Protin

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Thèse

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universit lumire lyon doctorat d'tudes ibriquesSyIvie PROTINTRADUIRE LA LECTUREDirecteur de recherches : M. Jacques POULETThse de Doctorat soutenue le 8 dcembre 2003.Membres du jury : M. Michel LAFON Mme Michle SORANO M. James DURNERN M. DanielMESA GANCEDO M. Jacques POULETTabIe des matires. .1Remerciements . .3RESUME :.5EXTRACT : .7introduction . .9L'DUVRE dite DE JULIO CORTZAR, TRADUCTEUR : Ia chrysaIide d'un crivain . .17Les origines obscures : sur Ia piste de Leopln (Traduction, pIagiat, criture) . .181945-1947 : Tisser Ia chrysaIide .26Daniel Defoe, Robinson Crusoe : le lecteur enfant et l'idologie colonialiste .27Walter de la Mare, Memorias de una enana : la focalisation interne . .33Jean Giono, Nacimiento de la Odisea : le chant pur du mensonge . .37Gilbert Keith Chesterton, El hombre que saba demasiado y otros relatos : lanouvelle et son lecteur . . 48Henri Brmond, La Poesa Pura : fonder une potique . .51Andr Gide, El Inmoralista : impliquer le lecteur dans l'horreur . .60Gombrowicz, Ferdydurke : collaboration une aventure chevele ? .65Henri Troyat, Pushkin : une piste ouverte .67nterlude . .681949-1951 : S'chapper du cocon .70Villiers de l'sle Adam, La Sombra de Meyerbeer : une apparition fantastique .72Martin Buber, Moiss : un travail de correction .85Alfred Stern, Filosofa de la risa y del llanto : la valeur des valeurs .86Alfred Stern, La Filosofa de Sartre y el psicoanlisis existencialista : influence del'existentialisme . 94Luisa May Alcott, Mujercitas, et Thomas Hughes, Tom Brown en la escuela :traduire pour les enfants . 97nterlude . .981952-1958 : cIosion . .99Marcel Aym, La Vbora : un fantastique discret . .100Ladislas Dormandi, La Vida de los otros : innovation thorique .105Andr Gide, As sea o La suerte est echada : lit de mort d'un auteur . .109Lord Houghton (Richard Monckton Milnes), Vida y Cartas de John Keats :comprendre qui on admire . . 113Marguerite Yourcenar, Memorias de Adriano : une conscience qui bat.117Edgar Allan Poe, Obras en prosa : le doppelgnger en action .124Jorge Luis Borges, L'homme au coin du mur rose : la saveur des langues(collaboration). 132nterlude . .1331964-1983 : Les dernires traductions, retour aux sources .134Percy Scholes, Diccionario Oxford de la Msica : fixer une smantique . .134Virgil Thomson, Prefacio Msica en Buenos Aires de Jorge d'Urbano : pour unami . . 136Carol Dunlop, Llenos de nios los rboles : pour un amour .136ConcIusions provisoires.137Janus aux deux visages : aux seuiIs de Ia traduction et de I'criture .141CouIisses de Ia Traduction Potique : Une criture ? .142Traduire la posie : de l'intraduisible au pastiche .142Paul Valry La Durmiente : le rythme et la contrainte mtrique .152George Meredith : Endecha en los bosques .158Manuscrit de Jean Cocteau : tout un recueil .159Paul Blackburn, Red de la luna : corriger, rcrire l'image .166Quelques fantmes (Pistes de traductions de Pret, Supervielle, Depreux, Juin etQueneau) . . 175nterlude . .177crire dans I'Autre Langue et s'Auto-traduire .178L'identit des textes en franais .179Les discours du Pince-gueule .181 Comme quoi on est trs handicaps par les jaguars . .184On dplore la / Ya no quedan esperanzas de . .186nterlude . .191Traductions et Traducteurs dans Ia maiIIe des textes de JuIio Cortzar .192Traduire pour faire lire .192Donner lire l'intraduisible (Imagen de John Keats) . .194Se mettre en scne en traducteur .199Des personnages-traducteurs .199nterlude . .202ConcIusion provisoires.202Rayuela : TRAduire Ie Iecteur .205ProIgomnes .205Rayuela et la traduction . .206Le traducteur en lecteur : vers Rayuela . .213Le lecteur en personnage : traduire le lecteur . .220nterlude . .221L'effet-Rayuela : Ia Iittrature comme communication .222L'effet-Rayuela . .222Le projet de Cortzar . .227nterlude . .232Saboter Ie rIe traditionneI du Iecteur .232l'nonciation instable de Rayuela.233Le lecteur face l'histoire .242nterlude . .247Des personnages Iecteurs : Lire des Iectures .247Caractrisation indirecte par la lecture : une psychologie sans psychologisme . 247Fonctions de la mtalecture : une distanciation . .256nterlude . .264L'activit du Iecteur reI dans Rayuela . .264Attention au dtail.265La lecture par sauts ou la distraction . .270Expulsion du lecteur .280ConcIusion provisoire : L'activit du Iecteur reI et Ia traduction, Ia rayonnanteanaIogie . 282Sortir de la linarit du texte .283La qute de sens . .283Faux-sens .284Analogie . .285Coda.286concIusion . .289Annexes . .297Annexe n1 : romans ou longs textes parus dans la revue Leopln,entre 1938 et 1940 .297Annexe n2 : Traductions parues dans la Biblioteca mundial Sopena .301BibIiographie . .309TEXTES PROPRES DE JULO CORTZAR .309Textes narratifs . .309Textes potiques .310Textes dramatiques . .310Almanachs et textes illustrs . .310Textes critiques ou politiques .311Textes crits et publis en franais par Julio Cortzar.311Prologues, introductions et avant-propos .312Correspondance.313Traductions en franais des textes propres de Cortzar . .313ENTRETENS, DOCUMENTS AUDOVSUELS ET DOCUMENTS SONORES AVECJULO CORTZAR . . 314Entretiens .314Documents audiovisuels .314Documents sonores .314Archives o sont conservs des manuscrits de Julio Cortzar . .315Traductions littraires dites ET REALSES PAR Julio Cortzar . .315Textes dont Julio Cortzar est l'unique traducteur .315Collaborations d'autres traductions dites .316Originaux des textes traduits par Cortzar .316Sur la vie et l'ouvre de Julio Cortzar.318Textes thoriques .319Sur la traduction . .319Thorie de la littrature .319Sur le thtre . .319Psychologie cognitive.320Divers textes cits dans ce travail . .320Dictionnaires et usuels .321A Jean-Marie, A mes parents. hay cosas que slo se dejan ver mientras se sube hacia atrsCopyright PROTN Sylvie et Universit Lumire - Lyon 2 - 2003.Ce document est protg en 1TRADUIRE LA LECTURE2 Copyright PROTN Sylvie et Universit Lumire - Lyon 2 - 2003.Ce document est protg enRemerciementsNoustenonsremercierici MonsieurJacquesPoulet, notredirecteurderecherches, poursabienveillance, ses encouragements et ses conseils.Ces recherches nauraient pu tre menes bien sans laide de Madame Aurora Bernrdez ;quelle soit remercie de sa confiance.Ce travail a ncessit une importante recherche de terrain. De nombreuses personnes nousont aide chemin faisant, par leurs tmoignages, leurs conseils ou leurs archives personnelles.Nous souhaitons ainsi remercier :EnFrance: M. Sal Yurkievich, MmeGladysYurkievich, M. PhilippeBataillon, MmeMonaHuerta,M.AlbertoManguel,MmeRaquelThiercelin,M.JacquesDepreux,M.DanielGile, lquipe dATLAS et son directeur, M. Claude Bleton, ainsi que Mme Monique Girasoli etM. Hubert Ribrac.EnEspagne:M. DanielMesaGancedo, MmeFranoiseRosset, lquipedelaCasadelTraductor de Tarazona ainsi que M. Nacho Broto Blasco.Aux tats-Unis : M. Gregory Rabassa et Mme AnnaLee Pauls.EnArgentine: M. JosLuisBoquete, MmeMercedesDipp, M. HctorYnover, MmeJosefinaDelgado, M. LucioFernndezBlanco, MmeNatachaGuthmann, M. PabloMedina,Mme Georgina Ciccio, Mme Isabel Terragni et M. Rodrigo Godoy.Une partie de ce travail a t ralise La Casa del Traductor de Tarazona (Espagne).Lcole Doctorale Humanits de lUniversit Lumire Lyon II a contribu au financementde ces voyages de recherches.Remerciementsvertu de la loi du droit d'auteur.TRADUIRE LA LECTUREvertu de la loi du droit d'auteur.RESUME :Lenjeu de cette thse est en quelque sorte de partir du mconnu pour aboutir une rvision duconnudansluvredelcrivainargentinJulioCortzar(1914-1984). Noussouhaitonsainsimettre en lumire le Cortzar traducteur : ses traductions littraires, de langlais et du franais,valent entant que textes, entant que dmarche et entant que formationlittraire. Nousproposonsensuiteuneproblmatisationdesonuvreproprevis--visdelatraduction:cettedernire est intimement lie au processus de lcriture. Enfin, cette lumire, nous revenons versun objet plus familier : lactivit si particulire du lecteur dans Rayuela, que nous envisageonshors des reprsentations classiques du lecteur complice . Nous essayons de montrer que cetteactivit du lecteur est plutt penser en continuit avec la pratique de la traduction littraire parCortzar.RESUME :Copyright PROTN Sylvie et Universit Lumire - Lyon 2 - 2003.Ce document est protg en 5TRADUIRE LA LECTURE6 Copyright PROTN Sylvie et Universit Lumire - Lyon 2 - 2003.Ce document est protg enEXTRACT :The aim of this thesis is to start from the forgotten or undervalued to end up in a revision of thefamouspartsintheworkofJulioCortzar(1914-1984)theArgentinianwriter. Wehopetohighlight Cortzar the translator : his literary translations, from English and French, are valuableas texts, for his reasoning process, and for his literary education. Then, we suggest to questionhis works proper inrelationtotranslation, whichis intimatelyconnectedtotheprocess ofwriting. Finally, in the light of this aspect, we come back to the more familiar : the peculiar stateof activity of the reader in Rayuela, that we consider out of the classical approach of the readerof complicity ( lector cmplice ). We try to show that this reader's activity should be viewedas a continuity of Cortzar's experience of literary translation.EXTRACT :vertu de la loi du droit d'auteur.TRADUIRE LA LECTUREvertu de la loi du droit d'auteur.1L'crivain argentin Julio Cortzar est n Bruxelles en 1914 et mort en 1984, Paris, o il vivait depuis 1951.2Un colloque sur Cortzar.4Les plus rcents sont par exemple : Obra crtica (1994), Adis Robinson (1995), Diario de Andrs Fava (1995), Imagen de JohnKeats (1996) et Silvalandia (1996). l faut remarquer que les livres d'Alfaguara sont trs bien diffuss dans le monde hispanophone.introductionEn 1987, soit trois ans aprs le dcs de Julio Cortzar1, l'auteur argentin MempoGiardinelli faisait ce constat acerbe propos de la critique cortazarienne :Es imprescindible, creo, si hablamos de Cortzar, abordarlo desde otro punto devista. No soy un crtico, no soy un acadmico, no soy un investigador, de modoque me inhibo, me declaro incapacitado para tratar al maestro desde losenfoques que cualquiera de los asistentes a Stillwater2hara mucho mejor queyo. Pero lo que pasa es que no quiero, tampoco, contribuir, ni siquieraminimamente, a seguir inventando mitos y adorndolos esttica y comodamente,como suelo apreciar en cierta crtica, que francamente me disgusta. Me refiero ala crtica que sigue dando vueltas alrededor de lo mismo, como el perro semuerde la cola, y sigue buscando lo potico en tal, lo mgico en cual, losignificante en el cmo, lo mtico-teolgico-filosfico-etc. en esto y en lo otro.3Depuis, l'tat de la question a volu, nous allons le voir. De nombreux textes indits ontt publis dans la Biblioteca Cortzar d'Alfaguara 4, qui a galement rdit certainsouvrages puiss. Enfin, en 2000, cette mme maison a dit, sous la direction d'AuroraintroductionCopyright PROTN Sylvie et Universit Lumire - Lyon 2 - 2003.Ce document est protg en 93M. Giardinelli, El encuentro , p. 144-145 de Los ochenta mundos de Cortzar, dition en charge de F. Burgos, Madrid,Edi-6, 1987. Si l'on parle de Cortzar, il est ncessaire, je crois, de l'aborder autrement. Je ne suis pas un critique, je nesuis