argent 4. Gestion de centraux d’alarme
20 Lettre d’information N°3, Point d’Appui, TEF/ULB 21 Idem 11
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5. Surveillance et contrôle de personnes dans le cadre du maintien de la sécurité dans des lieux accessibles ou non au public
6. Réalisation de constatations sur le domaine public 7. Accompagnement de groupes de personnes dans le cadre du maintien de la
sécurité routière 8. Accompagnement de véhicules exceptionnels en vue de la sécurité routière.
La notion de sécurité : La loi considère comme « entreprise de sécurité » toute personne physique ou morale exerçant une activité consistant à fournir à des tiers des services de : conception, installation, réparation et d’entretien de systèmes et d’alarme. La notion de conseils (d’audit de sécurité) : Les activités de consultance en sécurité consistent à fournir à des tiers des services de conseil pour prévenir des délits contre les personnes ou les biens. La notion de formation : Le législateur réglemente les institutions de formation. Cette réglementation porte sur les activités de gardiennage et de sécurité. Cette somme d’activité fera l’objet du développement d’une analyse au travers du prisme des activités exercées par G4S Belgium (voir infra). Ensuite, la note de politique générale 2012 du gouvernement énonce : “Une clarification du rôle de l’ensemble des acteurs, publics et privés, de la sécurité sera réalisée pour améliorer les partenariats. Des solutions seront recherchées afin de libérer la police de certaines tâches administratives, mais aussi opérationnelles (…). Elle se concentrera ainsi sur les tâches clés telles que redéfinies par le gouvernement »22. Notons encore que la question des missions fondamentales de la police et donc du transfert de certaines tâches policières au secteur privé a fait l’objet d’une série d’auditions en commission du Parlement, fin 201223. e. Morphologie du secteur de la sécurité privée en Belgique : Le secteur de la sécurité privée a fortement évolué ces dernières années. Il semble cependant être arrivé à maturité24. Cette évolution s’est marquée par une accélération de l’activité avec pour effets secondaires une augmentation significative du chiffre d’affaires et une forte croissance de l’offre d’emploi. Les activités portent principalement sur les activités de gardiennage (statique et mobile), au sens premier du terme. Nous relevons ensuite l’activité de Cash in Transit (billets, monnaies et centre de comptage) et les autres segments dans une moindre mesure. Comme décrit supra, le secteur a connu différentes vagues de concentration et de fusion d’entreprises. Le secteur de la sécurité privée est concentré entre deux acteurs majeurs (G4S et Securitas) qui couvrent le marché à raison de près de 80% des parts. Cependant, à côté des grandes entreprises multinationales, se sont maintenues des
22 Elio Di Rupo, Projet de déclaration de politique générale, 1er décembre 2011, p. 145-‐146
23 Voir Chambre des représentants de Belgique, Rapport du 16 octobre 2012 relatif aux auditions sur le transfert de certaines tâches policières à des sociétés privées de gardiennage, Doc. Parl., Chambre 2012-‐13, n° 53-‐2446/001.
24 Nous parlons de maturité d'un marché quand le taux d'équipement pour un produit ou un service est élevé par rapport au potentiel du marché. Source : Entrevue Business Unit Audit & Formation (17/09/2014).
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entités de petites tailles, actives et organisées dans des segments très spécialisés avec un ancrage local. La clientèle régulière du secteur peut être caractérisée comme suit : les secteurs de la banque, de la grande distribution, de l’industrie, les interfaces de communication, les administrations au sens large (autorité) et les particuliers. L’observation des données relatives au chiffre d’affaire 2012 de G4S (mondial) confirme la tendance générale
décrite dans la littérature. En effet, les marchés privés dominent largement les marchés publics. Cette tendance doit être nuancée pour la Belgique où le rapport peut être considéré dans des proportions de 60 % (privé) et 40 % (public). Ce ratio révèle l’importance des activités aux bénéfices des institutions internationales. Cette dernière observation paraît d’autant plus pertinente qu’elle nous permet d’envisager l’accroissement du volume d’activité depuis une relation qui tiendra compte des constantes : concentration du secteur dans un contexte de maturation du marché.
L’accroissement des parts de « marchés publics » dans le contexte que nous tenterons de décrire infra, constitue de l’avis même des représentants du secteur, une opportunité énorme.
f. L’APEG, l’organisation professionnelle et l’introduction d’un label de qualité:
L'Association Professionnelle des Entreprises de Gardiennage (APEG)25 a été créée en 1971 et représente à l'heure actuelle 20 entreprises de gardiennage. Cette organisation constitue la seule fédération représentative des employeurs du secteur de la sécurité privée. Les membres de l'APEG représentent plus de 90% du marché belge du gardiennage et occupent également plus de 90% du nombre total d'agents de gardiennage dans le secteur. Organisée en différentes commissions (e.a. gardiennage, transport de valeurs, formation, déontologie, …), l’APEG a pour objectifs essentiels de représenter les intérêts du secteur auprès des autorités, de coopérer et d’entretenir des relations avec les instances compétentes. C’est à ce titre qu’elle a participé aux travaux de la commission des affaires intérieures le 30 mai 2012. L’APEG a notamment pour objectif de contribuer à l’amélioration constante de la qualité des prestations de ses membres. C’est au travers d’une procédure de certification et d’octroi du label de qualité Secure Quality ® que le secteur s’inscrit dans un processus d’autorégulation26.
