Origines, création et développement du Festival de l'Imaginaire (1997-2013)
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1
Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines Institut d’études culturelles et internationales Master 2 recherche Histoire culturelle et sociale de l’Antiquité au Monde contemporain
Yamila Wahba Montoya
Mémoire de fin d’études
Origines, création et développement
du Festival de l’Imaginaire (1997-2013) :
un dispositif de la Maison des Cultures du Monde
pour l’illustration, la diffusion et la sauvegarde
du patrimoine culturel immatériel de l’humanité
Préparé sous la direction de Mme Anaïs Fléchet
Juin 2013
2
REMERCIEMENTS (*)
Je tiens à remercier Chérif Khaznadar et Françoise Gründ pour leur accueil
chaleureux, leur attention constante et leur disponibilité. Je remercie Arwad Esber et
Séverine Cachat pour leur générosité et leur aimable accueil à la Maison des Cultures
du Monde à Paris et à Vitré. Je remercie également Maya Khélifi pour l’espace ouvert
et la disponibilité offerte au sein de la mission des archives du ministère de la Culture
et de la Communication de la République Française. Je souhaite remercier
spécialement Édith Barré pour son travail en tant que documentaliste de la Maison des
Cultures du Monde et Karen Jeuland, médiatrice culturelle de la Maison des Cultures
du Monde à Vitré, pour sa relecture et ses apports. Je remercie également Caroline
Moine et Anaïs Fléchet pour leur écoute attentive et leurs conseils. À Marisol
Montoya Martínez : je te remercie pour ton fidèle soutien et pour ta foi inébranlable
en moi. Je remercie Diana Paola Pulido et Camille Mazoyer pour avoir su rythmer
avec leur amitié les joies et les peines de ce processus de recherche. Je souhaite
également remercier ma mère, Yadira Sofía Montoya Castañeda, de m’avoir mis en
contact avec la langue française dès mon plus jeune âge, et mon père, Wahid
Mohamed Wahba Shata, d’inspirer ma curiosité. À ma lectrice assidue, Liliana del
Pilar Montoya Castañeda, merci infiniment pour son temps, son soutien et son
dévouement. Je souhaite dédier ce travail à : Amelia Martínez, Bruno Liotard,
Cristóbal Montoya Castañeda et Laurita Mastrocola Montoya.
(*) Quiero agradecerle a Chérif Khaznadar y a Françoise Gründ por su cálida acogida, por su atención constante y por su disponibilidad. Agradezco a Arwad Esber y a Séverine Cachat por su generosidad y por su amable recibimiento en la Casa de las Culturas del Mundo en París y en Vitré, respectivamente. Agradezco también a Maya Khélifi por el espacio y la disponibilidad brindados en la división de archivos del Ministerio de Cultura y de Comunicación de la República Francesa. Quiero expresarle un agradecimiento especial a Édith Barré por su trabajo como documentalista de la Casa de las Culturas del Mundo y a Karen Jeuland, mediatriz cultural de la Casa de las Culturas del Mundo, por su lectura y aportes. Gracias también a Caroline Moine y a Anaïs Fléchet por su atenta escucha y consejos. A Marisol Montoya Martínez : Gracias por tu apoyo fiel y por tu fe inquebrantable en mí. Agradezco a Diana Paola Pulido Gómez y a Camille Mazoyer por haber ritmado con su amistad los gozosos y los dolorosos de este proceso de investigación. Quiero agradecerle también a mi madre, Yadira Sofía Montoya Castañeda, por haberme vinculado desde niña con la lengua francesa y a mi padre, Wahid Mohamed Wahba Shata, por inspirar mi curiosidad. A mi asidua lectora, Liliana del Pilar Montoya Castañeda, gracias infinitas por su tiempo, su apoyo y su dedicación. Quiero dedicarle este trabajo a : Amelia Martínez, Bruno Liotard, Cristóbal Montoya Castañeda y Laurita Mastrocola Montoya. [Traduction de l’auteur]
3
SOMMAIRE INTRODUCTION Contributions à une histoire culturelle des festivals du XXe et du XXIe siècle Sources et méthode I. AUX ORIGINES DU FESTIVAL DE L’IMAGINAIRE 1. Le festival du Théâtre des Nations (1957-1965) 2. Le Festival des Arts Traditionnels de Rennes (1974-1982) II. CONDITIONS DE CRÉATION ET AXES DE DÉVELOPPEMENT DU FESTIVAL DE L’IMAGINAIRE 1. Le Festival de l’Imaginaire : Écho de la Maison des Cultures du Monde 2. La création du Festival de l’Imaginaire III. LE FESTIVAL DE L’IMAGINAIRE, VECTEUR DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL DE L’HUMANITÉ 1. Le Festival de l’Imaginaire et le patrimoine culturel immatériel 2. Étude de cas : les Pleureuses de Colombie CONCLUSIONS SOURCES BIBLIOGRAPHIE ANNEXES TABLE DES MATIÈRES
4
SIGLES
FAT : Festival des Arts Traditionnels
FI : Festival de l’Imaginaire
IIT : Institut International du Théâtre
MCM : Maison des Cultures du Monde
SAI : Service des Affaires Internationales
SUDT : Société Universelle du Théâtre
UNESCO : Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture
5
INTRODUCTION
« Les sociétés communiquent davantage par
ce qu’elles imaginent que par ce qu’elles sont. »1
Jean Duvignaud
« L’affiche d’un festival pourrait évoquer un inventaire à la Prévert. Qu’il y a
t-il de commun entre les danses Tsukushi-maï, un Mudhiyettu, le Stambali, les Chants
de Carême de Croatie, ceux d’amour de Bulgarie, l’ensemble tzigane de
Magyarszovat, le Barbershop américain et autres représentations du Festival ? »2.
Ainsi commence l’éditorial de la 5ème édition du Festival de l’Imaginaire organisé à
Paris, depuis 1997, par la Maison des Cultures du Monde (figure 1)3.
Dirigé par Chérif Khaznadar depuis sa création en 1997 jusqu’en 2006, puis
par Arwad Esber à partir de 2007, le Festival de l’Imaginaire se réalise à Paris, au
printemps, pendant deux à quatre semaines (figure 2)4. Il surgit après quinze années
d’existence et d’activité permanente de la Maison des Cultures du Monde. Il fait
partie des moyens d’action dont cette association culturelle dispose afin de mettre en
œuvre sa mission. Créée en 1982, la Maison des Cultures du Monde a pour objet de
« favoriser les échanges et les dialogues entre les formes d’expression et les identités
culturelles des peuples du monde » 5 . Elle se spécialise « dans l’accueil de
manifestations étrangères et [se] souci[e] de défendre la diversité culturelle et les
expressions les moins connues et les plus diverses des peuples et des civilisations du
1 DUVIGNAUD Jean, le Pandémonium du présent: idées sages, idées folles, Paris, Plon, 1998, p. 193 2 KHAZNADAR Chérif, « Introduction », in 5ème Festival de l’Imaginaire, 27 février - 7 avril 2001, 2 KHAZNADAR Chérif, « Introduction », in 5ème Festival de l’Imaginaire, 27 février - 7 avril 2001, s.l.n.d., p. 3, Document en possession de l’auteur 3 Un échantillon des affiches du Festival de l’Imaginaire a été reproduit dans l’annexe 1 4 Voir l’annexe 2 5 Publication dans le Journal officiel de la République française du 13 mai 1982, in Dossier « Documents pour le Centre de documentation », 1 p., non coté, Archives de la Maison des Cultures du Monde
6
monde contemporain »6. Le Festival de l’Imaginaire est donc une émanation de la
Maison des Cultures du Monde et de ce fait, il a été conçu comme un dispositif
d’échanges et de dialogues entre les cultures étrangères mais aussi comme un
dispositif de diffusion de leurs expressions culturelles.
Dans le cadre du Festival de l’Imaginaire, musiques, danses et théâtres du
monde se donnent à voir et à entendre sur les planches du Théâtre de l’Alliance
française7 de Paris, siège de la Maison des Cultures du Monde, mais aussi dans
d’autres équipements culturels de la capitale et du pays. Le Festival de l’Imaginaire
fait ainsi partie d’une série de dispositifs festivaliers destinés à la diffusion des
expressions artistiques des cultures étrangères en France. Quelle est son histoire ?
L’histoire du Festival de l’Imaginaire est tout d’abord celle de ses acteurs et de
leurs attentes. Mais son histoire se construit aussi à partir de l’articulation du festival à
des politiques culturelles, des institutions, des personnalités, des idées, des
événements, des périodes qui ont marqué le XXe siècle et dont ce festival prolonge la
mémoire jusqu’à aujourd’hui.
D’une part, le Festival de l’Imaginaire s’inscrit dans la continuité d’un
ensemble d’initiatives privées et publiques d’ouverture vers les arts vivants des
cultures étrangères. Notamment, ce dispositif est né de la politique de réciprocité dans
les relations culturelles internationales qui, à partir de années 1980, a accompagné la
politique de rayonnement de la France. Aussi, ce festival répond à une volonté de
mise en œuvre d’un dialogue entre les cultures, une politique culturelle soutenue
notamment par les représentants des États membres de l’UNESCO après la Seconde
Guerre mondiale.
Par ailleurs, au cours de cette enquête sur le Festival de l’Imaginaire, deux
personnages principaux ont surgit en tant que passeurs pionniers des cultures du
monde en France. Il s’agit de Françoise Gründ (1938-) et de Chérif
6 La Maison des Cultures du Monde, s.l.n.d., (sans pagination), non coté, Archives de la Maison des Cultures du Monde 7 Pour une histoire du Théâtre de l’Alliance française voir : DZIWINSKI Jennifer, La merveilleuse histoire du Théâtre de l'Alliance Française Première partie 1956 – 1975, Paris, Maison des cultures du monde, 2006, 95 p.
7
Khaznadar (1940 -), créateurs de divers dispositifs de diffusion des cultures
étrangères : le Festival des Arts Traditionnels de Rennes (1974-1982), la Maison des
Cultures du Monde (1982) et le Festival de l’Imaginaire (1997).
Aussi, en construisant l’histoire du Festival de l’Imaginaire, j’ai pu traquer la
mise en circulation de l’idée des « cultures du monde » en France, dès la fin de la
Seconde Guerre mondiale. La notion de « culture du monde » est étroitement liée à la
façon dont se construisent les images et les imaginaires sur les peuples du monde dans
le contexte postcolonial et de mondialisation culturelle qui caractérise la fin du XXe et
le début du XXIe siècle. Dans ce sens, j’ai considéré l’objet festival comme un
laboratoire pour réfléchir, selon les termes de Jean Tardif, à un « capitalisme culturel
transfrontalier [qui] ne cesse d’inventer les moyens technologiques, financiers et
organisationnels permettant d’accélérer la circulation des biens et des services
culturels dans une sphère globalisée qui n’obéit plus seulement ni d’abord aux seules
logiques nationales et étatiques »8. La mise en récit du Festival de l’Imaginaire tentera
alors d’apporter des éclairages sur la gestion des identités des cultures étrangères en
ce début de siècle.
D’autre part, l’enquête sur le Festival de l’Imaginaire m’a permis de suivre
jusqu’à aujourd’hui la piste de l’institutionnalisation du patrimoine culturel
immatériel de l’humanité. Ce processus d’institutionnalisation a été enclenché par
l’UNESCO à la fin des années 1990 et a aboutit à l’adoption en 2003 de la
Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
Celui-ci, autrefois appelé folklore puis arts traditionnels, est le terme qui a été retenu
par l’UNESCO afin de désigner l’héritage culturel vivant des communautés et des
peuples du monde. Pour l’UNESCO, cet héritage culturel signifie « les traditions et
expressions orales, y compris la langue comme vecteur du patrimoine culturel
immatériel, les arts du spectacle, les pratiques sociales, rituels et événements festifs,
les connaissances et pratiques concernant la nature et l'univers ainsi que les savoir-
faire liés à l'artisanat traditionnel »9. Or, depuis ses débuts, le Festival de l’Imaginaire
8 TARDIF Jean, FARCHY Joëlle, Les enjeux de la mondialisation culturelle, Paris, Hors Commerce, 2006, p. 17 9 « Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel », in Textes fondamentaux de la Convention de 2003 pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, Paris, UNESCO, 2012, p. 3-19
8
s’attache à illustrer et à diffuser cet héritage culturel, surtout celui concernant les arts
du spectacle, les cérémonies et les rituels.
C’est cette relation entre le Festival de l’Imaginaire et l’héritage culturel des
différents peuples du monde que ce travail prétend interroger. Il s’agit donc ici de
comprendre comment le Festival de l’Imaginaire s’est construit comme dispositif
pionnier de diffusion du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Il s’agit
également de saisir la façon dont ce festival propose un modèle de formation de la
sensibilité du public français au patrimoine culturel immatériel des cultures
étrangères. Il s’agit enfin de mettre en exergue les écarts mais aussi les
correspondances de sens entre le projet du Festival de l’Imaginaire et celui de
l’UNESCO, concernant la mise en œuvre de la patrimonialisation de la culture
immatérielle des peuples du monde.
Afin de rendre compte du Festival de l’Imaginaire en tant que dispositif
pionnier d’illustration, de diffusion et de sauvegarde du patrimoine culturel
immatériel de l’humanité, j’ai structuré mon mémoire en trois parties. Dans une
première partie, je m’intéresserai aux origines du Festival de l’Imaginaire en
remontant jusqu’à ses ancêtres : le festival du Théâtre des Nations qui a eu lieu à Paris
entre 1954 et 1965 et le Festival des Arts Traditionnels qui a eu lieu à Rennes entre
1974 et 1982. Au cours de cette partie, j’étudierai les liens qui existent entre le
Festival de l’imaginaire et les dispositifs auxquels il a succédé.
Dans une deuxième partie, j’interrogerai les conditions de création et les axes
de développement du Festival de l’Imaginaire (1997-2013). Dans un premier temps,
j’étudierai les relations qui existent entre le Festival de l’Imaginaire et la Maison des
Cultures du Monde. Puis, dans un deuxième temps, j’aborderai le contexte de création
du Festival de l’Imaginaire ainsi que ses principaux axes de développement.
Dans une troisième partie, je rendrai compte du Festival de l’Imaginaire en
tant que vecteur du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Tout d’abord,
j’interrogerai la façon dont le Festival de l’Imaginaire utilise la notion de patrimoine
culturel immatériel comme une clé pour sensibiliser le public du XXIe siècle à la
diversité culturelle du monde. Ensuite, afin de préciser le fonctionnement du Festival
9
de l’Imaginaire comme vecteur du patrimoine culturel immatériel, j’étudierai le cas
des Pleureuses de Colombie, une forme spectaculaire qui a été à l’honneur lors du
10ème Festival de l’Imaginaire (2006) et qui avait déjà été programmée auparavant
dans le cadre des dispositifs qui ont précédé le Festival.
Cependant, avant d’entrer en matière, il faut signaler que ce travail prétend
contribuer à la construction d’une histoire des festivals contemporains à partir du
point de vue de l’histoire culturelle.
- Contributions à l’histoire des festivals du XXe et du XXIe siècle
a. L’histoire culturelle d’un festival
Cette recherche vient se greffer à une historiographie française qui, dans les
années 1970, a subi un glissement « de l’économique au social, puis du social vers le
culturel »10. Ce glissement est à l’origine de la naissance de l’histoire culturelle que
Robert Chartier définit comme étant l’histoire sociale des représentations11. Cette
définition « est une singularité française qui (…) distingue [l’histoire culturelle] de la
Cultural History nord-américaine et des travaux qui se réfèrent au Linguistic Turn et
aux Cultural Studies. »12
Il s’agit donc ici, avec l’histoire culturelle, d’observer un phénomène culturel
tel qu’un festival dont l’existence s’est massifiée au cours du siècle dernier et dont
l’expansion se poursuit en cette première décennie du XXIe siècle13. Les résultats de
l’observation du Festival de l’Imaginaire (1997-2013) permettront de saisir la façon
10 POIRRIER Philippe, « L’histoire culturelle en France, ‘Une histoire sociale des représentations’ » in POIRRIER, Philippe (dir) L’histoire culturelle : un ‘tournant’ mondial dans l’historiographie ?, Dijon, Éditions Universitaires de Dijon, 2008, p. 39 11 CHARTIER Robert, « Le monde comme représentation », in Annales E.S.C., novembre-décembre 1989, n. 6, pp. 1505-1520 12 POIRRIER Óp. Cit., p. 1 13 ORY Pascal, « Qu’est-ce qu’un festival? Une définition par l’histoire », in Pour une histoire des festivals (XIXe-XXIe siècles), Colloque organisé par le Centre d’histoire sociale du XXe siècle (Université Paris I-Panthéon Sorbonne) et par le Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines (Institut d’études culturelles-Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines), en collaboration avec le département des Arts du spectacle de la Bibliothèque nationale de France et le Festival d’Automne, Paris, 24, 25 et 26 novembre 2012
10
dont ce phénomène culturel participe à la construction du sociopolitique aujourd’hui
et des relations que la société occidentale contemporaine maintient avec le passé et
avec les cultures étrangères.
L’étude d’un dispositif culturel tel qu’un festival international d’arts vivants
constitue ainsi le point d’entrée particulier que j’ai choisi et à partir duquel je tenterai
de déchiffrer la société occidentale contemporaine. Pour cela, nous pénétrerons
l’écheveau des relations et de tensions sociales14 qui émergeront de la mise en récit
des origines, de la création et du développement du Festival de l’Imaginaire.
b. L’histoire des festivals contemporains
L’histoire du Festival de l’Imaginaire occupe également une place au sein de
l’histoire des festivals des sociétés contemporaines. Mais en dépit de la présence des
festivals dans le paysage culturel contemporain depuis la fin du XIXe siècle, en
France, l’histoire des festivals est récente.
Plusieurs disciplines ont devancé l’histoire dans la connaissance scientifique
du phénomène festivalier. La bibliographie élaborée en 2006 par Elfert liste, par
exemple, les recherches sur l’objet festival réalisées à partir du regard de l’économie,
de la sociologie et de la géographie, depuis la fin des années 197015. Or, l’histoire
n’adopte le festival comme objet d’étude qu’à l’aube du XXIe siècle 16 . Trois
événements académiques majeurs marquent le début de cette histoire française des
festivals.
Tout d’abord, il y a eu la création, en 2008, du projet European Film
Festival17 qui a réuni en France des chercheurs de plusieurs universités au niveau
14 Ibid, p. 1508 15 ELFERT Jennifer, Bibliography on festival related literature, EFRP, 2006, disponible sur : <http://www.efa-aef.eu/en/activities/efrp/>, consulté le 08 mai 2012 16 Parmi les premières études historiques de l’objet festival, on peut citer: BENARD Nicolas, Festivals, raves parties, free parties. Histoire des rencontres musicales actuelles, en France et à l’étranger, Paris, Camion blanc, 2012, 631 p. ; LOYER Emmanuelle, BAECQUE Antoine de, Histoire du festival d’Avignon, Paris, Gallimard, 2007, 607 p. 17 Le projet European Film Festival est porté par Caroline Moine (Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines, CHCSC), en collaboration avec Robert Frank (Identités, Relations
11
international dans le but de produire une histoire des festivals internationaux de
cinéma en Europe, à partir des années 1930 jusqu’aux années 1980. Ensuite, un
colloque intitulé Festivals & sociétés en Europe XIXe-XXIe siècles s’est organisé le 3
et 4 février 2011 à l’Université de Bourgogne18. Lors de cette rencontre, il a été
question de la forme festival et de ses relations avec les politiques culturelles, la
création artistique et le public. Signalons, enfin, l’organisation à Paris du colloque
Pour une histoire des festivals (XIXe – XXIe siècles) qui a eu lieu les 24, 25 et 26
novembre 2011 et qui a réuni des chercheurs de diverses disciplines et de divers
horizons autour de trois séances thématiques : Invention et évolution des festivals ;
Esthétiques, créations, patrimoines et Perspectives locales, nationales, globales19.