pas un universitaire, de sorte que je m'inhibe, que je me dclare incapable de traiter le matre depuis des approchesque les participants ce congrs de Stillwater matrisent bien mieux que moi. Mais je ne veux pas non plus, contribuermme de manire infime, la continuelle invention de mythes et leur adoration statique et commode -ce que jeremarque souvent dans une certaine critique, qui franchement, me dplait-. Je pense cette critique qui tourne encore ettoujours autour des mmes choses, qui continue chercher ici le potique, l, le magique, ailleurs le signifiant, partout lemythico-thologico-philosophique. (Trad. S.P.)5Voir Daniel Mesa Gancedo : La apertura rfica. Hacia el sentido de la poesa de Julio Cortzar, Peter Lang, 1999 et Laemergencia de la escritura. Para una potica de la poesa cortazariana, Kassel, Ed. Reichenberger, 1998.6La Licorne n 60 (Cortzar de tous les cts), ouvrage collectif dirig par Joaqun Manzi, Poitiers, 2002.7Ibid, J. Manzi, Avant-propos , p. 4 et 6.Bernrdez,la correspondance de Cortzar,sous le titre Cartas :ces trois tomesconstituent un apport inestimable, ils dcloisonnent les lectures et fourmillentd'informations biographiques inconnues jusqu'alors.Nous nous trouvons donc actuellement un tournant de lavie de l'ouvre de JulioCortzar : elle est en train de quitter l'actualit littraire et d'entrer de plain-pied dansl'histoire littraire. l est d'ailleurs intressant de remarquer que ceci ne se produit pasexactement au moment de la mort de l'crivain, mais environ 20 ans aprs, c'est--direque, pour les lecteurs, la transition n'a pas lieu lorsque aucun texte ne sera plus produitmais quand aucun texte indit ne sera plus publi par les hritiers. En quelque sorte,l'ouvre reste vivante pour le lecteur quelques vingt ans de plus que son auteur.Paralllement ce regain ditorial, on remarque un important renouveau critique,avec notamment les travaux de Daniel Mesa Gancedo sur la posie de Cortzar 5, ainsique des projets comme Cortzar de tous les cts 6, dont l'avant-propos affirme :A limage de certains personnages clbres des fictions cortazarienne ()confronts voir lautre au lieu de tenter de devenir autres, une partie de lacritique sest engouffre dans ce dualisme apparent pos par les livres deCortzar, en choisissant lun des domaines contre lautre. Contre ces dualismes() Cortzar, de tous les cts propose une premire bauche de lectureintgrale de luvre, visant la situer au sein de la littrature du XXsicle et nonpas la revendiquer ou lhonorer une fois de plus depuis tel ou tel parti-prisaffectif idologique.7On assiste donc un tournant critique qui tente de prenniser l'ouvre de Cortzar, en ladgageant d'une lecture contemporaine de l'auteur, parfois trop partisane, et en mettanten exergue la grande littrarit de ses textes.Les textes de Cortzar ont conquis un nouveau lectorat hispanophone et cet auteurest devenu une figure majeure des lettres hispaniques, au mme titre que Borges, parexemple. Certains projets, tels l'ambitieuse exposition itinrante Cortzar 2004 ,conue par Facundo de Almeida, nous montrent l'actualit de Cortzar auprs d'un largepublic.TRADUIRE LA LECTURE10 Copyright PROTN Sylvie et Universit Lumire - Lyon 2 - 2003.Ce document est protg en8Journal d'Andrs Fava, traduction F. Rosset, Denol, 2001 ; L'Examen, traduction JC. Masson, Denol, 2001 ; Rien pourPehuaj suivi de Adieu Robinson traduit par F. Thanas, ditions Thtrales, 2001. On voit ainsi que l'dition franaise a environ dixans de retard sur les publications posthumes.9Les traductions se trouvent en notes de bas de page. Lorsqu'elle existe, nous citons la traduction dite ; elle sera alors suiviedes initiales du traducteur ou de la traductrice. Lorsqu'il n'existe pas de traduction accessible, nous traduisons nous-mme lestextes. Dans ce cas, ils seront suivis de la mention Trad. S.P. . Nous ne prtendons pas ici fournir de bonnes traductionslittraires ; nous nous contentons de rendre accessible le texte pour les lecteurs francophones. Par ailleurs, de trs rares endroitsnous avons t amene modifier la traduction dite pour des besoins de prcision critique. Nous tenons prciser que cela neconstitue en aucun cas une critique de la traduction franaise dite.En France, Cortzar n'a pas encore la place et la diffusion qu'ilmrite. Nousassistons depuis quelques annes un renouveau ditorial,avec des traductionsrcentes comme Journal d'Andrs Fava, L'Examen et Rien pour Pehuaj suivi de AdieuRobinson 8. Notons galement qu'il existe un projet de traduction concernant Obra crtica.Malgr cela, il semble que le lectorat franais soit pour l'heure constitu de petits foyersde passionns et non d'un large public : le nom de Cortzar est encore mconnu pour denombreux lecteurs qui, par contre, connaissent les noms de Garca Mrquez ou deBorges. Nous sommes encore loin d'une Pliade pour Cortzar et la critique franaise aun rle important jouer pour la revalorisation et la diffusion de l'ouvre de ce dernier.C'est dans cette perspective que nous avons choisi de proposer des traductions enfranais de toutes les citations en espagnol contenues dans ce travail. 9Le pari de cette thse est en quelque sorte de partir du mconnu pour aboutir unervision du connu. Nous souhaitons ainsimettre en lumire un pan de l'ouvre deCortzar jusqu'ici peu frquent par la critique : ses traductions littraires. A partir de cela,nous proposons une problmatisation de son ouvre vis--vis de la traduction, ce qui,permettra, nous l'esprons, de la dcouvrir sous un autre jour. Enfin, cette lumire, nousreviendrons vers un objet plus familier : l'activit si particulire du lecteur dans Rayuela,que nous envisagerons hors des sentiers battus du lector hembra oppos au lecteurcomplice . Nous essaierons de montrer que cette activit du lecteur est plutt penseren continuit avec la pratique de la traduction littraire par Cortzar.Pour ce faire, plusieurs problmes mthodologiques se posent. Concernant lestraductions littraires ralises parJulio Cortzar,nous avons constat qu'aucunebibliothque europenne,latino-amricaine ou tasunienne ne les possdaittoutes.Beaucoup de ces traductions, dites majoritairement dans les annes 1940 et 1950 Buenos Aires ( une poque o Cortzar n'tait pas encore clbre) sont aujourd'huimconnues, mme en Argentine. De plus, la traduction littraire tait considre jusqu'rcemment encore comme une activit mineure vis--vis de l'criture. Ces livres n'ontdonc pas t conservs avec la mme constance que les textes propres de Cortzar. l ya ainsi une trs grande dispersion des traductions dites ainsi que des manuscrits. Nousavons donc d raliser une vritable tude de terrain, un peu la manire d'un historien,afin de recenser, de localiser et de situer biographiquement ces textes, ce qui a ncessitplusieurs voyages de recherches. Nous tenons souligner le rle d'Aurora Bernrdez : sammoire vive et ses patients conseils ont fourni une aide dcisive pour ces recherches.introductionvertu de la loi du droit d'auteur.10Voir par exemple Daniel Gile : Basic concepts and models for interpreter and translator training, J. Benjamins Pub. Co., 1995.11Henri Meschonnic : Potique du traduire, Verdier, 1999.Une fois ce corpus constitu, il fallait dcider d'un cadre thorique pour leur tude.L'intrt de ces traductions tait multiple. Elles ont d'abord la valeur d'un tmoignagebiographique sur une poque de la vie de Cortzar qui est assez mal documente. Nousavons essay d'apportericiune contribution pourl'clairage de cette priode,endgageant des charnires et en recoupant ces traductions avec divers tmoignagesbiographiques (issus de la correspondance de Cortzar, de divers documents, mais aussid'entrevues ralises auprs de personnes l'ayant connu une poque ou une autre desa vie).Ces traductions valent aussi, nous le verrons, en tant que socle intertextuel pour laproduction de l'ouvre postrieure de Cortzar.Nous avons ainsimen une tudecomparatiste entre les textes traduits et les productions propres de Cortzar. Nousvoudrions montrer par ce biais que la traduction a eu un rle dcisif pour la formationlittraire de notre auteur.Par ailleurs, ces traductions valent aussi comme telles, et nous souhaitions lestudier non seulement en tant que produits finis, mais aussi en tant que dmarche. Or, lesthories de la traduction sont multiples et trs souvent irrductiblement opposes. DanielGile dveloppe par exemple une pense trs intressante et trs pragmatique autour dela traduction technique et de l'interprtation 10: le traducteur-interprte est vraiment aucentre des proccupations, et son activit est dcrite avec une grande prcision. Pour cefaire, Daniel Gile n'hsite pas avoir recours des outils issus d'autres disciplines,comme la psychologie cognitive. Ses recherches sont trs utiles et clairantes pourl'enseignement de la traduction. Toutefois, il n'aborde pas le problme de la traductionlittraire.Henri Meschonnic, au contraire, fonde son systme sur la traduction littraire, sesparticularits et ses enjeux. Potique du traduire 11est rellement passionnant pour sacritique radicale des ides reues sur la traduction, pour celle des autres modlesd'analyse, pour ses notions de rythme, de rapport l'altrit et l'tranger dans unetraduction, pour la conception d'une traduction comme mtaphore du texte original et pourle questionnement de ce que fait un texte littraire, et donc une traduction. Mais le champd'analyse d'Henri Meschonnic est surtout celui de la retraduction de textes classiques(potiques ou religieux), c'est pourquoi il compare plusieurs traductions. Son propos estsurtout de proposer une voie nouvelle pour traduire ces textes, une voie cohrente avecses positions sur la traduction et la littrature en gnral. Mais ses thories ludent lachane ditoriale : en ralit, les contraintes pour traduire viennent assez souvent desditeurs, et le traducteur n'a que rarement toute la latitude qu'il souhaiterait. Par ailleurs,Meschonnic n'claire pas vraiment ce que fait un traducteur pour que son texte fasse.L'approche de la critique de la traduction, quant elle, est inspire de la grammairecontrastive ; cette dmarche est extrmement fructueuse pour dcrire prcisemment lesdifficults linguistiques ou socio-culturelles poses au traducteur, mais l encore, l'objetd'tude n'est que rarement la traduction littraire.TRADUIRE LA LECTUREvertu de la loi du droit d'auteur.12On peut penser en cela la premire partie de Potique du traduire d'Henri Meschonnic, intitul En commenant par lesprincipes (p. 10-31) : il y montre, trs ironiquement et efficacement, quel point la traduction pose problme tout systme trop bien huil . l traite ici majoritairement des systmes linguistiques, mais le mme travail pourrait tre envisag vis--vis dessystmes littraires.13Grard Genette : Palimpsestes, Seuil, 1982.Ces systmes ont tous des vertus, mais ils se trouvent en irrductible opposition carils dpendent en fait d'une philosophie du langage diffrente. Chez les uns, le systmerepose sur l'opposition signifiant/signifi, alors que Meschonnic se fonde sur la distinctionsausurienne entre langue et discours ; il rcuse donc les thories du signe.Pour ce travail, il n'est pas question de produire une philosophie du langage ; ce n'estni notrepropos, ni notrefinalit. Nous souhaitons simplement dcriredefaonsatisfaisanteles choix deJulioCortzar entant quetraducteur