25 APEG-‐BVBO – Rue Jan Bogemans 249 – 1780 Wemmel – www.apeg-‐bvbo.be 26 APEG – Secure Quality, une première pour le gardiennage privé
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g. Examen du profil des salariés de G4S Belgium: L’âge moyen des travailleurs de G4S Belgium se situe entre 40 et 43 ans. La proportion de travailleurs âgés de plus de 50 ans est faible, elle ne dépasse pas 30 % de l’effectif total de l’entreprise (chiffres communiqués par DRH G4S au 30/09/2014). L’ancienneté moyenne est de 10 années pour G4S Secure Solutions et de 13 années pour G4S Cash. G4S occupe une large proportion d’hommes. En effet, le pourcentage de femmes varie selon les entreprises (et donc de la niche qu’elles occupent) entre 10% et 20 %. Ces salariées sont le plus souvent affectées à des postes spécifiques: surveillance de biens, accueil, contrôle de personnes et inspection de magasins. Quelques rares femmes occupent des fonctions dans le secteur Cash in Transit (CIT) bastion réputé imprenable il y a quelques années déjà. Cette constation se rapporte au transport. La tendance s’inverse dans l’activité de comptage. Le personnel employé par le secteur est caractérisé par un taux important de turn-‐over. La rotation des collaborateurs constitue une composante importante de la gestion des ressources humaines. Nous pouvons distinguer deux catégories de collaborateurs. Un noyau constitué par du personnel employé depuis quelques années, appelé aussi stabilisé (à partir de 5 années d’ancienneté) et une catégorie périphérique, très mouvante, constitué d’une main d’oeuvre jeune et souvent peu qualifiée. Cette dernière catégorie regrouperait 20 % des effectifs totaux du secteur. h. G4S en Belgique: Fort d’une expérience d’un demi-‐siècle, G4S Belgium emploie plus de 6000 collaborateurs affectés exclusivement à des activités de sécurité. Les activités du groupe en Belgique ont généré un chiffre d’affaire de près de 350.000.000 € en 2012. Doté d’une infrastructure logistique importante, le groupe aligne une flotte de plus de 900 véhicules engagés dans des activités de sécurité, de transport, de logistique et encore de maintenance. L’offre en solutions de sécurité produite par le groupe est présentée à l’ensemble des secteurs qui constitue notre économie et notre vie quotidienne. Fort d’une couverture nationale et d’un ancrage régional, G4S Belgium offre ses services à une gamme de clients institutionnels, industriels, bancaires, indépendants et particuliers. A la recherche de la maîtrise de ses processus et d’une amélioration constante de la qualité de ses prestations, G4S Belgium dispose des certifications Q4 pour son centre de formation, ISO 9001 pour le groupe et Secure Quality pour l’ensemble des activités de gardiennage et INCERT pour ses activités de sécurité.
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Les activités belges s’inscrivent dans le contexte international et global de G4S, présent dans 125 pays et occupant près de 620.000 collaborateurs. G4S est né en 2004 de la fusion de deux acteurs majeurs de la sécurité privée internationale, Group 4 Falck et Securicor. i. Identité et valeurs de l’entreprise: Nous avons été très favorablement impressionnés par la force identitaire, mais aussi par la prégnance des valeurs de l’entreprise auprès de ses collaborateurs. Cette constatation est généralisée et a été reproduite à l’occasion de l’examen des activités de chacune des Business Units qui composent le groupe. Les valeurs affichées et commentées de G4S Belgium sont livrées en annexe.
ii. Organisation de G4S en Belgique :
L’entreprise est organisée en business units actives autour des quatre piliers fondamentaux définis supra (gardiennage, sécurité, conseils en sécurité et formation) augmentés d’un pilier affecté à la sécurité aéroportuaire27. Ces cinq piliers sont e.a. dédiés à l’exécution des activités de gardiennage telles que définies et autorisées par loi. Précisons qu’à ce jour G4S Belgium a limité son offre de service aux activités suivantes:
1. Surveillance et protection de biens mobiliers et immobiliers 2. Protection de personnes 3. Surveillance et protection de transports de biens, manipulation de valeurs, centre
de tri d’argent 4. Gestion de centraux d’alarme 5. Surveillance et contrôle de personnes dans le cadre du maintien de la sécurité
dans des lieux accessibles ou non au public 6. Réalisation de constatations sur le domaine public
Nous pouvons dès lors décrire l’organisation du groupe partant de chacune de ses business units. Cette description n’a pas la prétention d’être exhaustive, elle synthétise le contenu des entrevues avec chacun des directeurs. Ces rencontres se sont toutes réalisées selon la méthodologie suivante:
• Introduction et entretien avec les directeurs • visites sur le terrain et dans les installations spécifiques • divers entretiens avec les collaborateurs exécutifs
1. Business unit – Static, Mobile & Events (Robby Van Mele): Cette business unit est dédiée à l’exécution des missions de gardiennage au sens étymologique du terme. La réglementation distingue les activités de gardiennage statique des activités de gardiennage mobile.
27 Voir l’organigramme (business units et services facilitaires) livré en annexe
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G4S Belgium réalise la même distinction au travers de son organisation. La notion de gardiennage statique comprend la mise à disposition d’agents (de gardiennage) qui resteront en permanence sur/autour d’un site. Pendant leur service ils vont exécuter des instructions préalablement convenues et approuvées par le client. Les collaborateurs de ce pilier occupent un large éventail de fonctions en industrie (industrial guarding), en entreprise (front desk guarding), dans le
secteur de la distribution (retail guarding), … Une distinction est également apportée au gardiennage mobile avec la répartition des missions dites de patrouille (rondes mobiles), des missions d’intervention. Le patrouilleur va devoir suivre un ordre de mission préétabli (sorte de feuille de route) durant son service. Ce planning discrimine les rondes de contrôle (contrôle de points déterminés sur le site de l’entreprise), les rondes d’ouverture (ouverture des accès d’une entreprise à un moment déterminé) et de fermeture. Ce schéma est automatisé et chacune des actions du patrouilleur est enregistrée au moyen d’un PDA. Le gardiennage d’intervention est sollicité lorsqu’un système d’alarme se déclenche
dans une entreprise ou dans une habitation particulière. Le patrouilleur se rend sur place et confirme s’il s’agit d’une alarme réelle ou d’une fausse alarme. Ce n’est qu’en cas d’alarme réelle que les forces de police seront sollicitées par le centre d’appel. Notons à titre d’exemple que G4S Belgium aligne en 24/7 en région bruxelloise, 20 patrouilles (1 agent de gardiennage). Elles sont renforcées par un dispositif
d’intervention de 4 patrouilles (1 agent de gardiennage). Cette direction intègre également d’autres activités comme la surveillance et le contrôle de personnes dans le cadre du maintien de la sécurité dans des lieux accessibles au public et la réalisation de constations sur le domaine public. Ces activités constituent une évolution sensible des activités confiées au secteur. Elles recoupent tantôt des activités d’hospitality à l’occasion de l’organisation d’événements culturels (qu’il s’agisse d’un festival musical, d’un concert, d’un plateau de tournage, …) et les activités des agents constatateurs. La réalisation des constatations se résume le plus souvent en pratique par le contrôle des emplacements de parking payant. Ce pilier occupe près de 3200 collaborateurs. Des efforts substantiels ont été réalisés dans le cadre de la gestion des prestations et plus particulièrement dans le cadre de la planification. Ces efforts se traduisent par le développement d’un outil de planification, de visualisation et d’analyse des données au moyen d’un tableau de bord performant, seul moyen d’assurer le suivi en temps réel (quotidien) des collaborateurs de l’unité. En effet, les contrats de gardiennage génèrent une marge de bénéfice très faible. L’impact d’accords sectoriels complexes dans le domaine du gardiennage provoque des effets domino et cumulatifs qu’il est parfois très complexe d’absorber.