Ces trois événements académiques légitiment le fait que le festival soit devenu un
objet culturel à part entière dont l’étude permet d’aborder dans le temps plusieurs
dimensions et plusieurs sens du social, du politique et du passé.
Dans ce sens, on peut considérer analytiquement le Festival de l’Imaginaire
comme un espace symbolique à partir duquel nous pouvons aborder, d’une part, les
interactions, en France, entre le culturel et le social, le politique et l’économique
depuis la milieu du XXe siècle jusqu’au début du XXIe. D’autre part, la mise en récit
du Festival de l’Imaginaire nous met sur la piste de la construction de sociétés
contemporaines qui patrimonialisent et institutionnalisent la dimension immatérielle
de la culture dès la fin du XXe siècle.
c. Un festival du XXIe siècle
L’histoire du Festival de l’Imaginaire s’inscrit dans l’histoire du temps
présent. Pour Christian Delacroix, l’histoire du temps présent « remonte jusqu’aux
limites de la durée d’une vie humaine, soit un champ marqué d’abord et avant tout par
Internationales et Civilisations de l’Europe, IRICE, UMR 8138) et Sylvie Lindeperg (Centre d’études et de recherche en histoire et esthétique du cinéma, CERHEC) 18 Le colloque Festivals & sociétés en Europe XIXe-XXIe siècles a été organisé par la Maison des Sciences de l’Homme de Dijon, le Centre Georges Chevrier et le CIMEOS, laboratoire en Sciences de l'Information et de la Communication de l'Université de Bourgogne. 19 Pour une histoire des festivals (XIXe -XXIe siècles), Colloque organisé par le Centre d’histoire sociale du XXe siècle (Université Paris I-Panthéon Sorbonne) et par le Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines (Institut d’études culturelles-Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines), en collaboration avec le département des Arts du spectacle de la Bibliothèque nationale de France et le Festival d’Automne, Paris, 24, 25 et 26 novembre 2012
12
la présence de ‘témoins’ vivants (…) »20. Sa borne aval est déterminée par le fait que
le temps présent continue à se développer et à repousser la frontière « souvent délicate
à situer, entre le moment présent – ‘l’actualité’ – et l’instant passé »21.
Dans ce sens, afin de construire l’histoire du Festival de l’Imaginaire, j’ai
rencontré ses principaux acteurs, notamment ses fondateurs, mais aussi d’autres
témoins vivants qui ont connu le Festival de près ou de loin. Et bien que le Festival de
l’Imaginaire se soit vu affecté par une coupe annoncée en novembre 2012 de 30% des
subventions accordées à la Maison des Cultures du Monde par le ministère de la
Culture, le Festival a bien eu lieu en 2013, ce qui continue à faire de lui une mémoire
« vive »22 - mémoire qui est l’objet de l’historien du temps présent.
Par ailleurs, pour cette étude, j’ai souhaité tout d’abord me pencher sur les
origines du Festival de l’Imaginaire. Pour cela, je me suis concentrée sur la période
1950-1997 pendant laquelle, d’un côté, la France s’ouvre au monde et de l’autre, la
forme festivalière commence sont expansion. Dans un deuxième temps, mon étude
concerne la période 1997-2013. Cette période correspond aux premières années du
Festival de l’Imaginaire et à son développement jusqu’à aujourd’hui. Cette période
correspond également à la consolidation du processus contemporain, conduit par
l’UNESCO, de patrimonialisation et d’institutionnalisation de la culture immatérielle
de l’humanité.
- Sources et méthode
Le choix d’entreprendre la construction d’une histoire culturelle du Festival de
l’Imaginaire exigeait, tout d’abord, de prendre connaissance de sa programmation.
Pour cela, j’ai réuni les brochures des 17 éditions du Festival (1997-2013), afin
d’identifier les éléments programmés mais aussi afin d’avoir une première approche
de l’univers discursif et institutionnel qui encadre le Festival.
20 DELACROIX Christian et al., Historiographies I, Concepts et Débats, 1 vol., Paris, Gallimard, 2011 [2006], p. 286. 21 Ibid. 22 BEDARRIDA François, « Le temps présent et l’historiographie contemporaine », in Vingtième Siècle. Revue d'histoire, 2001/1 n. 69, pp. 153-160
13
En ce qui concerne les éléments programmés, j’ai construit un tableau où j’ai
classifié la programmation par catégories, en suivant celles utilisées par les
programmateurs du festival. J’ai également classifié cette programmation par pays
invité, par année et par espace de présentation. J’ai ensuite élaboré plusieurs cartes
afin de montrer la dynamique de rayonnement-réciprocité de la France dans le monde.
D’une part, la France a rayonné dans les 96 pays qui ont été à l’honneur au Festival de
l’Imaginaire pendant la période 1997-2013 (figure 3)23. D’autre part, la France a fait
preuve de réciprocité en accueillant les artistes de ces pays dans le cadre du Festival
(figures 4 à 20)24.
Par ailleurs, j’ai identifié les formes spectaculaires présentées dans le cadre du
Festival de l’Imaginaire entre 1997 et 2013. Afin de pouvoir construire un panorama
de ces formes, je lais ai classifiées en 3 catégories : les formes musicales, les formes
théâtrales et chorégraphiques et les formes cérémonielles, rituelles et festives (figures
21 à 24)25. Plus de 289 spectacles ont été présentés dans le cadre du Festival de
l’Imaginaire, depuis 1997 jusqu'à sa 17ème édition en 2013, avec en moyenne une
dizaine de spectacles par festival. Aussi, afin de rendre compte de l’aspect
décentralisé du Festival, j’ai cartographié les 35 espaces (figures 25 et 25)26 où le
Festival a eu lieu depuis sa création, car même si ceux-ci se situent principalement sur
Paris et sa région, des espaces extra muros sont également impliqués. Quant à
l’identification de l’univers discursif et institutionnel du festival, je l’ai faite, dans un
premier temps, en analysant les éditoriaux puis en identifiant les partenaires
institutionnels dans un tableau. Grâce à une grille d’analyse, j’ai pu extraire des
éditoriaux les principaux concepts mobilisés par les porteurs du Festival de
l’Imaginaire pour communiquer avec le public. Puis, grâce au tableau de présentation
des partenaires du Festival, j’ai pu les catégoriser en fonction de leur statut public ou
privé et de leur vocation, ainsi qu’en fonction de la périodicité avec laquelle ils
soutiennent le Festival.
Je me suis ensuite tournée vers d’autres sources imprimées en relation directe
avec mon sujet. D’un côté, j’ai exploité les sources se trouvant au Centre de 23 Voir l’annexe 3 24 Voir l’annexe 4 25 Voir l’annexe 5 26 Voir l’annexe 6
14
documentation sur les spectacles du monde, aujourd’hui Centre français du
patrimoine culturel immatériel, qui réunit, à Vitré, les ouvrages publiés et édités par la
Maison des Cultures du Monde, institution porteuse du Festival de l’Imaginaire, ainsi
que les archives de ce festival.
En ce qui concerne les sources publiées, j’ai inclus dans mon corpus 22
numéros de la revue Internationale de l’Imaginaire correspondant à ceux qui ont été
publiés pendant la période de fonctionnement du Festival (1997-2013). Cette
revue est publiée par la MCM depuis 1985. J’ai également trouvé des indices
importants sur le Festival principalement dans trois livres également édités par cette
association : Sur la piste des cultures du monde, publié aux éditions Favre en 1985 ;
l’Atlas de l’Imaginaire, publié aux éditions Favre en 1996 et Le Festival de
l’Imaginaire, publié aux éditions Actes Sud en 2007.
Les deux premiers livres se présentent sous la forme d’entretiens que
Françoise Gründ et Chérif Khaznadar ont réalisés avec, pour le premier, Jacques
Georgel (1932-2012), ancien directeur du Département de Sciences Politiques de
l’Université Européenne de Florence, puis pour le deuxième, avec Bernard Piniau ( ?-
1997), ancien directeur des Centres culturels français de Kisangani puis de
Lubumbashi. Le premier livre couvre la période 1974-1984, années d’activité de
Françoise Gründ et de Chérif Khaznadar à la Maison de la Culture de Rennes. Le
deuxième livre aborde également cette période d’activité, mais il couvre aussi la
période 1982-1995 correspondant aux activités de la Maison des Cultures du Monde à
Paris. Le troisième livre est consacré aux dix premières années du Festival de
l’Imaginaire (1997-2007) et se présente sous forme de chapitres thématiques enrichis
par un certain nombre de photographies recueillies, pour la plupart, au cours du
Festival.
Concernant les sources manuscrites privées, j’ai exploité la correspondance
entre la MCM et son réseau d’informateurs conformé, en partie, par les personnes en
place aux Ambassades de France des pays invités au Festival ainsi que par les
personnes en place aux ministères de la Culture des pays concernés. J’ai également
exploité les dossiers des missions de prospection qui contiennent des informations
visuelles et écrites sur les formes spectaculaires prospectées. Dans cette étude, j’ai
15
traité notamment le dossier des missions réalisées en Colombie entre 1976 et 2006.
D’autre part, bien que cette étude n’aborde pas la réception du Festival de
l’Imaginaire mais sa production, j’ai eu accès aux revues de presse élaborées par la
MCM pour les 17 éditions du Festival réalisées jusqu’en 2013.
Mon corpus de sources est également constitué par les témoignages que j’ai
recueillis auprès des principaux acteurs du Festival de l’Imaginaire. J’ai eu
l’opportunité de m’entretenir à plusieurs reprises avec Françoise Gründ et Chérif
Khaznadar, créateurs du Festival. J’ai également interviewé Arwad Esber, directrice
du Festival depuis 2007. Aussi, lors du colloque organisé à la Rochelle à l’occasion
des 30 ans de la Maison des Cultures du Monde, j’ai pu recueillir le témoignage de
plusieurs personnes qui ont été en rapport direct avec le Festival de l’Imaginaire grâce
aux interventions de ceux et de celles qui ont souhaité rendre compte de leur relation
avec la MCM27.
Du côté des sources publiques, j’ai eu accès aux archives conservées à la
mission des archives du ministère de la Culture et de la Communication, à Paris.
Grâce à la dérogation qui m’a été accordée, j’ai pu exploiter différents documents
officiels tels que compte-rendu de réunions, courriers, notes d’intentions, accord de
subventions, entre autres, élaborés principalement par le département des affaires
européennes et internationales (DAEI) et concernant la relation de ce département
avec la MCM, entre 1995 et 2010.
Enfin, mon corpus de sources se compose de sources audiovisuelles et
iconographiques. D’une part, j’ai sélectionné une cinquantaine d’émissions radios et
d’interviews télévisées auxquelles ont participé les principaux acteurs du Festival de
l’Imaginaire. J’ai aussi sélectionné celles où il était question du Festival en lui même.
J’ai réalisé cette sélection parmi plus de trois cent références concernant la vie du
Festival de l’Imaginaire entre 1997 et 2012. Ces sources sont conservées par l’Institut
National de l’Audiovisuel (INA), à Paris. D’autre part, j’ai exploité un certain nombre
d’éléments à contenu visuel tels que les affiches du Festival et les photographies
prises sur le terrain pendant les missions de prospection. 27 Un des entretiens réalisés par l’auteur avec Chérif Khaznadar (11 mai 2012) est reproduit en annexe 12.
16
La trame de l’histoire du Festival de l’Imaginaire, située au sein de l’histoire
culturelle puis de l’histoire des festivals et de l’histoire du temps présent, est ainsi
constituée par un riche corpus de sources. À partir de son exploitation, j’ai pu préciser
la façon dont le Festival de l’Imaginaire se place par rapport au processus de
patrimonialisation et d’institutionnalisation de la culture immatérielle de l’humanité,
un processus récent qui participe à la production du sens et donne forme à la société
occidentale contemporaine.
17
I. AUX ORIGINES DU FESTIVAL DE L’IMAGINAIRE
Le Festival de l’Imaginaire est un festival international qui réunit les pratiques
spectaculaires des peuples du monde. Celles-ci comprennent les formes théâtrales,
chorégraphiques et musicales, mais aussi les rites et les cérémonies28. Les peuples du
monde, quant à eux, pourraient être définis comme « des myriades de petites nations
(…) qui ont leur langue, leur mythe, leur croyance, leur vision du monde, leur savoir,
leur savoir-faire, [leur faire-savoir], en somme leur identité »29. Les créateurs du
Festival de l’Imaginaire se sont attachés à donner à voir et à entendre des pratiques
spectaculaires conçues par ces « myriades de petites nations ».
Les habitants de Palenque de San Basilio, une des premières Républiques
noires fondée en Amérique Latine, située en Colombie ; la population Muluvalé ou
Mubunda établie autour de la boucle du Zambèze, au Zimbabwe; celle des Ami,
habitant au centre de Taïwan ; les Luan établis au sud de l’île de Malakula, au
Vanuatu, sont quelques uns des peuples qui ont participé au Festival de l’Imaginaire
et qui ont témoigné de leur imaginaire en présentant des pratiques spectaculaires qui
font partie de la mémoire de leurs arts vivants. Dans ce sens, le Festival de
l’Imaginaire peut être considéré comme un festival d’arts traditionnels. Cependant,
bien qu’il s’agisse d’arts ancrés dans la tradition des peuples du monde, ce sont des
arts vivants qui ont un sens et une fonction dans la vie quotidienne de ces peuples.
C’est à dire que ces arts sont transmis de génération en génération et, partant, chaque
génération les revitalise inscrivant ainsi leurs pratiques spectaculaires au sein d’un art
qui est contemporain.
Pendant la période étudiée (1997-2013), le Festival de l’Imaginaire a existé au
travers d’autres dispositifs similaires dont il a prolongé la mémoire. C’est à dire que le
Festival de l’Imaginaire a été en partie le reflet de festivals antérieurs qui l’ont nourri
d’un sens particulier. Tout comme le Festival de l’Imaginaire, ces festivals se sont
28 PAVIS Patrick, « Pratiques spectaculaires», in Dictionnaire du théâtre, Paris, Dunod, 1996, p. 268 29 MORIN Edgar, « Existences et résistances », in MORIN Edgar, VALLOMBREUSE Pierre de, Peuples, Paris, Flammarion, 2006, p. 11
18
intéressés aux pratiques spectaculaires des peuples du monde. Il s’agit du festival du
Théâtre des Nations (Paris, 1957-1965) et du Festival des Arts Traditionnels (Rennes,
1974-1982).
D’autre part, il existe une relation particulière entre le Festival de l’Imaginaire
et l’UNESCO. La 17ème édition du FI (2013) est consacrée à célébrer les 10 ans de la
Convention de l’UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel.
Aucun autre festival en France ne semble afficher, pendant la période étudiée, une
relation si étroite avec cette organisation internationale. Toutefois, au cours de mon
enquête, il s’est avéré que l’UNESCO avait été liée à l’existence d’anciens festivals
dont le Festival de l’Imaginaire a prolongé l’existence.
Dans la première partie de ce travail, je m’attacherai donc à rendre compte des
éléments qui ont rendu possible l’existence du Festival de l’Imaginaire. En premier
lieu, je m’intéresserai au festival du Théâtre des Nations, sous la direction de Claude
Planson (1957-1965). En deuxième lieu, j’aborderai la création du Festival des Arts
Traditionnels au sein de la Maison de la Culture de Rennes (1974-1982). Enfin, au
cours de ma démonstration, je ferai apparaître la façon dont l’UNESCO a été présent
dans la vie de ces festivals.
1. Le festival du Théâtre des Nations (1957-1965)
Avant le Festival de l’Imaginaire, d’autres festivals français avaient déjà
exploré l’imaginaire des peuples du monde afin d’en faire un des pivots de leur
programmation, notamment le festival du Théâtre des Nations (1957-1965), le
Festival Mondial du Théâtre de Nancy (1963-1983) et le Festival d’Automne, crée en
1972. Cependant, le Festival de l’Imaginaire s’est distingué de ces prédécesseurs dans
la mesure où il s’est consacré exclusivement à présenter des arts vivants et
traditionnels conçus principalement par des peuples extra-occidentaux. C’est à dire
que les formes relevant de l’imaginaire des civilisations occidentales ont été peu
présentées dans le cadre du Festival de l’Imaginaire alors que ces formes occupaient
une grande place dans la programmation des festivals prédécesseurs. Certes, les
différences entre les pratiques spectaculaires occidentales et extra-occidentales ne
19
sont pas évidentes. Pourtant, elles existent et le Festival de l’Imaginaire s’est attaché,
au cours de son histoire, à rendre son public sensible à ces différences.
Mais le Festival de l’Imaginaire se distingue aussi car il est le prolongement
du festival du Théâtre des Nations. Ce festival, dirigé par Claude Planson (1913-
1999) a eu lieu à Paris entre 1957 et 1965. La rencontre entre les créateurs du Festival
de l’Imaginaire et Claude Planson dans les années 1960 mais surtout le fait que
Planson lui même a reconnu Françoise Gründ et Chérif Khaznadar comme étant ses
successeurs légitimes, sont deux aspects majeurs qui permettent d’affirmer que le
Festival de l’Imaginaire a été, en partie, le reflet du festival du Théâtre des Nations.
D’autres aspects me conduisent également à étudier le Festival de l’Imaginaire au
travers de l’histoire du festival du Théâtre des Nations30.
a- Création du festival du Théâtre des Nations
D’abord, le festival du Théâtre des Nations est lui aussi le prolongement d’un
premier festival de théâtre d’avant-guerre dédié à l’art dramatique des cultures
étrangères. À partir du modèle de ce festival d’avant-guerre, Planson, tout en
élargissant la notion de « théâtre », a fait de son festival un modèle d’après-guerre en
ce qui concerne la mise en œuvre de deux des principaux étendards brandis par le
Festival de l’Imaginaire : le dialogue entre les cultures et l’ouverture vers les arts
vivants des cultures étrangères, ancrés dans leurs traditions. De plus, les trois missions
principales du festival du Théâtre des Nations (consacrer, à Paris, les troupes de
théâtre les plus prestigieuses du monde, découvrir d’autres théâtres traditionnels et
rechercher de nouvelles formes de l’art théâtral) ont été poursuivies puis transcendées
par le Festival de l’Imaginaire.
30 La bibliographie sur le Théâtre des Nations est encore peu développée. Au cours de ma recherche, j’ai pu répertorier trois livres qui abordent ce sujet. Le premier, Il était une fois le Théâtre des Nations, écrit par son directeur, Claude Planson, en 1984, publié par la Maison des Cultures du Monde. Le deuxième, Paris capitale mondiale du théâtre : Le Théâtre des Nations, écrit par Odette Aslan, comédienne et écrivaine, et publié par le CNRS en 2009. Enfin, la thèse en études théâtrales de Daniela Peslin, Le Théâtre des Nations : (1957-1968) : Premier Festival International de Théâtre après la deuxième guerre mondiale, soutenue en 2008 à l’Université de la Sorbonne Nouvelle et publiée en 2009 sous le titre Le Théâtre des Nations : une aventure théâtrale à redécouvrir, aux éditions l’Harmattan.
