Rapport CESE pour une politique publique en faveur du capital Immatériel

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_______________________________________________________________________________________ Proposition de politique publique en faveur du capital immatériel pour la France Rapport au président du CESE. Proposition d’une politique publique en faveur du capital immatériel pour la France 29 Octobre 2013 Sous la direction de: Alan Fustec – personnalité qualifiée CESE Contributeurs à ce rapport : Karim Bounebache: Chercheur Goodwill-management Vincent Bouznad: Directeur du pôle sociétal SNCF Stéphane Carpier: Directeur technique Gecina Yves Dieulesaint: Directeur du développement durable Gecina Alan Fustec: Président de Goodwill-management – membre du CESE Eric Galiègue : Analyste financier – Président de Valquant Pierre-François Gouiffes: Membre du directoire de la SNI et Président du directoire d’Efidis (CDC) Sébastien Grandfils: Consultant Goodwill-management Bernard Gumb: Professeur en sciences de gestion Grenoble Ecole de Management Bruno Jacquemin: Directeur Général CCI Loiret Jean-Louis Jourdan: Directeur du développement durable SNCF Yves Lapierre: Directeur Général de l’INPI Alain Marion : Professeur en sciences de gestion Université Lyon III Bénédicte Sergent: Directrice prospective et développement durable CCI France

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Alan Fustec présente ce rapport en oct 2013 en valorisant les travaux qu'il a menés, dont ceux que nous avons faits ensemble à la CCI du Loiret, en construisant un diagnostic Santé 4D pour les PME de notre territoire

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_______________________________________________________________________________________ Proposition de politique publique en faveur du capital immatériel pour la France

Rapport au président du CESE.

Proposition d’une politique publique en

faveur du capital immatériel pour la

France

29 Octobre 2013

Sous la direction de: Alan Fustec – personnalité qualifiée CESE

Contributeurs à ce rapport :

Karim Bounebache: Chercheur Goodwill-management

Vincent Bouznad: Directeur du pôle sociétal SNCF

Stéphane Carpier: Directeur technique Gecina

Yves Dieulesaint: Directeur du développement durable Gecina

Alan Fustec: Président de Goodwill-management – membre du CESE

Eric Galiègue : Analyste financier – Président de Valquant

Pierre-François Gouiffes: Membre du directoire de la SNI et Président du

directoire d’Efidis (CDC)

Sébastien Grandfils: Consultant Goodwill-management

Bernard Gumb: Professeur en sciences de gestion Grenoble Ecole de

Management

Bruno Jacquemin: Directeur Général CCI Loiret

Jean-Louis Jourdan: Directeur du développement durable SNCF

Yves Lapierre: Directeur Général de l’INPI

Alain Marion : Professeur en sciences de gestion Université Lyon III

Bénédicte Sergent: Directrice prospective et développement durable CCI

France

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Sommaire

Pages

Avant-propos 7

Lettre ouverte à Jean-Paul Delevoye Président du CESE 8

Première partie: Contexte, Enjeux et Définition

I - Introduction 10

I.1 De quoi parlons-nous ? 10

I.2 Pourquoi en parlons-nous ? 15

I.3 En dehors de l’entreprise, encore de l’immatériel 17

I.4 Objectif de cette étude 20

II – Etat des lieux macro-économique 20

II.1 Etat Economique de la France: le constat 20

II.1.1 Croissance 21

II.1.2 Richesse nationale 21

II.1.3 Relations économiques avec le reste du monde 23

II.1.4 Evolution des flux financiers internes et externes 25

II.1.5 Niveau de vie et emploi 26

II.2. Quelles réflexions pouvons-nous tirer de ce bilan ? 27

II.2.1 Sans outils de mesure pertinents de la richesse, il est difficile de

tirer des conclusions pertinentes pour progresser 27

II.2.2 Nous avons tout pour réussir 27

II.2.3 Nos actifs et passifs sont en partie cachés 29

II.3 Structure de l’étude face à ces questions 30

Seconde partie: mesurer le capital immatériel

I - Introduction 31

II Mesure du capital immatériel des entreprises: les outils sont là 31

II.1 Première caractéristique: le capital immatériel c’est ce que l’entreprise possède et

non ce qu’elle fait. 32

II.2 Seconde caractéristique: capital immatériel contient des éléments physiques. 33

II.3 Troisième caractéristique: les actifs immatériels se groupent en deux pôles, les actifs

d’offre et les actifs de demande 34

II.4 Quatrième caractéristique: le poids des actifs dans le processus de création de valeur

varie selon les secteurs. 35

II.5 Les principes de la mesure extrafinancière et financière 36

III Adaptation de cette méthode aux activités non marchandes et à l’économie

sociale et solidaire 39

III.1 Quelle est la vraie valeur des activités non marchandes ? 39

III.2 Méthode de calcul 40

III.3 Application à un cas 41

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III.4 Interprétation des résultats 42

III.5 Calcul effectif de la valeur de l’association citée en exemple 44

III.5.1 Intérêt universel de la cotation des actifs immatériels 44

III.5.2 Identifier des Acteurs Economiques Efficients (AEE) 44

III.5.3 Etablir la valeur des acteurs du secteur non marchand. 45

III.5 Généraliser la méthode IDCF à l’ensemble du secteur non marchand 46

IV Mesure de la valeur dans d’autres domaines et notamment dans le domaine

du bâtiment 47

IV.1 Quel serait l’intérêt de ces mesures ? 47

IV.2 Mesurer la vraie valeur d’un actif immobilier: un mouvement…actif 48

IV.3 Calculer les avantages immatériels d’un immeuble pour son occupant ? 49

IV.3.1 La conception fonctionnelle 49

IV.3.2 Conception Technique du bâtiment. 50

IV.3.3 L’emplacement 51

IV.4 Démarche pratique : le cas du Bâtiment de Gecina Pointe Métro 2 52

IV.4.1 Choix d’un actif de référence 52

IV.4.2 Economies d’exploitation. 53

IV.4.3 Gains de productivité 53

IV.4.4 Le loyer 55

IV.4.5 Synthèse chiffrée des bénéfices pour l’occupant 55

IV.4.6 Impact sur la valeur de l’actif 55

IV.5 Conclusion 55

V Mesure de la richesse et de la valeur globale de la France 56

V.1 Introduction 56

V.2 Rappel de ce que mesure le PIB 56

V.3 La composition du PIB est très immatérielle. 57

V.4 Il y a aussi beaucoup d’immatériel en dehors du PIB 60

V.5 Le PIB comptabilise de la fausse richesse. 61

V.6 Synthèse de la critique du PIB 61

V.6.1 Améliorer le PIB serait souhaitable 62

V.6.2 Le PIB est certainement un assez bon indicateur de court terme 63

V.6.3 Le poids total de l’immatériel dans la richesse créée pendant une année est

écrasant 63

V.7 Etablir un bilan étendu de la France 64

V.7.1 Nécessité de mesurer le stock de richesse 64

V.7.2 Analyse des travaux de la banque mondiale dans ce domaine 64

V.7.3 Commentaires sur ces travaux 67

VI – Une histoire de la prise en compte de l’immatériel en France 70

VI.1 Avant 2005 70

VI.2 Depuis 2005 72

VI.3 Nécessité d’une politique Publique 74

Troisième partie: Développer le capital immatériel en France

I Introduction 75

II Instaurer en France un principe général de management par la valeur

immatérielle 77

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II.1 Pour retrouver un leadership économique mondial 77

II.2 Instaurer de façon transitoire une double comptabilité nationale 77

II.2.1 Qu’est-ce à dire ? 77

II.2.2 Recommandations 1 et 2 78

II.3 Inciter les dirigeants d’entreprise et les établissements financiers à piloter par

l’immatériel. 78

II.3.1 Pourquoi une telle incitation ? 78

II.3.2 Recommandations 3, 4, 5, 6, 7 et 8 79

II.4 Attribuer à un organisme national la charge de prévention des défaillances

d’entreprises fondée sur une analyse de l’immatériel. 80

II.4.1 Etat des lieux 80

II.4.2 Recommandation 9 82

II.5 Inciter les dirigeants publics et non marchands à emprunter la même voie 83

II.5.1 Rappels relatifs aux administrations, collectivités et à l’ESS 83

II.5.2 Recommandations 10 et 11 83

II.6 Protéger et valoriser les actifs publics de la France 83

II.6.1 Un Nouveau rôle possible pour l’APIE. 83

II.6.2 Recommandations 12 et 13 85

III Réindustrialiser: comment se servir de l’apport immatériel 86

III.1 Introduction 86

III.2 Le coût du travail est-il responsable de la désindustrialisation de la France ? 88

III.3 La différence entre une Peugeot et une Volkswagen : immatérielle ? 91

III.3.1 La stratégie allemande: très immatérielle. 91

III.3.2 La qualité des produits: un défaut immatériel français ? 93

III.3.3 La compétence insuffisante des entreprises françaises en exportation 94

III.3.4 Recommandations 14, 15, 16, 17 et 18 95

IV Passer à l’économie de l’usage pour devenir une économie mondiale très

innovante, exemplaire et robuste 96

IV.1 Notre économie n’est pas soutenable 96

IV.2 Toutes les dispositions prises au nom du développement durable sont cruellement

insuffisantes 97

IV.3 Qu’est-ce que l’économie de fonctionnalités ? 98

IV.4 Chronique d’une révolution économique imminente 100

IV.5 La France face à l’économie de fonctionnalités 101

IV.6 Recommandations 19, 20 et 21 101

V Redonner toute sa place au capital de savoir 102

V.1 De quels savoirs parlons-nous ? 102

V.2 l’Excellence française est indéniable dans ce domaine 103

V.3 Intensité de la production du savoir en France. 103

V.3.1 Globalement 103

V.3.2 Nous concevons plus que nous ne réalisons 104

V.3.3 le savoir-faire n’est pas que technologique 105

V.4 Analyse des processus de production du savoir 106

V.4.1 Analyse macro-économique 106

V.4.2 La recherche publique en France 107

V.4.3 La recherche privée 108

V.4.4 Stratégie, gouvernance et financement de la recherche. 110

V.4.5 Recommandations 22, 23, 24 et 25 111

VI Favoriser l’utilisation stratégique de la propriété intellectuelle française 112

VI.1 L’innovation et les brevets 113

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VI.2 Parlons un peu des marques 114

VI.3 Protéger aujourd’hui et demain 115

VI.4 Le rôle de l’INPI 116

VI.4.1 Rôle actuel 116

VI.4.2 Recommandations 26, 27, 28 et 29 117

VII Rendre notre capital humain plus efficace 118

VII.1 Le capital humain, première richesse des nations 118

VII.2 Ce qui manque au capital humain en France 119

VII.2.1 Les jambes 120

VII.2.2 La tête 122

VII.2.3 Le cœur 125

VII.4 Recommandations 30, 31, 32, 33 127

VIII Simplifier notre capital d’organisation et faire de notre secteur public un leader de l’immatériel 129 VIII.1 Un pays musclé mais obèse 130

VIII.1.1 poids de la fonction publique et poids de la dette 130

VIII.1.2 Pléthore de structures et redondances de missions 131

VIII.1.3 Mauvaise gestion des effectifs 131

VIII.1.4 Une carte administrative foisonnante, enchevêtrée et dépassée 132

VIII.1.5 Réformer oui, mais avec discernement 132

VIII.2 Retour sur l’esprit Français. 133

VIII.3 Définir un système public de management par la valeur. 133

VIII.3.1 Pour les structures publiques spécialisées 133

VIII.3.2 Pour les collectivités territoriales 135

VIII.3.3 Retour sur l’esprit Français et exigence pédagogique 136

VIII.4 Recommandations 34, 35 et 36 137

IX Faire de la marque France une marque leader au niveau mondial 137

IX.1 Un peu d’humour pour faire comprendre ce qu’est une marque 137

IX.2 Quels sont les paramètres qui influent sur la marque France ? 139

IX.3 Notre marque a-t-elle un triple A ? 139

IX.4 Comment développer la Marque France ? 141

IX.5 Recommandations 37 et 38 141

X Faire la distinction entre vraie et fausse création de valeur notamment dans le

secteur financier 142

X.1 Immatériel n’est pas synonyme de valeur 142

X.2 Rappel concernant le monde bancaire 142

X.2 Examen de 4 exemples de pratiques de la banque de marché présentant des risques

de destruction de valeur 144

X.2.1 CDO et actifs toxiques 145

X.2.2 CDS 148

X.2.3 Spéculation sur les dettes Souveraines 152

X.2.4 Hedge Funds 155

X.2.5 La Bourse et le marché action 159

X.2.6 Discussion 161

X.2.7 Recommandations 39, 40, 41, 42 et 43 166

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Quatrième partie : Proposition d’une politique publique en faveur

de l’immatériel

I Introduction 169

II Proposition d’une politique publique composée de 10 programmes 169

II.1 Programme 1: Produire une nouvelle comptabilité nationale. 169

II.2 Programme 2: Faire passer les entreprises à l’ère de l’immatériel 169

II.3 Programme 3: Développer l’ESS en pilotant sa capacité à créer de la richesse. 171

II.4 Programme 4: Engager la révolution de l’économie de fonctionnalités 171

II.5 Programme 5: Améliorer le fonctionnement de la recherche publique 172

II.6 Programme 6: Bonifier notre capital humain 172

II.7 Programme 7: Faire de nos services publics des champions de la performance

immatérielle 174

II.8 Programme 8: Réussir le projet « Marque France » 175

II.9 Programme 9: Créer en France un courant économique pour la finance

Responsable 175

II.10 Programme 10: Créer un secrétariat d’Etat à l’immatériel 176

Cinquième partie (Conclusion): Quelle retombée économique peut-

on attendre d’une telle politique

I Introduction 177

II Dette de la France et valeur immatérielle 177

III Changer de grille de lecture 179

IV Un rebond fort et durable de la France est « à portée de main » 181

V Conclusion de ce rapport et proposition de prochaines étapes. 183

Annexes

Liste des figures 185

Bibliographie 187

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Avant-propos

Les auteurs de ce rapport soulignent ici qu’ils y ont participé à titre personnel.

Le contenu des pages qui suivent n’engage nullement les personnes morales qui les

emploient.

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Lettre ouverte à Jean Paul Delevoye Président du CESE

Monsieur le Président,

Vous trouverez ci-joint, conformément à nos accords, une proposition de politique

publique en faveur du capital immatériel pour la France. Ce rapport est le résultat de 18

mois de réflexions et de travaux du groupe de travail cité en première page.

Notre pays traverse du période économique difficile longuement analysée avec pertinence

par de multiples experts. Dans ce cadre, les facteurs suivants reviennent

systématiquement :

Le niveau de notre dette qui atteint maintenant plus 90 % du PIB

Le coût et le déficit de flexibilité du travail

Le poids de la fonction publique dans l’activité économique du pays

La faiblesse de notre industrie

Notre fiscalité

La fracture entre les exigences professionnelles et les aptitudes des demandeurs

d’emplois

Etc.

Mais au regard de ces carences et défauts, notre pays dispose d’immenses atouts que

l’on ne cite pas assez.

La qualité de nos grandes entreprises (notamment incluses dans l’indice CAC 40)

qui se situent sans conteste au meilleur niveau mondial

Le grand nombre de ses produits qui se placent au meilleur niveau mondial dans

de multiples secteurs: agroalimentaire, transport, espace, luxe, qui font que notre

pays fait rêver la terre entière

La beauté de notre pays aux paysages très variés et au climat clément

La qualité de nos ingénieurs notamment issue d’une réelle excellence

mathématique française

Le nombre de nos prix Nobel

La qualité de nos services publics

Etc.

Il ne semble pas possible à un observateur objectif de déduire de ces quelques

observations que notre pays soit en déclin même si en ce moment, la balance penche

assez fortement du côté négatif.

Nous pourrions plutôt conclure que nous gérons mal nos richesses et nos talents (et que

nous laissons collectivement trop souvent s’exprimer nos états d’âmes).

Mais pour bien mesurer la qualité et la quantité de nos belles ressources afin de

mieux les gérer et les développer, il convient d’avoir un référentiel approprié.

Le capital immatériel est une discipline récente de finance qui prend en compte de

multiples richesses et ressources qui n’existaient quasiment pas ou très peu à l’ère

industrielle. Comme le montrent les pages qui suivent, il est devenu dominant dans le

monde d’aujourd’hui et notamment en France. Mais les outils de mesure de la richesse

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ou de la valeur que sont la comptabilité, la finance d’entreprise et, à un niveau macro-

économique, le PIB ne prenne pas, ou très mal, en compte la valeur intangible.

Le présent rapport ne prétend pas apporter des solutions à tous nos maux. Il dresse un

état de ce que la prise en compte du capital immatériel peut apporter à l’économie de

notre pays. En explorant notamment des domaines traditionnels comme ceux de

l’industrie, il met en évidence l’apport de l’immatériel pour la réussite industrielle. Il

montre également le poids de la valeur immatérielle dans le domaine du bâtiment ou sur

un territoire, etc.

Il cherche enfin à montrer que faute de bons outils de mesure, nous pouvons prendre

des décisions contre-productives en termes d’investissements.

Le capital immatériel constitue ainsi une grille de lecture systémique de l’économie d’un

pays. Il permet de dresser un état des lieux complet dont tous les éléments sont

interdépendants et sont pondérés.

D’aucuns pourront souligner que dans son analyse et ses recommandations le présent

rapport s’appuie pour beaucoup sur des choses connues, des conclusions déjà formulées

des recommandations déjà faites. C’est parfaitement exact. Sa valeur ajoutée n’est pas

là. Entre une voiture en état de marche et une voiture démontée, il y a le même nombre

de pièces. L’une est un système qui roule, l’autre un tas de composants. Nous définissons

ici l’approche par le capital immatériel comme un système: il agrège les composantes

principales de l’économie d’un pays du point de vue de la création globale de richesses. Il

permet, de ce fait, de procéder à des diagnostics plus pertinents et d’élaborer des plans

d’actions plus efficaces.

Imaginons que notre propos soit d’établir la carte du réseau routier d’un pays. La

première étape serait qu’un bataillon de géographes cartographie tous les tronçons de

route du territoire. Mais il faudrait ensuite intégrer le tout dans un plan d’ensemble qui

relie les tronçons entre eux ; qui mette en évidence les autoroutes et qui oublie, peut-

être, les chemins de terre. Une fois la carte établie, la meilleure route pour aller vite d’un

point à un autre peut être aisément définie. Le capital immatériel est une carte

économique globale. Il est ainsi de nature à permettre la production d’une route politique

efficace qui pourrait redonner à notre pays un élan perdu.

Comme nous en étions convenus, le présent rapport ne saurait être considéré comme un

point d’arrivée mais plutôt comme un point de départ. Si le CESE obtenait, du fait de sa

parution, une saisine pour produire une étude en bonne et due forme, en suivant le mode

de fonctionnement de l’institution, nous aurions atteint notre objectif.

Veuillez agréer M. le Président, l’expression de ma haute considération.

Alan Fustec

Personnalité Qualifiée

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Première partie: Contexte, Enjeux et définitions

I - Introduction

I.1 De quoi parlons-nous ?

Pour définir ce qu’est le capital immatériel, plusieurs options seraient

envisageables.

Nous retenons de le présenter tout d’abord sous l’angle de l’entreprise pour

ensuite élargir le champ de vision car c’est à l’échelle micro-économique qu’il a

été conçu en premier lieu.

Qu’est-ce qui fait, aujourd’hui, en 2013 la valeur d’une entreprise ? A ce sujet la

finance traditionnelle est très claire, c’est la capacité à dégager des profits dans

le futur. Même lorsque l’entreprise est évaluée à partir d’un multiple du CA1, ce

qui est une pratique courante dans certains secteurs économiques, l’appréciation

de la profitabilité future est implicite et n’échappe à personne. C’est assez

logique. L’investisseur se dit : « Le prix que je paie aujourd’hui doit m’être

remboursé demain puis générer un excédent après demain ». Pour les PME, la

méthode la plus utilisée consiste à définir un multiple de l’excédent brut

d’exploitation (EBE) pour calculer la valeur de l’entreprise.

En analyse financière, la valorisation d’une entreprise se définit comme la somme

actualisée des cash-flows qu’elle pourra générer dans le futur. La méthode

utilisée pour ce calcul porte le nom de DCF (Discounted Cash Flows). Il s’agit

d’une méthode plus complexe que celle des multiples de l’EBE mais qui poursuit

le même but.

Par souci de simplification, dans la suite de ce texte, nous considérerons qu’en

finance classique, la valeur de l’entreprise est égale à la somme de ses cash-

flows futurs actualisés.

Les adeptes du capital immatériel ne remettent pas ce principe en cause mais y

rajoutent un questionnement de bon sens: d’où vient la rentabilité future ? Quels

en sont les facteurs de production ? La réponse à cette question est évidente:

pour dégager une rentabilité dans le futur, il faut que des clients demain, comme

aujourd’hui, achètent des produits de l’entreprise. Mais dans ce cas, que faut-il

pour créer des produits (ou des services) prêts à la vente ? Il faut des machines,

des actifs financiers, des hommes, des brevets, des marques, une organisation,

etc.

Il apparaît donc ici que les actifs d’une entreprise (ou encore ses facteurs de

production de la richesse future) sont, d’une part ce que l’on trouve dans le

1 Dans certains secteurs, la valeur des entreprises est établie à partir d’un multiple du CA : 0,8 fois ; une fois, 1,2

fois le CA ; etc.

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bilan: immobilisations et actifs circulants mais sont, d’autre part, en dehors du

bilan: clients, hommes, organisation, fournisseurs, etc.

C’est ce qui explique que la valeur d’une entreprise soit rarement égale à sa

valeur de bilan (qui représente la valeur nette des actifs matériels et financiers et

inclut parfois quelques actifs incorporels) et que lors d’une cession d’entreprise,

un goodwill soit payé.

En effet, le cédant, lorsqu’il vend son affaire, cède tous les actifs requis pour

perpétuer le processus de création de richesse, ce qui justifie le paiement du

goodwill. De son côté, l’acquéreur peut dire « j’achète les cash-flows futurs » ou

encore « j’achète les cash-flows futurs qui existent d’ores et déjà à l’état latent

dans les actifs matériels, financiers et immatériels de l’entreprise. Ces cash-flows

latents constituent la valeur de ces actifs».

En d’autres termes, le goodwill peut être défini comme la différence entre, d’une

part, le montant des cash-flows futurs actualisés et, d’autre part, la valeur

comptable ou bien, comme la valeur des actifs qui ne sont pas au bilan.

Voici donc deux façons de présenter la valeur de l’entreprise,

Valeur de l’entreprise = les cash flows futurs actualisés

ou

Valeur de l’entreprise = les cash flows futurs qui pourront être générés

demain avec tous les actifs que l’on a aujourd’hui,

Selon l’approche retenue, le travail de l’évaluateur sera très différent. Dans le

premier cas, en effet, il effectuera une somme actualisée des profits futurs, que

le business plan fait apparaître. Dans le second, il procédera à une analyse de

l’état de tous les actifs et en déduira leur capacité à générer des profits.

Dans un monde parfait, les deux approches doivent donner le même résultat

mais dans la réalité, il en est tout autrement: le dirigeant lorsqu’il établit son

business plan, peut faire une belle promesse de profits futurs même si les

ressources matérielles et immatérielles dont il dispose ne permettent pas de la

tenir.

Mais dans tous les cas, il ressort de ces considérations que l’étude du bilan ne

permet pas de cerner la qualité des facteurs de production de la richesse future.

Le business plan, qui est un compte de résultat prévisionnel (une promesse), ne

le permet pas non plus.

Le capital immatériel est la discipline économique qui vise à étudier la qualité (ou

la valeur) de tous les facteurs de production de richesse de l’entreprise et plus

particulièrement ceux que la comptabilité ignore.

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Cette approche part d’une « évidence »: les finances ne sont pas la source de la

création de richesses mais son résultat. Il est donc plus pertinent, pour analyser

le potentiel d’une affaire, de se focaliser sur les sources de création de richesses,

leurs qualités, leur solidité, etc, plutôt que de mesurer la richesse accumulée par

le passé (analyse du bilan) en partant du principe que les facteurs de production

de richesse d’hier sont intacts pour produire celle de demain.

Du solide, du liquide et du gaz

Pour bien comprendre la logique de l’étude des actifs immatériels, il faut se

remémorer les fondamentaux de la création de valeur.

Remontons donc à l’école classique (Smith, Ricardo, Say… plus tard Marx) et plus

particulièrement à la publication célèbre d’Adam Smith « Recherches sur la

nature et les causes de la richesse des nations »2.

La production (que nous appelons ici création de valeur) y est décrite comme une

fonction de deux variables principales, le capital et le travail. Le capital y sert

notamment à acheter des machines (des actifs comme, par exemple, un métier à

tisser) et le travail sert à produire un bien (ou un service), par exemple une

pièce de tissu, en faisant bon usage des machines.

Toute la littérature économique gravite depuis lors autour de cette fonction : P =

f(C, T) où la P la production résulte de capital (C) et de travail (T).

Fig 1 : pour créer de la richesse, il faut du capital (qui sert à acheter des actifs encore appelés

facteurs de production de richesse. Le métier à tisser est un actif) et du travail (ici, celui du

tisserand).

Le processus de création de richesse moderne peut ainsi s’exprimer en adaptant

à peine la formule de l’école classique de la façon suivante :

R = f (A, T, D)

2 SMITH A. (1776) RICHESSE DES NATIONS, TOME I, TRAD. GARNIER G., ÉD. FLAMMARION, COLL. GARNIER FLAMMATION, 1998

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R est la Richesse créée,

A représente les Actifs nécessaires qui sont du capital converti en « outils »,

T est le Travail constitué par de l’énergie humaine et/ou non humaine

(énergie d’un cheval, énergie électrique, énergie thermique…).

D correspond à des facteurs « Divers » : d’autres paramètres qui ont une

influence sur le processus.

La rémunération du travail est visible dans le compte de résultat de l’entreprise

(frais de personnel, facture énergétique, etc). Le profit, pour sa part, revient aux

actifs et constitue leur rendement (et si ces actifs appartiennent tous aux

actionnaires, la richesse créée leur revient).

C’est parce que le profit revient aux actifs que ceux-ci ont de la valeur: un brevet

qui tombe dans le domaine public ou un camion broyé dans un accident n’ont

plus de valeur parce qu’ils ne peuvent plus participer au processus de création de

richesses.

Mais ces actifs ne sont pas tous de même nature: certains sont solides (les

machines), d’autres sont liquides ou presque (les créances, les disponibilités) et

d’autres sont gazeux, invisibles et volatils (les savoir-faire, l’organisation…). C’est

à cause de cette volatilité que, par prudence, les comptables ne les inscrivent

pas au bilan: comme leur état semble peu stable, leur valeur l’est aussi.

Mais la prudence comptable (incluse dans le plan comptable Français comme

dans la comptabilité européenne IAS/IFRS), fait que l’on a tendance à passer

sous silence des actifs essentiels sans lesquels le processus de création de valeur

tombe en panne: sans salariés ou sans clients, l’entreprise meurt. Ainsi la

comptabilité ignore-t-elle une bonne partie de la valeur de l’entreprise: la valeur

liquide et solide est dans le bilan, mais pour l’essentiel la valeur gazeuse n’y est

pas.

La discipline Capital Immatériel vise à mesurer la valeur « gazeuse » des

entreprises.

Cette analogie entre la valeur de l’entreprise et les états de la matière, outre son

caractère pédagogique, a une autre vertu potentielle : réconcilier les managers

et les financiers.

Le bon sens nous conduit à affirmer, en effet, que le rôle du dirigeant est en

premier lieu de «créer du gaz »: recruter des bons collaborateurs, trouver des

bons clients, mettre au point de bons procédés, etc. Ensuite: à partir de cette

richesse latente (valeur des hommes, des clients, des brevets, des marques,

etc), le dirigeant doit agir, prendre de bonnes décisions, « bien travailler », pour

que la valeur gazeuse devienne du liquide: du cash. Ce qui revient à comparer le

dirigeant à un condensateur puisqu’un gaz refroidi devient liquide.

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14

Faire partager cette réalité aux financiers qui actualisent parfois des profits futurs

sans savoir d’où ils viennent, permet de rapprocher les points de vue: si le

financier veut du liquide, il faut qu’il accepte que du gaz soit d’abord généré. Des

progrès énormes sont encore à faire dans ce domaine. Par exemple, les salariés

sont encore trop souvent vus par les financiers comme une charge (la masse

salariale) et non comme un actif de premier plan. Or réduire la masse salariale

(s’alléger comme on dit parfois) revient à détruire beaucoup de valeur gazeuse.

Liste des actifs immatériels

La meilleure exploration du capital immatériel s’effectue à partir d’une analyse

détaillée du processus de création de valeur et de ses facteurs de production.

C’est l’approche de « l’Ecole Française de l’Immatériel » qui a été créée par

l’Observatoire de l’Immatériel. Le référentiel français de mesure de la valeur

immatérielle des entreprises Thésaurus-Bercy en découle (voir plus bas).

Que faut-il pour fabriquer un produit ? La liste des actifs est assez longue. Il faut,

en effet:

Des actifs matériels et financiers : des bureaux, des tables, des chaises,

des réserves financières permettant de financer le BFR, etc.

Des hommes : que l’on espère compétents, motivés, sociables et fidèles à

l’entreprise

Une organisation: une structure claire, des processus efficaces mais aussi

un bon réseau de distribution fait de points de vente bien répartis sur le

territoire et de canaux de distribution complémentaires bien pensés

Un système d’information: avec une bonne couverture métier, un bon

niveau de service, une bonne robustesse, etc.

Des savoir-faire: qui donneront aux produits leur avantage concurrentiel

Une marque: connue, qui inspire confiance parce qu’elle véhicule auprès du

client les valeurs, les compétences et la fiabilité de l’entreprise.

Des partenaires et fournisseurs: des sous-traitants, des constructeurs

d’ordinateurs ou de voitures, des partenaires financiers….

Cette liste de 7 actifs présente les composantes nécessaires au quotidien pour

produire une offre mais il faut en rajouter deux, encore moins visibles au jour le

jour, sans lesquels rien n’est possible ;

Des actionnaires : l’actionnaire est un actif immatériel qu’on ne voit pas au

bilan. Le bilan ne fait apparaître que les fonds qu’il a prêtés à l’entreprise.

Mais selon que l’actionnaire est patient ou non, de bons conseils ou dormant,

influent ou inconnu….il n’a pas la même valeur pour l’entreprise. Cette valeur

est immatérielle.

Un environnement naturel et sociétal propice à une activité prospère:

dans le bilan d’un hôtel de Meribel, on ne voit pas la neige. Mais s’il n’y a plus

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15

de neige à Meribel, la valeur de l’hôtel fond également ! On voit donc bien

que l’environnement naturel (ici la neige) est un facteur de production de

richesses indispensable mais invisible au bilan. C’est donc bien un actif

immatériel. De même, l’entreprise a besoin d’un bon capital sociétal: la

délinquance, les tensions sociales voire les guerres civiles ou les

renversements de gouvernements ne sont pas propices à un bon

développement économique.

Imaginons maintenant que tous les actifs qui précèdent soient en bon état, il en

manque encore un, essentiel pour créer de la valeur: le client. Le client est ainsi

le dernier (mais pas le moindre) actif de cette liste. On attend du capital client

qu’il soit diversifié, en croissance durable, fidèle, solvable, etc.

fig 2 : Le « bilan étendu » de l’entreprise intégrant l’immatériel.

I.2 Pourquoi en parlons-nous ?

Le poids de l’immatériel dans nos économies est devenu tel que le consensus se

fait depuis quelques années sur l’importance des actifs intangibles et la nécessité

de les mesurer.

Forgeons-nous maintenant une opinion sur cette importance de l’immatériel.

Notons en premier lieu que selon la banque mondiale, l’économie française est

immatérielle à 86 % ! Etudions, en second lieu, l’importance de l’immatériel sur

les marchés financiers. Bien que les investisseurs ne mesurent pas le capital

immatériel, ils « le flairent » plus ou moins bien, de sorte que, sur une longue

période, on voit que les goodwills ne cessent de croître.

Le schéma ci-dessous présente une évolution de la capitalisation boursière

cumulée des entreprises du CAC 40. Ces mesures réalisées par Ricol & Lasteyrie

ont été faites fin 2006, fin 2007, fin 2008.

Actif Passif

Bilan

=

valeur visible

Immobilisations

Actifs circulants

Fonds propres

Dettes

Capital immatériel

=

valeur invisible

Goodwill

1 - Capital Client

2 - Capital humain

3 - Capital partenaire

4 - Capital de savoir

5 - Valeur des marques

6 - Capital organisationnel

7 - Système d’information

8…

●Solide

• Liquide

• Gazeux

Valeur Globale

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16

Fig 3: Décomposition de la valeur du CAC 40 d’après Ricol et Lasteyrie

On y voit, par exemple, qu’à la fin 2006, la valeur de « l’entreprise CAC 40 » est

de 1200 Ma € environ mais que sa valeur comptable n’est que de 600 Milliards.

Le premier enseignement, que nous procure la lecture du premier histogramme,

c’est que, fin 2006, la valeur des actifs matériels et financiers du CAC 40 n’est

que de 15 % (185 Ma €). Tout le reste est immatériel: valeur des incorporels,

goodwill comptable lié aux écarts d’acquisition d’entreprises acquises (valeur

immatérielle de celles-ci) et goodwill extracomptable (valeur des actifs

immatériels de l’entreprise + autres survaleurs).

Le second enseignement résulte de la lecture des 3 histogrammes: il apparaît

qu’avec l’arrivée de la crise, la valeur de marché des actifs immatériels (part

importante du goodwill extra comptable) fond alors que leur valeur

comptable (valeur des incorporels et des goodwills comptables) reste à peu près

stable.

Nous pouvons en conclure que lorsque le capital immatériel est mesuré (ce que

font les commissaires aux comptes pour la mise au bilan de ces actifs), sa

volatilité est faible, alors qu’elle est très grande lorsqu’aucune mesure n’est faite.

En effet, dans l’état actuel de l’art, les analystes financiers ne mesurent pas le

capital immatériel. Le goodwill extracomptable résulte donc pour l’essentiel de la

loi de l’offre et de la demande qui manque de points de repère.

Ces deux enseignements imposent que nous apprenions à mesurer le capital

immatériel compte tenu de son importance et de la volatilité des cours de bourse

(qu’il faut réduire).

Pour les PME, la valeur immatérielle est également très importante. Le cabinet

Goodwill-management réalise en permanence des valorisations de PME et de

leurs actifs immatériels. En moyenne, le rapport entre valeur comptable et valeur

85%85% 78%

En Ma €

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17

totale est de 3. Ainsi, à grand trait, il ressort de ces travaux que la valeur des

PME françaises est immatérielle aux 2/3.

I.2 En dehors de l’entreprise, encore de l’immatériel.

Si la comptabilité se refuse à attribuer de la valeur économique aux équipes ou

aux organisations, elle en attribue aux objets: un téléphone portable, une

voiture, un bâtiment ont de la valeur.

Certains esprits curieux ont toutefois cherché à analyser ce qui faisait la valeur

d’un objet et y ont trouvé… de l’immatériel ! Prenons, par exemple, un téléphone

portable. Sa valeur ne provient pas des quelques dizaines de grammes

d’aluminium, de verre, de plastique, d’acier, etc. qui le composent. Elle provient

de toute l’intelligence qui y est embarquée. Elle est immatérielle !

Notons ainsi que c’est rarement la matière qui donne sa valeur à un produit. Par

exemple, avec le même raisin, on peut produire une piquette ou un grand cru.

C’est le savoir-faire qui fait la différence et cette différence est immatérielle.

Prenons encore plus de recul. La matière présente sur la terre n’a quasiment pas

varié ni en quantité ni en diversité au cours du dernier milliard d’années. Mais

depuis qu’il existe, l’homme ne cesse de créer de la richesse grâce à son

intelligence. Il y a une différence de valeur entre une bouteille en verre et un

microprocesseur mais ces deux objets sont faits avec du sable. La différence est

immatérielle.

Il y a de l’immatériel dans un bâtiment

Partant de ces constats plusieurs entreprises du secteur de l’immobilier ont

commencé au cours des dernières années à mesurer le capital immatériel de

leurs….immeubles. Ainsi, par exemple, le groupe Gecina nous a autorisé à

présenter certains résultats qui montrent que pour un occupant, les retombées

économiques d’un bâtiment moderne, bien conçu, prenant en compte les

exigences du développement durable, etc, génèrent des économies pour ses

occupants. Ainsi, les caractéristiques immatérielles (rajouter de l’intelligence

dans la conception du bâtiment à investissement constant) ont des retombées

économiques qui peuvent représenter jusqu’à 50 % du loyer.

Fig 4 : tableau de la performance économique pour l’occupant de bâtiment à forte intensité

immatérielle (Gecina) et de bâtiments standard

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18

Dans ce tableau, les retombées économiques, pour l’occupant, de la valeur

immatérielle des bâtiments Newside et Mercure de Gecina, sont mises en

évidence grâce à une comparaison entre ces immeubles et des bâtiments

standards ou concurrents. D’autres travaux ont montré que la centralité d’un

bâtiment (non prise en compte dans les gains présentés ci-dessus) était

également un facteur important de productivité et donc un critère essentiel de la

valeur immatérielle.

Il se trouve que ces retombées pour l’occupant augmentent la valeur des actifs

(capacité pour le propriétaire à louer le bâtiment à un prix plus élevé, délai de

commercialisation plus court, taux de vacances plus faible, moindre maintenance

liée à des produits plus durable), ce qui augmente la valeur DCF.

Mesurer la valeur immatérielle d’un territoire

Le concept de capital immatériel est également applicable à un territoire et

même à un pays. On imagine aisément qu’il y a plus de valeur immatérielle

(compétences, recherche, innovation, attractivité, administration publique)… en

France qu’au Burkina Faso. La banque mondiale a produit, il y quelques années,

une étude qui montrait que l’économie Française était immatérielle à 86%3 (voir

dans la seconde partie du rapport).

Le modèle de mesure du capital immatériel d’un territoire Thésaurus-VIT est une

déclinaison de la méthode Thésaurus-Bercy. Sa nomenclature d’actifs est la

suivante :

Fig 5 : les actifs d’offre et de demande d’un territoire

Le premier actif est l’actif de « demande ». Le capital « client » d’un territoire est composé :

des personnes morales qui y sont implantées,

des habitants (personnes physiques),

des visiteurs (consommateurs qui viennent y faire des courses, touristes…)

Les actifs ci-dessous constituent les actifs « d’offre »:

3 Kirk Hamilton & al. (2005) Where Is the Wealth of Nations? Measuring Capital for the XXI Century, World Bank

Publications, Washington.

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19

Le capital humain est composé de toutes les personnes œuvrant

directement et de façon permanente à la constitution de l’offre du territoire (en dehors des services marchands): collaborateurs de l’État, des Conseils

Régionaux et Généraux, des communes, de l’éducation nationale, les sapeurs-pompiers, les personnes hospitaliers publics, etc.

Le capital Structurel est composé de son organisation physique, des qualités de ses infrastructures numériques et télécom, des qualités de ses

infrastructures en énergie, de son réseau routier interne et de son accessibilité (réseau routiers externe et transport en commun)

Le capital partenaire est composé de toutes les organisations qui, en collaboration avec son capital humain, « font » le territoire : État, Région,

promoteurs et foncières, entreprises de BTP, Services de voirie, les bailleurs sociaux, etc.

Le capital Culturel et Historique couvre tous les éléments non déjà cités qui font que l’on veut y venir: richesse architecturale, évènements culturels, sportifs ou de loisirs, lieux de culte, loisirs, etc.

Le capital de Marque sera également évalué: notoriété, réputation,

attractivité, intensité émotionnelle, singularité, etc.

Le capital Naturel consiste à évaluer l’implantation géographique, son

climat, la qualité de son air, la disponibilité en ressources naturelles nécessaire à ses besoins (eau, énergie, matières premières, et réserve

foncière).

Le capital sociétal couvre la densité de population aux alentours, le PIB

des territoires limitrophes, la continuité avec les territoires limitrophes (pas de restriction de transport entrainant la création de bouchons), la

centralité du territoire, etc.

Le capital de direction et de financement est composé des principaux

administrateurs et financeurs du Territoire (qualité des « dirigeants » et fonds disponibles pour le développement)

Le capital immatériel d’un territoire se mesure aussi aisément que celui d’une entreprise

ou d’un bâtiment. Il peut faire l’objet d’évaluation extra-financières (notation) ou

financière (valeur en euros).

Fig 6 : Evaluation extra-financière du capital habitant d’une ville (les notes sont sur 20)

12

13

14

15

13

13

12,5 13,9

14

12

15

13

16

Evolution

Nombre

Répartition des âges

Flux de valeur

Stabilité de revenus

Capital Habitant

Répartition des âges

Evolution

Satisfaction

Fidélité

Richesse

Dynamique du territoire

Dynamique du pays

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20

I.3 Objectif de cette étude

Cette présentation de l’importance du capital immatériel à l’échelle d’une

entreprise, d’un territoire ou d’un pays tout entier, donne à réfléchir. En effet, si

la valeur économique, dans le monde moderne, repose en grande partie sur de

l’immatériel, nous devons apprendre :

A l’identifier dans toutes ses composantes à l’échelle macro et micro-

économique,

A le mesurer,

A mettre en place les moyens de le préserver et de le développer,

A lui donner toute sa place dans les pratiques commerciales et les

transactions afin de définir et de développer, de façon proactive et non

pas opportuniste, une économie de l’immatériel,

Plus généralement, nous devons apprendre aussi à revisiter tous nos

modes de fonctionnement (fiscaux, d’investissement, de management,

d’éducation…) pour nous assurer qu’ils ne seraient pas contre productifs

au regard de la valeur immatérielle puisqu’elle est si importante.

Si vous n’engageons pas ces travaux, notre grille d’analyse de la réalité

économique d’aujourd’hui et de demain restera tronquée. Des décisions

inappropriées en résulteront: investir dans des projets sans avenir, détruire de la

valeur en croyant en créer, rester à l’écart d’un programme créateur de richesse,

subventionner des initiatives qui n’en ont pas besoin et refuser de l’aide à des

acteurs ou des régions où ce serait vital, etc.

Le but de la présente étude est donc simple: il s’agit, 7 ans après le rapport

Lévy-Jouyet4 de « reprendre le flambeau » pour :

Insister avec de nouveaux arguments sur des propositions déjà énoncées

à l’époque mais qui n’ont pas été mises en œuvre,

Proposer, notamment dans le domaine de la mesure de la valeur, de

nouveaux plans d’action afin de décrire ce que pourrait être une

stratégie nationale en faveur du capital immatériel.

II – Etat des lieux macro-économique

II.1 Etat Economique de la France: le constat

Les quelques pages qui suivent montrent que notre pays présente, sur le plan

économique, de nombreuses fragilités et des points faibles inquiétants.

4Jean Pierre Jouyet, Maurice Lévy, rapport de la commission sur l’économie de l’immatériel, 2006

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21

Le tableau est sombre même si notre vision de la France ne l’est pas. La vocation

de cette partie est triple :

Faire un constat empreint de gravité et largement partagé de l’urgence qu’il y a à agir,

Montrer ensuite ce que l’immatériel apporte dans ce cadre, Mieux relier enfin les solutions proposées aux maux dont nous souffrons.

II.1.1 Croissance La France connaît une baisse de structurelle de son taux de croissance depuis les

années 1970: dans les années 1980, la croissance se situait aux alentours de 3%

par an, elle est tombée à 2,5% dans les années 1990, puis à moins de 1,5%

dans les années 2000, sachant que l’année 2013 se conclut par une croissance

nulle.

Comme l’indique la figure 7 ci-dessous, cette évolution est globalement en ligne

avec la croissance de la zone euro mais est nettement moins bonne que la

moyenne OCDE (en moyenne un demi à un point de croissance en moins pour la

France) et nettement moins bonne que croissance mondiale toujours entre 3 et

4% par an, d’où un écart annuel pour la France compris entre 2% et 3% au

moins depuis 20 ans.

Fig 7 : taux de croissance annuel en volume 1974-2012 (données OCDE)

II.1.2 Richesse nationale

De façon très logique, la baisse de la croissance entraîne une baisse de la France

dans la richesse des différents périmètres auxquels elle appartient: relative

stabilité du PIB de la France dans celui de la zone euro (baisse d’un

point seulement), baisse d’un cinquième de la part de la France dans la richesse

-5,00

-4,00

-3,00

-2,00

-1,00

0,00

1,00

2,00

3,00

4,00

5,00

-5,00

-4,00

-3,00

-2,00

-1,00

0,00

1,00

2,00

3,00

4,00

5,00

Taux de croissance annuel en volume 1974-2012

Ecart France / Zone euro à 15 Ecart France / OCDE Ecart France / Monde France

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22

produite par l’OCDE (passage de 6,6% à 5,2%), baisse encore plus forte de la

part de la France dans la richesse mondiale (-37%, passage de 4,4% à 2,8%).

Ces évolutions sont présentées dans la figure 8 ci-dessous.

Fig 8 – Part du PIB français dans les PIB du monde, de l’OCDE et de l’UE à 27

Ces évolutions entrainent naturellement une dégradation de la situation française

en matière de PIB par habitant. La France est ainsi passée d’un PIB par habitant

représentant 110% de la moyenne OCDE en 1974 à exactement la moyenne

OCDE aujourd’hui. Une évolution comparable est constatée par rapport aux

moyennes européennes.

Fig 9: évolution du PIB par habitant par rapport aux moyennes OCDE, UE et

zone euro

0%

1%

2%

3%

4%

5%

6%

7%

8%

9%

10%

11%

12%

13%

14%

15%

16%

0%

1%

2%

3%

4%

5%

6%

7%

8%

9%

10%

11%

12%

13%

14%

15%

16%

PIB France en proportion du PIB monde, OCDE & UE, 1974-2011 (*)

PIB France / OCDE PIB France / Monde PIB France / Union Européenne à 27

(*) données CEEPI/CHELEM ; PIB en volume PPA (US$ de 2005)

90%

95%

100%

105%

110%

115%

120%

Evolution du PIB par habitant français 1974-2010(données OCDE en US$, prix courants et PPA)

France / zone euro à 17 France / Union européenne France / moyenne OCDE Linéaire (France / moyenne OCDE)

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23

Cela entraine un décrochage de la France dans le classement du PIB par habitant

quel que soit le périmètre analysé: Union européenne à 27 (passage de la 4ème

place en 1980 à la 10ème en 2011), OCDE (passage de la 6ème à la 15ème place sur

34 au cours de la même période) ou périmètre mondial (passage de la 11ème à la

19ème place sur les 188 pays membres du FMI).

Fig 10 : Rang de la France en matière de PIB par habitant

II.1.3 Relations économiques avec le reste du monde

La base de données CHELEM du centre d'études prospectives et d'informations

internationales-CEPII5 enregistre depuis 1967 la part de marché des exportations

Française. Nous y constatons à nouveau une dégradation.

Fig 11: Part de marché des exportations françaises, 1974-2010

5 www.cepii.fr

0

5

10

15

20

25

0

5

10

15

20

25

rang France en PIB par habitant dans le FMI, l'OCDE et l'UE 1980-2011(données FMI, US$, prix courants)

rang France dans le FMI rang France dans l'OCDE rang France dans l'UE à 27

0%

2%

4%

6%

8%

10%

12%

14%

16%

Graphique X-X : part de marché des exportations françaises(1974-2010; données CEPII-CHELEM)

part de marché UE à 15 part de marché UE à 27 part de marché OCDE part de marché dans le monde

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24

Si la tendance globale est à une diminution significative des parts de marché

françaises sur plusieurs décennies, le décrochage est particulièrement net depuis

la fin des années 1990 et sur la quasi-totalité des marchés: entre 1998 et 2010,

la part de marché française dans les exportations de l’Union européenne à 27 a

baissé de 22,5% et de 21,6% dans celle de l’OCDE. La dégradation de la part de

marché mondial française baisse de 37,4% (perte de 2 points de part de marché

avec un passage de 5,7% à 3,6%): l’Union Européenne et l’OCDE reculent

également dans les exportations mondiales, mais toutefois dans des proportions

moindres, de l’ordre de 20% (soit presque deux fois moins que la France). La

tendance est donc très dégradée depuis 15 ans.

Cette perte de parts de marché à l’export constatée récemment contribue ainsi à

une situation fréquente de déséquilibres extérieurs: sur la période 1974-2012, il

y a ainsi 22 exercices de déficit commercial, dont 21 de double déficit budgétaire

et extérieur. La balance commerciale s’établit à -67 Milliards en 2012.

Fig 12: Déficits publics et solde commercial 1974-2010

La figure 13 suivante montre cette dégradation régulière exprimée (Ma €).

Fig 13 : Le solde commercial de la France en milliards d’euros (1996-2011)

-10%

-8%

-6%

-4%

-2%

0%

2%

4%

% PIB

Solde APU & solde commercial biens & services en %age du PIB, 1974-2011

Solde commercial biens et services Capacité ou besoin de financement des APU (INSEE)

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25

II.1.4 Evolution des flux financiers internes et

externes

Globalement, nous vivons au-dessus de nos moyens: 2013 est ainsi le neuvième

exercice consécutif présentant un double déficit budgétaire et extérieur.

Cette situation se traduit sur le plan comptable par la nécessité d’un apport

croissant de ressources financières extérieures pour équilibrer les flux financiers

de l’économie française6.

L’épargne des ménages durablement élevée (capacité de financement

représentant 16% du revenu disponible et 4% du PIB français depuis le début

des années 1990) ne compense pas les considérables besoins de financement

des administrations publiques et ceux des entreprises, principalement sous

forme d’investissements.