littraire. Notreconception est que la traduction littraire est avant tout de la littrature. Son but est derecrer pour un autre, qui n'a pas accs au texte original, le plaisir de la lecture. S'il y afidlit, c'est donc d'avantage l'effet du texte sur le lecteur qu' la lettre mme decelui-ci. La traduction est nos yeux un acte de communication mais de communicationlittraire, c'est--dire avec des codes trs particuliers qui sont ceux de la lecture littraire.Tous les problmes poss au traducteur technique sont galement prsents, mais lesrecours du traducteur littraire sont diffrents. l procde une hirarchisation de seschoix de traduction en fonction de critres absents de la traduction technique (rythme,image, plaisir.). Nous pensons que la russite d'une traduction littraire dpend d'abordde la finesse de la lecture littraire de dpart : on ne peut traduire que ce que l'on a lud'un texte. Elle dpend ensuite d'une habilet littraire dans l'usage de sa propre langue :c'est pourquoi le traducteur a le statut lgal d'auteur. l cre dans sa langue un textelittraire qui n'existait pas. Par ailleurs, les traductions littraires appartiennent un lieu et un temps, ce sont des phnomnes culturels : on ne traduit globalement pas les mmestextes diffrentes poques, on ne les traduit pas non plus de la mme manire. Latraduction littraire est aussi un produit commercial, il ne faut pas l'oublier : c'est un travailrmunr, qui obit unedemandedel'diteur, elle-mmeentranant certainescontraintes (date de remise du manuscrit, etc.). Enfin, la traduction, si elle est vue commedmarche, est uneffort complexe, difficile, ellemet enjeulaproblmatiquedubilinguisme, a des enjeux identitaires pour le traducteur et pour le public, et enfin, elledemande de trs importants efforts cognitifs.D'autre part, en ce qui concerne le parallle entre l'activit de traducteur de Cortzaret celle du lecteur dans Rayuela, notre projet touchait plusieurs champs d'tudes qu'iln'tait pas ais de concilier. Ainsi, la traduction est souvent la pierre d'achoppement dessystmes qui visent dcrire la littrature 12. Prenons l'exemple de Grard Genette dansPalimpsestes 13: ce livre est essentiel et fondateur pour comprendre les phnomneslittraires lis l'intertextualit, tels le pastiche par exemple, mais illude presquecompltement les rapports intertextuels l'ouvre entre un texte original et sa traduction 14. Ce rapport de transformation existe pourtant bel et bien, il est mme passionnant : quefait rellement un traducteur pour qu'un texte devienne un autre texte, tout en lui restantanalogue ?introductionCopyright PROTN Sylvie et Universit Lumire - Lyon 2 - 2003.Ce document est protg en 1314l existe dans Palimpsestes une partie consacre la traduction (chapitre XL), mais qui n'est gure satisfaisante : elle secontente d'abord d'une redite assez sommaire du dbat sur la fidlit d'une traduction, puis se concentre sur le problme del'intraduisibilit de la posie : il n'y a l aucune ide nouvelle. On dirait que Genette est ici enferm dans une vision du mme,induite par le trop fameux traduttore, tradittore : il ne semble pas avoir envisag la traduction comme mtaphore de l'original. Enralit, il semble que Genette n'ait pas d'exprience de traducteur, mais seulement celle d'un lecteur de traduction. Ds lors, ilparat s'en tenir une vision statique de celle-ci en tant que produit fini. Dans les chapitres suivants, il traite de problmes connexesqu'il serait trs fcond d'appliquer en plein la traduction, mais cette dernire est comme vacue : il y fait allusion plus qu'il ne latraite.15En effet, si le principe d'une lecture par sauts (c'est--dire en suivant des renvois et en construisant une linarit de l'histoirequi n'est pas celle du livre physique) tait rellement novateur en 1963, la parution de Rayuela, il ne l'est plus aujourd'hui. Dansles annes 1980, en France, les adolescents pouvaient lire la collection Le livre dont vous tes le hros qui fonctionnait sur ceprincipe ; il faut galement rapprocher cela des liens intertextuels que l'on trouve sur nternet : le lecteur y suit aussi des renvoisvisant laborer son propre texte. Ds lors, rduire Rayuela au seul effet de surprise du principe de la lecture par sauts, c'est lecondamner l'moussement, au vieillissement. Rayuela est au contraire un objet prenne : par sa diversit et sa complexit, c'estle lieu d'une aventure de la lecture.Afin de prendre en compte et d'analyser cette activit de la traduction ainsi que l'effortde lecture suppos par Rayuela, nous avons finalement prfr nous pencher vers uneautre discipline : la psychologie cognitive de l'attention, et notamment sur les travaux deJean-Franois Richard et d'EmmanuelSander. Cette discipline jeune est rellementnovatrice etpassionnante ;elle permetde prendre en compte des phnomnescomplexes, comme la lecture et la traduction, tout en gardant leur caractre irrductibled'activit et en les dcrivant avec prcision. Par ailleurs, cela permet de transcender lafrontire des champs disciplinaires lorsque l'objet d'tude est transversal. l faut toutefoisprciser que nous ne reproduisons pas ici la dmarche exprimentale de la psychologiecognitive notre but n'est pas de dcouvrir des phnomnes nouveaux ce propos ;nous nous appuyons simplement sur les conclusions de ces travaux, en en faisant desinstruments critiques pour l'tude de la lecture et de la traduction.Enfin, l'tude mme de Rayuela pose des problmes mthodologiques : ce livre al'apparence d'un jeu de miroir, il semble contenir en lui-mme sa propre thorie, sa proprecritique ; il fait l'effet d'une somme. Ds lors, le critique est tent de reprendre les termeset les concepts deCortzar, d'appliquer les parties thoriques aux parties narratives , perdant ainsi toute distance d'avec son objet (il est alors pris dans unesorte de tautologie). Nous avons choisi, pour ce travail, d'viter de reprendre tels quels lestermes du texte et de considrer que tous les chapitres appartiennent en plein la fictionet donc que les chapitres dits thoriques sont tudier au mme titre que leschapitres dits narratifs . Par ailleurs, nous considrons les deux ordres de lecture deRayuela comme valides et lgitimes, ce qui nous semble essentiel pour prenniser lalecture de cette ouvre 15.Nous pensons que Rayuela est en grande partie construit en raction face auxsystmes narratifs traditionnels, et s'il fallait qualifier ce livre, nous dirions d'abord qu'ils'agit, nos yeux,d'un contre-roman.Or,les systmes critiques existants tendentjustement dcrire des phnomnes narratifs traditionnels plutt que des phnomnespriphriques ; ils ne sont donc pas trs appropris pour dcrire le fonctionnement textuelTRADUIRE LA LECTURE14 Copyright PROTN Sylvie et Universit Lumire - Lyon 2 - 2003.Ce document est protg en16Cela signifie bien sr que nous nous contentons de reflter les cas o cette lecture fonctionne, o cet effet induit par le texte sedonne rellement. l faut en effet noter que Rayuela est parfois vu comme un livre difficile, et que certains lecteurs n'arrivent pas lelire. Nous excluons donc de notre tude ces lectures-ci pour ne nous concentrer que sur les cas o le lecteur actualise leprogramme narratif et atteint ce trs particulier plaisir littraire.de Rayuela. Nous avons estim que, par contre, ils taient fort utiles pour dcrire cecontre quoi Cortzar s'rige, c'est--dire les techniques traditionnelles du roman. Ainsi,pour comprendre la porte des innovations romanesques de Rayuela, nous avons tabliune sorte de ngatif de Rayuela, constitu des pratiques narratives les plus communes.Enfin, nous avons rencontr une dernire difficult d'ordre mthodologique : Rayuelaest galement un livre trs particulier au vu de son effet sur les lecteurs. l est souventdcrit comme une vritable aventure de lecture ayant des rpercutions notables sur la viede ses lecteurs : on pourrait ainsi le qualifier de roman d'apprentissage pour le lecteur.Ceci pose un vritable problme au critique : Rayuela transcenderait les limites de lafiction, ce qui signifie que ce livre serait le lieu d'un apprentissage valable hors-livre. Or, ilsemble qu'il y ait souvent une sorte de pudeur critique affirmer que la littrature puisseavoir une action, une fonction cognitive, et cela, mme si en chaque critique vit un lecteurpassionn qui recherche justement dans la littrature ce trs particulier rapport la vie, sa vie. Nous pensons qu'il est bon de dfendre la fonction cognitive de la littrature : celaa par exemple de nettes vertus pdagogiques pour des adolescents aux prises avec desmodles tout extrieurs et strotyps. Leur faire dcouvrir la littrature et le plaisir de lalecture, c'est aussi leur donner une preuve de la validit de l'exprience intrieure.Ds lors,nous fondons notre approche sur l'acceptation de ce trs particulier effet-Rayuela qui renouvelle la perception de soi et du monde. Nous verrons, et c'estimportant, que cela correspond prcisment au projet de Cortzar pour ce livre, et quecette intention de l'auteur structure mme tout le texte : il s'agit de la consquence ultimed'un programme narratif et non d'un effet fortuit ou discutable 16.Cecadremthodologiquetant fix, nousallonscommencer par tudier lestraductions littraires ralises par Julio Cortzar aux diffrentes poques de sa vie. Nousverrons ensuite, en deuxime partie, comment les problmatiques de la traduction et del'criture s'interpntrent dans l'ouvre propre de Julio Cortzar. Ceci nous amnera examiner plus en dtail la communication littraire l'ouvre dans Rayuela et montrerque l'activit de traducteur de Cortzar n'est pas sans rapport avec sa conception del'activit du lecteur dans cet ouvrage.introductionvertu de la loi du droit d'auteur.TRADUIRE LA LECTUREvertu de la loi du droit d'auteur.L'DUVRE dite DE JULIO CORTZAR,TRADUCTEUR : Ia chrysaIide d'uncrivainAu cours de nos recherches, nous avons recens dix-neuf traductions littraires ditesdont JulioCortzar est l'auteur exclusif. Par ailleurs, nous avons retrouvtroiscollaborations avec d'autres traducteurs et mis jour trois pistes restes pour l'heureouvertes. C'est ce corpus que nous allons tudier en premire partie.Pour ce faire, nous avons choisi de conserver un ordre biographique en prsentantces traductions chronologiquement,par date d'dition (nous prciserons galement,lorsque cela sera possible, la date de production). L'ouvre de traduction de Julio Cortzars'organise en cinq priodes biographiques : la fin des annes 30 et le tout dbut desannes 40 en constituent les origines obscures ; entre 1945 et 1947, Cortzar sembletisser par ses traductions la chrysalide d'o sortira l'auteur majeur que nous connaissons.Entre 1949 et 1951, l'activit de traduction semble lie au dsir de Cortzar de gagnerl'Europe, et c'est pourquoi nous la nommons s'chapper du cocon . Si l'on file la mmemtaphore, on peut dire que la priode 1952-1958 constitue tous gards l'closion del'auteur. Enfin, les dernires traductions se situent entre 1965 et 1983 et semblentdessiner un retour aux sources. Durant chaque priode ainsi dfinie, la traduction occupeune place distincte etce dcoupage permet,nous l'esprons,de mettre jour ladynamique biographique qui les unit.L'DUVRE dite DE JULIO CORTZAR, TRADUCTEUR : Ia chrysaIide d'un crivainCopyright PROTN Sylvie et Universit Lumire - Lyon 2 - 2003.Ce document est protg en 