20
Par ailleurs, ce festival tout comme le Festival de l’Imaginaire, a été soutenu
par l’UNESCO et a connu l’engagement enthousiaste du gouvernement français puis
son désengagement progressif.
b- Françoise Gründ, Chérif Khaznadar et Claude Planson
Françoise Gründ, Chérif Khaznadar et Claude Planson se sont rencontrés au
festival du Théâtre des Nations, au cours des années 1960. Leur rencontre a été
décisive pour l’existence du Festival de l’Imaginaire (1997) car elle a provoqué non
seulement la transmission de l’édifice culturel sur lequel Planson a bâti le sien, mais
aussi la transmission de son propre édifice culturel puis la reproduction d’autres
dispositifs festivaliers, crées par Gründ et Khaznadar, sous le modèle de celui du
Théâtre des Nations. Planson lui même n’a pas manqué les occasions pour légitimer
le travail de Gründ et de Khaznadar en les considérant comme les « meilleurs » 31 et
comme les « vrais » 32 enfants du Théâtre des Nations.
Mis à part le festival, le Théâtre des Nations c’était aussi une Université à
laquelle Françoise Gründ s’était inscrite en 1962. Auparavant, elle avait été séduite
par le TNP de Jean Vilar qu’elle avait connu lorsqu’elle était au collège grâce à un
professeur d’Allemand qui y emmenait ses élèves à chaque saison33. Ensuite, elle a
suivit des études de littérature comparée à la Sorbonne, pendant qu’elle travaillait
comme institutrice suppléante34. Elle a fréquenté les Arts-Déco, les Beaux-Arts et elle
a fait quelques mises en scène au Théâtre Mouffetard35. Lorsqu’elle s’est inscrite à
l’Université du Théâtre des Nations, sa motivation profonde était celle de faire du
théâtre mais aussi celle de continuer à former son regard sur les autres. Elle explique
qu’à cette époque, elle ressentait le besoin et la faculté de « phagocyter les croyances
31 PLANSON Claude, « Les Trilles de l’oiseau et le chant du bouc », in Le Métis culturel, Internationale de l’Imaginaire, n. 1, Arles, Actes Sud, Babel, Maison des Cultures du Monde, 1994, p. 185 32 PLANSON Claude, « Les enfants du Théâtre des Nations », in Mardis du théâtre, France culture, 19 novembre 1996, Archives de l’INA 33 GRÜND Françoise, Entretien avec l’auteur, 31 mars 2013 34 Ibid. 35 GEORGEL Jacques, Sur la piste des cultures du monde, Paris, Favre, 1985, p. 11
21
des autres »36. C’est à dire qu’elle était fortement sensible à l’univers symbolique des
autres et que cela la motivait à déchiffrer cet univers.
Pour Françoise Gründ, « c’était un peu comme au Moyen Âge, [tout se
déroulait] dans une sorte d’improvisation soutenue par l’enthousiasme »37. Elle décrit
l’expérience d’une journée à l’Université du Théâtre des Nations ainsi :
« Nous étions une vingtaine. Dès dix heures, le matin, nous nous asseyions au dernier
étage du Théâtre Sarah-Bernhardt, dans une salle aux fenêtres arrondies, sous les
toits, et nous ingurgitions de l’« énergie récurrente ». Eugène Ionesco arrivait pour
faire un « numéro de style » insensé, immédiatement suivi par Françoise Spira. Puis
se présentait un toréro qui précédait un acteur de Nô. Strehler venait choisir des
figurants, et un souverain africain nous invitait à boire un verre, à la pause, au café,
en bas sur la place du Châtelet. Claude Planson menait le tout tambour battant, sans
nous laisser le temps de souffler (…). Nous déjeunions sur le pouce pour assister aux
répétitions, aux réglages sur le plateau, pour le spectacle qui avait lieu le soir même.
(…) Nous avions le privilège de rester les derniers dans la salle après la sortie du
public, de monter sur le plateau, de parler aux musiciens, aux comédiens, de toucher
aux éléments scéniques »38.
La diversité d’un tel programme correspond assez bien à celle que l’on peut
retrouver dans une des versions du Festival de l’Imaginaire. Une diversité que Gründ
pouvait approcher de près tout comme peuvent le faire les festivaliers du Festival de
l’Imaginaire.
Par ailleurs, cette description traduit la volonté du directeur de l’Université du
Théâtre des Nations de provoquer cette rencontre directe avec les autres, sans
intermédiaires, afin de « pénétrer à l’intérieur [de leur] mystère »39. L’invitation qu’il
faisait à ses élèves était celle de se sentir libres de franchir les limites qui, en
apparence, les séparaient les uns des autres. Françoise Gründ se représente cette
époque comme « une période privilégiée où il n’y avait pas les barrières qu’il y a
aujourd’hui en France entre le monde qui fait le spectacle et le monde qui regarde le 36 Ibid, p. 14 37 GRÜND Françoise, op. cit. 38 GEORGEL Jacques, op. cit., p. 12 39 GRÜND Françoise, op. cit.
22
spectacle »40. L’Université du Théâtre des Nations, qui se déroulait pendant le
festival, était un lieu ouvert à tous où cette barrière n’existait pas.
D’autre part, à l’Université du Théâtre des Nations, les étudiants avaient la
possibilité de faire des travaux de fin de cycle afin de compléter leur apprentissage
théorique par un apprentissage empirique. Ils pouvaient choisir d’écrire une pièce de
théâtre ou de danse, de la mettre en scène, d’en créer la scénographie. En 1963, lors
de sa deuxième année à l’Université, Françoise Gründ avait choisi de mettre en scène
une pièce de théâtre intitulé l’Abel-Ève. Cette pièce avait été écrite par un jeune
étudiant franco-syrien, qui venait tout juste de s’inscrire à l’Université du Théâtre des
Nations. Ce jeune homme s’appelait Chérif Khaznadar.
Khaznadar était venu en France avec l’idée de faire du théâtre. En 1963, il
avait été accepté pour faire un stage avec Jean Vilar41. C’était la dernière année que
Vilar dirigeait le TNP. C’est par l’intermédiaire d’une amie libanaise qui lui a
transmis un exemplaire de la revue Théâtre Populaire que Khaznadar a su qu’il
existait une Université du Théâtre des Nations42. En même temps qu’il faisait son
stage au TNP, il assistait aux cours de cette université.
Avant son arrivée en France, Khaznadar avait fait des études d’administration
d’entreprises à l’Université Américaine de Beyrouth43. Cependant, le théâtre lui tenait
à cœur. Pendant ces études, il avait mis en scène Caligula de Camus, puis En
attendant Godott de Beckett et il avait participé à la création d’une Centre
universitaire d’études théâtrales dont il avait été le premier président44. Pendant cette
époque, il a publié deux recueils de poèmes, un en français et un autre en français et
en arabe. Aussi, pendant son adolescence, lorsqu’il est parti faire une année d’études
aux Etats-Unis, il a été accueilli par une famille protestante qui l’invitait à participer à
toutes les activités de cette église45. D’autre part, pendant son enfance, il a participé
aux fêtes de la tradition musulmane, du côté de la famille de son père, ainsi qu’à
celles de la tradition catholique, du côté de la famille de sa mère, dans un esprit de 40 Ibid. 41 KHAZNADAR Chérif, Entretien avec l’auteur, 11 avril 2012 42 Ibid et GEORGEL Jacques, op. cit., p. 27 43 GEORGEL Jacques, op. cit., p. 25 44 Op. cit., p. 25 45 Ibid.
23
grande ouverture de la part de tous les membres de sa famille46. Khaznadar s’est ainsi
formé dans un environnement dynamique et changeant, pointé par des expériences
vécues dans des cultures différentes, ce qui l’a conduit assez vite à réfléchir sur la
façon dont il se représentait lui même47.
Aussi bien Gründ que Khaznadar étaient intéressés par l’exploration de
l’ouverture vers les cultures étrangères ainsi que par l’établissement d’un dialogue
créatif avec et entre les cultures. Leur rencontre à l’Université du Théâtre des Nations
a été le début de leur foisonnante carrière comme passeurs des cultures du monde.
Après leur rencontre au Théâtre des Nations, ils ont vécu en Syrie où ils ont introduit
certaines pièces du théâtre français et allemand – notamment la pièce Die Ausnahme
und die Regel (L’exception et la règle) de Bertolt Brecht (1898-1956) qu’ils ont
traduit et représenté en langue arabe48. D’ailleurs, Khaznadar a été invité à monter
cette pièce en arabe (la scénographie a été réalisée par Françoise Gründ), au Berliner
Ensemble, à l’occasion du soixante-dixième anniversaire de Brecht49. Leur intérêt
pour le théâtre s’est rapidement élargi vers les arts plastiques, le journalisme engagé,
la radio et la télévision. Gründ a travaillé comme graphiste et comme scénographe en
Syrie puis en Tunisie. Khaznadar a travaillé pour l’Institut International du Théâtre,
organisation accréditée par l’UNESCO, en écrivant des rapports sur le théâtre des
pays du « Tiers-Monde ». Par ailleurs, il a organisé des expositions de peintres syriens
au Liban50. Il a également écrit dans le journal L’Orient Littéraire des articles de
critique théâtrale51. Toutes ces activités, orientées vers la connaissance des autres
ainsi que vers la mise en œuvre d’échanges culturels, motivaient Khaznadar à
« mettre en valeur les formes les moins connues ou méconnues des expressions
authentiques particulières »52. Initialement, il s’agissait des expressions culturelles des
pays orientaux puis ensuite de celles du Tiers-Monde et plus tard il a été question de
celles du monde entier.
46 GEORGEL Jacques, op. cit., p. 23 et suiv. 47 KHAZNADAR Chérif, « What do you eat for breakfast? », in Cultures du monde, Internationale de l’Imaginaire, n. 20, Paris, Actes Sud, Babel, Maison des Cultures du Monde, 2005, pp. 119-203 48 GEORGEL Jacques, op. cit., p. 28 49 Op. cit., p. 30 50 GEORGEL Jacques, op. cit., p. 26 51 Ibid. 52 Ibid.
24
Le Festival de l’Imaginaire doit ainsi son existence à la rencontre qui s’est
produite entre Françoise Gründ, Chérif Khaznadar et Claude Planson au Théâtre des
Nations, au cours des années 1960. Avec le récit de ces rencontres, j’ai voulu me
rapprocher des conditions de gestation du Festival de l’Imaginaire mais aussi à celles
de tous les dispositifs que Gründ et Khaznadar ont fabriqués par la suite. Ces
dispositifs ont tous cherché à provoquer l’ouverture non seulement envers le théâtre
mais aussi envers les arts vivants des cultures étrangères. Ils ont également encouragé
le dialogue permanent entre ces cultures en pratiquant l’échange culturel de leurs arts
vivants respectifs.
Le festival du Théâtre des Nations qui a eu lieu à Paris entre 1954 et 1965 a
été le premier dispositif que Gründ et Khaznadar ont connu et reconnu comme modèle
afin de mettre en œuvre leur mission. Quelle a été l’histoire du festival du Théâtre des
Nations et en quoi est-ce qu’elle nous permet de saisir le Festival de l’Imaginaire ?
c- Premier festival d’après-guerre pour le dialogue des cultures
L’histoire du festival du Théâtre des Nations commence en 1954 lorsque
Claude Planson, rencontre Aman-Julien Maistre (1903-2001), directeur à l’époque du
théâtre Sarah-Bernhardt53, actuellement Théâtre de la Ville. Tous les deux ont réussi à
convaincre le Président du Conseil Municipal de la ville de Paris ainsi que les
Présidents des Commissions des Beaux Arts et des Finances des Assemblées pour
qu’ils subventionnent leur projet54. Il s’agissait de créer au Théâtre Sarah-Bernhardt,
qui cherchait une programmation pour les mois d’été, le premier festival international
de théâtre d’après-guerre : le Festival International d’Art Dramatique de Paris.
Le premier festival international de théâtre d’après-guerre a réunit les
représentants de l’art dramatique de douze nations, parmi lesquels le Berliner
Ensemble, la Compagnie Gino Verdi et la troupe irlandaise Cyril Cusak55.
53 Aman-Julien Maistre dirigea le théâtre Sarah-Bernhardt entre 1947 et 1966. 54 PLANSON Claude, Il était une fois le Théâtre des Nations, Paris, Maison des Cultures du Monde, 1984, p. 30 55 Ibid, p. 14
25
Cependant, ce n’était pas la première fois que Paris devenait la plaque tournante du
théâtre du monde.
Le festival créé par Planson faisait écho au Festival International d’Art
Dramatique et Lyrique créé à Paris, en 1927, par l’acteur et metteur en scène Firmin
Gémier (1865-1933). Ce dispositif était un des moyens d’action de la Société
Universelle du Théâtre créée également par Gémier en 1925. Mais avec la guerre puis
après la mort de son créateur, ce festival ainsi que la SUDT avaient été oubliés.
Néanmoins, après la guerre, Claude Planson a réactivé leur mémoire et a repris le
modèle de Gémier tout en respectant ses principes fondateurs.
Aux yeux de Gémier, l’art pouvait devenir « un vecteur de rapprochement des
peuples et [mettre] en marche un moteur pour les relations internationales et le
développement culturel »56. Le dispositif festivalier qu’il a imaginé à la fin des années
1920 a prouvé sa prémisse. Le premier Festival International d’Art Dramatique et
Lyrique a réuni le Théâtre Royale de Copenhague, la Compagnie des Ventures de
Londres, le Théâtre Populaire Flamand, les Ballets russes, la troupe anglaise de Sybil
Thorndike et Argentina, une célèbre interprète de danse espagnole57.
Au début du XXe siècle, le théâtre n’était plus envisagé comme « une simple
entreprise commerciale [mais] comme un moyen culturel au service de l’Etat qui, lui-
même, a comme rôle de promouvoir la culture »58 mais aussi de garantir la paix.
Gémier était sensible à cet idéal de paix et il a imaginé que le dispositif festivalier
qu’il avait crée au sein de la Société Universelle du Théâtre pouvait conduire à la
création d’une Internationale du Théâtre59 qui permettrait « aux hommes de tous les
pays [de se] confront[er], [de] se parl[er] et (…) [de] communiquer
fraternellement »60.
À ce sujet, il est intéressant de signaler qu’en 1985 Khaznadar, qui dirigeait la
Maison des Cultures du Monde, et Jean Duvignaud (1921-2007), qui était son 56 ASLAN Odette, Paris capitale mondiale du théâtre : Le Théâtre des Nations, Paris, CNRS, 2009, p. 30 57 Ibid. 58 Ibid. 59 Ibid. 60 FIRMIN Gémier cité par ASLAN Odette, Ibid, p. 26
26
président, ont crée la revue Internationale de l’Imaginaire. Dans le même esprit de la
Société Universelle du Théâtre, cette revue se définissait comme un espace de « libre
confrontation de recherche et d’expérience entre des civilisations différentes. Elle
tent[ait] de faire connaître en France des manifestations étrangères peu connues,
d’effacer les frontières entre Paris et Hors Paris, entre les arts séparés, entre la
création imaginaire et les technologies nouvelles »61.
Le cheminement des termes et des projets conçus par Gémier au début du XXe
siècle est d’autant plus révélateur de l’identité du Festival de l’Imaginaire – créé,
quant à lui, à l’aube du XXIe siècle – lorsqu’on l’envisage comme étant un festival
international de l’imaginaire. On peut donc déduire que, dès les années 1920, le
dispositif festivalier a été mis au service de relations culturelles internationales
réciproques, au travers des arts vivants, dans un esprit d’ouverture vers les Autres et
de dialogue entre les cultures du monde qui viendrait consoler un idéal de paix
universelle.
En s’inspirant du modèle du festival de Gémier et en créant le premier festival
international de théâtre après la Seconde Guerre Mondiale, Planson a assuré la
transmission des idées de Gémier. Il a également permis de maintenir à Paris un lieu
destiné à l’accueil des arts vivants des cultures étrangères. C’est l’idée d’un dialogue
entre les cultures ce qui particularise l’expérience de Gémier puis celle de Planson
ainsi que celle de ces successeurs, les créateurs du Festival de l’Imaginaire. Les
échanges culturels et les tournées théâtrales se faisaient déjà au XIXe siècle. Ce qui
est novateur dans la démarche de ces passeurs, c’est le fait de réaliser des
« confrontations internationales de spectacles interprétés dans leur langue
d’origine » 62 puis de rassembler le public autour de ces confrontations qui
n’aboutissent pas à l’anéantissement des ceux et celles qui s’affrontent mais qui, au
contraire, exaltent leur existence au travers de leurs créations théâtrales. Planson était
conscient de l’importance de la transmission de cette trame d’idéaux et ses
successeurs ont en repris le flambeau.
61 Internationale de l’Imaginaire, n. 1, Paris, Maison des Cultures du Monde, 1985, p. 2 62 ASLAN Odette, Ibid, p. 23
27
Il faut rappeler ici que le Festival de l’Imaginaire est un des moyens d’actions
que possède la Maison des Cultures du Monde afin de mettre en œuvre sa mission,
celle de « favoriser les échanges et les dialogues entre les formes d’expression et les
identités culturelles des peuples du monde »63. Sur le chemin parcouru par Gémier
puis par Planson, les créateurs du Festival de l’Imaginaire ont ainsi bâti un autre
édifice culturel pour la défense des échanges et des dialogues entre les diverses
cultures du monde.
Toutefois, c’est aussi grâce au soutien de l’UNESCO, au travers de l’Institut
International de Théâtre, que Planson a pu reconduire l’expérience de Gémier.
d- Une commande de l’UNESCO
Le Festival d’Art Dramatique dirigé par Planson a existé entre 1954 et 1957.
À la fin des années 1950, il a changé de nom pour devenir le festival du Théâtre des
Nations. Ce nouveau festival avait été commandé à Planson par l’Institut International
du Théâtre.
L’IIT a été créé en 1948, deux ans après la création de l’UNESCO, sous
l’impulsion du sous-comité des Arts et des Lettres, conformé par des écrivains et des
auteurs dramatiques reconnus. Ce sous-comité a décidé, par la suite, de réunir des
experts afin de fonder l’IIT dans le but « d’encourager les échanges internationaux
dans le domaine de la connaissance et de la pratique des Arts du théâtre – art
dramatique, art lyrique et danse – afin de renforcer la paix et l’amitié entre les
peuples, d’approfondir la compréhension mutuelle et d’élargir la coopération créatrice
entre tous les acteurs des Arts du Théâtre »64.
Pour le sous-comité il était donc nécessaire de créer un réseau international
pour les arts du spectacle et pour les artistes afin de les engager dans la construction
de la paix. Les experts qui se sont réunis afin de fonder l’IIT connaissaient le projet de
63 Publication dans le Journal officiel de la République française du 13 mai 1982, in Dossier « Documents pour le Centre de documentation », 1 p., non coté, Archives de la Maison des Cultures du Monde 64 ASLAN Odette, op. cit., p. 34
28
Gémier, celui de la Société Universelle du Théâtre, et ont décidé de le recycler. C’est
ainsi que la SUDT s’est transformée, en 1948, en Institut International du Théâtre.
Gémier avait déjà tracé un chemin qui allait dans le sens de celui envisagé par l’ITT.
Il fallait relancer le projet de Gémier et sauvegarder le travail qui avait été réalisé par
Planson.