Il en ressort un solde souvent négatif de l’économie française dans son ensemble

et donc un besoin de financement du reste du monde. Ce besoin de financement

extérieur a cru massivement à partir de la fin des années 1990, puisqu’on est

passé en 15 ans d’une capacité globale de financement de 2,5% du PIB à un

déficit de 2,5% du PIB.

Fig 14 – Capacité ou besoin de financement des différents secteurs de l’économie française 1974-2011

Il n’est pas surprenant mais très inquiétant de voir, dans ce contexte, la dette

publique française se creuser inexorablement. En 2012, son poids atteint 90 %

6 Cet équilibre est formalisé en comptabilité nationale par l’équation suivante : (S-I) + (T-G) = (X-M), où S

désigne l'épargne, I l'investissement, T- G le déficit budgétaire, X les exportations, et M les importations, X-M étant donc le déficit extérieur.

-10,0%

-8,0%

-6,0%

-4,0%

-2,0%

0,0%

2,0%

4,0%

6,0%

8,0%

capacité (+) ou besoin (-) de financementdes différents secteurs de l'économie française (1974-2011)

Sociétés (S11+S12) APU Administrations publiques (S13) Ménages yc entreprises individuelles (S14) Ensemble économie française (S1)

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26

du PIB. Le projet de loi de finances 2014 prévoit de dépasser les 95% et 2.000

milliards d’euros pour l’ensemble des administrations publiques.

Fig 15 – Evolution de la dette publique de 1978 à 2012

II.1.5 Niveau de vie et emploi

Nous terminerons ce tour d’horizon économique par 2 indicateurs sociaux qui

sont également mauvais: il y a en France en début 2013, 3,1 millions de

demandeurs d’emploi de catégorie A (sans aucun emplois) + 1,5 demandeurs

d’emplois ayant par ailleurs une activité réduite (catégorie B et C)7. Enfin, notre

pays compte en ce moment près de 9 millions de pauvres soit 15 % de la

population.

Fig 16 – Evolution du nombre de personnes en dessous du seuil de pauvreté de

2000 à 2012

7 Insee

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27

II.2. Quelles réflexions pouvons-nous tirer de ce bilan ?

Les plus grands auteurs d’économie ont dressé et analysé avec pertinence ce

constat alarmant avant nous. Notre propos n’est pas ici de les paraphraser. Nous

nous bornerons à trois réflexions.

II.2.1 Sans outils de mesure pertinents de la richesse, il

est difficile de tirer des conclusions optimales pour

progresser

Si le PIB mesure mal la richesse d’un pays, comme l’ont remarquablement

montré en 2008 les experts de la commission Stiglitz8, si de ce fait une part

importante de la richesse d’un pays est immatérielle comme c’est le cas pour une

entreprise, alors l’évolution positive ou négative de notre « croissance » ne nous

permet pas de conclure sur l’état réel de notre richesse absolue ou comparée à

celle d’autres pays.

Imaginons que le PIB ne représente que les deux tiers de la richesse réelle

produite en une année (voir plus bas l’analyse du PIB en partie II). Comme nous

ne connaissons pas, puisque nous ne la mesurons pas, l’évolution de l’autre tiers,

nous ne savons pas très bien ce qu’il faut conclure: la situation peut être

meilleure ou pire que ce que le PIB nous indique. Dès lors, nos politiques

peuvent aller à l’encontre des objectifs que nous recherchons.

Certes les autres indicateurs : exportations, chômage, dette nous montrent bien

que nous souffrons de problèmes sérieux. Mais si une part importante de la

richesse de nos entreprises, de nos territoires et du pays tout entier se trouve à

l’extérieur de nos radars comment pouvons-nous procéder à une bonne analyse

des causes et à la résolution des problèmes posés ?

Un chef d’entreprise qui ne mesure pas la qualité (et donc la valeur) de son

capital humain, mais suit son bilan avec attention, peut croire qu’en améliorant

son niveau de fonds propres ou en réduisant sa dette, il va faire progresser son

entreprise. Il suffit pourtant que quelques hommes-clés le quittent pour que

l’entreprise passe rapidement d’une situation prospère à une situation critique.

Il en est de même pour un pays: sans bons instruments de mesure pas de

bonnes décisions.

II.2.2 Nous avons tout pour réussir

La situation est inquiétante certes mais pourtant, notre pays dispose

d’incroyables richesses.

8 Joseph Stiglitz, Amartya Sen, Jean-Paul Fitoussi, Richesse des nations et bien-être des individus : performances

économiques et progrès social, Editions Odile Jacob, 2009.

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28

Nous sommes trop souvent minés par nos résultats économiques très décevants

et nous oublions cette réalité qui est pourtant révélée par des indicateurs qui

donnent à réfléchir et qui sont encourageants :

Selon l’AFII9, la France a accueilli en 2011 près de 14% des

investissements productifs (créateurs d’emplois) dans la zone euro. Ce qui

place la France en deuxième position après le Royaume-Uni (21%) et

devant l’Allemagne qui a accueilli 12% de ces flux. L’implantation de

centres de R&D et d’unités de production ou de distribution en France est

un révélateur de nos atouts: la France compte parmi les pays européens

accueillant le plus les projets de R&D, 16,1 % de ces derniers s’implantent

en France contre 13,8% en Allemagne et 14,4% en Irlande. Notre pays de

place ainsi au second rang européen dans ce domaine après le Royaume-

Uni.

C’est bien parce que nous avons de nombreux avantages compétitifs que

nous attirons ces investissements.

En outre, la France est toujours, en 2013, la première destination

touristique mondiale. D'après l'étude annuelle des services statistiques de

Bercy (DGCIS)10, la France a accueilli 83 millions de visiteurs

internationaux en 2012. Un record qui montre à quel point le secteur est

porteur. Cette information mérite une analyse qui dépasse les retombées

économiques du secteur touristique. Elle révèle que notre pays attire du

fait de son climat, de sa géographie, de sa culture, de sa cuisine mais

aussi de l’idée que les étrangers se font de la vie en France.

Notons également que sur le plan de l’enseignement supérieur, la France

est à la 4ème place11 des pays d’accueil et qu’elle se distingue par la forte

proportion des étudiants étrangers dans les programmes de recherche de

haut niveau (en France, 40,9% des doctorants sont étrangers).

Contrairement à de très nombreux autres pays et notamment à

l’Angleterre, le secteur Français de la finance a moins souffert de la crise

de 2008 née de celle des subprimes. Cela tient à la forte présence en

France de banques coopératives (Crédit Agricole, Crédit Mutuel, Caisses

9 L’Agence française pour les investissements internationaux : Les Investissements étrangers créateurs d’emploi

en France, rapport 2011. 10

Direction générale de la compétitivité de l’industrie et des services: Le tourisme international reste porteur pour la France, 2012 http://www.dgcis.gouv.fr/etudes-et-statistiques/tourisme-international-reste-porteur-pour-la-france 11 Nina Volz, Les étudiants internationaux, chiffres clés Campusfrance 2011. http://ressources.campusfrance.org/publi_institu/etude_prospect/chiffres_cles/fr/brochure_campusfrance_chiffres_cles_n6_2011.pdf

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29

D’épargne, Banque Populaires) qui se tiennent relativement à l’écart de la

finance de marché.

Enfin, car cette liste n’a pas vocation à être exhaustive, nous comptons en

France de très nombreuses grandes entreprises qui sont au meilleur

niveau mondial. Deux ans après que la crise financière se fut propagée à

l’économie réelle, le CAC 40 avait presque oublié cette mauvaise passe:

cumulés, les profits des 40 plus grosses entreprises françaises cotées ont

atteint 83 milliards d’euros pour l’exercice 2010, soit un bond de 85 % par

rapport à 2009. Certes, ils n’avaient pas encore retrouvé leur niveau de

2007, mais le redressement fut spectaculaire. Il ne restait plus en 2010

qu’une entreprise du CAC 40, Alcatel-Lucent, pour afficher des pertes.

Par contre, nombre de champions durement éprouvés par la crise

(Renault, Peugeot mais aussi STMicroelectronics, Accor ou EADS) ont

renoué avec les profits dès 2010. Pour les banques, en 2010,

les subprimes ne sont plus qu’un lointain souvenir: dans leur ensemble,

leurs bénéfices ont plus que doublé et BNP Paribas décroche la deuxième

place des plus gros profits du CAC 40, avec 7,8 milliards d’euros, derrière

Total (à 10,5 milliards d’euros)12.

Tout cela montre bien que dans de nombreux domaines, la France fait la

course dans le peloton de tête et ne décroche pas. Cette courte énumération

sera largement complétée de nombreux autres atouts dans la suite du

rapport.

Nous formulons ici l’hypothèse que si notre pays est capable de se hisser au

meilleur niveau dans de très nombreux domaines, alors il a le potentiel

intellectuel suffisant pour être efficace dans tous les domaines.

En d’autres termes, il semblerait bien que globalement, si « ça va mal » ce soit

plus lié à notre façon d’agir qu’à nos ressources. En clair, « on s’y prend mal ».

II.2.3 Nos Actifs et passifs sont en partie cachés

Nos erreurs, nos mauvaises décisions et nos passifs sont en partie cachés: nous

n’avons pas de tableau de bord synthétique présentant l’état de ce qui

conditionne la réussite de la France :

Quel est l’état de notre capital humain ? Est-il assez compétent ? S’il est

composé de blocs qui s’opposent, peut-on réussir collectivement ?

Notre capital de connaissances est-il suffisant ? Il y a certes de l’excellent

et du moins bon mais globalement que peut-on en dire ?

12 CAC 40 : le printemps des profits - Marc Chevallier, Alternatives Economiques n° 301 - avril 2011

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30

Notre capital organisationnel est-il efficace ? Notre justice, notre police,

notre règlementation, nos institutions rendent-elles les services

attendus ? Qui pourrait prétendre que sans une justice efficace un pays

peut bien fonctionner ? Le rapport de la banque mondiale précité a établi

une relation troublante entre la qualité du système judiciaire d’un pays et

sa richesse par habitant. Et que dire de notre marque ?: que vaut la marque France ? Quelle est sa

contribution à la création de richesse en France ? Est-ce seulement un

actif ou serait-ce éventuellement un passif ?

Sur tous ces éléments, des diagnostics existent plus ou moins mais ils sont

épars. Ils ne sont pas reliés en un système alors que tous ces sujets sont

interdépendants. Par voie de conséquences, rien ne prouve que nos politiques

globales soient vraiment efficaces: nous manquons d’une vue intégrée.

II.3 Structure de l’étude face à ces questions

Il nous apparait dès maintenant, à la lumière des faits et chiffres d’ores et déjà

exposés, que la prise en compte du capital immatériel constitue un enjeu majeur

pour un développement économique durable de notre pays.

Afin de proposer une politique crédible dans ce domaine, nous avons structuré

notre étude en 5 grandes parties :

Première partie: elle est composée des pages qui précèdent et

représente le contexte, les enjeux et les définitions relatives au capital

immatériel.

Seconde partie: propositions pour mesurer le capital immatériel.

Troisième partie: propositions pour développer le capital immatériel.

Quatrième partie: reprise des recommandations exposées et conception

d’un plan d’ensemble hiérarchisé qui jette les bases d’une politique

publique nationale en faveur de l’immatériel.

Cinquième partie: C’est la conclusion de ce rapport, Elle livre une

première réflexion (assez grossière) sur le potentiel de retombées

économiques des recommandations contenues dans ce rapport.

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31

Seconde partie : mesurer le capital immatériel

I - Introduction

La question de la mesure est centrale dans tout système de management. Elle

permet de prendre des décisions plus pertinentes et d’en vérifier l’efficacité.

L’idée selon laquelle le capital immatériel n’est pas mesurable a longtemps fait

florès et d’aucuns le soutiennent encore. Nous montrerons que ce n’est pas le

cas et que la valeur immatérielle peut être mesurée avec un bon niveau de

fiabilité.

Cette partie se compose de 3 sections :

1. Nous présentons tout d’abord la méthode française de mesure du capital

immatériel des entreprises,

2. Nous montrons ensuite comment cette méthode peut être adaptée pour

les activités non commerciales et plus particulièrement pour celles de

l’économie sociale et solidaire,

3. Enfin nous proposerons de mettre en place un système de mesure du

capital immatériel des territoires et du pays et proposerons de construire

notamment, dans ce cadre, un indicateur de richesse alternatif au PIB.

II Mesure du capital immatériel des entreprises: les

outils sont là.

Comme indiqué en introduction, le poids de l’immatériel dans les économies

modernes est devenu tel qu’il semble désormais hasardeux de développer une

entreprise sans mesurer son capital immatériel. La méthodologie Thésaurus-

Bercy13 commandée à l’Observatoire de l’immatériel par le Ministère de

l’économie et des finances sous l’impulsion de Mme Lagarde en 2009 et publiée

en 2011 est le standard français de mesure.

13

Téléchargeable gratuitement sur le site www.observatoire-immateriel.com

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32

Fig 17: la méthode Thésaurus Bercy

Cette méthode permet de procéder à des évaluations extra-financières

(production de notes) et financières (en euros) des différentes classes d’actifs qui

composent une entreprise. Elle a été produite par un pool d’experts bénévoles

composés en partie d’enseignants-chercheurs et en partie de praticiens. La

production qui en résulte est sous-tendue par un corpus de connaissances

académiques très important.

Voici quelques grandes caractéristiques structurantes de la méthode.

II.1 Première caractéristique : le capital immatériel c’est

ce que l’entreprise possède et non ce qu’elle fait.

Ce point est très important car de nombreuses personnes qui découvrent le sujet

y intègrent tout ce qui est impalpable dans l’entreprise mais important pour que

« ça marche ». Selon cette approche, toutes les bonnes pratiques de

management, les plans d’actions et les décisions deviennent du capital

immatériel. Ce qui fait perdre au concept son intérêt.

On retiendra donc ici que le capital immatériel ne prend en compte que des actifs

c'est-à-dire du « stock », des choses que l’entreprise possède (ou dont elle

dispose). En revanche, il ne contient pas toutes les choses que les salariées et

dirigeants de l’entreprise font. Bien comprendre ce qu’est le capital immatériel

revient à bien faire la différence entre agir et avoir. Ainsi, la stratégie, la

politique commerciale ou la politique de développement durable ne sont pas des

actifs et ne font donc pas partie du capital immatériel: ce sont des plans

Thésaurus-Bercy V1 Référentiel français de mesure de la

valeur extra-financière et financière du

capital immatériel des entreprises

7 octobre 2011

Produit à la demande du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie par les auteurs ci-dessous :

Direction : Alan FUSTEC (Président de Goodwill-Management, Titulaire de la Chaire Capital Immatériel et

Développement Durable de l’ESDES, Directeur Scientifique de l’Observatoire de l’Immatériel) Comité scientifique et technique : Yosra BEJAR (maître de conférences Institut Telecom – Telecom Ecole de Management), Thomas GOUNEL (Directeur, Deloitte Finance) ; Stephano ZAMBON (Professeur Université de Ferrara - Italie) ; Sébastien THEVOUX (Analyste ISR Oddo)

Contributeurs : Didier DUMONT (Goodwill-Management) ; Jacques PARENT (Accomplys) ; Martine LEONARD (CIC-AM) ; Christophe LE CORNEC (Financière Anne-Charles) ; Rémy REINHARDT (expert-comptable, Conseil Supérieur de l’Ordre des Experts-Comptables) ; Cécile MILLION-ROUSSEAU (présidente d’Ontologos Corp SAS) ; Florian AYMONIN-ROUX (Ministère de l’Economie, des Finances et de

l’Industrie) ; Marie-Pierre PEILLON (directrice de l’analyse financière et extra-financière, Groupama AM) ; Daphné MILLET (analyste extra-financier, Groupama AM) ; Adel BELDI (Professeur assistant, IESEG) ;Jean-Jacques CROSNIER (Directeur Qualité et Progrès, DNCS) ; Philippe BIANCHI (délégué général EFQM France, Groupe AFNOR) ; Mathieu LANGEARD (président fondateur, FINANCE FOR ENTREPRENEUR) ; Maud LOUVRIER-CLERC (responsable de la recherche, FINANCE FOR ENTREPRENEUR) ; Corinne SANDEL (Alcatel-Lucent) ; Soley LAWSON-DRACKEY (ESDES) ; Antoine AUBOIS (Akoya Consulting) ; Julien RIALAN (Akoya Consulting) ; Kristof De MEULDER (APIE) ;

Alban EYSSETTE (Ricol Lasteyrie) ; Jocelyn MURET (Akoya Consulting) ; Myriam DUVAL (Akoya Consulting) ; Vincent BARAT (Akoya Consulting)

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33

d’actions. Les résultats que ces politiques produisent sont, en revanche, des

éléments du capital immatériel: un environnement plus sain, des nouveaux

clients ou de nouveaux produits contenant un capital de savoir innovant.

Cela signifie, par exemple, que la mesure du capital humain consiste en une

évaluation puis une valorisation des équipes mais pas de la politique RH (qui est

un plan d’action). De même, la mesure du capital client se centre sur les clients

et non sur la politique commerciale.

Cette distinction entre actif et action est cruciale pour 3 raisons :

Si la réflexion sur le capital immatériel se centre trop sur les actions, elle n’existe

pas vraiment puisqu’elle se confond avec les sciences du management.

Attribuer une valeur à un plan d’action est hasardeux car les actions réussies

produisent des actifs valorisables (matériels, financiers ou immatériels) alors que

les échecs ne produisent rien.

Mélanger, au sein d’un projet de valorisation, des actifs et des actions

entrainerait une double comptabilisation: valorisation des moyens mis en œuvre

et des résultats correspondants. Cela reviendrait, par exemple, à donner à la

fois une valeur à un projet immobilier (valeur de son résultat: l’immeuble) et à y

rajouter la valeur de l’actif: l’immeuble. Ainsi tant que l’on n’a pas compris que

l’on ne doit valoriser que des actifs et non du travail, on ne peut pas produire

une valeur d’entreprise fondée sur son capital immatériel.

Fig 18 : La valorisation de l’immatériel porte sur les actifs et non sur les actions.

II. 2 Seconde caractéristique: capital immatériel contient

des éléments physiques.

Ainsi, le capital immatériel n’est pas un complément aux actifs matériels mais

aux immobilisations et aux actifs circulants. Les hommes, la neige, les

actionnaires sont immatériels mais ont bien une substance physique.

Bon usage

Ouvrier

Bel ouvrage

Bons outils

Bon usage

Ouvrier

Bel ouvrage

Bons outils

Compte résultat

Sciences du management

Bilan Capital immatériel

Compte résultat

Sciences du management

Bilan Capital immatériel

Bonnes actions

Création de valeur

Bons actifs

Bonnes actions

Création de valeur

Bons actifs

Entreprise

Flux

StockAvoir

Agir

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34

II.3 Troisième caractéristique: les actifs immatériels se

groupent en deux pôles, les actifs d’offre et les actifs de

demande.

Dans notre liste d’actifs ou de classes d’actifs, nous devons, pour pouvoir demain

procéder à une valorisation crédible (voir plus bas) introduire une notion très

nouvelle dans la littérature sur les immatériels et pourtant incontournable: il

existe des actifs d’offre et des actifs de demande.

Dans notre formule R=f (A,T,D) reprenons la décomposition systématique

présentée plus haut mais en procédant à une décomposition du questionnement.

« Que faut-il pour créer de la richesse ? » devient :

« Que faut-il pour créer des produits ou des services »

et

« Que faut-il pour qu’ils soient achetés » ?

La première question appelle une réponse riche. Il faut, en effet :

Des actionnaires

Des immobilisations

Des actifs circulants

Des ressources naturelles

Des machines

Des hommes

Une organisation

Un système d’information

Une marque

Des savoir faire

Des partenaires

Tout cela est toujours nécessaire (et la plupart du temps suffisant) pour faire

exister un produit ou un service.

Nous appellerons donc ce premier chapelet, les actifs d’offre (actifs nécessaires

pour créer une offre).

La réponse à la seconde question est infiniment plus simple: il faut des clients.

Nous appellerons les clients, les actifs de demande.

Le processus de création de valeur s’exprime comme un double flux, permis par

le travail, entre les actifs d’offre et de demande.

Flux de produits ou de services partant du pôle des actifs d’offre (l’entreprise et

son environnement) vers le pôle des actifs de demande.

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35

Flux de cash dans l’autre sens: des clients (actifs de demande) vers l’entreprise

(actifs d’offre).

Figure 19 : les actifs d’offre et de demande et le double flux de produits et de cash

Cette répartition des actifs en deux pôles est essentielle pour la valorisation

financière car elle met en évidence qu’à un instant « T », le cash-flow est à la

fois le rendement des actifs d’offre (le cash-flow) et aussi celui des actifs de

demande. Ce surplus qui provient du client (rendement du client) est capté par

l’entreprise (rendement des actifs d’offre). Lorsqu’on évalue l’entreprise, on ne

peut faire la somme de la valeur de rendement des actifs d’offre et des actifs de

demande car dans ce cas, on compte 2 fois la même chose et l’on produit des

valorisations économiques aberrantes.

II.4 Quatrième caractéristique: le poids des actifs dans le

processus de création de valeur varie selon les secteurs.

Imaginons que Adecco subissent une panne informatique pendant une semaine.

Ce serait handicapant pour la firme mais cela ne l’empêcherait pas d’assurer ses

prestations. En revanche, imaginons la même durée de panne à la Société

Générale. Cela serait fatal à cette banque. L’informatique pèse beaucoup moins

pour une société de travail temporaire que pour une banque.

Imaginons que Geodis n’ait fait au cours des 10 dernières années aucun

investissement de R&D. Cela n’aurait probablement pas empêché à ce

transporteur de prospérer. Mais imaginons la même chose chez Sanofi-Aventis…

ce serait suicidaire. Le capital de savoir pèse beaucoup plus pour un laboratoire

pharmaceutique que pour un transporteur.

Imaginons que Cap Gemini suspende tous ses investissements en marketing

destinés à la promotion de sa marque. Cela serait probablement d’un impact

économique limité avant un bon moment. Imaginons que Nike fasse la même

chose. Ce pourrait être très pénalisant pour ce groupe. Le capital de marque

compte beaucoup moins pour une société de services en informatique que pour

une entreprise de vêtements haut de gamme.

Clients

Actifs de demande

Actifs matériels & fi.

Marques

Savoir et brevets

Hommes

Système info.

Partenaires

Organisation

Actifs d’offre

Produits

Cash

Environnement

Actionnaires

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36

Imaginons qu’un fournisseur défaillant vende des produits défectueux à un

cabinet d’avocats. Cela peut être ennuyeux mais pas catastrophique puisque la

prestation réalisée par le cabinet n’est pas sous-traitée. Imaginons, en revanche,

que Carrefour intègre dans ses produits MDD de la viande contaminée par une

bactérie pathogène dangereuse. Cela peut coûter très cher à l’enseigne. Le

capital fournisseur compte beaucoup moins pour une société de prestations

intellectuelles que pour une enseigne de la distribution.

Fig 20 : Les actifs d’offre ont une importance variable selon les secteurs

II.5 Les principes de la mesure extrafinancière et

financière.

Pour les 10 classes d’actifs précités, la méthode Thésaurus-Bercy permet

d’établir des cartes de valeur extra-financière dont un exemple est présenté ici

(les cartes présentent des notes sur 20).

Fig 21: Evaluation extra-financière du capital humain (les notes sont sur 20, les cases

oranges sont des coefficients de pondération dont les valeurs varient entre

0,8 et 1,2 en général).

Autres actifs

Autres actifs

Savoir et brevets

Glaxo

Autres actifs

Coca Cola

Marque

Autres actifs

Autres actifs

Cap Gemini

Hommes

Autres actifs

Autres actifs

Ebay

SI

0,9

1

1,08

1,12

1

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37

Pour toutes ces évaluations, les critères (boites jaunes) présents dans les

arborescences sont notées grâce à des indicateurs étalonnés (exemple, ci-

dessous, pour le critère Compétence du capital humain).

Fig 22: Exemple d’indicateur étalonné (extrait de Thésaurus-Bercy)

Ces évaluations extra-financières sont ensuite utilisées pour produire des

valorisations financières d’actifs, notamment, selon 2 types de méthodes de valorisation :

méthode par les coûts de remplacement des actifs, méthode par les valeurs de rendement (modèles de cash flows actualisés).

La méthodologie permet aussi de procéder à des évaluations financières

d’entreprises fondées sur leurs actifs immatériels.

Cette méthode est mise gratuitement à la disposition de toutes les entreprises

françaises qui veulent mesurer leur capital immatériel (téléchargeable sur le site

de l’Observatoire de l’Immatériel). Elle est largement utilisée tant pour des

opérations de fusion acquisition que pour établir des tableaux de bord de

nouvelle génération.

Fig 23: Un échantillon des entreprises françaises qui mesurent leur capital immatériel

Note

Existence d’une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences

Moyenne des notes de compétence aux entretiens individuels

DiversitéPolitique de formation de maintien dans l’emploi

sourceBilan Social et Entretien avec la DRH

Données collectées Bilan Social et Entretien DRH

Bilan Social et Entretien avec la DRH

20

Pour toutes les fonctions clés de l’entreprise il y a des collaborateurs experts et des remplaçants experts

5/5 ou équivalentTrès forte diversité y compris dans le comité de direction

L’entreprise consacre plus de 6 % de sa masse salariale à la formation, tous les collaborateurs sont formées

15

Pour toutes les fonctions clés il y a des experts mais il manque des remplaçants pour certaines

4Très forte diversité mais insuffisance dans le codir

Budget formation = 4 % MS ; la plupart des salariés sont formés

10Il y a un déficit de compétence pour certaines fonction clés

3Une politique plus que des résultats

L’entreprise consacre 3 % de la masse salariale à la formation

5 Il n’y a pas de GPEC 2 Pas de politique L’entreprise consacre 1 %

0Absence d’entretien d’évaluation

1Discrimination perceptible

L’entreprise ne forme pas ses salariés

Compétent (Collaborateurs)

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38

A titre d’exemple, nous présentons ci-dessous l’évaluation extra-financière du

capital immatériel réalisée par la Banque Populaire Atlantique en 2012 présentée

dans son rapport annuel.

Fig 24: l’évaluation extra-financière de la Banque Populaire Atlantique en 2012 selon

Thésaurus-Bercy (notes sur 20).

En complément, voici, ci-dessous, une évaluation financière d’un échantillon

d’entreprises du CAC 40. Selon la méthode de la Reference-Value incluse dans

Thésaurus-Bercy.

Fig 25: Classement des entreprises du CAC 40 établi selon leur capitalisation en

Reference Value® en M€ (au 7 mars 2012, clôture de la Bourse)

En M€ En €/action Capitalisation

boursière en M€

Cours de bourse

en €/action

1 Total S.A. 139 310 59,1 97 856 41,5 42,4%

2 LVMH Moet Hennessy Louis Vuitton 126 203 248,5 63 959 126,0 97,3%

3 Sanofi S.A. 118 767 88,6 75 909 56,6 56,5%

4 L'Oreal S.A. 95 943 159,6 52 148 86,8 84,0%

5 GDF Suez S.A. 88 706 39,4 43 859 19,5 102,3%

6 Danone S.A. 72 659 113,1 33 108 51,6 119,5%

7 Electricite de France S.A. 61 333 33,2 33 770 18,3 81,6%

8 BNP Paribas S.A. 52 468 43,4 49 752 41,2 5,5%

9 Schneider Electric S.A. 51 118 93,1 26 800 48,8 90,7%

10 AXA S.A. 49 174 20,9 27 891 11,8 76,3%

11 France Telecom 47 563 18,0 29 191 11,0 62,9%

12 Air Liquide S.A. 42 376 149,3 27 240 95,9 55,6%

13 Societe Generale S.A. 40 761 52,5 18 455 23,8 120,9%

14 Vivendi 38 404 30,8 17 268 13,8 122,4%

15 ArcelorMittal 31 245 20,0 23 712 15,2 31,8%

16 Pernod Ricard S.A. 24 870 93,9 20 651 78,0 20,4%

17 Credit Agricole S.A. 24 659 9,9 11 601 4,6 112,6%

18 Renault S.A. 24 169 81,7 11 450 38,7 111,1%

19 Compagnie de Saint-Gobain S.A. 23 337 43,6 18 257 34,1 27,8%

20 Vinci S.A. 23 013 40,6 21 760 38,4 5,8%

Reference Value Valeur boursière

Société Ecart RV/Cours

de bourse

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39

III Adaptation de cette méthode aux activités non

marchandes et à l’économie sociale et solidaire

III.1 Quelle est la vraie valeur des activités non

marchandes ?

La question de la valorisation des activités non marchandes reste un sujet peu ou

mal traité de nos jours. Si de nombreux outils existent pour calculer le

rendement d’entreprises et d’actifs du secteur marchand, il n’y en a que très peu

voire aucun qui soit régulièrement appliqué au secteur non marchand

(administrations, associations, etc).

Cela vient du fait que toutes les méthodes de valorisation sont adossées

directement ou indirectement à la génération de profits: les actifs marchands ou

les entreprises valent les profits qu’ils vont générer dans le futur. Comme les

activités non marchandes ne génèrent pas de profit, ces méthodes sont

inapplicables.

L’approche de valorisation utilisée est donc celle des coûts historiques: les actifs

et personnes morales du secteur non marchand valent ce qu’ils ont coûté. C’est

très frustrant car intuitivement, nous savons tous que les goodwills et badwills

observés dans le secteur marchand existent partout ailleurs: telle association

produit beaucoup de richesse alors que telle autre en détruit.

En outre, l’approche par les coûts donne à ces acteurs économiques une image

négative de consommateurs de ressources dont la production est impalpable et

peut-être absente. On les appelle des « centres de coûts » et on les considère

souvent comme des maux nécessaires voire comme des sources de gaspillage.

Beaucoup de projets de développement durable ont également cette image.

Est-ce fondé ?

Le présent chapitre explore ces sujets et propose une réponse pratique. Il résulte

de 10 années de mesures et d’expérimentation sur le terrain. Il combine une

méthodologie largement inspirée de la mesure des coûts évités (méthode

popularisée par la loi américaine PURPA (Public Utility Regulatory Policies Act) en

197814 et une seconde fondée sur la mesure de la valeur immatérielle

(Thésaurus-Bercy). Il expose une approche pratique qui permet :

1. d’établir un compte de résultat étendu au sein duquel tous les coûts mais

aussi tous les bénéfices produits par une organisation sont financiarisés,

en supprimant, au moment du calcul, toutes les frontières de temps et

d’espace.

14 Public Utility Regulatory Policies Act (PURPA), 1978

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40

2. D’autre part de calculer la valeur d’une organisation non marchande.

La méthode est complètement exposée sur un plan théorique puis appliquée à

des organisations réelles dans l’article «Proposition d’une méthode de mesure de

la création de valeur des organisations de l’économie sociale et solidaire grâce au

capital immatériel » (Fustec, 2011)15. La présente section en présente une

synthèse théorique et l’applique à une association existante mais dont nous

tairons l’identité.

III.2 Méthode de calcul

La méthode Thésaurus-Bercy, précitée, ainsi qu’une méthode de mesure de la

performance économique globale d’une activité sont nécessaires dans ce

contexte.

La Méthode de calcul de la performance économique globale est décrite ici.

Pour de nombreuses activités en entreprise (centres de coûts) comme pour de

multiples activités à but non lucratif parmi lesquelles celles de l’économie sociale

et solidaire, les coûts sont visibles et faciles à collecter, les bénéfices éventuels

sont, en revanche, cachés et difficiles à mettre en évidence.

La méthode permettant de calculer la performance économique globale d’une

activité donnée porte le nom de Thésaurus-RBC : Recherche de Bénéfices

Cachés16. Elle combine l’approche financière dite « méthode des coûts évités » et

une technique de brainstorming permettant de découvrir les bénéfices cachés

d’une action.

Fig 26 : le synoptique de la méthode Thésaurus-RBC

15

Livre : « Management des Entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire », De Boeck 2011 16

Méthode mise au point et utilisée par le cabinet Goodwill-management.

Identification de actions engagées: réponse à la

question « quoi »1

Collecte des surcoûts totaux associés (réponse à la

question « combien »)2

Pour chaque action, inventaire des raisons de l’avoir

retenue (réponse à la question « pourquoi »)3.1

Tentative de quantification d’une raison (réponse à

la question pourquoi de façon quantitative) 3.2

Succès: sujet quantifiable Echec: sujet non quantifiable ou données

indisponibles: recherche d’une autre raison

Financiarisation de la réponse 3.2 (réponse

à la question combien pour la retombée) 4 Recherche d’autres

retombées de la même

caractéristique

Bilan économique : Retombée – Coûts

engagés 5

Passage à la

caractéristique

suivante

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41

Les étapes 1 et 2 de cette méthode sont très simples à mettre en œuvre: il s’agit

de définir l’action et de collecter les coûts qui ont été engagés pour la conduire.

La phase de fouille/brainstorming commence en phase 3.1: les responsables des

travaux étudiés cherchent à définir la liste des bonnes raisons qui ont conduit à

mener ces actions. La question qui leur est posée est très simple: « Pourquoi

faites-vous cela ? A quoi cela peut-il bien servir ? Quel en sont les intérêts, du

plus évident au moins probable ? Donnez-nous dans un premier temps des

réponses qualitatives ».

Une fois la phase 3.1 engagée, l’évaluateur passe en phase 3.2 au cours de

laquelle il cherche à quantifier les retombées. S’il trouve des données

quantitatives, il passe en phase 4 et calcule les coûts évités ou les bénéfices

obtenus grâce aux données quantitatives: c’est la phase de financiarisation.

Enfin, en phase 5, le bilan économique est établi: la différence entre l’économie

réalisée et le coût de l’action permet d’établir le bénéfice.

Pour une étude donnée, le processus RBC s’arrête lorsque le montant des

retombées financiarisées est supérieur ou égal aux coûts engagés.

Dans ce processus, la phase de recherche de tous les intérêts des actions

engagées est primordiale (phase 3.1) car il arrive souvent que le mobile principal

ne puisse pas faire l’objet d’une quantification et donc d’une financiarisation. Ce

sont alors des retombées secondaires qui produisent les bénéfices. C’est le cas

dans l’exemple ci-dessous.

III.3 Application à un cas

L’association « Les Compagnons du voyage » œuvre dans le domaine de

l’économie sociale et solidaire à deux titres: d’une part, elle aide des clients,

présentant un déficit de mobilité, à utiliser les transports en commun. D’autre

part, ses collaborateurs sont des personnes en insertion.

Ainsi, les salariés de l’association accompagnent-ils leurs clients (de porte à

porte), dans leurs voyages, en utilisant les transports en commun (métro, train,

bus). En 2009 (bilan effectué en 2010 sur la base des chiffres 2009): 526

enfants en rupture sociale (enfants confiés à des familles, parents divorcés…),

232 enfants handicapés et 238 particuliers (personnes âgées, majeurs

handicapés …) ont bénéficié des services de l’association.

Pour équilibrer ses comptes, l’association a bénéficié pour l’année 2009 d’une

subvention des deux transporteurs RATP et SNCF de 920 000 €.

La directrice de l’association, Mme Chantal Couprie a souhaité mener une étude

montrant la performance économique de son activité, notamment pour apporter

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42

la preuve à ses sponsors que l’opération était économiquement intéressante pour

eux autant que pour la société civile.

Deux types de bénéfices importants ont pu être mis en évidence.

D’une part, les Compagnons du Voyage apprennent aux jeunes handicapés qu’ils

aident, à devenir autonomes dans les transports en commun. En moyenne, cela

prend 2 ans. Ainsi, chaque année, grâce aux Compagnons du Voyage, des

nouveaux clients réguliers des deux transporteurs apparaissent. Si cette

association n’existait pas, ces personnes ne deviendraient pas des clients

réguliers. Leur nombre augmente tous les ans. En prenant en compte le revenu,

pour la SNCF et la RATP, que ces clients ont produit en 2009, il est apparu que

l’activité était très rentable (396 K€ / an).

Fig 27 : Calcul de la rentabilité de l’activité des Compagnons du Voyage pour ses

sponsors

En second lieu, les Compagnons du Voyage emploient des personnes en

insertion, ce qui coûte moins cher à la société civile qu’un chômeur. Le coût évité

pour la société civile a été calculé. Il était de 600 K€ par an au moment du bilan.

Le bilan global de la création de valeur des Compagnons du Voyage est donc de

996 K€ par an.

Les Compagnons du Voyage coûtent donc à leur sponsors 920 K€ par an et

génèrent un excédent économique cumulée minimale de 996 K€ par an. C’est

une retombée nette, tous coûts déduits.

Un euro investi dans cette association se traduit donc par 2,08 euros de

retombées et 1,08 euros d’excédent net qui s’apparente à un cash-flow.

Cette retombée n’est comptabilisée nulle part. L’association des Compagnons du

Voyage était considérée en 2010 tant par la SNCF que par la RATP comme un

centre de coûts.

III.4 Interprétation des résultats

Dans ce type d’étude, la différence entre les bénéfices et les coûts est toujours

établie d’une part pour le sponsor de l’action mais aussi pour la société civile. Il

en résulte 4 cas:

Calcul de la rentabilité pour les transporteurs de l'activité des

compagons du Voyage

Montants en K€.

En 2009, les compagnons du voyages ont rendu 76 enfants handicapés

autonomes dans les transports (qui sont dévenus des clients réguliers de la

SNCF et de la RATP). Sur les 10 années passées 766 enfants sont dévenus

clients réguliers. Ils ne prendraient pas les transports en commun sinon.

1316 le calcul du CA généré découle des

statistiques de côut moyen des transport

en commun d'un usager RATP SNCF en

ïle de France

Rapplel du montant de la subvention RATP SNCF 920 Chaque année cette rentabilité augmente :

effet cumul

Slode 396

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43

1 – l’action rapporte plus qu’elle n’a coûté au sponsor et rapporte aussi à la

société civile. Il y a donc création de valeur globale (c’est le cas des Compagnons

du Voyage).

2 – l’action rapporte plus à la société civile qu’elle n’a coûté au sponsor mais ses

retombées pour le sponsor ne sont pas chiffrables (déficit apparent pour lui). Il y

a donc a minima création de valeur transférée (en première approche, le

bénéficiaire n’est pas le financeur)

3 – l’action rapporte au sponsor plus qu’elle ne lui coûte mais ne rapporte rien de

chiffrable à la société civile. Il y a donc ici création de valeur tangible pour le

sponsor et intangible ou nulle pour la société civile

4 – l’action ne rapporte rien de chiffrable: la création de valeur pour le sponsor

et la société civile est alors intangible, nulle ou négative.

Le premier cas est bien sûr le plus recherché car il montre une création de

richesse mesurable pour tous y compris pour le sponsor. Dans ce cas, l’action est

bonne, à la fois pour des raisons éthiques et économiques. Elle est donc pérenne.

Dans le second cas, la création de richesse est avérée pour la société civile mais

pas pour le sponsor. Il y a ici une fragilité de l’action à long terme.

Le troisième cas présente de bonnes conditions de pérennité mais doit faire

l’objet d’un questionnement sociétal: est-ce bien utile pour la société civile ?

Dans le dernier cas, les chiffres sont absents ce qui rend l’interprétation des

résultats de l’action difficile et la pertinence de l’action sujette à caution. On peut

dans ce cas être enclin à penser qu’il y a gaspillage. Par exemple, dans le cas

d’une action de lutte contre les addictions qui ne produirait pas de résultat (les

bénéficiaires ne sortent pas de leurs addictions), il faudrait se poser ce type de

question.

Cependant, une absence de retombées chiffrée ne doit pas être interprétée

comme un échec de l’initiative ou comme la traduction d’une mauvaise décision:

en toute connaissance de cause, un décideur peut poursuivre une action non

rentable. Les intérêts qu’il y a d’agir ne sont pas toujours financiers. Par

exemple, le bilan économique global de la prise en charge de jeunes enfants

issus de milieux défavorisés dans le but de leur éviter à l’adolescence de devenir

délinquants n’est peut-être pas financiarisable (effets à trop long terme). En

déduire que cela ne sert à rien serait pour autant hâtif.

En synthèse, ces bilans économiques sont une aide la décision précieuse :

« Telle action sociale et solidaire est créatrice de valeur: poursuivons »,

« Le bilan est négatif: ne pourrions-nous pas obtenir mieux avec les

mêmes moyens en changeant un peu notre façon de faire » ?

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« le bilan est négatif : sommes-nous sûrs que nos ressources ne seraient

pas mieux employées dans un autre champ de l’économie sociale et

solidaire ? », etc.

Ces considérations sont impossibles sans chiffres.

Enfin, lorsque l’action présente un bilan économique positif, le « défi comptable

et financier » s’arrête. L’argument financier qui serait de nature à interrompre le

projet ou le programme concerné disparaît. C’est un atout énorme pour

l’économie sociale et solidaire.

III.5 Calcul effectif de la valeur de l’association citée en

exemple

III.5.1 Intérêt universel de la cotation extrafinancière

des actifs immatériels

Que l’acteur économique œuvre ou non dans le domaine marchand, une cotation

extra-financière de ses actifs immatériels est souhaitable. Tous gagneraient à

identifier les points de force et de fragilité de leurs actifs immatériels puisque

ceux-ci sont des facteurs de production de richesse. Ce genre de cotation

permet, en effet, de corriger les points faibles et maximiser la performance

globale.

Par ailleurs, pour établir la valeur économique de l’association des Compagnons

du Voyage, une évaluation extra-financière de son capital immatériel eût été

nécessaire. Ce ne fut pas le cas mais imaginons une note globale de 13/20.

III.5.2 Identifier des Acteurs Economiques Efficients

(AEE)

Un acteur économique efficient est ici défini comme une organisation qui produit,

par un moyen ou par un autre, et sans limites de frontières, des retombées

financières chiffrables supérieures aux coûts et investissements engagés. C’est le

cas de notre exemple.

La mesure de la performance économique découlant de la méthode RBC

(méthode basée sur les flux) permet de mettre en évidence que les acteurs du

secteur non marchand peuvent être des acteurs économiques efficients.

Mais pourrait-on alors donner une valeur économique à ces acteurs ?

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45

III.5.3 Etablir la valeur des acteurs du secteur non

marchand.

Dans le domaine de la valorisation des organisations, il existe aujourd’hui deux

approches. L’intérêt principal du présent chapitre est d’en introduire une

troisième.

Pour établir la valeur d’une organisation qui produit un excédent économique, les

méthodes utilisées consistent à estimer la capacité de l’organisation à perpétuer

la production de l’excédent dans le futur et à y rajouter éventuellement une

valeur terminale (méthode du multiple du résultat d’exploitation, du multiple de

l’EBE, méthodes des cash-flows futurs actualisés, etc). Lorsqu’elle existe, la

valeur terminale correspond, soit à un excédent résiduel au-delà de l’horizon du

calcul explicite, soit à une valeur d’actif résiduel qui subsisterait à terme (valeur

d’un bâtiment, d’un terrain qui ne serait pas totalement déprécié à la fin de la

période de projection).

Lorsque les organisations ne gagnent pas d’argent, la méthode de valorisation

(comptabilité publique) consiste à faire la somme des coûts historiques des

actifs: l’organisation a une valeur comptable égale à la valeur résiduelle, compte

tenu des amortissements, des actifs que la comptabilité reconnaît: les

immobilisations, les actifs circulants et quelques actifs incorporels.

La prise en compte du capital immatériel pourrait inciter à proposer un bilan

étendu prenant en compte pour ces organisations non seulement le coût

historique des actifs comptables mais aussi les autres: valeur des équipes, des

marques, de l’organisation, etc. en utilisant les mêmes techniques de

valorisation: prise en compte des coûts historiques et calculs de dépréciation.

Il y a quelques arguments pour cela. Par exemple, dans le domaine de la santé,

la marque « Necker » a une renommée mondiale…. et donc beaucoup de valeur.

Mais l’application, en aveugle, d’une telle option produirait des résultats erronés.

En effet, toute organisation, efficace ou pas, efficiente ou pas, dès lors qu’elle se

trouverait en situation d’accumuler les actifs coûteux aurait beaucoup de valeur.

Tout investissement, pertinent ou non serait ainsi synonyme de valeur !

La formule proposée ici est plus réaliste parce que plus prudente. Elle se

décompose en 3 phases :

1 – établir l’efficience économique de l’organisation par la méthode RBC. Nous

avons vu que l’association prise en exemple produit un excédent économique

positif. Il est égal à la rentabilité pour les sponsors à laquelle s’ajoute la

rentabilité pour la société civile. Cet excédent peut être assimilé à un cash-flow

que nous appellerons ECF (Equivalent Cash-Flow)

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2 – établir l’état (notation extra-financière) des actifs matériels et immatériels de

l’entreprise c'est-à-dire l’état de tous les facteurs de production de cet équivalent

cash-flow.

3 – Calculer la capacité de l’organisation à produire des ECF dans le futur en

appliquant une méthode des cash-flows futurs actualisés (DCF) aux Equivalents

Cash-flows.

Nous avons mis au point cette méthode que nous appelons IDCF (Intangible

Discounted Cash-Flow).

Selon cette approche, l’ECF est actualisé en utilisant un taux alternatif au WACC

que nous appelons l’ICC (Intrinsic Cost of Capital). L’ICC est d’autant plus bas

que les paramètres ci-dessous sont bons :

La santé financière de l’organisation, La qualité de son capital immatériel,

La pertinence de sa stratégie, Son contexte macro-économique,

Selon la formule de l’ICC présentée dans Thésaurus-Bercy et compte tenu de la note obtenue pour l’association au titre de son capital immatériel (13/20), l’ICC

de l’association s’établit à 12,9 %.

Sa valeur, compte tenu d’un ECF de 996 K€ s’établit à 8,9 M€.

Ainsi, une association qui coûte 920 K€ par an à la SNCF et à la RATP et

qui réalise de l’accompagnement porte-à-porte de personnes à mobilité

réduite, produit un excédent économique actuel de 996 K€ et a une

valeur globale pour la collectivité de 8,9 M€.

III.5 Généraliser la méthode IDCF à l’ensemble du

secteur non marchand

Grâce à cette méthode, la valeur économique de toute organisation à but non

lucratif: un hôpital, une association de lutte contre la délinquance, une crèche,

etc, peut être établie.

Notons que cette approche répond exactement à la définition de la valeur

partagée (ou Shared Value) de Mickaël Porter17.

« Shared value means creating economic value in a way that also creates value for society by addressing its

needs and challenges. Businesses must reconnect company success with social progress. Shared value is not

social responsibility, philanthropy, or even sustainability, but a new way to achieve economic success. It is not

on the margin of what companies do but at the center.”

17

Michael Porter et Mark R. Kraemer: Created shared value, Harvard Business Review, Janvier 2011. Voir aussi Marc Mousli : La valeur partagée, un nouveau concept de Michael Porter, alternative économique, Janvier 2013

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47

L’article précise également:

« The concept of shared value can be defined as policies and operating practices that enhance the

competitiveness of a company while simultaneously advancing the economic and social conditions in the

communities in which it operates. Shared value creation focuses on identifying and expanding the

connections between societal and economic progress.

The concept rests on the premise that both economic and social progress must be addressed using value

principles. Value is defined as benefits relative to costs, not just benefits alone. Value creation is an idea that

has long been recognized in business, where profit is revenues earned from customers minus the costs

incurred. However, businesses have rarely approached societal issues from a value perspective but have

treated them as peripheral matters. This has obscured the connections between economic and social

concerns.»

Généraliser ces mesures serait précieux car cela permettrait de savoir quelles

entités non marchandes produisent de la richesse et quelles entités n’en

produisent pas

Remarque importante réitérée: ne perdons toutefois jamais de vue que l’efficience

économique ne doit pas être le seul critère de décision pour les activités non

marchandes. La pertinence d’un service public ne saurait se confondre avec son

efficience économique : si l’on envisage aisément qu’une association de prévention du

Sida puisse avoir une efficience économique positive (coûts médicaux évités par un

moindre nombre d’individus contaminés), il est bien plus difficile d’envisager un tel bilan,

par exemple, pour une activité de loisirs destinée à des personnes atteintes de la maladie

d’Alzheimer. L’efficience économique ne peut donc être le seul critère d’établissement

d’une politique publique. Elle est cependant une aide puissante à la décision :

Tant que la raison éthique et la raison économique peuvent se combiner

positivement, la situation est idéale car cela permet d’économiser des ressources

collectives (qui sont rares par définition). L’action est donc pérennisée.

Si une activité non marchande, qui devrait être efficiente, ne l’est pas, il faut en

revoir les modalités ou l’arrêter.

IV Mesure de la valeur dans d’autres domaines et

notamment dans le domaine du bâtiment

IV.1 Quel serait l’intérêt de ces mesures ?

Nous avons vu dans les sections précédentes que pour les entreprises et les

personnes morales du secteur non marchand, la mesure du capital immatériel

était devenue un acte de management majeur capable de révéler une valeur

importante totalement sous-estimée ou au contraire de corriger des

surévaluations perçues.

Les intérêts de ces mesures sont toujours les mêmes:

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se tromper moins au moment d’une transaction. Eviter, suite à une

valorisation erronée qu’il y ait un gagnant et un perdant.

Identifier les forces et les faiblesses de l’actif afin de l’améliorer.

Souvenons-nous qu’avec le même montant d’investissement on peut construire

un bâtiment magnifique et bien conçu ou au contraire produire un immeuble

bourré de défauts. Il y a donc du goodwill sur les bâtiments autant que sur les

entreprises.

IV.2 Mesurer la vraie valeur d’un actif immobilier: un

mouvement…actif

Pour le secteur de l’immobilier, une vérité première découle de cette analyse: ce

qui fait la valeur d’un immeuble serait donc immatériel.

Partant de cette hypothèse, depuis quelques années, des professionnels de

l’immobilier dont Gecina mais aussi Bouygues, Sercib et Unibail ont commencé à

mesurer l’immatériel de leurs actifs pour mettre en évidence leur vraie valeur de

façon plus claire.

