Pour l'Uniforme

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Pour : François Baroin* «Un moyen de lutter contre la violence et le racket» «L'expérimentation du port de l'uniforme à l'école fait partie des 16 propositions que j'ai formulées dans mon rapport intitulé «Pour une nouvelle laïcité», remis à Jean-Pierre Raffarin en mai 2003. Personnellement, j'y vois un moyen de lutter contre la violence et le racket qui minent certains établissements scolaires et qui pourrissent la vie de nos adolescents. Une violence générée par l'envie de posséder le blouson ou les baskets de marque du copain. La course effrénée aux marques qui transforme les enfants en mannequins crée par ailleurs des tensions au sein même des familles et des clivages entre celles qui ont les moyens d'accéder aux désirs de leur progéniture et celles qui ne les ont pas. Ne nous leurrons pas, l'uniforme existe déjà dans les établissements scolaires: il est matérialisé aujourd'hui par trois bandes, un puma ou une virgule. Bien sûr, on m'objectera que l'uniforme est synonyme de négation de l'individualité, que le défendre revient à prôner le retour de la lampe à huile. Mais ce n'est pas parce que l'idée est ancienne qu'elle est nécessairement mauvaise! Elle mérite au moins que l'on prenne la peine d'y réfléchir. L'uniforme a eu ses vertus, il les a peut-être toujours. En regardant ce qui se passe à l'étranger, j'ai été très frappé de constater qu'il gagnait du terrain en Amérique du Sud, aux Etats-Unis et au Canada, notamment. Bill Clinton, qui ne passe pas précisément pour un monument de conservatisme, a même estimé que cela valait le coup d'essayer, si le port d'un uniforme permettait de sauver la vie d'un ado auquel on veut voler son blouson. Voilà pourquoi je suggère de tenter quelques expériences dans des établissements scolaires de quartiers sensibles. Trois conditions devraient être réunies: l'approbation du corps enseignant; l'association des élèves au choix de la coupe et des couleurs; la participation financière des collectivités locales - communes pour les écoles primaires, départements pour les collèges, régions pour les lycées. Au bout d'un an ou deux, on pourrait faire une évaluation des résultats, particulièrement en termes d'ambiance générale, et

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Pour ou contre l'uniforme scolaire, B2 article

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Pour : François Baroin*

«Un moyen de lutter contre la violence et le racket»

«L'expérimentation du port de l'uniforme à l'école fait partie des 16 propositions que j'ai formulées dans mon rapport intitulé «Pour une nouvelle laïcité», remis à Jean-Pierre Raffarin en mai 2003. Personnellement, j'y vois un moyen de lutter contre la violence et le racket qui minent certains établissements scolaires et qui pourrissent la vie de nos adolescents. Une violence générée par l'envie de posséder le blouson ou les baskets de marque du copain. La course effrénée aux marques qui transforme les enfants en mannequins crée par ailleurs des tensions au sein même des familles et des clivages entre celles qui ont les moyens d'accéder aux désirs de leur progéniture et celles qui ne les ont pas. Ne nous leurrons pas, l'uniforme existe déjà dans les établissements scolaires: il est matérialisé aujourd'hui par trois bandes, un puma ou une virgule. 

Bien sûr, on m'objectera que l'uniforme est synonyme de négation de l'individualité, que le défendre revient à prôner le retour de la lampe à huile. Mais ce n'est pas parce que l'idée est ancienne qu'elle est nécessairement mauvaise! Elle mérite au moins que l'on prenne la peine d'y réfléchir. L'uniforme a eu ses vertus, il les a peut-être toujours. En regardant ce qui se passe à l'étranger, j'ai été très frappé de constater qu'il gagnait du terrain en Amérique du Sud, aux Etats-Unis et au Canada, notamment. Bill Clinton, qui ne passe pas précisément pour un monument de conservatisme, a même estimé que cela valait le coup d'essayer, si le port d'un uniforme permettait de sauver la vie d'un ado auquel on veut voler son blouson. Voilà pourquoi je suggère de tenter quelques expériences dans des établissements scolaires de quartiers sensibles. Trois conditions devraient être réunies: l'approbation du corps enseignant; l'association des élèves au choix de la coupe et des couleurs; la participation financière des collectivités locales - communes pour les écoles primaires, départements pour les collèges, régions pour les lycées. Au bout d'un an ou deux, on pourrait faire une évaluation des résultats, particulièrement en termes d'ambiance générale, et décider ou non de prolonger et d'élargir l'expérimentation. La question du financement relèverait alors d'un choix politique.» 

*député maire (UMP) de Troyes, vice-président de l'Assemblée nationale 

Contre : Gérard Aschieri* «Nier la diversité ne fait pas accepter les différences»

Il y a là comme un parfum de retour à un âge d'or qui n'a jamais existé. Quand j'étais au lycée, à Marseille, seules les filles portaient la blouse... Plus tard, pendant mon service militaire, j'ai enseigné au lycée militaire de Saint-Cyr-l'Ecole, dont les élèves venaient en classe en treillis. Eh bien, cela ne changeait pas grand-chose à leur comportement ni à leur rapport à l'autorité... Par ailleurs, proposer de réintroduire une manière d'uniformité dans les écoles d'aujourd'hui me semble bien illusoire. Regardez les jeunes, la diversité de leurs tenues vestimentaires et de leurs comportements, leur goût du détail. Il est faux de dire qu'ils sont adeptes du standard jean-baskets! En leur imposant la blouse ou tout autre type d'uniforme, on irait contre leurs aspirations. Cela pourrait s'entendre si cette mesure avait une portée éducative. Mais elle relève de l'effet placebo. L'école est confrontée à la montée des inégalités, des incivilités, de la violence

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et de la tentation communautaire. Sa responsabilité est d'apprendre aux jeunes à vivre ensemble. De faire en sorte, aussi, qu'ils se retrouvent dans des valeurs communes - celles de la République.

Ce n'est pas en occultant les différences sociales qu'on les fera disparaître. Ce n'est pas davantage en substituant la blouse aux symboles religieux, comme en rêvent certains, que l'on réglera la question. Le vrai travail doit être éducatif. Il nécessite un personnel qualifié dans les différents métiers de l'éducation et une réflexion de fond sur les savoirs et les compétences nécessaires pour construire une culture partagée par tous. Ni la blouse ni l'uniforme n'apportent cela. Imposer l'un ou l'autre pourrait même se révéler contre-productif. Si on commence par nier la diversité et l'individualité des jeunes, quelle chance a-t-on de les faire adhérer à un projet pédagogique dont l'objet est, précisément, l'acceptation des différences? J'ai testé l'idée auprès de mes élèves de BTS. La réaction a été unanime: un grand cri d'horreur! Ils ressentent toute idée de blouse ou d'uniforme, quel qu'il soit, comme profondément contraire à leur culture et à leur vécu. L'une de mes étudiantes m'a même dit que, dans de telles conditions, elle préférerait arrêter ses études. De plus, je ne suis pas sûr que le culte voué par les jeunes aux marques en souffrirait. Rien n'empêche de porter un uniforme avec des baskets siglées.» 

*secrétaire général de la Fédération syndicale unitaire

http://www.lexpress.fr/education/faut-il-retablir-l-uniforme-a-l-ecole_490716.html