En 1957, l’IIT a vu dans le succès du Festival d’Art Dramatique, dirigé par
Planson, la possibilité d’atteindre d’une façon plus efficace sa mission. L’IIT négocie
alors avec le gouvernement français la création d’une institution où se confronteraient
en permanence les cultures du monde. Les résultats produits pendant les trois
premières années du Festival International d’Art Dramatique ne laissaient aucun
doute sur le succès de la formule. Planson signale que pour la période 1954-1957, « la
recette moyenne (…) atteignait le triple de celle de l’ensemble des théâtres
parisiens »65. Il signale également que la première saison du festival a réunit vingt-
cinq mille spectateurs66. Le gouvernement a accepté la proposition de l’UNESCO et a
associé le ministère des Beaux Arts, le ministère des Affaires Étrangères et la ville de
Paris à l’IIT afin de créer le festival du Théâtre des Nations. Désormais, Claude
Planson et Aman-Maistre Julien devaient garantir une saison de quatre à six mois
exclusivement composée de spectacles internationaux.
Le festival du Théâtre des Nations devait permettre la mise en œuvre des
missions de la Société Universelle du Théâtre, adoptées par l’IIT. Aslan signale que
les missions de la SUDT, créé expressément afin de fonctionner à Paris, étaient celles
de « découvrir, inventorier et transmettre les formes les plus diverses de l’art
dramatique »67 de sorte à pouvoir inventorier les valeurs culturelles universelles. De
façon similaire, le triple défi lancé par l’IIT à Planson était celui de consacrer,
toujours à Paris, les troupes de théâtre les plus prestigieuses du monde, découvrir les
théâtres traditionnels du monde et rechercher de nouvelles formes de l’art théâtral68.
Pour Planson, il s’agissait de dresser un «inventaire aussi complet que possible de la
culture universelle »69 au travers des manifestations théâtrales des diverses cultures du
65 PLANSON Claude, op. cit., p. 15 66 Ibid, p. 14 67 ASLAN Odette, op. cit., p. 31 68 PLANSON Claude, op. cit., p. 30 69 Ibid.
29
monde qui se réunissaient à Paris. Ainsi, l’idée d’une société universelle des théâtres
du monde couvée par l’IIT ne pouvait éclore que dans une capitale ayant pour
vocation confirmée l’accueil des cultures étrangères.
Après la Seconde Guerre mondiale, la France a choisit de s’ouvrir au monde,
de façon à résister au réflexe de protection ou de repli sur soi que le traumatisme d’un
tel événement aurait pu induire. C’est Paris, en tant que capitale, qui a été choisie
pour faire rayonner la France vers l’extérieur et pour signifier ainsi sa volonté
d’ouverture aux autres. C’est à dire que Paris devait être perçue comme une ville
foisonnante au niveau culturel. Ses musées, ses théâtres, son architecture devaient
rayonner dans le monde. Cependant, « Paris ne pouvait redevenir un lieu de
rayonnement culturel qu’en devenant, simultanément, un lieu d’accueil et de
circulation »70. C’est à dire que dès les années 1960, l’enjeu des relations culturelles
internationales de la France ne reposait plus uniquement sur sa capacité de faire
rayonner sa culture à l’extérieur mais aussi sur sa capacité de faire rayonner la culture
des autres à l’intérieur de son territoire. À ce sujet, il faut soulever le fait que le
Festival de l’Imaginaire est également né à Paris au sein de la Maison des Cultures du
Monde, une institution qui s’est créée en 1982 « afin de répondre à la nécessité
d’appliquer le principe de réciprocité dans les relations culturelles françaises avec le
monde »71.
En 1957, lorsque l’IIT décide de commander à Planson le festival du Théâtre
des Nations et que le gouvernement français soutient une telle initiative, on ne parlait
pas encore du principe de réciprocité qui a encadré, quarante ans plus tard, la
naissance du Festival de l’Imaginaire. Néanmoins, le fait de vouloir rapprocher les
peuples du monde entre eux en confrontant leurs créations théâtrales laissait déjà
comprendre que le rayonnement national n’existait pas sans l’application du principe
de réciprocité. Mais, pourquoi est-ce que le théâtre a été choisit comme un outil de
mise œuvre du principe de réciprocité qui allait garantir la construction et le maintien
de la paix après la Seconde Guerre mondiale ?
70 ASLAN Odette, op. cit, p. 41 71 La Maison des Cultures du Monde, s.l.n.d., (sans pagination), non coté, Archives de la Maison des Cultures du Monde
30
À la fin des années 1950, l’UNESCO s’est intéressé au théâtre comme un
moyen d’action pour accomplir sa mission, celle de « construire la paix dans l’esprit
des hommes et des femmes ». L’UNESCO a vu dans le théâtre « un art profondément
social et universel, se réalisant dans les relations directes entre les hommes, puisant
dans les traditions nationales, vivant au rythme de son époque et ouvert à ses
problèmes et à ses changements »72. À la fin des années 1950, le théâtre était
considéré comme un instrument qui pouvait faire dialoguer les cultures entre elles, au
delà de leurs différences. Ce dialogue avait déjà été établit par Gémier avant la guerre
et il s’est poursuivit avec Planson jusqu’au milieu des années 1960. Cependant,
Planson va problématiser la notion de théâtre puisque, au cours de ses recherches sur
les théâtres traditionnels, il s’est confronté à la résistance que certaines personnes
éprouvaient lorsqu’il s’agissait de considérer ces théâtres traditionnels au même
niveau que le théâtre de la tradition occidentale.
e- Espace permanent pour l’accueil d’expressions théâtrales étrangères
Dans les années 1950 et 1960, les spectateurs parisiens pouvaient choisir entre
la programmation du TNP de Jean Vilar, celle du théâtre Marigny, dirigé à l’époque
par Jean Louis Barrault, celle des petites salles de théâtre qui longeaient la rive
gauche de la Seine ou bien celle du festival du Théâtre des Nations73. C’est à dire que
l’offre de spectacles internationaux ne s’était pas encore développée comme
aujourd’hui et que le regard des français et des françaises était plutôt tourné vers ce
qui se produisait à l’intérieur.
Or, l’idée fondatrice du festival du Théâtre des Nations, qui était la même que
celle du festival dirigé par Gémier, était celle du « dépassement des frontières et la
création d’une ouverture vers les autres cultures du monde « où les hommes de tous
les pays se confronteraient, se parleraient et pourraient communiquer
fraternellement »74. Cette ouverture devait se produire en faisant en sorte que le
72 ASLAN Odette, op. cit., p. 40 73 DUVIGNAUD Jean, « Préface », in PLANSON Claude, Il était une fois le Théâtre des Nations, Paris, Maison des Cultures du Monde, 1984, p. 5 74 ASLAN Odette, op. cit., p. 26
31
festival du Théâtre des Nations soit perçu comme un espace qui accueillait en
permanence les expressions théâtrales des cultures étrangères.
Pour permettre aux parisiens et aux parisiennes de percevoir ainsi le festival du
Théâtre des Nations, il fallait qu’il mène à bien ses trois missions.
- Les trois missions du festival du Théâtre des Nations
Consacrer les troupes de théâtre les plus prestigieuses du monde
Afin de recenser les valeurs universelles qui animaient les différentes cultures
du monde, l’IIT avait orienté le festival du Théâtre des Nations vers trois directions.
Un premier chemin à suivre été celui de détecter les troupes de théâtre les plus
prestigieuses de chaque nation et de les consacrer à Paris. Entre 1957 et 1965, les
festivaliers du Théâtre des Nations ont été confrontés à 151 nations représentées par
165 troupes75. Claude Planson donne deux exemples de consécration de troupes
étrangères prestigieuses assez impressionnants pour l’esprit d’un entrepreneur du
spectacle vivant aujourd’hui76 : « Trois cent personnes vinrent de Berlin Ouest pour
présenter Moïse et Aaron de Shoenberg (…), tandis que le Komische Oper de Berlin
Est mobilisait cent trente sept artistes pour nous offrir Les Contes d’Hoffmann dans la
stupéfiante mise en scène de Walter Felsenstein ! »77. À partir de cet exemple, on peut
comprendre que la confrontation culturelle était réussie et que les troupes
prestigieuses du monde qui se sont consacrées à Paris ont trouvé dans le festival du
Théâtre des Nations un espace de rayonnement sans précédent.
Cependant, les pays les plus représentés ont été, en Europe occidentale,
l’Allemagne, la Grande Bretagne et l’Italie ; en Europe orientale, la République
Démocratique d’Allemage., l’URSS et la Yougoslavie ; en Afrique, le Maroc ; en
75 PLANSON Claude, op. cit., p. 61 76 Pour une vision plus complète des troupes et des nations qui se sont produites au Théâtre des Nations, sous la direction de Claude Planson, voir PLANSON Claude, « Le bilan du Théâtre des nations », in Il était une fois le Théâtre des Nations, Paris, Maison des Cultures du Monde, 1984, pp. 61-76. 77 PLANSON Claude, op. cit., p. 16
32
Asie, l’Inde, Israël et les Philippines ; et pour l’Amérique, les Etats-Unis78. C’est à
dire que le festival n’a pas réussi à représenter toutes les troupes de monde de façon
équitable. Les pays les plus représentés ont été ceux qui ont eu les moyens de
mobiliser leurs troupes jusqu’à Paris, mais aussi ceux qui ont compris l’importance
des enjeux que la stratégie des ces échanges proposés par la France offraient en
matière de relations culturelles internationales. Quelque part, le pays gagnant était
celui qui réussissait non seulement à mobiliser ses troupes jusqu’à Paris mais aussi
celui qui réussissait à faire passer l’image officielle qu’il voulait créer de sa propre
culture. Or, il était important pour l’IIT de défendre les théâtres traditionnels de
l’exclusion que leur imposait le regard institutionnel et c’est pourquoi il a donné au
festival du Théâtre des Nations une deuxième mission qui devait pallier les excès
produits par la première.
Découvrir les théâtres traditionnels du monde La deuxième direction adoptée par le festival du Théâtre des Nations était
celle de découvrir les théâtres traditionnels du monde. Selon le bilan du festival du
Théâtre des Nations, 12% des spectacles présentés ont été des spectacles
traditionnels 79 extra-occidentaux. Parmi les spectacles traditionnels « conviés à
témoigner de la diversité des patrimoines des « nouvelles nations culturelles » selon
l’expression de Planson »80, les festivaliers du Théâtre des Nations ont pu découvrir
l’opéra de Pekin, le kabuki et le nô japonais, les danses sacrées du Palais d’Abomey,
la sortie de masques des Dogon du Mali, celle des Bororo du Niger ou encore une
cérémonie de Vaudou haïtien. Ce faible pourcentage s’explique tout d’abord par les
raisons que je viens d’évoquer dans le paragraphe antérieur. Le choix réalisé par les
pays invités ne portait pas sur les formes traditionnelles créées par les différents
peuples qui composaient leur nation. À ce sujet, Planson remarquait que :
« (…) La direction du Théâtre des Nations impliquait non seulement des recherches
approfondies sur les peuples que nous visitions, mais encore des talents de diplomates
78 Ibid. 79 Ibid. 80 PINIAU Bernard, « Introduction. Du dialogue des cultures à la Maison des Cultures du Monde », in GRÜND Françoise, KHAZNADAR Chérif, Atlas de l'imaginaire, Paris, Maison des cultures du monde, 1996, p. XI
33
à qui les véritables diplomates ne rendaient pas toujours la tâche facile, estimant qu’il
eût été plus profitable pour tout le monde que la participation étrangère se ramena à
des représentations de Molière en fongbé ou de Ionesco en arabe dialectal. Au moins y
comprendrait-on quelque chose ! Insistaient-ils ingénument »81.
Or, le pari de l’IIT était de découvrir les théâtres traditionnels du monde et non pas de
découvrir comment est-ce que le théâtre occidental traditionnel avait été adapté par
les cultures étrangères. D’autre part,
« Seules, les nations indépendantes pou[vaient] participer au théâtre des Nations.
Ainsi demeuraient exclues les troupes des pays encore colonisés, de même que des
groupes formés par des étrangers en France (…). Etaient évidemment reconnues
comme indépendantes les nations membres de l’ONU et de l’UNESCO ou qui sur le
plan sportif, participaient aux grandes compétitions internationales »82.
Or, la vague d’indépendances a commencé au début des années 1960, une période qui
a coïncidé avec la phase de déclin du festival du Théâtre des Nations. Donc, la
confrontation culturelle de spectacles traditionnels extra-occidentaux n’a pas pu
vraiment avoir lieu au sein du Théâtre des Nations. Le Festival de l’Imaginaire, par
contre, s’est consacré exclusivement à cette tâche.
Néanmoins, Planson a poursuivit ses recherches non seulement en direction du
théâtre traditionnel mais aussi en direction de nouvelles formes de l’art théâtrale.
Puisque l’objectif du festival du Théâtre des Nations était celui de « déprovincialiser
Paris et d’en faire un carrefour de l’actualité lyrique et dramatique internationale en y
présentant soit des créations d’œuvres modernes et contemporaines qui n’y avaient
jamais été jouées – Lulu de Berg, Moïse et Aaron de Schoenberg…- mais aussi en y
invitant des troupes et metteurs en scène étrangers à témoigner, dans leur langue, de
leurs recherches et de leur réalisations»83.
81 PLANSON Claude, op. cit., p. 25 82 Ibid, p. 52 83 PINIAU Bernard, op. cit.
34
Rechercher de nouvelles formes de l’art théâtral
Un troisième volet qui a rendu possible la perception du Théâtre des Nations
comme un lieu d’accueil permanent des formes théâtrales des cultures étrangères où
les festivaliers pouvaient comprendre la panoplie des valeurs culturelles universelles,
était celui de la recherche de l’avant-garde. Parmi les artistes d’avant-garde que
Planson a fait découvrir au public français des années 1960, on peut citer le Living
Theatre, une troupe newyorkaise de théâtre dirigée par Judith Malina et Julien Beck,
les ballets de Paul Taylor et d’Alvin Ailey ou encore les happenings d’Allan Kaprow.
Ces expressions ont également eu du mal à être perçues comme du « théâtre ».
Pour Planson, « dès l’instant qu’il s’agissait de dresser un inventaire aussi
complet que possible des divers foyers de culture, il était impossible de se référer aux
seuls critères du théâtre que nous connaissons »84 afin de découvrir de nouvelles
formes théâtrales. Il fallait alors s’interroger sur ce qu’était le théâtre et en quoi il
pouvait être l’expression d’une société. Planson ajoutait : « Il importait, surtout, de se
garder de deux travers : l’ethnocentrisme qui, sous un aimable paternalisme, dissimule
une forme particulièrement insidieuse de l’impérialisme et le cosmopolitisme qui,
sous prétexte que nous nous voulons citoyens du monde, aboutit à couper les plus
faibles de leurs racines, les livrant ainsi sans défense aux influences des grandes
puissances »85. Ces précautions volontairement prises par Planson allaient conduire la
recherche de nouvelles formes théâtrales vers un élargissement de la notion de
« théâtre ». À l’époque, aucune discipline ne prétendait étudier les pratiques
spectaculaires extra-occidentales en dehors d’une vision eurocentrique, ce qui
éviterait une analyse ethnocentriste et favoriserait la compréhension de ces pratiques
en les mettant en rapport avec les particularités de la culture dont elles seraient le
produit. Pour cela, Planson a alors imaginé l’Université du Théâtre des Nations.
L’Université du Théâtre des Nations était « destinée à accueillir des étudiants
et des jeunes professionnels venus du monde entier [qui] bénéficiaient à la fois de
84 PLANSON Claude, op. cit., p. 16 85 Op. cit., p. 17
35
cours de culture générale et de la possibilité de participer à un concours de
réalisations théâtrales »86. Sur cette université, Planson s’exprimait ainsi :
« [L’objectif] était de faire le contraire des écoles de théâtre habituelles, c’est à dire,
(…) de leur apprendre ce que c’est que le théâtre. Or, quand on pose cette question à
quelqu’un il est incapable de répondre ou alors il croit que c’est le théâtre occidental,
ce qui n’est qu’une forme du théâtre et à une époque donnée, pas n’importe quand.
Parce que nous avons connu, nous, un autre théâtre. Je pense à la Grèce Antique. (…)
La première question qu’on leur posait c’était: qu’est-ce que le théâtre? À quoi ça
sert? Qu’est-ce que ça représente? Qu’est-ce que ça signifie pour un peuple? Alors,
évidemment, ça débordait très largement sur le théâtre dramatique tel que nous le
concevons en Occident »87.
De ce fait, pour Planson il n’était pas possible de saisir les nouvelles formes
théâtrales sans se débarrasser de la grille de lecture imposée par la civilisation
occidentale.
Le festival du Théâtre des Nations a fonctionné ainsi, entre 1957 et 1965, en
suivant le cap de ces trois missions qui avaient déjà été envisagées par Gémier dans
les années 1920. Ces trois missions représentent en quelque sorte une structure
fondamentale sur laquelle Gémier a construit son édifice culturel. Planson l’a fait à
son tour avec le festival du Théâtre des Nations et Gründ et Khaznadar ont continué
après avec, d’abord, le Festival des Arts Traditionnels de Rennes (1974-1982) puis
ensuite avec le Festival de l’Imaginaire (1997).
- Le Festival de l’Imaginaire et les trois missions du festival du Théâtre des Nations
À partir de l’histoire et des trois missions du festival du Théâtre des Nations, il
est possible de comprendre le Festival de l’Imaginaire tel qu’il s’est développé depuis
1997. Bien que plus de 40 ans séparent les deux festivals et bien que les créateurs du
Festival de l’Imaginaire aient développé leur carrière dans un contexte social et 86 Ibid, pp. 52 et 86 87 PLANSON Claude, « Les enfants du Théâtre des Nations », in Mardis du théâtre, France culture, 19 novembre 1996, Archives de l’INA
36
historique différent de celui de Planson, il est possible d’affirmer que le Festival de
l’Imaginaire assure la continuité de l’édifice culturel bâti par Claude Planson sur celui
de Firmin Gémier. À l’époque de Planson, la société française se récupérait de la
Seconde Guerre mondiale, le mur de Berlin était encore solide et le tiers du monde
était colonisé par de grandes puissances. À l’époque où Gründ et Khaznadar ont bâti
le Festival de l’Imaginaire, le libre échange montait en puissance, l’Allemagne s’était
réunifiée, on ne parlait plus de « Tiers-Monde » mais de « Pays Sous-développés »
puis de pays « Émergeants » et sur la carte du monde commençait à se dessiner de
nouvelles puissances. À ce stade de notre étude, des ponts peuvent donc être
construits entre le Festival de l’Imaginaire et le festival du Théâtre des Nations.
Tout d’abord, les créateurs du Festival de l’Imaginaire ont poursuivi la
réflexion sur une définition non européocentrée du théâtre. En 1995, deux ans avant la
naissance du Festival de l’Imaginaire, Françoise Gründ et Chérif Khaznadar créent, en
association avec l’Université Paris 8, l’ethnoscénologie, une discipline qui permet
d’« élargir l’étude du théâtre occidental aux pratiques spectaculaires du monde entier,
en particulier celles relevant du rite [et] du cérémoniel (…), sans projeter sur ces
pratiques une vision européocentriste » 88. La création de cette nouvelle discipline
permet aux créateurs du Festival de l’Imaginaire de ne plus utiliser la notion de
« théâtre » mais celle de « pratiques spectaculaires » ou encore celle de « formes
spectaculaires » afin d’englober les spectacles qui vont être présentés dans le cadre du
Festival. Dans la troisième partie de mon mémoire, je démontre que ces notions sont
abandonnées au début du XXIe siècle lorsque les créateurs du Festival de l’Imaginaire
ont placé au centre de leur travail la notion de patrimoine culturel immatériel pour se
référer aux spectacles présentés.