La méthode utilisée consiste, en premier lieu, à identifier les caractéristiques du

bâtiment qui offrent des avantages économiques à l’occupant. Dans un second

temps, l’impact de ces caractéristiques, sur la valeur de l’actif, est déduit.

En effet, si un bâtiment est économiquement avantageux pour celui qui l’occupe,

son délai de commercialisation est plus réduit, son taux de vacance est plus

faible, son loyer peut être un peu plus élevé, etc et tous ces éléments ont une

influence positive sur la valeur de l’actif telle que calculée par la méthode des

cash flows futurs actualisés.

Dans la présente section, nous présentons la liste des caractéristiques qui offrent

des avantages économiques pour l’occupant et illustrons, d’un exemple, les

calculs que l’on peut faire à leur sujet. Ce sont des critères immatériels qui font

que la valeur des bâtiments est elle-même très immatérielle.

Dans le domaine du bâtiment tertiaire, nous avons identifié, à ce jour, 4 grands

critères de valeur immatérielle:

1. La conception fonctionnelle du bâtiment (s’agit-il d’un bâtiment où il fait bon travailler et qui optimise la productivité de ses occupants ?)

2. sa conception technique (est-ce notamment un bâtiment écologique,

durable, sobre en énergie, etc) 3. L’emplacement du bâtiment.

4. Et enfin son esthétique qui est sa caractéristique la plus immatérielle.

Si nous rencontrons à ce jour quelques difficultés pour établir la part de

l’esthétique dans la valeur d’un bâtiment, notamment en raison du caractère

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49

subjectif de cette dimension, nous avons en revanche conçu des modèles de

valorisation fiables pour les trois autres critères.

IV.3 Comment calculer les avantages immatériels d’un

immeuble pour son occupant ?

A nouveau la méthode RBC (Recherche des Bénéfices Cachés), présentée au

chapitre précédent, est utilisée ici.

La phase 1 de la méthode, appliquée à un bâtiment donné, permet de dresser la

liste de toutes les caractéristiques immatérielles du bâtiment. Puis, le bilan

économique de ces caractéristiques s’établit pour partie de façon très simple,

grâce à des calculs de coûts évités et de coûts. Mais certaines options de

construction ont un impact sur la productivité des salariés. La méthodologie

intègre donc également un modèle permettant de mesurer les variations de

productivité et leur impact sur le compte de résultat. Enfin, l’effet de la

localisation du bâtiment, en fonction des lieux de vie des salariés, implique des

calculs d’optimisation d’implantation dans un réseau (calculs de barycentre).

IV.3.1 La conception fonctionnelle

La modernité de la conception fonctionnelle et la prise en compte des exigences

de la responsabilité sociale dès la conception du bâtiment ont des retombées

économiques positives pour l’occupant. Nous avons identifié 6 caractéristiques

principales ici:

1. La dimension sociale du bâtiment couvre les options de conception et d’aménagement qui rendent plus ou moins facile la socialisation, le travail en équipe, la formation des salariés et la communication interne. Tout ceci influe

sur l’efficacité au travail. 2. L’impact du bâtiment sur la santé et la sécurité des salariés est un second

critère issu de la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises). Les risques de chute (sols glissants, escaliers mal éclairés…) sont ici étudiés, de même que la qualité de l’air, etc. Notons, par exemple, que la qualité de l’air a un

impact sur les arrêts de travail: 15 % d’entre eux, aujourd’hui, dans le tertiaire, sont liés à des pathologies respiratoires propagées par des systèmes

de climatisation peu performants18. 3. Au titre du confort de l’espace de travail, il est établi que les niveaux de

bruit19, de luminosité20, l’esthétique du cadre de travail21, la vue sur

l’extérieur22, la capacité offerte aux salariés de régler eux-mêmes leurs paramètres de confort23 (thermique, lumineux…), ont des impacts mesurables

18

Joseph J. Romm, 1999, « Cool companies: how the best businesses boost profits and productivity » et William J. Fisk et al. en 2000 19

Adriand Leaman, Bill Bordas, 1999, « Productivity in buldings : the killer variables » 20

Greg Kats, 2003, The cost and financial benefits of green buildings 21

Michael Brill et al., 1984, Using Office Design to Increase Productivity, Workplace Design and Productivity 22

Lisa Heschong, 2002, Journal de l’ASHRAE 23

Wyon, 1996, Predicting the Effects of Individual Control on Productivity

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50

sur la productivité: les différentes publications académiques citées en

référence font état de variations de la rapidité d’exécution des tâches qui vont de 2 à 35 % selon que ces conditions de travail sont optimisées ou pas.

4. La conception des déplacements au sein du bâtiment est une autre source d’efficacité: se repère-t-on aisément dans le bâtiment ou peut-on s’y perdre ? Accède-t-on aisément à l’air libre, par exemple pour pourvoir fumer une

cigarette ou cela entraine-il un déplacement assez long ? Est-il aisé et rapide d’accéder à des espaces de détente, aux toilettes, aux espaces de réunion, le

système de gestion des ascenseurs est-il rapide ou occasionne-t-il des attentes, etc.

5. Concernant la flexibilité, il est établi qu’un bâtiment équipé de monte-charges

permet des emménagements nettement plus rapides et donc moins couteux. De même, l’acheminement des réseaux VDI, de la climatisation, de

l’éclairage, etc, par les planchers et plafonds génère des gains précieux de temps lors des réorganisations d’espace. Ce point est d’autant plus important que chaque année, dans les grandes entreprises, un tiers des salariés sont

amenés à changer de bureau24. L’intégration dès la conception d’un système de gestion flexible de cloisons et d’une gestion technique centralisée

performante permet également des gains précieux de temps et d’argent au quotidien par la suite.

6. Enfin l’accès du bâtiment aux réseaux électriques et de télécommunication influe sur la performance des occupants: le haut débit et la fibre optique accroissent les vitesses de télécommunication. L’accès à deux réseaux

électriques autonomes alimentés par deux centrales différentes est également un facteur de réduction des risques de coupure de courant, etc.

IV.3.2 Conception Technique du bâtiment.

Le 2ème groupe de paramètres concerne les caractéristiques techniques. Plusieurs

d’entre-elles ont également un impact économique. Nous en avons ici recensé

quatre:

1. La performance thermique, les choix effectuées pour les sources d’énergie et les choix effectués pour les appareils consommant de l’énergie:

climatisation/chauffage, éclairage, eau chaude…influent fortement sur la facture énergétique,

2. La sobriété du bâtiment en terme de consommation d’eau est également une

source limitée mais réelle d’économies, 3. La durabilité des équipements, des matériaux et des systèmes de

maintenance influe par ailleurs sur le coût global d’exploitation du bâtiment à long terme,

4. Enfin, le fait de se fixer, pour un bâtiment donné, des objectifs ambitieux sur

le plan environnemental et notamment thermique, qui vont nettement au-delà de la règlementation actuelle, est une option d’anticipation sur la

règlementation future. Elle réduit les risques d’éco-rénovations futures rendues obligatoires par des durcissements réglementaires. Or quand elles ont lieu, ces rénovations sont très perturbantes pour les occupants et leur

font perdre du temps et de la productivité.

24

Estimation Sercib

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51

IV.3.3 L’emplacement

Le 3ème groupe de paramètres concerne le lieu d’implantation du bâtiment. Nous

mesurons que lorsqu’une entreprise décide de s’implanter à grande distance des

zones de vie de ses salariés, par exemple pour faire des économies de loyer, elle

peut perdre des collaborateurs à cause du temps de transport additionnel

(certains déménagements peuvent entrainer jusqu’à 20 % de départs)25. En

outre, d’après l’enquête réalisée en 2010 par le cabinet de conseil Technologia

spécialisé en prévention des risques professionnels26, les conditions d'utilisation

des transports en commun sont sources de fatigue et d'altération de la santé

pour plus de 90% des salariés d’ile de France, qui reconnaissent également

l’effet des conditions de transport sur les risques de retard.

La centralité du bâtiment, si elle a un coût (loyer plus cher) peut donc aussi avoir

des avantages économiques: elle limite les frais de transports, atténue le stress

et la fatigue. La distance qui sépare le bâtiment d’un nœud de transport en

commun entraine, en outre, si elle est importante, des pertes de temps de travail

et de la fatigue pour les salariés. Par exemple, la mise en place d’un service de

navette peut avoir pour conséquence d’augmenter de 50% le montant des

charges d’exploitation d’un immeuble27.

Le sentiment de sécurité ou d’insécurité qu’inspire le quartier a également une

influence sur le bilan économique du bâtiment. Par exemple, certaines

entreprises occupant des bâtiments neufs de bureaux construits ces dernières

années à Saint Denis ont décidé de renforcer leur service d’agents de sécurité

afin d’accroitre le sentiment de sécurité de leurs salariés, notamment le soir. Ce

qui représente un coût supplémentaire.

Par ailleurs, le degré d’urbanisation de l’environnement immédiat du bâtiment

(cafés, restaurants, commerces…) a un impact économique pour l’entreprise qui

occupe le bâtiment: les salariés ayant de nombreux services à proximité de leur

lieu de travail ont moins besoin de s’absenter pendant les heures de bureau ou

de rogner sur celles-ci pour des raisons domestiques.

Au niveau économique, la centralité apporte enfin des services qui sont délivrés

par le quartier plutôt que par le bâtiment lui-même (distributeur, poste,

restauration, conciergerie, salle de sport, crèche…) ce qui libère des mètres

carrés d’espace de travail.

25

Sandrine Chauvin, 2010, Réduire les coûts ne doit pas être la seule motivation pour un déménagement d'entreprise, Capital.Fr

26 M. Bouéroux, B. Pellé, G. rimbert, J.C. Delgènes, 2010, Etude d’impact des transports et commun de region

parisienne sur la santé des salaries des enterprises, Cabinet Technologia. 27

Goodwill-management 2011, Etude des charges sur un immeuble de bureau à plus de 500 m d’un moyen de transports ferré

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52

IV.4 Démarche pratique : le cas du Bâtiment de Gecina

Pointe Métro 2

IV.4.1 Choix d’un actif de référence

L’établissement d’un bilan économique de tous ces avantages immatériels

consiste à comparer poste à poste le bâtiment que l’on étudie avec un bâtiment

théorique de référence ou avec un bâtiment réel qui est une alternative possible

pour l’occupant. Si le bâtiment est neuf, l’actif théorique de référence présente

les caractéristiques moyennes de conception des bâtiments neufs du territoire.

S’il s’agit d’une rénovation, la comparaison se fait par rapport au même bâtiment

qui aurait été rénové selon les prestations moyennes observées sur le territoire.

Nous présentions ci-dessous une illustration des caractéristiques comparées du

bâtiment Pointe Métro 2 de Gecina et d’un bâtiment concurrent.

Figure 28 : Comparaison des caractéristiques immatérielles de Pointe Métro 2 et du

bâtiment concurrent

Les trois grands groupes de caractéristiques présentées dans les paragraphes

précédents se combinent pour générer des bénéfices économiques pour

l’occupant. Ils sont de deux types :

d’une part des gains ou des pertes de productivité,

d’autre part des économies ou des frais d’exploitation.

Bâtiment

IndicateursPointe Métro 2 Concurrent

Lieu Rue Henry Barbusse, Gennevilliers

Accessibilité Métro 13, station Gabriel Péri (pied de station)

Métro 13, station Gabriel Péri(3 minutes de marche)

Livraison 3 décembre 2012 Livré

Surface utile (m²) 14 507 12 132

Surface bureaux (m²) 13 613 11 192

Nombre d’occupants 930 930

Loyer (€/m²) 300 300

Certifications HQE Construction HQE Exploitation

Labels BBC -

Architecture

Moderne, « aéré » et lumineux, jardin, bureaux en premier jour profondeur plateaux

18m, R+5

Brique et vitres, Massif avec patios, bureaux en premier jour, profondeur plateaux 12 à

18m, R+6

Conso énergétique (kWhep/m²) 73 Classe B (90 kWhep/m²)

CVCPAC air/air,

Poutre climatique statiqueGroupe frigorifique,

Poutre climatique dynamique

Monte-charge 2 4 (1)

Adaptabilité agencements Faux planchers, faux plafonds, 2 trames 1m35Faux planchers, faux plafonds

Trames 1m35

Isolation acoustique Classique (isolation 30dB) classique

Renouvellement d’air Potentiel de ventilation naturellePotentiel de ventilation naturelle

1 chassis ouvrant sur 2

Systèmes hydrauliques

Systèmes sanitaire hydroéconomes, limiteur de pression, récup des eaux de pluie pour

arrosage, solaire

Systèmes sanitaire hydroéconomes, limiteur de pression

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53

Ces gains sont à rapprocher du surcoût de loyer pour établir le bilan économique.

IV.4.2 Economies d’exploitation.

La comparaison poste à poste d’un bâtiment à forte intensité immatérielle avec

un bâtiment de référence permet de mettre en évidence des écarts

d’exploitation.

Dans le cas de la comparaison entre Pointe Métro II et son concurrent, comme le

montre le tableau ci-dessous, le poste d’économie d’exploitation est défavorable

à l’immeuble de Gecina simplement parce que malgré de meilleures

performances sur de nombreux postes (notamment le poste énergie) la densité

d’occupation au mètre carré est plus faible que dans le bâtiment servant à la

comparaison.

IV.4.3 Gains de productivité

Pour calculer ces gains, nous avons mis au point un modèle original de mesure

de la productivité des salariés qui occupent un bâtiment.

La productivité est la quantité de bien ou de services produits par un salarié ou une

équipe, par unité de temps ou d’argent. Ainsi P = Q/T. Dans ce rapport Q est quantité de

biens ou de services produite et T est le temps requis pour cette production. Par

exemple, un carreleur qui pose 30 m2 de carrelage par jour est plus productif qu’un

carreleur qui en pose 20. Comme le coût du travail peut varier, une définition plus

aboutie de la productivité est P = Q/C ou Q est la quantité de biens ou de services et C le

coût du travail pour cette production. En effet, si dans l’exemple ci-dessus le carreleur

qui pose 30 m2 par jour à un salaire 2 fois plus élevé que son collègue, la productivité

économique de ce dernier est finalement supérieure.

Le schéma ci-dessous présente l’arbre de productivité de notre modèle :

Fig 29 : Les paramètres de la productivité qui sont impactés par les caractéristiques d’un

bâtiment (dans ce schéma le symbole M signifie Moyenne ; « + », somme ; « X »,

multiplication et « % » division.

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54

Pour pouvoir procéder à des calculs de variation de productivité entre deux

bâtiments, un examen approfondi de la littérature académique relative aux

interactions entre les salariés et leur lieu de travail a été réalisé. Il en ressort

que :

La motivation des salariés est influencée par le cadre de travail,

l’urbanisation, l’esthétique du quartier, la distance aux nœuds de transport en commun, la distance globale entre le lieu d’habitation et lieu de travail.

La sérénité des salariés (et leur niveau de fatigue mentale) est

impactée par le temps de transport pour aller et revenir du travail, par le niveau de bruit dans l’espace de travail, la facilité de déplacement dans le

bâtiment, les services offerts par le bâtiment ou à proximité, la présence de verdure.

Le bien-être physique au travail dépend de la fatigue physique liée au

transport, la luminosité de l’espace de travail et son origine (100 % de lumière naturelle ou pas), l’esthétique du lieu, les caractéristiques

d’ambiance (température, ensoleillement, hygrométrie,…) et la possibilité pour l’occupant de régler ces paramètres.

La variation d’efficacité peut être étalonnée en fonction de la variation

de motivation, sérénité et bien-être physique au travail.

En outre, dans ce modèle, les heures productives sont d’autant plus

réduites que :

Les déplacements dans le bâtiment ne sont pas optimisés (nombre d’ascenseurs, nombre de points d’accès à l’air libre, distance moyenne aux sanitaires, zones de pause, zone de restauration…)

Les reconfigurations des bureaux en cas de réorganisation sont longues et font perdre du temps aux salariés

Les espaces de travail en groupe (bureaux d’équipes, salles de réunion,…) ne sont pas assez nombreux de sorte que les collaborateurs de l’entreprise perdent du temps pour trouver les espaces nécessaires à

leurs travaux. Le bâtiment est éloigné des lieux de vie de ses occupants (une

partie du temps de transport empiète sur le temps théorique de travail, les risques de retard augmentent…)

Enfin le coût de remplacement des salariés à leur poste augmente lorsque la distance augmente entre le lieu de vie et le lieu de travail car

cela augmente le turn over.

Dans le cas de la comparaison entre Pointe Métro 2 et son concurrent, on note

un net avantage pour le bâtiment de Gecina pour les deux postes de

productivité: celle liée à son emplacement et celle liée à sa conception

fonctionnelle (voir ci-dessous). Pointe Métro 2 est donc un bâtiment où le

concepteur a préféré perdre un peu sur les coûts d’exploitation pour gagner

nettement plus en productivité. Ce qui s’avère être un pari gagnant.

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55

IV.4.4 Le loyer

Mais pour bénéficier de ces retombées économiques positives, l’occupant doit

parfois accepter un prix de loyer majoré à deux niveaux:

A emplacement égal, un bâtiment à forte intensité immatérielle a un loyer

plus élevé. Par exemple, à La Défense, le loyer d’une tour de première génération est de 50 % inférieur à celui des immeubles neufs.

En second lieu, l’emplacement influe considérablement sur le prix de loyer: il y a, à nouveau, un écart de 50 % entre le m2 moyen à La Défense et celui de l’avenue François Mitterand à St Denis.

IV.4.5 Synthèse chiffrée des bénéfices pour l’occupant

Figure 30: bilan économique de la comparaison entre le bâtiment Pointe Métro 2 et le

bâtiment concurrent. Les gains économiques générés pour l’occupant par Pointe Métro 2 sont

équivalent à ¼ du loyer. Si le choix d’une densité d’occupation plus forte avait été fait pour Pointe

Métro 2, cet immeuble serait gagnant sur tous les postes.

IV.5 Conclusion

Le présent chapitre avait pour but de montrer que dans le domaine du bâtiment,

secteur matériel par définition, la dimension immatérielle peut être très

importante.

Nous pouvons en conclure que la systématisation de la mesure de l’immatériel à

tous les actifs dans tous les secteurs est souhaitable car cette mesure nous en

apprendrait beaucoup sur la valeur véritable « des choses » dans tous les

domaines.

Type Pointe Métro 2 / Concurrent

Bénéfices d’exploitation + 399 946 €

Gain de productivité bâtiment - 1 657 538 €

Gain de productivité centralité - 619 498 €

Surcout Loyer + 726 083 €

TOTAL - 1 151 007 €

+ : surcoût - : bénéfice

Environ ¼

du loyer.

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56

V Mesure de la richesse et de la valeur globale de la

France ou de l’un de ses territoires

V.1 Introduction

Le PIB joue un rôle dominant dans la conception de la richesse d’un pays. Ainsi,

par exemple, pour comparer la richesse de 2 nations on calcule souvent le PIB

par individu.

Dans le présent chapitre, après un rappel rapide des composantes du PIB et de

la manière d’exprimer cet indicateur, quatre considérations majeures seront

développées qui, naturellement, donneront naissance à des recommandations

(partie III du rapport).

1. Le PIB est très immatériel mais sa mesure fondée sur les coûts est

réductrice,

2. Le PIB ignore de nombreuses richesses produites chaque année. Il y a

donc une production de richesses extra-comptables, immatérielles qui ne

sont prises en compte nulle part,

3. Le PIB comptabilise de la richesse qui n’en est pas, ce qui trompe

l’analyste ou le décideur sur la situation du pays ou du territoire,

4. Le PIB est une mesure de flux mais nous n’utilisons pas assez les mesures

de stock de richesse du pays qui par ailleurs sont incomplètes.

Nous dresserons une liste de conséquences que cette situation produit avant de

procéder aux recommandations (partie III).

V.2 Rappel de ce que mesure le PIB

Le PIB est un agrégat macro-économique dont la vocation est de mesurer ce

qu’un pays produit en une année.

Sa formulation la plus courante est la suivante :

Dans cette formule :

Le poste « consommation finale » correspond à tout ce que les

ménages achètent pendant une année. La consommation intermédiaire

(par exemple les achats et les ventes entre entreprises) n’est pas prise en

compte parce que la valeur de ces échanges se trouve déjà dans la valeur

de la consommation finale.

Le poste « investissements » correspond aux investissements publics

et privés et aux variations de stock.

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57

Les dépenses publiques incluent tout ce que les organismes publics

dépensent pour assurer les services dont ils ont la charge. Par exemple, le

budget de l’éducation nationale, de la police et des hôpitaux s’y trouvent

Enfin le solde en valeur des exportations diminuées des importations

entre dans la formule.

L’optique de la valeur ajoutée :

La valeur ajoutée se définit pour une entité économique (publique ou privée)

comme la différence entre la valeur de sa production et la valeur de sa

consommation intermédiaire. A l’échelle du pays, le PIB peut aussi s’exprimer

comme la somme de toutes les valeurs ajoutées

Cette présentation est très intéressante, elle permet de bien comprendre que la

PIB est un indicateur de la richesse créée (valeur ajoutée) par un pays en une

année.

V.3 La composition du PIB est très immatérielle.

En analysant les grands postes du PIB de la France nous arrivons à la conclusion

qu’en 2012, le PIB est immatériel aux deux tiers. Pour parvenir à cette

estimation nous sommes partis de l’équation ci-dessous et l’avons décomposée

un peu plus :

En effet, la consommation finale est composée de 3 postes :

la consommation brute des ménages,

la dépense de consommation finale individualisée des administrations

publiques qui correspond à la consommation par les ménages de services

financés par l’état (santé, éducation, …),

la dépense des ISBLSM (institution sans but lucratif au service des

ménages)

Les autres dépenses de l’Etat sont imputées, dans l’équation ci-dessus, aux

« dépenses publiques », que les ménages ne consomment pas (justice, défense,

police, administration générale…)

Nous allons détailler la composition du PIB avec les variables suivantes :

DCE = Dépense de consommation effective (= CBM + CFIAP + ISBLM)

CBM : Consommation Brute des Ménages

CFIAP : Consommation Finale Individualisée des Administration Publiques

ISBLSM : Institution Sans But Lucratif au Service des Ménages

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58

ADE : Autres Dépenses de l’Etat

IPU : investissement Public

IPR : Investissement Privé

VR : Variation de Stock

EXP : Exportations

IMP : Importations

Ainsi a-t-on :

Cette égalité peut être transformée pour faire apparaitre, au niveau de la macro-

économie française, un poste « Ressources » et un poste « Emploi ». Cela nous

sera nécessaire pour calculer le poids de l’immatériel dans le PIB de la France.

On a :

Sur la base de ces équations, nous présentons ci-dessous un « éclaté » du PIB

2012 à partir des chiffres de l’INSEE.

Fig 31 : « Eclaté » du PIB Français en 2012

Nous avons ensuite, pour chaque poste, estimé assez approximativement la

part de la consommation qui est matérielle et la part immatérielle. Par exemple,

lorsque l’on étudie la part du matériel dans le prix d’une chaussure, il ressort

qu’environ 50 % du prix est immatériel (voir figure suivante).

Ainsi constate-t-on que le PIB Français est immatériel à plus de plus de 60 %.

2012 Montant en Milliards d'euros En % Immatériel

PIB = 2032 part poids

= DCE = 1500

= CBM = 1129

= Biens alimentaires à domicile 183,80 9,0% 50,0% 4,5% 16,3%

+ Biens manufacturés 290,96 14,3% 50,0% 7,2% 25,8%

+ Energie 83,22 4,1% 20,0% 0,8% 7,4%

+ Services hors loyers 362,97 17,9% 80,0% 14,3% 32,1%

+ Loyers 208,17 10,2% 10,0% 1,0% 18,4%

+ ISBLSM 42 2,1% 80,0% 1,7%

+ CFIAP 328 16,2% 80,0% 12,9%

+ ADE 174 8,6% 80,0% 6,9%

+ IPR 334 16,4% 10,0% 1,6%

+ IPU (iinvest. IBNLSM inclus) 68 3,3% 5,0% 0,2%

+ VR 1 0,0% 0,0%

+ EXP 558 27,4% 50,0% 13,7%

- IMP -602 -29,6% 50,0%

Part d'immatériel au niveau du poste "emplois" en France 64,8%

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59

Fig 32 : décomposition du prix d’une chaussure de Sport

Cette figure montre que cette chaussure Nike est immatérielle à 50% environ: le

matériel est représenté par la matière première, les coûts de main d’œuvre

(usine), les coûts matériels chez Nike (bureau, entrepôts…), et par les coûts

matériels de distribution. La part immatérielle est liée à la R&D, au marketing et

à la publicité, du manufacturier et du distributeur, au service d’acheminement du

produit et au service de vente.

Ce travail d’estimation a été réalisé pour les grands postes du PIB (ce n’est à ce

stade qu’une estimation mais il faudrait conduire un travail de mesure avec

précision). Le résultat est le suivant :

Biens alimentaires à domicile : 50%

Biens manufacturés : 50%

Energie : 20 %

Services hors loyers : 80 %

Loyers : 10 %

ISBLSM : 80 %

CFIAP : 80 %

ADE : 80 %

IPR : 10 %

IPU : 5 %

VR : 0 %

EXP : 50 %

Compte tenu du poids de chacun de ces postes dans les « Emplois » de la

comptabilité nationale, il ressort que cet agrégat est immatériel aux 2/3 environ.

On a donc l’équation suivante:

(L’indice i signifiant immatériel)

En 2012, on sait que 66% des emplois représentent 1738 Ma €. Nous prenons,

par ailleurs, pour hypothèse que la part de l’immatériel dans les importations est

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60

comme pour les exportations de 50 % (il y en a moins que dans le PIB car on

exporte moins les services)

On a donc un immatériel dans les importations de 602 Ma/2 = 301 Ma

Ainsi le PIB immatériel = 1738 – 301 = 1437 Ma soit 70 % du PIB

Par prudence, nous garderons un poids de l’immatériel dans le PIB à environ 2/3

du total.

Ceci nous permet de constater que le PIB prend en compte de nombreux

éléments immatériels et notamment:

la création et le développement du capital humain, c’est-à-dire les dépenses

de santé, de sécurité et d’éducation,

Le capital client: un petit PIB signifie une petite demande, un gros PIB une

grosse demande,

Il prend aussi en compte le capital de marque et le capital de savoir car le

niveau des exportations représente l’attractivité des produits français à

l’étranger. De son côté, le niveau d’importation montre l’attractivité

« intérieure » des marques et du savoir-faire français.

L’intensité de l’immatériel dans le PIB conduit à une réflexion clé: la part

des facteurs immatériels dans le PIB nous impose d’étudier l’état et

donc la valeur des facteurs immatériels de production de richesse pour

nous assurer que leur contribution au PIB est durable. Nous présentons

plus bas une solution pour répondre à ce besoin.

V.4 Il y a aussi beaucoup d’immatériel en dehors du PIB

Les travaux de la commission Stiglitz28 ont étudié en profondeur les défauts du

PIB en tant qu’indicateur de richesse produite. Ils citent notamment de

nombreuses activités qui ne sont pas prises en compte dans le PIB telles que:

Le travail bénévole (associatif et autre),

L’autoproduction (travail domestique, bricolage, consommation de produits du

potager),

La contribution des parents à l’éducation des enfants (scolaire, civique),

Etc.

Ceci fait dire aux auteurs de ce rapport que le PIB oublie une richesse

immatérielle qui peut être estimée à 35 % du PIB.

28

Joseph Stiglitz, Amartya Sen, Jean-Paul Fitoussi, Richesse des nations et bien-être des individus : performances économiques et progrès social, Editions Odile Jacob, 2009.

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61

Au PIB de 2012 (2032 Ma €) il faudrait donc rajouter 711 Milliards de valeur

immatérielle.

Mais le PIB souffre d’un autre défaut qui est, par essence, au cœur de

l’immatériel: l’ensemble des postes de cet indicateur sont comptabilisés à leur

coût de transaction ou à leur niveau de dépense. Ainsi, que les produits et

services achetés ou obtenus soient de bonne qualité ou pas, ils ont la même

valeur. Or chaque prestation ou produit peut être porteur d’un goodwill (le

produit ou le service vaut plus que son coût) ou d’un badwill (le produit ou le

service vaut moins que son coût) comme nous l’avons vu dans le chapitre sur la

valeur des bâtiments.

Notons enfin que le PIB ne prend pas en compte les destructions: destruction de

capital naturel et destructions liées à des accidents (incendie, marée noire,

tremblement de terre, dégradations volontaires, terrorisme…)

Il ne prend pas non plus en compte la création de capital organisationnel du pays

(les lois, la réglementation, institutions).

Et comme on l’a si souvent dit, il ne mesure pas le bien-être.

Nous restons à ce stade sur l’hypothèse que l’on pourrait augmenter le PIB de

l’ordre d’un tiers pour prendre en compte la valeur immatérielle qui ne s’y trouve

pas.

V.5 Le PIB comptabilise de la fausse richesse.

Il se trouve, en dernier lieu, que le PIB comptabilise de la fausse richesse. Par

exemple, des activités marchandes qui ne sont pas bonnes pour l’homme mais

qui sont légales entrent dans cette catégorie. C’est le cas du blanchiment

d’argent de la drogue, des arnaques en tous genres, de toutes les prestations de

santé injustifiées (arrêts maladie notamment). Dans ce registre, viennent se

rajouter les transactions qui découlent des dérives de la finance de marché :

Solde des investissements des entreprises financières dans des produits

dérivés « pourris » (CDS, CDO),

Rémunérations excessives des traders,

Prix de l’immobilier lors de la crise des subprimes et excès de transactions

immobilières qui n’étaient pas soutenables (le cas est flagrant pour les

USA),

Par analogie pour la France, accord de crédits non soutenables (crédit

revolving) entrainant des risques de surendettement,

Etc.

V.6 Synthèse de la critique du PIB

Trois conclusions majeures peuvent être tirées de ce qui vient d’être exposé.

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_________________________________________________Capital Immatériel – Rapport CESE V1___

__________________________________________________________________________________________ Proposition de politique publique en faveur du capital immatériel pour la France

62

V.6.1 Améliorer la formule de calcul du PIB serait

souhaitable

Il apparait ici que le PIB devrait faire l’objet de nombreuses modifications afin de

donner une vision plus juste de la richesse créée en une année. En outre,

l’impact économique de ces améliorations serait majeur sur le niveau national de

richesse mesurée.

A l’heure où nous écrivons ces lignes (Aout 2013) M. Pierre Moscovici vient

d’annoncer que la France est en train de sortir de la crise puisque le second

trimestre de l’année présente une croissance du PIB de 0,5 %.

Cette conclusion est-elle robuste si le PIB ne mesure notre vraie richesse qu’à 20

ou 30 % près voire davantage ?

Poussons plus loin le raisonnement quitte à caricaturer. Avons-nous finalement

connu une crise si grave que ça ? Et si notre perception de la réalité économique

nationale fluctuait, en fonction de l’image que nous renvoie un miroir déformant

(le PIB), de façon assez différente de la réalité ? Se pourrait-il que cette image

nous fasse conclure que « Ça va » alors que c’est le contraire ou que « Ça ne va

pas » alors que finalement la situation n’est pas si mauvaise ?

Le propos est ici évidemment très provocateur. Il est évident que nous

avons connu ces dernières années une crise économique très grave car d’autres

indicateurs moins complexes que le PIB nous en ont apporté la preuve: taux de

chômage, déficits publics, etc. Il ne serait pas tenable de penser qu’un pays dont

les produits se vendent mal à l’étranger et qui détruit, au début 2013, 1000

emplois par jour, est en pleine santé économique. Enfin, les variations du PIB

sont bien corrélées à d’autres grands indicateurs de santé macro-économique de

sorte que malgré tous ses défauts, largement étudiés et confirmés par les

meilleurs économistes, le PIB garde aux yeux du plus grand nombre sa

crédibilité.

Il n’en demeure pas moins que des variations faibles de PIB peuvent plus que

vraisemblablement donner l’illusion de reprises ou de dégradations qui n’existent

pas.

Lorsque la variation du PIB est positive ce n’est pas grave car elle génère

de la confiance. Or la confiance est ce qui manque le plus souvent en

France pour prospérer. Nous avons du capital et du travail…mais sans

confiance le moteur économique cale.

Lorsque la variation est négative, si elle n’est pas le reflet de la réalité,

c’est plus gênant.

En outre, si un tiers de la richesse nationale n’est pas prise en compte, il peut s’y

passer de bonnes ou de mauvaises choses sans aucun contrôle.

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_________________________________________________Capital Immatériel – Rapport CESE V1___

__________________________________________________________________________________________ Proposition de politique publique en faveur du capital immatériel pour la France

63

Tout ceci milite pour une réforme du PIB.

V.6.2 Le PIB est certainement un assez bon indicateur de

court terme

Les pages qui précèdent ont permis d’illustrer un point important: le PIB ne

prend pas en compte de nombreux éléments de richesse à long terme :

La dégradation du capital naturel n’est gênante qu’à long terme. A court

terme, le fait que le PIB l’ignore n’est pas un trop gros souci,

Il en est de même pour richesse créée en dehors du PIB. Par exemple, le

fait que des parents fassent bien faire leurs devoirs aux enfants est une

création de richesse importante à long terme que le PIB ignore. Mais à

court terme ce n’est pas grave. Ceci est vrai pour de très nombreuses

autres activités de ce type.

C’est également le cas pour la création de fausse richesse. Par exemple,

accorder des crédits trop facilement à des ménages peu solvables ne crée

des problèmes qu’à moyen terme.

Nous pourrions donc imaginer de créer un PIB amélioré pour le court

terme et un second pour le long terme.

V.6.3 Le poids total de l’immatériel dans la richesse

créée pendant une année est écrasant

En reprenant le poids de l’immatériel dans le PIB tel que nous l’avons évalué (66

%) et la richesse non comptabilisée dans le PIB telle qu’estimée par la

commission Stiglitz (35 %), nous arrivons aujourd’hui à un poids de l’immatériel

dans l’activité économique d’une année, en France, de 75 % environ.

Face à cette réalité, nous pourrions être tenté de conclure de la façon suivante:

« Dont acte » ou bien « C’est intéressant » ou encore « Et alors ? »

Il se trouve qu’au niveau micro-économique dans les entreprises, les

administrations centrales, les collectivités territoriales, les règles comptables

prennent bien en compte la mesure de la valeur et donc de l’état des actifs

matériels. En d’autres termes, les actifs matériels qui sont à l’origine de la

production de la richesse nationale sont sous contrôle (analyse des bilans de tous

les acteurs économiques).

Mais rien n’est fait de façon systématique au niveau des actifs immatériels.

Nous avons constaté plus haut que le PIB ne prend en compte ni les goodwills, ni

les badwills des prestations et produits qu’il comptabilise. Il se peut donc que de

mauvais actifs produisent une fausse richesse ou que d’excellents actifs

produisent une richesse non comptabilisée.

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_________________________________________________Capital Immatériel – Rapport CESE V1___

__________________________________________________________________________________________ Proposition de politique publique en faveur du capital immatériel pour la France

64

La conclusion que nous tirons de ce chapitre est donc majeure : la

comptabilité nationale a besoin de mesures de flux (PIB) mais aussi de

mesures de Stock (bilan étendu incluant l’immatériel). Nous discutons ce

point au chapitre suivant.

V.7 Etablir un bilan étendu de la France

V.7.1 Nécessité de mesurer le stock de richesse

A l’instar des entreprises, les territoires et les pays devraient mesurer leur stock

de richesses disponibles. Car le pilotage de l’entreprise serait moins aisé sans

l’utilisation combinée d’un outil qui trace les flux (le compte de résultat) et d’un

autre qui trace l’évolution du stock de richesse (le bilan).

Il en est de même pour l’élaboration d’une politique économique qui nécessiterait

un complément au PIB: un bilan étendu incluant l’immatériel.

V.7.2 Analyse des travaux de la banque mondiale dans ce

domaine

En 2005, la banque mondiale a publié un travail très intéressant et innovant29 qui

visait à produire pour un grand nombre de pays un bilan étendu de richesse

incluant le capital immatériel. Nous avons cité ce travail en introduction qui

conclut que l’économie française en l’an 2000 était immatérielle à 86 %

Fig 33 : décomposition de la richesse de 10 pays en part du capital naturel, du capital

matériel (Produced Capital) et de l’immatériel.

29

Hamilton et al., Where is the Wealth of Nations? Measuring Capital for the 21st century, World Bank Publications, 2006.

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65

Comme le montre ce tableau, l’étude a identifié pour chaque pays 3 catégories

d’actifs :

le capital naturel,

le capital produit (bâtiments, routes, ponts…)

le capital immatériel.

La valeur du pays est la somme de la valeur de ces 3 classes d’actifs.

En 2000, la France avait un stock de richesse par habitant de 468 024 US$ et

arrivait en 9ème position. Son capital immatériel était estimé à 86 % ce qui la

plaçait en seconde place dans le top 10 (voir ci-dessus), ex-aequo avec la

Belgique et le Luxembourg réunis, après la Suède, immatérielle à 87 %.

Dans la liste des autres pays étudiés (120 au total), la France arrive en 3ème

position ex-aequo avec la Belgique et le Luxembourg réunis après la Suède et la

Barbade.

La méthode pour établir ce calcul a été la suivante :

Le capital naturel a été évalué au prix de marché pour le sol et aux cours des

matières premières mondiales pour la richesse du sous-sol. Les éléments pris en

compte sont :

La richesse du sous-sol

Les forêts exploitées

Les forêts non exploitées

Les terres cultivables

Les pâturages

Les parcs naturels

Le capital produit est un agrégat de bâtiments, d’infrastructures (autoroutes,

ponts…) et de terrains des zones urbaines. Il est valorisé aux coûts historiques.

Le Capital immatériel est composé d’un ensemble d’actifs comme le capital

humain, le capital social (niveau de cohésion collective), le capital

organisationnel du pays (qualité des institutions, etc)

La complexité de la mesure du capital immatériel a fait que les auteurs du

rapport ont calculé la valeur actuelle nette globale des pays en actualisant les

flux futurs de consommation sur une génération.

Cette approche, bien qu’ayant un caractère conventionnel, est pertinente au

regard des principes fondamentaux de la théorie économique classique: un actif

ne vaut que par les flux futurs de richesse qu’il peut produire. Comme on l’a vu

plus haut, le PIB annuel c’est aussi la somme des valeurs ajoutées produites

pendant une année. La consommation est donc bien un flux de valeur.

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_________________________________________________Capital Immatériel – Rapport CESE V1___

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66

A nouveau, par convention, ces flux futurs ont été actualisés avec un taux de 4

% identique pour tous les pays.

Dès lors le capital immatériel est calculé par soustraction :

Capital immatériel d’un pays = Valeur globale de l’économie du pays – (capital

naturel + capital construit)

La formule pour calculer la valeur actuelle nette de la richesse globale est la

suivante30,31:

Fig 34 : formule de calcul de la valeur actuelle nette globale d’une économie

Dans cette formule,

Wt est la valeur actuelle nette globale à un instant t

C (t) est la consommation à cet instant.

ρ est le ratio pur de préférence temporelle qui indique la propension des

consommateurs à consommer aujourd’hui plutôt que demain

(s-t) est le temps qui sépare l’instant présent de l’origine temporelle.

Par ailleurs, les auteurs du rapport au lieu de calculer la valeur à l’infini ont pris

pour convention de la limiter à 25 ans.

Enfin ils retranchent de cette valeur globale le montant de l’épargne nette qui se

calcule comme suit :

Avec

Eni : Epargne nette de l’année

EBi : Epargne Brute (excédent classique épargne – dettes)

DAMi : Dépréciation des Actifs Matériels de l’année

DCNi : dépréciation du capital naturel durant l’année i

Notons qu’il est établi que l’épargne nette à l’origine d’un pays est considérée

comme égale à la variation de consommation future: si l’épargne est positive,

30

Kirk Hamilton, John M. Hartwick : Investing Exhaustible Rents and the path of Consumption, Revue canadienne d’économie, Vol.38, Mai 2005. 31

Martin L. Weitzman : Income, Wealth, and the Maximum principle, Harvard University Press, 2007.

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_________________________________________________Capital Immatériel – Rapport CESE V1___

__________________________________________________________________________________________ Proposition de politique publique en faveur du capital immatériel pour la France

67

elle crée une augmentation de la consommation, si elle est négative, une

diminution.

Dans leur méthode de calcul, plutôt que de calculer une épargne globale à

l’origine et de la retrancher de la valeur actuelle nette de la consommation

future, les auteurs calculent l’épargne nette des trois dernières années précédant

le calcul et la retranchent de la consommation des 3 dernières années précédant

le calcul puis divisent le résultat par 3 ce qui donne une consommation nette

d’épargne nette. C’est ce qui est utilisé comme flux à l’origine.

V.7.3 Commentaires sur ces travaux

Une contribution de premier plan

Cette étude est impressionnante en ce sens qu’elle permet de mesurer la

richesse d’un pays avec un niveau de fiabilité suffisant pour permettre les

comparaisons.

Elle nous permet aussi de prendre conscience du poids de l’immatériel dans la

richesse des pays développés (aux alentours de 80 %) et de faible part (en taux

et non pas en valeur) du capital naturel.

Elle montre que, pour les pays en développement, ce n’est pas le cas: le capital

naturel pèse lourd en taux et les actifs matériels pèsent peu.

Fig 35 : structure de la valeur de pays en développement

Tous cela est à la fois économiquement solide et en phase avec l’intuition.

Cette vision globale de la richesse d’un pays nous aide également à envisager le

système de pilotage d’une économie durable:

Nous savons que même si le capital naturel ne pèse pas bien lourd dans

une économie riche, il demeure à la base de tout: ce n’est pas parce que

la valeur d’un téléphone portable est égale à 100 fois la valeur du matériel

qui le compose que le matériel devient facultatif.

Or nous savons que dans cette équation de la richesse globale, une partie du

capital naturel (richesses du sous-sol) ne peut que se déprécier (extraction

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_________________________________________________Capital Immatériel – Rapport CESE V1___

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68

transformation puis abandon sous forme de déchets). Il n’est pas possible de

reconstituer un gisement de Nickel ou d’Or. Le socle de richesse que constitue

le sous-sol devrait donc-être préservé de 2 façons :

Il devrait être recyclé (ceci relève de l’évidence)

Ou bien il pourrait être transformé en capital matériel extrêmement

durable (cette approche est, en revanche, innovante).

Ainsi, utiliser du pétrole pour alimenter un moteur thermique est

préjudiciable au capital naturel (déplétion). Le transformer en objets de

plastique à très longue durée de vie (et d’usage bien sûr) fait que le capital

naturel « pétrole » devient persistant sous une autre forme et qu’ainsi sur

une très longue période, sa valeur est présente dans la valeur du pays.

Une autre réalité apparait à la lecture de ces chiffres: la si faible part du capital

naturel dans la valeur d’un pays développé fait que l’application de taxes pour

financer le recyclage ou encore pour destruction de capital naturel serait

soutenable (ces dernières pouvant, par exemple, servir à financer la recherche

pour remplacer des matières non renouvelables par des matières renouvelables

ou pour financer le passage à l’économie de fonctionnalité – voir 3ème partie de ce

rapport)

Ce rapport de la banque mondiale nous enseigne d’autres choses importantes.

Ainsi comprend-t-on qu’au sein du capital immatériel, deux actifs dominent :

le capital humain

l’organisation du pays (institution, lois et état de droit)

On pourrait s’étonner de ne pas y voir :

les entreprises

le capital de savoir (production scientifique et brevets)

l’attractivité du pays (capital de marque)…

Mais ceci est normal compte tenu de la méthode de calcul: à long terme en effet,

dans une entreprise comme dans un pays c’est le capital humain dont tout

découle: une marque, une découverte, tout cela vient du capital humain.

Des améliorations sont possibles dès maintenant

Ce travail ouvre la voie au nécessaire établissement d’un bilan étendu de la

richesse des nations. Partant de ce travail et à l’échelle de notre pays, nous

pouvons dès aujourd’hui :

Améliorer la valorisation du capital naturel en y rajoutant des éléments

que la banque mondiale n’a probablement pas : stock halieutique,

réserves hydrique et qualité de l’eau, cheptel, climat, biodiversité, etc.

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69

Affiner la valorisation du capital matériel qui à l’échelle de l’étude ne

prend en compte que les macro-actifs mais pas le petit matériel

Développer un modèle complet de mesure analytique du capital

immatériel qui présente à un instant T une vision plus précise incluant :

o La demande intérieure

o La demande extérieure

o Le capital humain

o Le capital de savoir

o La marque

o Etc.

Enfin, le principe d’actualiser les flux futurs de richesse de tous les pays avec un

taux constant nous parait vraiment contestable, le risque « d’accident de

parcours » variant fortement d’un pays à l’autre (on ne peut considérer que La

France, l’Espagne et l’Allemagne ont le même risque de défaut).

Si nous produisions un tel travail, le poids de l’immatériel dans l’économie

française serait encore plus important, notamment parce que la part de la

richesse produite chaque année qui est absente du PIB y figurerait.

L’établissement d’un tel bilan (Stock), combinée à la production annuelle d’une

nouvelle version du PIB (Flux), nous permettraient des analyses économiques

plus pertinentes et des politique économiques plus solides.

Des progrès en sciences économiques32

Des progrès énormes dans le domaine de l’économie durable pourraient découler

de la mise en œuvre de telles mesures de façon systématique et à grande

échelle.

Nous constatons déjà que, plus une économie est développée, moins son capital

naturel pèse lourd dans sa valeur totale (mais plus elle en consomme).

Il serait, par exemple, souhaitable de calculer la valeur des flux de capital naturel

d’un pays à l’autre.

Nous prenons également conscience ici que la mesure de la valeur du capital

naturel est nécessaire. Ceux qui luttent contre ces valorisations parce qu’ils

craignent la marchandisation du monde, « marquent des buts contre leur

camp ». En effet, c’est parce que l’on ne mesure pas (ou mal) la valeur des

choses que l’on peut les laisser piller. Des lois pourraient imposer que le capital

naturel soit gratuit pour un usage individuel et payant s’il est inclus dans un

processus commercial, ce qui réduirait le gaspillage mais imposerait une

valorisation. 32 Il existe déjà des travaux sur la création d’indicateurs de richesses : Jean Gadrey, , Florence Jany-Catrice, les nouveaux indicateurs de richesses, troisième édition, la Découverte, 2012

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70

VI – Une histoire récente de la prise en compte de

l’immatériel en France

Nous avons pris conscience, au travers des précédentes sections, que le capital

immatériel devait être mesuré à différentes échelons micro et macro-

économiques.

Qu’en est-il actuellement, comment peut-on évaluer la diffusion de cette pratique

en France ?

Sur la période des quinze dernières années en France, deux grandes périodes

concernant l'émergence du capital immatériel peuvent être observées.

VI.1 Avant 2005

Les chercheurs scandinaves33 étaient à la fin du 20ème siècle les leaders dans la

conception théorique du capital immatériel. Des auteurs comme Edvinsson,

Sveiby ou Mouritsen furent les pionniers à cette époque. L'«école scandinave» fit

ainsi référence à cette époque en complément de l’approche américaine incarnée

par le professeur Baruch Lev tandis qu’en France, aucun « gourou » ne s’était

engagé explicitement sur la voie des actifs incorporels.

Avant 2005, les initiatives les plus importantes, relatives à la promotion du

capital immatériel, furent publiques:

• L'ancien organisme de planification nationale (le Commissariat Général au Plan)

montra un intérêt pour le sujet dès 1981. Ses premiers efforts ne furent pas

considérés comme des succès, mais certains travaux ultérieurs produisirent des

résultats intéressants sur «l'entreprise et l'économie de l'immatériel» (Hoarau

199734, Gremaq 199835).

• Des instances ministérielles comme le Secrétariat d'État à l'Industrie, ou, plus

récemment, le ministère des Finances et de l'Industrie (MINEFI), ont également

joué un rôle actif dans plusieurs initiatives via les délégations de soutien aux

entreprises.

• En tant que pays leader au sein de la Commission européenne, la France joue

un rôle important dans nombre de projets communautaires. Elle fut l’un des six

pays engagée dans le projet européen Meritum dédié aux immatériels qui fédéra

33

Leif Edvinson et Michael Malone, Intellectual Capital: Realizing Your Company's True Value by Finding Its Hidden Brainpower, Collins 1997 34

Hoarau C., Mesure, évaluation et analyse de l’efficacité des facteurs immatériels, CEREMO, université de

Metz & IAE Paris 1997.

35 GREMAQ, Les actifs immatériels dans l’entreprise, Université de Toulouse I, 1998.

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71

des chercheurs provenant de neuf institutions différentes, dont HEC. Hervé

Stolowy et Hélène Löning furent les représentants français dans ce projet qui fut

remplacé en 2002 par E*Know Net, un autre projet sponsorisé par l’Europe où

les français ne furent pas présents.

• L'OCDE également parraina des projets, dans lesquels la France fut

«naturellement» impliquée. Ils concernaient de grands enjeux macro-

économiques comme l’innovation ou les prix de transfert et l'organisation

internationale y joua un rôle de premier plan. Dans certains cas les initiatives

était plus orientées vers les entreprises comme ce fut le cas lors de la conférence

de 1999 à Amsterdam, ou lors du congrès de Paris en 2004 consacré à «la

performance des entreprises et des actifs immatériels", qui donna lieu à la

publication d’un rapport sur les actifs incorporels et la création de valeur (OCDE

2006)36. L'OCDE fut clairement impliquée dans les premiers partenariats sur la

question, et la France fut identifiée par l'organisation comme un pays exemplaire

sur le sujet.

