Petaluda et la princesse Emiko
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et la princesse Emiko
Sophie-Luce MorinIllustrations de Julie Besançon
À ma ’tite maman d’amour
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Mon nom de familleest Papillon, comme des milliers
de Québécois et de Français. Mes parents
auraient pu me prénommer Petra,
Pétronille ou Pétula. Mais ils ont choisi
Petaluda, qui veut dire « papillon », en
grec. Autrement dit, je m’appelle Papillon
Papillon.
Avec un nom pareil, pas étonnant
que j’adore les papillons ! D’ailleurs, si ce
n’était que de moi, des papillons, il y en
aurait partout. Je trouve qu’il n’y a rien
de plus beau au monde, de plus gracieux
qu’un papillon.
Mon père me faisait remarquer que
le mot papillon est beau en lui-même
et pas seulement en français. En anglais,
on dit butterfly ; pas mal. En allemand :
schmetterling, wow ! Et en russe, babochka,
presque comme babouchka, qui veut dire
grand-mère et qui est un des seuls mots
russes que je connaisse.
Est-ce ma passion pour les papillons
qui m’a amenée à faire la rencontre d’un
monarque bien spécial ? Je ne saurais le
dire. Mais grâce à lui, je parcours le monde.
Je rencontre des gens formidables d’autres
cultures et d’autres époques, et j’apprends
à parler d’autres langues.
Je t’invite à me suivre dans mes
aventures, et à partager avec moi ces
grands moments de bonheur.
Petaluda Papillon
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Chapitre premier
Bientôt un ami japonais
Le père de Petaluda Papillon déposa le
téléphone sur son socle, puis il reprit le
biberon de bébé Alister.
— C’est confirmé : mon nou-
veau collègue va venir souper demain
soir avec sa femme et son fils, annonça-
t-il, tout content, pendant qu’Alister tétait
mollement.
— Quelle bonne idée de les avoir invités ! lâcha Eugénie
Papillon en tournant la page du journal
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du samedi. J’ai bien hâte de les rencontrer. Ça ne doit pas tou-jours être facile de s’adapter à un nouveau pays.
— Ils ne semblent pas avoir de pro-
blèmes. Il faut dire qu’ils s’étaient bien
préparés à leur séjour au Québec. Toute
la famille a suivi des cours de français
pendant un an avant de partir, précisa
Hervé Papillon.
Les paupières d’Alister s’alourdissaient.
Par moment, le bébé arrêtait même de
boire.
— Ils viennent d’où, papa, tes nouveaux amis ? demanda
Petaluda en gardant un œil sur l’écran
de l’ordinateur portable.
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— Ils viennent du Japon. De Tōkyō, plus précisément.
— Et comment s’appellent-ils ?
— Mon collègue s’appelle Makoto, sa
femme, Ayumi, et leur fils, Kenji. Il a ton
âge !
— Tōkyō, ça s’écrit bien T-o-k-i-o ?
épela Petaluda, qui était déjà en train de
taper le mot dans le moteur de recherche
Internet.
— Tōkyō s’écrit avec un y. T-o-k-y-o,
corrigea sa mère.
— Pourtant, « Tokio Hotel » s’écrit avec
un i, fit observer la fillette.
— Parce que ce groupe de musique
est allemand, et que Tōkyō s’écrit avec
un i en allemand, répondit son père.
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— Ah bon ! s’exclama Petaluda en
récrivant le mot correctement.
Elle tapa ensuite le mot « nourriture »
et appuya sur la touche Retour du
clavier.
Des dizaines de liens sur les habitude s
alimentaires des Japonais apparurent alors
sur l’écran.
— On dirait bien que nos invités adorent le poisson ! commenta la petite fille.
Hervé Papillon gravissait maintenant
les marches de l’escalier pour aller coucher
Alister dans son petit lit.
— On pourrait leur servir un saumon farci aux épinards et au fromage bleu ! proposa P etaluda.
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Tu sais, maman, celui que tu réussis si
bien ?