L’adoption de la catégorie de patrimoine culturel immatériel permet de faire
un deuxième parallèle entre l’histoire du Festival de l’Imaginaire et celle du festival
du Théâtre des Nations. Bien que le Festival de l’Imaginaire ne soit pas une
commande de l’UNESCO, cette organisation a été présente dans l’histoire de ce
festival à plusieurs reprises au cours de son histoire. Par exemple, à partir de 2008, le
logo de l’UNESCO ainsi que celui de la Commission nationale française pour
88 PAVIS Patrick, « Ethnoscénologie », op. cit., p. 125
37
l’UNESCO commencent à figurer dans les brochures du Festival de l’Imaginaire, à
côté de ceux des autres institutions classifiées par les organisateurs comme étant
celles qui soutiennent le Festival. Aussi, à partir de 1997, ce festival est devenu le
grand rendez-vous annuel de la Maison des Cultures du Monde qui se définit depuis
2013 comme « l’association de référence en matière de patrimoine culturel
immatériel »89. Le patrimoine culturel immatériel est une catégorie qui a été stabilisée
par l’UNESCO en 2003, à l’occasion de la Convention pour la sauvegarde du
patrimoine culturel immatériel de l’humanité. De sorte que l’on peut affirmer que le
Festival de l’Imaginaire s’est anticipé à l’UNESCO non seulement en matière de
patrimoine culturel immatériel mais aussi en ce qui concerne la défense de la diversité
culturelle et du dialogue entre les cultures. Ces aspects seront abordés plus
précisément dans la troisième partie de mon travail.
D’un autre côté, à partir du moment où les créateurs du Festival de
l’Imaginaire élargissent la notion de théâtre à celle de formes spectaculaires puis à
celle de patrimoine culturel immatériel, les trois piliers sur lesquels Planson, après
Gémier, a bâti son édifice culturel subissent quelques transformations. Le Festival de
l’Imaginaire continue à consacrer à Paris non pas des « troupes prestigieuses » mais,
dans un premier temps, des créateurs de formes spectaculaires ancrées dans la
tradition qui se distinguent par la qualité de leur mise en scène ou de leurs interprètes,
puis, dans un deuxième temps, des groupes porteurs d’un patrimoine culturel
immatériel prestigieux.
De même, le Festival de l’Imaginaire a poursuivit le chemin de la découverte
non pas des « théâtres traditionnels » mais des pratiques spectaculaires de cultures
extra-occidentales. Pendant ses premières années, le Festival de l’Imaginaire se
distinguait d’autres dispositifs similaires dans la mesure où il présentait des formes
spectaculaires qui n’avaient jamais été présentées en France ou bien qui n’étaient pas
revenues depuis plus de 10 ans. Tout comme le festival du Théâtre des Nations, le
Festival de l’Imaginaire était principalement un festival de spectacles inédits en
France, donc un festival de découvertes.
89 Le nouveau site internet de la Maison des Cultures du Monde a été mis en ligne au cours du mois de mars 2013. Dans la rubrique « Mission et histoire », la MCM se présente comme étant « l’association référente en France en matière de patrimoine culturel immatériel ».
38
Aussi, pour les créateurs du Festival de l’Imaginaire, le terrain de recherche de
l’avant-garde n’est plus celui d’un pays en particulier. Les créateurs du Festival de
l’Imaginaire ont suivi la piste d’individus ou de groupes d’individus qui, porteurs
d’une identité culturelle forte, ont puisé dans le répertoire des pratiques spectaculaires
traditionnelles pour renouveler une forme spectaculaire propre à leur culture. Lorsque
la création d’une nouvelle forme spectaculaire est restée ancrée dans la tradition de la
culture de celui (ceux) ou de celle(s) qui ont créé cette forme, le Festival de
l’Imaginaire va considérer qu’il s’agit d’une forme spectaculaire d’avant-garde et va
l’envisager pour qu’elle fasse partie de sa programmation.
f- Dernières années du festival du Théâtre des Nations à Paris
À la fin des années 1960, le festival du Théâtre des Nations a été la cible de
plusieurs attaques qui dénonçaient le poids des charges d’une action culturelle
française trop engagée sur le plan des cultures étrangères et pas assez sur le
rayonnement de la culture nationale. De plus, comme je l’ai déjà signalé, l’entreprise
culturelle de Planson était largement rentable. Planson signale également que lorsque
le Festival d’Art Dramatique s’est institutionnalisé pour devenir le festival du Théâtre
des Nations, « les gouvernements étrangers n’hésit[aient] pas à engager des sommes
considérables pour permettre à leurs meilleures troupes de se produire à Paris »90. Cet
engagement se traduisait par la prise en charge des frais de déplacement et de séjour
des troupes invitées. En contrepartie, le Théâtre des Nations versait la totalité de ses
recettes aux troupes participantes, accomplissant ainsi sa vocation non commerciale.
Néanmoins, aux yeux de l’Etat français, la mise à mort du Théâtre des Nations était
un fait et elle a eu lieu au milieu des années 1960.
Bien que le gouvernement français, en alliance avec l’Institut International du
Théâtre, s’était impliqué dans la création des conditions nécessaires pour qu’il existe à
Paris un lieu permanent d’accueil pour les spectacles étrangers, il s’est peu à peu
désengagé. La mission de rapprocher les peuples du monde en offrant, à Paris, des
saisons entières consacrées exclusivement à leurs pratiques spectaculaires, au même
90 PLANSON Claude, op. cit., p. 16
39
titre que les saisons organisées pour la promotion des spectacles français, avait besoin
de moyens importants. Mais aussi, selon Planson, il aurait fallu réformer le festival du
Théâtre des Nations en prenant en compte l’autonomie de l’institution et l’obligation
pour ses dirigeants de s’y consacrer de manière exclusive. Et il ajoute : « [de telles
dispositions] n’étaient pas plus contraignantes que celles qui sont de règle dans tous
les théâtres nationaux » 91.
Seulement, l’idée fondatrice du festival du Théâtre des Nations, qui était la
même que celle de Gémier (mise à mort, elle, à cause de la Première Guerre
mondiale) avait besoin d’un lieu permanent pour pouvoir s’exprimer et s’épanouir.
Cette idée était celle du « dépassement des frontières et [de] la création d’une
ouverture vers les autres cultures du monde où les hommes de tous les pays se
confronteraient, se parleraient et pourraient communiquer fraternellement »92. La
France n’a pas suivit. Les moyens dont elle a doté le festival « furent rarement à la
hauteur des principes »93 qui ont animé la naissance et la vie de ce festival. En
conséquence, en 1965, le festival du Théâtre des Nations disparaît et avec lui l’idée de
Planson et de l’IIT, après Gémier, de créer « un théâtre international permanent
destiné à l’approfondissement, et non pas au survol, de toutes les cultures »94.
Cependant, l’histoire du festival du Théâtre des Nations a connu plusieurs suites.
Avant d’être revitalisé par le Festival de l’Imaginaire en 1997, il renaît sous la forme
du Festival des Arts Traditionnels de Rennes.
2. Le Festival des Arts Traditionnels de Rennes (1974-1982)
Si le festival du Théâtre des Nations apparaît à l’horizon du Festival de
l’Imaginaire, un deuxième festival se place en toile de fond du développement de ce
festival. Vingt-trois ans avant de créer le Festival de l’Imaginaire, Gründ et
Khaznadar ont créé et dirigé un premier festival que Planson lui-même a reconnu
comme étant le prolongement du festival du Théâtre des Nations95. Il s’agit du
91 Ibid, p. 57 92 ASLAN Odette, op. cit., p. 26 93 PLANSON Claude, op. cit., p. 56 94 Ibid, p. 58. 95 PLANSON Claude, « Les enfants du Théâtre des Nations », in Mardis du théâtre, France culture, 19 novembre 1996, Archives de l’INA
40
Festival des Arts Traditionnels dont la direction artistique a été assumée par Françoise
Gründ entre 1976 et 1982. Ce festival a été porté par la Maison de la Culture de
Rennes que Khaznadar a dirigé entre 1974 et 1982.
Le FAT apparaît ainsi comme la deuxième particule élémentaire qui compose le
Festival de l’Imaginaire. C’est au travers du FAT que le festival du Théâtre des
Nations se revitalise et c’est le FAT qui ouvre le chemin pour sa transmission
jusqu’au Festival de l’Imaginaire. De ce fait, le Festival de l’Imaginaire contient le
festival du Théâtre des Nations et le FAT. Comment est-ce que le FAT a nourri de
sens le Festival de l’Imaginaire ?
a- Un festival d’arts traditionnels
En 1973, à la suite d’un appel d’offre, Chérif Khaznadar a postulé à la
direction de la Maison de la Culture de Rennes. Le Conseil d’Administration de cette
Maison avait mit fin au contrat de son directeur qui avait accepté de céder sa place à
condition que son successeur n’appartienne pas au milieu théâtral français 96 .
Khaznadar travaillait depuis six ans au département de la recherche de l’ORTF où il
été en charge des projets dramatiques et des feuilletons télévisuels sous la direction
d’André Frank, ancien secrétaire personnel d’Antonin Artaud. Khaznadar s’était
éloigné de son expérience de metteur en scène et de promoteur de la culture théâtrale
orientale en Syrie et en Tunisie, mais aussi au Liban, au Maroc et en Allemagne de
l’Est. Cependant, dès son retour en France, à la fin des années 1960, il a cultivé sa
connaissance sur la production dramatique française au travers de la lecture97.
En raison de son bagage de connaissances et de son expérience, mais aussi
parce qu’il ne faisait pas partie du milieu des Maisons de la Culture, mais qu’il venait
du milieu de l’audiovisuel, sa candidature a été retenue par le Conseil
d’Administration de la Maison de la Culture de Rennes et il a assumé ses fonctions le
1er janvier 197498.
96 KHAZNADAR Chérif, Entretien avec l’auteur, 31 mars 2013 97 GEORGEL, Jacques, op. cit., p. 31 98 GUIARD Hippolyte, « Une page se tourne », in Confluent, n. 1, janvier 1974, (sans pagination), non coté, Archives de la Maison des Cultures du Monde
41
b- Un dispositif pour la tradition et la réciprocité
Après la Maison de la Culture de Grenoble, celle de Rennes était la deuxième
en importance au niveau du budget. Dès son arrivée, Khaznadar a remplacé la ligne
« folklore » par une ligne « arts traditionnels » qui allait représenter l’opération du
Festivals des Arts Traditionnels. Cette nouvelle orientation était assez osée
principalement pour deux raisons. Premièrement, car la mission d’une Maison de la
Culture consistait à « rendre accessibles les œuvres capitales de l’humanité, et d’abord
de la France, au plus grand nombre possible de français »99. Or, parmi les « œuvres
capitales » celles issues du « folklore » n’étaient pas du tout envisagées pour devenir
le point fort d’une Maison de la Culture. Deuxièmement, car la ligne « folklore » était
la seule ligne équilibrée du budget de la Maison de la Culture de Rennes.
Mais cela faisait plusieurs années que Khaznadar dénonçait les troupes
folkloriques lorsqu’il était invité à des colloques pour s’exprimer à ce sujet. Pour
Khaznadar, « c’était vraiment une déculturation, une destruction, cette activité qui
consistait à ramener à un simple spectacle de détente toute la culture d’un peuple et en
faire un objet d’amusement, alors que des expressions profondes se dissimulent
derrière des costumes chatoyants (…) »100.
Khaznadar s’est donc attaché à montrer ces expressions profondes en
renonçant à la catégorie de folklore. En agissant ainsi, Khaznadar, enfant du Théâtre
des Nations, faisait écho à deux des trois missions qui avaient été confiées à Planson.
D’abord, celle de redécouvrir le folklore puis, celle de rechercher de nouvelles formes
théâtrales. Seulement, la redécouverte du folklore signifiait aussi, pour Khaznadar,
substituer le terme « arts traditionnels » au terme « folklore ». D’ailleurs, Planson lui-
même a réfuté le terme « folklore ». D’abord en 1984, lorsqu’il affirmait que :
« Depuis longtemps le mot folklore a pris, dans nos pays, une connotation péjorative
tant il a recouvert d’impostures. Au point que nous dûmes lui préférer celui de théâtre
traditionnel (comme s’il existait un théâtre sans traditions !). Il serait à souhaiter que,
comme les Allemands (folklorismus) et les Anglais (fakelore), nous forgions un mot
99 Décret du 24 juillet 1959, connu comme le décret Malraux 100 GEORGEL, Jacques, op. cit., p. 96
42
pour distinguer entre les véritables traditions populaires et l’imitation de celles-ci à
des fins commerciales »101.
Plus tard, en 1996, Planson affirmait que le mot « folklore » était « un très mauvais
nom [qui] n’a[vait] plus aucun sens, c’est un mot qui a été perverti » 102. Pour
Planson, il s’agissait plutôt de « retrouver les traditions culturelles venant des peuples
non occidentaux » 103.
Ainsi, en remplaçant la ligne « folklore » par une ligne « arts traditionnels »,
Khaznadar s’était donné pour mission de sensibiliser le public du FAT à la différence
entre « folklore » et « tradition » puis de le sensibiliser à l’art traditionnel des cultures
extra-occidentales. Ces missions on été maintenues lorsque le Festival de l’Imaginaire
a été crée en 1997.
Le FAT, tout comme le Festival de l’Imaginaire, est allé dans le sens de la
tradition et il a maintenu « une programmation didactique, orientée le plus possible
vers la découverte ou la reconnaissance des expressions des peuples non
répertoriés »104. Le public du FAT a découvert l’existence de ces peuples autochtones
à partir de leurs arts traditionnels, c’est à dire à partir des pratiques spectaculaires qui
font partie de leur vie quotidienne et qui sont transmises de génération en génération.
Pour Khaznadar, les arts traditionnels représentaient « des formes
d’expression (…) qui avaient leur racines bien profondes dans la culture d’un peuple
mais qui en même temps étaient vivantes. Ce n’étaient pas des formes de musées,
c’étaient des formes qui [étaient] toujours pratiquées » 105. Alors que le folklore
correspondait à des formes spectaculaires mortes dans le sens où elles n’étaient plus
portées ni pratiquées par les membres d’une communauté pour qui ces formes
continuaient à donner un sens à leur existence. Pour Gründ, le folklore, « pris dans
son sens français, c’est la mise à part de formes extérieures à la tradition, livrées 101 PLANSON Claude, op. cit., p. 27 102 PLANSON Claude, « Les enfants du Théâtre des Nations », in Mardis du théâtre, France culture, 19 novembre 1996, Archives de l’INA 103 Ibid. 104 GRÜND Françoise, « Le Festival d’Arts Traditionnels », in MUSSAT Marie-Claire, La Maison de la Culture de Rennes. Action et pratiques culturelles, Paris, Du Layeur, 2002, p. 141 105 KHAZNADAR Chérif, « Festival de l’Imaginaire : 1ère émission », in Les chemins de la musique, France Culture, 08 mai 2000, Archives de l’INA
43
uniquement au sens superficiels de la vue et de l’audition, pour faire passer un
moment difficile du présent »106.
En marquant ainsi une différence entre « folklore » et « tradition » et en créant
le FAT, Gründ et Khaznadar ont utilisé le dispositif festivalier non pas pour survoler
les cultures du monde mais pour pouvoir approfondir leur connaissance sur ces
cultures, en les invitant à témoigner de leur existence au travers d’une des formes de
leurs arts vivants. Aujourd’hui encore, le Festival de l’Imaginaire continue à explorer
ces formes traditionnelles et à découvrir des peuples du monde non répertoriés qui
puissent venir en France afin de témoigner de leur existence.
D’autre part, la transformation de la ligne « folklore » en ligne « arts
traditionnels » marquait une volonté de réciprocité avec les cultures étrangères, en
ouvrant un espace pour leur rayonnement en France. Or, dans les années 1970, la
politique culturelle française, ainsi que sa politique en matière de relations
internationales, était orientée uniquement par une volonté de rayonnement de la
France à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Ceci est important à signaler car le
Festival de l’Imaginaire, héritier du FAT, a été crée au sein de la Maison des Cultures
du Monde, une structure fondé en 1982 dans le but de répondre aux attentes de la
politique de réciprocité appliquée aux les relations culturelles internationales de la
France, mis en place au début des années 1980.
Firmin Gémier avait déjà fait preuve de cette volonté de réciprocité, dans les
années 1920, avec la création à Paris de la Société Universelle du Théâtre et du
festival d’Art Dramatique et Lyrique qui en dépendait. Après la Seconde Guerre
mondiale, l’Institut International du Théâtre avait également été motivée par l’idée du
principe de réciprocité comme un principe garant de la paix dans le monde. L’IIT
avait commandé à la France la réalisation du festival du Théâtre des Nations qui était
destiné à devenir un lieu d’accueil permanent des expressions culturelles de toutes les
nations du monde. La FAT n’a pas manqué, à son tour, de poursuivre cette ambition
de réciprocité avec les cultures étrangères en France.
106 GEORGEL, Jacques, op. cit., p. 96
44
Par ailleurs, le principe de réciprocité répondait au besoin de créer en France
un espace non seulement pour accueillir les expressions culturelles des peuples du
monde mais aussi pour les livrer à une confrontation culturelle.
c- Un espace pour la confrontation culturelle dans un pays pluriculturel
Le FAT a rassemblé pendant huit ans « des groupes ou des individus qui
[avaient] gardé leurs grandes traditions, qui [avaient] su respecter, à travers les
siècles, les différents mouvements de civilisation, leurs traditions ancestrales (…). Il
était important de pouvoir à un moment donné les réunir et les confronter »107.
L’importance accordée à la confrontation de pratiques culturelles fait écho à
l’entreprise de Gémier qui, au travers de la Société Universelle du Théâtre et du
Premier Festival d’Art Dramatique (1927), avait pour but de « découvrir, inventorier
et transmettre les formes les plus diverses de l’art dramatique » 108 afin de provoquer
des « confrontations internationales de spectacles interprétés dans leur langue
d’origine »109. Cependant, cette filiation n’est pas évoquée par les créateurs du FAT.
Pour Françoise Gründ, « l’idée d’une confrontation, non pas tant de concepts, que de
formes spectaculaires »110 leur est venue lorsqu’ils se sont trouvés « propulsés sur un
territoire d’altérité [et qu’ils ont pris] conscience de la coexistence des identités
multiples portées par chaque individu » 111.
Le territoire d’altérité dont parle Gründ n’est pas seulement celui de la
Bretagne mais celui de toute la France. En 1975, sur une population de 52 599
millions d’habitants, la France comptait 6,5% d’étrangers et 7,4% d’immigrés112.