• Certaines initiatives professionnelles méritent également d’être

mentionnées car des cabinets de conseil travaillaient à cette époque dans les

différents domaines de l’immatériel : innovation, valorisation de brevets,

valorisation de marques, gestions des droits de propriété intellectuelle. Nous

pouvons distinguer ici :

o Des initiatives privées émanant de cabinets d'audit, constituées

généralement de rapports ou d’enquêtes sur le thème des actifs

incorporels. Par exemple, à l’époque (aux alentours de 2000), Mazars,

cabinet d'audit international, fut très actif sur ce terrain.

Traditionnellement, les cabinets d'audit entretiennent des partenariats

avec des écoles ou des universités à travers des personnalités

emblématiques. Dans le cas de Mazars, Patrick de Cambourg teint ce

rôle, surtout avec HEC. Mazars finança également à la fin des années

90, les traductions des livres de Leïf Edvinsson & Michael Malone

(op.cit.) ainsi que de Karl Erich Sveiby37

o Des initiatives à plus long terme initiées par le régulateur comptable.

Dès 1987, le Conseil National de la Comptabilité créa un groupe de

travail sur les investissements immatériels. Il généra principalement un

rapport sur le traitement des marques (CNC 1992), mais qui disparut à

la suite de l'intégration européenne.

o l'évaluation volontaire, à partir de 1999, des actifs immatériels réalisés

par certaines sociétés cotées qui publièrent de premières évaluations

36 OCDE, Actifs immatériels et création de valeur, OCDE, Paris 2006 (available at :

http://www.oecd.org/dataoecd/53/18/36701585.pdf)

37 Sveiby, K.E. The new organizational wealth. Managing & measuring knowledge-based assets, San Francisco:

Berrett-Koehler Publishers, Inc. 1997

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72

dans leur rapport annuel (Sys-com – dirigée à cette époque par Alan

Fustec , Grandvision et quelques autres ....)

Dans le domaine universitaire, bien que la France n'ait jamais eu une production

académique très abondante sur le capital immatériel elle compte toutefois de

bons contributeurs. Citons ici:

Épingard (1998)38 qui traite de la notion d'investissements immatériels. Il

enseigne à l'Institut National des Télécommunications (INT), et développe une

théorie de la performance économique fondée sur la connaissance (Épingard

1999).

Stolowy; Jeny-Cazavan 2001, Stolowy & al. 2001 ; Thieberge 1998, Louzzani

2004 ; Bejar 2006 ; Casta et al. 2007 ; Gumb 2007)39 dont les travaux

portent pour beaucoup sur les incorporels comptables.

Bounfour qui a publié des articles et des livres sur le capital immatériel (voir

notamment Bounfour 1999, Bounfour & Épinette, 2006)40, et qui a également

ouvert à l'Université de Marne-la-Vallée un mastère spécialisé sur le capital

immatériel et une chaire sur le sujet. Il est aussi coordinateur scientifique de

la conférence mondiale sur le capital intellectuel pour les communautés,

organisée depuis 2005 en commun avec la Banque mondiale. Il peut être

considéré comme le principal auteur français sur la question. Il est également

le concepteur de l’outil IC-dVal ® dédié à la valorisation des actifs incorporels

informatiques (2006) qu’il a mis en œuvre dans le cadre du Club Informatique

des grandes entreprises françaises (Cigref).

En conclusion, quelques personnalités émergent dans le domaine académique,

mais pas de leader avec une position similaire à celle de B. Marr, S. Zambon ou

L. Edvinsson respectivement en Angleterre, en Italie et en Suède. Toutefois,

plusieurs groupes de recherche ou des forums apparaissent sur la période

comme, par exemple, à Sciences Po (l'Institut des sciences politiques) ou Marie

Ange Andrieux créé une "Tribune", une sorte de forum impliquant des

universitaires, des analystes financiers, des auditeurs et des directeurs généraux

et traitant de la thématique.

VI.2 Depuis 2005.

Nous considérons que le début du mouvement français en faveur des actifs

incorporels remonte à 2005/2006:

38 Épingard P., L’investissement immatériel : cœur d’une économie fondée sur les savoirs, Editions CNRS, Paris 1999. 39 Stolowy H. & Jeny-Casavan A., International Accounting Disharmony: The Case of Intangibles, Accounting, Auditing & Accountability Journal, vol. 14, n° 4, 2001, pp. 477-496. 40 Bounfour A. Capital immatériel, connaissance et performance, L’Harmattan 2006.

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73

En 2005, Alan Fustec (Goodwill-Management) et Bernard Marois (professeur à

HEC) imaginent de lancer une association dont la mission serait de promouvoir la

prise en compte et l'évaluation des actifs incorporels en France. Ils présentent

l’idée à un Capitaine d'industrie, Jean Marie Descarpentries (également membre

du conseil d'Ernst and Young), qui décide de soutenir le projet.

Entre la fin 2005 et la fin de l'année 2006, un groupe de sponsors et de

partenaires se joint à l'initiative: SAS France (logiciels), Ernst & Young, l'INPI et

plusieurs petites entreprises de conseil (Goodwill-Management, Mar-Tech

Finance, Boileau Euroconsult, Finance et Stratégie ...). Goodwill-Management,

une société de conseil spécialisée dans la mesure des actifs immatériels, propose

sa méthodologie en open source pour la jeune association et tous les partenaires

apportent leur propre expertise sur cette base, afin de l'enrichir. En Décembre

2006, Alan Fustec et Bernard Marois41 qui ont publié un livre basé sur la

méthodologie de Goodwill-management (Thesaurus-CI) remportent le prix Turgot

(livre économique de l'année - Prix Spécial du Jury)

En Février 2007, l'Observatoire de l'immatériel est lancé « en grandes pompes »

à l'Opéra Bastille. Deux ministres: JP Jouyet et F. Loos (ce dernier représentant

T. Breton) participent à son inauguration. Dès le début, l'Observatoire affiche son

projet « haut et clair »: «mesurer, comparer et à renforcer les actifs incorporels".

Parallèlement Thierry Breton, ministre français de l'Economie et des Finances (2005-2007) lance au début de 2006, la Commission Lévy-Jouyet. Le ministre donne à Maurice Lévy le patron de Publicis et Jean-Pierre Jouyet à l’époque Chef

du Service de l’Inspection générale des finances, le mandat de faire des propositions visant à permettre à la France de devenir un leader du capital

immatériel au niveau international. Leur rapport (op.cit.) comprenant 68 recommandations est publié le 9 mois plus tard. Le présent rapport s’inscrit dans sa lignée.

L'année suivante, en 2007, l’APIE (Agence du Patrimoine Immatériel de l'Etat)

est créée. Son objectif est de valoriser, louer ou licencier les actifs immatériels

publics français (voir ci-dessous).

A peu près au même moment à GEM (Grenoble Ecole de management) un pôle

de recherche sur l’«immatériels» est créé. Il fédère des chercheurs locaux avec

l'objectif de générer des publications universitaires sur le sujet.

En 2008, l'Association Nationale des Directeurs Financiers et Contrôleurs de

Gestion (DFCG) crée, avec le soutien du cabinet Deloitte, un groupe de travail

sur le capital immatériel. Le Groupe publie notamment un dossier spécial dans

son journal mensuel (Échanges 2008) et un livret sur le capital immatériel dans

les Midcaps (DFCG 2008).

41

Alan Fustec, Bernard Marois : Valoriser le capital immatériel de l’entreprise, Edition d’Organisation, 2006.

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_________________________________________________Capital Immatériel – Rapport CESE V1___

__________________________________________________________________________________________ Proposition de politique publique en faveur du capital immatériel pour la France

74

En 2009, le ministre de l'Economie et des Finances, Christine Lagarde,

prolongeant l'action de Thierry Breton décide de confier à Alan Fustec la

production d’un référentiel permettant aux entreprises françaises et

particulièrement aux PME d’évaluer et de valoriser économiquement leurs actifs

immatériels. Après plus de 18 mois d'efforts, un groupe de travail composé de 30

praticiens et d'universitaires publie le référentiel «Thesaurus-Bercy".

De 2007 à aujourd'hui, chaque année, l'Observatoire organise un Symposium sur

la mesure des actifs immatériels en présence de 200 à 400 entreprises. Cela

montre le vif intérêt exprimé par les entreprises françaises pour mesurer leur

capital incorporel. En outre, à ce jour, mi 2013, le référentiel Thésaurus-Bercy a

été téléchargé plus de 800 fois depuis le site de l’Observatoire de l’immatériel.

VI.3 Nécessité d’une politique publique.

Si le capital immatériel constitue un fort levier de création de richesse pour notre

pays, nous pouvons constater en revanche que, collectivement, nous ne le

prenons pas assez en compte et progressons dans ce domaine de façon

opportuniste et dispersée: le monde académique est en retard, les entreprises

françaises sont plutôt en pointe sans que leur mouvement soit encore massif et

donc stabilisé.

De son côté, la puissance publique a depuis quelques années engagé des actions

(rapport Lévy-Jouyet, initiatives de Christine Lagarde) mais sans qu’une vraie

vision stratégique et sans qu’un plan d’action à long terme n’en découle.

Le moment semble venu de s’y engager et la suite de ce rapport propose une

démarche structurée dans ce sens.

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75

Troisième partie: Développer le capital immatériel

en France

I Introduction

Dans la présente partie, nous dressons une liste non exhaustive de dispositions

qui permettraient de développer l’économie française par le biais du capital

immatériel. Il ne s’agit pas encore de recommandations de politique publique

(partie suivante) mais d’initiatives tant privées que publiques qui auraient un

impact positif sur notre économie et - point central – qui n’existent pas

aujourd’hui.

La partie 2 de ce présent rapport nous a permis de prendre conscience du poids

de l’immatériel et de notre aptitude à le mesurer tant au niveau micro que

macroéconomique. Dès lors que ces points sont acquis, un management de

l’économie d’une nation par la valeur immatérielle semble inéluctable.

La France n’a plus aujourd’hui de réel facteur de différenciation économique par

rapport au reste du monde. Certes elle dispose de nombreux atouts mais elle

n’est pas la seule. En outre, elle souffre de carence et de fragilités nombreuses.

S’il est possible de lister nos atouts économiques comparés à d’autres pays

comme nous l’avons fait dans la première partie de ce rapport, il semble difficile

d’établir un domaine d’excellence incontesté:

- La recherche est plus impressionnante aux Etats Unis que chez nous

- L’usine du monde c’est la Chine, pas la France,

- La bonne gestion budgétaire, on la trouve en Suède ou au Canada pas

en France,

- La performance à l’exportation est plus Allemande que Française,

- Notre éducation nationale performe nettement moins que celle de la

Finlande,

- Notre sécurité sociale tant vantée par le passé est bien mal en point,

- Nous excellons certes dans le domaine du luxe, du vin ou encore de

l’aéronautique mais nous y avons là aussi des compétiteurs de même

niveau.

La question à laquelle ce chapitre cherche à répondre est donc : « Y a-t-il un

vaste domaine dans lequel la France pourrait retrouver un grand leadership dans

le concert des nations qui soit une source de prospérité durable. La réponse est :

« Ce domaine existe, c’est l’immatériel ! ».

La grille de lecture immatérielle apporte en soi un avantage méthodologique

dans l’élaboration de la présente partie, de par son approche systémique:

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nous ne prétendons certes pas être exhaustifs mais avons inventorié puis

analysé les grands thèmes de la création de richesse:

- Le capital humain

- Les personnes morales privées et publiques

- Les marques

- La connaissance collective (le savoir)

- L’organisation du pays

- Etc.

Sur tous ces sujets, notre analyse révèle que nous pourrions progresser de façon

très importante et en tirer beaucoup d’avantages individuels et collectifs.

Trois remarques essentielles avant de poursuivre.

1. Nous tenons à insister lourdement ici sur le fait que l’immatériel tel que

nous le concevons ne s’oppose pas au matériel et à

« l’industriel » mais le complète. Le rapport Gallois a été rédigé et

publié un an avant celui-ci. Si l’analyse que nous faisons de l’état de la

France y est globalement très proche, les focus ne sont pas identiques

mais se complètent. Au final, les recommandations sont très

différentes et complémentaires.

2. Alors que nous mettions la dernière main au présent rapport, le ministère

du redressement productif rendait public son plan de renouveau industriel

en 34 projets. Nous ne pouvons que souscrire à un tel programme qui

vient combler un grand vide en matière de politique industrielle en France

depuis très longtemps. Notre conviction et tous les arguments développés

ici, montrent que leur réussite est fondée sur des éléments

immatériels (voir le chapitre III ci-dessous sur la ré-industrialisation).

3. La déclaration « ce domaine existe, c’est l’immatériel » page précédente

a pu faire sourire car l’immatériel (n’) est (qu’) un concept économique.

Ce n’est pas un produit ou un service qui se vend, alors en quoi cela

peut-il constituer un avantage compétitif ? Nous verrons dans les pages

qui viennent que l’essentiel de nos atouts et de nos faiblesses sont

immatériels. Intégrer ce concept dans nos raisonnements revient donc à

avoir de nouveaux outils pour bonifier tout ce que nous faisons. Ainsi la

prise en compte de l’immatériel, nous allons le voir plus particulièrement

dans cette partie, aiderait grandement la France à renouer avec le succès.

Mais, ce faisant, la France prendrait le leadership des nations dans

la façon de concevoir la richesse au 21ème siècle. C’est aussi ce qui

justifie, dans ce rapport, la présente du chapitre X: les bonnes pratiques

d’économie et de finance conditionnent la réussite des entreprises et des

Etats, les mauvaises entrainent des catastrophes (cf les subprimes).

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77

II Instaurer en France un principe général de

management par la valeur immatérielle

II.1 Pour retrouver un leadership économique mondial

Notre monde moderne, gros consommateur d’informations, a tendance à

dévaluer les connaissances largement acquises et partagées pour privilégier les

informations nouvelles: « cessez de nous parler du réchauffement, on est au

courant ». L’erreur de jugement est ici sérieuse car un problème majeur ne

devrait perdre de son importance que lorsque qu’il est traité et pas seulement

dès qu’il est connu.

En 1934, Lord Kelvin recevait le prix Nobel de Chimie. Ce chercheur hors pair

nous a laissé une citation qui se trouve très souvent reprise dans le domaine du

management : « on ne sait gérer que ce que l’on sait mesurer ».

Devenue un lieu commun cette phrase finit par agacer tellement elle est reprise.

Mais sa signification ne perdra de sa valeur que lorsque, dans tous les domaines,

le principe sera appliqué: mesurer pour gérer et développer. Nous en sommes

loin.

L’instauration en France d’un principe de management par l’immatériel nous

semble être aujourd’hui un enjeu national de premier plan car c’est un facteur

important de prospérité. En outre, un tel projet ne pose pas de problème de

faisabilité.

Les paragraphes qui suivent présentent des projets qui permettraient sa mise en

œuvre.

II.2 Instaurer de façon transitoire une double

comptabilité nationale.

II.2.1 Qu’est-ce à dire ?

Nous proposons de créer au niveau du ministère de l’économie et des finances ou

dans une structure publique qui en dépend, un projet de comptabilité nationale

qui poursuivrait les travaux de la commission Stiglitz et produirait un bilan et un

compte de résultat national annuel fondé sur la valeur matérielle, financière et

immatérielle de notre pays.

Compte tenu de l’inertie nationale et internationale qui caractérise – et c’est

normal – les principes de comptabilité publique et macroéconomique actuels, la

production de cette structure ne se substituerait pas aux indicateurs classiques

qui fondent nos politiques économiques (PIB, Dette, etc).

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Elle produirait, en revanche, chaque année sa propre comptabilité et surtout sa

propose analyse de la situation accompagnée de recommandations.

Ces conclusions seraient précieuses compte tenu du poids de la richesse cachée

dans notre économie.

A long terme (10 ou 20 ans) un rapprochement des deux systèmes serait réalisé.

Cette approche progressive, en biseau, est incontournable à nos yeux. Car une

approche « annule et remplace » est totalement utopique à cette échelle.

II.2.2 Recommandations 1 et 2

R1 : Créer une structure qui mesure la richesse de façon différente du PIB. Cette

structure produirait un bilan et un compte de résultat de l’économie française

incluant la valeur naturelle, financière, matérielle et immatérielle de notre pays.

R2 : Produire une fois l’an une feuille de route pour la création de valeur à long

terme du pays qui découle de ces états comptables et confronter ces

recommandations aux politiques en cours.

II.3 Inciter les dirigeants d’entreprises et les

établissements financiers à piloter par l’immatériel.

II.3.1 Pourquoi une telle incitation ?

Sur ces questions, nous sommes aujourd’hui à l’âge de pierre: lorsqu’une PME

est aujourd’hui évaluée à 7 fois son EBE diminué de son endettement net, les

bailleurs de fonds, investisseurs acquéreurs ne se posent pas suffisamment la

question de savoir comment l’entreprise va réussir à générer tous ces profits

dans le futur.

Ils gagneraient pourtant beaucoup à le faire car si les clients ne sont pas

solvables, si les collaborateurs ne sont pas fidèles, si le savoir-faire est à bout de

souffle, la génération de cash-flows futurs est en danger.

Il serait donc souhaitable d’inciter – voire d’imposer – que les entreprises

produisent tous les ans un état de leur capital immatériel.

Cela pourrait passer par une prise en compte recommandée ou obligatoire de ces

informations par les principaux partenaires financiers de l’entreprise: BPI,

banques commerciales, société de capital-risque, compagnies d’assurance, etc.

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Fig 36 : plus les actifs immatériels sont bons, plus la génération de profits futurs est

sécurisée

Cette évolution des pratiques est aujourd’hui en cours en France. Il faut donc

accompagner un mouvement et non le créer.

II.3.2 Recommandations 3,4,5,6, 7 et 8

Toutes les modalités pratiques pour parvenir à ceci sont prêtes à l’emploi. Voici

quelques options de mise en œuvre possibles :

R3: Transformer l’Observatoire de l’immatériel en un pôle de compétitivité d’un

nouveau type dont la vocation serait :

o de faire progresser les méthodes de mesure de l’immatériel (à l’échelle

macro et microéconomique) selon le processus classique d’un pôle.

o d’administrer le référentiel officiel de mesure de la comptabilité de

l’immatériel (Thésaurus-Bercy) et de s’assurer qu’il est utilisé par tous les

acteurs,

o Créer un label d’entreprises garantissant que celles qui l’ont mesurent

sérieusement leur capital immatériel.

R4 : Faire en sorte que la BPI accorde ses financements sur la base d’une valeur

immatérielle mesurée.

R5 : Créer un « PEA » pour les entreprises qui publient leur évaluation de capital

immatériel.

R6 : Légiférer sur le fait que les établissements financiers évaluent l’immatériel

avant l’accord d’un crédit ou avant une prise de participation (sans interférer

avec la décision de prêt ou d’investissement).

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R7 : Légiférer sur le fait que les entreprises cotées publient leur évaluation de

capital immatériel une fois par an (l’effort serait limité pour elles car la démarche

présente des analogies avec le reporting imposé par l’article 225 du Grenelle de

l’environnement. Il s’agirait donc ici de la publication d’un reporting intégré).

R8 : Légiférer sur le fait que les commissaires aux comptes acquièrent la

compétence et vérifient la véracité des publications sur l’immatériel.

II.3 Attribuer à un organisme national la charge de

prévention des défaillances d’entreprises fondée sur une

analyse de l’immatériel.

II.3.1 Etat des lieux

Nous souffrons d’un déficit d’entreprises de taille intermédiaire ce qui fait qu’une

grande partie de l’emploi en France est localisé dans les PME (moins de 250

salariés): 2 actifs sur 3 en France travaillent dans une PME. Or ces entreprises

sont fragiles: elles ont souvent un déficit de fonds propres et des problèmes de

trésorerie. En outre, il n’est pas rare que leurs dirigeants manquent de

compétences en administration d’entreprise.

Enfin, la fiscalité Française n’est pas favorable aux entreprises mais le modèle

économique français mettra probablement des décennies avant de se réformer

sur ce point. En attendant, la pression fiscale fait que les marges de manœuvre

des dirigeants français sont très serrées.

Les PME sont, de ce fait, en première ligne en cas de ralentissement

économique.

Figure 37 : le nombre de défaillances d’entreprises depuis 2006 : le nombre de faillites

en 2012 (environ 59 000 est le plus faible depuis 2009 mais il reste supérieur de 25 % à

celui de 2006).

Ces défaillances de PME sont très préjudiciables à l’économie nationale. Elles

représentent selon la Coface un coût annuel de l’ordre de 4 Milliards d’euros

0

10000

20000

30000

40000

50000

60000

70000

2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012

Nombre de défaillances d'entreprises (Coface)

Nombre dedéfaillances

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calculé comme la somme des encours fournisseurs au moment du défaut. Cette

évaluation est très restrictive puisqu’elle ne prend pas en compte l’impact sur

l’économie des suppressions d’emplois. Leur nombre est, sur l’année glissante

Mai 2012 – Avril 2013 de l’ordre de 200 000 emplois. Elle ne prend pas non plus

en compte la baisse des rentrées fiscales pour l’Etat et la hausse des allocations

chômage. Tout cela représente donc un coût collectif énorme: un demi-point de

PIB a minima.

A l’instar de la Prévention Routière, nous proposons donc ici de créer la

Prévention Economique. Cette structure publique aurait pour vocation de

prévenir la défaillance d’entreprises.

L’initiative du ministère du redressement productif qui consiste à créer, auprès

des préfets, 22 commissaires au redressement productif est un bon début. Nous

soulignons ici plusieurs points d’amélioration prioritaires pour en faire une vraie

« Prévention Economique » :

- Donner à ces structures plus de moyens car actuellement les

commissaires nommés n’en ont pas assez. Ceci n’a pas nécessairement

à se traduire par des moyens supplémentaires à allouer à cette grande

cause nationale. Le réseau des Chambres de Commerce et d’Industrie

semble très bien placé pour être un acteur de la prévention

économique.

- Faire en sorte que certains intervenants au sein de ces structures

soient des chefs d’entreprises de bon niveau car la réussite de

l’entreprise est une alchimie très empirique qui exige un vécu.

- Doter la Prévention Economique de bons outils pour le diagnostic

précoce de difficultés

Il se trouve que pour pouvoir poser un diagnostic pertinent sur les risques de

défaillance d’entreprise, une analyse financière, bien que nécessaire, n’est pas

suffisante. Même avec un bilan sain, l’entreprise peut montrer au cœur de son

capital immatériel les racines de difficultés à long terme. En voici quelques

exemples :

Capital de Savoir sacrifié : En 2013, le nouveau repreneur d’une

entreprise française de prêt-à-porter haut de gamme confie que ses prédécesseurs avaient pris la décision pour des raisons de marge de délocaliser la production en Asie (en sacrifiant ainsi beaucoup la qualité

des produits). L’entreprise a perdu plus de la moitié de sa clientèle en 3 ans. Ce sont donc des erreurs immatérielles et non financières qui ont

amené cette entreprise au bord du gouffre. Déficit d’innovation : Il y a 4 ans (seulement 4 ans) Nokia était la

première société mondiale de téléphonie avec 41 % de part de marché.

C’est aujourd’hui une entreprise en difficulté qui n’a pas innové à la vitesse de ses confrères et a tardé à sortir un smartphone. Mais il y a 4 ans, ses

états financiers étaient parfaits.

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Erreur des dirigeants (capital humain): Début 2012 la société Kodak a

déposé le bilan pour l’avoir pas compris en 2000 le passage à la photo numérique. La vente d’appareils photo numériques représentait 13 % du

marché en 2001 mais 90 % en 2004: le marché a basculé en 3 ans. Ce n’est pas ici un problème de R&D car Kodak est l’inventeur de la photo numérique. C’est un problème de décision et de prise de risque …donc de

capital humain Défaut d’organisation et de contrôle: Il y a quelques années Altran a

traversé une crise très sérieuse qui aurait pu lui être fatale à cause de …son organisation très décentralisée qui n’avait pas évolué alors que l’entreprise changeait de dimension. L’avantage de son organisation en

1990 a failli lui être fatal en 2000. Problème de marque : les marques qui ont souffert suite à un problème

ponctuel liés à des produits et qui ont entrainé leur entreprise dans une chute, parfois irréversible, sont nombreuses: Arthur Andersen, Perrier aux USA, Union Carbide, Buffalo Grill, Camembert Lepetit, plus récemment

Spanguero…

Ces exemples concernent pour la plupart des grandes entreprises parce que tout

le monde connait leur histoire mais les mêmes causes produisent les mêmes

effets. A l’échelle des PME, des ETI comme des grands groupes, les entreprises

commencent presque toujours « leurs maladies » au niveau de l’immatériel.

Rappelons, par exemple, que les problèmes de trésorerie notamment liés au non

respects par les clients des délais de paiement (qui restent en moyenne de 11

jours supérieurs à la règlementation imposée à 45 jours par la loi LME de 2008)

représentent 25 % des entreprises (Coface) cela signifie que 3/4 des défaillances

se situent ailleurs et presque toujours dans l’immatériel.

A nouveau, l’outil de check-up complet de la PME comme de l’ETI existe

aujourd’hui. Il prend en compte la qualité du capital immatériel, en plus des

dimensions plus connues que sont:

La santé financière de l’entreprise, Sa façon d’agir (où l’on trouve à la fois la stratégie, la RSE et la maitrise

des risques opérationnels), Son contexte macro-économique

Cet outil a fait la preuve de son efficacité dans le cadre d’un projet pilote mené par une chambre de commerce et d’industrie.

II.3.1 Recommandation 9

R9: Attribuer à un organisme public ou parapublic la charge de conduire un plan

de prévention d’entreprise fondé sur la mesure du capital immatériel.

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II.5 Inciter les dirigeants publics et non marchands à

emprunter la même voie

II.5.1 Rappels relatifs aux administrations, collectivités

et à l’ESS

Comme nous l’avons vu dans la seconde partie, la valeur d’un territoire est

également massivement immatérielle. Il semble donc plus que souhaitable que les entités locales, régionales et nationales mesurent leur capital immatériel et

intègrent ces mesures dans leur processus d’aide à la décision. Sans cela, l’allocation de ressources peut avoir un rendement décevant voire contre-productif.

Le financement public devrait donc être adossé à des évaluations rigoureuses de

perspectives de création de valeur globale incluant tout l’immatériel. Cela devrait également conditionner le financement des secteurs associatifs et de

l’ESS. Comme nous l’avons montré dans la seconde partie, en effet, une part dominante de la valeur créée par les secteurs non marchands, est immatérielle:

il est donc souhaitable que cela soit mesuré et piloté. Notre proposition est donc que l’ensemble des financements alloués par le

secteur public national ou local soit fondé dans le futur sur des prévisions et un suivi de la valeur immatérielle créée. Cela reviendrait à généraliser la méthode

IDCF.

II.5.2 Recommandations 10 et 11

R 10: Légiférer sur la production, par les acteurs du secteur non marchand, d’un

rapport annuel présentant: leur budget, leur équivalent cash-flow, leur valeur

IDCF.

R11 : Former tous les services publics et parapublics de financement à la prise

en compte de l’ECF (Equivalent Cash-Flow) et de l’IDCF (Valeur immatérielle de

l’entité) pour juger de la pertinence de l’allocation d’un financement (allocation

budgétaire ou subvention). Former également les acteurs de l’ESS à la prise en

compte de l’immatériel (créer une université pour les dirigeants de l’ESS visant à

leur apprendre à maîtriser ces notions)

II.6 Protéger et valoriser les actifs publics de la France II.6.1 Un nouveau rôle possible pour l’APIE.

L’Agence du Patrimoine Immatériel de l’Etat (APIE) a été créée en 2007 suite à l’une des recommandations du rapport Lévy-Jouyet.

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La vocation présente de cette agence est d’identifier et de valoriser le patrimoine

de l’Etat. Mais elle peut aussi porter assistance aux collectivités territoriales dans une optique de partage des bonnes pratiques et de conseil méthodologique.

L’APIE incite les personnes publiques à s’appuyer sur leur patrimoine immatériel pour se moderniser et améliorer leurs performances, mais aussi à mieux le protéger pour éviter des appropriations abusives, de nature, notamment, à

induire les usagers en erreur. L’agence a une mission de sensibilisation, de création de cadres de gestion, mais aussi d’accompagnement des administrations

dans des projets concrets de valorisation du patrimoine immatériel public. Il s’agit donc de favoriser une meilleure identification et appropriation de ces

actifs par les entités publiques pour en optimiser le potentiel de création de valeur. Cette optimisation passe aussi par une meilleure circulation de

l’information entre administrations ainsi que par une ouverture accrue vers des tiers privés: acteurs économiques, citoyens, chercheurs. Ces actifs immatériels publics peuvent, en effet, se révéler de précieux leviers de création de valeur

économique et sociale, dans un contexte d’économie de la connaissance, en plus de leur rôle dans l’exercice des missions de service public.

La valorisation du patrimoine immatériel peut également être vecteur de

ressources complémentaires pour les entités publiques, notamment en cédant des droits d’usage de ces actifs, à l’image de la cession du droit d’usage de la marque « Louvre » pour 400 M€ sur une période de vingt ans à Abu Dhabi, ou

encore en réalisant des prestations en faveur d’acteurs privés ou auprès d’institutions étrangères.

Dans sa cartographie d’actifs publics l’APIE identifie: les marques, données, savoir-faire, images publiques mais aussi les concessions qui peuvent être

accordées sur le domaine public, les fréquences hertziennes, etc. Ces sujets ont été largement discutés dans le rapport Lévy-Jouyet et nous ne les reprendrons

pas ici. Nous suggérons qu’un élargissement de l’identification des actifs immatériels

publics porte sur tous les actifs publics nationaux et territoriaux tels que :

Les marques: l’hôpital Necker, le Festival d’Avignon sont des marques prestigieuses connues mondialement. Il conviendrait de les administrer en les protégeant et en mettant en place le cas échéant des tarifs de droit d’usage.

Il est évident que la marque « France » apparait ici en tête de liste. Est-il

souhaitable que n’importe quel industriel puisse aujourd’hui s’approprier les termes « National », « France » ou « Paris ».

Imaginons un créateur de parfum qui décide d’écouler à l’export une production de piètre qualité. Actuellement, rien ne l’empêche d’appeler son entreprise

« France-Fragrance » et de se servir gratuitement de l’image très positive qu’à la France dans le domaine du luxe à l’étranger… mais aussi d’exposer la France dans le cadre de cette commercialisation. Si le produit est très décevant, la

réputation de la France en souffre.

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Il en est de même pour les monuments, les personnages et les

évènements historiques: un casino de Las Vegas a le droit de reproduire la tour Eiffel à des fins commerciales, est-ce satisfaisant ?

Les institutions françaises, leur réputation et leur savoir-faire sont également exposés: La Comédie Française, l’Académie Française, le CNAM, le

Muséum d’Histoire Naturelle, le CNRS, l’Opéra de Paris, la Marine nationale…, devraient être protégés contre toute appropriation abusive et être valorisés au

bénéfice de la « marque France ». Une telle valorisation serait, en effet, des plus bénéfique au rayonnement de la France à l’étranger, et aiderait des entreprises nationales à gagner des parts de marché à l’international en bénéficiant de

l’image de marque d’excellence de certaines institutions publiques françaises. Les marques publiques pourraient aussi à l’instar du Louvre faire l’objet de cessions

de droit d’usage auprès d’opérateurs économiques en France ou à l’international. La question ici n’est pas nécessairement d’en tirer grand profit mais de protéger,

d’une part, et de défendre la valeur de ces actifs, d’autre part, tout en faisant contribuer ces actifs à l’attractivité de nos territoires.

Etc.

Dans cette perspective les compétences de l’APIE pourraient être étendues en lui reconnaissant un rôle plus structurant vis-à-vis des actifs immatériels territoriaux

en la positionnant comme une structure d’impulsion et de conseil relative à la gestion des actifs publics sur l’ensemble du territoire.

La diffusion de la culture de l’immatériel et de nouveaux modes de management passe nécessairement par une action de formation plus systématique. Il serait

donc souhaitable de généraliser l’enseignement de l’immatériel et de ses enjeux aux écoles formant à la fonction publique mais aussi d’intégrer des modules de

formation sur l’immatériel public dans les instituts de formation continue nationaux et territoriaux tels que l’INET ou le CNFPT.

II.6.2 Recommandations 12 et 13 R12 : Positionner l’APIE comme une structure d’assistance à la bonne gestion des actifs territoriaux. Systématiser l’enseignement des enjeux et du

management de l’immatériel dans les écoles formant à la fonction publique; systématiser son inscription dans les programmes de formation continue des agents publics (établissement de leur valeur, protection, tarification pour des

usages commerciaux).

R13 : Renforcer le rôle de l’APIE comme promoteur des actifs immatériels publics à l’étranger dans un but lucratif pour l’Etat et les collectivités administrées.

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III Réindustrialiser: comment se servir de l’apport

immatériel

III.1 Introduction

Le sujet traité ici est très important puisqu’il conditionne notre capacité à vendre

nos produits en France, à limiter les délocalisations et à exporter.

Sur ces thématiques la France est en mauvaise passe comme nous l’avons vu en

introduction. Rajoutons que 800 000 emplois industriels ont été perdus en France

en 10 ans42 et que 1000 usines ont été fermées dans notre pays depuis 2009

contre 700 ouvertures43.

L’immatériel pourrait-il participer à la ré-industrialisation ?

Une compréhension un peu simpliste de l’immatériel tend à opposer cette

composante économique à l’industrie. Il y aurait donc selon certaines opinions

l’économie immatérielle et l’économie industrielle.

Nous avons montré, par des exemples, dès l’introduction de ce rapport, que

cette vision de l’immatériel était restrictive.

Avec une même pièce de tissu et un même temps de travail, on peut faire une

robe quelconque ou un superbe vêtement. La différence est un savoir-faire de

styliste, purement immatériel.

Cette prise de conscience nous amène à comparer une production industrielle qui

réussit et une autre qui échoue et de formuler une hypothèse : «et si la

différence était immatérielle ? » et si la différence entre une voiture Volkswagen

et une Peugeot de même gamme était immatérielle ?

Reprenons donc notre processus analytique exposé en début de rapport: que

faut-il pour fabriquer un produit ? Il faut tout d’abord un bouquet d’actifs bien

connus :

Des machines

Des hommes

Des ressources financières

Une organisation et un SI.

Des matières premières

Des savoir faire

Une marque

42

Rapport « L’avenir de l’industrie française », rédigé par le Think Tank Génération Expat sous la direction du co-fondateur Sébastien Laye. (Octobre 2012) 43 Comment la désindustrialisation de la France s'accélère, L'Expansion.com avec AFP - publié le 05/02/2013 à

09:37

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87

Des fournisseurs

Il faut ensuite que cet ensemble travaille ce qui entraine des coûts: salaires,

énergie, etc.

Comparons deux usines dans deux pays différents produisant le même type de

produit dans une gamme de prix comparables: il n’est pas difficile pour elles

deux d’avoir les investissements matériels, les matières premières, et les

fournisseurs au même prix.

La différence va porter sur :

1. Le coût du travail,

2. La productivité humaine dans toutes ses dimensions incluant:

La pertinence des options prises,

L’efficacité combinée des lignes de fabrication + systèmes informatisés

+ efficacité humaine au sens large + efficacité organisationnelle globale

de l’entreprise incluant l’organisation commerciale,

L’efficience de ces moyens: le dimensionnement des ressources

mobilisées et la part de ces ressources non allouées directement aux

travaux productif: encadrement, administratif, support…

Ainsi, la productivité globale de l’entreprise est égale à la pertinence +

l’efficience + l’efficacité des ressources combinées (matérielles,

informatiques, organisationnelles et humaines).

3. L’avantage concurrentiel du produit issu de l’intelligence (ou de la

connaissance qu’il embarque). Il peut s’agir d’une intelligence liée :

o à l’innovation fonctionnelle (fonctions offertes à l’utilisateur);

o à l’innovation technique (baisse des coûts de fabrication, augmentation

de la fiabilité, augmentation de la durée de vie…);

o au design (attractivité esthétique du produit)

o ou encore au modèle économique

o à la distribution,

o etc.

4. La marque

Si nous prenons de nouveau du recul, nous constatons que les caractéristiques

des lignes de fabrication, de l’informatisation, de l’organisation du travail et du

travail humain lui-même sont des résultantes de deux paramètres principaux du

capital humain: la compétence (incluant la créativité) et la motivation.

A plus long terme, la valeur de la marque et du capital de savoir viennent aussi

du capital humain: ce sont les équipes marketing qui « font » la marque et les

ingénieurs de R&D qui « font » le capital de savoir. Cela étant, la marque et les

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savoir-faire de l’entreprise résultent d’une production humaine qui s’étale en

général sur des temps longs à très longs.

Ainsi, à l’échelle d’une ou de deux années dans la pluparts des secteurs, on peut

considérer qu’un produit tire son avantage compétitif global de 6 paramètres

dominants :

1. La compétence des équipes,

2. Leur motivation collective (incluant le moral, la motivation individuelle,

la cohésion générale, leur alignement sur un but commun)

3. Le capital de connaissance embarqué dans le produit,

4. La marque utilisée

5. Le coût du travail.

…et rien d’autre puisque le matériel, l’énergie, etc sont au même coût par

exemple pour la France, l’Allemagne, l’Angleterre, la Suède, le Danemark, etc

(encore que l’énergie électrique soit bon marché en France).

Qualitativement une première conclusion s’impose: le coût du travail ne

représente qu’un paramètre de réussite sur cinq (qui peut bien sûr largement

dominer tous les autres). Les autres paramètres sont purement

immatériels.

C’est sur cette base que notre analyse a été conduite.

III.2 Le coût du travail est-il responsable de la

désindustrialisation de la France ?

Cette question est cruciale car si la réponse est oui, la ré-industrialisation peut

apparaitre comme difficile à conduire, voire illusoire. En revanche, sinon, le sujet

peut être mis de façon sérieuse à l’ordre du jour d’une politique publique.

Le coût du travail est élevé en France, nul n’en disconviendra. C’est ce que

montre le tableau COE-Rexecode ci-dessous44.

La France a un coût du travail de près de 10 fois celui de la Bulgarie, de 4,7 fois

celui de la Pologne et de 1,6 fois celui de l’Angleterre. Il est également le 8 %

supérieur à celui de l’Allemagne.

Cependant, bien qu’étant l’un des plus élevé d’Europe, il est inférieur au coût du

travail en Suède, en Norvège ou au Danemark.

44

COE-Rexecode : Rapport sur la divergence de compétitivité France Allemagne, novembre 2011. http://www.coe-rexecode.fr/public/Analyses-et-previsions/Etudes-Notes-publiques/Mettre-un-terme-a-la-divergence-de-competitivite-entre-la-France-et-l-Allemagne

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89

Fig 38 : le coût du travail en Europe selon COE-Rexcode

La France, dans le concert des nations, est donc objectivement désavantagée par

le coût du travail d’autant que les chiffres des pays européens en queue de

pelotons ne sont pas les plus bas du monde: le coût horaire du travail est

inférieur à 2 € en Chine et au Mexique en 2013.

La différence entre deux coûts horaires du travail peut se compenser par la

productivité (quantité produite à l’heure) mais c’est illusoire lorsque le delta de

coût du travail est très grand.

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Ces chiffres nous apportent donc une information précieuse: la différence de coût

du travail n’est pas si importante, par exemple, entre la France et l’Allemagne.

Cette réalité mérite d’être creusée car il y a des disparités par secteur et par

taille d’entreprise (voir ci-dessous).

Fig 39 : comparatif du coût du travail en France et en Allemagne (tableau établi par le

quotidien Libération sur la base de statistiques Europstat)

Ces informations sont éclairantes. Elles montrent, tout d’abord, que le coût du

travail industriel en Allemagne est plus bas qu’en France dans les petites

entreprises mais pas dans les grandes.

Ainsi pouvons-nous affirmer que si les produits allemands issus des grandes

firmes sont plus attractifs que les produits Français (c’est flagrant dans

l’automobile) c’est parce que les industries Allemandes ont un meilleur capital

immatériel !

Nous allons développer ce point qui nous apprend beaucoup de choses sur les

voies et moyens de réindustrialiser la France. Mais la présente analyse permet

d’autres conclusions: la première est que nous avons des marges de manœuvre

pour rendre notre pays plus compétitif en abaissant son coût du travail sans que

cela se traduise par une perte majeure: une gestion plus souple du temps de

travail se traduisant par une remise en cause des 35 heures ne modifierait que

faiblement le rapport des Français au travail puisque nous parlons que de

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91

quelques heures par semaine mais si nous nous fions à l’étude Coe-Rexecode

jointe, cela nous ferait reprendre l’avantage, par exemple, en Europe, sur la

Finlande, l’Irlande, l’Allemagne et sur l’Autriche.

Mais en second lieu, il apparait très clairement dans cette étude qu’un coût du

travail élevé n’empêche pas à différentes économies d’être performantes.

En résumé, si le capital immatériel de permet pas à une économie comme la

nôtre de rivaliser avec des pays émergeants. Il semble plus que probable que

grâce à l’immatériel on puisse réindustrialiser notre pays (voir l’exemple ci-

dessous).

Un effort combiné baisse du coût du travail et politique immatérielle

semble être la formule gagnante pour redynamiser durablement notre

industrie.

III.3 La différence entre une Peugeot et une

Volkswagen: immatérielle ?

III.3.1 La stratégie allemande: très immatérielle45.

L’automobile et la machine-outil, sont deux piliers de l'industrie allemande et de

ses exportations. A l'exception d'Opel, les autres constructeurs que sont

Volkswagen, Porsche (aujourd'hui intégré au géant de Wolfsburg), Mercedes et

BMW ont largement participé au renouveau allemand. La croissance des ventes,

la rentabilité ou l'internationalisation des constructeurs allemands sont les fruits

de choix stratégiques longuement mûris. Le président du directoire du groupe

Volkswagen Martin Winterkorn annonçait en 2009 : « Ce qui est fondamental

pour un constructeur automobile, c'est de concevoir des véhicules qui exercent

un pouvoir de fascination sur les clients. Cela peut sembler banal, mais c'est plus

vrai que jamais lorsque les temps sont difficiles, comme actuellement ». Ainsi les

reformes structurelles d’ordre social (retraite, flexibilité et coût du travail, santé)

ne sont pas les seuls facteurs qui ont permis la réussite de l’automobile

allemande. Matthias Wissmann président de l’union de l’industrie automobile

(ancien membre du Bundestag en tant que représentant de la CDU) affirme que

l’une des forces de l’industrie de l’automobile est sa capacité à renforcer et à

maintenir son effort en recherche et développement même pendant les périodes

de crise (en 2008 l’ensemble du secteur privé allemand investissait 31 Ma € en

R&D contre 15 Ma € en France). En outre, selon lui, c’est la stratégie de long

terme, mise en place par une gouvernance composée essentiellement

45

http://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/automobile/20120927trib000721697/automobile-l-

insolente-reussite-allemande.html

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92

d’ingénieurs, qui a permis la croissance de l’industrie allemande46 (notons qu’il

ne peut y avoir de stratégie de R&D réussie sans une démarche à long terme).

Fig 40 : évolution des production automobile en France et Allemagne (La Tribune)

Remarquons que l’industrie automobile allemande n’a pas toujours été en bonne

santé. Par exemple, la marque Audi qui n’a pas toujours eu la reconnaissance

qu’elle a actuellement. C’est par le développement de sa gamme, de son contenu

technologique, de sa stratégie d’internationalisation, de son image de marque,

qu’Audi est devenue une marque de premier plan. Par comparaison l'Alliance

Renault-Nissan a investi 4 milliards d'euros dans le développement de ses

véhicules électriques quand Audi prévoit 10 milliards pour moderniser et élargir

sa gamme.

Selon les professionnels allemands, les marques françaises sont capables du

même sursaut qu’a connu Audi. Les marques françaises pèchent par leur

manque de stratégie d’internationalisation et par manque d’investissements pour

atteindre de nouveaux marchés (Volkswagen va investir 14 milliards

exclusivement destinés à la Chine).

Que pouvons-nous conclure de tout ceci ? Le design, la marque, la R&D,

l’internationalisation ont fait la réussite des marques allemandes. La

dimension immatérielle de ces investissements est écrasante. Un autre élément

qui ne relève pas du capital immatériel (quoi que) conditionne ces succès: la

prise de risques.

46

L’industrie allemande n’était pas en bonne santé pendant les années 90

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93

III.3.2 La qualité des produits: un défaut immatériel

français ?47

L’ADAC, l’automobile club allemand a réalisé une enquête de fiabilité, en

recensant les pannes automobile sur le territoire allemand, pour déterminer le

classement des voitures les plus fiables. De ce classement ressortent les qualités

de certaines gammes françaises.

Dans les "mini-citadines", parmi les cinq voitures les plus fiables c'est-à-dire

ayant le plus faible taux de pannes, on trouve... deux françaises: la Citroën C1 et

la Renault Twingo. Y figure aussi la Toyota Aygo produite en République tchèque

au sein d'une co-entreprise PSA-Toyota.

Dans la gamme des "petites", la Peugeot 206 est à la troisième place et la Dacia

Sandero arrive au cinquième rang sur 23 véhicules recensés. L'étude 2013 de

l'ADAC met en avant la bonne qualité de la franco-roumaine d'entrée de gamme.

En outre, les Citroën C3 (neuvième) ou Renault Clio (dixième) se classent

devant la Volkswagen Polo ou la Toyota Yaris, des modèles réputés très fiables.

Dans la gamme des compactes, sur 30 modèles analysés, le monospace Citroën

C4 Picasso arrive au deuxième rang, derrière le 4x4 BMW X1. Le Renault Scénic

est huitième. Et la berline Renault Mégane (douzième) talonne la Volkswagen

Golf tout en se plaçant devant le monospace compact Volkswagen Touran. Le

ludospace Citroën Berlingo, plutôt rustique, est quatorzième, précédant deux

monospaces japonais, les Mazda 5 et Toyota Verso, renommés pour leur fiabilité.

Cette étude de l'ADAC appuie d'autres travaux récents qui mettent en avant la

fiabilité des marques françaises, ou du moins une qualité comparable à celle des

allemandes48. Dans la dernière enquête annuelle de l'Automobile Magazine

47-http://www.latribune.fr/diaporamas/actu-en-images/classement-auto-les-modeles-les-plus-fiables-selon-les-allemands.html

http://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/automobile/20130503trib000763004/les-voitures-francaises-sont-fiables-selon-la-tres-serieuse-enquete-allemande-de-l-adac.html

-http://en-voiture.blog.leparisien.fr/archive/2013/01/22/la-fiabilite-des-voitures-allemandes-un-mythe-qui-s-ecroule.html

http://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/automobile/20100217trib000477141/les-voitures-francaises-sont-elles-de-mauvaise-qualite-.html

http://www.slate.fr/story/59495/automobile-francaise-panne-image-prestige 48

Le bilan annuel dressé par l'assureur anglais Warranty Direct a montré que les moteurs germaniques sont bien loin de cette fiabilité légendaire. BMW, Mini, Volkswagen et Audi faisaient partie des 10 marques les moins fiables de leurs classement avec Renault et Peugeot. Renault (avec un taux de défaillance de 2,13%) se classe après Volkswagen (avec un taux de défaillance de 1,91%) mais avant BMW (2,20%), Peugeot (2,26%), Mini (2,51%) et Audi (3,71%).

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portant sur cent modèles en France, la petite Renault Twingo remportait la palme

de la fiabilité dans la catégorie des "minis" avec une excellente note de 17,5 sur

20. La Mégane triomphait dans les "compactes". Quant à la Laguna, elle obtenait

un très honorable deuxième rang dans les "familiales", juste derrière la Mercedes

C. Les gammes Citroën C3-DS3, la Citroën DS4 ou le monospace Peugeot 5008

affichaient de belles performances.

Que peut-on déduire de tout ceci ? Il est possible que la robustesse et la fiabilité

des modèles allemands expriment leur suprématie à long terme. Mais sinon, les

marques françaises, comme on peut le voir ici, se défendent fort bien.

Voici donc une idée reçue qui tombe: dans le domaine de la fiabilité – très

immatériel, de nouveau - le secteur automobile française n’a pas (ou n’a plus à)

rougir mais qui le sait ? Il s’avère ainsi que les marques françaises souffrent d’un

réel déficit d’image, en effet voici le résultat d’un sondage réalisé en 2010 par le

groupe Motor presse, auprès de 220 000 lecteurs de presse automobile:

Fig 41 : Fiabilité perçue des voitures en fonction de leur pays de production et

d’utilisation.

Ces études montrent bien l’écart important qui existe partout dans le monde

entre la qualité perçue des marques automobiles et leur qualité réelle.

III.3.3 La compétence insuffisante des entreprises

françaises en exportation

A nouveau sur ce terrain, la question est immatérielle: nous parlons nettement

moins bien l’anglais que nos concurrents.

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Fig 42 : Les élèves français sont mauvais en Anglais

Dans ce cadre, une idée, très ancienne et très française, nous limite: nous

pourrions perdre notre identité en devenant anglophones. Il serait souhaitable de

clarifier les choses sur ce point. L’anglais est aujourd’hui l’espéranto des affaires.

Lorsqu’un Allemand et un Français parlent affaire, c’est en Anglais.

Nous devrions déclarer l’Anglais seconde langue officielle en France et la réserver

aux activités professionnelles. L’enjeu est, en effet, de taille car la langue est un

frein important à l’exportation or seulement 16 % des cadres Français se

déclarent « fluent » en anglais49. Ce taux est probablement inférieur chez les

dirigeants de PME.

III.3.4 Recommandations 14, 15, 16, 17 et 18

Cette rapide analyse centrée sur l’automobile nous fait formuler 5

recommandations clés.