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2. Business unit – Aviation Security (Ronald Engels) :
La sûreté aéroportuaire constitue en la combinaison de mesures et de moyens humains et matériels visant à protéger l'aviation civile contre les actes d'intervention illicite. Les mesures de sûreté incluent le contrôle des passagers et de leurs bagages au moment de l'enregistrement et de l'embarquement, mais aussi la surveillance des mouvements dans les terminaux et sur les pistes, ainsi qu'aux abords des avions.
La sûreté consiste principalement en la recherche d'éventuelles menaces pouvant être introduites à bord d'avions civils, que ce soit dans un bagage de soute ou un bagage à main. G4S Belgium fournit des solutions de sûreté spécialisées au secteur aéroportuaire afin de pourvoir aux besoins spécifiques des compagnies aériennes et des aéroports. Ces solutions ressortent des activités de gardiennage classique mais bénficient d’une position particulière dans l’organisation du groupe. L’engagement de G4S Belgium à Brussels Airport est exemplatif. L’évaluation de l’efficacité de G4S Belgium se pose en terme d’output based contract28. En d’autres termes, les agents doivent traiter un volume de passagers donné (en l’occurrence par exemple: 1300 personnes) par demi-‐heure. En optimisant son modèle de travail et en faisant appel à des agents supplémentaires, G4S Belgium est capable de traiter les volumes imposés par les Service Level Agreements (SLA). Ce pilier spécialisé dans la sécurité aéroportuaire occupe plus de 750 collaborateurs.
3. Business unit – Monitoring & Systems (Bart De Keyzer):
G4S Belgium propose une approche structurée des solutions de sécurité. Cette approche matricielle se traduit dans l’organisation de cette unité. En effet le concept « Monitoring & Systems » recouvre des activités de gestion d’une centrale d’alarme (gardiennage) et de conception, d’installation et d’entretien de systèmes d’alarme (sécurité)29.
La gestion de centraux d’alarme couvre l’ensemble des activités qui font partie du suivi des signaux émis par des systèmes d’alarme (systèmes pour prévenir ou signaler des délits contre des personnes ou des biens). L’évolution technologique est sensible et continue. Aujourd’hui les solutions de protection envisage un spectre bien plus large que la seule détection des intrusions.
28 L’output based contract est à tout considérer basé sur le principe de l’obligation de résultats et non en termes de moyens. Il peut être défini selon des standards anglo-‐saxons de la manière suivante : « An output based contract is an agreement between a customer and a supplier, which creates a relationship for the delivery of services or products. The driving force behind the contract is that it focuses on what the deliverables are in business terms rather than how they should be delivered. 29 La Loi considère comme « entreprise de sécurité » toute personne physique ou morale exerçant une activité consistant à fournir à des tiers (…) des services de : conception, installation, réparation et d’entretien de systèmes et de centraux d’alarme. Ces entreprises sont agréées. Le secteur de la sécurité se rapporte au matériel utilisé pour prévenir ou constater les faits délictueux. Il peut s'agir de matériel mécanique, notamment comme les serrures de portes, le matériel anti-‐effraction, les coffres-‐forts, mais aussi de matériel électronique comme les systèmes d'alarme, les systèmes de vidéosurveillance, etc. Ce matériel peut être utilisé pour sécuriser des bâtiments, mais aussi des voitures, des navires ainsi que des conteneurs.
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Dans bon nombre de cas, l’opérateur de centrale d’alarme préviendra un agent de gardiennage qui effectuera une intervention après alarme sur place. G4S Belgium dispose d'une centrale de surveillance ultra moderne conçue de manière segmentée.
Dans sa configuration actuelle, cette plateforme autorise la gestion des signaux provenant de 20.000 centraux d’alarme et la gestion de 100.000 événements /mois.
4. Business unit – Training & Audits (Martine Daenen):
G4S Belgium propose également une approche structurée des solutions de consultance en matière de sécurité et de formation des différentes catégories de collaborateurs du secteur. La loi régule de manière distincte les deux activités.
Les activités de consultance en sécurité consistent à fournir à des tiers des services de conseil pour prévenir des délits contre les personnes ou les biens. Cette notion comprend l’élaboration d’audits, de concepts et de procédures dans le domaine de la sécurité. Cette activité est orientée vers la prévention.
Par ailleurs, le législateur considère et réglemente les institutions de formation. Cette réglementation portant tant sur les activités de gardiennage (8 activités décrites supra) et de sécurité (conception, installation, réparation et entretien de centraux d’alarme).
L'institution de formation de G4S Belgium, reconnue par le SPF Intérieur, est spécialisée dans la formation des professionnels chargés de la sécurité, de la surveillance et de la protection de personnes physiques et de leur environnement matériel immédiat.
5. Business unit – Cash & Courier (Ab Van Eck): Les activités de gardiennage relatives à la protection des transport de valeurs (souvent appelées Cash in Transit ou CIT), sont scindées en différentes parties. Retenons que la loi distingue les activités de transport des activités de comptage. Cette distinction réglementaire, mais également l’application stricte des normes induisent une profonde réflexion sur les processus de l’entreprise. Un cadastre performant a été établi et chaque processus est soumis à l’analyse critique permanente. Des notions de: surveillance et/ou protection de transport de biens et de transport d’argent ou d’autres biens (…) qui peuvent faire l’objet d’une menace … sont fortement régulées par la loi. Il n’entre malheureusement pas dans le cadre de cette contribution de nous y attarder30. Afin de limiter notre propos, nous nous proposons de distinguer les activités de collecte et de transport, des activités de comptage d’argent.