1717Cartas, p. 40. J'ai neuf heures [de cours], sur trois niveaux diffrents, ce qui veut dire me farcir trois gographies (.),corriger des copies. et traduire. Tu sais, toi, que je travaille toujours pour Sopena et que je dois passer tous les jourstrois ou quatre heures prparer du matriel anglais et franais pour ces gens de Leopln. (Trad. S.P.)Pour chaque traduction dont Cortzar est l'auteur exclusif, nous avons choisi dedonner en premier lieu toutes les rfrences ncessaires au catalogage de l'ouvrage.Nous essayons ensuite de l'inscrire dans un cadre biographique, en le mettant enperspective avec de nombreux tmoignages,lettres ou entrevues ainsiqu'avec lesouvres propres de Cortzar.Nous proposons ensuite une caractrisation du texteoriginal, un peu la manire d'une fiche de lecture pour une maison d'dition, enprsentant un rsum de l'action et en dfinissant les styles, techniques et implicationslittraires qui y sont l'ouvre. Certaines traductions sont accompagnes d'un appareilcritique ralis par Cortzar (prface, notes de traduction, notes critiques, etc.) : nousnous appliquerons les analyser, lorsque cela semblera pertinent.Nous verrons que Cortzar traduit des ouvres du franais et de l'anglais. Nousestimons ne pas matriser suffisamment cette dernire langue pour faire une bonneanalyse des traductions qui en dcoulent. Pour les ouvres traduites du franais, aucontraire, nous nous attacherons produire une critique de la traduction, oriente vers lalittrarit des choix du Cortzar-traducteur.Enfin, pour chaque texte traduit et sign par Cortzar exclusivement, nous essaieronsde mettre jour une srie de relations intertextuelles avec ses ouvres propres et enparticulier avec Rayuela. Ceci nous amnera montrer que ces traductions fonctionnentcomme un vritable kalidoscope qui claire singulirement sa production.En ce qui concerne les collaborations et les pistes restes ouvertes, l'tude seramoins fournie et dpendra surtout des informations que nous avons pu retrouver cepropos.Les origines obscures : sur Ia piste de Leopln(Traduction, pIagiat, criture)Dans une lettre de 1939, alors qu'il est professeur dans la petite ville de Chivilcoy,Cortzar crit :tengo 9 horas [de clase], repartidas en tres aos distintos, lo cual significaaprenderse tres geografas (), corregir trabajos y traducir. T sabes que yosigo trabajando para Sopena, y que todos los das tengo que pasarme tres ocuatro horas preparando material ingls y francs para esa gente de Leopln.17Une note d'Aurora Bernrdez prcise qu'il traduit des textes littraires du franais et del'anglais pour la revue Leopln. Toutefois, aucune prcision n'est fournie quant aux titresou aux auteurs traduits. Aurora Bernrdez et Sal Yurkievich ont t consults cette fin,mais ils n'ont pu fournir davantage de prcisions.Nous pensions qu'en consultant la revue Leopln, le nom de Julio Cortzar (ou leTRADUIRE LA LECTURE18 Copyright PROTN Sylvie et Universit Lumire - Lyon 2 - 2003.Ce document est protg en18Section Hmrothque, sous la cte L 20 2 09.19nformations recueillies auprs du grant des actuelles ditions Sopena, Buenos Aires (Masa, 2138).20Si Cortzar affirme en 1939 continuer traduire pour Leopln, il faut supposer qu'il a pu y collaborer en 1938. De plus, la lettrequi porte cette information n'a qu'une date trs sommaire : 1939 ; s'il a traduit la fin de cette anne, le texte a parfaitement puparatre en 1940.21Voir annexe n1.pseudonyme de Julio Denis qu'il utilse l'poque) apparatrait au titre de traducteur. Nousavons donc essay de localiser cette revue en Europe, grce aux catalogues nternet denombreuses bibliothques ainsi qu' l'aide de Mme Mona Huerta de l'HEAL. Ceci n'ahlas rien donn et nous avons finalement d effectuer un voyage de recherches Buenos Aires. Nous avons pu consulter la collection complte de cette revue laBiblioteca Nacional de la Repblica Argentina18. Leopln a pour sous-titre Magazinepopular argentino, pour directeurs Ramn Sopena et Jos Blaya Lozanoet parat tous lesquinze jours le mercredi, partir de dcembre 1934, sous le sceau des ditions Sopena.Elle mesure 29 cm par 22 cm pour environ 160 pages (le nombre n'est pas fixe) et porteen couverture un dessin qui gnralement est en rapport avec le roman dit dans cenumro. On compte sept rubriques : Una novela completa ; Artculos y crnicas ; Seleccin de cuentos ; Notas grficas ; Variedades ; Historietas y chistes et Secciones fijas . Malgr l'ordre apparent, ces rubriques sont en ralit mlangesau fil des pages, et on trouve par exemple un dessin humoristique insr dans une pagede roman au ton tout fait tragique. Chaque page porte d'ailleurs son lot d'illustrations(photos, dessins, rclames.) ; les textes sont souvent entrecoups et il faut suivre desrenvois parfois rpts pour finir la lecture.Aucun nom de traducteur n'apparat dans la revue, ni pour les romans ni pour lesnouvelles, de sorte qu'il est impossible de reprer les textes traduits par Cortzar. Nousavons essay de retrouver Buenos Aires les archives de la maison d'dition Sopena,mais sans succs : elles semblent avoir t dtruites ou perdues aprs la vente du nom Sopena une autre maison 19.Contentons-nous donc pour l'heure de fournir une liste des romans ou des texteslongs parus dans Leopln entre 1938 et 1940, priode laquelle nous estimons queCortzar a pu participer cette publication 20. En raison de sa longueur, cette liste estverse dans la partie Annexes de ce travail 21.l faut d'abord remarquer la diversit et la qualit des titres publis dans Leopln ;nous avons-l, semble-t-il, une trs bonne esquisse de sociologie de la lecture populaireen Argentine. l est vraiment notable qu'un magazine grand tirage, comparable enFrance et l'poque L'Illustration ou Match, propose des textes de littratureclassique, comme El burlador de Sevilla ou El alcalde de Zalamea, ainsi que des auteurscomme Alfred de Vigny ou Tchkov qui ne semblent pas tre en France le propre d'unelecture populaire. Un petit tmoignage de Roberto Tait, de Mar del Plata, recueilli surnternet nous aide valuer ce que Leopln reprsentait pour le public :L'DUVRE dite DE JULIO CORTZAR, TRADUCTEUR : Ia chrysaIide d'un crivainvertu de la loi du droit d'auteur.22 Mon pre (n en 1920) me racontait que, dans son adolescence, il attendait avec avidit la sortie (.) de la revueLeopln, qui cette poque tait extrmement clbre. Mon pre vivait alors Banfield, dans la province de BuenosAires. (Trad. S. P.)23Omar Borr : Autobiografas en el Ro de la Plata , p. 71, in Hispamrica n73, Gaithersburg, 1996. La revue[Leopln] publiait des romans classiques et modernes dans d'excellentes traductions, que les ditions Sopena ditaientensuite en petits livres. (Trad. S.P.)24Voir Leopln n 96 (14 septembre 38), p.106 o le dbut de publication de la Biblioteca Mundial Sopena est annonc.25l s'agit bien des mmes traductions : nous avons compar les deux ditions de La vuelta al mundo en 80 das de Verne(Leopln n113 10 mai 39 et Biblioteca Mundial Sopena, septembre 1938). Seules certaines notes ont t omises dans Leopln.26Recherches menes dans les trois bibliothques nationales de Buenos Aires, dans les catalogues des bibliothques municipaleset universitaires, ainsi que chez un grand nombre de bouquinistes.Mi padre (nacido en 1920) me contaba que en su adolescencia esperaba confruicin la llegada () de la revista Leopln, que en esa poca era famossima. Enese entonces mi padre viva en Banfield, Provincia de Buenos Aires22.Ceci nous apprend que, outre le mdium d'une lecture de plaisir, ce magazine tait unoutil de diffusion culturelle important (Banfield, si l'on en croit les tmoignages de Cortzarn'tait pas prcisment foisonnant de culture).On peut a priori distinguer deux types d'ouvrages publis dans la rubrique Unanovela completa : d'une part des auteurs crivant ce qu'il est convenu d'appeler de la grande littrature et d'autre part, des romans policiers ou d'aventure plus proches dela littrature populaire, avec des auteurs comme S.S. Van Dine, Ellery Queen ou AnthonyAbbot.Dans un article de Omar Borr, on trouve cette information complmentaire :La revista [Leopln] publicaba novelas clsicas y modernas en excelentestraducciones que luego la editorial Sopena editaba en pequeos tomos23En effet, ds septembre 1938 24, les ditions Sopena ont commenc publier les titresde grande littrature sparment, et principalement semble-t-il dans la collection Biblioteca Mundial Sopena 25.l faut imaginer que ce principe de la double publication permettait l'diteur RamnSopena de mieux rentabiliser les cots d'achat des droits d'auteurs ainsi que ceux lis la traduction. Cette double publication explique certainement la prcision de Cortzar,lorsqu'il crit en 1939 qu'il travaille la fois pour Leopln et pour Sopena.Nous voici donc prsent avec une seconde source qui nous permet d'tablir desrecoupements avec la liste prcdente. Et cette fois, le nom du traducteur apparat bien, la cinquime page de l'ouvrage.l semble cependant que Sopena n'ait repris que les romans de grande littrature dans la collection Biblioteca Mundial . En effet, en Argentine 26, nous n'avons trouvdans cette collection aucune trace des romans policiers niaucune anthologie denouvelles qui pourraient correspondre la section Seleccin de Cuentos de Leopln.TRADUIRE LA LECTUREvertu de la loi du droit d'auteur.27Le premier numro de Biblos parat en juin 1941. La section Bibliografa est annonce comme suit : En esta seccin, Biblosir dejando constancia, con todas sus seas, de las obras que se le remitan, las que quedarn incorporadas a la Biblioteca Socialde la Cmara del Libro. ( Dans cette section, Biblos recensera, avec toutes les rfrences, les ouvres qu'on lui enverra. Elless'incorporeront ensuite la Bibliothque Sociale de la Cmara argentina del Libro. Trad. S.P.). Dans les premiers numros, Biblosremonte dans le temps et annonce certains livres dits avant 1941, les plus anciens tant de 1938.28 Morton Heinz a t utilis par Cortzar et Francisco Reta pour une bibliographie du genre policier qui n'a pas t publie.Voir en cela R. Pellicer : Julio Cortzar y el gnero policaco , Julio Cortzar, de tous les cts, La Licorne n60 (2002)29Ce service dpend du ministre de la Justice et des Droits de l'Homme, et sige Buenos Aires (Talcahuano 618) ; il s'agit d'unregistre national qui compile tous les dpts de droits d'auteur du pays. La recherche, mene par le docteur Garca Holgado, n'adonn que trois rsultats entre 1937 et nos jours : Memorias de Adriano de Yourcenar, La Filosofa de Sartre y el psicoanlisisexistencialista de Stern, ainsi que Robinson Crusoe de Defoe.30Nous excluons la possibilit de la traduction en cascade (par exemple Tolsto traduit en espagnol partir de la traductionfranaise), puisque toutes les traductions de la Biblioteca Mundial Sopena que nous avons consultes portent les mentions traduccin directa et texto ntegro, de acuerdo con el original ( traduction directe et texte intgral, correspondant l'original ).31Nous versons cette liste la partie Annexes de cette thse car nous avons constat qu'il n'existait pas notre connaissancede catalogue de cette collection et il se peut qu'elle soit utile d'autres chercheurs. Voir annexe n2.Ceci signifie que si Cortzar a traduit pour Leopln des contes ou des romans populaires,il y a de fortes chances pour qu'on ne puisse pas arriver