R14 : le risque de déclin industriel de notre pays est trop important pour ne pas

faire flèche de tout bois. Nous devons revenir au 39 heures et reprendre une

logique d’ARTT négociée lorsque « ça ira mieux »

R15: Notre pays souffre de la qualité perçue de ses produits. La « Qualité

France » doit devenir une cause nationale. Nous recommandons de lancer les

états généraux de la qualité des produits Français et une mobilisation nationale

autour du zéro défaut en France. Cette initiative pourrait prendre la tournure de

la campagne « En France on n’a pas de pétrole mais on a des idées » lancée à la

suite du premier choc pétrolier en 1974.

R16 : Œuvrer à la promotion des marques Françaises en s’appuyant sur les plus

belles marques. Il est paradoxal d’avoir en France les plus belles marques de

luxe mondial, synonymes de qualité absolue et d’avoir un déficit dans ce

domaine pour les autres produits. L’Etat pourrait conduire le projet de faire

49 Entretien d'embauche en anglais : 73% des cadres ne sont pas prêts, Sylvia Di Pasquale 09 septembre 2013

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rayonner à l’export un panel de marques françaises d’excellence en agrandissant

d’année en année le nombre de ces marques à mesure que la mesure R15 porte

ses fruits.

R17 : Engager un énorme effort national sur la maîtrise de l’anglais en faisant de

l’anglais notre seconde langue nationale et en augmentant son coefficient dans

toutes les filières au bac et en imposant que 50 % des cours soient délivrés en

anglais dans le supérieur.

R18 : Créer une université de dirigeants pour l’export

Une autre chose manque aux entreprises françaises : elles n’innovent pas assez.

Ce point sera discuté plus loin. Et la présente recommandation R 18 sera

rapprochée d’une autre recommandation assez proche.

IV Passer à l’économie de l’usage pour devenir une

économie mondiale très innovante, exemplaire et

robuste

IV.1 Notre économie n’est pas soutenable

A l’heure du développement durable, l’humanité fait face à un défi

environnemental sans précédent qui n’est pas encore pris en compte à sa juste

mesure. Il peut être exprimé sous forme de 3 grands volets:

Première volet: la dégradation de notre milieu de vie, la biopshère, est rapide,

alarmante et ne se résume pas au réchauffement climatique: en France 80 %

des eaux de surface et 57 % des nappes phréatiques sont polluées50. Sur les

8700 décharges officielles de l’Union Européenne, 1,2 Milliards de tonnes de

déchets s’accumulent dont une partie est extrêmement toxique (mercure,

toluène, benzène…)51. Ainsi, la pollution de l’air, de l’eau et des sols entraîne une

explosion de pathologies nouvelles chez l’homme : le nombre de cancers a

augmenté en France de 63 % en 20 ans52. La progression de certaines

pathologies animales est également inquiétante: la mortalité des abeilles, dans

certaines régions, peut atteindre 10 fois la normale53. Rappelons qu’elles

contribuent par la pollinisation à la survie et à l’évolution de 80 % des plantes.

La cause de surmortalité des abeilles tient à plusieurs facteurs parmi lesquels: le

parasite Varroa, raréfaction des sources d’alimentation liée à l’agriculture

intensive, la baisse de la biodiversité végétale et l’impact des pesticides (5000

substances chimiques commercialisées sont pathogène ou mortelles pour les

abeilles).

50 MNHN- Futura Sciences 51 Eurostat 52 Approche méthodologique du lien avec l’environnement – coll. Inserm 2005. 53Agence Française pour la sécurité sanitaire des aliments – Rapport "Mortalités, effondrements et affaiblissements des colonies d’abeilles" 2008

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Second volet: L’épuisement des ressources naturelles concerne presque tous les

domaines. La désertification touche 1/3 des terres émergées54 et la superficie

mondiale des surfaces cultivables stagne depuis 2000 tandis que la population

croît de 1,2 % par an55. 75 % des stocks halieutiques sont surexploités56 et les

réserves connues de nombreux métaux seront, au rythme actuel de

consommation, épuisés dans un avenir proche : Or, dans 17 ans, Argent : 18

ans, Cuivre : 31 ans, Zinc : 17 ans, Plomb : 22 ans, Palladium : 15 ans57.

S’ajoute à cette liste, bien sûr la question du pétrole.

Troisième volet: La misère persiste. Malgré le développement rapide de

l’économie mondiale et la croissance régulière du PIB du plus grand nombre des

pays de la planète, 925 millions d’êtres humains souffrent de sous-alimentation.

Plus de 3,5 milliards d’individus sont victimes de malnutrition (carences en fer,

iode, vitamine A)58. 2 habitants de la planète sur 3 courent le risque de manquer

d’eau douce à brève échéance (consommation multipliée par 6 en 20 ans59). Un

quart de l’humanité (2,5 milliards de personnes) consomme une eau polluée

parce que nous produisons mille fois plus de produits chimiques qu’en 1935 et

qu’une grande partie finit dans l’eau60. En outre, 250 millions d’enfants travaillent

par le monde dans des conditions épouvantables61.

IV.2 Toutes les dispositions prises au nom du

développement durable sont cruellement insuffisantes

Il existe en France depuis une dizaine d’années environ un courant de

développement durable en progrès constant. Les concepts de consommation

responsable, d’écoconception (créer des produits ayant un impact réduit sur

l’environnement) ; d’économie circulaire (recyclage des déchets et produits en fin

de vie) ; d’économie positive (développer des activités ayant un impact positif

sur l’environnement), etc sont des éléments constitutif du développement

durable.

Hélas, ces efforts bien que réels et sérieux sont très insuffisants :

La réduction des émissions de gaz à effet de serre telle que définie dans le

protocole de Kyoto est un échec. A l’échelle mondiale l’épuisement des

ressources et la dégradation des milieux naturels ne sont pas enrayés non plus:

une majorité écrasante des indicateurs précités poursuivent leur dégradation

régulière.

54 Saquet Anne-Marie, Atlas mondial du développement durable, Autrement, 2002 55 Ibid. 56 Ibid. 57 Sciences et Vie hors Série N° 243 Juin 2008 58

Rapport Annuel d’activité 2010 Action contre la Faim 59

Laurent de Bartillat et Simon Retallack, Stop, le Seuil, 2003 60

Ibid 61

Selon Unicef

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Si la prise de conscience a bien eu lieu comme le montrent a tenue régulière de

sommets organisés par l’ONU ou encore, en France, le Grenelle de

l’environnement ; nous pouvons constater que les progrès constatés au cours de

la dernière décennie sont malheureusement bien trop lents au regard des

enjeux:

La somme des bonnes raisons sociales et environnementales qui militent pour

une mise en œuvre rapide du développement durable ne semble donc pas

suffisante malgré son ampleur.

La démographie joue un rôle majeur dans cet échec comme l’explique de façon

implacable l’équation de Kaya. 62

Il résulte de ces considérations une conclusion très épineuse : tant que nos

économies seront basées sur la consommation de biens matériels, elles ne

pourront pas être soutenables puisque par un moyen ou par un autre, elles sont

fondées sur l’exploitation très rapide des ressources naturelles et la production

toute aussi rapide de déchets. Nos emplois et nos salaires dépendent donc d’une

machine qui n’est pas soutenable où le verbe VENDRE conditionne tout.

Dans certains secteurs saturés comme l’automobile, l’addiction à ce verbe serait

presque comique si 15 % de notre production de richesse nationale annuelle (et

presque autant de nos emplois) n’en dépendait pas: les autos se vendent à

grand renfort de spots publicitaires où le vendeur paye pour qu’on lui prenne ses

voitures. Bref pour vivre, les entreprises ont besoin de « faire du volume » ce qui

rend très hypocrites nombre de politiques de développement durable sur

lesquelles elles s'échinent à communiquer.

IV.3 Qu’est-ce que l’économie de fonctionnalités ?

L’économie de fonctionnalité consiste à vendre l’usage d’un produit et non le

produit lui-même. Exemples :

o Vendre des km parcourus et non des voitures, o Du lavage et non des machines à laver,

o Des pièces à 19° C et non du Gaz… Ce découplage entre la vente et le transfert de propriété du produit peut sembler

banal et même courant. Ce principe pourrait d’ailleurs s’appeler « économie de la location » ce qui n’a rien de révolutionnaire. Mais les apparences sont vraiment

trompeuses, en effet : Dans l’économie de la vente, plus le produit se retrouve vite à la décharge et

mieux c’est : plus de CA, plus de rentabilité…;

En économie de fonctionnalité c’est l’inverse. Plus la durée de vie du produit est longue et plus la marge augmente.

62

Yoichi Kaya, économiste de l'énergie japonais. Livre « Environment, Energy, and Economy » 1993 : Tokyo.

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99

Voici donc une idée nouvelle, en rupture et qui pourrait peut-être rendre nos

économies soutenables: il est possible de maintenir la croissance du PIB sans

l’adosser à un flux de biens matériels aussi important. En caricaturant (à des fins

pédagogiques): on peut croître sans consommer !

Voici un exemple simple. Prenons une machine à laver bas de gamme qui coûte

aux alentours de 300 € et dure en moyenne 7 ans. Ce qui fait un budget lave-

linge annuel de 42 €. Imaginons que l’industriel cesse de vendre ses lave-linges

mais se mette à vendre un service de lavage de linge. Son service serait le

suivant: l’entreprise vient installer l’appareil chez vous, en fait une révision

régulière et le répare s’il ne fonctionne plus. Tout cela pour le même prix, soit 42

€ par an. Nous pouvons convenir que pour le consommateur, il n’y a pas grand

changement. Le coût annuel pour l’usage de la machine est le même. il y a un

petit avantage même : pas de grosse somme à sortir au moment de l’achat. Il y

a aussi un petit inconvénient. Si l’utilisateur arrête de payer, on lui retire la

machine donc au bout de 7 ans, tant que la machine fonctionne, la vente est

avantageuse (mais comme la machine dure en moyenne 7 ans, cet avantage est

nul pour la population cliente en moyenne). Nous conviendrons ici que pour

l’utilisateur les deux options sont équivalentes.

En revanche, pour l’entreprise et ses revenus tout change. Il n’est plus

nécessaire de pousser à la consommation pour vivre. Au contraire, plus le lave-

linge est durable et plus la marge est belle. Inutile ici de programmer

l’obsolescence de la machine, il vaut mieux au contraire la faire durer.

Cet exemple simple ouvre des horizons: si le flux économique entre le

consommateur et l’industriel ne varie pas lorsque l’on passe de l’économie de la

vente à l’économie de l’usage, alors la croissance du PIB peut se maintenir avec

un flux de biens qui se réduit fortement.

En outre, si le produit dure 4 fois plus longtemps, on atteint les objectifs du

fameux facteur 4 (notre planète cesse de se réchauffer si nous arrivons à diviser

par 4 la consommation d’énergie fossile: cela ne règle pas tout mais ce serait

déjà un progrès énorme).

Le passage à l’économie de fonctionnalités ne manque pas de soulever de

nombreuses questions et de poser de multiples problèmes :

Les emplois industriels sont détruits puisque le nombre de produits à

fabriquer baisse.

L’actif du bilan de l’industriel explose puisque les produits restent sa

propriété, ce qui rend l’activité très gourmande en capitaux

La psychologie de la propriété très fortement ancrée dans notre culture est

mise à mal

Le progrès technologique est fortement ralenti puisque les générations de

produits sont plus longues

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100

Comme le défi environnemental ne nous pose pas encore trop de problèmes et

que l’économie de fonctionnalité bouscule tous nos points de repère, elle n’est

pas vraiment mise en œuvre aujourd’hui à grande échelle.

Pourtant, elle donne de très bons résultats pour les entreprises qui ont décidé de

l’intégrer à leur offre: Elis (location de vêtements professionnels, Michelin

(location de pneus de camions et d’avions), SAS (location de logiciels) ; Xerox

(location de copieurs) ; Lexmark (location d’imprimantes) ; Interface (location de

moquette) ; Safechem (location de produits chimiques) ne regrettent pas le

choix de ce modèle économique.

IV.3 Chronique d’une révolution économique imminente

Le débat sur l’économie de fonctionnalité, lorsqu’il a lieu, laisse la plupart du

temps de côté un paramètre essentiel qui pourrait très vite le faire cesser: nous

entrons dans une économie de ressources rares, comme nous l’avons vu en

introduction de ce chapitre.

La raréfaction des ressources naturelles aura tôt ou tard pour conséquence

d’imposer l’économie de fonctionnalité. Mais comme nous avons du mal « à

croire ce que nous savons »63, nous débattons des avantages et des

inconvénients de ce modèle économique et concluons souvent qu’il n’est pas bon.

Si nous prenons toutefois un peu de recul, nous constatons :

que le marché de la location est très dynamique dans le domaine du

logement à cause du prix d’acquisition des biens.

que ceci devient également une réalité pour les voitures électriques: la

Zoé est à vendre hors bonus écologique à 33 K€ en 2013 batterie incluse

tandis que son équivalent Clio essence est à 18 K€ mais l’écart de coût

global des deux véhicules à l’usage est équivalent sur 8 ans: de l’ordre de

360 € (toujours hors bonus écologique) avec une batterie louée à 79 € par

mois64. Il apparait clairement ici que la location rend la voiture électrique

intéressante alors que sa vente est à un prix prohibitif.

Que devons-nous en déduire ? Simplement que le coût des matières premières

lorsqu’il s’envolera fera que les produits deviendront trop chers à la vente et que

l’économie de fonctionnalité s’installera naturellement dans notre paysage

économique.

Voici quelques bouleversements hautement probables :

63

Expression employée par Yann Artus Bertrand dans le film Home. 64

Retraitement de données disponibles sur le site Breecar.com

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101

un déplacement des emplois industriels de la ligne de fabrication vers le

service après-vente (non délocalisable): moins de monde dans les usines

mais plus d’emplois de services,

une opportunité de relocalisation car le prix des produits et l’exigence de

faire durer fera que le poids de la main d’œuvre baissera dans le prix de

revient des produits. Combiné à l’élévation du niveau de vie des pays

émergeants et aux principes de location cette évolution fera que le

« produire en France » redeviendra compétitif,

le développement fort, demain, de nouvelles générations de sociétés de

leasing pour ces produits durables car le métier d’un industriel n’est pas de

gérer des produits mis à disposition des clients,

le développement de produits hyper-modulaires qui permettra des

évolutions technologiques sans échange standard,

Un vrai passage à l’économie circulaire puisque qu’en fin de vie le produit

est remis à son propriétaire

IV.3 La France face à l’économie de fonctionnalités

Le présent chapitre ne suffit évidemment pas à apporter la preuve que

l’économie de fonctionnalités à tant de vertus. Il ne décrit surtout pas la façon de

s’y prendre pour que ces vertus potentielles deviennent réelles. Dans ce domaine

comme dans d’autres, il suffit de quelques mauvaises options pour qu’un

changement bénéfique devienne contre-productif.

Mais, par ailleurs, imaginons que l’économie de fonctionnalités soit, comme on

peut le supposer, une opportunité économique à très fort potentiel pour rendre

notre pays à la fois plus écologique et plus créateur d’emplois.

Nous aurions alors vraiment intérêt à établir une politique volontariste et

massive de dématérialisation de notre économie grâce à ce concept. Dans le

concert des nations ceci nous ferait ouvrir la voie à une économie nouvelle,

propre, durable et sociale ! N’attendons pas que la Chine ou l’Inde qui ne

pourront pas, c’est évident, offrir à leurs populations, vue leur taille, des biens

jetables, y viennent avant nous. Car ce jour-là, des produits de qualité et à un

prix locatif abordable se déploieront en France en provenance de ces pays. Si

nous prenons le leadership, nous pouvons à l’inverse offrir à des pays en

développement ces mêmes produits durables et abordables en location. Nous

pouvons, en outre, parce que nous le ferons progressivement et avec

discernement rendre cette économie efficace en traitant au fur et à mesure et

sans précipitation tous les problèmes qu’elle va poser.

IV.6 Recommandations 19, 20 et 21

R19: Créer un institut de recherche sur l’économie de fonctionnalité chargé en 2

ou 3 ans maximum:

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102

d’apporter la preuve de l’efficacité de ce modèle économique pour notre

pays,

de définir tous les aménagements juridiques requis pour le

développement de cette économie,

de mettre en place une méthode efficace permettant aux entreprises

de passer progressivement à l’économie de fonctionnalités,

Etablir un modèle économique et les conditions de viabilité requises

pour que se développe de nouveaux opérateurs de leasing qui seront

demain des grands interfaces entre les industriels et les

consommateurs utilisant des produits en économie de fonctionnalité.

R20 : Créer deux TVA. L’une pour les produits vendus et l’autre pour les produits

proposés en économie de fonctionnalités. La moyenne des deux taux étant égale

au taux actuel de 19,6 %. Déployer progressivement cette TVA dans des

secteurs choisis 2 ans après l’avoir annoncé pour que les industriels se

préparent.

R21 : Lancer, lorsque ces recommandations auront été mise en œuvre, un

Grenelle de l’économie de fonctionnalités afin d’engager une transition efficace

dans ce domaine.

V Redonner toute sa place au capital de savoir

V.1 De quel savoirs parlons-nous ?

Le capital de savoir est à l’origine de l’utilité sociale et de l’avantage

concurrentiel des produits et services disponibles dans un pays: savoir éduquer,

soigner, nourrir, habiller, divertir, etc.

Afin de ne pas le confondre avec la compétence qui est une caractéristique du

capital humain traitée dans un autre chapitre, nous nous centrerons dans cette

partie du rapport sur le savoir « produit » sous forme de documents, plans,

publications techniques et académiques, brevets, etc. Nous y incluons aussi les

caractéristiques des produits et services disponibles qui « embarquent » le

savoir. C’est la partie visible, pour le plus grand nombre, du capital de savoir.

Nous traiterons également ici des processus de production du capital de savoir

qui sont composés de la recherche, de la RetD, de l’amélioration permanente des

pratiques dans les différentes métiers (corpus transmissible des meilleures

pratiques artisanales, par exemple), etc.

Mais nous choisissons de traiter dans le chapitre relatif au capital humain le

domaine de la transmission du savoir, c’est-à-dire l’enseignement.

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V.2 l’Excellence Française est indéniable dans ce

domaine

Il y a une excellence française en matière de capital de savoir si l’on en juge par le nombre de distinctions internationales reçues par des français (prix Nobel,

Médaille Field, qui est l’équivalent du Nobel pour les mathématiques, etc).

En effet, la France65 compte à ce jour 34 prix Nobels et se place 4ème dans ce domaine après les USA, l’Angleterre et l’Allemagne. Elle arrive en seconde

position pour la médaille Field après les USA mais devant la Russie ce qui confirme que nous sommes une nation de matheux.

De nombreux évènements scientifiques et techniques viennent régulièrement nous le rappeler: succès d’Airbus ou d’Ariane, découverte du SIDA, forte

contribution française à la découverte du Boson de Higgs, etc.

En matière de capital de savoir, la France est pourtant une terre de contrastes.

V.3 Intensité de la production du savoir en France.

V.3.1 Globalement

La France figure pour la période 2004-2008 au 6ème rang mondial66 pour le nombre de ses publications académiques derrière :

1. Les USA 2. La Chine

3. L’Angleterre 4. Le Japon 5. et l’Allemagne

Cette place est enviable. Notons cependant que la France perd du terrain (elle

était 5ème précédemment). En outre, le nombre de publications des grands émergeants (notamment le Brésil, la Russie et l’Inde) croissant à un rythme soutenu, elle devrait en perdre encore dans le futur. Mais cette baisse relative

n’est pas un déclin. Le nombre de publications croit tous les ans67 et le nombre de citations progresse. Ce repli incite simplement à de la vigilance et à de

l’investissement. Point positif également, la France détient des avantages technologiques dans

plusieurs domaines comme le montrent les graphiques ci-dessous issus du rapport 2012 de l’attractivité de la France produit par le ministère de l’économie

et des finances68: dans le domaine des nanotechnologies, des biotechnologies et

65

Sciences : la France dans le top 5 des nations les plus récompensées. Le figaro.fr 10/10/2012 66

Chris Llewellyn Smith, rapport de la Royal Society UK, 2011 67

Rapport de l’OST 2010 68

Publication collective Centre d’Analyse Stratégique (CAS), l’Agence française pour les investissements internationaux (AFII), la Direction générale du Trésor (DGTrésor) et le Délégation interministérielle à l’Aménagement du Territoire et à l’Attractivité Régionale (DATAR) : Tableau de Bord de l’attractivité de la France, édition 2012

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de l’environnement notre avantage technologique est positif (barre verticale

orientée vers le haut) lorsqu’on le compare à celui de 14 pays qui sont nos principaux concurrents incluant les USA, l’Angleterre, l’Allemagne et le Japon.

L’indice permettant ce calcul s’appelle l’avantage technologique révélé. Il correspond, pour un pays donné, à la part de marché des demandes de brevets dans un domaine sur sa part de marché des demandes de brevets tous domaines

confondus. La France étant un important déposant, cet indicateur peut être considéré comme absolu (place de la France dans le domaine) et non relatif

(relative spécialisation de la France dans un domaine quel que soit son poids par ailleurs).

Bien qu’ici, comme ailleurs, des thématiques méritant la plus grande vigilance soient identifiées, nous constatons que, globalement, la France n’a pas à rougir

de sa production de savoir.

Fig 42b : Avantage technologique révélé de la France dans 4 secteurs

V.3.2 Nous concevons plus que nous ne réalisons

Mais nous souffrons, en revanche, d’autres lacunes qui touchent à l’utilisation de nos connaissances et à la création de produits innovants.

Il semblerait, ainsi, que nous soyons bons pour concevoir mais moins bon pour réaliser comme le montrent plusieurs indicateurs.

Le premier est la part de la R&D nationale prise en charge par les entreprises:

elle est en retrait par rapport à celle de nos grands concurrents (voir plus bas) et elle n’a pas changé depuis quinze ans.

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En outre, selon Nicolas Von Bulow69 la France n'innove pas assez. Par exemple,

entre 1970 et 2010, elle n'a créé que 4 entreprises dont le budget de recherche dépasse les 100 millions d'euros. Notre déficit d’ETI n’aide pas non plus à

l’innovation qui demande des moyens substantiels. Rajoutons à cela une frilosité française avérée qui limite la prise de risque (voir plus bas le chapitre sur le capital humain).

Cette analyse est confirmée par le classement de la France dans le Global Innovation Index de 201270. La France a beau être le 6ème pays au monde par le nombre de ses publications et le 4ème déposant de brevets en Europe, elle n’est

que 24ème dans ce classement des pays innovants et perd 5 places en 3 ans, depuis 2009. Nos voisins britanniques sont, pour leur part, 5ème du classement et

les Allemands 15ème.

Notons un autre indicateur très cohérent par rapport à ce qui précède: la France exporte plus de capital de savoir qu’elle n’en importe. En 2011 le solde positif était de 4 M €71. Cela prouve la qualité de sa recherche mais l’insuffisance de

l’emploi qui en est fait sur le territoire. On sait par ailleurs (voir première partie) que la balance française du commerce extérieur est négative. Il est intéressant

de noter que la situation de l’Allemagne est inverse: solde positif du commerce extérieur et négatif du capital de savoir.

Nous terminerons cette analyse en soulignant que notre désavantage

technologique dans le secteur informatique sera de plus en plus pénalisant car les logiciels sont absolument partout. Il y a de nos jours de moins en moins de secteurs où les logiciels ne comptent pas.

V.3.3 le savoir faire n’est pas que technologique

Ce tableau ne serait pas complet s’il se bornait au capital de savoir scientifique et

technique. Or il y a en France un savoir-faire de compagnons de très haut niveau que l’on retrouve notamment dans le secteur du luxe et c’est un atout pour la France.

Le secteur du luxe, où la France excelle ne connait pas la crise et se développe. Il représente aujourd’hui un marché mondial de plus de 200 milliards d’euro en croissance soutenue tous les ans.

Le comité Colbert regroupe 75 sociétés de luxe françaises, les entreprises qui le

composent représentent 30% du marché mondial aujourd’hui. L’industrie du

Luxe française tire un profit sérieux de la mondialisation: LVMH, PPR et Hermès

sont bien implanté en Asie avec la détention de 800 magasins pour LVMH, une

centaine d’ouverture récente en 2010 pour PPR, et Hermès qui a créé la marque

chinoise Shang Xia.

69

Nicolas Von Bulow : L'innovation en France : un système en échec, Fondation Terra Nova, 2012 70

Publié par l’OMPI – Office Mondial de la Propriété Industrielle – l’INSEAD, 71

Rapport de la cour des comptes

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106

Or le luxe d’exception est le résultat d’un savoir-faire ancien et d’une alchimie

difficile à reproduire, ce qui crée une barrière à l’entrée haute à franchir. Il est le

résultat d’une production locale par des ouvriers et des artisans très qualifiés, ce

qui fait du facteur de production peu délocalisable.

L’avantage de la France dans ce domaine pourrait être poussé car si notre

industrie du luxe réussit dans le secteur des sacs, des foulards ou des parfums,

rien n’interdit qu’elle se déploie dans l’automobile, les yachts ou d’autres

secteurs. Une étude récente de CLL-BBDO72 montre la très forte appétence des

consommateurs étrangers de produits français en raison de leur qualité, de leur

design et du caractère « fait-main » qui justifie les prix élevés.

Compte tenu de ces atouts, nous devrions veiller avec le plus grand soin à la

préservation de nos entreprises et de nos marques de luxe (Charles Jourdan, …). Nous devrions également œuvrer à la valorisation des métiers d’artisanat de luxe qui relèvent de savoir-faire ancestraux.

V.4 Analyse des processus de production du savoir

V.4.1 Analyse macro-économique

Le processus de création de savoir peut être décomposé en 3 parties: la production publique, la production privée et enfin la gouvernance incluant la

stratégie et le financement de la recherche. Nous les analyserons dans cet ordre.

Notons au préalable que la France alloue des moyens importants à sa recherche

comme le montrent les statistiques suivantes :

Fig 43 : Effectif de R&D pour 1000 actifs par Pays (rapport sur l’attractivité de la France)

72

Pourquoi le Made in France ne tient pas ses promesses à l'étranger, Etienne Gless L’Entreprise.com, publié le 11/06/2013 à 18:28

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Fig 44: Dépense intérieure de R&D par Pays (source : rapport sur l’attractivité de la

France – Bercy)

Comme le montrent les graphiques ci-dessus: la France compte un nombre de

chercheurs par habitant satisfaisant: il est inférieur à celui des USA, de la

Finlande, de la Suède et du Japon mais supérieur ou égal à celui des autres pays.

En outre ses dépenses de R&D sont importantes puisqu’en 2010 la France se

situe en 6ème place au niveau mondial avec devant elle des pays plus grands

(USA, Chine, Japon, Allemagne à l’exception de la Corée du Sud).

Toutefois, le rapport Dépenses Intérieures de RetD/PIB qui traduit l’intensité de

RetD du pays est insuffisant. En 1995, la dépense intérieure de recherche et

développement (DIRD) représentait 2,29 % du PIB. Elle a été de 2,26 % en

2009. Elle reste l'une des plus faibles de l'OCDE. Dans le même temps, les

Etats-Unis ont accru leur effort de 2,6 à 2,8 % du PIB et les Allemands de 2,3 à

2,6. La France est donc loin de l’objectif européen de consacrer 3 % de son PIB à

la recherche.

Avant d’en analyser les causes nous pouvons constater une productivité élevée

de la France en matière de recherche: nos résultats sont bons mais nos moyens

insuffisants.

V.4.2 La recherche publique en France

La recherche en France est financée à près de 40 % par l’Etat, c’est plus qu’aux

USA, en Allemagne, au Japon, en Belgique en Irlande, en Suède…73. Corollaire naturel de cette situation: l’intensité en R&D publique en France (Dépense en R&D / PIB) est proche de celle de la Grande Bretagne, des USA, de l’Allemagne

et du Japon.

73

Rapport sur l’attractivité de la France en 2010.

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Pourtant, comme peuvent en témoigner le mauvais état des Universités en France en général (voir le rapport sénatorial Dupont-Gillot

74) ou encore la

pérennité du collectif Sauvons la Recherche, il existe dans ce domaine un paradoxe: l’Etat y fait des efforts très importants notamment entre 2006 et

201375 (entre ces deux années, les ressources financières publiques pour la recherche ont presque doublé) mais le « malaise des chercheurs » n’est pas enrayé.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette situation parmi lesquels.

La recherche en France est morcelée au travers de très nombreux

établissements: 82 universités, 9 EPST, 15 EPIC dont 5 relevant du ministère de la recherche, 67 EPA dont deux sous tutelle du ministère de la recherche, enfin d’autres fondations et institutions. Cela ne favorise pas

les économies d’échelles et la consommation optimale des budgets.

D’autre part, la synergie entre entreprises et établissements publics de

recherche est faible alors que les entreprises françaises, par ailleurs, n’investissent pas assez en R&D. La recherche publique souffre donc d’une insuffisance de financements privés.

Enfin la gouvernance de la recherche en France est en devenir (voir plus bas).

V.4.3 La recherche privée

C’est ici que la production du capital de savoir est la plus problématique.

Les entreprises françaises n’investissent pas assez en R&D comme le montre le graphique ci-dessous: la recherche privée représente de l’ordre de 60 % de

l’effort total, ce qui est insuffisant (15 à 20 points de moins que le groupe de tête).

Mais en parallèle, l’intensité (poids de la recherche dans le PIB) nous place aussi en retard par rapport au groupe de tête.

C’est donc bien des entreprises que vient le déficit. En outre, l’intensité de la

recherche privée est en baisse depuis 2007.

74

Isabelle Rey-Lefebvre : Selon un rapport sénatorial, la loi sur l'autonomie des universités n'a pas atteint ses objectifs, le monde, Avril 2013. http://www.lemonde.fr/societe/article/2013/04/01/la-loi-sur-l-autonomie-des-universites-n-a-pas-atteint-ses-objectifs-selon-un-rapport-senatorial_3151326_3224.html 75

Rapport de la cour des comptes. Le financement de la recherche, un enjeu national 2013.

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Fig 45 : Intensité de la R&D et part de la R&D financée par les entreprises par pays (source : apport sur l’attractivité de la France – Bercy)

Une autre statistique permet d’affiner le diagnostic: hors innovation marketing,

les PME françaises se placent en 11ème position sur l’échantillon du tableau de bord d’attractivité de la France (14 pays) et en 9ème position pour les grandes

entreprises. Hors innovation marketing, les PME françaises innovent deux fois moins que les allemandes.

Fig 46 : taux d’entreprises innovantes en fonction de leur taille par pays

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110

Soulignons-le, de nouveau, cette situation s’aggrave et ce malgré l’existence et

de développement du crédit impôt recherche.

V.4.4 Stratégie, gouvernance et financement de la recherche.

Gouvernance et financement de la recherche publique

La gouvernance et le financement de la recherche publique en France ont fait l’objet d’améliorations importantes au cours des dernières décennies mais ce

sujet reste insuffisamment structuré et efficace.

La première stratégie nationale de la recherche en France date de 200976 et définit des priorités sans y adjoindre de chiffres. Il est impossible dans ce cadre

d’établir une allocation de ressources et encore moins de suivre la mise en œuvre de ce plan.

L’enchevêtrement des organismes de recherche français décrit plus haut et la dépendance de plusieurs ministères ne facilite pas non plus une gouvernance

optimale.

En 2006, la création de l’ANR (Agence Nationale de la Recherche) et de l’AERES (Agence d’Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur.) fut un

progrès réel. L’ANR finance la recherche par projet, l’AERES récemment remplacée par le HCERES (Haut Conseil de l’Evaluation de la Recherche et de

l’Enseignement Supérieur) en évalue la performance. La séparation des pouvoirs entre les organes de financement et d’évaluation est également à nos yeux une bonne chose. Toutefois, le fonctionnement de l’ensemble souffre de défauts de

jeunesse: les très nombreuses critiques formulées à l’encontre de l’AERES (arrogance, fonctionnement procédurier et lourd…)77 en sont un exemple.

En matière de financement de la recherche, la lisibilité et l’efficacité font encore

défaut. La Mission Interministérielle Recherche et Enseignement supérieure gère avec plus ou moins de facilité les budgets répartis entre plusieurs programmes et ministères. Ce n’est pas, en outre, une structure de pilotage. La Cour des

comptes pointe dans plusieurs rapports des difficultés dans ce domaine78.

La montée en puissance d’une gouvernance plus mature accompagnée d’un système de pilotage budgétaire performant serait donc souhaitable pour la

recherche publique en France.

Les pôles de compétitivité

Dans le cadre du rapprochement entre recherche privée et recherche publique, leur mise en place en 2005, a constitué une avancée majeure. Les pôles de

76

Rapport de la cours des comptes - 2013 77

http://www.academie-sciences.fr/activite/rapport/rads0912.pdf

78 Rapport de la cours des comptes sur la Mires en 2011.

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111

compétitivité ont deux vocations. D’une part financer des consortiums de

recherches au sein desquels des grandes entreprises, des PME et des laboratoires de recherche collaborent. D’autre part faire émerger des groupements d’acteurs

privés et publics au sein des territoires où l’on produit du capital de savoir.

A ce jour, il existe 71 pôles de compétitivité, 7 pôles de catégorie internationale, 11 à vocation internationale et 53 pôles nationaux. Une évaluation de ce

dispositif a mis en évidence un bilan plutôt positif79. Les pôles ont permis l’accélération des projets de R&D, collaboratifs et individuels.

Leur mode de fonctionnement est simple: des consortiums se forment et proposent aux pôles des projets de recherche. Si le pôle valide l’intérêt d’un

projet, celui-ci peut obtenir des financements partiels pour les entreprises et totaux pour les laboratoires. Ces sources de subventions sont diverses: le FUI

(fonds unique interministériel), les collectivités locales, l’ANR (agence nationale de recherche), les fonds européens et la BPI. Elles ont permis le financement de près de 1125 projets de R&D en 2009, pour un montant de 765 millions d’euros.

Enfin l’évaluation citée plus haut a mis en avant la participation des jeunes

entreprises innovantes (de moins de 5 ans) qui étaient au nombre de 1246 en 2009 ce qui représentait 17 % des membres. 15 % seulement avaient une

activité industrielle (75% avaient une activité dans le secteur de l’information et de la communication).

Des améliorations sont toutefois nécessaires : les universités sont trop éloignées

des pôles, les processus de labellisation des projets manquent parfois de rigueur, les entreprises se plaignent des délais encore trop long pour les versements provenant du FUI. Le retard des versements implique mécaniquement celui du

démarrage des projets, le système de mesure des retombées effectives des projets financés serait également à améliorer, etc.

V.4.5 Recommandations 22, 23,24 et 25.

Nos recommandations sont ici au nombre de 4 :

R22 : Poursuivre l’effort engagé en matière de gouvernance de la recherche

publique et mettre en place une véritable stratégie dans ce domaine avec des objectifs chiffrés et un système de pilotage efficace. Dans ce cadre, on pourrait

suggérer un alignement de la stratégie de recherche et des 34 projets de ré-industrialisation du ministère du redressement productif. Il serait également

souhaitable que la stratégie de recherche inclut un axe important dans le domaine du numérique où La France décroche (notons qu’au sein des 34 projets au moins 8 ont une dominante informatique ou numérique, ce qui est une

excellente chose).

R23 : Engager un plan de rationalisation des organismes de recherche visant

notamment à fusionner des laboratoires afin de simplifier l’organisation de la recherche et réaliser des économies d’échelle

79

http://competitivite.gouv.fr/l-evaluation-de-la-2e-phase/le-rapport-complet-de-l-evaluation-888.html

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112

R24 : Créer une université des chefs d’entreprises destinée à leur donner la

culture et le goût de l’innovation. Cette structure pourrait être confiée à l’INPI ou à l’APM (Association Progrès du Management) qui assure déjà la fonction

d’université de dirigeants avec succès (toutes disciplines). Des mesures d’incitation serait nécessaires pour attirer les dirigeants, par exemple, en faisant prendre en charge le coût correspondant par les OPCA et en créant sur ce thème

un partenariat fort avec le Medef, la CGPME, le CJD et le réseau Entreprendre.

R25: Assurer une promotion à grande échelle des pôles de compétitivité mais

évaluer de façon plus précise les retombées économiques réelles des projets subventionnés et en tenir compte ensuite dans les décisions de financement.

VI Favoriser l’utilisation stratégique de la Propriété Intellectuelle Française Le développement du capital immatériel en France passe aussi par sa protection. Certes tous les actifs immatériels, comme, par exemple, l’organisation ou le

capital humain ne peuvent pas être protégés juridiquement. Mais une partie est protégeable: Y-aurait-il matière à progrès dans ce domaine ?

Voici l’extrait d’un discours de Mme Fleur Pellerin, Ministre de l’innovation, des PME et du numérique – 3 Juillet 2013)

«Le terrain de bataille aujourd'hui c'est bien sûr celui de l'innovation, c'est-à-dire celui de

la compétitivité de notre économie et de nos entreprises. Le gouvernement auquel nous

appartenons Arnaud Montebourg et moi-même a placé au cœur de son action la

compétitivité par l'innovation. C'est la condition nécessaire pour la montée en gamme de

notre économie, pour le redressement productif et industriel de la France, c'est le moyen

de retrouver des marges de manœuvre, pour mener à bien l’ensemble de notre projet

politique dans toutes ses dimensions.

L'économie de l'innovation passe par la protection des inventions et la stratégie de

propriété intellectuelle est donc au cœur de toute politique en faveur de l'innovation.

Cette économie de l'innovation a connu des mutations profondes en 20 ans. Le nombre

d'inventions brevetées a plus que doublé durant cette période, de nouveaux acteurs sont

apparus, je pense à la Chine ou à la Corée du Sud, et un business de la propriété

intellectuelle a émergé avec ses bonnes et ses mauvaises facettes, »

Dans cette déclaration Mme la Ministre énonce deux idées clés: la place de

l’innovation dans nos économies modernes et celle que doit tenir la propriété intellectuelle, comme levier de croissance. S’il faut faire des propositions d’une

politique publique relative au capital immatériel pour la France, il est indispensable de favoriser l’utilisation stratégique de la propriété intellectuelle.

Nous analysons ici les progrès à accomplir à la fois vu de l’entreprise mais également à l’aune de l’expertise de l’Institut National de la propriété industrielle

que l’un de nous (Yves Lapierre) dirige. La compréhension de la manière dont l’entreprise manage sa Propriété Intellectuelle (PI), ou plus exactement la manière dont l’entreprise se manage par la PI permet à l’INPI de proposer les

services de management et de protection qui impactent tout le capital immatériel de l’entreprise.

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VI.1 L’innovation et les brevets

Le développement de l'économie dans nos pays industrialisés passe en premier par notre capacité à innover. Les seuls investissements matériels (dans l'outil de production, par exemple) ne sont plus suffisants pour créer des différentiels de

compétitivité. Un coût du travail très faible peut aisément contrebalancer cela comme on le voit dans certaines usines chinoises très compétitives sur le marché

mondial mais pas automatisées. Mais en parallèle, un coût du travail très faible ne suffit pas non plus. Si tel était le cas les ateliers Louis Vuitton ou Airbus ne seraient plus en France. L’avantage compétitif et innovation se conjuguent donc

à merveille. Un indicateur simple permet de s'en rendre compte, c’est l’accélération du dépôt des brevets ces dernières années au niveau mondial.

Fig 47 : évolution du dépôt de brevets en Europe et aux USA

Il apparait donc clairement que la protection des innovations occupe une place centrale dans l’économie immatérielle puisque, sans elle, toutes les copies sont légales de sorte que l’entreprise innovante qui a beaucoup investi dans son

invention risque de ne jamais obtenir son légitime retour sur investissement.

Mais comment peut-on évaluer l’état d’esprit français au regard de la protection intellectuelle ? Nous avons d’énormes progrès à faire, comme le montrent de nombreux cas de pillage d’informations clés, relatives à nos technologies ou à

leur vente :

Perte par Dassault du marché d’avions de combat à Singapour en 2005 au profit des USA suite à un espionnage industriel: un milliard de dollars,

Perte par Thalès d’un gros marché de radars au Brésil,

Plainte du groupe Bolloré contre BMW pour espionnage sur l’Autolib’.

Si vous avons certainement progressé depuis le Tupolev 144, nous avons encore des progrès à faire dans la gestion de nos brevets (qualité des dépôts, vigilance, plaintes en contrefaçon …) mais aussi en intelligence économique et lutte contre

toutes les formes de pillage.

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Fig 48 : Le Tupolev 144 en 1970

VI.2 Parlons un peu des marques La marque est un levier puissant de valorisation du patrimoine immatériel de l’entreprise. Elle synthétise et symbolise l’entreprise et ses produits: c’est un

concentré de capital immatériel où l’essence du savoir-faire, de la culture de la réussite de l’entreprise est présente.

Les marques, compte tenu de leur valeur (voir quelques valeurs de marques ci-dessous), sont également le théâtre d’une âpre guerre économique

Fig 49 Lacoste, l’une des marques Les plus contrefaites

Fig 50 : valorisation par le cabinet Interbrand des 18 premières marques mondiales

D’après le comité Colbert, la contrefaçon représente pour la France une perte

annuelle de l’ordre de 6 milliards d’euros et la destruction de 30 à 40 000 emplois. Elle a été multipliée par 44 entre 1991 et 2011.

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C’est dans ce contexte que la propriété intellectuelle prend toute sa place. Elle vise à protéger, diffuser et promouvoir ses avantages concurrentiels :

Protéger: rester maître de ses innovations ou inventions. Diffuser: vendre ou partager sans perdre le bénéfice économique.

Promouvoir : faire connaître sa différence, son savoir, sa compétitivité.

La propriété intellectuelle, et plus particulièrement la propriété industrielle offre ces possibilités au moyens des brevets, de la protection des marques, de la protection des dessins et modèles.

VI.3 Protéger aujourd’hui et demain Globalement, la France tient, en termes de protection, une place honorable dans

le palmarès des grandes nations. Selon le classement de l’Organisation Mondiale de la Propriété intellectuelle, en 2011, elle se situe au sixième rang mondial en

terme de dépôt de brevets; elle est quatrième pour le nombre de dépôts de marques, ainsi que pour celui des dessins et modèles (2012, World Intellectual

Property indicators, OMPI). Cependant, si on analyse un peu plus en détail ces résultats, certaines faiblesses

de notre économie apparaissent clairement. Dans le seul registre des brevets, les PME sont à l’origine, en 2011, de 24% des demandes de brevets publiés faites

par des personnes morales françaises (statistiques 2012 de l’Observatoire de la Propriété Intellectuelle, INPI). Les PME sont à l’origine de 2 559 demandes de brevets publiées en 2011, issues de dépôts par la voie nationale. Au total, 1 861

PME distinctes ont été repérées parmi les 2 817 personnes morales françaises déposantes. Les ETI déposantes sont, quant à elles, au nombre de 317 pour 801

demandes de brevets publiées. Ce pourcentage ne reflète en aucun cas l’importance des PME et ETI innovantes

dans notre tissu industriel. Nous pouvons en déduire que le savoir-faire des PME et ETI françaises est mal protégé.

Comme dans tous les domaines économiques, les profondes mutations de notre monde font que la protection de la PI et par extension de l’immatériel doit faire

l’objet de grandes évolutions pour être efficaces. Ainsi :

Nous devons enseigner à nos entreprises la culture du secret industriel qui leur échappe. Les français ont tendance à sous-estimer leur talent. Pourquoi donc protéger un savoir-faire moins performant que celui

d’autres pays ou d’autres firmes ? Cette idée doit être combattue par une éducation appropriée à tous les niveaux: nos savoir-faire sont au meilleur

niveau mondial dans de nombreux domaines. Par prudence, il faut les protéger,

Le dépôt est un élément de protection mais ce n’est pas le seul: la preuve,

il n’empêche pas la contrefaçon et le pillage. A l’heure du cloud computing nous devons concevoir une forme innovante et élargie de la protection

intellectuelle: cryptage de l’information, veille, gestions sécurisée de la

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documentation de l’entreprise notamment au moment de jeter des

documents à la poubelle, clauses de confidentialité renforcées dans les contrats de travail, sécurisation des serveurs contre toute forme

d’intrusion, etc, Les PME et ETI n’ont pas assez la culture de la protection. Nous devons

aller à leur rencontre, les éduquer, les inciter,

Enfin, pour tout ce qui n’est pas aujourd’hui couvert par une règlementation solide nous devons ouvrir un chantier prioritaire: comment

protéger le capital immatériel c’est-à-dire des investissements importants que les entreprises font et dont les retombées économiques ont une pérennité supérieure à un an.

o protection des concepts méthodologiques, o protection de programmes informatiques,

o protection contre le débauchage d’experts, o protection d’œuvres,

Il existe dans tous ces domaines des solutions plus ou moins efficace: enveloppes Soleau, droit d’auteur, dédit formation et clause de non concurrence

dans un contrat de travail, etc. Mais l’ensemble est atomisé, partiel et méconnu des PME.

VI.4 Le rôle de l’INPI

VI.4.1 Rôle actuel L'INPI est un établissement public, placé sous l'autorité du Ministère du

Redressement Productif.

Son rôle est, tout d'abord, d’être le garant de la qualité des titres de propriété industrielle qui sont déposés auprès de ses services. Il délivre ainsi des titres que sont les brevets, les marques, les dessins et modèles. L’INPI assure la conformité

de ces demandes par rapport aux lois et règlements à la fois au niveau national et international.

Le deuxième domaine d'intervention est de faire évoluer les textes réglementaires au niveau national ou international pour favoriser l'utilisation des

titres de propriété industrielle. Citons, par exemple, la mise en place d'un brevet unitaire au niveau européen ainsi que la mise en place d'une juridiction

européenne plus homogène. La troisième responsabilité de l’INPI concerne la sensibilisation du monde de la

recherche et des entreprises aux enjeux de la propriété industrielle. Ce point mérite qu’on s’y attarde.

L'utilisation de la propriété industrielle est malheureusement encore trop perçue, par les chefs d’entreprises (et en particulier de PME) comme un sujet complexe,

réservé à des spécialistes, qui transforme la créativité en un problème juridique et qui coute cher. L’INPI lutte contre cette perception avec énergie. De manière

très concrète, quelles sont les actions conduites ?

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En premier lieu, la formation. En liaison avec nos partenaires locaux et les

professionnels (CCI, Conseils régionaux, universités et PRES), l’INPI forme les acteurs de l'innovation: les responsables de la valorisation de la

recherche, les thésards, les jeunes entreprises, ...Durant l'année 2010 près de 1900 stagiaires ont été accueillis et plus de 26 000 heures de formations dispensées. Par exemple : plus de 20% des thésards CIFRE

suivent une formation sur la propriété industrielle. Cependant, les acteurs concernés par la PI sont loin d’être tous sensibilisés.

Par ailleurs, l’INPI accompagne les entreprises et les laboratoires de

recherche dans la prise en compte de la propriété industrielle grâce

notamment à des audits "PI", des pré-diagnostics destinés aux PME innovantes qui utilisent peu les outils de la propriété industrielle. Il ne

s'agit pas de favoriser le dépôt de titre mais de faire comprendre l'enjeu stratégique associé au dépôt d’un titre. Dans ces audits, la stratégie de l'entreprise au regard des enjeux de la PI est étudiée: utilisation ou non de

titres de propriété industrielle (usage du secret de fabrication, dépôt de titres, acquisition de droits d’usage, cession via des licences etc.

L’institut a aussi pour vocation de faire comprendre que la propriété industrielle doit être partie intégrante du “business model” de l'entreprise

innovante. Aujourd’hui, l’INPI, à travers ses 22 implantations territoriales, joue partiellement ce rôle d’accompagnement des entreprises, avec l’aide en particulier des conseils en propriété industrielle. Mais l’écosystème du

conseil en innovation et en propriété industrielle reste encore insuffisant. Et si le métier de Conseil en propriété industrielle est bien encadré, si la

formation est de grande qualité, l’accès des PME à ces sujets reste faible.

Enfin, L’INPI développe des outils d'intelligence économique. Les bases de

données PI donnent accès à une quantité très importante d'informations technologiques ou marketing. Les bases de données brevets, disponibles gratuitement sur le site de l’INPI, par exemple, contiennent 80% de la

technologie mondiale. Les bases de données sur les marques permettent de suivre les stratégies des entreprises dans ce domaine. Cependant, si les

données brutes sont effectivement facilement accessibles, l’utilisation quantitative et qualitative de ce grand volume d’information reste encore limitée à un petit nombre d’acteurs et le coût d’acquisition est élevé.

L’INPI a engagé, avec ses partenaires, un programme de développement d’une plateforme d’exploitation de ces données. Au-delà de la simple

analyse concurrentielle que permet cet outil, il devrait être un accélérateur efficace de la création d’un marché transparent de le propriété industrielle.

VI.4.2 Recommandations 26, 27, 28 et 29 (rôle futur de l’INPI)

Nous pouvons formuler ici des pistes de développement pour l’INPI à l’ère de l’immatériel.

R 26 : Demain plus qu’aujourd’hui, l’INPI pourrait être un acteur proactif des enjeux de la PI auprès des entreprises et notamment des plus petites. Ceci

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constituerait une quasi-révolution: cesser d’avoir une activité principalement

réactive face à des sollicitations d’entreprise pour devenir un acteur proactif de sensibilisation et de conseil.

R 27 : L’INPI pourrait aussi proposer à sa tutelle de devenir l’acteur référent en matière de protection de tout le capital immatériel de l’entreprise quelle que soit

la modalité applicable. Il pourrait dans ce cadre informer, former et conseiller les entreprises sur ces thèmes en apportant la compétence juridique ad-hoc. On

pourrait s’inquiéter qu’un établissement public fasse, sur ce point comme sur le précédent, concurrence à des opérateurs privés (conseils en PI, cabinet d’avocats…). Le faut-il ? Pôle Emploi ne supprime pas les conseils privés en

recrutement.