Entre 1956 et 1973, le pays avait connu la deuxième grande vague d’immigration de
son histoire. Cette vague d’immigration correspondait à une période de croissance
107 KHAZNADAR Chérif, « Festival des Arts Traditionnels », in Bretagne actualités, France 3 Bretagne, 18 mai 1974, Archives de l’INA 108 ASLAN Odette, op. cit., p. 31 109 Ibid, p. 23 110 Françoise Gründ citée par MUSSAT, op. cit., p. 127 111 Ibid. 112 Évolution de la part des populations étrangères et immigrées en 2008, Insee, recensements de la population, tableau disponible sur <http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATTEF02131>, consulté le
45
économique, celle des Trente Glorieuses, mais en même temps, la France avait un
besoin de main-d’œuvre en raison de sa faible croissance démographique et de
l’impossibilité d’utiliser massivement sa population rurale113. L’action culturelle
pensée par Khaznadar, dès ses débuts à Rennes, prenait en compte la présence sur le
territoire français de cultures autres que la française. Certes, il s’agissait d’une
majorité d’étrangers et d’immigrés en provenance de l’Europe mais on comptait aussi
une minorité de personnes en provenance d’Afrique, d’Asie, des Amériques et
d’Océanie.
Aujourd’hui, le Festival de l’Imaginaire tient également compte de l’altérité
présente sur le territoire où il a lieu chaque année depuis 1997. Au 1er janvier 2009,
sur une population de 62 466 millions d’habitants, 5,9% étaient étrangers et 8,5%
étaient immigrés114. La même année, 15% des habitants de Paris étaient étrangers.
Lorsqu’on assiste à une saison complète du Festival de l’Imaginaire, on peut constater
qu’une partie du public est composée de personnes étrangères qui sont venues voir un
spectacle de leur pays. En général, bien que je n’ai pas fait une étude sur le public du
Festival de l’Imaginaire, on constate qu’il s’agit d’un public représentatif de la façon
dont est composée la population française, c’est à dire, d’une population
pluriculturelle.
Dans ce sens, le Festival de l’Imaginaire a hérité de Gémier, de Planson et du
FAT, non seulement l’idée d’être un dispositif destiné à la confrontation culturelle de
formes spectaculaires mais aussi d’être un espace de rencontre de l’altérité présente
sur un territoire donné. Pour Planson, cette confrontation et cette rencontre étaient
souhaitables dans la mesure où « la création n’a de sens qu’en se nourrissant
d’échanges, de brassages, de confrontations, les frontières nationales devant être
surmontées pour favoriser les échanges culturels »115. Néanmoins, afin de surmonter
les barrières entre les nations, il faut être en possession des clés qui nous mettent sur
le chemin de la compréhension de nos différences.
113 DAGUET Fabienne, THAVE Suzanne, « La population immigrée : Le résultat d’une longue histoire », in Insee Première, n. 458, Juin 1996, Document en possession de l’auteur 114 Évolution de la part des populations étrangères et immigrées en 2008, Insee, recensements de la population, op. cit. 115 ASLAN Odette, op. cit., p. 41
46
d- Les clés de lecture de l’art traditionnel
Avec le FAT, Gründ et Khaznadar, après Planson, ont été les premiers
passeurs de formes étrangères désormais « classiques » dans la programmation
d’institutions qui s’intéressent aux pratiques spectaculaires traditionnelles : les
derviches tourneurs de Turquie, les kawal du Pakistan, les acteurs-danseurs de
kathakali, les chanteurs de pansori de Corée, les participants aux cérémonies de
candomblé ou de santería, ou bien les rituels satiriques et thérapeutiques du Mali, du
Togo ou du Bénin.
Par ailleurs, à part ces formes aujourd’hui « classiques », le FAT « propos[ait]
des formes spectaculaires qui sembl[aient] alors incongrues : chants des moines
tibétains dans l’église Saint-Germain de Rennes, récitation du Coran dans une petite
salle du théâtre municipal, musique initiatique des Aborigènes d’Arnhem Land en
Australie »116. Aux yeux de Françoise Gründ, toutes ces manifestations sont devenues
ordinaires aujourd’hui mais elles ne l’étaient pas à la fin des années 1970. Cependant,
bien que les pratiques spectaculaires des cultures du monde ont commencé à circuler
de façon plus fréquente à partir des années 1990, le Festival de l’Imaginaire a
demeuré le seul festival de formes spectaculaires des cultures du monde qui, tout
comme à l’époque du FAT, s’est engagé à offrir à son public des clés multiples afin
de comprendre ces formes ainsi que les peuples porteurs de ces pratiques
spectaculaires.
À Rennes, comme plus tard à Paris, le fond de l’action culturelle animée par
Gründ et Khaznadar était celui de provoquer l’esprit de curiosité des festivaliers. Pour
cela, pendant le FAT, tout comme pendant le FI, « une abondante documentation était
(…) distribuée au public : films, expositions, rencontres, animations, ateliers,
complétaient le dispositif avec le journal du festival, un numéro spécial quotidien de
Confluent »117.
De plus, une partie du FAT était destinée à la réflexion au moyen de
l’organisation de « colloques sur des thématiques très différentes qui touch[aient], la 116 GRÜND Françoise, « Le Festival d’Arts Traditionnels », in MUSSAT, op. cit. 117 MUSSAT, op. cit., p. 70
47
plupart du temps, aux questions de méthodologie »118. Ces questions étaient soulevées
par le fait qu’il ne s’agissait pas tant de « réaliser une reconstitution des expressions
des cultures étrangères abordées, mais plutôt [d’] apporter au public la connaissance
d’un univers codé répondant sur place à une réalité quotidienne, l’un et l’autre étant
différents »119. Il fallait préparer le public français au fait de ne pas voir les formes
invitées soumises à certains artifices et à certaines conventions du théâtre occidental
(par exemple, pas d’effets de lumières ou pas de son amplifié). Il fallait aussi aborder
la problématique du transfert des formes et de sa conséquente dé-contextualisation.
Par exemple, lorsqu’il s’agissait d’une forme sacrée, « il [était], bien entendu,
impossible de reconstituer [l’] espace sacré [dans lequel cette forme se déroulait dans
son contexte d’origine]. Il [fallait] donc ‘faire comme si’ et mettre les spectateurs
occidentaux dans une convention qui les oblig[eait] à jouer le jeu de la pièce
manquante, reconstituée grâce à l’imagination »120.
C’est à dire que pendant le FAT, le public était exposé à des pratiques
spectaculaires qui pouvaient provoquer en eux admiration, émerveillement ou rejet
mais, en tout cas, qui les invitaient à aller plus loin dans leurs connaissances de
l’altérité. Pour aller plus loin, Françoise Gründ était en charge de « déblayer le
terrain », de le « défricher », puis de « rendre avec [ses] mots et [ses] concepts
occidentaux [l’] information [recueillie lors de ses missions] à des gens qui
ignor[aient] ce qu’ils [allaient] voir »121. Il fallait donc leur donner les clés pour que
leur ouverture aux formes spectaculaires des diverses cultures du monde soit faite de
la façon la plus informée possible.
e- Bilan du Festival des Arts Traditionnels
Dans les années 1970, avec le FAT, Gründ et Khaznadar ont poursuivit les
efforts d’ouverture de Gémier et de Planson vers les arts vivants des cultures
étrangères. Et bien que « plusieurs festivals prestigieux ou confidentiels se
développ[aient] alors sur le territoire français, [l]eur programme se limit[ait] souvent
118 Ibid, p. 133 119 GEORGEL Jacques, op. cit., p. 61 120 GRÜND Françoise, « Le Festival d’Arts Traditionnels », in MUSSAT, op. cit., p. 137 121 GEORGEL Jacques, op. cit., p. 102
48
à une présentation d’œuvres musicales, chorégraphiques ou théâtrales issues du
répertoire occidental. Les cultures de ce que l’on appelait alors « le Tiers-Monde »
n’y [étaient] que très exceptionnellement présentes »122. La programmation du FAT
était donc entièrement tournée vers les pratiques spectaculaires de pays qui n’avaient
jamais été invités à témoigner de leur culture en France. C’est ce qui faisait la
particularité du FAT dans le paysage culturel français de l’époque. Dans les brochures
du FAT, la légende « première fois en France » apparaît à plusieurs reprises sur les
photos qui illustrent la forme spectaculaire invitée. Ce fût le cas, par exemple, des
maîtres du tambour de Burundi et des pleureuses de Finlande, deux formes
spectaculaires à l’honneur lors du 8ème Festival des Arts Traditionnels de Rennes.
Grâce à cet effort, les créateurs du FAT ont largement contribué à poursuivre
l’inventaire des traditions théâtrales des cultures du monde que Gémier puis Planson
avaient commencé par le biais de leurs festivals respectifs.
Dans le cas du Festival de l’Imaginaire, dans un premier temps, il était encore
possible pour Gründ et Khaznadar de réaliser des voyages de prospection afin de
rechercher de nouvelles formes spectaculaires ou bien des formes qui n’avaient jamais
été présentées en France. Cependant, à partir des années 2000, la prospection s’est
faite de plus en plus difficile pour des raisons principalement financières, ce qui a
empêché le Festival de l’Imaginaire de continuer dans la ligne du FAT et du festival
du Théâtre des Nations en ce qui concerne les spectacles inédits. Mais le Festival de
l’Imaginaire a trouvé d’autres stratégies afin de continuer à favoriser les échanges et
les dialogues entre les cultures du monde, au travers la confrontation de leurs
pratiques spectaculaires et plus précisément de leur patrimoine culturel immatériel. Ce
point est traité de plus près dans la deuxième et dans la troisième partie de ce travail.
D’un autre côté, bien que le FAT ne se soit pas déroulé à Paris, comme ses
prédécesseurs, mais à Rennes, la Bretagne a été particulièrement réceptive au projet.
Gründ signale que « les bretons se trouvaient eux aussi à la recherche de leur identité
culturelle au travers de leurs traditions »123. Ceci les rendait particulièrement sensibles
à un festival qui exaltait le droit des peuples à posséder une identité culturelle propre.
La première édition du FAT a inclus « des danseurs de l’Inde du Nord, un joueur de 122 GRÜND Françoise, op. cit., p. 127 123 GRÜND Françoise, Entretien avec l’auteur, 01 avril 2013
49
ud irakien, Munir Bachir, et des musiciens et conteurs bretons »124. Pour Khaznadar,
la Maison de la Culture de Rennes devait aussi « servir de tremplin aux activités
culturelles régionales pour les promouvoir sur le plan local mais aussi les faire
connaître à l’extérieur »125. C’est à dire que bien que Khaznadar s’était engagé à faire
rayonner en France les cultures étrangères, il n’était pas fermé à l’idée du
rayonnement des cultures nationales, locales ou régionales. Ce rayonnement était
assuré non seulement en fonction du nombre de festivaliers exposés au FAT (« 6 683
en 1974, 8 351 en 1975, 10 487 en 1976, 12 547 en 1977, 10 667 en 1978 » 126) mais
aussi parce que le FAT « acquit très vite une réputation internationale par la qualité et
l’originalité de sa programmation et des dizaines de journalistes étrangers couvraient,
à côté de leurs confrères locaux et régionaux, l’événement » 127.
Toujours est-il que la situation financière de la Maison de la Culture de
Rennes a commencé à se dégrader à la fin des années 1970, tout comme celle des
autres Maisons de la Culture. Mussat retrace les difficultés que les Maisons de la
Culture ont éprouvé suite à un désengagement progressif de l’État dès 1975 et qui
aboutit en 1980 à leur crise financière mais aussi à leur crise identitaire128. Khaznadar
réussit tout de même à présenter des comptes en équilibre lorsqu’il a annoncé en 1981
qu’il avait été nommé directeur de la Maison des Cultures du Monde à Paris et qu’il
allait quitter la direction de la Maison de la Culture de Rennes en 1982.
124 MUSSAT, op. cit., p. 130 125 Ibid, 126 Ibid, p. 70 127 Ibid. 128 Ibid, p. 84 et suiv.
50
II. CONDITIONS DE CRÉATION ET AXES DE DÉVELOPPEMENT DU FESTIVAL DE L’IMAGINAIRE
Comme nous avons pu le voir dans la première partie de ce travail, le festival
du Théâtre des Nations, le Festival des Arts Traditionnels et l’intérêt porté par
l’UNESCO pour les formes théâtrales sont les trois éléments fondamentaux qui ont
rendu possible l’émergence du Festival de l’Imaginaire à la fin des années 1990.
Comment le festival a-t-il été mis en œuvre concrètement ? Quels ont été ses
principaux axes de développement à partir de la première édition en 1997 jusqu’à
celle de 2013 ? Ces questions qui vont intéresser cette deuxième partie, supposent de
prendre en compte les liens complexes entre la Maison des Cultures du Monde et le
Festival de l’Imaginaire. En effet, le Festival de l’Imaginaire est un dispositif qui
exprime les missions de la Maison des Cultures du Monde et qui prolonge la mémoire
des politiques culturelles qui ont encadré la naissance de cette maison. D’autre part, le
Festival de l’Imaginaire a été créé dans un contexte d’engouement pour les « cultures
du monde » en France. De ce fait, j’analyserai tout d’abord le Festival de l’Imaginaire
en tant qu’un écho de la Maison des Cultures du Monde. J’étudierai ensuite les
circonstances qui ont entouré la naissance de ce festival. Enfin, j’aborderai ses axes de
développement en m’attachant à relever les stratégies de mise en œuvre du festival
mais aussi les éléments qui le distinguent des autres dispositifs festivaliers destinés à
la diffusion des cultures étrangères en France.
1. Le Festival de l’Imaginaire : Écho de la Maison des Cultures du Monde
Lorsque Khaznadar dirigeait le Festival des Arts Traditionnels de Rennes, il
avait soumis au ministère de la Culture une proposition concernant la mise en œuvre
d’une action culturelle en faveur des arts traditionnels à Paris. En 1982, ce projet a
pris la forme d’un lieu permanent de programmation : la Maison des Cultures du
Monde. Puis, en 1997, il a pris la forme d’un festival : le Festival de l’Imaginaire.
Comme il s’agit d’un seul et même projet – qui a fait appel à deux dispositifs
51
différents pour s’exprimer – il est nécessaire de comprendre les politiques et le
contexte culturels qui ont encadré ce projet sous sa forme « Maison des Cultures du
Monde » afin de saisir la façon dont il s’est prolongé sous la forme « Festival de
l’Imaginaire ».
a- Une politique d’action culturelle à Paris
Au début du XXe siècle, Firmin Gémier avait fait de Paris un pôle mondial du
théâtre129 en y produisant le premier Festival d’Art Dramatique et Lyrique. Dans les
années 1950, Claude Planson a suivi Gémier en créant à Paris le rendez-vous des
théâtres du monde avec le festival du Théâtre des Nations. Lorsque Khaznadar a créé
le Festival des Arts Traditionnels à Rennes, les troupes lui réclamaient Paris.
Khaznadar signale à ce sujet que « les artistes qui passaient à Rennes
demandaient à se présenter sur Paris mais les programmateurs parisiens fermaient leur
programmation un an, deux ans à l’avance »130. Étant donné que le FAT basait sa
programmation sur des recherches sur le terrain, il était souvent impossible de
connaître plus d’un an à l’avance les troupes qui allaient participer à la prochaine
édition du Festival. À la fin des années 1970, à l’exception de Peter Brook qui les
avait accueillis une fois au Théâtre des Bouffes du Nord, aucun autre programmateur
parisien n’a jamais pris le risque de donner carte blanche à Françoise Gründ et à
Chérif Khaznadar lorsqu’ils étaient encore à Rennes131.
De plus, en ayant connu le succès du festival du Théâtre des Nations,
Khaznadar avait conscience que Paris pouvait devenir une place intéressante pour la
promotion des formes spectaculaires des cultures du monde. Au début des années
1980, la programmation de formes spectaculaires des cultures du monde était
exceptionnelle à Paris. La programmation d’expressions culturelles étrangères faisait
l’objet d’opérations ponctuelles menées dans la capitale par différentes structures.
129 ASLAN Odette, Paris capitale mondiale du théâtre : Le Théâtre des Nations, Paris, CNRS, 2009, p. 30 130 KHAZNADAR Chérif, Entretien avec l’auteur, 31 mars 2013 131 KHAZNADAR Chérif, GRÜND Françoise, Entretien avec l’auteur, 01 avril 2013
52
Khaznadar s’était entretenu à plusieurs reprises sur son projet avec différentes
personnes du cabinet de Jack Lang (1939-) qui avait été désigné ministre de la Culture
en 1981132. À cette époque, Robert Abirached (1930-) était le conseiller technique
pour le théâtre et l’action culturelle. Abirached connaissait le travail que Gründ et
Khaznadar avaient réalisé à Rennes et Khaznadar n’a pas manqué l’occasion de se
réunir avec lui afin de lui faire part de son projet. Il s’agissait d’un projet « qui
prévo[y]ait de faire accueil, saison après saison, dans une programmation ambitieuse
et cohérente, aux spectacles et aux musiques du monde tenus à l’écart des échanges
internationaux, au profit des productions des civilisations considérées comme
majeures »133.
La même année, Abirached avait reçu dans son bureau Philippe Greffet (1927-
2009), secrétaire général de l’Alliance française, et Roger Gouze (1912-2005),
délégué général de l’Alliance française et conseiller technique à la direction générale
des Affaires culturelles au ministère des Affaires Étrangères. Ils étaient venus à la
rencontre d’Abirached car ils n’étaient plus en mesure de supporter le poids financier
de la salle de théâtre dont disposait l’Alliance française de Paris et ils voulaient
trouver une solution. Abirached a eu alors l’idée de faire du théâtre de l’Alliance
française le lieu d’accueil pour les cultures étrangères que Khaznadar avait
imaginé134. C’est Abirached qui a proposé d’appeler ce lieu la Maison des Cultures du
Monde135, un projet que Jack Lang a approuvé sans réserve136. Khaznadar, Greffet et
Gouze sont arrivés rapidement à un accord et l’ouverture de la Maison des Cultures
du Monde a eu lieu au mois de septembre de l’année 1982137.
À différence de la politique événementielle à partir de laquelle Khaznadar
avait dirigé la Maison de la Culture de Rennes, la MCM devait être orientée par une
132 Op. cit. 133 ABIRACHED Robert, « Naissance d’une maison », in Cultures du Monde. Matériaux et pratiques, Internationale de l’Imaginaire, n. 20, Paris, Actes Sud, Babel, 2005, p. 18 134 HELIOT Armelle, « Monsieur théâtre entre en scène », in Le quotidien de Paris, 10 octobre 1982, non coté, Revue de presse MCM 1982, Archives de la Maison des Cultures du Monde 135 KHAZNADAR Chérif, « Mardis du théâtre, les enfants du théâtre des nations», in France culture, 19 novembre 1996, Archives de l’INA 136 ABIRACHED Robert, op. cit. 137 SALVATORI Olivier, « Chérif Khaznadar, directeur de la Maison des Cultures du Monde », in Libération, 31 août 1982, non coté, Revue de presse MCM 1982, Archives de la Maison des Cultures du Monde
53
politique d’action culturelle138. En effet, Khaznadar a mené à Rennes une action
quotidienne ponctuée d’événements139 alors qu’à la MCM il a voulu orienter son
action vers la durée des événements dans le temps. Afin de répondre à cette nouvelle
mission, Khaznadar a fait de la MCM un lieu permanent de programmation des arts
traditionnels des cultures étrangères, ce qui a prolongé l’existence du FAT et avec lui,
la mémoire du festival du Théâtre des Nations. D’une certaine manière, le FAT s’est
déplacé sur Paris et il s’est étalé sur une saison entière de programmation140.