— Peut-être…, répondit distrai-
tement sa mère, les yeux chevillés au
cahier « Jardinage ».
Petaluda poursuivit sa recherche
sur les Japonais en souhaitant que ses
parents, tout affairés ou concentrés
qu’ils étaient, oublient pour une fois le
règlement de la maison.
Malheureusement, cela n’arriva pas.
À treize heures deux, comme si elle avait
eu un chronomètre greffé au cerveau, sa
mère leva instinctivement les yeux de
son journal. Elle consulta l’horloge de la
cuisinière et annonça à sa fille que les
trente minutes journalières auxquelles
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elle avait droit pour s’amuser avec l’ordi-
nateur étaient déjà écoulées.
Petaluda insista.
— S’il te plaît, m’man. Je voudrais en savoir le plus possible sur le Japon avant que nos invités arrivent. Et tu le
sais : Internet est une mine d’or de rensei-
gnements !
— Je le sais, répondit Eugénie
Papillon.
Le père de Petaluda arriva sur ces
entrefaites.
— Ta mère et moi croyons que la plus grande mine d’or qu’un humain puisse posséde r, c’est la santé. Et
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nous croyons aussi que l’un des meilleurs moyens de la trouver et de la garder, c’est de mettre le nez dehors tous les jours. Voilà pourquoi je te propose
de prendre quelques livres sur le Japon
et d’aller lire dans le jardin ou dans le
boisé. Il fait si beau ! Quelle journée de
printemps magnifique !
Petaluda grogna un peu. Bien que
son père ait utilisé le mot « proposer »,
la petite fille savait bien qu’elle n’avait
pas le choix d’accepter son offre.
— Allez, viens. On va aller voir sur les
étagères ce que je pourrais te prêter d’in-
téressant sur le pays de nos invités, dit
monsieur Papillon.
Petaluda éteignit l’ordinateur et
marcha à la suite de son père jusqu’à la
bibliothèque familiale.
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Chapitre deuxième
Le retour de Shaka
Petaluda avait apporté une couver-
ture de laine qu’elle avait étendue sur
la grosse roche face au vieux chêne.
Douillettement installée, elle parcou-
rait les pages des livres sur le Japon que
son père lui avait prêtés : Le Japon vous
accueille, Yoko, Hayo et Mika vous invitent
au Japon et Tout, ou presque, sur le Japon.
Décidément, le pays du Soleil levant
était fascinant !
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C’est ainsi qu’elle apprit qu’Hayo, un
petit Japonais qui avait son âge, rêvait de
devenir lutteur de sumo.
Le sumo est pratiqué par des hommes très grands et très corpulents. Les règles sont
simples : les deux lutteurs qui s’affron tent
se tiennent l’un devant l’autre à l’inté-
rieur d’un cercle. Le premier qui parvient
à pousser l’autre à l’extérieur du cercle
ou à lui faire toucher le sol avec une
autre parti e du corps que les pieds gagne
la partie.
De son côté, Mika passait de longues
heures à plier des carrés de papier de
couleur pour fabriquer des répliques
d’animaux, d’oiseaux ou d’objets sans
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utiliser ni ciseaux ni colle. On appelle cette technique l’origami. Mika participait à de nombreux concours
d’origami. Elle espérait pouvoir un jour
décrocher un titre de championne.
Quant à Yoko, elle passait la moitié
de son temps libre à lire des mangas, et
l’autre moitié à en écrire. Les mangas sont des bandes dessinées très populaires au Japon. Elles
sont faciles à comprendre grâce à leurs
dessins et à leur langage simple. Dans ses
rêves les plus fous, Yoko souhaitait devenir
une auteure célèbre avec ses histoires en
images.
Petaluda parcourait maintenant le
chapitre sur la méditation* dans le livre
Tout, ou presque, sur le Japon. En suivant
bien les instructions, elle allait sûrement
parvenir à s’asseoir dans la position du
lotus : le pied droit sur la cuisse gauche, et
le pied gauche sur la cuisse droite. Quand
elle y arriva, elle appuya ses genoux sur
le sol, puis se tint bien droite, comme
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si elle poussait le ciel avec sa tête et la
terre avec ses genoux. Elle ferma ses yeux
à moitié et posa sa main gauche sur sa
main droite, les paumes offertes.