R28 : Dans un monde où, aux antipodes de la protection du savoir-faire, l’Open-Source se développe, l’INPI pourra aussi définir son positionnement et innover. En effet, des comportements désintéressés ou qui demeurent économiquement

intéressés peuvent être séduits par l’Open Source qui permet de créer un standard, ou d’œuvrer pour le bien commun. Mais comment se protéger contre la

récupération par un acteur commercial d’un bien offert à tous ou par l’usurpation de paternité ? Exemple : un acteur privé se fait passer pour l’inventeur d’un actif

diffusé en open source et en tire un avantage de référent simplement parce que les vrais géniteurs sont restés dans l’ombre. Ou bien: une entreprise rajoute une innovation à un corpus largement diffusé et défend un périmètre de protection

qui ne lui revient pas (c’est un peu le principe de la biopiraterie)

R 29 : L’INPI pourrait enfin se positionner compte tenu de sa vocation historique comme l’expert français en matière d’intelligence économique voir de guerre économique (méthodes, outils, formations, etc).

“Le contexte dans lequel la propriété intellectuelle opère dans le monde

contemporain est très différent de celui dans lequel elle est née. Ce nouvel environnement a complètement changé le rôle de la PI, à la fois dans l’économie, mais aussi dans la société. Cela implique également que nous changions notre

manière de voir et le rôle dévolu à la propriété intellectuelle” (F. Gurry, Directeur général de l’OMPI, Melbourne 2013) »

VII Rendre notre capital humain plus efficace

VII.1 Le capital humain, première richesse des nations

Le capital humain constitue la première richesse de l’entreprise. En effet, c’est le

capital humain qui crée la valeur ajoutée dans la quasi-totalité des situations et

qui de ce fait, crée la richesse.

A un instant « T », la valeur d’une entreprise se décompose certes en de

nombreux actifs : le capital client, la marque, le capital de savoir-faire et les

brevets, etc. Mais une analyse assez simple permet de mettre en évidence que

ces éléments sont issus du capital humain. Si une entreprise a une belle marque

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c’est grâce à ses équipes marketing. Si elle a de bons brevets c’est grâce à ses

ingénieurs. Si son capital client est de bonne qualité, c’est grâce à ses vendeurs.

Ainsi, le capital immatériel, c’est du capital humain transformé.

Il se trouve que deux tiers de la valeur des entreprises correspondent à de la

valeur immatérielle. C’est une façon d’exprimer tout le poids du capital humain

dans la réussite d’une entreprise.

Par extension, le capital humain est aussi un actif central de l’économie d’un

pays et de sa part immatérielle.

L’étude, précitée, de la banque mondiale le souligne très largement en indiquant

l’importance des investissements dans le domaine de l’éducation. Ainsi selon ce

rapport, l’augmentation de la scolarité d’une année dans un pays de l’OCDE

permet d’accroitre de 16 000 dollars la richesse par habitant. Le tableau ci-

dessous, extrait du même rapport, montre la relation entre le GNI (Gross

National Income – agrégat proche du PIB) par personne et le nombre d’année de

scolarisation par personne.

Fig 51: nombre d’années d’études et richesse par habitant et par pays

VII.2 Ce qui manque au capital humain en France

De très nombreux travaux, avis, essais sont publiés sur l’esprit français ou le

comportement des français. Ils émanent de journalistes, philosophes,

économistes, historiens, sociologues, politologues, etc.

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Les approches dans ce domaine sont tellement nombreuses, parfois subjectives

et souvent contradictoires qu’il est très difficile de se forger une opinion solide

sur ce qui fait le comportement français.

On dit souvent de nous que nous sommes pessimistes, arrogants, peu

travailleurs, indisciplinés, créatifs, etc…mais que peuvent valoir ces clichés ? Que

peut valoir l’opinion des chinois, des américains ou de tel intellectuel français à

notre égard ?

Pour traiter la présente partie avec un minimum d’objectivité nous sommes

repartis du modèle très simple de mesure extra financière de la valeur

professionnelle d’un salarié contenu dans la méthode Thésaurus-Bercy.

Cela ne couvre pas toutes les thématiques possibles mais le résultat de l’analyse

de révèle éclairant.

Selon ce modèle pour qu’un professionnel soit « bon » il lui faut :

Un cœur (des qualités humaines)

Une tête (des compétences)

Des jambes (de la motivation).

Nous sommes repartis de ce modèle et l’avons un peu développé.

Au sujet de la motivation au travail, nous traitons de la productivité

française.

Au sujet des compétences nous nous sommes intéressés à la performance de

notre système éducatif d’une part mais, d’autre part, nous avons également

sondé les compétences des français dans le domaine de l’économie puisque c’est

le cœur de la thématique que nous entendons rendre plus performante.

Au sujet des qualités humaines nous avons procédé à des recherches dans un

domaine intrapersonnel: l’humeur et dans un domaine interpersonnel: la capacité

à « jouer collectif ». Ces deux qualités si elles sont largement répandues dans la

population créent une nation apte à avancer, à prendre des risques et à

surmonter les difficultés de façon plutôt harmonieuse c’est-à-dire sans grosses

tensions internes.

VII.2.1 Les jambes

C’est peut-être dans ce domaine que nous avons le moins de problèmes à

résoudre.

Certes la loi sur les 35 heures n’a rien arrangé dans le domaine de notre coût du

travail horaire puisque nous avons, en passant de 39 à 35 heures réduit le

dénominateur du rapport salaire/nombre d’heures de 4/39èmes c’est-à-dire de

10,2 % soit une augmentation brutale du coût du travail de 11,4 %. Certes à

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l’occasion de la mise en place de l’ARTT (Aménagement et Réduction du Temps

de travail) des négociations ont eu lieu au sein des branches et dans les

entreprises pour accroitre, en contrepartie, la flexibilité du travail. Toutefois,

dans une économie de services comme la nôtre où le chiffre d’affaires correspond

à des heures de prestations, l’impact de la flexibilité a été limité.

Il en résulte un handicap: le coût horaire du travail est l’un des plus élevé

d’Europe. Comme le montre la figure 38.

Le schéma ci-dessous procède à la comparaison entre la France et l’Allemagne

dans ce domaine. Comme on le voit le coût horaire du travail est inférieur en

Allemagne sauf dans le domaine automobile.

Fig 52 : le coût horaire du travail par secteur en France et en Allemagne (source : rapport

annuel CESE 2013 sur l’Etat de la France)

Cependant notre pays compense assez bien ce déficit de coût horaire car il se

montre très productif. La productivité française (quantité produite par heure) est

connue pour être élevée et il en résulte que le coût salarial par unité produite

(qui prend en compte à la fois le coût horaire et la productivité) est bon en

France comme le montre ce second graphique issu du même rapport.

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Fig 53 : le coût salarial par unité produite (Rapport CESE 2013 sur l’Etat de la France)

Comme nous l’avons déjà souligné dans le chapitre sur la ré-industrialisation par

l’immatériel, il n’est pas satisfaisant de conclure de ces chiffres que le passage

aux 35 heures n’est pas un sujet important. En effet, ce n’est pas parce que

notre Coût Salarial par Unité est bon comparé à nos concurrents que nous

sommes aptes à rivaliser avec les pays émergeants car avec eux, l’écart de Coût

Salarial par Unité demeure énorme.

En outre, si notre compétitivité hors prix n’est pas bonne, nous ne pouvons

même pas nous rattraper sur le prix.

Ce constat ne fait que renforcer les conclusions des chapitres sur la ré-

industrialisation par l’immatériel et sur la bonification de notre capital de savoir.

Car nous sommes à l’évidence en France avec un coût par unité produite trop

élevé pour lutter avec les pays en développement et avec une compétitivité hors

prix (avantage compétitif des produits eux-mêmes indépendamment de leur coût

qui est globalement moins bonne que pour nombre de nos compétiteurs (USA,

Allemagne, Suède, Danemark…).

Convenons cependant ici que notre efficacité au travail ne présente pas

de carence insurmontable

VII.2 La tête

La France investit beaucoup dans son système éducatif mais ses résultats en la

matière ne sont pas excellents.

Le programme PISA (acronyme pour « Programme for International Student

Assessment » en anglais, et pour « Programme international pour le suivi des

acquis des élèves » en français) est un ensemble d’études menées par l’OCDE

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visant à la mesure des performances des systèmes éducatifs des pays membres

et non membres. Leur publication est triennale. Le premier classement Pisa

remonte à 2000.

La France n’y figure qu’en position moyenne par rapport aux autres pays de

l’OCDE loin derrière la Finlande.

Pourtant, la France est l’un des pays qui investit beaucoup dans son éducation

avec 6,2% de son PIB en 2012 soit plus que la moyenne européenne.

Principalement financé par l’Etat, l’investissement par tête annuel est de 9100 $

(tous niveaux d’études confondus). Malgré cela, le système éducatif français a du

mal à s’adapter aux exigences de l’économie moderne, comme l’indiquent de

multiples rapports.

Le malaise des enseignants du secondaire y est probablement pour quelque

chose: la Cour des comptes a mis en évidence un désintérêt croissant pour ce

métier: en 2011 et en 2012 plus de 20 % des postes au concours du CAPES

externe n’ont pas pu être pourvus dans six disciplines, dont l’anglais et les

mathématiques.

Le résultat est préoccupant: le taux de jeunes de 15 à 19 ans scolarisés est

passé de 89 % en 1995 à 84 % en 2010 selon l’OCDE80 et nous avons en France

17% d’une classe d’âge sans diplôme, ce qui n’est pas bon.

En ce qui concerne l’enseignement supérieur, les chiffres révèlent également des

paradoxes : la dépense par étudiant est en France de 14 100 $ contre 12 900 $

pour la moyenne européenne et l’accès à l’enseignement supérieur présente des

chiffres encourageants. En effet, 43 % des 25-34 ans en 2009 ont atteint ce

niveau d’études en France (ce qui est plus que la Suède, les États-Unis et

l’Allemagne qui font 42%, 41% et 26 % respectivement).

Cependant, l’enseignement supérieur français souffre d’un taux d’échecs encore

trop important (très variable d’une université à l’autre mais supérieur en

moyenne des autres pays de l’OCDE) et reste un vecteur d’inégalités sociales. En

effet, ces échecs touchent particulièrement les étudiants des milieux défavorisés

ou issus des parcours technologiques81.

La question cruciale du financement de l’université en France est également très

souvent pointée du doigt et à juste titre. Le manque de moyens constatés dans

de nombreuses universités françaises est si évident qu’il ne mérite pas ici une

longue analyse chiffrée.

Nous devons certes rester en alerte car ces réalités sont préoccupantes. Mais

elles ne constituent en rien des éléments suffisants pour sombrer dans la

sinistrose au sujet de notre système éducatif.

80

OCDE : Regard sur l’éducation 2012 : les indicateurs de l’OCDE, édition 2012 81

Voir aussi Jean Gadrey : En finir avec les inégalités, Mango, 2006.

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124

Nous avons un système performant et surtout l’un des moins chers au monde

pour les élèves et étudiants.

En aucun cas le fameux classement de Shanghai ne peut constituer à lui seul un

repère pertinent pour juger de la performance de nos Universités.

Ce classement donne à notre pays une leçon d’humilité et c’est une bonne chose

car cela permet de se remettre en question et de grandir mais un peu de recul

est cependant souhaitable. Ce classement se base beaucoup sur le nombre de

publications produites par les universités mondiales. Il en retient 500 sur 17 000

et seulement 20 universités et écoles françaises y figurent. Notons ici que la

France emploie un nombre très important de chercheurs en dehors de

l’université: au CNRS (premier producteur mondial de publications), à l’INRA, à

l’INSERM, a l’Ifremer, etc. Autant de publications académiques qui ne sortent

pas à l’université. L’école polytechnique pointe en 2013 à la 239ème place. Qui

peut en déduire que ce n’est pas une excellente école d’ingénieurs au niveau

mondial ? Si tel n’est pas le cas, que dire des autres écoles françaises et de la

qualité des ingénieurs français ? Notons que d’autres classements existent. Le

Financial Times, par exemple, classe HEC en tête des écoles de management et

l’ESCP-EAP en seconde position.

A en juger par les prix Nobel et médailles Fields collectées par des chercheurs

français, par la performance des entreprises du CAC 40, par les succès mondiaux

comme Airbus, le TGV ou Ariane, nous pouvons plus que vraisemblablement

conclure ici deux choses :

1- Il existe une excellence française en matière d’éducation et le niveau de

nos élites se situe au meilleur niveau mondial

2- Notre système souffre d’un manque d’efficacité et d’adaptation à la

diversité des profils d’élèves notamment dans le primaire et le secondaire.

Il semble donc que, si le rapport « élites/population » est bon, le rapport

« individus mal formés ou pas formés/population » ne le soit pas.

Nous concluons donc ici que «la tête» est globalement bonne même si la

situation présente de forts contrastes.

Il y a toutefois un domaine où la compétence des français doit progresser. Ce

n’est pas un problème de niveau général c’est une question de thématique: les

français sont « nuls » en économie.

Ainsi selon une étude publiée par La Finance pour tous en partenariat avec

l’Autorité des Marchés Financiers82 :

82

Régis Bigot, Patricia Croutte, Jörg Muller : La culture financière des français, rapport Crédoc à la demande de la finance pour tous et l’AMF, Octobre 2011

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125

50 % des français ne savent pas faire de calculs simples avec un taux

d’intérêt (savoir que 100 euros placés à 2 % rapportent 102 euros au bout

d’un an),

25 % seulement savent ce qu’est une obligation,

50 % de connaissent pas le sens du mot dividende.

En outre, pour nos concitoyens, les entreprises emploient surtout des CDD ou

des intérimaires alors que le taux de ces salariés ne dépasse pas 10 %83.

Il est étonnant d’apprendre également qu’en France 33 % des individus se disent

prêts à quitter l’économie de marché contre 3 % en Chine84 … Selon le Prix Nobel

d’économie, Edmund Phelps, la France perd un point de croissance à cause de

son déficit de culture économique. Ceci peut se comprendre: comment un peuple

peut-il exceller dans un domaine dont il doute ?

Le Français doit à l’évidence progresser dans ce domaine. Il doit également

cesser de considérer l’entreprise comme un monde horrible où s’opposent les

« méchants patrons » et les « pauvres salariés », les exploiteurs et les exploités.

Rappelons que le salaire moyen d’un patron de PME en France est de l’ordre de

50 K€85.

Dans la bonification du capital humain français, la mise en place d’un vaste

programme d’acculturation économique et financière doit figurer en bonne place.

VII.2 Le cœur

C’est à ce niveau que nous devons très fortement progresser. Deux

défauts français sont très largement révélés par de multiples travaux mais nous

n’en sortons pas.

En premier lieu les français sont les champions du pessimisme. C’est ce que

révèle une enquête réalisée par IPSOS/CGI/Publicis en Avril 201386 auprès de

6198 personnes et dont un échantillon de résultat est présenté ci-dessous.

Nul besoin de grandes analyses pour conclure: nous serions plus performants si

nous étions moins anxieux. Il y a là un chantier prioritaire à ouvrir car nous

sommes culturellement habitués à nous présenter les uns aux autres des visions

négatives du monde. Les médias ne sont que le reflet de nos comportements et

attentes, ils amplifient et propagent une sorte de « principe de pessimisme » qui

est durablement ancré dans notre culture.

83

Jean Michel Fourgous (député UMP) : Les Français et l’économie : "je t’aime moi non plus" ! , le Cercle les Echos 2011. 84

Ibid. 85

Alan Fustec, Dominique Sappey-Marinier : Manager la Génération Y, Editions d’Organisation, 2011. 86

La crise vue par les Européens, La France Championne du pessimisme, Le Monde 06/05/2013

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126

Il est assez peu probable que les français présentent à grande échelle un déficit

du métabolisme de la sérotonine (neuromédiateur de la bonne humeur).

D’ailleurs si c’était le cas, si leur pessimisme était « génétique » ils ne feraient

pas autant d’enfants. Nous avançons donc ici une hypothèse: le syndrome est

acquis et non inné. Il ne tiendrait donc qu’à nous d’en sortir collectivement.

fig

fig 54 : La sinistrose des Français85

fig 55 : Vision de l’avenir par pays (Ipsos/CGI)

Nous insistons en second lieu sur un autre défaut très français, régulièrement

mesuré et probablement corrélé au pessimisme: nous sommes une nation très

individualiste qui a mal à son « vivre ensemble ». Selon une étude du Crédoc, en

2013, 84 % des français ont le sentiment de vivre dans une société désunie où la

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cohésion sociale est fragile voire inexistante. Cette étude87 indique également

que selon les sondés, c’est l’individualisme qui explique pour l’essentiel cette

situation. Les discriminations n’arrivent qu’en seconde position après le « chacun

pour soi ».

Fig 56 : les freins à la cohésion sociale selon les Français (Crédoc)

Si nous associons le déficit de culture économique, le pessimisme et

l’individualisme, le cocktail devient détonnant et provoque un mal bien

français fait d’oppositions, de tensions, de déchirements et de blocages.

Conséquences: notre pays ne sait pas se réformer parce que notre capital

humain est rigide. A force de voir dans l’autre un ennemi (le patron, le

syndicaliste, le fonctionnaire, le dirigeant politique), nous consommons en pure

perte des quantités incalculables d’énergie humaine et nous faisons du « sur

place ».

Un indicateur ? Notre pays est « très bien placé » en Europe par le nombre de

jours de grève par salarié. Sur la période 2005-2008 nous arrivons en seconde

position en Europe après le Danemark88.

VII.4 Recommandations 30, 31, 32, 33

Nous l’avons compris, nous ne ferons pas de la France un leader de l’immatériel

sans en faire un leader en matière de capital humain.

Dans ce cadre et par ordre de priorité, nous recommandons que l’Etat engage :

R30 : Un programme national de sensibilisation, éducation, formation de la

population à l’école, à l’université dans les médias sur les vertus d’un vrai « vivre

87

Sandra Hoibian : Les français en quête de lien social, rapport du Crédoc à la demande de la Direction Générale de la Cohésion Sociale, 2013 88

http://www.atlantico.fr/decryptage/france-est-elle-vraiment-championne-monde-greves-reponse-en-chiffres-

dominique-andolfatto-526723.html#RLArjhJWkTSB6oOu.99

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128

ensemble » et non d’un « vivre les uns à côté des autres ». Il faudrait que ce

programme présente les bonnes pratiques d’autres pays, pointe en la matière

nos nombreux points faibles. Il s’agit d’un programme de longue haleine qui

prendra au moins une génération. Ce programme pourrait comprendre :

o une analyse des facteurs de l’individualisme et de la raison de son

importance dans notre culture,

o une analyse comparée des différents pays en matière de cohésion

sociale et de solidarité,

o une analyse chiffrée des coûts du déficit de cohésion sociale en France,

o une promotion des acteurs de l’économie sociale et solidaire français et

de leurs succès,

o une analyse de l’efficacité du service public avec ses réalisations

remarquables mais aussi ses lacunes,

o …

R31: Un vaste programme de même nature pour réconcilier nos concitoyens

avec l’économie et l’entreprise. Celui-ci pourrait être adossé à un invariant

d’économie politique commun à la droite et à la gauche française dans lequel :

o On explique simplement le processus de création de richesse,

o L’entreprise est réhabilitée définitivement et qu’on cesse de la montrer

comme une machine à broyer des vies (simplement parce que c’est

faux),

o Le capitalisme responsable est promu aussi, par voie de conséquence

(laisser croire qu’un actionnaire est une sorte de nuisible qui s’enrichit

en dormant est contre-productif car sans les actionnaires qui risquent

leur épargne, il n’y a pas d’entreprise et pas d’emplois),

o Le concept de RSE (responsabilité sociétale de l’entreprise) est

clairement présenté comme la voie à suivre,

o On tord le cou une fois pour toute au concept de lutte des classes qui

ne veut plus rien dire au 21ème siècle,

o On condamne l’ultralibéralisme et la main invisible pour deux raisons:

la France n’y a jamais cru et en outre, ce concept est plus que

vraisemblablement erroné.

o La folie de la finance de marché est expliquée et condamnée sans

détour.

o ….

Cet invariant d’économie politique n’est ni de droite ni de gauche, tout au moins

pas au sens français du terme. Il pourrait donc faire l’objet d’un consensus et

d’un déploiement.

Dans ce cadre, il serait souhaitable de rendre obligatoire les cours d’économie

dans les entreprises pour les délégués du personnel et les membres de CE ainsi

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129

que dans les écoles de journalisme car seuls 10 % des journalistes ont des

compétences en économie89

Nos concitoyens vivront mieux dans des entreprises qu’ils comprennent mieux

avec des dirigeants qu’ils comprennent mieux. Notre économie ira mieux si les

salariés y croient davantage.

R32 : Un programme national, en troisième lieu, destiné à apprendre dès le plus

jeune âge comment fonctionne notre cerveau émotionnel et les voies et moyens

de gérer la puissance de nos émotions. Les neurosciences du comportement ont

fait au cours de la dernière décennie des progrès fulgurants. La mise en œuvre

de techniques simples de gestion mentale qui découlent de ces découvertes

permet de mieux réguler son humeur. Nos voisins britanniques dont on vante le

flegme n’ont vraisemblablement pas d’avantage sur les français en matière de

biologie du cerveau. Ils ont en revanche, de façon très empirique depuis des

siècles, développé une culture de la maîtrise de soi: c’est le fameux Keep a Stiff

Upper Lip (garde la lèvre supérieure immobile, ne montre pas ton émotion) cher

à nos voisins d’outre-manche. Nous gagnerions grandement à développer des

techniques qui réduisent à grande échelle le risque de sinistrose car il est pour le

moins surprenant en 2013 que les espagnols aient plus le moral que les français.

R33 : Enfin un train de mesures pour que le capital immatériel acquière ses

lettres de noblesses au sein des sciences économiques françaises et vienne

enrichir les facteurs de différenciation de l’école française d’économie, serait une

bonne chose. Il faudrait, par voie de conséquence, que cette discipline soit

enseignée partout dans les écoles de management, d’ingénieur et les universités

de sciences économiques et de gestion françaises.

Proposons-le ici avec un brin de solennité: Nous avons besoin d’une

psychothérapie collective visant à lutter contre notre anxiété, mère de

notre individualisme (on n’a pas les moyens de s’occuper des autres

quand on craint de manquer pour soi) et de notre pessimisme (peur de

l’avenir).

VIII Simplifier notre capital d’organisation et faire de

notre secteur public un leader de l’immatériel

Nous posons ici, sans présenter une analyse détaillée du sujet, que la France à

de bons services publics, que sa sécurité est globalement bonne, que la justice y

est globalement bien rendue, que ses services administratifs sont satisfaisants,

etc. Ceci résulte d’une comparaison rapide avec d’autres pays. Il y a certes dans

ce domaine des problèmes sérieux, des carences, des défauts et des dérives

89

Yona Hellaoua, Spécialiste et pédagogue : le défi du journaliste économique, les echos 11/10/2010 http://lecercle.lesechos.fr/economie-societe/journees-de-leco/221131819/specialiste-et-pedagogue-le-defi-du-journaliste-economique

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130

mais, à nos yeux, le problème majeur de la France ne réside pas tant dans la

qualité de ses services publics que dans leur complexité organisationnelle et leur

coût.

VIII.1 Un pays musclé mais obèse

VIII.1.1 Poids de la fonction publique et poids de la dette

Notre pays traine des lourdeurs qui l’empêchent d’exceller alors qu’il a tant de

potentiel.

Il est un débat récurrent en France sur le poids de la fonction publique.

La dépense publique française qui s’établit à 56 % du PIB demeure très

importante et nous place en tête des pays du G8 et, en Europe, en seconde

position après le Danemark.

Ce poids de la sphère publique dans notre économie est malheureusement à peu

près constant depuis longtemps (nous étions déjà à 54,9 % en 1994)90.

Fig 57 : Part de la dépense publique dans le PIB (Europstat)

Notre pays présente, en outre, un poids de la dette publique important qui

s’établit en 2013 à plus de 90 % du PIB.

90 Moins de dépenses publiques pour davantage de croissance, d'emplois et de liberté, Yves Cannac - Mars

1996 – Institut de l’entreprise.

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131

VIII.1.2 Pléthore de structures et redondances de

missions

Notre analyse - qui n’a rien d’original - conduit à conclure que la France souffre

de deux défauts majeurs dans ce domaine: il y a pléthore de structures et, pris

séparément, leurs budgets peuvent être pléthoriques de surcroît.

Illustrons ici, rapidement, ces 2 réalités :

Le trop grand nombre et la redondance des structures est particulièrement

visible depuis la décentralisation: les services publics délégués par l’Etat aux

régions (processus enclenché par Gaston Deferre à partir de 1982) n’ont

nullement entrainé de disparition des effectifs ministériels alors que ceux-ci

auraient dû fondre. La conséquence est qu’entre 1981 et 2006 le nombre total de

fonctionnaires (centraux et territoriaux) a augmenté d’un million. Pour ce qui est

des dépenses des administrations publiques, la cour des comptes pointe dans un

rapport91 qu’entre 1981 et 2008, elles avaient été multipliées par plus de

5 au niveau local, et par 3 au niveau de l’Etat.

Dans son rapport de Juillet 201392, la cour des comptes souligne d’ailleurs

l’existence de doublons entre l’administration locale et l’administration centrale.

Elle mentionne également la présence d’incohérences dans l’organisation locale

des services de l’Etat. Elle recommande de profonde réforme sur ce point. Citons,

par exemple, les redondances entre les DIRECCTE93, DRFiP, les Commissaires au

Redressement Productif et la BPI. De même, la production de notes de

conjoncture économique se fait à l’INSEE, à la Banque de France, à la DRFiP:

quel intérêt ? En outre, la DGDDI, la DGFiP et la DGCCRF94 assurent des

prestations dont certaines sont similaires. La Cour dénonce également une

articulation défectueuse entre les services déconcentrés et les services régionaux

des agences nationales, par exemple entre l’ADEME, la DREAL et la DDT95. Ces

exemples sont légion.

VIII.1.3 Mauvaise gestion des effectifs

Dans certaines régions peu attractives, comme la région Champagne-Ardennes

les postes prévus ne sont pas tous pourvus, l'écart à l’objectif pouvant atteindre

10 %. À l'inverse, la Cour chiffre à 22 millions le coût des sureffectifs en Rhône-

Alpes.

91

La conduite par l’état de la décentralisation : Rapport de la cours des comptes - 2009 92

La Cour des comptes : L’organisation territoriale de l’Etat, Juillet 2013 93

DIRECCTE Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l'Emploi, DRFiP : Direction Régionale des Finances Publiques, 94

DGCCRF : Direction Générale du Contrôle de la Concurrence et de la Répression des Fraudes, DGDDI : Direction Générale des Douanes et Droits Indirects. 95

ADEME : Agence de l’Environnement et de la Maitrise des Energies, DREAL : Directions Régionales de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement, DDT : Direction Départementale du Territoire

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132

Par ailleurs, d’autres fonctions de l’Etat souffrent d’une répartition uniforme des

services sur tout le territoire, qui ne prend pas en compte les différences sociales

économiques et urbaines locales. Ainsi, par exemple, la carte des postes

comptables coïncide avec celle des communes, le nombre de tribunaux de

commerce n’est pas en adéquation avec l’activité économique, la présence de

l’INSEE sur certains territoires non plus, etc.

VIII.1.4 Une carte administrative foisonnante,

enchevêtrée et dépassée

Notons enfin le millefeuille administratif Français actuel: 36 000 communes dans

notre pays (contre 12 000 en Allemagne et 8 000 en Italie) 18 000 structures

intercommunales, 100 départements et 25 régions …

VIII.1.5 Réformer oui, mais avec discernement

Face à ce constat, la sensibilité libérale lorsqu’elle s’exprime chez nous pousse

sans cesse à moins d’Etat et à moins de fonction publique. La volonté collective

de bonne gestion, qui n’est pas marquée politiquement, se traduit régulièrement

par des tentatives de compression des dépenses.

La voie du capital immatériel offre une troisième option qui, à nos yeux permet

un discernement supérieur et des décisions plus pertinentes pour deux raisons:

On peut débattre à l’infini du fait que certaines activités économiques (santé,

éducation, gestion de l’eau, etc) doivent appartenir au secteur privé ou public.

Nous n’entrerons pas ici dans ce débat qui ne traite pas de l’efficacité de

l’ensemble des prestations apportées au public quelles que soient leur origine.

L’exigence de rentabilité du secteur marchand est certes un gage partiel

d’efficacité. Elle évite la gabegie. Mais cette exigence ne garantit en rien un

service de qualité pour tous. Il est, par ailleurs, très gênant de tenir pour

définitivement acquis le fait que le service public soit moins efficace que le

secteur privé. C’est vexant pour les fonctionnaires.

La question de la valeur produite par le service public au sens large est donc

essentielle. Et l’objectif que cette valeur soit optimale est central. Il se trouve

que l’approche proposée par le capital immatériel permet de traiter ce point.

La seconde raison tient au fait que sans un système fiable de mesure de la

valeur créée, face à une dérive des dépenses, le processus de contrôle passe

par la recherche d’économies, par des restrictions voire des coupes sombres

plus ou moins pertinentes. Il serait préférable d’accroitre l’efficacité et en

parallèle de réduire les dépenses.

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133

VIII.2 Retour sur l’esprit Français.

La section précédente pouvait être courte car elle apporte peu au débat: ces

points sont connus, ressassés au travers de multiples rapports produits par les

organisations françaises les plus sérieuses.

Cependant, au mieux, les choses changent lentement et au pire, elles ne

changent pas. Ceci nous ramène au chapitre précédent: la France, terre fertile

d’expression de l’anxiété, qui génère le chacun pour soi et la résistance au

changement, doit faire évoluer son état d’esprit pour pouvoir se réformer.

Ainsi, au cœur de la valeur immatérielle de la France se trouve ….l’humeur ou

encore l’état d’esprit de nos compatriotes. Le chantier de la section qui précède

est probablement le chantier le plus important de ce rapport mais aussi le plus

difficile et le plus long.

Il n’est pas souhaitable – c’est évident – d’attendre qu’un tel programme à long

terme porte ses fruits pour engager une réforme de notre organisation et une

promotion de la valeur immatérielle dans la sphère publique. Toutefois, les

réformes difficiles à conduire dans ce domaine seront de plus en plus faciles dès

lors que la psychothérapie française aura commencé à produire des effets.

VIII.3 Définir un système public de management par la

valeur.

VIII.3.1 Pour les structures publiques spécialisées

Nous avons vu dans la seconde partie de ce rapport (partie II Chapitre III) qu’il

existait une méthode permettant de calculer la valeur d’organisation à but non

lucratif. Rappelons ici que le principe est de constater l’existence d’équivalents

cash-flows (ECF) à l’extérieur des frontières de l’organisation, ce qui permet

ensuite d’utiliser des formules applicables aux entreprises. Ces ECF sont souvent

constitués de coûts évités: il vaut mieux rendre tel ou tel service public que de

ne pas le rendre parce que cela coûte moins cher à la collectivité. La différence

est un ECF.

Dès lors, pour les organisations non marchandes (pour toutes les collectivités,

notamment) la mesure du capital immatériel s’applique exactement comme pour

une entreprise. Un capital immatériel élevé constitue une forte capacité à

générer des ECF et à produire de la valeur partagée au sens de Mickael Porter

(voir Partie II à la fin du chapitre III).

Pour faire comprendre ici le principe en question, prenons l’exemple d’un hôpital.

Les CHU sont régulièrement montrés du doigt pour leur niveau d’endettement

(leur dette a triplé en 10 ans et atteint des niveaux alarmants), le nombre très

élevé de leurs employés, la qualité parfois critiquée de leurs soins, etc.

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134

Le management par la valeur immatérielle proposé ici consisterait à :

Evaluer plusieurs scénarios pour un hôpital théorique de référence.

1. Coût des pathologies qui sont actuellement soignées à l’hôpital si l’hôpital

n’existait pas. Ce volet de l’étude présenterait le coût des pathologies pour la

société civiles si un système de soin très rustique existait en lieu et place de

l’hôpital (exemple, volume d’actes actuel divisé par 100). Il faudrait pour cela

calculer le coût des arrêts de travail en plus par rapport à la situation actuelle,

des pertes de compétences dans les entreprises, des défaillances

d’entreprises, des naufrages familiaux et leurs cortèges d’effets sociaux

coûteux tel que le chômage, la délinquance, etc.

2. Ce calcul serait ensuite refait avec un volume divisé par 10, 5 et 2 par rapport

à aujourd’hui.

3. Un bilan économique serait alors produit par scénario :

a. rapport coût pour la société civile de l’option 1 et du volume de soins 1

b. de l’option 2 et de la solution 2 (10 fois moins de soins)

c. de l’option 3 et de la solution 3 (5 fois moins de soins)

d. de l’option 4 et de la solution 4 (2 fois moins de soin)

Ces calculs seraient réalisés au coût actuel moyen des soins. Ils feraient

apparaitre des bilans économiques (bénéfices/coûts) plus ou moins

favorables et seraient de nature à mettre en évidence un optimum

économique correspondant à une valeur économique collective (mais pas

individuelle) optimale ne faisant entrer en jeu aucune considération

éthique ou humaniste. Cet optimum économique est atteint lorsque le

rapport coût/bénéfice précité est le plus élevé.

Le calcul serait ensuite refait avec des hypothèses plus altruistes :

augmentation des coûts et des individus soignés mais dégradation de

l’optimum économique. Dans ces scénarios, l’optimum économique se voit

dégradé pour soigner des patients « non rentables » du point de vue

sociétal en augmentant les prélèvements sur la collectivité sans fixer de

maximum aux prélèvements.

Un équilibre économico-humaniste est obtenu quand le rapport précité est

nul: on augmente le coût des soins jusqu’à ce qu’il consomme les coûts

sociétaux évités par les soins.

Le scénario le plus altruiste correspondant à faire tout ce qui est possible

en faveur de la santé quel que soit le coût, donne au rapport sa valeur

minimale.

4. Sur la base de la solution économique optimale, des scénarios de production

de soins à un prix minimal seraient ensuite étudiés en recherchant des

optimisations de performance du capital humain, de l’organisation, des

systèmes d’information, des partenaires de l’hôpital.

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135

Ces scénarios de performance permettraient d’augmenter les bénéfices

individuels (amélioration du numérateur) à bilan constant (rapport

bénéfice/coût correspondant à l’optimum économique collectif, constant).

Le but ultime étant bien sûr ici d’obtenir le niveau de soin le plus élevé (celui

du scénario altruiste avec un bilan économique correspondant à l’équilibre

économico-humaniste

Cette approche consiste à poser les règles (de bon sens français) suivantes :

1 – l’idée selon laquelle la santé n’a pas de prix est un non-sens qui ne peut que

produire à terme des effets contraire au but recherché qui est de soigner au

mieux le plus grand nombre dans une logique d’accès aux mêmes soins pour

tous, indépendamment des conditions de revenus.

2 – un service public doit délivrer le maximum de valeur immatérielle pour un

coût donné.

3 – la collectivité doit définir un niveau de contribution optimal pour la gestion

des soins de santé qui n’est pas extensible à l’infini.

Une fois ce modèle établi, un travail à forte valeur ajoutée pourrait être produit

pour le secteur hospitalier Français qui permettrait de mettre en perspective:

Ses coûts

Ses dettes

Ses prestations

Il en résulterait que les hôpitaux dont la production de valeur au regard du coût

est trop faibles feraient l’objet de plan de progrès prioritaires. Cette approche

nous semble plus pertinente que de chercher seulement « à faire des

économies »

VIII.3.2 Pour les collectivités territoriales

Ici aussi, la mise en place d’un management par la valeur est possible dès

demain. Il consisterait à comparer à l’échelle de chaque territoire :

La variation de valeur immatérielle en fonction des options de politiques

territoriales retenues (voir méthode au chapitre V partie II)

Le coût de gestion de la politique publique correspondante

(fonctionnement + amortissements)

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136

VIII.3.3 Retour sur l’esprit Français et exigence

pédagogique

Nous observons au sein de la population salariée du secteur public, mais aussi du

secteur de l’économie sociale et solidaire une sorte d’aversion pour les

raisonnements précités.

La peur de la marchandisation du monde fait souvent, dans ces populations,

rejeter en bloc toute approche économique où sont comparés des coûts et des

bénéfices. Les réactions à ces approches sont d’ailleurs souvent indignées et

violentes. Dans ces milieux, tout le raisonnement qui précède destiné à accroître

l’efficience du secteur hospitalier, serait fortement contesté et la seule présence

d’un calcul économique faisant figurer côte-à-côte des coûts et des gains suffirait

à qualifier les auteurs d’esprits cyniques dépourvus de sensibilité humaine.

Ici aussi la pédagogie est donc un préalable à la réforme:

Il ne peut y avoir de service public performant dans une économie pauvre

(regardons ce qui se passe dans les pays les plus pauvres du globe)

Une économie qui creuse ses déficits et dépense sans discernement, finit

par s’effondrer (ce ne sont malheureusement pas les exemples qui

manquent).

Rien n’empêche à une activité mue par les valeurs les plus nobles de

sombrer dans la mauvaise gestion et de gaspiller. Les activités

marchandes n’ont nullement le monopole de la mauvaise gestion (voir plus

bas la carte des municipalités surendettées qui constitue une catastrophe

économique pour notre pays – le mot n’est pas trop fort).

Si une activité de service public est rendue à un coût exorbitant, elle ne

rend pas service au public très longtemps. Le niveau alarmant de notre

dette publique résulte d’un déficit d’efficience collective majeur et ancien,

il met en danger l’ensemble de nos services publics futurs.

Si une activité de service public est rendue à un coût exorbitant, les

salariés qui en ont la charge ne peuvent se prévaloir des valeurs qu’ils

défendent puisque ceux qu’ils servent pourraient trouver ailleurs un

service équivalent moins coûteux et donc plus durable.

La seule volonté des acteurs publics et de l’ESS de se positionner comme

des acteurs vertueux soucieux du bien commun et non mus par des forces

cupides impose qu’ils s’assurent par des mesures appropriées de la valeur

globale de ce qu’ils font. Il n’y a aucun moyen de savoir, sinon, si on n’est

pas soi-même en situation de gaspillage.

Rappelons ici, de nouveau, ce qui a déjà été exposé au chapitre V de la partie II:

Le management par la création de valeur ou de richesse n’a ici rien à voir avec le

profit mais avec la production de services durables et à forte utilité sociale. Dans

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137

ce cadre, la production d’ECF ne peut être le seul critère de jugement. Il est

d’ailleurs souhaitable d’identifier deux types de prestations publiques :

Celles qui devraient être efficientes (ECF produits supérieurs aux coûts engagés)

et les autres. Sur les premières, en cas de déficit, une mesure corrective est

nécessaire et comme il y en a beaucoup, cela entrainerait une performance

économique globale de notre pays nettement accrue.

Celles qui ne peuvent être efficientes devraient faire l’objet d’un classement sur

une échelle conventionnelle d’utilité sociale validée collectivement (financer un

centre de soin est prioritaire par rapport au financement d’une salle des fêtes).

En fonction des ressources disponibles nous pourrions alors définir celles que

nous finançons.

VIII.4 Recommandations 34, 35 et 36

En guise de conclusion, nous formulons trois nouvelles recommandations.

R34 : Engager un programme national de rationalisation des structures

publiques visant à une suppression des redondances et une allocation plus

pertinente des ressources

R35 : Instaurer dans toute la fonction publique un système de management par

la création de valeur immatérielle.

R36 : Convertir l’APIE en Agence pour la Performance Immatérielle de l’Etat

chargée de sa mission actuelle d’une part mais qui se verrait confier en outre un

mandat de produire puis de déployer dans toute la fonction publique française,

territoriale et nationale des systèmes de management par la création de valeur

immatérielle.

IX Faire de la marque France une marque leader au

niveau mondial

IX.1 Un peu d’humour pour faire comprendre ce qu’est

une marque

27 Septembre 1913. Foire Agricole à Abilène (Kansas). Les organisateurs ont

lancé quelques mois plus tôt l’idée originale d’un concours d’esthétique qui

remporte un vif succès: le prix de la plus belle marque gravée au fer rouge sur le

cuir d’une vache. Le prix sera accordé par un vote du public.

C’est Denise une superbe vache du ranch Graham Parterson qui l’emporte. Le

jury est unanime, c’est la plus belle marque !

Qu’a-t-il fallu pour gagner ce concours ? De multiples éléments :

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138

- un fer portant la marque du ranch bien ciselée au bout d’un long manche,

- un cow boy expert de l’exercice, sachant chauffer correctement le fer puis le presser contre la peau de l’animal pendant un temps optimal,

- un couloir de contention où l’animal a été placé par ces personnes afin d’éviter qu’il rue, qu’il bouge ou qu’il s’enfuit,

- un groupe d’autres gaillards dont le rôle était de tenir l’animal immobile

pendant l’opération, - un feu à la bonne température et de taille suffisante pour porter le fer à

l’incandescence, - une vache dont le cuir réagisse au mieux à cette impression

traumatisante.

- le public qui fait office de jury.

Cette petite parabole nous en dit beaucoup sur la notion de marque et de valeur

de la marque. Nous voyons d’abord qu’il y a deux marques : celle qui est au bout

du fer, et celle qui se retrouve gravée sur la peau de la vache. La première est

un moyen, la seconde, un résultat.

Nous voyons également que pour obtenir une belle « marque résultat » (ou

image de la marque) il faut :

- du capital matériel (le couloir de contention)

- du capital humain (les cow boys) - du capital de savoir (l’expert) - des moyens complémentaires (le feu)

- une cible (la vache) - une marque en tant que moyen (le fer)

- Des clients (ici le public) qui « achètent » la marque en votant pour elle. Il apparait ainsi que :

la notoriété: symbolisée ici par le public puisque la marque est connue

par beaucoup de monde, par tous ceux qui vont voter,

et

la réputation ou l’image: la marque vue comme « belle » (ayant une réputation positive, dans le cas d’une marque commerciale),

confèrent de la valeur à cette marque.

Mais nous voyons également que la marque gravée sur le cuir de la vache est la

résultante de la mise en œuvre de toute une série d’actifs (fer, feu, capital

humain, savoir-faire, organisation, etc). Ceci apporte un autre enseignement: la

marque est une résultante ou un concentré d’actifs matériels et immatériels.

Il serait donc illusoire de faire de la marque France une marque de tout premier

plan au niveau mondial si la France, elle-même, venait à être perçue

négativement sur certains aspects importants de son identité. En d’autres mots,

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139

si nous voulons améliorer la marque France, nous devons améliorer… la France

sous tous ses aspects.

IX.2 Quels sont les paramètres qui influent sur la marque

France ?

Si la marque France est un concentré de France voici les paramètres de sa

réputation, de son image :

Il y a tout d’abord ses actifs, ce dont la France dispose :

son capital naturel

son capital construit (villes, infrastructures, monuments….)

son histoire et sa culture

Son capital humain

Ses personnes morales (ses entreprises)

Ses investisseurs étrangers

Ses visiteurs

Son organisation

Son savoir faire

Ses partenaires étrangers

Ses dirigeants (ceux qui l’administrent)

Sa richesse financière

Et puis il y a aussi ce qu’elle fait ou obtient.

Ses décisions politiques sur la scène internationale

Ses décisions militaires

Ses résultats sportifs

Ses résultats scientifiques (prix Nobel par exemple)

....

Il y a enfin son marketing international dont la vocation est de promouvoir les

atouts de la marque France, de maquiller les défauts et bien sûr de faire

connaître tout cela partout dans le monde au plus grand nombre possible

d’individus.

IX.3 Notre marque a-t-elle un triple A ?

Notre marque est le reflet de notre pays et de ses principales caractéristiques.

Avant d’évaluer la marque France, évaluons donc la France !

Nous venons de voir qu’il était aisé avec cette approche de lister les composants

de la valeur de la marque France. Comment peut-on estimer leur niveau ?

Le présent rapport a permis d’étudier les actifs immatériels de la France et, de ce

fait, nous pouvons nous risquer à une évaluation des constituants internes de la

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France. Le résultat est que sur une échelle scolaire de A (très bien) à E (très

insuffisant) la France obtient, selon nous un B (13/20)

Fig 58 : évaluation extra-financière de la marque France

Nous avons également procédé à une cotation de la France en fonction de 3

critères :

Deux d’entre eux sont issus du rapport 2012 du ministère de l’économie sur

l’attractivité de la France. Selon ce rapport :

La France est le second pays européen (sur 14 étudiés) pour les projets

d’implantation d’entreprises étrangères,

En ce qui concerne le montant des flux d’investissements étrangers la

France arrive en 3ème position dans l’échantillon derrière la Belgique et le

Royaume uni et en 9ème position mondiale devant l’Allemagne,

Pour 82 % des entreprises étrangères installées en France, le bilan de

cette installation est plutôt positif ou très positif.

Si on rajoute à cela le fait que la France est la première destination touristique

au monde, on peut être tenté de décerner à la marque France un A pour son

attractivité.

Ces deux évaluations montrent également que les auteurs du présent rapport,

comme leurs compatriotes ont peut-être tendance à juger un peu sévèrement

leur pays. Dès lors que l’appréciation n’est pas dans l’excès, un peu d’exigence

ne peut nuire.

Ces appréciations bien que fondées sur des éléments objectifs n’en restent pas

moins très contestables. Elles sont présentées ici non comme des vérités mais

comme matière à réflexion.

Nous formulons ici que la France mérite pour sa valorisation extra-financière un

B+. C’est une puissance économique importante mais qui doit accepter que de

nouveaux géants l’entourent. Ceux-ci peuvent être vus comme des menaces ou

comme des partenaires économiques. A opter pour la seconde option, on ne

parle pas de déclin mais de marchés à conquérir.

Dans ce cadre la France peut viser le A. C’est à sa portée même si elle doit, pour

ce faire, corriger des défauts dont certains sont sévères.

Actif immatériel Note/

20

Commentaires

Capital naturel et son climat 18 Variété des paysages et des climats et climat tempéré

Capital construit 15 Belles villes, belles infrastrutures mais pas de grand port

Histoire et sa culture 18 Très vieux pays à l'histoire riche, savoir vivre à la française, loisirs, cuisine…

Capital humain 12 Cultivé et créatif mais individualiste et anxieux

Personnes morales (ses entreprises) 11 place du CAC 40 dans le monde, mais pas assez d'ETI, Produits trop peu attractifs, pas assez d'emplois,...

Organisation 8 Lourdeurs, enchêtrement, complexité, coût

Capital de savoir 12 Publication et Brevets mais entreprises trop peu innovantes

Sa richesse financière 9 Poids de la dette

Moyenne 12,9

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141

IX.4 Comment développer la Marque France ?

Le projet de doter la France d’une stratégie de Marque est en cours (ministère du

redressement productif). Nous ne sommes donc plus très loin d’en disposer.

L’acte 1 de ce processus est presque terminé. La mise en œuvre sera lancée en

Janvier 2014.

Le rapport décrivant ce projet96 est très bien fait.

A quoi ce projet va-t-il servir ? A valoriser les forces du sous-jacent qui est ici un

pays alors que dans la plupart des cas c’est un produit ou une entreprise

(Danone, N°5). Valoriser le sous-jacent veut notamment dire :

Réfléchir au positionnement de la France dans le paysage mondial: en quoi

sommes-nous différents, en quoi ces différences sont-elles utiles à

l’humanité ?,

Réfléchir à la façon de présenter la France avec ce qui la caractérise et

avec ses atouts,

Concevoir la bonne façon de présenter la France sous son meilleur jour en

luttant contre les images erronées que l’on véhicule à son égard mais

également en minimisant ses points faibles, dans l’attente de leur

correction. Cette dernière idée ne vise pas à mentir car rien n’est pire

qu’une image qui manque de sincérité. Mais un peu de cosmétique n’est

pas interdit.

Définir les vecteurs et les acteurs chargés de véhiculer de façon efficace,

tant par les canaux physiques qu’électroniques, l’image de la France.

Définir aussi une stratégie fondée sur une promotion conjointe et

synergique de marques françaises prestigieuses afin que l’excellence

française soit « accrochée » à la marque France. Quelles sont ces

marques ? nous en avons déjà cité un certain nombre comme Necker ou la

Comédie Française. Rajoutons-y Météo-France, Insee, Centre Georges

Pompidou, Versailles, Tour Eiffel, etc.

Mesurer la prise de valeur de la marque France au travers des impacts de

sa promotion sur l’économie du pays.

IX.5 Recommandations 37 et 38

Deux recommandations clôturent ce chapitre.

R37: Accorder au projet « Marque France » proposé par le ministère du

redressement productif toute l’importance et tous les moyens qu’il mérite à long

terme (10 ans minimum).

96

20130628_rapport_marque_france.pdf téléchargeable sur le site du ministère du redressement productif.

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R38 : Avoir conscience que le projet « Marque France » n’est que le miroir de

l’immatériel de notre pays. Un projet « France immatérielle » doit donc

accompagner le projet marque France.

X Faire la distinction entre vraie et fausse création de

valeur notamment dans le secteur financier

X.1 Immatériel n’est pas synonyme de valeur

Depuis le début de ce rapport, immatériel rime avec richesse. Les arguments

développés montre bien sûr les deux facettes d’une même réalité: si l’immatériel

est en bon état, il permet la création de valeur mais pas dans le cas contraire.

Nul besoin d’approfondir: le badwill immatériel existe.

La marque Spanguero est devenue un badwill du jour au lendemain,

La molécule Médiator aussi,

Hitler fut un badwill pour son pays.

Il apparait ainsi qu’un actif immatériel peut se transformer en passif.

La finance mondiale est devenue un domaine très immatériel puisque tout est

dématérialisé y compris la monnaie qui est de nos jours (et depuis maintenant

environ 40 ans) composée d’octets sur des disques informatiques.

L’inflation fulgurante de la finance de marché et de la banque d’investissement a

montré ces dernières années qu’il pouvait y avoir une fausse création de valeur à

très grande échelle dans le monde immatériel qu’est la planète finance.