30 L’AR du 8/04/2014 relatif à la détermination des biens, autres que de l’argent, qui en raison de leur caractère précieux ou de leurs natures spécifiques sont considérés comme pouvant faire l’objet d’une menace. Ils s’agit des biens suivants : les chèques en papier ou bons de valeurs qui peuvent être acceptés dans le commerce comme moyen de paiement et les pierres précieuses, les bijoux, les métaux précieux, le platine et l’or.
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L’activité de transport de valeurs est très concentrée, puisque le marché est partagé entre deux acteurs (G4S Belgium et Cobelguard). Cette concentration reste très favorable à G4S Belgium, qui occupe à elle seule 85 % du marché. Pour assurer le transport sécurisé d’argent liquide, G4S Belgium aligne une flotte composée de 220 véhicules spécialisés et de 12.000 valises dites “intelligentes” (IBNS). Près de 1100 collaborateurs permettent d’assurer le transport sécurisé et rapide31 d’argent liquide.
Complément naturel du transport de fonds, le traitement des valeurs constitue la marque de fabrique de G4S Belgium au sein de ce segment du marché. Ce traitement se réalise dans un centre de comptage. Cette activité est définie par la loi. Retenons qu’il s’agit des installations où l’on exerce des activités de comptage, d’emballage, de conservation et de distribution d’argent.
G4S Belgium dispose de 2 centres sécurisés de traitement d’argent liquide. L’un de ces centres est spécialisé dans le comptage et l’enliassage des billets et l’autre dans le comptage et l’emballage des pièces de monnaie. Le centre de comptage (billets) de G4S Belgium traite une moyenne de 2.300.000 billets/jour.
Cette activité est encore complétée par la gestion de l’approvisionnement et de la surveillance des distributeurs de billets (Automatic Teller Machine -‐ ATM). G4S Belgium gère plus de 950 distributeurs de billets en Belgique diffusé sur plus de 500 sites pour différents clients.
Citons, pour être complet, l’activité de transport de documents. G4S Courier Solutions dispose d’un centre de tri national, d’une flotte de 65 véhicules et de 143 collaborateurs. G4S Courier Solutions réalise chaque nuit plus de 3700 livraisons.
2. Proposition de solution : Confrontés aux nombreux défis d’une société globalisée, d’une société de l’information, … et paradoxalement aux contractions budgétaires, les forces de police n’ont d’autre solution que d’augmenter les partenariats pour faire face aux besoins croissants en matière de sécurité. Notre hypothèse est qu’il se produit une sorte de « démonopolisation », au sens où nous nous éloignons du monopole de la contrainte légitime (voir à ce sujet la rupture du principe au travers des compétences accrues des agents de sécurité des sociétés de transport public). Nous y voyons non pas un retrait mais l’expression d’une forme d’opportunisme des pouvoirs publics. Notre organisation voit évoluer profondément le caractère public du domaine de la sécurité, le partage de la charge d’assurer la sécurité entre des organisations plus nombreuses et, enfin, les relations qu’entretiennent ces acteurs contraints de s’entendre.
31 La dimension de la contrainte « temps » doit être prise en compte. En effet, ce n’est qu’après la réalisation des opérations de comptage que le compte bancaire du bénéficiaire est crédité par l’institution financière.
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a. La police belge telle qu’envisagée aujourd’hui … Notre organisation policière32 est constituée d’une structure formelle et hiérarchique aux compétences délimitées par un cadre normatif, habituée aux procédures strictes. Cette description fort peu nuancée nous rattache sans beaucoup d’ambiguïté à la catégorie des organisations que Max Weber décrit lui-‐même comme bureaucratiques33. Notre organisation policière, pas moins qu’une autre organisation régalienne est exposée aux réalités économiques et au contexte social auquel nous nous référons. Par contre, selon Willy Bruggeman : « les études criminologiques et l’expérience policière montrent qu’en matière de police, la demande dépasse toujours l’offre ». Evoquer la demande (ou le besoin) et l’offre nous impose de développer la nature de cette dernière et de préciser la question de l’effectif et de définir les missions de police. Le ratio fonctionnaire de police/habitant en constitue un bon indicateur34. La Belgique compte 203 entreprises de gardiennage autorisées par le SPF Intérieur. Ensemble, elles emploient environ 15.700 personnes. Comparé avec la population belge, cela signifie qu’il y a un agent de gardiennage pour 703 citoyens belges. En comparaison pour la police, le ratio est de 1/266. L’observation des différents pays qui composent l’UE révèle des tendances parfois surprenantes. Des pays comme le Grand-‐Duché de Luxembourg, la Grande-‐Bretagne, la Suède et l’Irlande révèlent une suprématie importante des forces de sécurité privée en regard des forces de police. Le rapport agent de sécurité se doit d’être contextualisé, voire même nuancé. Nous savons que des notions de surveillance informelle ou encore de contrôle social ont tendance à disparaître au bénéfice d’activités professionnelles dites de sécurité privée. Diverses activités de gardiennage sont « réintroduites » et remplacent – en partie – des emplois détruits par la modernisation
des transports publics par exemple. Cette dernière observation amène des chercheurs hollandais à conclure que : « De ce fait, on peut dénombrer plus d’agents de sécurité. Il n’est pas certain qu’il y ait plus de surveillance dans une société parce qu’il y a plus d’employés
dans les entreprises de gardiennage. En revanche, cela traduit un processus de professionnalisation de la délivrance de ce type de service »35 .
32Cette notion d’organisation englobe les deux composantes du service de police intégré. 33 En tant que forme d’organisation du travail, la bureaucratie désigne une administration dont l'action est encadrée par le droit. Cette définition correspond au sens wébérien du concept de bureaucratie. Cette dernière apparaît ainsi comme la plus conforme au modèle de la rationalité légale, notamment parce qu'elle s'appuie sur des règles juridiques, permet une meilleure prévisibilité et repose sur un savoir précis. 34 Derniers chiffres publiés par le CoESS – Confédération Européenne des Services de Sécurité – Livre Blanc – 3ème édition -‐ 2010 35 Frans Van Dijk, Jaap de Waard, Public and Private Crime Control, Dutch and International Trends, Dutch Ministry of Justice, Strategic Planning Unit, sd.