Elle commençait à peine à trouver un peu de confort dans cette position toute nouvelle pour elle quand Shaka vint se poser sur une branche du vieux chêne. Comme il ne voulait surtout pas effrayer
la petite fille, il s’adressa à elle d’une voix
très douce :
— Comment vas-tu, Petaluda Papillon ? demanda-t-il, ses grandes
ailes mauves de monarque déployées.
La fillette ne s’attendait pas du tout
à cette visite. Elle ouvrit tout grand les
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yeux, en même temps que, sur sa bouche,
se dessinait un sourire radieux.
— Shaka ! Dites-moi que je ne rêve pas !
— Si l’un de nous deux rêve, c’est sûrement moi, à te voir assise dans cette position !
— Je pratique le zazen*, comme beaucoup de gens le font au Japon !
Trouvez-vous que ma posture est bonne ?
— C’est à croire que tu as fait cela toute
ta vie !
— Merci pour le compliment !
Petaluda expliqua au papillon que
ses parents allaient recevoir des invités
japonais pour souper, et qu’elle s’était
donné pour mission d’en apprendre le
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plus possible sur leur culture avant qu’ils
arrivent.
— Moi qui venais te pro-poser un voyage dans le pays de ton choix ! Je crois que le choix ne sera pas difficile à faire, n’est-ce pas ?
Petaluda écarquilla les yeux d’éton-
nement.
— Nous pourrions aller à Tōkyō ?
— Bien sûr ! Nous pourrions même y aller maintenant, si tu veux ! La princesse impé-
riale Emiko de Matsuda m’a justement
envoyé un courriel il y a quelques jours.
Elle me disait qu’elle aurait bien aimé
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que je me joigne à elle pour la fête de
hanami.
— Hanimi ? Qu’est-ce que c’est ?— On dit « hanami ». C’est
la fête de l’éclosion des fleurs du
cerisier, que les Japonais appellen t le sakura. À cette occasion, les gens se
rassemblent dans les parcs. Ils s’assoient
sous les arbres pour contempler le paysage
et pour célébrer entre amis.
— Chouette, alors ! Moi qui adore les
fêtes ! Je cours me préparer !
Petaluda détala en direction de sa
maison pour faire son bagage, mais revint
presque aussitôt vers son ami.
— J’ai oublié de vous demander, mon-
sieur Shaka : comment dois-je m’habiller ?
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— Il faut prévoir des vêtements chauds,
puisque nous allons traverser le Canada
pour nous rendre au Japon. Dans cer-
taines régions, il neige encore à cette
période de l’année.
— Nous allons traverser le Canada ?
s’exclama Petaluda qui, visiblement,
n’avait pas une idée bien nette de l’empla-
cement du Japon sur le globe.
— Oui, mademoiselle ! On pourrait aussi
passer par les États-Unis, mais je me suis
dit qu’il valait mieux passer par le Canada.
Ce sera une occasion idéale pour toi de voir
ton pays. On pourrait presque dire que tu
feras deux voyages pour le prix d’un !
Petaluda fixait Shaka, clouée sur place,
interloquée.
— Tout ce long chemin ? Aurons-nous le temps ?
Shaka se posa alors sur la main de la
fillette et la regarda dans les yeux.
— Je peux te l’assurer. Et je peux aussi t’assurer que si nous ne partons pas bientôt, les fleurs des cerisiers seront fanées à notre arrivée !
En moins de deux, Petaluda déguerpit.
Elle ne voulait surtout pas rater la fête.
La petite fille glissa donc dans son sac
à dos des vêtements chauds, les livres sur
le Japon et la précieuse tablette magique
qui lui permettrait de grandir et de rape-
tisser pour voler sur le dos de Shaka.
Pour en savoir plus sur le livre :
www.petaluda.com