La crise financière de 2008/2009 en a été la manifestation la plus évidente et la

plus épouvantable.

Les Etats sont de prime abord démunis face à la puissance de l’argent. Elle est

mondiale et sa force de frappe est telle qu’elle peut mettre des pays à genoux.

En outre, les concepts et mécanismes qu’elle met en jeu sont d’une grande

complexité de sorte que les décideurs politiques et les régulateurs ont parfois

bien du mal à les comprendre.

Dans le présent chapitre, nous tentons une vulgarisation puis une réflexion sur

ce que pourrait être le rôle d’un pays comme la France dans un combat

nécessaire contre les actifs immatériels toxiques de la planète finance.

X.2 Rappel concernant le monde bancaire97

Le rôle de la banque est fondamental au sein de l’économie puisque c’est elle qui

finance les projets et établit ce lien indispensable entre porteurs de

projets et investisseurs. Or, le fondement de l’économie est de créer des

97

Michel Aglietta, Macroéconomie financière, cinquième édition, la Découverte, 2008

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143

produits et/ou des services qui présentent une utilité sociale pour les acteurs

économiques (cette utilité est représentée par un achat qui traduit la satisfaction

d’un besoin). La banque, en tant qu’acteur économique fondamental, n’échappe

pas à cette règle.

Il peut être intéressant de prendre quelques exemples différents pour illustrer

cette notion.

1. En tant que particulier, j’ai besoin d’une maison (bien matériel). Je suis

motivé pour travailler afin de pouvoir me l’acheter. L’acte d’achat se traduit ici

par une création de richesses : « des cailloux sont transformés en murs ».

Mon travail m’a permis cet enrichissement.

2. En tant que particulier, j’ai besoin de me divertir. Je suis motivé pour

travailler afin de pouvoir m’offrir une place de théâtre (bien immatériel).

L’acte d’achat se traduit ici par une création de richesse : la pièce de théâtre

que je vois apporte un plaisir et/ou une connaissance durable(s) (plaisir et

connaissance mémorisés).

3. En tant qu’entreprise, j’ai besoin d’une machine pour couler du béton. La

machine est une richesse matérielle (un actif matériel) qui sert à fabriquer

des murs.

4. En tant qu’entreprise, j’ai besoin d’une marque (actif immatériel) qui donne

envie d’acheter mes produits (ex : Bouygues : « les maisons de maçons »).

La création de richesses matérielles et immatérielles (biens et services) découle

donc d’une utilité sociale universelle. Tout acteur économique qui perd cela

de vue et n’est plus mu que par la maximisation de son profit fait courir

un risque à son environnement sociétal et, à terme, se met lui-même en

danger.

Si la banque d’investissement a perdu ce point de repère essentiel, elle devient

toxique pour son environnement mais à terme pour elle-même. Dans le présent

chapitre nous cherchons à en faire une première illustration. C’est ce que l’on

appelle ici « l’effet boomerang ».

Voici un exemple d’effet boomerang: un acteur de la grande distribution qui

achète massivement en Chine entraine dans son sillage tous les autres acteurs

par le jeu de la concurrence, ce qui entraine des délocalisations et des

fermetures d’usines, ce qui entraine des licenciements de sorte que les

consommateurs du territoire se paupérisent. Or, les salariés des fournisseurs de

la grande distribution en sont ses clients. Cela finit donc par se retourner contre

l’enseigne de la grande distribution. Il y a donc à long terme un effet

Boomerang.

Notre propos n’a pas pour objectif de promouvoir le protectionnisme mais

simplement de faire valoir que si cette entreprise de la grande distribution

raisonne à long terme, elle ne verra pas l’achat de grand export comme une

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144

aubaine. Elle le verra comme un mal nécessaire et cherchera pour son intérêt

bien compris de long terme à en limiter ou à en compenser les effets négatifs

pour sa clientèle. La recherche de la maximisation du profit à court terme ne fait

pas bon ménage avec cette posture.

Lorsqu’elle est mue par la recherche de la rentabilité maximale, la banque, elle

aussi perd de vue sa vocation première, elle risque alors de :

- ne pas créer de la richesse (il existe des jeux à somme nulle où le

banquier tire profit d’une asymétrie d’information qui lui est favorable mais

détruit autant de valeur ailleurs - voir plus loin).

- détruire de la richesse par suite de comportements peu responsables et à

court terme (ex : conséquence des subprimes évaluées à environ 500

milliards de perte et 300 milliards98 de recapitalisation).

Dans ces cas, la dégradation de l’environnement sociétal de la banque peut avoir

à court terme des effets limités, notamment du fait des capacités

interventionnistes des Etats qui peuvent atténuer les effets d’une crise

économique. Mais à long terme, l’effet boomerang pèse comme un risque

important sur les établissements financiers comme sur tous les autres acteurs

économiques, mais dans une mesure d’autant plus forte que l’écosystème

bancaire est vaste et globalisé.

Dans le cadre de la présente étude, nous ne pouvons pas chiffrer l’effet

boomerang et mettre en évidence que les dérives de la banque de

marché ont au final des conséquences économiques négatives pour les

établissements eux-mêmes99.

Notre propos est par contre de rassembler un faisceau d’indices qui amènent à considérer qu’une étude économique globale sur le sujet

serait souhaitable.

X.2 Examen de 4 exemples de pratiques de la banque de

marché présentant des risques de destruction de valeur

Dans cette section nous allons présenter 4 exemples de pratiques bancaires lies à des produits usuels, et leurs conséquences néfastes potentielles pour les établissements eux-mêmes tout en montrant que ce ne sont pas les produits qui

sont en cause mais l’usage que l’on en fait.

98 Sylvain de Boissieu, « Banques : le tournant stratégique », Investir, 2008, page 29 99

Pour un traitement sur les liens entre la finance et la croissance voir l’article : Christophe Boucher, Gunther Capelle-Blancard,Jézabel Couppey-Soubeyran, Olena Havrylchyk, quand la finance ne sert plus la croissance, économie mondiale 2013, CEPII, la Découverte, 2012.

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145

X.2.1 CDO et actifs toxiques

définition

Les produits de « collaterized debt obligation » ont été élaborés avec un triple

objectif :

Rendre liquide des créances qui ne l’étaient pas (ex : portefeuille de prêts

immobiliers)

Permettre aux investisseurs d’investir à différents niveaux de risque

(tranches de CDO) sur ces créances

Permettre aux entreprises et surtout aux banques de « sortir » le risque

de crédit et ainsi de développer l’activité sans développer ses garanties

financières

Pour illustrer l’utilité de cet outil, imaginons le cas d’un fournisseur d’électricité

(c’est par exemple le cas d’EDF100). Il doit fournir l’électricité et ne reçoit les

paiements des clients qu’à la fin de chaque semestre. Le fournisseur d’énergie

est donc contraint d’avoir un portefeuille de créances très important parmi

lesquelles un certain nombre ne seront pas recouvrées. Grâce à la titrisation et à

l’outil CDO, il est possible de créer une société ad hoc qui va acheter mon

portefeuille de créances d’un côté, et émettre des créances de format destinées à

différents profils d’investisseurs. Il y a donc une utilité pour l’entreprise, mais

aussi pour les investisseurs. L’entreprise reçoit cash des liquidités et peut

réinvestir directement sans avoir besoin de recourir à des financements et, de

surcroit, voit le risque de non-recouvrement de ses créances externalisé.

Autre cas spécifique à la sphère bancaire, d’après un article des échos101 : « Pour

éviter de se trouver dans des situations où le risque de crédit est trop important,

ou bien, la contrainte de fonds propres difficile à respecter, il y a deux solutions :

limiter les opérations de crédit, ce qui revient à laisser le champ libre à la

concurrence et perdre des parts de marché, ou bien, se débarrasser des crédits

déjà mis en place en les revendant à des tiers. C’est ce pour quoi ont été

inventés les CDO. ». Voici le schéma de la société ad hoc, de type SPV avec d’un

côté l’actif en tranches et de l’autre côté le passif sous forme d’obligations :

ACTIF = créances PASSIF = obligations

Tranche AAA : Risque faible (grâce au recours de contrats CDS)

TITRES = Obligations

Tranche BBB : Risque moyen

Tranche risquée

100 « Les groupes EDF et GDF ont à nouveau répondu présents avec 432 millions d'euros dans le deuxième compartiment de leur fonds commun de créances Loggias, destiné à refinancer des prêts immobiliers accordés à leurs employés », Les Echos n° 19085 du 02 février 2004 • page 24 101 20/12/2011 | Pascal Ordonneau|Le cercle Les échos

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146

Conséquence sociale et sociétale

La crise des subprimes est une illustration d’une dérive de l’usage des CDO.

Les conséquences en sont très nombreuses.

La première étape de ces conséquences en chaine est sociale : les estimations du

nombre des expropriations aux Etats Unis est aujourd’hui de l’ordre de 8 millions

et pourrait monter à 25 millions102

Puis après un séisme financier (voir effet boomerang), il s’en suit une grave crise

économique et sociétale précipitant des millions de personnes au niveau mondial

dans le chômage.

Le risque lie à l'utilisation de CDO n'est, à ce jour, pas écarté pour au moins deux

raisons:

La structuration des produits financiers modernes fait que la présence

d’actifs toxiques à un certain niveau de la chaîne de valeur reste très

difficile à détecter.103

La créativité des concepteurs de produits financiers est « sans limite ».

En voici deux exemples :

1 - Le retour des Junk bonds (« obligations pourries »)

102 Us Loan auditors 103 Stiglitz , à propos du marché des CDS rattachés aux dettes souveraines européennes : « Aujourd'hui, nul n'est en mesure de savoir comment ces produits sont répartis dans le monde », les premiers qui quitteront l'euro s'en sortiront le mieux, l’Observatoire de l’Europe.

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« Aujourd'hui, avec la très forte baisse des taux (sur les titres d'Etat, la dette

bancaire par exemple), les investisseurs cherchent du rendement. Et ce ne sont

certainement pas les taux pratiqués aux Etats-Unis, particulièrement bas - entre

2 et 2,5 % sur du dix ans -, qui vont le leur fournir » … « ce retour des

investisseurs vers les actifs spéculatifs, qui coïncide avec une accalmie aussi

relative que provisoire des marchés, ne serait pas possible sans la fin de la forte

aversion au risque, consécutive à la crise. A partir du moment où les

investisseurs reprennent confiance, pensant qu'on a échappé au scénario du pire

et que l'économie est en train de s'en sortir - notamment aux Etats-Unis -, ils

sont de nouveau prêts à acheter des dettes jugées trop risquées depuis

2008 »… « Le retour des actifs à haut rendement est plutôt positif. Cela

va aider les jeunes entreprises françaises à se refinancer- ce qu'elles ont

beaucoup de mal à faire aujourd'hui ». (Jean-François Robin, Natixis, à propos

des Junk Bonds)104.

3 – les risques d’explosion de la bulle des prêts étudiants aux USA.

Après l'avertissement du Consumer Financial Protection Bureau sur l'explosion de l'encours de la dette étudiante américaine, la Maison-Blanche étudie un plan d'urgence.

Selon les estimations du Council of Foreign Relations, l'encours total de la dette

étudiante pourrait atteindre 1.400 milliards de dollars en 2020. Jusqu'ici, tout

l'effort du Trésor a consisté à désamorcer la « bombe » de la dette étudiante en

rachetant des titres ABS (Asset-Backed Securities) adossés à des emprunts

étudiants105.

L’effet boomerang

La crise des Subprimes est le cas d’école de l’effet Boomerang puisqu’au final,

Certains établissements financiers en auront souffert 3 fois :

(1) Une première fois, avec les conséquences directes des Subprimes allant

jusqu’à des faillites (Lehman, Fannie Mae et Freddie Mac, AIG, etc.)

(2) La seconde fois tient à la crise financière planétaire qui secoue tous les

établissements financiers (crise de confiance, fin du crédit entre

établissement…) et les oblige à procéder à des augmentations de capital ou à

obtenir un fort soutien de l’Etat

(3) La 3ème c’est la conséquence pour les banques de la crise économique :

dépôts de bilans, paupérisation de la clientèle, etc.

104

Extrait d’un Article du Monde.fr. Anna Villechenon : Pourquoi les "actifs toxiques" séduisent à nouveau les investisseurs -30 Mai 2012 105 Extrait de « L'explosion de la dette des étudiants américains inquiète les investisseurs - Par Pierre

de Gasquet - 03 Avril 2012 Les Echos.

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148

Comme on l’a vu plus haut, le risque que cela se reproduise (à moindre

ampleurs espérons-le) est loin d’être nul.

Conclusion à propos des CDO.

Nous pouvons tirer plusieurs conclusions de ces constats qui sont des pistes pour

progresser au niveau d’une banque :

Premièrement, l’asymétrie de l’information entraine des risques incontrôlés.

L’information n’est pas la même pour tous les acteurs. Si l’on reprend l’exemple

de notre fournisseur d’énergie, le risque que les clients ne paient pas est mieux

connu du fournisseur d’énergie que de l’investisseur. Ce dernier va donc par

exemple se référer aux agences de notation qui ont bien des difficultés à

anticiper des défauts. Il y a donc asymétrie d’information. La relation qui s’établit

entre l’entreprise et le client n’engage plus seulement ces deux acteurs mais

également des investisseurs et des agences de notation. Si le fournisseur

d’énergie ne porte plus directement le risque de non-recouvrement des créances,

il y a probablement une attention moins grande qui sera portée au suivi de ce

risque. Le risque final agrégé est donc plus fort qu’avec une relation simple

entreprise/clients.

Deuxièmement, les investisseurs peuvent cumuler du risque sans couverture

efficace (voir le chapitre sur les CDS). En cas de défauts il y a risque de

contagion, comme cela a été le cas en 2008.

Troisièmement, en cas de défaut d’un acteur économique, se pose la question de

la responsabilité de la non couverture du risque. Les scénarii où les

responsabilités sont vagues conduisent souvent à des comportements excessifs.

X.2.2 CDS

Définition du Credit Default Swaps

Le CDS, assimilable à un produit d’assurance, a été développé à partir de 1994

au sein de la banque JP Morgan. C’est cependant un type d’assurance très

particulier puisque :

L’acheteur de CDS n’a pas nécessairement besoin d’être en possession de

l’actif couvert (contrairement aux assurances classiques).

L’achat de CDS n’est limité ni en montant ni en volume.

C’est un produit très utile pour les raisons suivantes :

Les acteurs économiques peuvent se couvrir contre tout type de risque lié

à leur activité.

Les banques peuvent « sortir » le risque de crédit et ainsi développer

l’activité sans augmenter ses garanties financières.

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149

Ainsi, par exemple, les CDS permettent à l’acteur A (voir schéma) de proposer

un crédit à l’acteur C sans augmenter ses besoins de financement (hors bilan) et

l’acteur B gagne une prime. Lorsque la dynamique est bonne, les trois acteurs

sont gagnants à utiliser ce mécanisme. Nous verrons par la suite qu’en cas

d’évènements défavorables, les trois acteurs risquent gros.

A = Banque

B = Assureur

C = Souscripteur de crédit

Fig 59 : les trois acteurs des CDS

Le marché des CDS pose deux problèmes majeurs :

1. Premièrement, le souscripteur de CDS n’est pas nécessairement exposé au

risque. Cela reviendrait pour des particuliers à ce qu’un voisin puisse

assurer la maison en face de la sienne contre l’incendie. Il y a là un risque

de dérive éthique et une porte ouverte à la spéculation.

2. Deuxièmement, l’émetteur de CDS n’a pas d’obligations en termes de

garanties financières, ou tout du moins des obligations bien plus souples

que dans la sphère bancaire. Or, en cas d’évènement de crédit généralisé,

l’émetteur peut se retrouver en défaut, en incapacité d’effectuer le

« paiement contingent ». Toute la filière se rend alors compte qu’il n’y a

plus d’assurance.

Fig 60: évolution de la vente de CDS souverains entre 2010 et 2011 par pays

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150

Pour illustrer le premier point, les CDS sont des produits très spéculatifs qui

peuvent être utilisé pour « attaquer des pays ». Comme la Grèce fait partie de la

zone Euro, sa monnaie est donc difficile à attaquer, c’est l’un des avantages de la

monnaie unique. Alors, puisque l’on ne peut attaquer la monnaie, on attaquera

plutôt son point faible, c'est-à-dire sa dette, à l’aide des CDS. Les CDS

permettent à leurs souscripteurs d’investir en pure perte, mais d’obtenir un

large dédommagement si la Grèce fait défaut. Plus il y a d’ouvertures de CDS sur

la Grèce et plus sa capacité de remboursement est remise en cause (quoi qu’il en

soit dans la réalité), le marché va donc en déduire que ce pays n’est plus digne

de confiance. Les agences de notation financières vont alors baisser la note de

confiance du pays, ce qui aggrave encore davantage les difficultés rencontrées.

Les CDS sont donc des outils puissants pour installer un cercle vicieux de

spéculation sur la dette souveraine: plus les CDS sont achetées plus ceux qui les

achètent peuvent espérer un défaut de la Grèce et ainsi toucher le « jackpot ».

En outre, l’outil CDS est un contrat dont l’enjeu dépasse les deux contractants.

Compte tenu des points vus précédemment, il peut arriver que la notion

« d’évènement de crédit » soit réajusté par la puissance publique et quelques

grands acteurs financiers. C’est en tout cas l’exemple des CDS Grecs106, non

remboursés auprès des souscripteurs qui voulaient se protéger du risque de

défaut Grec.

Pour illustrer ce deuxième point, il faut savoir que le montant nominal des

produits dérivés négociés hors cote était de 708 000 milliards de dollars au 30

juin 2011 alors que le PIB mondial était estimé à la même date à environ 60 000

milliards de dollars. On comprend très vite l’énorme risque que représentent ces

produits pour les marchés financiers107. Le volume des CDS au niveau mondial

représenterait (difficile à savoir car il s’agit d’un marché de gré à gré) à minima

50% du PIB mondial108, ce qui est un volume très élevé. En cas de crise

systémique, il est évident que les CDS perdraient toute utilité sociale (pas de

remboursement possible compte tenu des volumes). Dans le cas de la crise des

subprimes, la compagnie d’assurance AIG a fait faillite à cause de 8 Ma de dollars

de CDS à payer suite à la faillite de Lehman Brother. Comme AIG a été

nationalisée, c’est finalement le contribuable américain qui a payé les CDS

vendus par AIG. Ce qui a creusé le déficit Américain. Actuellement, suite au

défaut partiel de la Grèce 3 milliards de CDS ont été payés. Imaginons un défaut

concomitant de la Grèce, de l’Espagne et du Portugal… les contrats de CDS ne

seraient pas honorés.

106 Article : « Non-paiement des CDS sur la dette grecque : entourloupe simple ou scandale à tiroirs ? » de Vincent Bénard - http://olivierdemeulenaere.wordpress.com/2012/03/02/non-paiement-des-cds-sur-la-dette-grecque-entourloupe-simple-ou-scandale-a-tiroirs/ 107 « Produits dérivés : un marché 11 fois plus gros que le PIB mondial ! » 16 décembre 2011, Eberhardt Unger 108 Le magazine Time soulignait que le marché des CDS était de $45000 milliards, « Produits dérivés : un marché 11 fois plus gros que le PIB mondial ! » 16 décembre 2011, Eberhardt Unger

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151

L’établissement de la valeur des CDS est également parfois surprenant : « le

CDS France coûte aujourd'hui deux fois plus cher que le CDS Danone ! Sans

remettre en cause la solidité du groupe agroalimentaire, est-ce bien raisonnable

? »109

Conséquence sociale et sociétale

La conséquence sociale et sociétale de la prolifération des CDS se confond avec

celle des crises financières plus globales incluant les produits dérivés dans leur

ensemble.

On peut y rajouter que la spéculation utilisant les CDS désoriente totalement les

investisseurs en ce sens qu’elle peut faire croire à des fragilités d’actifs

excessives (cf ci-dessus Danone vs France).

La conséquence pour l’épargnant est désastreuse: il ne sait plus quel produit

retenir : les obligations d’Etat, c’est-à-dire des produits « sans risque », en

arrivent même à être boudés … et le particulier se met à acheter de l’or.

L’effet boomerang

L’effet Boomerang que peut entrainer un usage abusif des CDS est assez

évident: nous avons déjà parlé de la faillite d’AIG voici un autre exemple (en fait,

il y en a beaucoup) :

En 2012, un trader surnommé la « baleine de la Tamise » a fait perdre 7

milliards de dollars à sa banque110 JP Morgan en pariant sur un montage

complexe de CDS. Ce spécialiste des ABS (asset backed security) travaillait dans

un service pourtant pas exposé en première ligne sur les CDS. Patron d'une

petite équipe chez JPM, pas une star de la banque, il n'était même pas logé dans

la banque d'affaires. Son unité avait gagné beaucoup avec des ABS en 2008.

Cette fois-ci, vu l'ampleur de la perte, il aurait parié sur CDX c'est-à-dire des

paniers de CDS avec des maturités différentes. « La perte de trading de JP

Morgan est lourde de conséquences pour le secteur bancaire.111

Conclusion

Les CDS sont des outils très utiles dès lors qu’ils servent les acteurs économiques

réels à se couvrir contre un risque. Mais ces produits ont deux défauts

« génétiques » puisque contrairement aux produits d’assurance classiques, il

n’est pas nécessaire d’être exposé à un risque pour en acheter et l’acquéreur

n’est pas limité en volume. Ainsi, les CDS en circulation doivent assurer 60.000

milliards de dollars, soit 12 fois plus que les montants des créances à risque (Par

analogie le propriétaire d'une voiture dispose d'un contrat d'assurance et non pas

109 Les Echos n° 21087 du 26 Decembre 2011 • page 9 110 JP Morgan bascule dans le rouge – le Figaro.fr 11/10/2013 111 Par Virginie Robert | 14/05 | 07:00 (les Echos)

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de 10 ou 100!)112. Des acteurs peuvent donc spéculer en achetant massivement

des CDS, qui sont également un indicateur de confiance sur l’actif sous-jacent.

Il est également possible de vendre massivement des CDS, sans avoir la solidité

financière pour garantir les paiements contingents en cas d’évènement de crédit.

Ainsi, d’après J. Stiglitz113, à propos du marché des CDS rattachés aux dettes

souveraines européennes : « Aujourd'hui, nul n'est en mesure de savoir

comment ces produits sont répartis dans le monde », prévient-il. « D'où le

caractère potentiellement explosif d'un défaut de paiement d'un pays européen

qui pourrait geler le marché mondial du crédit d'une manière comparable à ce

que nous avons connu en 2008 ».

La conclusion finale est que l’assurance n’est pas garantie, et que l’outil peut être

utilisé à des fins spéculatives. Ces deux points peuvent aboutir à des

conséquences graves pour l’écosystème d’une banque.

Notons que dans ce domaine, un évènement important s’est produit en Europe

en novembre 2012 puisque le marché des CDS a été encadré par une loi pour

tous les acteurs y compris les établissements financiers de la City à Londres. Il

est désormais interdit en Europe d’acheter des CDS souverains à nu c’est-à-dire

sans avoir à couvrir le risque correspondant. Si cette loi est salutaire, elle souffre

de nombreuses limites et défauts parmi lesquels le fait que les CDS souverains

ne représentent que 10 % du volume total de CDS au niveau mondial.

X.2.3 Spéculation sur les dettes Souveraines

Définition

La spéculation sur les dettes souveraines par une banque d’investissement peut

également conduire à un effet boomerang. (Voir l’exemple Grec ci-après).

Les raisons de la crise de la dette grecque sont évidemment multiples :

1. Fort endettement (environ 120 % du PIB) en 2010, déficit budgétaire qui dépasse les 13 % du PIB114.

2. La crise économique mondiale. 3. La crainte des créanciers de la Grèce sur sa capacité à rembourser sa

dette publique ainsi que de payer les intérêts de cette dette, fortement alimentée par les positions des agences de notation.

4. Le manque de transparence dans la présentation de sa dette et de son

déficit, notamment par la levée de fonds hors bilan et par le biais d'instruments financiers mis au point par la banque d'investissement

Goldman Sachs. 5. L'origine étrangère à la Grèce des prêteurs (à 71 %)115.

112 « Il faut réformer les bombes financières que sont les CDS » article Les Echos n° 20394 du 30 Mars 2009 p19 113 Les echos.fr • Le 17 janvier 2012 114 Gros et Mayer 2010, p. 1

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153

Cependant, entre le 1er décembre 2009 et le 11 novembre 2011, le taux des

obligations grecques à dix ans est passé de 4,84 % à 41,41 %116. Cette

augmentation s'inscrit-t-elle dans le cadre d'opérations de spéculation sur les

dettes souveraines ? Nous allons essayer de donner un éclairage en 3 points-

question.

Point 1 : Le taux d’endettement Grec à lui-seul justifie-t-il ces taux d’intérêts ?

En octobre 2011 la dette Grecque s'élevait avant décote à 158 % du PIB, alors

qu’à titre de comparaison, avec un niveau d'endettement de 229 % du PIB, le

Japon avait des taux d'obligations de 1 % (et une dette détenue à 92 % au

Japon, contre seulement 29% en Grèce).

Point 2 : Les agences de notation et les taux reflètent-ils réellement le risque de

défaut ? Les dégradations des notes par les agences de notation courant entre

mai 2010 et octobre 2011, et qui ont conduits à une augmentation des taux

sont-elles explicables ? Par exemple, la déclaration de soutien de la BCE qui

indiquait « accepter les titres grecs, quelle que soit leur notation, en garantie

(collatérale) contre des prêts » n’a pas permis de faire baisser les taux. De

même, La Grèce est à ce jour le pays le plus mal noté au monde par les agences

de notation américaines.

Point 3 : Les titres obligataires étaient couverts par des CDS par leurs

possesseurs. Pourquoi ces produits n’ont-ils pas rassuré les prêteurs et pourquoi

n’ont-ils pas freiné l’envolée des taux ?

Le faisceau d’indices qui conduit à penser que la spéculation a fortement

aggravé la situation de la Grèce est, ainsi, assez épais.

Conséquence sociale et sociétale

Les effets de tout cela sont évidemment catastrophiques sur le plan sociétal, il

suffit de suivre les journaux télévisés pour voir à quel point la population grecque

n’avait pas besoin de ces aggravations. Une étude britannique117 pointe les effets

désastreux de la crise et des coupes budgétaires en Grèce. Parmi eux, une

hausse du nombre de suicides, de la consommation de drogue, de la prostitution,

du nombre d'infections par maladies sexuellement transmissibles et bien d’autres

indicateurs sociaux sont au rouge. En outre, les conséquences sociétales ne se

limitent pas à la Grèce : elle impactent toute l’Europe.

L’effet boomerang

Les effets de la spéculation sur la dette conduisent, à des degrés divers, à un

ralentissement économique voire à une crise économique et sociale à l’échelle

115 Qui détient les dettes publiques - Fondapol, page 18/36 116 D’après Geocodia, taux Japon et taux Grec 117 D’après David Stuckler, sociologue à l'université de Cambridge

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154

nationale. Or, comme nous l’avons vu, l’économie est le poumon de la banque et

réciproquement. Il n’est pas dans l’intérêt d’une banque d’investissement ayant

une exposition économique dans un Pays A de spéculer sur la dette de ce pays,

au risque de compromettre sa performance de moyen terme dans cette zone

géographique. Cet hypothèse est également vraie si la banque est exposée dans

les pays B, C et D dont l’activité économique est intimement liée au pays A. Il en

résulte que toute banque exposée sur le marché européen n’a pas intérêt à

spéculer sur la dette Grecque, au risque de compromettre le cœur de son

business, c’est-à-dire l’activité économique de son environnement.

Sur les questions relatives à la dette, non plus autour de la spéculation mais au

sujet de la commercialisation, il est un cas d’école de l’effet boomerang : celui de

Dexia. Sur les crédits aux collectivités (a priori non spéculatifs), la banque a

multiplié les excès. La banque est en effet touchée par le scandale des crédits

structurés aux collectivités118, ces produits reposant sur des montages financiers

complexes119 avec des taux d’intérêts variables, et qui ont plombé les finances de

milliers de communes. Par exemple, le conseil général du Rhône, présidé par

Michel Mercier, est l’un des plus “infectés” de France par les prêts toxiques à

hauteur de 396 millions d’euros120.

Fig 61 : Carte de France des emprunts toxiques des municipalités Françaises

118 http://lexpansion.lexpress.fr/entreprise/dexia-la-banque-qui-a-tout-rate-sauf-les-stress-tests_264150.html 119 http://www.latribune.fr/actualites/economie/france/20110921trib000650798/prets-toxiques-aux-collectivites-dexia-pointee-du-doigt-.html article de la tribune sur les crédits structurés Dexia 120 « Prêts toxiques : 100 millions d’euros engloutis au conseil général ? » Par Emmanuelle Sautot.

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Depuis fin 2009, Dexia est régulièrement attaquée en justice (plus de 15 recours

judiciaires) et son fonds de commerce a largement souffert du scandale.

Certes, Dexia détient toujours 40% des encours des crédits aux collectivités mais

elle ne réalise que 15% des nouvelles affaires. Dexia va donc perdre chaque

année des parts de marché.

Un déficit de confiance et d’image auprès des clients qui mène l’entreprise vers

un déclin de son activité de crédit auprès des collectivités.

En 2011, après des restructurations lourdes et coûteuses, la direction indique

qu’un démantèlement sera nécessaire et les pertes liées à la crise financière sont

estimées à plus de 10 milliards d’euros. Pierre Mariani, administrateur Dexia,

annonçait lui-même : "Nous avons payé et nous payons au prix fort les

conséquences de excès du passé"121.

Sur le schéma suivant, l’effet boomerang lié aux crédits structurés auprès des

collectivités est mis en lumière selon les 3 niveaux :

1. Non remboursement des crédits – Défaut/difficultés des collectivités

2. Recours en Justice des collectivités contre Dexia

3. Crise de confiance globale du secteur envers Dexia

Conclusion

La spéculation sur les dettes souveraines est très dangereuse pour la stabilité socio-économique d’un pays, comme c’est le cas actuellement pour la zone euro. Dans ces conditions, les banques étant fortement exposées soit directement à la

zone euro soit dans les économies partenaires (l’économie planétaire), il n’est pas dans leur intérêt de faire écrouler la stabilité socio-économique comme c’est

le cas en Grèce. En retour, elles subiraient de plein fouet la crise économique.

X.2.4 Hedge Funds

Définition

Il existe approximativement 10 000 hedge funds opérationnels dans le

monde qui gèrent environ 1250 milliards d'euros. La plupart sont basés

dans des paradis fiscaux (50%) et le reste dans les pays développés122.

Il y a de nombreuses stratégies mises en œuvre par les Hedge Funds :

Long/Short Equity, Merger Arbitrage, Convertible Arbitrage, Global Macro,

Managed Futures. (voir encadré sur les différentes stratégies de Hedge Funds).

121 http://lexpansion.lexpress.fr/entreprise/comment-dexia-a-pu-perdre-autant_284127.html Article l’expansion, Julie De La Brosse, 23/02/2012 122 Guillaume Monarcha, responsable de la recherche chez Orion Financial Partners.

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Ces stratégies dépendent de plusieurs facteurs, selon la nature de

l’investissement (revenus fixes type crédit, capitaux propres ou autres) et selon

la nature de la stratégie (analyse de la valeur relative, analyse en long/short ou

analyse directionnelle123). Les Hedge funds ont pour principale utilité sociale la

liquidité des produits financiers. En effet, sans leur rôle, les marchés seraient

parfois peu liquides et le vendeur et l’acheteur auraient des difficultés à se

rencontrer au même moment.

Leur seconde grande utilité sociale est de financer des projets très risqués que

les autres acteurs financiers ne veulent pas financer. Les Hedge Funds sont

connus pour leur prise de risque et, en théorie, leur forte rentabilité qui justifie

les frais facturés aux investisseurs.

Les fonds investis dans les Hedge funds n’ont cessé de croître lors des quinze

dernières années124 (voir graphique ci-dessous) avec des performances

supérieures au marché avant la crise de 2008.

Fig 62 : croissance des Hedge Funds entre 1997 et 2007

Notre étude se centre sur le long/short Equity qui est l’une des pratiques les plus

répandues et qui consiste à opter pour un investissement long en actions couvert

en partie par des ventes à découvert, des positions courtes sur indices ou des

options. Pour illustrer cette technique, prenons un exemple :

- Position longue : j’achète à 80 dollars aujourd’hui du pétrole et j’attends

qu’il monte pour le revendre. Il y a ici deux acteurs : moi et le marché.

Avec la vente à terme, je n’ai même pas à acheter mais seulement à

réserver le pétrole auprès d’un broker en lui versant des intérêts mais

avec un engagement d’achat à terme à 80 dollars, le terme étant défini,

par exemple à 2 semaines. Si au bout de 2 semaines le cours est à 100

dollars, je fais un acheté/vendu qui me rapporte 20 dollars par baril. Mais

123 D’après le séminaire OFCE de Guillaume Monarcha, Recherche Hedge Funds / Quantitative chez Natixis. http://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/documents/monarcha.pdf 124 Russel Alternative Investment Survey, 2007-2008

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si le cours est à 70 dollars, mon acheté/vendu me fait perdre 10 dollars. Il

y a ici 3 acteurs : moi, le broker et le marché

- Position short : je vends aujourd’hui du pétrole à 80 dollars avec une date

d’effet à 2 semaines alors que je ne l’ai pas. L’acquéreur prend

l’engagement de l’acheter à ce prix-là. Au moment de la transaction, si le

cours est à 85 dollars je fais un acheté/vendu en perdant 5 dollars par

baril. Si le cours est à 60 dollars, je fais l’acheté vendu en gagnant 20

dollars par Baril. Pour pouvoir honorer ma vente, je réserve ce pétrole

auprès de quelqu’un qui en a : le prime broker à qui je verse des intérêts

pour le prêt. Il y a ici 4 acteurs : moi, le marché, l’acquéreur et le broker.

Ces opérations sont des jeux à somme nulle : le fait qu’une personne gagne de

l’argent dans une telle transaction fait qu’une autre en perdra autant. Il n’y a pas

de création de richesses.

Cela ne veut pas dire que ces marchés sont inutiles : par exemple, les marchés à

terme ont été créés sur les marchés agricoles pour que les agriculteurs puissent

financer les récoltes avant qu’elles ne soient produites ou tout simplement pour

se prémunir contre une baisse des cours et sécuriser un revenu minimum. Le

marché à terme consiste ainsi en un transfert de risque du producteur vers le

financier.

Le fait est que l’intervention d’acteurs de la spéculation, par exemple des Hedge

Funds sur ces marchés en pervertit la vocation : si un Hedge Fund est gagnant,

ce n’est pas nécessairement un autre Hedge Fund qui est perdant, cela peut être

des acteurs de la sphère économique et industrielle réelle.

Ce qui pose donc problème ici c’est la généralisation des marchés à termes et du

long/short Equity qui est passé au fil des années d’une activité utile à l’économie

réelle à une activité en soi qui ne fait rien d’autre que de créer autant de

gagnants que de perdants.

Conséquence sociale et sociétale

Outre les activités d’ordre politico/monétaire comme l’activité des hedge funds

lors de la crise asiatique, où des fonds ont attaqué les monnaies des banques

centrales de nombreux pays asiatiques en commençant par la Thaïlande125, les

Hedge Funds font l’objet de nombreuses critiques.

La transparence et la légalité des pratiques des fonds, sous couvert de gage de

discrétion, cachent parfois des pratiques excessives, comme ce fût le cas dans

l’affaire Madoff. En effet, en 2008, il a été arrêté et mis en examen pour avoir

réalisé une escroquerie de type « chaîne de Ponzi »(les investisseurs sont

125 “Ten years after: Revisiting the Asian Financial Crisis”, Woodrow Wilson International Center, octobre 2007

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rémunérés via les souscriptions de nouveaux investisseurs, et non par les

produits du placement financier), qui pourrait porter sur 65 milliards126 de dollars

américains (la perte la plus élevée à ce jour causée par la fraude). Autre

exemple, le hedge fund Greenlight Capital, soupçonné d'avoir spéculé sur

l'effondrement de la banque Lehman Brothers en 2008, a été condamné par la

Financial Services Authorithy (FSA, l'autorité de contrôle de la City de Londres) à

une amende de 7,2 millions de livres (8,6 millions d'euros) dont 3,6 millions pour

M. Einhorn, pour un abus de marché.

Une autre conséquence liée aux pratiques de la gestion alternative est

certainement l’amplification de phénomènes haussiers et baissiers sur les

marchés. Cela a été particulièrement le cas lors de la chute du cours de la

Société Générale liée à de fausses rumeurs127 le 10 aout 2011, suivi d’une

interdiction des ventes à découvert le lendemain pour éviter tout dérapage.

Bridgewater Associates, le plus gros hedge fund de la planète, aurait empoché

trois milliards de dollars sur la seule semaine suivant cette rumeur128.

L’effet boomerang

En premier lieu, l’effet boomerang est direct pour les hedge fund qui prennent

beaucoup de risques et s’exposent donc fortement. En cas de mauvaises

stratégies, les pertes sont importantes.

Deuxièmement, la performance de ces fonds est finalement très peu supérieure à

la performance du marché, et devient même quelconque au regard des frais

facturés aux investisseurs. La performance absolue des fonds, mesurée par le

ratio de Sharpe ou par l’indice Omega, se détériore considérablement depuis

2008129. D’après Sarah Clar-Boson, spécialiste des hedge funds, « L’année n’a

pas été extraordinaire, en effet. (…) Cela ne veut pas dire qu’elle a rempli son

rôle, qui est de générer des plus-values quelles que soient les conditions de

marché. (…). Elle a donc rempli à moitié son contrat en 2011. Il devient de plus

en plus difficile de dégager des performances supérieures au marché depuis

2005-2006, donc avant la crise de 2008. Cela remet en question la valeur

ajoutée des hedge funds en général ». Parmi les exemples de hedge fund qui ont

subi de fortes pertes, on peut citer le fonds Paulson Advantage Plus, géré par

John Paulson (l’une des stars de l’industrie, ndlr), qui a plongé de 52% après une

hausse de 17% en 2010.

126 Maria Pia Mascaro, « Les victimes de Bernard Madoff à la recherche des milliards perdus », dans Libération, 29 juin 2009 127 Article Le Point : « Ces spéculateurs qui mettent le feu au marché » 128 Source : Wall Street journal 129 « Analyse de la performance des Hedge Funds : Correction des rentabilités, méthodes et implications » de Georges GALLAIS-HAMONNO, Huyen NGUYEN THI THANH et Thi Hong Van HOANG

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159

Conclusion

La réputation sulfureuse de ces fonds n’est plus à faire. Il semble se dégager de

la période récente que la performance économique de ces fonds ne justifie en

rien les excès qui les caractérisent. En d’autres termes, même pour des raisons

économiques la pratique des Hedge Funds semble sérieusement discutable.

Il serait peut-être pertinent d’avoir une réflexion approfondie sur la place qu’un

grand acteur du monde bancaire entend réserver aux Hedge Funds et sur le type

de relation qu’il entend entretenir avec eux.

X.2.5 La Bourse et le marché action

Définition

L’utilité sociale de la bourse est évidente. Elle sert pour les entreprises à faire un

appel public à l’épargne pour financer leur développement. Dans ce cadre, les

banques au même titre que les compagnies d’assurances et autres fonds de

pensions sont des investisseurs importants sur ces marchés. Les banques jouent

aussi sur le marché un rôle d’intermédiaire de placement pour leurs clients.

Depuis une vingtaine d’années toutefois, la vocation première de la bourse -

financer l’économie- se trouve remise en questions. Ainsi observons nous à Paris

comme à New York que le montant des fonds levés est désormais inférieur à la

somme (rachat d’actions + dividendes)130. Ainsi, progressivement, l’intérêt de la

bourse s’est-il déplacé de l’émetteur vers l’investisseur.

Dans le même temps, les pratiques de l’investissement ont fortement évolué.

Ainsi, par exemple, le trading à haute fréquence à tendance à se généraliser.

En juillet 2009, les transactions à haute fréquence génèreraient 73 % du

volume de négociation d'actions sur les marchés des États-Unis. En juillet

2011, le temps moyen de détention d'une action américaine est estimé à

22 secondes131.

À elle seule, la Bourse de New York génère environ le tiers des transactions

boursières mondiales.

En Europe, le trading haute fréquence représentait en novembre 2010 environ 35

% des échanges. En Novembre 2011, 90% des ordres envoyés sur le marché

actions et environ 30% des transactions, sont émis par des machines de trading

à haute fréquence.

Cette évolution, si elle a tendance à augmenter la liquidité du marché, entraine

également une baisse de l’efficience du marché. En effet, plus la fréquence des

130 Article « un marché d’occasion » 131 Voir Annexe « Trading Haute Fréquence »

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160

transactions s’élève, plus les critères de décision à l’achat ou à la vente sont

déconnectés des fondamentaux économiques de l’entreprise. Plus que jamais le

marché se comporte donc comme « un concours de beauté », image que John

Maynard Keynes avait introduite en son temps: pour gagner en bourse, il ne faut

pas investir sur la meilleure entreprise mais sur celle qui recueille le plus de

suffrages.

La conséquence est que l’efficience de la Bourse n’a jamais été aussi contestée

qu’aujourd’hui.

« La volatilité actuelle des marchés et leurs excès démontrent chaque jour

l’inanité de l’hypothèse du marché efficient. La valeur instantanée de marché est

incontestablement la juste valeur pour les activités des professionnels de

marché, mais pour elles seules » Michel PEBEREAU, dans un discours à

l’Institut de France (2011)

L’Agence RVS132 a produit récemment un nouvel indicateur de la valeur des

entreprises fondé sur :

La santé financière de l’entreprise

Son capital immatériel

Sa capacité à conduire une bonne stratégie

Son contexte macro-économique.

La Référence Value des entreprises du CAC 40 a été publiée au début du mois

d’avril 2012133 et montre un écart de valeur substantiel entre cette valorisation et

le cours de bourse. Selon la Reference Value, le CAC devrait être aujourd’hui à

au moins 5000 points.

Alan Fustec, auteur du présent document est également le concepteur de la

Reference Value. Avec ses associés, il a pu mettre en évidence que la Référence

Value est beaucoup mieux corrélée à la capacité bénéficiaire des entreprises que

le cours de bourse134. Selon notre analyse la bourse a détruit au cours des

dernières années environ 840 milliards de valeur économique fondamentale des

entreprises.

Conséquence sociale et sociétale

L’évolution des pratiques d’investissement et les conséquences que cela peut

avoir: la perte d’efficience du marché, est préjudiciable aux entreprises:

132 Agence RVS (Reference Value Services), http://www.rvs-reference-value-services.fr/ 133 Article les échos : “Les stars du CAC40 seraient largement sous-évaluées” 134 Les études RVS ont montré que le cours de bourse est très peu corrélé (-38%) à la capacité bénéficiaire des entreprises comparativement à la reference value (près de -60% de corrélation)

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161

Si la performance économique n’est plus le principal point de repère de la

décision d’investissement, les risques de perte sur le marché augmentent parce que le marché est moins rationnel,

Les entreprises marchant bien qui ont besoin de fonds peuvent ne pas en trouver,

Cela réduit la capacité à lever des fonds et à investir,

Cela réduit aussi le recours à de l’endettement (qui tient compte du niveau de fonds propres),

Les baisses de cours qui ne sont pas issues d’une moindre performance économique entrainent aussi une perte de confiance des managers qui ont des stock-options et des salariés qui ont épargné dans un PEE,

Il en résulte également un doute des clients.

L’effet boomerang: exemple d’une introduction sur le marché action

Si nous considérons que cette évolution est en grande partie la résultante des comportements des investisseurs institutionnels nous y voyons à nouveau un bel

effet boomerang :

Moins de crédit accordé aux entreprises

Moins d’IPO (introductions en bourse) Réduction très forte des commissions sur les opérations de bourse pour

les particuliers (la bourse a perdu 2,3 M€ d’investisseurs individuels depuis 2008)

Et surtout : effondrement excessif de la capitalisation des banques cotées

Conclusion

L’utilité sociale de la bourse est mise à mal par des pratiques moderne de

l’investissement comme le trading à haute fréquence. Par ailleurs, si les fonds

levés en bourse sont, en volume, inférieurs au montant des dividendes versés,

augmentés des rachats d’actions, la question du rôle effectif du financement de

l’économie par la bourse est posée.

L’effet boomerang est ici à nouveau palpable: rien de tout cela ne semble bon

pour les établissements financiers à long terme (alors qu’à court terme, la

conclusion est toute autre).

X.2.6 Discussion

Les pratiques inappropriées du monde de la finance, autorisées par le législateur,

ont des effets dévastateurs sur la société civile.

Suite à la crise de 2008, la dette publique française est passée de 1211 Milliards

d’euros en 2007 à 1591 Milliards d’euros en 2010 soit un plongeon, lié en grande

partie à la crise, de 380 milliards d’euros en seulement 3 ans.

Du côté des entreprises en France, le nombre de faillites d’entreprises est passé

de 47 291 pour l’année 2006 à 63 204 pour l’année 2009 soit un bond de 33

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162

%135, principalement dû à des difficultés de trésorerie, liée à une baisse du

chiffre d’affaire mais aussi et surtout liée à des difficultés de financement auprès

des partenaires bancaires. (Voir graphique sur les défaillances du chapitre II.3 de

la présente partie).

Du côté des ménages, les difficultés économiques ont conduit, avec un décalage

temporel, à une augmentation du chômage de 7.5% à 10% de la population

active entre début 2008 et 2012. Ce sont autant de clients qui auront des

difficultés à honorer leurs crédits et qui n’auront pas l’occasion de confier leur

épargne…

Nous sommes convaincus, même si nous n’avons pour l’instant réalisé

aucun calcul sur le long terme, que les établissements financiers sont perdants à ce jeu.

Voici ci-dessous une chronologie très partielle de catastrophes financières. Elles montrent une accélération des problèmes. Et

renforcent notre conviction.

1995

Baring Brothers est tombée en faillite à cause d’un rogue trader, Nicholas Leeson, 28 ans, qui gérait l’activité de trading en produits dérivée sur l’indice

Nikkei 225 à Singapore. Le marché continuait sa chute et obligeait Nick Leeson à devoir emprunter de plus en plus de liquidités pour couvrir ses positions, jusqu'à creuser une perte cumulée de 860 millions de livres sterling, soit deux fois le

capital de la banque, causant la banqueroute de celle-ci.

2001

Enron pesait plus de 100 milliards d'euros de chiffre d'affaires et se positionnait parmi les plus grosses capitalisations boursières mondiales. Pourtant, cet énorme groupe texan a sombré en 2001, entraînant dans sa chute

le cabinet d'audit Arthur Andersen. Ce sont en effet des comptes falsifiés qui sont au cœur du scandale Enron, spécialisée dans l'énergie et le courtage. Plus de 3

000 sociétés off shore avaient été créées pour contrôler le prix de l'énergie et dissimuler les dettes de la maison mère. Le 31 octobre 2001, une enquête est ouverte. Un mois plus tard, la société est mise en faillite.

2002

Depuis sa mise sur pied en 1979, Conseco, originellement nommée Security Life

of Indiana, est une compagnie opérant dans les secteurs de la finance et de l´assurance à travers un certain nombre de filiales. En décembre 2002, après avoir procédé à une série d´acquisitions hasardeuses au milieu des années 90,

l´assureur fait banqueroute (faillite évaluée à 61,4 milliards de dollars d´actifs).

135 http://dfcg-blog.org/2012/01/11/des-faillites-moins-nombreuses-en-france-mais-plus-couteuses-pour-les-fournisseurs-et-les-salaries/ Le blog du directeur financier, DFCG

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163

2005

A Goldman Sachs, une fraude perpétrée par un trader français de 31 ans, Fabrice Tourré, consistait à utiliser un nouveau CDO, « Abacus », adossé à des CDS sur

subprimes, vendu à des investisseurs institutionnels en 25 deals pour un total de 10,9 milliards de dollars. Abacus a perdu 99% de sa valeur. La firme a payé $550 millions d’amende, un responsable de l’activité de produits dérivés à

Londres, Greg Smith, est parti en publiant dans la New York Times la manière dont l’honorable firme opérait ces activités en dépit des principes éthiques et du

sens du client.

2006

Introduction en bourse de Natixis, proposée par les Caisses d’épargne et

Banques Populaires. Cela mènera à la perte de l’épargne de plus de 2.8 millions de Français. Au deuxième trimestre 2009, Natixis restait sur cinq trimestres

consécutifs dans le rouge, pour un total de 5,59 milliards de pertes cumulées.

2007

La Société Générale a perdu 5 milliards d’euros sur des opérations spéculatives sur les indices boursiers. Elle l’a imputé à Jérôme Kerviel, 34 ans,

frais émoulu des opérations de back office.

2008

AIG est recapitalisé par les USA suite à des pertes colossales en lien avec les

CDS (18 milliards de dollars américains de pertes subies au cours des trois

précédents trimestres, liées à des garanties sur des dérivés de créances

immobilières).

La crise financière aura eu raison de la sixième banque américaine, Washington

Mutual, qui possédait des actifs s´élevant à 327,9 milliards de dollars.

Caisse d´épargne à l´origine, WaMu s'était agrandie rapidement en développant

largement ses activités hypothécaires. Le 26 septembre 2008, cette dernière a

été forcée de se placer sous la protection du Chapitre 11, faute de pouvoir

acquitter ses obligations. Dès lors, les autorités américaines ont annoncé la saisie

de la banque en faillite et ordonné le transfert de ses actifs sains à son

concurrent, JP Morgan Chase.

Bernard Madoff est arrêté et mis en examen par le FBI pour avoir réalisé une

escroquerie de type « chaîne de Ponzi », qui pourrait porter sur 65 milliards de

dollars américains.