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Ces dix dernières années, en dehors de quelques nuances, notre pays a fait choix de confier l’exécution de tâches ne nécessitant pas de compétences particulières à la police. Par contre, d’autres pays, comme le Royaume-‐Uni ou la Suède, ont fait le choix « de sortir » ces missions des attributions de policières. Des pans importants d’activités ont été confiés, ou sous-‐traités à des organisations externes. En Belgique36, depuis quelques années, le débat s’est organisé autour des missions fondamentales (ou exclusives) de la police. Distinguer le principal de l’accessoire revient à suggérer que la police exerce deux types de missions : les essentielles et les secondaires. Confrontée à un climat peu favorable, lorsque les moyens font défaut, l’organisation sera alors tentée de se replier sur ses missions définies comme essentielles37. La discrimination des différentes missions peut être envisagée selon différents axes. La somme des avis des différents acteurs rencontrés augmentée des fruits de notre contribution indique qu’une discrimination basée sur la spécificité et la nature de la fonction de police doit l’emporter. Cette discrimination peut être formulée au travers du questionnement suivant : En quoi l’exécution de cette mission emporte-‐t-‐elle l’engagement nécessaire d’un fonctionnaire de police ? En quoi, le fonctionnaire de police apporte-‐t-‐il une plus-‐value à l’exécution de cette mission ? Poussé au bout du raisonnement, le principe emporte dès lors l’abandon du reliquat à la diligence d’autres coproducteurs de sécurité. Madame la Commissaire générale Catherine De Bolle confirme cette assertion, en sa lettre de mission 2012-‐2016, et aborde le dilemme imposé par la disjonction, et donc par l'externalisation d'une activité qualifiée d’accessoire de celle d'une activité dite essentielle : « Un service professionnel implique que la Police fédérale satisfait aux attentes des citoyens, des autorités, des partenaires et des collègues de manière compétente, moderne, structurée et proactive en veillant à fournir un service équivalent. A cet égard, la Police fédérale s’attache avant tout à accomplir ses tâches fondamentales et à exécuter les priorités visées dans le Plan National de Sécurité »38. Ce dernier développement implique dès lors le besoin de dresser la liste des missions fondamentales de la police. b. Le secteur de la sécurité privée comme partenaire responsable : L’examen critique des circonstances de la naissance du cadre juridique et de son évolution traduit tantôt une méfiance, tantôt un encouragement au développement des activités du secteur de la sécurité privée. Nous y voyons une relation immédiate, quasi dogmatique avec l’orientation politique gouvernementale du moment. Nous ne pouvons ignorer cette relation de cause à effet39. 36 En France, La logique de « cœur de métier » a été définie par le Gouvernement français au nom de la Révision générale des politiques publiques. Eric Woerth, ancien Ministre du Budget au nom de la réforme de l'État français a rappelé le 04/08/2008 « que dans tous les ministères, les réformes identifiées permettent (…) de développer l’externalisation sur des fonctions qui ne sont pas au cœur du métier de l’État ».
37 Une tâche essentielle peut être définie comme étant susceptible d’avoir une influence significative sur le fonctionnement de l’organisation. 38 Lettre de Mission 2012 – 2016, CDP Catherine De Bolle, Commissaire général 39 Nous entendons généralement par cause d’un fait ce qui le produit ou du moins qui participe à sa production. Donner les causes d'un fait revient à le rendre intelligible.
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Il nous paraît essentiel de considérer un nouveau principe et de proposer la légitime reconnaissance du secteur de la sécurité privée en qualité de partenaire du dispositif de sécurité intégrale en Belgique. Au même titre que la police, la justice, ou encore les citoyens, les entreprises de sécurité privée contribuent significativement à assurer une plus grande sécurité à notre population40. Maurice Cusson reconnaît bien volontiers que le secteur de la sécurité privée sert des intérêts avant tout particuliers. C’est un fait qui ne demande aucune démonstration. Mais il reste indéniable « que le secteur prévient la commission d’un certain nombre de faits. Son action préventive contribue à contenir la criminalité dans la société et à réduire la victimisation »41. Elle agit favorablement sur le sentiment de sécurité de la population que nous servons. Renforcé par les différents signaux que nous avons perçus à l’occasion des différentes entrevues réalisées auprès des acteurs du secteur, nous pouvons affirmer que la sécurité privée, ainsi que son approche abordent une nouvelle étape en Belgique. La question ne consiste plus à savoir comment réglementer le secteur privé de la sécurité, mais bien de savoir comment définir et activer le rôle public que nous comptons lui attribuer. En raison de sa contribution au concept de sécurité intégrale, le secteur de la sécurité privée doit être considéré comme un partenaire à part entière. Nous sommes d’avis que cette reconnaissance n’est pas effective et que cette situation nuit à l’établissement d’un véritable partenariat productif. En 2012, au cours des auditions en commission du Parlement, les représentants du secteur ont indiqué qu’ils souhaitaient participer activement à la réflexion, par le biais d’un dialogue ouvert avec toutes les parties concernées42.
Confrontés à un cadre réglementaire particulièrement contraignant (motivé notamment par l’épuration d’un secteur peu normé et au souci légitime de contrôle et de professionnalisation) les acteurs majeurs du secteur ont développé des stratégies efficaces de développement et de fonctionnement. Cette observation contribue, par ailleurs, à l’argumentation développée par l’APEG43.