savoir de quels textes il s'agitet qu'ils soient donc perdus, moins qu'ils n'aient t repris dans une autre collectiondont nous n'avons pas encore eu connaissance.Afin de retrouver le ou les romans traduits par Cortzar et dits part par Sopena,nous avons men diverses recherches : la revue Biblos27, qui mane de la Cmaraargentina delLibro,possde une section intitule Bibliografa o apparaissentgnralement les noms des traducteurs : elle ne mentionne aucune traduction ralise cettepriodepar JulioCortzar, ni par JulioDenisouMortonHeinz(lesdeuxpseudonymes utiliss par Cortzar cette poque) 28. Nous avons galement demand la Direccin Nacional del Derecho de Autor une recherche des traductions littrairesralises par Julio Cortzar ou Julio Denis partir de 1937 : les rsultats n'ont pas tsatisfaisants29. Par ailleurs, nous avons consult l'Index translationum, o l'Unescorecense anne par anne les traductions littraires parues dans chaque pays du monde :pour ces annes-l, les traductions publies en Argentine ne sont pas encore releves.Nous avons enfin essay de procder par limination partir de la liste prcdente,en cartant d'abord les romans crits en langue espagnole. Nous avons ensuite retranchceux dont la langue originale n'est ni le franais ni l'anglais, puisque Cortzar ne traduisaitque ces deux langues30. En outre, chaque fois que nous avons pu localiser desexemplaires de la collection Biblioteca mundial de Sopena, nous en avons en not lesrfrences 31, ce qui permet d'tablir des recoupements lorsque le traducteur n'est pasCortzar. De ceci, dcoule la liste suivante, encore longue mais qui s'affinera sans douteau fil des recherches venir. Elle correspond donc des textes traduits de l'anglais et duL'DUVRE dite DE JULIO CORTZAR, TRADUCTEUR : Ia chrysaIide d'un crivainCopyright PROTN Sylvie et Universit Lumire - Lyon 2 - 2003.Ce document est protg en 21franais et parus dans Leopln entre 1938 et 1940. Parmi eux se trouve probablementune ou plusieurs traductions de Cortzar.TRADUIRE LA LECTURE22 Copyright PROTN Sylvie et Universit Lumire - Lyon 2 - 2003.Ce document est protg enAUTEUR TTRE N DATEAbbot, Anthony El misterio de Geraldine 122 13 septembre 39Aicard, Jean Pap Lebonnard 97 28 septembre 38Barbusse, Henri El Fuego 112 26 avril 39Bourget, Paul El sentido de la Muerte 85 12 avril 38Dumas, Alejandro El hijo del presidiario 129 20 dcembre 39Dumas, Alejandro El tulipn negro 117 5 juillet 39Dumas, Alejandro (padre) Una noche en Florencia 90 22 juin 38Dumas, Alejandro (Padre) La Mano del muerto (suite deConde de Montecristo)101 23 novembre 38Gray, Berkeley En su propia trampa 137 10 avril 40Harrison, Charles Yale Los generales mueren en lacama124 11 octobre 39Hugo, Vctor El jorobado de Notre Dame 79 19 janvier 38London, Jack Los tres vagabundos 153 20 novembre 40London, Jack La estupenda Bestia 98 12 octobre 38London, Jack Aventuras en las slas Salomn 115 7 juin 39London, Jack El dolo rojo 134 28 fvrier 40London, Jack Chun-Ah-Chun 142 19 juin 40Loti, Pierre Las desencantadas 111 12 avril 39Mason, A.E.W. Las cuatro plumas 127 22 novembre 39Maupassant, Guy de Bola de Sebo 96 14 septembre 38Montepin, Xavier de El coche n13 107 15 fvrier 39Moreira, John Las tres esmeraldas 82 2 mars 38Mouezy-Eon y Armant El club de los suicidas 98 12 octobre 38Oppenheim, E. Phillips Historia de un agente secreto 87 11 mai 38Poe, Edgar Allan El escarabajo de oro 95 31 aot 38Poe, Edgar Allan La mscara de la muerte roja 166 21 mai 41Queen, Elery El Misterio de la Cruz egipcia 84 30 mars 38Queen, Ellery El misterio del zapato blanco 145 31 juillet 40Queen, Ellery El misterio de los hermanossiameses148 11 septembre 40Queen, Ellery El misterio del granero 154 4 dcembre 40Sand, Jorge ndiana 83 16 mars 38Shannon, Robert Therry El crimen del cinematgrafo 166 21 mai 41Sue, Eugenio El Marqus de Letorire 93 3 aot 38Van Dine La serie sangrienta 100 9 novembre 38Van Dine, S.S. El caso de las esmeraldas 140 22 mai 40Van Dine, S.S. Los crmenes del Obispo 114 24 mai 39Van Dine, S.S. El crimen del casino 152 6 novembre 40Vigny, Alfred de Una conjuracin en el reinado deLuis X (Cinq-mars)119 2 aot 39Williams, Ben Ames El misterio de las tres casas 126 8 novembre 39En outre,nous savons,grce une liste de titres imprime en quatrime deL'DUVRE dite DE JULIO CORTZAR, TRADUCTEUR : Ia chrysaIide d'un crivainvertu de la loi du droit d'auteur.32C'est moi qui souligne. Alors, comme de concert, entre 1770 et 1800 naissent les enfants terribles. Wordsworth/ Scott(mais oui, celui d' Ivanhoe !)/ Coleridge (.). (Trad. S.P.)33Voir Cartas, p. 1013.couverture de certains exemplaires en notre possession, que El tulipn negro et Condede Montecristo de Dumas ont t publis dans la Biblioteca Mundial. Ce dernier a tdit en deux volumes : le second serait-il la suite du Conde de Montecristo, c'est--direLa Mano del muerto ? Si nous arrivions retrouver ces livres, nous pourrions effectuer denouveaux recoupements.D'autre part,sinous arrivions nous procurerHistoriasextraordinarias d'Edgar Poe (traduction A. Jimnez Orderiz, Biblioteca Mundial Sopena,1940), nous saurions s'il contient bien El escarabajo de oro et La mscara de lamuerte roja , que nous pourrions alors ter de cette liste.l faut enfin souligner que nous avons trouv quatre livres de la Biblioteca MundialSopena qui ont attir notre attention. Le premier est Ivanhoe de Walter Scott, paru danscette collection en septembre 1938 et sans aucune indication concernant le traducteur.Or, on sait que Cortzar connat l'ouvrage, puisqu'il crit dans Imagen de John Keats, p.34 :Entonces, como de acuerdo, entre 1770 y 1800 nacen los enfants terribles.Wordsworth/ Scott (s claro, el de Ivanhoe!)/ Coleridge ().32Toutefois, rien ne prouve qu'il l'ait traduit : il peut fort bien n'en avoir t que lecteur.Quant aux trois autres ouvrages remarquables, il s'agit de La Vuelta al mundo en ochentadas de Jules Verne, paru en septembre 1938 et traduit par Eduardo Jonquires, ainsique de Fragmento de un diario ntimo de Henri Frederik Amiel, paru en deux tomes enseptembre 1941 et traduit par Francisco Reta. Ce dernier traduit galement Nuestraseora de Pars de Victor Hugo, qui parat en 1940. Ces trois derniers livres sontintressants car ils sont traduits par deux amis intimes de Cortzar qui taient lves aveclui l'cole Normale Mariano Acosta. Ceci recoupe une information recueillie auprs deAurora Bernrdez : il semble que ce soit Vicente Fattone, un ancien professeur deCortzar au Mariano Acosta, qui l'ait mis en contact avec les ditions Sopena, afin detraduire pour la revue Leopln. Ce petit groupe d'amis trs proches traduisait donc deconcert pour la mme revue. Francisco Reta est dcd en novembre 1942, l'age de 28ans ; aussi est-il touchant d'avoir retrouv un tmoignage de la vie si courte d'un ami deCortzar, ami qui lui fit cruellement dfaut des annes durant 33.Nous ne pouvons pas arriver, avec cette mthode de recoupement et dans l'tatactuelde nos recherches, retrouver les traductions littraires ralises par JulioCortzar pour Leopln et Sopena. Essayons donc de changer d'approche.Dans Obra Crtica 2, on trouve un texte critique de 1950, intitul Situacin de lanovela . Pages 237-239, Cortzar fait un loge soutenu des tough writers (JamesCain, Dashiell Hamett, Raymond Chandler, Arthur Conan Doyle et S.S. Van Dine) pourleurusage du slang ,de l'argotquileurpermetde ragirface au langageconventionnel du roman psychologique. C'est cette notion de slang qui nous a conduitaux dductions suivantes. On la trouvait en effet dj dans cette lettre :Sabe que mi experiencia de slang acumulada en mis tiempos de traductor, esTRADUIRE LA LECTUREvertu de la loi du droit d'auteur.34Cartas, page 112, en date du 25 aot 41. Savez-vous que l'exprience de l'argot anglais accumule dans mon passde traducteur, m'est trs utile pour lire Steinbeck, le grand Faulkner et Richard Wright ? (Trad. S. P.)35Voir R. Pellicer, ibid.36Voir en cela la matrise stylistique de Presencia par exemple.37Rsum : le hros rcurent de Van Dine, Philo Vance, dmle une sombre affaire de crimes en srie commis dans une mmeriche famille new-yorkaise, les Greene. ls meurent tous un un de la main d'une de leur demi-sour Ada, une jeune femme avidede s'accaparer la fortune lgue par le patriarche. La nouvelle est agrable lire et bien mene, mme si elle ne transcende pas legenre policier. ci, il est fait un trs bon usage du code dtective et le lecteur prend plaisir cette histoire, mais il n'en sortnullement grandi (pas de catharsis morale,par exemple).Toutefois,on ne remarque pas la traduction un usageparticulirement notable de l'argot ; au contraire, il y a des euphmismes comme : un formidable juramento brot de sus labios ( il lana un abominable juron ). l est noter que Markham et Vance se vouvoient.valiossima para leer a Steinbeck, al gran Faulkner y a Richard Wright?34Cette lettre signe Julio Denis est date du 25 aot 1941 : ce pass de traducteur faitdonc forcment rfrence l'exprience de Leopln et de Sopena. l faut donc chercherdans ce sens : il semble donc envisageable que Cortzar y ait traduit des textes del'anglais, et plus particulirement des tough writers (crivains durs), dans la ligne deceux cits dans Situacin de la novela . En recoupant les noms cits avec lesparutions de Leopln pour la priode qui nous intresse, nous retrouvons plusieurs fois lenom de S. S. Van Dine. Par ailleurs, il faut rappeler que, dans ces annes-l, Cortzar etReta rdigent conjointement une bibliographie sur la littrature policire sous le nom deMorton Heinz, et l'on sait que Van Dine apparaissait justement dans cette bibliographie 35. Nous avons donc parcouru les traductions de Van Dine parues dans Leopln entre 1938et 1941.l faut carter dfinitivement El caso de las esmeraldas (n140, 22 mai 1940) car il estbien trop mal traduit : les dialogues sont ridicules, incroyables ; personne ne peut parlercomme cela. Or Cortzar, mme 26 ans, a bien trop le sens du style pour commettre detelles erreurs 36. Par contre, La serie sangrienta (n100, 9 novembre 39) 37, un courtroman policier, propose une grande fluidit la lecture, des dialogues qui coulent et uneattention certaine la ponctuation. Ce texte ne sent pas la traduction et rappelle trsfortement le style de El Hombre que saba demasiado (Chesterton, traduit par Cortzar en1946). Toutefois, ces caractristiques ne sont-elles pas seulement celles d'une bonnetraduction ? Est-il possible d'en conclure qu'il s'agit d'un travail de Cortzar ? l faudraitpouvoir recouper cela avec une publication part de Sopena.Dans Los crmenes del Obispo (n 114, 24 mai 1939), on retrouve une bonnetraduction, avec toutefois, par rapport La serie sangrienta, un style plus franchementoral dans les dialogues et un choix de traducteur diffrent du prcdent pour rendre le you anglais : ici les personnages principaux, Markham et Vance, se tutoient. l sembledonc possible que ce soit l'ouvre d'un autre traducteur 38. Au contraire, la traductionintitule El crimen del casino (n152, 6 novembre 40), ne parat pas aussi lisse que lesdeux prcdentes. Les deux personnages se vouvoient de nouveau.On le voit, cette mthode permet d'avoir des prsomptions sur les traductionsL'DUVRE dite DE JULIO CORTZAR, TRADUCTEUR : Ia chrysaIide d'un crivainCopyright PROTN Sylvie et Universit Lumire - Lyon 2 - 2003.Ce document est protg en 2538l est noter qu'il s'agit chronologiquement du cas immdiatement postrieur La serie sangrienta, car il y est fait allusion audbut (de manire errone d'ailleurs : on parle du double meurtre d'Ada et de Julia, alors qu'il s'agit en fait d'un quadrupleassassinat perptr par Ada, ce qui confirme l'hypothse que le traducteur n'est pas le mme, sans quoi, il n'aurait sans doute paslaiss passer cette erreur).39Voir en cela la lettre de 1939 prcdemment cite.40 Plagiats et traductions . Cette partie contient les nouvelles suivantes : El hijo del vampiro , Las manos que crecen , Llama el telfono, Delia , Profunda siesta de Remi et Puzzle . Tous ces textes sont dats : ils ont t produits entre 1937et 1939 ; ils correspondent donc la priode de Leopln.41 Notre jeune auteur [Vian] fait alors le pari d'un jeu suprme, joyeuse mystification et canular triomphal : crire lui-mme unroman noir amerlaud et faire croire qu'il n'en est que le traducteur (G. Pestureau, in B. Vian : Romans, Nouvelles, Uuvresdiverses, La Pochothque, 1991, p. 789). Le livre paratra avec le pseudonyme de Vernon Sullivan.qu'aurait pu raliser Cortzar, mais elle ne permet en aucun cas d'obtenir de certitude. Nepouvant arriver plus de prcision, nous laissons ouvert ce problme d'une ventuellecollaboration de Julio Cortzar en tant que traducteur de Van Dine pour Leopln.Toutefois, mme si nous ne savons pas quels sont les textes qu'il a traduits, nousn'en avons pas moins un tmoignage direct de Cortzar sur son activit de traducteurlittraire cette priode. 