Dexia subit le double effet boomerang lié à la crise financière et aux crédits

structurés aux collectivités. La structure est sauvée par les Etats Belges,

Luxembourgeois et Français. Les pertes cumulées en 2008 sont estimées à 3,3

milliards d'euros. En 2011, les pertes sont de 11.6 milliards d’euros.

Fannie Mae et Freddie Mac possèdent ou garantissent environ 5 200 milliards

USD du marché américain des hypothèques, évalué à environ 12 000 milliards

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164

USD. En conséquence, ces deux sociétés sont durement frappées par la crise des

subprimes survenue à la fin de 2007 et en 2008. En 2009, Freddie Mac a

annoncé son intention de recourir à une aide supplémentaire du gouvernement

Américain pouvant atteindre jusqu'à 35 milliards USD pour parvenir à éponger

les pertes.

Le 28 septembre 2008, la banque du Benelux Fortis, est nationalisée

partiellement, les trois États du Benelux apportant 11,2 milliards d'euros de

capitaux propres pour 49 % du capital.

Le 28 septembre 2008 également, la banque britannique Bradford & Bingley,

spécialisée en crédit immobilier, est nationalisée.

Le 28 septembre toujours, la banque allemande Hypo Real Estate, spécialisée

dans le financement de l'immobilier, est sauvée par un plan d'urgence de 35

milliards d'euros qui doit permettre « une liquidation dans l'ordre et non en

catastrophe »

2009

Entreprise spécialisée dans les services financiers auprès des consommateurs et

des sociétés américaines, CIT Group a été fondée en 1908. Dans le but de

recevoir une aide de 2,3 milliards de dollars dans le cadre du plan de soutien

gouvernemental, le TARP, la compagnie a accepté de devenir une banque en

2008. Par crainte de ne pas pouvoir rembourser ses dettes à échéances,

entraînant de sérieux risques pour les PME auxquelles elle a prêtées, CIT a tenté

de résorber la situation en empruntant des milliards de dollars à d´importants

obligataires. Toutefois, l´établissement, qui comptait des actifs évalués à 71

milliards de dollars a dû se placer sous la protection des faillites en novembre

2009.

Durant la crise financière, l´établissement de crédit américain Thornburg

Mortgage a été victime de sa spécialisation dans les crédits immobiliers

hypothécaires de grande ampleur. Dès le début de la crise des subprimes,

craignant une augmentation des appels de marges de ses créanciers,

l´entreprise fondée en 1993 s´est mise à vendre ses titres. Après avoir déclaré

en faillite, Thornburg Mortgage, qui possédait des actifs évalués à 36,5

milliards de dollars, a été contraint de vendre le restant de ses avoirs et de

mettre un terme définitif à ses activités.

2011

UBS : un trader de 31 ans, Kweku Adoboli, opérait dans l’équipe Delta 1 trading, spécialisée en produits dérivés et a perdu 2 milliards de dollars à Londres.

MF Global était valorisé à 41 milliards de dollars. Spécialiste du marché des Futures, les dirigeants de MF Global ont la mauvaise idée de vouloir se muter en

banque d'investissement. Juste avant l'été 2011, l'entreprise acquiert 6 milliards d'euros de dettes souveraines européennes dont la valorisation

va fondre. Il s'agit de la plus importante victime de la crise de la dette à ce jour.

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165

2012

A JP Morgan, Londres, c’est un trader français, Bruno Iksil, affublé de noms

aussi symboliques que the London Whale (la baleine de Londres) et Voldemort, le

grand ennemi d’Harry Potter, qui a fait perdre 7 milliards de dollars dans des

opérations de couverture risquées.

En cumulé, les pertes par effet boomerang identifiées représentent plus de 500

Md de dollars.

Une étude plus approfondie devrait permettre :

D’identifier et de chiffrer de manière plus exhaustive les cas d’effet

boomerang, en classifiant les différentes catégories d’excès.

De chiffrer les pertes « sèches » et les pertes par « transfert » pour les

acteurs financiers.

Pour illustrer nos propos, nous proposons ci-après un bilan économique partiel à

partir des données de l’OCDE sur la rentabilité du secteur bancaire.

Nous proposons d’analyser les bénéfices avant impôts du secteur bancaire pour

le périmètre France et le périmètre USA sur la période 2000 à 2009. Voici les

données extraites à partir des bases de l’OCDE136 :

Fig 63 : Evolution des profits du secteur bancaire aux USA et en France sur 10 ans

On visualise très nettement une phase de croissance des bénéfices de 2000 à

2006 puis une phase de décroissance forte de ces bénéfices de 2006 à 2009,

avec notamment des pertes en 2008 liées à la crise financière. Notre conviction

est que les effets boomerang n’ont pas été étudiés alors que leur impact sur la

rentabilité du secteur le justifierait.

Sur la période étudiée, les bénéfices cumulés avant impôts du secteur bancaire

s’élèvent à :

136

OECD STAT EXTRACT, Income Statement France and USA, All Banks, http://stats.oecd.org/Index.aspx?DataSetCode=BPF1#

(1) (2) (2)/(1)

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 Moyenne Ecart-type

Income before tax France 19 395,0 21 597,0 20 476,0 21 502,0 23 818,1 26 430,0 39 209,6 22 434,3 -9 274,3 21 524,0 20 711,2 11 360,0 54,8%

Income before tax USA 128 411,9 136 317,9 161 234,5 182 061,7 182 095,6 200 705,1 216 869,5 152 437,1 -2 215,9 24 898,5 138 281,6 68 798,9 49,8%

-50 000,0

0,0

50 000,0

100 000,0

150 000,0

200 000,0

250 000,0

300 000,0

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009

Income before tax USA

Income before tax France

Pertes par effet

boomerang

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166

207 Milliards d’euros pour le périmètre France

1383 Milliards de dollars pour le périmètre USA

Or, si l’on compare ces montants aux pertes cumulées par effets boomerang que nous avons collectés lors de notre modeste investigation (plus de 500 Md$), on se rend compte que ces pertes sont tout à fait considérables pour le secteur

(même si une partie de ces pertes est en réalité des transferts).

On peut donc imaginer que ces « quelques tâches d’huile » recueillies lors de notre courte investigation sur l’océan de la finance mondiale pourraient former, une fois juxtaposées, une sorte de « marée noire ». Seule une investigation plus

approfondie devrait permettre d’éclaircir ce point.

Cela conforte notre conviction que les pratiques excessives génèrent des pertes sur le long terme et qu’une la conduire d’une réflexion sur les pratiques, les systèmes de contrôle et l’exposition aux risques d’effets boomerang, est un

enjeu crucial pour les métiers bancaires.

X.2.7 Recommandations 39, 40, 41, 42 et 43

La finance est mondiale et ultra-libérale. Qu’on le regrette ou qu’on l’approuve

c’est un fait. Dans ce contexte, un état comme la France et même une économie

riche comme l’Europe ne peuvent établir des règles et les imposer au reste du

monde.

La règlementation Bâle III, par exemple, qui exige des banques européennes un

renforcement des fonds propres, ne s’impose pas aux autres acteurs

économiques du monde. Ainsi, la règlementation qui émerge depuis quelques

années, et notamment suite à la crise de 2008 :

- Séparation de la banque de détail et de la banque d’investissement

- Exigence de n’acheter des CDS que pour couvrir des risques pris et non

dans l’absolu

- Règlementation Bâle III

- etc

…a des effets, par définition limités, et, par ailleurs, peut aussi générer des

effets paradoxaux.

Si les efforts engagés en Europe dans ces domaines sont globalement

souhaitables et doivent être soutenus par l’Etat Français, ils ne représentent à

nos yeux qu’une partie des mesures nécessaires.

R39 : Créer une école française (un courant) moderne de finance de marché qui

prenne en compte les thèses, arguments et valeurs énoncés dans ce rapport.

Nous recommandons en complément de créer en France une Ecole Française de

la Finance de Marché. L’un des grands atouts de la France dans le monde

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financier est la qualité de son enseignement quantitatif. Les mathématiques

financières sont enseignées en France comme nulle part ailleurs ou presque dans

le monde, notamment à l’école Polytechnique à Centrale, etc.

Nous avons tous les atouts du monde pour créer une pensée financière moderne

plus efficace que celle qui domine à ce jour.

Cette école de pensée serait conservatrice de tous les progrès réalisés au cours

des dernières décennies mais se chargerait en complément de définir des règles

de la création de valeur réelle et à long terme.

La vocation de cette « école » qui regrouperait les meilleurs professionnels et les

meilleurs universitaire français serait de prolonger le modeste travail ébauché ici

afin de définir les règles économiques qui évitent les dérives, les excès et

l’appauvrissement collectif à long terme qui impactent négativement les acteurs

de la finance eux-mêmes.

S’il est établi que ces règles génèrent à long terme plus de prospérité que les

pratiques en vigueur à ce jour, progressivement les acteurs y viendront.

Au sein de cette école, le capital immatériel aurait toute sa place pour redéfinir la

notion de valeur.

Au sein de cette école la théorie de l’efficience des marchés financiers serait

définitivement rendue obsolète par des travaux économétriques sérieux, de sorte

que le mark-to-model incluant la valeur immatérielle serait promu.

Nous voyons ici le rôle de l’état comme celui d’un catalyseur, mobilisant les

acteurs de la finance Française dans un vaste programme national visant à

favoriser les acteurs du financement de l’économie réelle

En parallèle de la montée en puissance de cette école et d’un partage de plus en

plus large de ses enseignements, l’Etat pourrait jouer un rôle d’incitateur pour la

mise en œuvre de bonnes pratiques.

R40 : Promouvoir les pratiques largement ancrées dans notre paysage

économique des banques coopératives et favoriser leur développement

R41 : Redéfinir le rôle de la Banque de France qui pourrait partiellement

redevenir un acteur du refinancement alternatif aux marchés mondiaux pour les

acteurs qui abandonnent certaines pratiques de la finance de marché.

R42: Créer une nouvelle bourse (plutôt que de réformer la bourse actuelle qui

est tributaire des autres bourses mondiales). Dans cette nouvelle bourse, le prix

des entreprises fluctuerait entre deux bornes autour d’une valeur de référence.

Par ailleurs cette bourse présenterait des règles de fonctionnement garantissant

qu’il s’agit bien d’un instrument au service des émetteurs permettant le

financement de leur développement.

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168

De notre point de vue cette bourse cohabiterait bien entre le Private Equity

actuel et la bourse actuelle. Il s’agirait d’un acteur hybride entre les deux.

L’existence et la viabilité du Private Equity est à nos yeux la preuve que cette

bourse est viable. La volatilité des marchés financiers et ses nombreuses dérives

actuelles est à nos yeux la preuve de son utilité.

R43: Promouvoir les acteurs de la finance responsable. La France peut devenir

un leader mondial de la finance responsable et l’Etat peut jouer un rôle important

pour cela : Inciter à l’investissement socialement responsable, inciter les

banques à accroitre leur pratiques de la RSE surtout au niveau de leur cœur de

métier (par exemple en produisant un étiquetage responsable sur les produits

financiers), promouvoir des organismes de financement alternatifs comme la NEF

ou le Crédit Coopératif.

Selon cette philosophie, l’Etat joue un rôle de catalyseur, d’incitateur de bonnes

pratiques et d’opérateur d’infrastructures au service d’acteurs privés. Les

principes de l’économie libérale demeurent donc dominants. Il s’agit ici, non pas

de les interdire mais de favoriser l’émergence de comportements plus efficaces à

long terme pour tous.

Notre idée serait donc ici de recruter progressivement dans le cadre de pratiques

nouvelles des acteurs économiques responsables qui auront compris que

l’aventure sur des marchés totalement dérégulés est finalement hasardeuse à

long terme.

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169

Quatrième partie : Proposition d’une politique publique

en faveur de l’immatériel

I Introduction

Tout au long de la précédente partie, nous avons égrainé les recommandations

ou propositions qui nous semblaient les plus importantes pour faire en sorte que

la France devienne une économie prospère notamment portée par sa politique

immatérielle.

Il y aurait, pour y parvenir, un minimum de 43 mesures élémentaires à prendre

décrites dans la précédente partie de ce rapport. Ces mesures ne sont pas

exhaustives. Nous recommandons, ainsi que les mesures du rapport Levy-Jouyet

publié en 2006 et qui n’ont pas été mises en œuvre viennent enrichir les

programmes présentés ci-dessous.

Dans la présente partie, nous présentons une politique structurée composée de

10 grands programmes qui regroupent les mesures précitées sous formes

d’ensembles cohérents.

Ces programmes sont priorisés en fonction de leur potentiel économique.

II Proposition d’une politique publique composée de 10

programmes

II.1 Programme 1 : produire une nouvelle comptabilité

nationale.

R1 : Créer une structure qui mesure la richesse de façon différente du PIB. Cette

structure produirait un bilan et un compte de résultat de l’économie française

incluant la valeur naturelle, financière, matérielle et immatérielle de notre pays.

R2 : Produire une fois l’an une feuille de route pour la création de valeur à long

terme du pays qui découle de ces états comptables et confronter ces

recommandations aux politiques en cours.

II.2 Programme 2 : Faire passer les entreprises et leurs

financeurs à l’ère de l’immatériel

R3: Transformer l’Observatoire de l’immatériel en un pôle de compétitivité d’un

nouveau type dont la vocation serait :

o de faire progresser les méthodes de mesure de l’immatériel (à l’échelle

macro et microéconomique) selon le processus classique d’un pôle.

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170

o d’administrer le référentiel officiel de mesure de la comptabilité de

l’immatériel (Thésaurus-Bercy) et de s’assurer qu’il est utilisé par tous les

acteurs

o Créer un label d’entreprises garantissant la mesure sérieuse du

l’immatériel

R4 : Faire en sorte que la BPI accorde ses financements sur la base d’une valeur

immatérielle mesurée.

R5 : Créer un PEA pour les entreprises qui publient leur évaluation de capital

immatériel.

R6 : Légiférer sur le fait que les établissements financiers évaluent l’immatériel

avant l’accord d’un crédit ou avant une prise de participation (sans interférer

avec la décision de prêt ou d’investissement).

R7 : Légiférer sur le fait que les entreprises cotées publient leur évaluation de

capital immatériel une fois par an (l’effort serait limité pour elle car la démarche

présente des analogies avec le reporting imposé par l’article 225 du Grenelle de

l’environnement. Il s’agirait donc ici de la publication d’un reporting intégré).

R8 : Légiférer sur le fait que les commissaires aux comptes acquièrent la

compétence et vérifient la véracité des publications sur l’immatériel.

R9: Attribuer à un organisme public ou parapublic la charge de conduire un plan

de prévention d’entreprise fondé sur la mesure du capital immatériel.

R14 : Revenir aux 39 heures et reprendre une logique d’ARTT négociée lorsque

« ça ira mieux ».

R15: Lancer les états généraux de la qualité des produits Français et une

mobilisation nationale autour du zéro défaut en France. Cette initiative pourrait

prendre la tournure de la campagne « En France on n’a pas de pétrole mais on a

des idées » lancée à la suite du premier choc pétrolier en 1974.

R16 : Œuvrer à la promotion des marques françaises en s’appuyant sur les plus

belles marques. L’Etat pourrait conduire un projet de faire rayonner à l’export un

panel de marques françaises d’excellence en agrandissant d’année en année le

nombre de ces marques à mesure que la mesure R15 porte ses fruits.

R17 : Engager un énorme effort national sur la maîtrise de l’anglais en faisant de

l’anglais notre seconde langue nationale et en augmentant son coefficient dans

toutes les filières au bac et en imposant que 50 % des cours soient délivrés en

anglais dans le supérieur.

R 18 et 24 : Créer une université de dirigeants pour l’innovation et l’export

(savoir-faire pour s’implanter à l’étranger et pratique de l’Anglais). Cette

structure pourrait être confiée à l’INPI ou à l’APM (Association Progrès du

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171

Management) qui assure déjà la fonction d’université de dirigeants avec succès

(toutes disciplines). Des mesures d’incitation seraient nécessaires pour attirer les

dirigeants, par exemple, en faisant prendre en charge le coût correspondant par

les OPCA et en créant sur ce thème un partenariat fort avec le Medef, la CGPME,

le CJD et le réseau Entreprendre.

R25: Assurer une promotion à grande échelle des pôles de compétitivité mais

évaluer de façon plus précise les retombées économiques réelles des projets subventionnés et en tenir compte ensuite dans les décisions de financement.

R 26 : Faire de l’INPI un acteur proactif des enjeux de la PI auprès des entreprises et notamment des plus petites. Ceci constituerait une quasi-révolution: cesser d’avoir une activité principalement réactive face à des

sollicitations d’entreprises pour devenir un acteur proactif de sensibilisation et de conseil.

R 27 : Faire de l’INPI l’acteur référent en matière de protection de tout le capital immatériel de l’entreprise quelle que soit la modalité applicable. Il pourra dans ce

cadre informer, former et conseiller les entreprises sur ces thèmes en apportant la compétence juridique ad-hoc.

R28 : Attribuer à l’INPI la fonction de régulateur des comportements dans le monde de l’Open-Source.

R 29 : Faire de l’INPI l’expert français en matière d’intelligence économique voire

de guerre économique (méthodes, outils, formations, etc).

II.3 Programme 3: Développer l’ESS en pilotant sa capacité à créer de la richesse.

R 10: Légiférer sur la production par les acteurs de l’ESS d’un rapport annuel

présentant leur budget, leur équivalent cash-flow, leur valeur IDCF.

R11 : Former également les acteurs de l’ESS à la prise en compte de

l’immatériel (créer une université pour les dirigeants de l’ESS visant à leur

apprendre à maîtriser ces notions)

II.4 Programme 4: Engager la révolution de l’économie

de fonctionnalités

R19: Créer un institut de recherche sur l’économie de fonctionnalité chargé en 2

ou 3 ans maximum :

d’apporter la preuve de l’efficacité de ce modèle économique pour notre

pays,

de définir tous les aménagements juridiques requis pour le

développement de cette économie,

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172

de mettre en place une méthode efficace permettant aux entreprises

de passer progressivement à l’économie de fonctionnalités,

d’établir un modèle économique et les conditions de viabilité requises

pour que se développe de nouveaux opérateurs de leasing qui seront

demain des grands interfaces entre les industriels et les

consommateurs utilisant des produits en économie de fonctionnalité

R20 : Créer deux TVA. L’une pour les produits vendus et l’autre pour les produits

proposés en économie de fonctionnalité. La moyenne des deux taux étant égale

au taux actuel de 19,6 %. Déployer progressivement cette TVA dans des

secteurs choisis 2 ans après l’avoir annoncé pour que les industriels se

préparent.

R21 : Lancer lorsque ces recommandations auront été mises en œuvre un

Grenelle de l’économie de fonctionnalités afin d’engager une transition efficace

dans ce domaine.

II.5 Programme 5: Améliorer le fonctionnement de la

recherche publique

R22 : Poursuivre l’effort engagé en matière de gouvernance de la recherche publique et mettre en place une véritable stratégie dans ce domaine avec des objectifs chiffrés et un système de pilotage efficace. Dans ce cadre, on pourrait

suggérer un alignement de la stratégie de recherche et des 34 projets de ré-industrialisation du ministère du redressement productif. Il serait également

souhaitable que la stratégie de recherche inclut un axe important dans le domaine du numérique où La France décroche (notons qu’au sein des 34 projets au moins 8 ont une dominante informatique ou numérique, ce qui est une

excellente chose).

R23 : Engager un plan de rationalisation des organismes de recherche visant

notamment à fusionner des laboratoires afin de simplifier l’organisation de la recherche et réaliser des économies d’échelle.

II.6 Programme 6: Bonifier notre capital humain

R30 : Mener un programme national de sensibilisation, éducation, formation de

la population, à l’école, à l’université dans les médias sur les vertus d’un vrai

« vivre ensemble » et non d’un « vivre les uns à côté des autres ». Il faudrait

que ce programme présente les bonnes pratiques d’autres pays et, pointe en la

matière, nos nombreux points faibles. Il s’agit d’un programme de longue haleine

qui prendra au moins une génération. Ce programme pourrait comprendre :

o une analyse des facteurs de l’individualisme et de la raison de son

importance dans notre culture,

o une analyse comparée des différents pays en matière de cohésion

sociale et de solidarité,

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_________________________________________________Capital Immatériel – Rapport CESE V1___

__________________________________________________________________________________________ Proposition de politique publique en faveur du capital immatériel pour la France

173

o une analyse chiffrée des coûts du déficit de cohésion sociale en France,

o une promotion des acteurs de l’économie sociale et solidaire français et

de leurs succès,

o d’une analyse de l’efficacité du service public avec ses réalisations

remarquables mais aussi ses lacunes,

o …

R31: Mener un programme national pour réconcilier nos concitoyens avec

l’économie et l’entreprise. Celui-ci pourrait être adossé à un invariant d’économie

politique commun à la droite et à la gauche françaises dans lequel :

o On explique simplement le processus de création de richesse,

o L’entreprise est réhabilitée définitivement et qu’on cesse de la montrer

comme une machine à broyer des vies (simplement parce que c’est

faux),

o Le capitalisme responsable est promu aussi, par voie de conséquence

(laisser croire qu’un actionnaire est une sorte de nuisible qui s’enrichit

en dormant est contre-productif car sans actionnaires qui risquent leur

épargne, il n’y a pas d’entreprise et pas d’emplois),

o Le concept de RSE (responsabilité sociétale de l’entreprise) est

clairement présenté comme la voie à suivre,

o On tord le cou une fois pour toute au concept de lutte des classes qui

ne veut plus rien dire au 21ème siècle,

o On condamne l’ultralibéralisme et la main invisible pour deux raisons:

la France n’y a jamais cru et, en outre, ce concept est plus que

vraisemblablement erroné.

o La folie de la finance de marché est expliquée et condamnée sans

détour.

o ….

Cet invariant d’économie politique n’est ni de droite ni de gauche, tout au moins

pas au sens français du terme. Il pourrait donc faire l’objet d’un consensus et

d’un déploiement.

Dans ce cadre, il serait souhaitable de rendre obligatoire les cours d’économie

dans les entreprises pour les délégués du personnel et les membres de CE ainsi

que dans les écoles de journalisme car seul 10 % des journalistes ont des

compétences en économie.

Nos concitoyens vivront mieux dans des entreprises qu’ils comprennent mieux

avec des dirigeants qu’ils comprennent mieux. Notre économie ira mieux si les

salariés y croient davantage.

R32 : Mener un programme national destiné à apprendre dès le plus jeune âge

comment fonctionne notre cerveau émotionnel et les voies et moyens de gérer la

puissance de nos émotions. Les neurosciences du comportement ont fait au

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_________________________________________________Capital Immatériel – Rapport CESE V1___

__________________________________________________________________________________________ Proposition de politique publique en faveur du capital immatériel pour la France

174

cours de la dernière décennie des progrès fulgurants. La mise en œuvre de

techniques simples de gestion mentale qui découlent de ces découvertes permet

de mieux réguler son humeur. Nos voisins britanniques dont on vante le flegme

n’ont vraisemblablement pas d’avantage sur les français en matière de biologie

du cerveau. Ils ont en revanche, de façon très empirique depuis des siècles,

développé une culture de la maîtrise de soi: c’est le fameux Keep a Stiff Upper

Lip (garde la lèvre supérieure immobile, ne montre pas ton émotion) cher à nos

voisins d’outre-manche. Nous gagnerions grandement à développer des

techniques qui réduisent à grande échelle le risque de sinistrose car il est pour le

moins surprenant en 2013 que les espagnols aient plus le moral que les français.

R33 : Enfin un train de mesures pour que le capital immatériel acquière ses

lettres de noblesse au sein des sciences économiques françaises et vienne

enrichir les facteurs de différenciation de l’école française d’économie, serait une

bonne chose. Il faudrait, par voie de conséquence, que cette discipline soit

enseignée partout dans les écoles de management, d’ingénieurs et les

universités de sciences économiques et de gestion françaises.

II.7 Programme 7: Faire de nos services publics des

champions de la performance immatérielle

R34 : Engager un programme national de rationalisation des structures

publiques visant à une suppression des redondances et une allocation plus

pertinente des ressources.

R35: Instaurer dans toute la fonction publique un système de management par

la création de valeur immatérielle (les mesures R10 à R36 en découlent).

R10: Légiférer sur la production par les administrations et collectivités

territoriales d’un rapport annuel présentant: leur budget, leur équivalent cash-

flow, leur valeur IDCF.

R11: Former tous les services publics et parapublics de financement à la prise en

compte de l’ECF (équivalent Cash-Flow) et de l’IDCF (Valeur immatérielle de

l’entité) pour juger de la pertinence de l’allocation d’un financement (allocation

budgétaire ou subvention).

R12: Positionner l’APIE comme une structure d’assistance à la bonne gestion des

actifs régionaux territoriaux. Systématiser l’enseignement des enjeux et du

management de l’immatériel dans les écoles formant à la fonction publique;

systématiser son inscription dans les programmes de formation continue des

agents publics (établissement de leur valeur, protection, tarification pour des

usages commerciaux).

R13: Renforcer le rôle de l’APIE comme promoteur des actifs immatériels publics à l’étranger dans un but lucratif pour l’Etat et les collectivités administrées.

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__________________________________________________________________________________________ Proposition de politique publique en faveur du capital immatériel pour la France

175

R36 : Convertir l’APIE en Agence pour la Performance Immatérielle de l’Etat

chargée de sa mission actuelle d’une part mais qui se verrait confier, en outre,

un mandat de produire puis de déployer dans toute la fonction publique

française, territoriale et nationale, des systèmes de management par la création

de valeur immatérielle.

II.8 Programme 8: Réussir le projet « Marque France »

R37: Accorder toute l’importance qu’il mérite à long terme au projet « Marque

France » proposée par le ministère du redressement productif.

R38 : Avoir conscience que le projet Marque France n’est que le miroir de

l’immatériel de notre pays. Un projet « France immatérielle » doit donc

accompagner le projet marque France.

II.9 Programme 9: Créer en France un courant

économique pour la finance responsable

R39 : Créer une école française (un courant) moderne de finance de marché qui

prenne en compte les thèses, arguments et valeurs énoncées dans ce rapport.

Nous recommandons en complément de créer en France une Ecole Française de

la Finance de Marché. L’un des grands atouts de la France dans le monde

financier est la qualité de son enseignement quantitatif. Les mathématiques

financières sont enseignées en France comme nulle part ailleurs ou presque dans

le monde, notamment à l’école Polytechnique, à Centrale, etc. Nous avons tous

les atouts du monde pour créer une pensée financière moderne plus efficace que

celle qui domine à ce jour.

Cette école de pensée serait conservatrice de tous les progrès réalisés au cours

des dernières décennies mais se chargerait en complément de définir des règles

de la création de valeur réelle et à long terme.

La vocation de cette « école » qui regrouperait les meilleurs professionnels et les

meilleurs universitaires français serait de prolonger le modeste travail ébauché ici

afin de définir les règles économiques qui évitent les dérives, les excès et

l’appauvrissement collectif à long terme qui impactent négativement les acteurs

de la finance eux-mêmes.

S’il est établi que ces règles génèrent à long terme plus de prospérité que les

pratiques en vigueur à ce jour, progressivement les acteurs y viendront.

Au sein de cette école, le capital immatériel aurait toute sa place pour redéfinir la

notion de valeur.

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__________________________________________________________________________________________ Proposition de politique publique en faveur du capital immatériel pour la France

176

Au sein de cette école la théorie de l’efficience des marchés financiers serait

définitivement rendue obsolète par des travaux économétriques sérieux, de sorte

que le mark-to-model incluant la valeur immatérielle serait promu.

Nous voyons ici le rôle de l’Etat comme celui d’un catalyseur, mobilisant les

acteurs de la finance française dans un vaste programme national visant à

favoriser les acteurs du financement de l’économie réelle. En parallèle de la

montée en puissance de cette école et d’un partage de plus en plus large de ses

enseignements, l’Etat pourrait jouer un rôle d’incitateur pour la mise en œuvre

de bonnes pratiques.

R40 : Promouvoir les pratiques largement ancrées dans notre paysage

économique des banques coopératives et favoriser leur développement.

R41 : Redéfinir le rôle de la Banque de France qui pourrait partiellement

redevenir un acteur du refinancement alternatif aux marchés mondiaux pour les

acteurs qui abandonnent certaines pratiques de la finance de marché.

R42: Créer une nouvelle bourse (plutôt que de réformer la bourse actuelle qui

est tributaire des autres bourses mondiales). Dans cette nouvelle bourse, le prix

des entreprises fluctuerait entre deux bornes autour d’une valeur de référence.

Par ailleurs cette bourse présenterait des règles de fonctionnement garantissant

qu’il s’agit bien d’un instrument au service des émetteurs permettant le

financement de leur développement. De notre point de vue cette bourse

cohabiterait bien entre le Private Equity actuel et la bourse actuelle. Il s’agirait

d’un acteur hybride entre les deux. L’existence et la viabilité du Private Equity est

à nos yeux la preuve que cette bourse est viable. La volatilité des marchés

financiers et ses nombreuses dérives actuelles est à nos yeux la preuve de son

utilité.

R43 : Promouvoir les acteurs de la finance responsable. La France peut devenir

un leader mondial de la finance responsable et l’Etat peut jouer un rôle important

pour cela : Inciter à l’investissement socialement responsable, inciter les

banques à accroitre leur pratiques de la RSE surtout au niveau de leur cœur de

métier (par exemple en produisant un étiquetage responsable sur les produits

financiers), promouvoir des organismes de financement alternatifs comme la NEF

ou le Crédit Coopératif.

II.10 Programme 10: Créer un secrétariat d’Etat à

l’immatériel

Les propositions qui viennent d’être présentées sont nombreuses, très

ambitieuses et de nature à entrainer au sein de la société française des

bouleversements profonds. La conduite même partielle des 9 programmes

précités justifie à nos yeux la création d’un secrétariat d’Etat à l’économie

immatérielle.

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177

Cinquième partie (Conclusion): Quelles retombées

économiques attendre d’une telle politique

I Introduction

Cette cinquième partie sera courte dans cette première version de l’étude. Elle

constituerait, en effet, à elle seule, une étude d’une ampleur comparable au

travail que nous venons de produire.

Il nous a toutefois semblé utile de présenter ici une première perspective de

retombée économique.

Que peut-on espérer en conduisant, en partie ou en totalité un tel projet ?

Certaines mesures présentées dans ce rapport sont très difficiles à conduire dans

l’état actuel des comportements collectifs en France (par exemple, la

recommandation N° 34). D’autres ne donneront que des résultats à long terme.

Il y a donc des montagnes à déplacer pour conduire une politique en faveur de

l’immatériel.

Le chapitre qui suit montre toutefois que « le jeu en vaut la chandelle »

II Dette de la France et valeur immatérielle

Le niveau de notre dette publique est inquiétant puisqu’il va s’établir à la fin

2013 à plus de 91 % du PIB.

Si on y rajoute les dettes nettes des banques (qui sont au demeurant des dettes

publiques car, comme on l’a vu en 2009, les banques en état de faillite sont

souvent nationalisées) le montant fait plus que doubler.

D’aucuns seraient tentés de mettre en évidence le patrimoine naturel, matériel

et immatériel et de relativiser le poids de la dette. En effet selon l’INSEE137, le

patrimoine matériel et financier français net de dettes privées et publiques

s’établit à plus de 12 000 milliards d’euros en 2012. En actualisant, a minima, les

travaux de la banque mondiale on obtient une valeur de la France de 44 000

milliards (qui est fortement sous-estimée compte tenu de notre calcul – rapide –

sur la valeur immatérielle de la France en 2013).

137

http://www.lefigaro.fr/patrimoine/2009/03/17/05001-20090317ARTFIG00252-la-valeur-de-la-france-est-estimee-a-12513milliards-d-euros-.php

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178

Fig 64 : la valeur du Patrimoine Français (matériel et financier)

Il ressort, donc de tout ceci que nous avons un niveau collectif d’endettement qui

se situe à environ 15 % de notre richesse matérielle et financière et à 4 % de

notre richesse totale. Il est donc tentant de dire : « pas de souci » !

La réalité est autre :

En premier lieu parce que le remboursement de la dette publique

représente le 2ème poste des dépenses de l’Etat, à 56 Milliards d’euros.

En second lieu, et c’est inquiétant, nous n’arrivons pas à supprimer nos

déficits publics de sorte que ce niveau d’endettement ne cesse de croître

et que le risque de défaut de la France doit être pris très au sérieux

malgré les promesses des gouvernements de maitriser nos dépenses.

Rappelons les critères de Maastricht :

La dette souveraine de la France ne devrait pas dépasser 60 % du PIB et le

déficit annuel devrait se situer au-dessous des 3 %. Nous en sommes très loin.

Notre très importante valeur immatérielle ne doit donc pas servir à relativiser

notre dette. Notre but collectif doit rester d’améliorer notre gestion et de nous

servir du capital immatériel dans ce but.

Cette richesse immatérielle, en revanche, doit à nos yeux être interprétée

comme un potentiel à mieux exploiter: nous avons à l’évidence un gigantesque

patrimoine visible et invisible dont le rendement peut être amélioré.

En 2013, le PIB de la France stagne. C’est-à-dire que la valeur ajoutée de la

France stagne. Imaginons que nous souhaitions une croissance de 3 % du PIB,

taux que nous n’avons pas obtenu depuis 2000 et que plus personne n’ose

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envisager tellement nous sommes moroses. Cela représente environ 60 Milliards

d’euros soit un delta de rendement de nos actifs au sens large de 0,14%.

Les 43 mesures énoncées dans ce document représentent un potentiel

nettement supérieur comme nous allons le voir.

III Changer de grille de lecture

Les indicateurs que nous utilisons pour juger de la situation générale dans

laquelle nous sommes n’ont pas toutes les vertus.

Le travail que nous avons engagé ici devrait servir à changer de grille de lecture

afin de prendre en compte des critères plus complets de notre prospérité

durable. Incluant notamment la richesse globale créée et notamment la création

ou la destruction de capital naturel, etc.

Comme nous l’avons vu dans la seconde partie, nos instruments de navigation

peuvent être améliorés puisqu’il y a, par exemple, beaucoup de richesse

immatérielle non comptée dans le PIB et beaucoup de fausse richesse comptée

dans le PIB. Or nos outils de mesure nous influencent: s’ils nous disent « ça va

mal » alors que ce n’est pas le cas, ils peuvent faire vaciller notre confiance et

entrainer une pseudo-vérification, en induisant le comportement

(découragement, pessimisme…)…, qui finit par provoquer ce que l’on craignait.

S’ils nous disent que ça va mieux alors que l’on ne perçoit pas d’effet, ils

entretiennent aussi une morosité et une perte de confiance dans les messages

qui nous sont adressés.

Ainsi, il semble que des changements, mêmes limités dans nos méthodes

de mesure peuvent avoir des effets décisifs sur notre moral, notre

confiance dans l’avenir et donc sur notre performance.

Notre propos n’est pas ici de prétendre qu’un changement de thermomètre

soignerait tous nos maux mais simplement de promouvoir un système plus

complet de mesure et d’analyse.

Nous verrons plus bas que pour passer d’une situation négative à une situation

positive, l’amplitude du changement est relativement limitée. Ce n’est pas un

changement du tout au tout. L’ordre de grandeur des changements, ce n’est pas

l’unité (passer de « 1 » à « 2 »), ni même le dixième (améliorer la situation de

10 %) mais le centième (l’améliorer de l’ordre du pourcent).

Les chiffres évoqués dans les chapitres précédents et notamment dans la

seconde partie ont un ordre de grandeur 10 fois supérieur à celui des

changements attendus.

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180

C’est l’un des arguments les plus importants de ce rapport pour changer

de système de management de la production de richesses

Par ailleurs, en matière de changement de grille de lecture, voici une

considération qui donne à réfléchir.

Une ONG britannique, la NEF (New Economics foundation), produit depuis

plusieurs années un index appelé le Happy Planet Index (HPI)138. Il est calculé

comme suit :

L’indice de bien-être collectif est le résultat d’un sondage international de

l’institut Gallup.

La France arrive 56ème du classement à cause de son empreinte écologique. Mais

en neutralisant ce facteur, nous sommes en 16ème place devant les Etats-Unis,

l’Allemagne ou le Japon. Ainsi, notre Bonheur-National-Brut à court terme (sans

prendre en compte l’environnement) pourrait bien être meilleur que celui de nos

modèles ! Imaginons que tous nos efforts soient organisés autour de ce

classement, il y a fort à parier que nous changerions beaucoup de choses dans

notre pays.

Il est certain qu’un objectif national qui prendrait seulement en compte le

numérateur de l’indice HPI risquerait fort, par son caractère simpliste, de nous

égarer et notamment parce que ce bien-être là, qui ignore tout paramètre

environnemental, n’est pas durable.

L’indice HPI lui-même ne peut être retenu seul car ce n’est pas un système

comptable. Nous avons donc tout intérêt à produire un système comptable

nouveau et complet incluant:

- le capital naturel,

- le capital matériel et financier

- le capital immatériel qui inclut le capital humain.

Et ce changement de grille de lecture sera plus que salutaire.

Pour l’heure, tant que nous n’avons pas de nouveaux indicateurs, nous restons

nous-mêmes contraints ici à utiliser les indicateurs existants :

- Le PIB,

- Sa croissance,

- La dette

- Etc.

138

http://www.happyplanetindex.org/

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IV Un rebond fort et durable de la France est « à portée

de main »

Avant de développer cette partie précisons ce que nous entendons par

«à portée de main ». L’inertie d’un pays est telle que pour qu’une

mesure donnée porte pleinement ses effets, il faut compter plusieurs

années. S’il y a, en outre, quelque résistance au changement (et la

France est douée pour la résistance), les effets sont encore plus long à

venir.

Le délai qui nous semble requis pour que les mesures présentées ci-

dessous s’expriment pleinement correspond à une décennie. A l’échelle

d’un pays ce n’est rien.

Comme nous l’indiquions en introduction, un travail important serait nécessaire

dans le prolongement de ce rapport pour:

- Procéder à un arbitrage des grandes orientations présentées ici,

puis,

- Décrire des modalités opérationnelles fines de la politique publique retenue ou

des différents scénarios retenus,

- Procéder à des simulations économiques des retombées à en attendre.

La charge que cela représente n’était pas compatible avec l’effort disponible pour

produire le présent rapport.

Nous nous bornons donc ici à présenter des ordres de grandeurs qui montrent

que les propositions exposées dans les chapitres qui précèdent sont de nature à

permettre d’atteindre et même dépasser les objectifs d’une « sortie de crise ».

La France est actuellement dans un bourbier: croissance nulle, déficit supérieur

au critère de Maastricht (moins de 3 % du PIB que nous espérons atteindre en

2015).

Mais pour améliorer durablement la situation, nous devons avoir un déficit

inférieur à la croissance car sans cela, notre taux d’endettement (si on neutralise

l’inflation par prudence) ne cessera de croître jusqu’à ce que nous soyons en

défaut.

La réduction des dépenses (numérateur du déficit) n’est que partiellement

impactée par des mesures liée au capital immatériel car nous avons accumulé

des postes de dépenses incompressibles ou presque pour de longues années.

A titre d’exemple, le déficit annuel réel des retraites de la fonction publique est

de l’ordre de 30 milliards (recette liée aux cotisations moins dépenses).

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Le remboursement de la dette se situe aux alentours de 56 milliards. Or, pour

mémoire: un déficit de 3 % du PIB représente en 2012 environ 60 milliards

d’euros. Cela signifie :

Qu’à lui seul le remboursement de la dette représente l’objectif de déficit

Qu’à lui seul le déficit des retraites de la fonction publique en représente la

moitié.

L’apport du capital immatériel est, en revanche, majeur sur la croissance,

l’emploi et le PIB pris dans sa globalité, par conséquent sur le taux de déficit qui

peut baisser si le dénominateur augmente.

En imaginant que nous soyons capables de générer une croissance de 3 % quelle

serait notre situation dans 10 ans ? En se basant sur la loi d’Okun qui établit la

relation entre chômage et croissance139 nous obtenons au bout de 10 ans un

chômage à 5 % et un taux d’endettement qui se stabilise puis recommence à

baisser.

Le propos de cette partie n’est ni de dire que ce serait facile d’y parvenir

ni de formuler des recommandations simplistes de mise de œuvre,

d’autant que tout changement dans notre pays génère une épouvantable

résistance (voir le chapitre sur le capital humain).

Nous souhaitons simplement mettre ces hypothèses en regard des

potentialités du capital immatériel

Notre morosité persistante notamment liée à des performances au cours de la

dernière décennie qui sont toutes inférieures à 3 % de croissance génèrera chez

le lecteur un moment de scepticisme …et pourtant.

Imaginons que :

les recommandations 15, 16, 18 et 24 créent les effets escomptés en

matière de compétitivité des produits français et que par voie de

conséquence, nous réduisions nos importations d’un volume de 5 % du

volume importé en 2012 (le marché intérieur achèterait donc dans ce cas

plus de produits français). Le PIB croit alors de ….1,5 % (de 30 Milliards),

qu’en complément les mesures 14 et 17 produisent les effets escomptés à

l’export et que par conséquent, nous exportions 5 % de plus,…

…alors le PIB gagne 30 milliards soit 1,5 point de croissance de plus

imaginons que ces mêmes recommandations cumulées aux

recommandations 6, 7, 8 et 9 entrainent une diminution des dépôts de

139 Un point de croissance au-dessus de 1,84 point de PIB réduit le chômage de 0,57 point. Loi d’Okun appliquée à la France O. Blanchard et D. Cohen, Macroéconomie, Pearson Education 2010

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__________________________________________________________________________________________ Proposition de politique publique en faveur du capital immatériel pour la France

183

bilans d’un tiers (base 2012). L’ordre de grandeur économisé est encore a

minima de 5 Milliards.

Ainsi le potentiel de retombées économiques de 10 des 43 mesures énoncées

représente 3 % de croissance.

Ces quelques chiffres montrent également le formidable effet de levier que le

commerce extérieur représente pour la santé économique de notre pays.

Insistons sur 2 points à cet égard :

1- nous sommes « mauvais » dans ce domaine,

2- la réussite y est pour beaucoup fondée sur de l’immatériel : parler anglais,

innover, faire rayonner nos marques.

Par ailleurs, le pilotage de la réduction des déficits grâce au capital immatériel

trouverait plus aisément sa place dans une France qui a retrouvé sa confiance en

elle et qui a assaini son économie. Nous en avons les aptitudes et les ressources.

Dans ce cadre, la mise en œuvre des mesures 11,12, 34, 35 et 36 produiraient

des effets très importants mais il s’agit là d’un programme de plus longue haleine

tant le sujet peut générer de blocages voire de révoltes. Nous en sommes si

coutumiers.

V Conclusion de ce rapport et proposition de prochaines

étapes.

Au terme de ce travail nous formulons trois recommandations à notre mandant,

Jean-Paul Delevoye président du Conseil Economique Social et Environnemental.

1. Militer pour que trois projets du présent rapport soient mis en œuvre

rapidement.

Comme l’ont montré les arguments développé dans cette partie, il est

crucial pour notre pays de lancer au plus vite le projet N° 2 Faire passer

les entreprises et leur financeurs à l’ère de l’immatériel.

Il serait également souhaitable, sans attendre, de mettre en œuvre le

projet N° 3 qui permettrait de rendre l’économie sociale et solidaire

française exemplaire au niveau mondial en matière de capacité à créer de

la valeur.

Pour les autres projets proposés ici, le projet N°10 consistant à créer un

secrétariat d’état à l’immatériel serait une première étape dont les autres

découleraient.

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184

2. En parallèle, engager dans la foulée du présent rapport un programme

plus vaste de recherche en économie sociale et environnementale, porté

par le CESE et idéalement légitimé par une saisine. Il aurait pour but de

reprendre et d’approfondir les présents travaux notamment en y associant

des économètres et en procédant à des simulations chiffrées des

retombées économiques à attendre de plusieurs scénarios de mise en

œuvre. Le délai nécessaire pour le lancement des trois projets précités fait

que les conclusions de ce chantier, s’il est lancé rapidement, arriveraient à

point nommé pour accompagner au mieux les mises en œuvre que nous

recommandons ci-dessus.

3. Faire en sorte que le CESE médiatise à tous niveaux l’importance pour

notre pays d’une politique en faveur de l’immatériel qui, combiné avec les

exigences du développement durable, constitue la nouvelle frontière des

économies du 21ème siècle et la voie de notre prospérité future.

Page 185: Rapport CESE pour une politique publique en faveur du capital Immatériel

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185

Annexe 1 : liste des figures

Fig 1 : pour créer de la richesse, il faut du capital et du travail.

Fig 2 : Le « bilan étendu » de l’entreprise intégrant l’immatériel.

Fig 3: Décomposition de la valeur du CAC 40 d’après Ricol et Lasteyrie

Fig 4 : tableau de la performance économique pour l’occupant de bâtiment à forte

intensité immatérielle (Gecina) et de bâtiments standard

Fig 5 : les actifs d’offre et de demande d’un territoire

Fig 6 : l’évaluation extra-financière du capital habitant d’une ville (les notes sont sur 20)

Fig 7 : taux de croissance annuel en volume 1974-2012 (données OCDE)

Fig 8 : part du PIB français dans les PIB du monde, de l’OCDE et de l’UE à 27

Fig 9 : évolution du PIB par habitant par rapport aux moyennes OCDE, UE et zone euro

Fig 10 : rang de la France en matière de PIB par habitant

Fig 11 : part de marché des exportations françaises, 1974-2010

Fig 12 : Déficits publics et solde commercial 1974-2010

Fig 13 : le solde commercial de la France en milliards d’euro (1996-2011)

Fig 14 : capacité ou besoin de financement des différents secteurs de l’économie

Fig 15 : Evolution de la dette publique de 1978 à 2012

Fig 16 : Evolution du nombre de personnes en dessous du seuil de pauvreté

Fig 17 : la méthode Thésaurus-Bercy

Fig 18 : La discipline capital immatériel étudie et valorise les actifs et non les actions

Fig 19 : les actifs d’offre et de demande et le double flux de produits et de cash

Fig 20 : Les actifs d’offre ont une importance variable selon les secteurs

Fig 21: Evaluation extrafinancière du capital humain

Fig 22: Exemple d’indicateur étalonné (extrait de Thésaurus-Bercy)

Fig 23: un échantillon des entreprises françaises qui mesurent leur capital immatériel

Fig 24: l’évaluation extra-financière de la banque populaire atlantique en 2012 selon

Thésaurus-Bercy

Fig 25: Classement des entreprises du CAC 40 établi selon leur capitalisation en

Reference Value® en M€ (au 7 mars 2012, clôture de la Bourse)

Fig 26 : le synoptique de la méthode Thésaurus-RBC

Fig 27 : Calcul de la rentabilité de l’activité des Compagnons du Voyage pour ses

sponsors

Fig 28 : Comparaison des caractéristiques immatérielles de Pointe Métro 2 et du bâtiment

concurrent

Fig 29 : Les paramètres de la productivité qui sont impactés par les caractéristiques d’un

bâtiment (dans ce schéma le symbole M signifie Moyenne ; « + », somme ; « X »,

multiplication et « % » division.

Fig 30 : le bilan économique de la comparaison entre le bâtiment Pointe Métro 2 et le

bâtiment concurrent.

Fig 31 : l’éclaté du PIB Français en 2012

Fig 32 : décomposition du prix d’une chaussure de Sport

Fig 33 : décomposition de la richesse de 10 pays en part du capital naturel, du capital

matériel (Produced Capital) et de l’immatériel

Fig 34 : formule de calcul de la valeur actuelle nette globale d’une économie

Fig 35 : structure de la valeur de pays en développement

Fig 36 : plus les actifs immatériels sont bons, plus la génération de profits futurs est

sécurisée

Fig 37 : le nombre de défaillances d’entreprises depuis 2006

Fig 38 : le coût du travail en Europe selon COE-Rexcode

Fig 39 : comparatif du coût du travail en France et en Allemagne

Fig 40 : évolution de la production automobile en France et Allemagne.

Fig 41 : Fiabilité perçue des voitures en fonction de leur pays

Fig 42 : Les élèves français sont mauvais en Anglais

Fig 42b : Avantage technologique révélé de la France dans 4 secteurs

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__________________________________________________________________________________________ Proposition de politique publique en faveur du capital immatériel pour la France

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Fig 43 : Effectif de salariés R&D pour 1000 actifs par Pays

Fig 44: Dépense intérieure de R&D par Pays

Fig 45 : Intensité de la R&D et part de la R&D financée par les entreprises par pays

Fig 46 : taux d’entreprises innovantes en fonction de leur taille par pays

Fig 47 : évolution du dépôt de brevets en Europe et aux USA

Fig 48 : Le Tupolev 144 en 1970

Fig 49 Lacoste, l’une des marques Les plus contrefaites

Fig 50 : valorisation par le cabinet Interbrand des 18 premières marques mondiales

Fig 51: nombre d’années d’études et richesse par habitant et par pays

Fig 52 : le coût horaire du travail par secteur en France et en Allemagne

Fig 53 : le coût salarial par unité produite

Fig 54 : La sinistrose des Français

Fig 55 : Vision de l’avenir par pays

Fig 56 : les freins à la cohésion sociale selon les français

Fig 57 : Part de la dépense publique dans le PIB

Fig 58 : évaluation extra-financière de la marque France

Fig 59 : les trois acteurs des CDS

Fig 60: évolution de la vente de CDS entre 2010 et 2011 par pays

Fig 61 : Carte de France des emprunts toxiques des municipalités françaises

Fig 62 : croissance des Hedge Funds entre 1997 et 2007

Fig 63 : Evolution des profits du secteur bancaire aux USA et en France sur 10 ans

Fig 64 : Valeur du patrimoine Français (matériel et financier)

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