En complément, il nous paraît utile d’intégrer des notions telles que la hauteur des investissements consentis dans le pilier Cash & Transit, mais aussi le développement d’un label de qualité propre (voir infra) et le souci de satisfaire à une série de certifications reconnues (Q4 pour le centre de formation, VCA et INCERT pour G4S
40 « Si la police constitue un maillon important de la chaîne de sécurité, il apparaît que d’autres acteurs doivent être pris en considération pour une approche optimale de la sécurité. L’idée fondamentale est d’accorder une attention permanente à chaque maillon de la chaîne de sécurité, soit la pro-‐action, la préparation, la prévention, la réaction et le suivi des auteurs et des victimes, et ce dans un environnement déterminé. La sécurité, envisagée sous cet angle, dépasse largement le cadre des actions préventives ou policières » in « Vers une politique locale de sécurité intégrale » -‐ BeSafe 41 Maurice Cusson, La sécurité privée : le phénomène, la controverse, l’avenir in Revue de Criminologie, vol XXXI, n°2. 42 Voir Chambre des représentants de Belgique, Rapport du 16 octobre 2012 relatif aux auditions sur le transfert de certaines tâches policières à des sociétés privées de gardiennage, Doc. Parl., Chambre 2012-‐13, n° 53-‐2446/001. Les représentants du secteur estiment qu’ils peuvent apporter une perspective spécifique à ce débat au travers notamment de la professionnalisation des métiers de la sécurité privée (longue expérience d’un cadre légal stricte, investissements propres importants, au développement d’un label de qualité propre et de normes sectorielles spécifiques). Ils notent encore que la collaboration entre la police et le secteur est une réalité depuis de nombreuses années. Cette collaboration se concrétise par le biais d’accords dans le cadre de la gestion d’événements et de centrales d’alarme, du transport de valeurs et de la surveillance de sites sensibles.
43 APEG : Association Professionnelle des Entreprises de Gardiennage voir également note 35.
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Systems et ISO 9001 pour le groupe)44.
Le souci légitime que nous avons de contrôler le secteur et ses activités nous permet de documenter cette réflexion et de mettre les arguments développés en perspective avec les données publiées par la Direction de la Sécurité Privée du SPF Intérieur (voir annexes : statiques SPF Intérieur – DSP).
Les professionnels du secteur de la sécurité privée estiment qu’ils peuvent apporter une perspective spécifique, positive et complémentaire à ce débat par leur expertise (Belgique et étranger) et leur professionnalisme (grâce à 22 ans de législation, à des investissements propres, à un label de qualité propre et aux normes sectorielles).
L’APEG ne cache pas ses ambitions, elle se dit ouvertement favorable à l’ouverture d’un débat. Nous savons le marché de la sécurité privé arrivé à maturité.
Les activités que la police souhaiterait impartir représentent d’ailleurs une opportunité énorme pour le secteur du gardiennage.
c. Confier l’exécution de certaines tâches à un coproducteur de sécurité n’est pas privatiser mais impartir : Il nous paraît utile, à ce stade du développement de notre rapport de préciser une notion d’importance. L’utilisation malheureuse et inappropriée de la notion de privatisation doit être dénoncée. Cette utilisation nous paraît d’autant plus dommageable qu’elle trouve une résonnance particulière, depuis une dizaine d’années, tant dans notre organisation que dans la littérature scientifique45 et qu’elle porte en elle une forte connotation émotionnelle (voire même négative). Nous avons fait choix d’envisager l’impartition comme notion générique et l’externalisation comme action spécifique. Nous nous proposons de définir et d’analyser chacun de ces concepts. i. La privatisation : La privatisation est l'opération consistant pour un État à transférer par la vente d'actifs, une activité, un établissement ou une entreprise du secteur public au secteur privé. L’Etat peut conserver un contrôle partiel de l’entreprise à condition qu’il conserve une partie du capital46.
La seule définition de la notion ne nécessite aucune autre démonstration. Il ne peut être question de privatisation dans le cas qui nous occupe. La question ne se pose pas en termes de vente d’actifs, mais bien uniquement dans l’action de confier l’exécution d’une tâche à une autre entité.
44 L’abréviation VCA vient du terme original hollandais VCA («Veiligheid-‐, gezondheid-‐ en milieu-‐ Checklist Aannemers») et a été utilisée dans ce document à la place de la traduction LSC (Liste de contrôle SSE entreprises Contractantes). Le terme VCA est presque devenu une marque reconnue partout dans le monde des donneurs d’ordres et des entreprises contractantes. 45 Voir notamment Loïc Wacquant, Les prisons de la misère, Paris, Raisons d’agir, 1999, ou encore Nils Christie, L’industrie de la punition, prison et politique pénale en Occident, Paris, Autrement, 2003. 46 In www.insee.fr : Institut national de la statistique et des études économiques – Mesurer pour comprendre
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ii. Du concept de l’impartition à l’externalisation d’une tâche: L’impartition est une technique de coopération entre des structures de production par laquelle l’une d’elles confie à un tiers la réalisation d’une partie de son cycle de production de services. L’organisation fait choix de la solution de faire faire au lieu de fabriquer elle-‐même. Différentes techniques d’impartition peuvent être envisagées47. Nous pensons à la concession, à la sous-‐traitance ou encore à l’externalisation. Dans le cas de figure qui nous occupe, et dans le cadre du champ restreint de la présente contribution nous avons fait choix d’analyser la notion d’externalisation. En effet, l’externalisation peut être distinguée des autres techniques dans la mesure où cette notion accentue la responsabilité de l’organisation donneuse d’ordre. L’externalisation désigne le transfert de l’ensemble ou d’une partie des fonctions d’une organisation vers un partenaire externe. Concrètement elle consiste souvent en la « sous-‐traitance » des activités jugée non essentielles et non stratégiques. Cette définition nous renvoie au débat et à la nécessité de définir les limites de nos activités essentielles. La difficulté intrinsèque passe par la connaissance interne ou l’établissement du cadastre des processus primaires de production de sécurité propres aux forces de police (cœur de métier) afin de déterminer ce qu’il est possible d’externaliser. L’externalisation constitue un outil stratégique qui se traduit physiquement par la restructuration d’une organisation autour d’une sphère centrée sur ses activités principales et composée de ses compétences de base. Le processus inverse peut être envisagé. Les auteurs parlent alors de ré-‐internalisation. L’externalisation d’un point-‐de-‐vue stratégique consiste en un contrat passé entre une organisation et un tiers pour la réalisation de fonctions internes (PLIF) ou de processus opérationnels (missions). En termes juridiques, l’externalisation repose sur un contrat à durée fixe portant sur le transfert en tout ou en partie des fonctions internes ou des processus opérationnels entre l’organisation et l’opérateur sélectionné. Les clauses de réversibilité constituent la clé d’une externalisation apaisée et réussie. 1. Avantages d’une procédure d’externalisation : Le choix raisonné d’appliquer un processus d’impartition, et plus particulièrement d’externalisation à une organisation trouve son origine dans les justifications suivantes :
• Concentrer la capacité de production de sécurité sur le cœur de métier, et donc sur des activités à valeur ajoutée. Externaliser consiste à se focaliser sur son cœur de métier …
• Augmenter notre compétitivité en bénéficiant de compétences humaines, de ressources technologiques innovantes. Bref bénéficier des compétences spécifiques de mon partenaire.