39Examinons donc prsent ce pass de traducteur de Cortzar sous l'angleintertextuel. Entre 1937 et 1939, il crit plusieurs contes fantastiques qui formeront ensuitela premire partie de La otra orilla, recueil que Cortzar n'a pas publi de son vivant, bienqu'il soit termin ds 1945. Or, le titre de cette premire partie est loquent, la lumirede ce que nous venons d'tudier:ils'agitde Plagios y traducciones 40.Symboliquement, il apparat donc que les premiers rcits connus de Cortzar naissent dela pratique de la traduction littraire : en effet le titre de la partie semble suggrer que dela traduction, il est pass au plagiat, avant d'atteindre une criture autonome. Ainsi, lespersonnages des premiers contes portent tous des noms aux consonances trangres(Cary, Margie et Plack dans Las manos que crecen par exemple), comme ce serait lecas dans une traduction. Ces rcits se prsentent donc comme de pseudo-traductions, unpeu dans l'esprit d'un Boris Vian avec J'irai cracher sur vos tombes 41. Cette entre dansla fiction, autant que dans l'criture, nous invite considrer la traduction chez Cortzarcomme le berceau de l'criture, sa chrysalide et son laboratoire.1945-1947 : Tisser Ia chrysaIideSuite cette premire priode assez obscure mais o l'criture se fonde, notammentgrce la pratique de la traduction, Cortzar semble ne plus traduire pendant la premiremoiti des annes 40. En 1941, il parle comme nous l'avons vu de son pass detraducteur : il ne traduit donc plus et ne semble pas envisager de reprendre cetteTRADUIRE LA LECTURE26 Copyright PROTN Sylvie et Universit Lumire - Lyon 2 - 2003.Ce document est protg en42Voir Cartas, p. 163.43Cartas, p. 163, nous permet de dater avec prcision la charnire, puisqu'il dit avoir quitt Chivilcoy le 4 juillet 1944. l s'installeensuite Mendoza.activit.Pourtant, entre 1945 et 1947, paraissent 7 traductions, toutes excellentes et vraimentfondatrices pour son ouvre postrieure, nous le verrons.En 1944, Cortzar a 30 ans, il est professeur depuis quelques annes dans la petiteville de Chivilcoy, o l'ambiance commence devenir irrespirable 42. C'est l qu'il produitla premire traduction de cette srie, qui paratra en 1945 : le Robinson Crusoe de DanielDefoe. Peu aprs, il obtient un poste de professeur remplaant l'Universit de Cuyo, Mendoza 43, o il restera deux ans, jusqu'en 1946. l y traduit Memorias de una enana deWalter de la Mare, avant de dmissionner pour des motifs politiques. De retour BuenosAires, ildevient en 1946 grant de la Cmara argentina delLibro, une importanteassociation d'diteurs. l est dsormais impliqu dans le milieu ditorial argentin et semblese professionnaliser dans la littrature : il traduit beaucoup et toujours des livres d'unegrande qualit.On le voit, nous avons ici affaire un Cortzar en mutation : en deux ou trois ans, ilprend un vritable tournant de vie. l ne sera plus jamais enseignant de province et seprofessionnalisera toujours plus vers la littrature. Cette chrysalide biographiquecorrespond galement une priode de maturation littraire : il n'est pas anodin qu'iltraduise des livres comme Naissance de l'Odysse de Giono ou L'Immoraliste de Gide.Nous sommes ici face un vritable laboratoire littraire : Cortzar explore des styles,des techniques et des potiques trs diverses en mme temps qu'il questionne et malaxesa langue maternelle.Mais prsent, voyons cela en dtails.DanieI Defoe, Robinson Crusoe : Ie Iecteur enfant et I'idoIogiecoIoniaIisteThe life and strange surprising adventures of Robinson Crusoe of York, Mariner, writtenby himself de Daniel Defoe parat traduit en espagnol dans la splendide dition de Viau en1945, Buenos Aires, sous le titre Vida y extraas y sorprendentes aventuras deRobinson Crusoe, Marinero de York, escritas por l mismo. Elle comporte des illustrationsde Caryb et l'dition est en charge de Jorge d'Urbano Viau. Le livre est de grand format,mais nous ne pouvons en donner une description exacte, puisque nous n'en possdonsque des photocopies. l compte 395 pages o l'on peut lire les deux parties de cetteoeuvre (ce qui n'tait pas commun l'poque). Le livre est achev d'imprimer le 30octobre 1945. l porte la mention : Nueva versin al idioma castellano por Julio F.Cortzar . On peut encore remarquer que Cortzar rdige six notes de traducteur surl'ensemble de l'ouvrage 44.L'DUVRE dite DE JULIO CORTZAR, TRADUCTEUR : Ia chrysaIide d'un crivainvertu de la loi du droit d'auteur.44p. 132, 181, 209, 268, 323 et 341 dans l'dition de Viau. Ces notes sont souvent trs succinctes et se contentent de donner unquivalent ou une courte explication historique ncessaire la comprhension d'un passage.45Voir Cartas, p. 157.46l s'agit de : Concise Oxford Dictionary ; Elegias del Duino de Rilke dans une traduction anglaise de H.B. Leishman et StephenSpender ; The murder of Roger Ackroid d'Agatha Christie, en anglais.47Voir Cartas p. 247.48Nous avons retrouv ces titres en glanant dans divers catalogues informatiss de grandes bibliothques, franaises, espagnoleset latino-amricaines. La liste n'est donc pas exhaustive. Les volumes mesurent 26 cm et ne portent d'autre date que celle del'impression.Cette traduction parat alors que Cortzar est en poste l'Universit de Cuyo, Mendoza, mais il la ralise en ralit la priode de Chivilcoy : il commence le travail le18 fvrier 1944 et le termine fin mars 45. l ralise donc ce gros travail de quatre centspages en un mois et demi.Mme s'iln'habite plus Buenos Aires, ilest nanmoins trs proche depuis denombreuses annes de la librairie Viau, qui se trouve sur la rue Florida. En effet, ontrouve de nombreuses rfrences cela dans Cartas.La premire, page 99, date de1940 : Cortzar recommande chaudement la librairie Viau Mercedes Arias ; ilconnat les prix exacts et le stock dont dispose la librairie. l a des amis chez Viau, qui il conseille de raliser un change avec des revues mexicaines, colombiennes etvnzuliennes. Viau accepte la proposition ; il a donc un poids dans les choix de cettemaison ds 1940. Une lettre de 1941, pages 108 111 de Cartas, constitue un vraipangyrique de la librairie ; on apprend qu'il rencontre des amis chez Viau, et l'on a mmeune liste de ses derniers achats 46. l avoue acheter presque tous ses livres dans cettelibrairie et parle de son amiti envers les gens de cette maison . On y trouve d'ailleursdes exemplaires de la revue Huella, n 1, o parat son essai intitul Rimbaud . En1941, on sait que Viau est dj une maison d'dition, puisque Eduardo Jonquires, unautre ami d'enfance de Cortzar qui avait aussi travaill comme traducteur pour Sopena,y publie en aot La sombra (p.114-115). C'est galement chez Viau qu'il rencontre en1944 la personne qui lui propose le poste Mendoza.l faut encore prciser que Jorge d'Urbano, le grand ami que Cortzar dit avoirconnu presque enfant 47, est en ralit Jorge d'Urbano Viau, le neveu de Domingo Viauqui possde cette librairie. C'est aussi lui qui est en charge de l'dition de RobinsonCrusoe. On peut donc supposer que ce travail de traduction n'obit pas pour Cortzar de simples ncessits pcuniaires.Jetons enfin un regard au catalogue des publications de Viau cette poque : il fautremarquerque cette librairie publie un grand nombre d'ouvres en franais,sanstraduction en espagnol, ce qui reprsente une vritable audace, nous semble-t-il. Lesouvrages publis 48ressemblent d'ailleurs fort aux gots de Cortzar : Baudelaire, Charles : Les fleurs du mal, Buenos Aires, Viau, 1943, 257 pages,TRADUIRE LA LECTUREvertu de la loi du droit d'auteur.49 Il y a toujours le souvenir inoubliable de l'enfance : les pisodes de l'le nous remplissaient l'esprit d'idesfantasques, nous regardions avec Robinson la trace de pas dans le sable, nous piions les cannibales, nous sauvions lebon Vendredi. Je vous assure que j'ai pass d'agrables moments en essayant de traduire ce bon vieux rcit. (Trad.S.P.)illustrations de Lino E. Spilimbergo, Laforgue, Jules : Posies, Viau, imp. 1944, 185 pages, illustrations de RodolfoFranco, Lautramont : Les Chants de Maldoror, Viau, 1944, 252 pages, Poe, Edgar Allan : Les pomes d'Edgar Poe traduits par Stphane Mallarm, Viau,1944, 112 pages, illustrations Raquel Forner, Rilke, Rainer Maria : El canto del amor y la muerte del corneta Cristbal Rilke, Viau,1944, 75 pages, Rimbaud, Arthur : Uuvres compltes, Viau, 1943, 287 pages, illustrations de GustavoCochet, Samain, Albert : Au jardin de l'infante, augment de plusieurs pomes, Viau, 1944,166 pages, illustr, Valry, Paul : Posies, Viau, 1945, 153 pages, illustrations de Pedro DominguezNeira, Verlaine, Paul : Uuvres potiques, Viau, 1942, 152 pages, illustrations de RaquelForner.Que Cortzar ait influenc les choix de publication de la maison Viau ou que ce soit lui quiait t influenc par ces livres qui taient facilement sa disposition, on ne peut queremarquer la concidence entre ce catalogue et les gots de notre auteur.On trouve aussicertaines informations sur le droulementde la traduction deRobinson Crusoe p. 160 de Cartas. On remarque d'abord ici l'importance du souvenir delecture pour la traduction du texte :est siempre el recuerdo inolvidable de la infancia, cuando los episodios de laisla nos llenaban la mente de fantasas, cuando junto a Robinson mirbamos lahuella del pie en la arena, espibamos a los canibales, salvbamos al buenViernes... Le aseguro que he pasado buenos ratos intentando la traduccin delviejo relato.49Cortzar a lu ce texte tant enfant et il semble vouloir reproduire dans sa traduction l'effetressenti alors. Traduire, c'est donc bien avant tout penser au lecteur et penser en lecteur.Outre cela, on remarque aussi une valuation critique du style de Defoe par le Cortzaradulte :cierto que Defoe escriba muy mal, que su personaje tiene los peores