Cependant, il faut signaler que lorsque la Maison des Cultures du Monde a été
créée, il a aussi été question de reprendre le modèle de contenus du Festival Mondial
de Théâtre de Nancy qui misait sur la création contemporaine. C’est finalement le
modèle du FAT qui a été retenu141. Le pari de la MCM, comme celui du FAT, était
donc celui de la réhabilitation du passé au travers des arts traditionnels afin d’enrichir
le présent et l’avenir des formes théâtrales142. Seulement, aux yeux du gouvernement
mais aussi aux yeux de Khaznadar, le dispositif festival ne semblait plus adapté à
cette mission.
En accord avec la politique d’action culturelle exhortée par Lang mais aussi en
accord avec le point de vue d’Abirached sur la forme festival, Khaznadar a décidé de
ne pas soumettre la Maison des Cultures du Monde « au rythme festivalier forcément
court et haché »143. De plus, au début des années 1980, Khaznadar considérait que le
mot festival était devenu dangereux. Il affirmait que :
« Le terme [était] dévalué parce qu’il suffi[sai]t d’aligner trois soirées dans une ruine
est voilà qu’un festival [était] né ! (…) Un vrai festival [devait] se donner pour but de 138 D’après Émile Jean Biasini, auteur du texte « Action Culturelle, An I 1961-1962 », l’action culturelle est une politique qui vise à éduquer les citoyens à la culture vivante de leur époque en rendant accessible à tout un chacun les équipements où le patrimoine culturel de l’humanité est diffusé. BIASINIS Émile, « Action Culturelle, An I 1961-1962 » in Événementiel vs Action Culturelle, Internationale de l’Imaginaire, n. 22, Paris, Actes Sud, Babel, 2007, pp. 14-47 139 KHAZNADAR Chérif, Événementiel vs Action Culturelle, Internationale de l’Imaginaire, n. 22, Paris, Actes Sud, Babel, 2007, p. 125 140 « Lieu de rencontres et de confrontations : La Maison des Cultures du monde va ouvrir ces portes à Paris », in Est Républicain, 27 juillet 1982, Archives de la Maison des Cultures du Monde, non coté, Revue de presse MCM 1982, Archives de la Maison des Cultures du Monde 141 PINIAU Bernard, « Introduction. Du dialogue des cultures à la Maison des Cultures du Monde », in GRÜND Françoise, KHAZNADAR Chérif, Atlas de l'imaginaire, Paris, Maison des cultures du monde, 1996, p. XIII 142 Op. cit. 143 ABIRACHED Robert, op. cit.
54
retrouver le sens de la fête, c’est-à-dire d’un événement privilégié. Une fête [devait]
être un moment limité mais vécu avec intensité et émotion, pendant lequel des gens
[pouvaient] se rencontre[r] et s’exprime[r] »144.
En effet, au début des années 1980, la signification que prenaient les festivals
n’allait pas dans le sens d’une politique d’action culturelle qui visait à mettre en place
la rencontre en permanence entre les français et les cultures du monde. Lorsqu’il a
assumé la direction de la Maison des Cultures du Monde en 1982, Khaznadar a donc
décidé « qu’à Paris il ne fallait pas faire un festival parce qu’il fallait mener une
action permanente, quotidienne, de présence des cultures étrangères et ne pas les
avoir, comme les autres festivals, deux jours par an, trois jours par an »145.
En conséquence, entre 1982 et 1997, le projet que Khaznadar avait imaginé en
faveur d’une présence permanente des arts traditionnels des cultures du monde en
France a pris la forme de la Maison des Cultures du Monde.
La Maison des Cultures du Monde prend place à la suite de la Société
Universelle du Théâtre, du festival du Théâtre des Nations et du Festival des Arts
Traditionnels, une série de dispositifs créés depuis le début du XXe siècle dans le but
de diffuser les cultures étrangères en France. Dans un article publié en octobre 1982
dans le magazine Différences, la journaliste affirmait au sujet de la MCM qu’il y avait
« certes dans cette initiative les nostalgies du Théâtre des Nations qui au début des
années 50 et à la fin des années 60 fit découvrir à l’Occident l’opéra de Pékin ou le
Berliner Ensemble ou les cultures du « Tiers-monde ». Mais les démarches étaient
ponctuelles. C’est la permanence qui fait l’originalité de cette Maison des Cultures du
Monde. Cela lui permet une sorte de mise à jour constante des communications entre
la France et le reste du monde »146. On peut voir ici la manifestation d’une politique
volontariste en matière de relations culturelles internationales promue par un
gouvernement qui souhaitait que la France rayonne en tant que pays ouvert au monde.
144 LIEGEOIS Jean Paul, « À quoi servent les festivals » in L’Unité, n. 387, 13-19 juin 1980, p. 13, Document en possession de l’auteur 145 KHAZNADAR Chérif, Entretien avec l’auteur, 11 avril 2012 146 LAURENT Anne, « La culture des mondes », in Différences, octobre 1982, non coté, Revue de presse MCM 1982, Archives de la Maison des Cultures du Monde
55
b- Politique de rayonnement dans le libre dialogue des cultures
Avec l’arrivée de François Mitterrand au pouvoir au début des années 1980,
les politiques publiques de la culture mais aussi les politiques culturelles147 de la
France se sont transformées. La fin du Festival des Arts Traditionnels que Gründ et
Khaznadar avaient dirigé dans le cadre de la Maison de la Culture de Rennes a été
marquée par des mesures prises par l’Etat concernant les « cathédrales » de la culture
inventées par André Malraux dans la deuxième moitié du XXe siècle. Plusieurs
rapports de missions ont été élaborés afin de réfléchir à une nouvelle politique
orientée vers les cultures régionales et minoritaires148.
Aux yeux de François Mitterrand, la politique de démocratisation culturelle
mise en place par Malraux dans la deuxième moitié du XXe siècle ne correspondait
pas à la réalité de la société française de la fin du XXe siècle. Dans un rapport du
Commissariat général rédigé en novembre 1982, on affirmait que les « cultivés »
représentaient une minorité de français et de françaises alors que la France était
composée par une majorité multiple et hétérogène de citoyens149.
Le bilan dressé par le gouvernement Mitterrand sur l’action culturelle de
Malraux a fait apparaître un double constat. D’une part, la culture française était
diverse. D’autre part, il lui fallait des administrateurs qualifiés capables de développer
des compétences particulières pour s’insérer comme professionnels dans le domaine
de la diversité culturelle. Il fallait donc « créer les conditions de l’expression des
147 Philippe Urfalino fait une distinction entre les politiques publiques de la culture et les politiques culturelles. Les premières sont des mesures prises par l’Etat qui ont un effet direct sur les activités artistiques et culturelles d’un pays. Les deuxièmes sont une invention de l’intellect humain. Cette invention se concrétise grâce à la volonté de l’Etat. Pour Urfalino, une politique culturelle c’est l’idée selon laquelle l’Etat peut transformer la société au travers de l’art. Cette transformation opère avec la mise en relation de l’art et des artistes avec le public. In : URFALINO Philippe, L'invention de la politique culturelle, Paris, Pluriel, 2011 [2007] 148 Parmi les rapports qui ont été élaborés à ce sujet, on peut citer: PUAUX Paul, « Mission de réflexion sur l'action culturelle et les maisons de la culture », mai 1982 [août 1981]; GIORDAN Henri « Mission sur la promotion des cultures régionales et minoritaires », mars 1982 [août 1981] et DUMAYET Pierre, « Remise du rapport du groupe Long terme culture du commissariat général au plan, L'impératif culturel », 1982. In : MOULINIER Pierre, « Chronologie des évènements en rapport avec la démocratisation culturelle », Paris, Comité d’histoire, Ministère de la Culture et de la communication, 28 avril 2011, pp. 4 et 5 149 « Rapport du Commissariat général du Plan, ‘L’Impératif culturel’ », novembre 1982, cité par POIRRIER Philippe, Les politiques culturelles en France, Paris, La Documentation française, 2002
56
cultures plurielles » 150. En matière culturelle (mais aussi au niveau des politiques
macro et micro économique), l’Etat a ainsi tourné son regard vers les cultures
étrangères en concevant des espaces où elles ont eu la possibilité de s’exprimer.
D’un autre côté, en affirmant que « la reconnaissance de cultures spécifiques
facilit[ait] la constitution de passerelles entre elles et leur enrichissement mutuel »151,
l’État prônait une stratégie d’appropriation plutôt que de diffusion des cultures
étrangères152. Le gouvernement a donc mis en place des mesures pour que les français
et les françaises déchiffrent les cultures étrangères dans le but d’un enrichissement
identitaire réciproque.
La mise en place de la politique culturelle de Mitterrand a été confiée à Jack
Lang. Dès son investiture, Lang a modifié l’organisation du ministère par le décret du
10 mai 1982 aux termes duquel le ministère de la Culture avait notamment pour
mission de « contribuer au rayonnement de la culture et de l’art français dans le libre
dialogue des cultures du monde »153. Ces nouvelles missions s’inspiraient de l’idée du
dialogue des cultures promue par l’UNESCO.
c- Le dialogue des cultures : une préoccupation de l’UNESCO
L’idée du dialogue des cultures 154 était présente dans les objectifs de
l’UNESCO dès sa création. Pour Conil Lacoste, la mission fondamentale de cette
organisation était celle du « décloisonnement géographique des connaissances
scientifiques et intellectuelles, [ce] qui [était] en même temps une incitation
150 Op. cit 151 Op. cit. 152 Op. cit. 153 COMMISSION DES AFFAIRES Étrangères de l’Assemblée Nationale, « Question n. 6 », in Questionnaire. Projet de loi de finances pour 1986, p. 2091, in 20010113/1, Questions parlementaires, (1983-1996), Archives Nationales 154 La première fois que l’expression « dialogue des cultures » a été utilisée, remonte à 1961, lorsque Denis de Rougemont (1906-1985), fondateur du Centre européen de la culture (1950), a dirigé, entre 1961 et 1964, un colloque intitulé Dialogue des Cultures Ce colloque visait la mise en place d’une réflexion autour des relations de l’Union Européenne (créé en 1957) avec les autres cultures du monde. In ROUGEMEONT Denis de, Le Dialogue des Cultures, Éditions de la Baconnière, 1962, cité par PINIAU Bernard, « Introduction. Du dialogue des cultures à la Maison des Cultures du Monde », in GRÜND Françoise, KHAZNADAR Chérif, Atlas de l'imaginaire, Paris, Maison des cultures du monde, 1996, p. VI
57
permanente à l’amélioration du dialogue des cultures »155. En effet, dès sa création en
1948, l’UNESCO signalait que « l’incompréhension mutuelle entre les peuples a[vait]
toujours été, au cours de l’histoire, à l’origine de la méfiance et de la suspicion entre
les nations »156. De ce fait, les Etats membres se sont engagés à « développer et à
multiplier les relations entre les sociétés « en vue de mieux se comprendre et
d’acquérir une connaissance plus précise et plus vraie de leurs coutumes
respectives »157.
Deux ans avant la nomination de Lang au ministère de la Culture, Jaques
Rigaud (1932-2012) avait recommandé l’adoption du dialogue des cultures dans la
politique extérieure de la France, en publiant un rapport sur les relations culturelles
extérieures de la France rédigé en septembre 1979 et adressé au ministre des Affaires
Étrangères158. Pour Rigaud, le dialogue des cultures représentait « un outil, une
méthode, une manière pour la France de s’insérer dans les multiples courants
d’échanges internationaux qui caractéris[aient] un monde multipolaire, polycentré,
d’en bénéficier et de les faire fructifier »159. Cependant, c’est le ministère de la
Culture qui a adopté cette recommandation en 1981.
En incluant le dialogue des cultures dans les missions du ministère, la France
menait pour la première fois « une politique officielle d’accueil des cultures
étrangères et y consacrait des moyens publics. L’Etat revendiquait ainsi un héritage
historique : la France a[vait] toujours été un carrefour intellectuel, lieu d’accueil
d’intellectuels et d’artistes, terre d’asile et de rencontre pour les créateurs »160.
D’autre part, l’adoption de l’idée du dialogue des cultures a conduit la France
à définir autrement son universalité et à concevoir d’une autre manière ses relations
155 LACOSTE CONIL Michel cité par PINIAU Bernard, op. cit., p. II 156 Op. cit. 157 Extrait du préambule de l’Acte constitutif de l’UNESCO cité par PINIAU Bernard, op. cit. 158 RIGAUD Jaques, « Rapport au ministre des Affaires étrangères sur les relations culturelles extérieures », septembre 1979, cité par PINIAU Bernard, op. cit., p. XII 159 RIGAUD Jaques cité par PINIAU Bernard, op. cit., p. XIII 160 OLIVIER Patrick, « L’ouverture aux autres : du dialogue des cultures à la diversité culturelle », in Cultures du Monde. Matériaux et pratiques, Internationale de l’Imaginaire, n. 20, Paris, Actes Sud, Babel, 2005, p. 24
58
culturelles internationales 161, ceci en vue de s’intégrer au mieux à un nouvel ordre
mondial régit par l’ouverture économique.
d- Une politique internationale de rayonnement et de réciprocité
Désormais, la mission du ministère de la Culture n’était plus celle de mettre
uniquement la culture nationale – mais celle de toutes les nations – au centre de
l’économie culturelle de la France. Autrement dit, la politique de rayonnement de la
culture française devait être complétée par une politique de réciprocité dans les
relations culturelles internationales. Il fallait alors partager les responsabilités vis-à-
vis de la balance économique des exportations et des importations de biens et de
services culturels entre le ministère des Affaires étrangères et le Service des Affaires
Internationales162 du ministère de la Culture et de la Communication. Les biens et les
services culturels deviennent ainsi l’objet d’industries culturelles que l’État doit être
en mesure de réguler.
À partir de 1981, la politique du SAI s’est exprimée :
« Par l’ouverture de [la France] aux autres cultures à travers le cinéma, la
coproduction théâtrale, les traductions de livres, les échanges d’œuvres d’art, le
dialogue entre créateurs et la coopération des régions avec les pays voisins, [ainsi
que] par l’aide à la diffusion et à une meilleure connaissance de la culture française à
l’étranger. (…) Cet engagement (…) s’inscri[vait] (…) dans l’effort entrepris par le
Gouvernement pour rétablir les grands équilibres économiques notamment par
l’exportation des biens et du savoir-faire culturels français »163.
161 PINIAU Bernard, op. cit., p.IX 162 Le ministère de la Culture s’est doté progressivement d’un service transversal responsable du pilotage de l’action internationale et chargé des relations du ministère de la Culture avec le ministère des Affaires Étrangères. En 1960, André Malraux a chargé pour la première fois le secrétaire général du ministère de la Culture « des grandes missions culturelles françaises à l’étranger » et des concours du ministère à toutes les manifestations étrangères. Puis, en 1966 il a créé le service des échanges culturels avec l’étranger. En 1971, le ministère a créé la Délégation aux expositions et aux échanges culturels. Cette délégation était constituée par le service des échanges culturels puis par un service des organisations internationales. En 1978, le gouvernement de Giscard d’Estaing a créé le service des affaires internationales qui a remplacé la Délégation. Depuis 1978, le SAI coordonne, entre autres, les activités du ministère de la Culture dans le domaine international. In « Introduction générale », in Introduction générale, Affaires internationales, Mission aux archives du ministère de la Culture et de la Communication, s.d.n.l., Document en possession de l’auteur 163 COMMISSION DES AFFAIRES Étrangères de l’Assemblée Nationale, « Question n. 6 », op. cit.
59
Il s’agissait donc de contrebalancer la présence des biens et des services culturels
français à l’étranger avec une présence de biens et de services culturels étrangers en
France.
Afin de mettre en œuvre cette ouverture envers les cultures du monde, le SAI
a structuré sa politique sur quatre axes de développement, l’un d’eux étant celui de la
« diversification du dialogue entre les cultures »164. De ce fait, au début des années
1980, le ministère de la Culture s’était engagé à « apporter une réponse aux défis
internationaux qui n’[étaient] pas seulement économiques, technologiques ou
stratégiques mais aussi culturels »165.
Dans le but de mettre en place cette nouvelle politique culturelle, Lang a
doublé le budget pour la culture. Le budget destiné à promouvoir la connaissance, la
promotion et la diffusion des cultures étrangères en France est passé de 212 000
francs en 1981 à 21 312 000 francs en 1983166. D’autre part, le budget consacré au
théâtre a été augmenté de 75%167.
Les nouvelles missions d’action internationale attribuées au ministère avaient
besoin de nouveaux opérateurs qui pouvaient les prendre en charge. Une partie du
budget devait ainsi être consacrée à subventionner des structures qui pourraient mettre
en œuvre le dialogue des cultures afin de susciter l’appropriation de la diversité
culturelle qui animait le monde. D’abord, le ministère a relancé la Maison de
l’Amérique Latine qui avait été fondée en 1946 dans le but de favoriser les échanges
culturels et diplomatiques entre la France et les pays de l’Amérique Latine.
En avril 1982, le ministère a créé l’association Dialogue entre les Cultures,
« chargée de gérer les rencontres entre créateurs et intellectuels et de favoriser
l’organisation en France de manifestations consacrées aux relations 164 Les autres axes de développement étaient le rééquilibrage du dialogue nord-sud, le renforcement de la coopération dans le cadre des grandes zones de solidarité naturelle et la promotion de la culture française à l’étranger en liaison avec le ministère des Relations Extérieures. In COMMISSION DES AFFAIRES Étrangères de l’Assemblée Nationale, op. cit. 165 COMMISSION DES AFFAIRES Étrangères de l’Assemblée Nationale, « Question n. 6 », op. cit. 166 Op. cit., p. 1165 167 THIBAUDAT Jean-Pierre, « Les quatre mamelles de Robert Abirached », in Libération, 29 octobre 1981, non coté, Revue de Presse MCM 1981, Archives de la Maison des Cultures du Monde
60
interculturelles »168. Puis en mai 1982, le ministère a créé la Maison des Cultures du
Monde, une association loi 1901 dont le but était de « favoriser les échanges et les
dialogues entre les formes d’expression et les identités culturelles des peuples du
monde »169.
Ainsi, le projet que Khaznadar avait envisagé concernant l’ouverture à Paris
d’un lieu permanent d’accueil pour les cultures étrangères et pour l’expression de leur
identité au travers de la présentation de leurs formes spectaculaires, s’est réalisé en
partie grâce à la mise en œuvre de politiques volontaristes qui prônaient le dialogue
des cultures et la réciprocité dans les relations culturelles internationales. En 1983,
François Mitterrand (1916-1996), alors président de la République, déclarait :
« Récemment, les échanges culturels ont franchi une nouvelle étape. Grâce à une
initiative conjointe du ministère de la Culture et de l’Alliance française, la Maison
des Cultures du Monde est née. À peine créée, aussitôt opérationnelle et avec elle la
réussite : 42 spectacles en 1983, venus de 30 pays du monde entier, de la Chine aux
Seychelles, du Brésil aux Maldives (…) »170.