47 Benoît Aubert, La gestion des risques dans les contrats d’impartition, Montréal, 2004
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• Accroissement de la flexibilité en gestion des ressources. La flexibilité du prestataire sera appréciable.
• Maîtrise des coûts et réduction de complexité du processus externalisé (contractualisation).
• Réduction du poids des structures (overhead) en réservant les ressources disponibles aux missions essentielles de notre organisation
2. Inconvénients et risques d’une procédure d’externalisation : L’externalisation d’une activité, même qualifiée de peu stratégique n’emporte pas que des avantages. Cette stratégie présente également des risques pour l’organisation. L’externalisation des activités discriminées rencontrera des effets secondaires que nous pensons identifier de la manière suivante :
• Perte de compétence au sein de l’organisation • Gestion d’un capital humain, orphelin de ses tâches habituelles (réaffectation) • Une dépendance vis-‐à-‐vis du prestataire et besoin d’un contrôle accru • Perte de la qualité de la prestation • Perte de contrôle des opérations
Une externalisation trop importante peut faire perdre progressivement son savoir-‐faire à l'organisation et la priver d'avantages stratégiques par la suite. Cette démarche doit donc s’inscrire dans une démarche stratégique, faire l’objet d’un suivi, d’une évaluation et d’adaptation permanente. A ce titre elle s’inscrit dans une démarche PDCA. iii. Mise en œuvre, étapes et tableau de bord : Le modèle d’externalisation doit être mesurable et représenter une valeur pour l’organisation. Cette valeur se mesure au travers de l’analyse du ratio coûts/bénéfice, d’une analyse de risques et enfin de la mise en perspective des résultats de ces analyses.
Les étapes initiales comprennent l’établissement d’une vision stratégique, la définition des tâches essentielles et l’établissement d’une liste des missions susceptibles d’être
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externalisées, l’organisation d’une période de transition, ensuite la sélection des partenaires appelés également coproducteurs de sécurité48 et enfin une évaluation (PDCA). iv. La contractualisation : « En France, le contrat ou la convention sont devenus les moyens ordinaires des politiques publiques et aussi des politiques de sécurité. Depuis 20 ans, en France, nous avons connu différents dispositifs qui concrétisent cette mise en réseau d’organisations diverses au plan local, tout en n’affaiblissant pas l’image de l’autorité supérieure de l’État »49. L’externalisation d’activités, quelles soient opérationnelles ou internes, constitue un processus complexe qui nécessite la détermination d’indicateurs de service mesurable, de matrices de responsabilité / de risque et qui comprend les responsabilités et le rôle de chaque acteur et enfin la rédaction de Service Level Agreement (SLA)50. La difficulté intrinsèque passe par la connaissance interne, ou l’établissement d’un cadastre des processus primaires de production de sécurité propres aux forces de police (cœur de métier) afin de déterminer ce qu’il est possible d’externaliser, mais aussi
de cadrer les responsabilités de chacune des parties et d’assurer la couverture de transfert de risques. Un principe reste acquis, la police reste directrice des processus de production de sécurité. Les efforts de contractualisation emportent également la rédaction des modalités permettant d’assurer
la continuité du service en cas de modifications (retrait de l’opérateur, faillite ou crise). Cette démarche s’inscrit dans le cadre d’un plan de continuité d’activité (Business Continuity Management). Enfin une attention particulière est apportée aux procédures de contrôle et d’audit de l’externalisation et aux clauses de réversibilité de l’externalisation. Les notions de contractualisation et de gestion des risques sont intimement liées. La gestion des risques consiste notamment à les identifier, les relier aux objectifs menacés, évaluer leur importance potentielle, leur apporter une réponse pour les assumer, les réduire ou encore les transférer (assurance) et enfin faire auditer le dispositif et s’assurer de sa performance.
v. Le plan de communication, clé d’un plan d’impartition réussi : Nous l’avons exprimé, externaliser des activités suppose une démarche stratégique illustrée notamment par le cadastre et la connaissance approfondie de nos
48 Une police en réseau – « Une vision pour la police en 2025 » -‐ W. Bruggeman et groupe de travail -‐ 2014 49 Maurice Cusson, La sécurité privée : le phénomène, la controverse, l’avenir in Revue de Criminologie, vol XXXI, n°2 50 Le service level agreement (SLA) est un document qui définit la qualité de service requise entre un prestataire et un client.
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processus de production de sécurité. L’inventaire réalisé induit la discrimination des différentes missions au travers d’un principe de spécialité. Nous avons fait choix du questionnement suivant : En quoi l’exécution de cette mission emporte-‐t-‐elle l’engagement nécessaire d’un fonctionnaire de police ? En quoi, le fonctionnaire de police apporte-‐t-‐il une plus-‐value à l’exécution de cette mission ? Le bouleversement qu’impose le choix de l’impartition, appelle à l’élaboration d’un plan de communication qui intègre les objectifs, les publics-‐cibles (internes et externes) et le message. Une politique de communication efficace, mise en œuvre par les cocontractants, vise notamment à réduire le risque de blocage des stakeholders (collaborateurs, organisations syndicales, groupes de pression, …) d. Conclusion : Les composantes du service de police intégré sont exposées à de nombreux défis au nombre desquels nous ne pouvons ignorer: le contexte socio-‐économique et ses contractions budgétaires, la célérité et la capacité qu’a notre monde d’évoluer51 , l’interconnexion et la multi-‐modalité de nos sociétés, notre place au sein de la coproduction de sécurité, la démonopolisation de l’exercice de la contrainte … et cette capacité que nous avons de rester hanté par nos vieux démons (difficulté à établir le cadastre de nos processus, la gestion du poids du passé, …). Peu conformiste, nous avons cité l’économiste belge Gustave de Molinari (considéré comme fondateur de l’anarcho-‐libéralisme) en préface de notre rapport. Nous devons bien considérer que notre seul souci était d’induire la réflexion sur le propos. En effet, l’assertion selon laquelle : « La sécurité peut être produite exclusivement par le privé et vendue sur le marché comme n’importe quel bien »52 nécessite une contextualisation. Molinari pose la question du monopole public et ne cherche pas à examiner le cas particulier de la sécurité, et c’est sans doute la grande faiblesse de son article. Sa démonstration est, comme il l’écrit, a priori. Puisque le marché est plus efficace que le monopole public, alors la sécurité doit être laissée au marché, en vertu de la loi qui régit l’ordre naturel.