rasgos delbritnico (y algunos de los mejores, pero menos de lo que yo hubiese querido) yque largos captulos resultan ahora aburridos y harto pesados.50La traduction est donc un poste d'observation unique des techniques littraires : il faut leslire, les comprendre, les peser et tenter de les recrer au plus juste.L'DUVRE dite DE JULIO CORTZAR, TRADUCTEUR : Ia chrysaIide d'un crivainCopyright PROTN Sylvie et Universit Lumire - Lyon 2 - 2003.Ce document est protg en 2950 Il est vrai que Defoe crivait trs mal, que son personnage a les pires traits d'un britannique (et quelques-uns desmeilleurs aussi, mais pas autant que je le voudrais) et que de longs chapitres nous ennuient et nous fatiguentaujourd'hui. (Trad. S.P.)51C'est le cas pour l'pisode de la destruction de l'idole paenne, en Russie, dans le chapitre Bandoleros e idolatras de ladeuxime partie : Robinson dcide de brler cette statue uniquement parce qu'elle offense son sens religieux, et ce, bien qu'il n'aiteu aucun contact direct avec ses adorateurs .Nous connaissons bien la trame de Robinson Crusoe, ou du moins celle de lapremire partie, grce aux nombreuses robinsonnades qui l'ont suivi. Toutefois, enlisant le texte de Defoe l'ge adulte, on est surpris par la conception esclavagiste duprotagoniste, par son intolrance religieuse qui devient parfois aveugle et destructrice 51etpar un comportement assez mgalomane et trs moralisateur face l'tranger, face cequi est autre. Le texte a donc vieilli en maints aspects et ces considrations parasitentsouvent la lecture actuelle et adulte de cet ouvrage.Mais concentrons-nous pour l'heure sur une caractrisation plus objective. l s'agitbien videmment d'un roman d'aventures qui se subdivise en deux parties. La premirerapporte les dbuts du jeune Robinson, qui s'embarque comme marin contre le gr deses parents. Aprs un premier naufrage, il travaille sur un deuxime navire et est faitprisonnier par les Maures, qui le squestrent quelques annes. l russit s'enfuir etrencontre un capitaine portugais qui le sauve et l'emmne au Brsil, o il installe uneplantation. La production est bonne, mais les propritaires manquent de main d'ouvre ; ilsaffrtent donc un bateau qui, sous les ordres de Robinson, doit aller capturer desesclaves sur la cte africaine afin d'en faire le trafic. Ce bateau naufrage et Robinson,seul survivant, choue sur les rives d'une le dserte. ci commence le huis-clos deRobinson sur l'le, quioccupe quasiment tout le reste de la premire partie. Nousassistons, au travers notamment de son journal, sa laborieuse installation, puis ladcouverte de l'le et de ses ressources et enfin sa conversion au protestantisme. Unjour, Robinson dcouvre sur une plage o il ne va jamais, les restes d'un barbarefestin : cet endroit, se rendent priodiquement des indiens cannibales, venus d'lesvoisines. l sauve un prisonnier de sa mort prochaine, en assassinant ses poursuivants. lnomme ce dernier Vendredi et en fait son esclave. Nous assistons alors l'ducation toute idologique de Vendredi, sur laquelle nous reviendrons ensuite. Lors d'une autrerunion de cannibales, des annes aprs, Robinson sauve un Espagnol et un indigne,qui s'avre tre le pre de Vendredi. L'Espagnol reconnat en Robinson son suzerain et son sauveur, et lui raconte son histoire. Un cano est construit et l'Espagnol retourneau village, accompagn du pre de Vendredi, pour ramener une petite colonie de sescompatriotes sur l'le de Robinson, non sans avoir auparavant promis d'obir la loi de cedernier et de mourir pour luis'ille fallait. Pendant leur absence, un autre grouped'hommes dbarque sur l'le : des mutins anglais qui retiennent prisonnier leur capitaine.Grce l'aide de Robinson et de Vendredi, il russit s'chapper et reconqurir lecommandement du bateau. Quelques mutins anglais sont laisss sur l'le et Robinsonrepart sur le navire, sans avoir de scrupule abandonner les espagnols qui sont sur lepoint de revenir sur l'le. Tout au contraire, il laisse des instructions pour grer la colonieque formeront ds lors les espagnols et les anglais rests sur place ; il se garde d'ailleursTRADUIRE LA LECTURE30 Copyright PROTN Sylvie et Universit Lumire - Lyon 2 - 2003.Ce document est protg en52Cartas, p. 160.l'entire souverainet sur le territoire et sur ses sujets . De retour en Europe, Robinsondevient trs riche. Au pays, il se marie trs avantageusement , selon l'expression deDefoe, et c'est ainsi que se clt la premire partie.Dans la seconde partie,Robinson regrette son le etl'aventure ;ilfinitpars'embarquer sur le navire de son neveu afin d'apporter aux colons toutes sortes deprovisions et d'outils. Une fois sur place, il coute le rcit de l'espagnol sur les annescoules depuis son dpart : les mutins anglais ont manqu de respect envers lesespagnols et ont mme tent de les tuer, ce qui a conduit la sparation des colons endeux groupes. Des annes plus tard, les anglais se rendent dans une le proche, d'o ilsramnent plusieurs esclaves et trois femmes. L'le est ensuite attaque par des indiens :ils dcouvrent leurs habitations et les dtruisent. La solidarit se restaure pour vaincrel'ennemi extrieur. Une petite colonie d'indiens soumis se forme finalement l'autre boutde l'le. Robinson revient donc sur l'le et se comporte en vritable souverain : il rend lajustice, procde au partage des terres et des provisions qu'il a amenes et marie mmeofficiellement les couples de fait. l est important de remarquer que Robinson ne compteabsolument pas ramener avec lui les habitants de l'le : il dcide de leur sort et les condamne y vivre ; il amne mme des colons supplmentaires. l reste en tout etpour tout vingt jours sur place, puis repart vers de nouvelles aventures. Ces dernires leconduiront Madagascar, en Chine puis en Russie : chaque fois Robinson fait dejuteuses affaires et se pose en juge universel des coutumes locales. Robinson revientfinalement en Angleterre, riche souhait et toujours aussi imbu de sa culture et de sapersonne.l convient prsent de s'arrter un instant sur le style de Defoe, qui selon Cortzar crivait trs mal 52: le rcit est toujours bas sur l'annonce de la suite et donc surl'anticipation, ce qui gomme tout effet d'attente ou de surprise. l est de plus entirementfocalis sur Robinson, univocit de point de vue qui entrane une certaine platitude. Lercit est aussi le reflet d'une idologie sociale et gopolitique trs marque : cecicoupe plutt le plaisir de la lecture, mais en fait un tmoignage sociologique et historiquedigne d'intrt. En somme, la qualit de l'ouvrage repose presque exclusivement sur laforce de l'histoire raconte, sur son caractre extra-ordinaire et merveilleux (au senstymologique) : les aventures de Robinson sont rellement tonnantes.Le rapport intertextuel entre la traduction par Cortzar du Robinson Crusoe de Defoeet la pice radiophonique intitule Adis Robinson que notre auteur crit dans les annes1970, est vident. La pice reprend les mmes personnages et leur histoire communedans l'le, en y faisant revenir Robinson et Vendredi quelques trois sicles plus tard. L'leest devenue un pays et une ville comme les autres, pleine de buildings et d'interdits. Ceciesten somme une suite historique de l'aventure de Robinson :c'estla prise deconscience par le colonisateur de l'erreur qu'il a commise en imposant un modle dedveloppementunique aux peuples coloniss,modle qui,au lieu de conduire aubonheur collectif, a entran le malheur et la solitude de la vie occidentale moderne.On peut donc concevoir avec Grard Genette 53que Robinson Crusoe est l'hypotextede Adis Robinson (qui en sera donc l'hypertexte) et que cet hypertexte se construit iciL'DUVRE dite DE JULIO CORTZAR, TRADUCTEUR : Ia chrysaIide d'un crivainvertu de la loi du droit d'auteur.53G. Genette : Palimpsestes, ditions du Seuil, 1982. Voir en particulier le chapitre .54Robinson Crusoe, p. 124-125. Le texte original disait : At last he lays his head flat upon the ground, close to my foot,and sets my other foot upon his head, as he had done before, and after this made all the signs to me of subjection,servitude, and submission imaginable, to let me know how he would serve me as long as he lived. I understood him inmany things, and let him know I was very well pleased with him. In a little time I began to speak to him, and teach him tospeak to me; and, first, I made him know his name should be Friday, which was the day I saved his life. I called him so forthe memory of the time. I likewise taught him to say master, and then let him know that was to be my name. I likewisetaught him to say Yes and No, and to know the meaning of them. (accessible sur : http://darkwing.uoregon.edu )55Adis Robinson y otras piezas breves, p. 167. Le tic nerveux de Vendredi consiste rire chaque fois qu'il dit matre . ( Vendredi : -Mais tu as fait des merveilles, souviens-toi quand tu as cousu des pantalons pour que je ne soisplus tout nu, quand tu m'as appris mes premiers mots d'anglais, le mot matre (petit rire), les mots oui et non, le mot Dieu,tout ce que raconte si bien le livre./ Robinson : -Que veux-tu, il fallait bien faire tout cela pour t'arracher ta condition desauvage, et je ne regrette rien. (.) je me suis tromp sur ton compte en voulant te faire rentrer dans l'histoire, la ntre biensr, celle de la grande Albion, etc. (il rit ironiquement) Mais le pire, c'est que jusqu' maintenant, tout me paraissait aumieux, je croyais que tu avais fait tien notre modle de vie, jusqu' ce que nous revenions ici et que tu commences avoirce tic nerveux -c'est du moins comme a que tu l'appelles. Trad. S.P.)sur une relation de transformation, puisque Adis Robinson raconte une toute autrehistoire que Robinson Crusoe ( la diffrence des nombreuses robinsonades, qui, elles,ne la transforment pas). Genette ajoute que, pour qu'ily ait transformation, ilfautncessairement qu'il y ait imitation, c'est--dire que l'auteur de l'hypertexte (ici, Cortzar)matrise l'hypotexte (ici, le texte de Defoe). Voyons ceci dans un exemple. La traductiondu texte de Defoe disait :Por fin apoy la cabeza contra el suelo junto a mi pie, y volvi a levantar mi otropie y colocrselo encima, tras lo cual hizo todos los ademanes posibles desumisin y servidumbre para darme a entender que sera mi esclavo por siempre.Comprend bastante todo esto, y trat de demostrarle que me senta muycontento con l. Poco despus empec a hablarle, a fin de que aprendiera acontestarme poco a poco. Ante todo le hice saber que su nombre era Viernes, yaque en este da lo salv de la muerte y me pareci adecuado nombrarle as. Acontinuacin le ense que me llamara amo y a que contestara s o no,precisndole la significacin de ambas cosas.54Le texte de Cortzar, quant lui, reprend cet pisode en en faisant un ressort dramatiquepour figurer la relation colonisateur-colonis :VIERNES : () Pero si hiciste maravillas, acurdate cuando me cosiste unospantalones para que no siguiera desnudo, cuando me enseaste las primeraspalabras en ingls, la palabra amo (risita), las palabras s y no, la palabra Dios,todo eso que cuenta tan bien el libro ROBINSON : Qu quieres, todo eso habaque hacerlo para arrancarte de tu condicin de salvaje, y no me arrepiento denada. () me equivoqu contigo cuando pretend hacerte entrar en la historia, lanuestra por supuesto, la de la gran