Nous avons convenu, en introduction que la protection et le maintien de l’ordre public relèvent de l’État, seul garant de l’impartialité que doit inspirer la protection des personnes et des biens contre les menaces encourues du fait d’autres individus. Cependant le concept de sécurité intégrale (voire même de sécurité humaine) rend beaucoup plus complexe cette représentation. Il nous faut envisager de changer de paradigme53.
Cette extension significative du champ de la notion de sécurité n’est pas que conceptuelle, elle traduit également un développement conséquent des missions et donc des actions régaliennes. Il n’y a pas seulement ce que l’Etat doit faire mais il y a aussi ce que l’Etat peut faire. De facto, le constat que ne pouvant pas tout faire, il nous incombe
51 Guy Goemanne décrit l’évolution de notre monde : « A la suite des progrès en matière de transport des informations, des idées, des personnes et des biens, nous sommes passés du local homogène (mon village est le centre du monde) au global hétérogène (le monde est mon village), disons, dès le 20 juillet 1969 à 17.39 heures » in Guy Goemanne, Espace, temps, énergies, 2014 52 Gustave de Molinari, « De la production de la sécurité« , Journal des Économistes, 1849. 53 Guy Goemanne défini le paradigme comme étant : « une représentation du monde communément admise nous autorisant de réfléchir et de fonctionner ensemble à l’intérieur d’un cadre établi » in Guy Goemanne, idem.
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de définir ce qui nous revient en propre et ce que nous devrons impartir. Ce débat emporte également une forte connotation politique et émotionnelle. Nous y voyons notamment une explication de l’évolution du cadre légal. Nous avons voulu nous dégager de ce clivage en faisant l’économie du débat, et non de la démonstration.
Le secteur de la sécurité privé, s’est organisé depuis le début des années 90 autour d’un cadre juridique particulièrement contraignant dont l’esprit traduisait une profonde méfiance et la volonté de réorganiser et d’assainir le secteur. Ce modèle, de l’avis même des professionnels du secteur, a rempli son rôle et a eu pour effet de « nettoyer », de professionnaliser le secteur. L’exploitation des chiffres publiés par la Direction de la Sécurité Privée au SPF Intérieur (organe chargé du contrôle des entreprises de gardiennage) est significative. L’écrasante majorité des infractions constatées ressortent du non respect de normes (carte d’identification, conditions de formation, registre et convention de gardiennage) et non d’infractions pénales (violences, immixtion dans la fonction publique ou dans la vie privée, …). Les initiatives de partenariat-‐privé-‐public (PPP), d’autorégulation et de certification démontrent la maturité et le professionnalisme du secteur. En raison de sa contribution au concept de sécurité intégrale, le secteur de la sécurité privée doit être considéré comme un partenaire à part entière. Force nous est de constater que le cadre légal et réglementaire, tel qu’il a été conçu et modifié à de nombreuses reprises, n’apporte pas cette notion de « confort juridique » nécessaire à l’exercice de la fonction. Il constitue un carcan complexe, obstacle au développement d’une stratégie d’impartition réfléchie. Nous pensons à la proposition d’un cadre législatif souple (fondamentaux : respect des droits fondamentaux, définitions, rôle, limites de l’action du secteur) renforcé par des arrêtés royaux techniques. Au rang des défis lancés, nous relevons la difficulté intrinsèque d’établir le cadastre des fonctions internes et des processus opérationnels de production de sécurité propres à notre organisation. D’autres exercices54ont été réalisés notamment depuis 2012 et n’ont pour l’heure pas rencontrés la concrétisation. Ensuite, la réalisation d’une politique d’impartition suppose la discrimination des activités en fonction du critère d’externalisation (cœur de métier). Discriminés, nos processus pourront être considérés, en fonction de l’option stratégique, comme cœur de métier, ou confiés à l’exécution par des partenaires coproducteurs de sécurité55. Un principe reste acquis, la police reste directrice des processus de production de sécurité. Ce glissement structurel s’accompagne par la contractualisation (analyse de risque, audit, Business Continuity Management, évaluation et ajustements) des engagements du partenaire. Intégrant les « données et informations contextuelles » livrées dans la première partie de notre contribution, et quelques notions abordées dans notre « proposition de solutions »,
54 Entretien du 12/09/2014 – CP Peter Huybrechts – Conseiller à la Politique DGA : ‘ Alhoewel het rapport van de Universiteit Gent spreekt over 402 taken van externe politie (dit is exclusief de interne processen en werking zoals HRM, Log, Bu en ICT), hebben we deze interne taken meegenomen in de denkoefening”. 55 Nous avons fait choix de limiter notre propos aux partenaires issus du secteur de la sécurité privée (portée de notre stage d’observation). Il est entendu que le même principe peut être appliqué à des partenaires issus d’autres services publics (SPF Justice, La Défense, …).
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la pertinence de l’axiome apparait quasi comme une évidence. Comme une évidence dans le cadre académique d’un exercice de style ou constitue-‐t-‐elle une bascule stratégique, qui depuis quelques années bouleverse notre biotope ? 3. Annexes
a. Evolution du cadre légal et réglementaire b. G4S dans le monde / données 2013 c. Organigramme / Dircom / G4S Belgium d. Les valeurs de G4S Belgium e. Tableau synthétique / Process CIT f. Infractions à la loi du 10 avril 1990 organisant la sécurité privée g. Programme du stage