Albin, etctera (Re irnicamente). Y lo peores que hasta ahora me pareca bien, te imaginaba identificado con nuestromodelo de vida, hasta que llegamos de nuevo aqu, y t empezaste a tener estetic nerviosoas lo llamas por lo menos.55l y a donc vritablement une relation de transformation entre les deux textes, relationTRADUIRE LA LECTUREvertu de la loi du droit d'auteur.56Voir Cartas, p. 160.57Voir Cartas, p. 1136. D'Argentine est parti un crivain pour qui la ralit, comme l'imaginait Mallarm, devait culminerdans un livre ; Paris est n un homme pour qui les livres devront culminer dans la ralit. (Trad. S.P.)base sur la matrise de l'hypotexte, comme nous venons de le voir. Ceci nous intresseau plus haut point car c'est justement la traduction qui a permis Cortzar de connatre etde matriser les caractristiques de l'hypotexte.Nous irons mme jusqu' avancer que la traduction est dj une transformation, queVida y extraas y sorprendentes aventuras de Robinson Crusoe, Marinero de York,escritas por l mismo n'est pas The life and strange surprising adventures of RobinsonCrusoe of York, Mariner, written by himself . Pour qu'il y ait traduction, il faut dj qu'il y aitune matrise technique de l'hypotexte et une imitation de celui-ci, alors appel original (etc'est prcisment de cela que dcoule toute la problmatique traditionnelle de la fidliten traduction).Ds lors, dans notre cas prcis, il ne s'agit plus seulement d'une simple relationhypertextuelle entre le texte de Defoe etAdis Robinson.En effet,ilfautpluttcomprendre le processus ainsi : Defoe crit The life and strange surprising adventures ofRobinson Crusoe of York, Mariner, written by himself, que Cortzar transforme en Vida yextraas y sorprendentes aventuras de Robinson Crusoe, Marinero de York, escritas porl mismo par sa traduction, puis ce dernier procde une seconde transformation encrivant Adis Robinson. Ceci signifie surtout pour nous que l'acte de traduction est iciessentiel. Nous pourrions mme dire que le rapport hypertextuel se donne, en ralit,entre la traduction de Cortzar et Adis Robinson.Ceci fait beaucoup plus sens au niveau symbolique : en effet, quel intrt pourCortzar que d'crire une fable anticolonialiste en rponse un livre crit au XVsicle ? Nous pensons que c'est bien plus du ct de son volution politique personnellequ'il faut chercher cet adis , cette rupture d'avec Robinson : le sens de la piceradiophonique est surtout celui d'une sparation de Cortzar d'avec un esthtisme peuregardant l'idologie. C'est ainsi que le Cortzar des annes 1970, impliqu dans laRvolution cubaine, rpond au Cortzar de 1945 qui critiquait chez Defoe bien plus sesdfauts littraires que son idologie 56. Nous pouvons penser en cela cette phrase deCortzar, dans sa lettre Roberto Fernndez Retamar, ensuite parue sous le titre Situacin del intelectual latinoamericano :De la Argentina se alej un escritor para quin la realidad, como la imaginabaMallarm, deba culminar en un libro ; en Pars naci un hombre para quin loslibros debern culminar en la realidad.57Nous pensons donc que l'exprience de traduction du texte de Defoe doit bien treconsidre comme la source et le moteur de l'criture de Adis Robinson. Ceci soulignel'importance de l'tude des traductions pour la comprhension de l'ouvre cortazarienne.WaIter de Ia Mare, Memorias de una enana : Ia focaIisation interneMemorias de una enana parat Buenos Aires en 1946 aux ditions Nova, dans laL'DUVRE dite DE JULIO CORTZAR, TRADUCTEUR : Ia chrysaIide d'un crivainCopyright PROTN Sylvie et Universit Lumire - Lyon 2 - 2003.Ce document est protg en 3358La Cmara argentina del Libro est au dpart une association d'diteurs. En 1945-1946, dans le conseil de direction, sontprsentes les ditions Sudamericana (Julin Urgoiti), Atlntida (Alfredo J. Vercelli), Viau (Jorge d'Urbano Viau), Sopena Argentina(Evaristo Snchez Duffy), El Ateneo (Bernardino Uriarte), Acme Agency (Amadeo Bois), Editoriales Reunidas (Antonio Gallego),Losada (Gonzalo Losada), Juventud Argentina (Joaqun Torres), Poseidn (Joan Merli), Rueda (Santiago Rueda), Descle, deBrouwer y Ca (Carl Lohl), Seleccin Contable (Joaqun Ral Seoane), Ayacucho (Julio Csar Chaves), Nova (Luis Baudizzone),Poblet (Emilio Poblet Bollit), Fabril (Antonio Martello) et W. M. Jackson (Pablo F. Boyer). On remarque d'ailleurs dans cette liste denombreux amis de Cortzar. (source : Cmara argentina del libro, Memorias, Ejercicio 1945-46, p. 5)59 Je traduis pour les ditions Nova un livre de Walter De La Mare. Memoirs of a Midget. C'est amusant, mais quand on apass les 200 pages, a devient fatigant. J'espre le finir pour aot, et ensuite je pourrai respirer ; cela a t une lourdecharge, qui, ajoute toutes les autres. (.) Questions : Comment comprenez-vous -en parlant de phnomnes decirque- the Spottled Boy ? Qu'est-ce qu'un Paisley Shawl ? Qu'est-ce qu'un vole : une sorte de cochond'Inde ? (Trad. S.P.)60Voir Cartas p. 109.collection Espejo del mundo . Le titre original anglais donn dans le livre est Memoriesof a Midget ; il semble pourtant que le titre correct soit : Memoirs of a Midget. Lacouverture est brune et orange et le livre mesure 14 cm par 21. l compte 456 pages. Surle revers de la premire page, apparat un texte de prsentation non sign ainsi qu'uneliste d'autres ouvrages du mme auteur. Sur le revers de la quatrime de couverture,nous trouvons la prsentation d'une autre collection intitule Nuestra Amrica . Le nomdu traducteur est Julio Cortazar (sic, sans accent). l faut remarquer qu'il est aussi auteurde notes de bas de page dans cet ouvrage, achev d'imprimer le 22 avril 1946.Nous savons grce aux Memorias de la Cmara argentina dellibro que LuisBaudizzone travaillait cette date pour les ditions Nova, puisqu'il en tait le reprsentantdevant la Cmara 58. C'est la premire fois que l'on trouve la trace de ce personnage, qui,nous le verrons, est prsent dans de nombreux projets de traductions de Cortzar. MmeAurora Bernrdez nous a appris que Luis Baudizzone tait un amitrs proche deCortzar. En ce qui concerne la datation de cette traduction, on lit dans Cartas, page 185,qu'en juillet 1945, il est en train de traduire cet ouvrage, et qu'il espre le terminer pouraot. l convient donc de situer la production de ce travail dans la priode de Mendoza.Nous avons galement des informations relatives son valuation du texte original :Traduzco para la editorial Nova un libro de Walter De La Mare. Memoirs of aMidget. Es divertido pero pasadas las 200 pginas uno se harta. Esperoterminarlo para agosto, y entonces respirar; ha sido una carga pesada, quesumada a todas las dems(...) Consultas : cmo entiende usted hablando defenmenos de circo the Spottled Boy? Qu es un Paisley shawl? Qu esun vole: un cuis?59Nous pouvons donc dduire que Cortzar n'a probablement pas choisi de traduire cetexte, qui, visiblement, ne l'enthousiasme pas dmesurment. Mais cette note nous donneaussi quelques informations sur sa mthode de travail. Nous savions dj que Cortzartravaillait vite, qu'il tait en possession de dictionnaires anglais (dont le Concise OxfordDictionary60) et nous savons maintenant qu'il consultait des amis afin de l'aider rsoudre des points pineux. Nous avons mme un exemple d'infrence pourTRADUIRE LA LECTURE34 Copyright PROTN Sylvie et Universit Lumire - Lyon 2 - 2003.Ce document est protg en61 vole , selon le Robert Collins Senior, signifie campagnol ; cuis , selon le Diccionario de espaol de Argentina de Gredos,signifie conejillo de ndias en estado salvaje (cochon d'nde sauvage).62 Dites Gladys que je lui enverrai un exemplaire de Memorias de una enana ds que j'en aurai un -chez Nova, ils sonttrs prs de leurs sous, et sous prtexte que le livre vaut huit pesos, ils n'ont pas voulu m'en donner plus de deux ou troisexemplaires. J'en enverrai un Oonah, qui a t ma conseillre et la co-traductrice du livre (la pauvre, ce que j'ai pul'embter avec mes questions !) mais le prochain que je touche, je l'enverrai la Trovadora ; je sais qu'il lui plaira. En plus,c'est trs bien tomb, le prix que j'ai gagn au Libro del Mes -vous l'avez peut-tre vu dans la presse- parce que adonne de la valeur mon travail de traducteur et a me permettra de choisir librement mes contrats et d'tre pay d'unemanire qui ne soit pas trop indigne. (Trad. S. P.)l'quivalence vole - cuis 61. Mais nous avons galement des informationsprcieuses page 205 de Cartas :Dgale a Gladys que le mandar un ejemplar de Memorias de una enana apenas loconsiga, pues en Nova son muy amarretes y con el pretexto de que el libro vale$8.00 no me han querido dar ms que dos o tres ejemplares. Le mandar uno aOonah, que era consejera y co-traductora del libro (si la habr fastidiado a lapobre con mis consultas!) pero el prximo que consiga se lo enviar a laTrovadora; s que le va a gustar. Adems me ha venido muy bien el premio quese ha ganado en el Libro del Mes tal vez lo haya visto en los diarios pues esome cotiza como traductor y me permitir elegir a gusto mis tareas y cobrarlas enforma no demasiado indigna.62Nous savons donc prsent qu'il consultait rgulirement une amie, surnomm Oonahmais dont nous n'avons pu dfinir l'identit. Cette traduction a, nous le voyons, gagn unprix qui semble suffisamment important pour modifier le statut du laurat. De plus, celanous incite croire qu' partir de ce moment, les traductions ralises obiront plusvolontiers qu'auparavant des choix propres de Cortzar.Memoirs of a Midget est un gros roman, crit en 1921 le premier de Walter John dela Mare. La fiction repose sur le principe du manuscrit trouv puis publi, aprs la mort deson auteur , par un proche de celui-ci. La narratrice est, comme l'indique le titre, unenaine,nomme Miss M.,quipropose iciun rcitautobiographique portantsur sajeunesse. L'ami en charge de l'dition de ce pseudo-manuscrit est l'un des personnagesde ces mmoires, Sir Pollacke. Ce procd est servi par un style enlev et souvent drle,collant parfaitement au personnage de la narratrice et lui crant efficacement une voixpropre. (l faut prciser que c'est du moins l'effet produit par la traduction de Cortzar,puisque nous n'avons pas pu lire l'original anglais.)L'action raconte donc la vie de Miss M., commencer par son enfance, o sesparents s'occupent d'adapter son mode de vie son handicap. C'est une enfanceheureuse, proche de la nature et coupe du reste du monde. Le pre est un savant unpeu excentrique etla mre estdouce etaimante.Cette dernire meurtpendantl'adolescence de Miss M., suivie de peu par son poux. La jeune naine se trouve doncseule au monde, avec une petite rente lui permettant de vivre sans toutefois se permettreaucun luxe. Elle doit quitter la maison familiale et se loger chez Mme Bowater, dans unepetite ville assez loigne. Ceci constitue pour Miss M. la premire dcouverte relle dumonde et surtout la dcouverte du regard de l'autre sur son handicap. Elle est minusculeL'DUVRE dite DE JULIO CORTZAR, TRADUCTEUR : Ia chrysaIide d'un crivainvertu de la loi du droit d'auteur.63 De petites gouttes d'eau. vous savez la suite, mon cher Sir Walter (Trad. S.P.)64 Rfrence un pome pour enfants de J.C. Rink, Faithful in very little . La premire strophe peut se traduire : Depetites gouttes d'eau/ de petits grains de sable,/ composent le vaste ocan/ et l'agrable terre. (Trad. S.P.)et pourtant jolie e