Tout comme avec le festival dirigé par Planson, la programmation de la MCM
était devenue un espace symbolique important vis-à-vis des stratégies mises en œuvre
par la France concernant son action internationale. À ce sujet, Planson signalait que
lorsqu’il a invité l’opéra de Pékin à se présenter pour la première fois en France, après
la Seconde Guerre mondiale, « sous la casquette du directeur de la troupe chinoise se
dissimulait un vice-ministre de la culture. [Pour Planson], il n’[était] pas interdit de
penser qu’il profita de son séjour à Paris pour nouer des contacts qui après les délais
d’usage, aboutirent au rétablissement de relations diplomatiques normales, la France
168 COMMISSION DES AFFAIRES Étrangères de l’Assemblée Nationale, « Question n. 61 », in Questionnaire. Projet de loi de finances pour 1985, p. 2119, in 20010113/1, Questions parlementaires, (1983-1996), Archives Nationales 169 Publication dans le Journal officiel de la République française du 13 mai 1982, in Dossier « Documents pour le Centre de documentation », 1 p., non coté, Archives de la Maison des Cultures du Monde 170 Extrait du discours prononcé par monsieur François Mitterrand, Président de la République, le lundi 17 octobre 1983, s.l., in 08V010/3, Maison des Cultures du Monde (MCM) – Conseil d’administration, procès-verbaux (2003-2004), Mission des archives du Ministère de la Culture et de la Communication, DAEI
61
précédant dans cette voie la plupart des pays occidentaux »171. D’où l’intérêt d’une
politique culturelle en faveur du renforcement des liens dans un monde globalisé mais
aussi en bénéfice de la diplomatie culturelle française.
e- Bilan des activités de la Maison des Cultures du Monde
Les enjeux de la politique culturelle du gouvernement Mitterrand étaient à la
fois de l’ordre économique et symbolique. La nouvelle mission du ministère de la
Culture était celle « d’épanouir les individus par la création dans le respect des
cultures régionales et internationales, voire sociales »172. Cela se traduisit par la
reconnaissance de leurs pratiques culturelles tout en les rendant accessibles au plus
grand nombre. Alors que dans les années 1950, Malraux avait voulu rendre accessible
la culture française « nationale, savante et normative »173 à tous, dans les années 1980
Lang souhaitait démocratiser l’accès à l’ensemble des cultures du monde. La MCM a
été un des vecteurs au travers duquel cette politique culturelle a pu s’exprimer.
Toutefois, la Maison des Cultures du Monde n’était pas uniquement « une officine
gouvernementale chargée de mettre la culture au service des relations internationales,
mais un véritable lieu de découvertes et d’échanges »174.
Entre 1982 et 1994, la MCM a accueilli 787 808 spectateurs pendant 1 776
représentations en provenance de 114 pays175. Les pays les plus représentés ont été le
Brésil, la Chine, la Corée, la France, la Grèce, l’Inde, l’Indonésie, le Japon, la Russie
et les Etats-Unis. Ce rayonnement des pays étrangers à Paris, dans un lieu permanent
de programmation, a été significatif de la mise en œuvre du principe de réciprocité
dans les relations culturelles internationales.
Par ailleurs, la MCM a organisé plusieurs grandes manifestations telles que
« l’Inde à Paris », dans le cadre de l’Année de l’Inde en 1985, le « French Mela en
171 PLANSON Claude, Il était une fois le Théâtre des Nations, Paris, Maison des Cultures du Monde, 1984, p. 34 172 POIRRIER Philippe, Les politiques culturelles en France, Paris, La Documentation française, 2002 173 PINIAU Bernard, op. cit., p.IV 174 Maison des Cultures du Monde, Paris, mars 1999, (sans pagination), non coté, Archives de la Maison des Cultures du Monde 175 La Maison des Cultures du Monde, bilan des activités : septembre 1982 - juin 1994, s.l.n.d, 48 p., non coté, Archives de la Maison des Cultures du Monde
62
Inde », dans le cadre de l’Année de la France en Inde en 1989, « Venise, Porte de
l’Orient » en 1986 ou le « Concert des Musiques Sacrées du Monde » en 1992176.
D’autre part, en 1985, la MCM a créé la revue Internationale de l’Imaginaire
ainsi que INEDIT, sa propre collection de disques. Cette collection « s’attache à
promouvoir (…) des traditions musicales menacées ou méconnues et des artistes
soucieux de défendre leur culture »177 et dont un des objectifs énoncés lors de sa
fondation était celui de « favoriser la sauvegarde de patrimoines musicaux menacés
de disparition »178. Par exemple, INEDIT a contribué à la sauvegarde de la musique
sibérienne en éditant le premier CD de « musiques de la Toundra et de la Taiga » 179.
Il est intéressant de noter ici que la contribution de la MCM à la sauvegarde de
patrimoines musicaux a été étendue par la suite à celle de la sauvegarde de l’ensemble
des patrimoines immatériels des cultures du monde lorsque le projet de Khaznadar a
pris la forme du Festival de l’Imaginaire.
f- Difficultés éprouvées par la Maison des Cultures du Monde
L’envergure du projet MCM était de taille et il lui fallait un budget et un
espace conséquents afin de pouvoir mener à bien ses missions.
D’un côté, pendant les trois premières années de programmation, les formes
spectaculaires à l’honneur étaient gardées à l’affiche pendant deux ou trois semaines.
Néanmoins, les subventions n’ont pas augmenté au même rythme que les frais. Le
budget de la MCM a stagné (figure 27)180 et à la fin des années 1990, elle ne pouvait
plus supporter le poids financier de sa programmation. À ce sujet, Khaznadar signale
que son objectif était de programmer :
« Des théâtres étrangers, des théâtres en langue étrangère, en langue arabe, en
japonais, sur un mois, comme un spectacle français. [S]on souhait était de faire [en 176 La Maison des Cultures du Monde, bilan des activités : septembre 1982 - juin 1994, op. cit. 177 INÉDIT, Une fenêtre sur le monde des musiques traditionnelles, Maison des Cultures du Monde, s.l.n.d. (Catalogue de disques), Document en possession de l’auteur 178 GRÜND Françoise, KHAZNADAR Chérif, Atlas de l'imaginaire, Paris, Maison des cultures du monde, 1996, p. 203 179 INÉDIT, op. cit. 180 Voir l’annexe 7
63
sorte] que ces cultures existent au même titre que les autres. (…) Pour chaque
spectacle, il y avait une campagne de presse. (…) Progressivement, ces frais ont
augmenté parce que les coûts de la publicité ont augmenté. (…) Coller des affiches
sur les murs, ça a été interdit, donc il fallait louer des emplacements, de plus en plus
chers. Il fallait distribuer des tracts, ça a été interdit, il fallait payer des taxes. Et [la
MCM est] arrivé[e] à un moment où finalement le coût de la publicité et la promotion
pour un spectacle été supérieur à tout ce qu’on pouvait espérer comme recette du
spectacle. (…) [La MCM] était subventionné[e] pour faire venir des spectacles mais
cet argent partait dans la publicité et [la MCM] n’avait plus les moyens de faire venir
des spectacles parce qu’il fallait [en] faire la promotion »181.
D’un autre côté, au départ il était question d’occuper la salle du théâtre de
l’Alliance française le temps qu’un autre espace plus conséquent soit construit sur un
terrain voisin, appartenant également à l’Alliance française, qui l’a finalement vendu
pour en faire des bureaux et des appartements182. En conséquence, Khaznadar a
décentralisé l’action de la MCM sur plusieurs lieux à Paris sans abandonner la
recherche d’un espace plus conséquent pour accueillir les activités de la MCM.
En 1991, Khaznadar a été nommé directeur du Théâtre du Rond-Point suite
aux difficultés financières éprouvées par ce théâtre. Il avait été chargé de présenter un
budget en équilibre au bout de deux ans d’activités et pour cela, fidèle à son expertise
et à son expérience, il a souhaité « renouer avec l’esprit du Théâtre des Nations [en
faisant en sorte que] cet endroit grouille, que cela soit un lieu de contacts et
d’échanges »183. La nouvelle mission du Théâtre du Rond-Point était celle d’accueillir
des productions étrangères et françaises, d’abriter l’Académie internationale du
théâtre et certaines manifestations du Festival d’Automne »184 ainsi que certaines
manifestations de la Maison des Cultures du Monde185. Cependant, cette nouvelle
orientation a suscité le mécontentement des comédiens français qui l’ont interprété
181 KHAZNADAR Chérif, Entretien avec l’auteur. 11 avril 2012 182 GRÜND Françoise et KHAZNADAR Chérif, Entretien avec l’auteur, 01 avril 2013 183 KHAZNADAR Cherif, cité par THÉBAUD Marion, « Chérif Khaznadar souffle sur les braises », in Le Figaro, 4 juillet 1991, non coté, Revue de presse Théâtre du Rond-Point 1991, Archives de la Maison des Cultures du Monde 184 « Polémique autour du Théâtre du Rond-Point : des comédiens français inquiets de l’invasion étrangère », in Le Monde, 29 novembre 1991, Revue de Presse Théâtre du Rond Point, Archives de la Maison des Cultures du Monde 185 KHAZNADAR Cherif, cité par THÉBAUD Marion, op. cit.
64
comme un attentat au rayonnement de la culture française 186 . En 1994, un
communiqué de presse du ministère de la Culture a annoncé que Khaznadar quittait la
direction du Théâtre du Rond-Point le 31 décembre 1994, suite à la nomination de
Marcel Marechal comme nouveau directeur du Théâtre du Rond-Point, par décision
du ministre de la Culture Jacques Toubon187.
À partir de 1995, toutes les activités programmées par la MCM se sont
déroulées à nouveau uniquement au théâtre de l’Alliance française. Cependant, la
fusion avec le Théâtre du Rond-Point avait fonctionné : pour l’automne 1993, la
MCM avait rassemblé 45 000 spectateurs au Théâtre du Rond Point et 20 000 au
Théâtre de l’Alliance française188. Khaznadar signale qu’après le départ du Théâtre du
Rond-Point, « il fut impossible de définir une politique culturelle à long terme en
raison des incertitudes qui ont constamment pesées sur l’avenir de la Maison des
Cultures du Monde. (…) L’incertitude sur l’avenir empêch[ait] de savoir quelles
actions entreprendre, et comment les construire »189.
2. La création du Festival de l’Imaginaire
- Un moment difficile pour la Maison des Cultures du Monde
En 1996, Khaznadar a dû renoncer à l’idée de disposer d’un lieu permanent
d’activité dédié à faire connaître les arts vivants et traditionnels des cultures du
monde. Les difficultés financières que la MCM connaissait en raison des coûts de
plus en plus élevés de la publicité s’étaient apaisées, avec l’activité menée par la
MCM au Théâtre du Rond-Point, mais elles se sont aggravées avec le retour au
Théâtre de l’Alliance française. Il a alors fallu retourner au dispositif festival qui avait 186 « Lettre ouverte des acteurs français du théâtre à M. Jack Lang, ministre de la Culture » in Le Figaro, 27 novembre 1991, non coté, Revue de Presse Théâtre du Rond-Point 1991, Archives de la Maison des Cultures du Monde 187 Communiqué de presse du ministère de la Culture, 16 décembre 1994, in 04V013/1, Relations avec la MCM (Maison des Cultures du Monde) : statuts de l’association, comptes-rendus de réunion, aspects financiers, ensemble de notes et courriers, (1992-1998), Mission des archives du Ministère de la Culture et de la Communication, DAEI 188 Compte-rendu du Conseil d’Administration de la Maison des Cultures du Monde, 11 octobre 1993, in 04V013/1, op. cit. 189 Compte-rendu du Conseil d’Administration de la Maison des Cultures du Monde, 18 avril 2001, in 04V043/9, Subventions n. 108 à 111 – MCM AFAA, (2001), Mission des archives du Ministère de la Culture et de la Communication, DAEI
65
été expérimenté avec le Festival des Arts Traditionnels de Rennes. Khaznadar a
proposé la création d’un grand événement annuel, une sorte de « Printemps des
Cultures du Monde »190, qui permettrait à la MCM de concentrer sa programmation
mais aussi ses dépenses. Cet événement a finalement pris le nom de Festival de
l’Imaginaire. Pour Khaznadar, il s’agissait « simplement [d’]un regroupement qui
permettrait de faire une campagne de presse [et] une affiche pour quinze spectacles
plutôt que quinze affiches »191. Ceci en attendant que la MCM soit relocalisée à
nouveau par l’Etat. Mais cela n’est pas arrivé et le FI est devenu le grand rendez-vous
annuel de la MCM, depuis 1997. Dans l’éditorial de la neuvième saison du FI,
Khaznadar affirmait : « je ne pensais pas, lorsque j’ai crée le Festival de l’Imaginaire,
que cette initiative allait durer plus de deux ou trois ans (…) »192. Or, en 2013, le
Festival de l’Imaginaire est arrivée à sa 17ème édition.
La création du Festival de l’Imaginaire répondait certes à « la volonté
d’adaptation (…) au budget alloué à la MCM, budget qui [en 2003, était] le même
qu’il y a 20 ans »193. Mais elle répondait aussi au besoin de « réorienter les activités
de la MCM en fonction de l’évolution du paysage culturel français ».
Pour Khaznadar, « l’accueil des cultures étrangères à Paris – dont la Maison des
Cultures du Monde a[vait] été très longtemps l’initiatrice et le moteur principal –
a[vait] fait tâche d’huile »194. Des institutions telles que le Théâtre de la Ville, le
Festival d’Automne (crée en 1972), l’Institut du Monde Arabe (fondé en 1987) ou la
Cité de la Musique (fondée en 1995) incluaient dans leur programmation quelques
événements « cultures du monde ». Ces institutions ont été dotées de plus de moyens
que la MCM, ce qui leur a permis de mettre en place une politique de prix bas. À la
fin des années 1990, pour la MCM, restreinte à une salle avec une capacité d’accueil
de 450 personnes, il était donc impossible de les concurrencer. De plus,
paradoxalement, la programmation de ces institutions existait grâce au travail réalisé
190 Lettre signée par Chérif Khaznadar, Paris, 6 mai 1996, 08V010/3, Maison des Cultures du Monde (MCM) – Conseil d’administration, procès-verbaux (2003-2004), Mission des archives du Ministère de la Culture et de la Communication, DAEI 191 KHAZNADAR Chérif, Entretien de l’auteur, 11 avril 2012 192 KHAZNADAR Chérif, « Édito », Festival de l’Imaginaire, 8 mars - 17 avril 2005, s.l.n.d., p. 1 193 Note passée par fax à l’intention de Monsieur Paumier, chef du DAI, 24 juin 2003, in 08V010/3, Maison des Cultures du Monde (MCM) – Conseil d’administration, procès-verbaux (2003-2004), Mission des archives du Ministère de la Culture et de la Communication, DAEI 194 Lettre signée par Chérif Khaznadar, op. cit.
66
en amont par la MCM. En effet, ces institutions culturelles « accueill[ai]ent pour
l’essentiel des spectacles déjà connus et ne procéd[aient] – sinon exceptionnellement
– ni à des recherches ni à des mises en valeur de manifestations originales peu
connues ou menacées de disparition. Elles ne dispos[aient] ni des réseaux, ni du
savoir-faire, ni de l’expérience, ni de la mémoire, (…) de l’équipe fondatrice de la
MCM »195.
Toutefois, en dépit de la situation, il fallait continuer à « favoriser les échanges
et les dialogues entre les formes d’expression et les identités culturelles des peuples
du monde »196. À partir de 1997, cette mission a pris la forme du Festival de
l’Imaginaire. Ce festival a été présenté comme un évènement qui concentrait les
activités de la MCM. De ce fait, le Festival de l’Imaginaire a continué à réunir à Paris
des musiques, des danses, des théâtres, des rites et des cérémonies inhérentes à la vie
quotidienne des différents peuples du monde dans le même esprit qui avait animé la
création de la MCM en 1982, tout en s’adaptant à l’environnement culturel de la fin
du XXe siècle.
- L’engouement pour les cultures du monde
En 1999, une publication qui signalait l’importance de l’accueil des cultures
étrangères en France a vu le jour197. Le Festival de l’Imaginaire s’insérait dans un
paysage culturel composé de plus de 350 structures, dont une centaine de festivals198,
qui incluaient dans leur programmation diverses expressions artistiques des cultures
du monde199. Ce livre a été édité par la Maison des Cultures du Monde sous la
commande du département des Affaires Internationales du ministère de la Culture qui
voulait faire le point sur les actions qui étaient menées en France en direction des
cultures étrangères200. Pour Khaznadar, ce bilan prouvait « qu’il y a[vait] cette
tradition qui est très française de rencontre, de fusion, de métissage de cultures qui
195 Op. cit. 196 Publication dans le Journal officiel de la République française du 13 mai 1982, op. cit. 197 TOULA-BREYSSE Jean-Luc, Cultures du monde en France : Le guide, Plume, Maison des Cultures du Monde, 1999 198 Voir l’annexe 8 199 Op. cit., 200 KHAZNADAR Chérif, « De découverte en découverte », in TOULA-BREYSSE op. cit., p. 9
67
continue et qui permet de maintenir, d’enrichir la culture française et de la rendre
toujours vivante » 201.
Mais ce bilan prouve également que l’engouement pour les « cultures du
monde » a émergé en France à la fin du XXe siècle. Dans la première partie de ce
travail, j’ai signalé que lorsque le festival du Théâtre des Nations a été créé en 1957, il
s’agissait du premier festival des cultures du monde, après la Seconde Guerre
mondiale. Aussi, j’ai démontré que lorsque Gründ et Khaznadar ont repris le
flambeau de ce festival en créant, à Rennes, le Festival des Arts Traditionnels en
1974, l’intérêt pour la diffusion des cultures du monde en France commençait à peine
à se réveiller. Ce n’est qu’à partir des années 1980, période de création de la Maison
des Cultures du Monde, que le terme « cultures du monde » a commencé à devenir un
label porteur dans le paysage culturel français, suite à une politique volontariste de
l’Etat en direction du dialogue entre les cultures et du principe de réciprocité dans les
relations culturelles internationales.
Ainsi, le Festival de l’Imaginaire est né dans un contexte de développement du
marché des « cultures du monde ». Quelles représentations des « cultures du monde »
ce festival a-t-il mobilisé entre 1997 et 2013 ? Quelles ont été les stratégies adoptées
pour leur diffusion ?
a- Un espace pour la circulation des imaginaires des cultures étrangères
De façon générale, le Festival de l’Imaginaire a poursuivi le travail que la
Maison des Cultures du Monde avait entamé en 1982, celui de sensibiliser le public
français à la diversité des imaginaires des cultures du monde.
Pour Khaznadar, « l’imaginaire c’est le garant de la diversité. [Il affirme que]
lorsqu’on laisse aller son imaginaire, on ne peut pas copier, on ne peut pas rentrer
201 KHAZNADAR Chérif, Profession spectateur, France Culture, 27 février 1999, Archives de l’INA
68
dans des schémas préétablis, c’est l’ouverture, c’est la liberté. [Le Festival de
l’Imaginaire] représente cette diversité » 202.
Aussi, l’équipe du Festival de l’Imaginaire s’est attachée à montrer que les
cultures du monde étaient diverses et que leur diversité culturelle se manifestait au
travers des formes spectaculaires que chacune d’entre elles avaient imaginé. Pour
cela, le pari de l’équipe a été de miser sur l’inédit, en construisant une programmation
de formes spectaculaires qui n’avaient jamais été présentées en France ou qui ne
l’avaient plus fait depuis plusieurs années.
Depuis ces débuts, le FI a mis en valeur les expressions culturelles des peuples
du monde afin de témoigner de la diversité culturelle qu’il recèle. On retrouve cette
défense affichée pour la diversité culturelle dès la première édition du Festival de
l’Imaginaire : « À un moment où la mondialisation, pernicieux risque d’effondrement
des sources culturelles, étend ses tentacules, l’expérience du « divers » magnifié par
Ségalen203 se trouvera enrichie par le Festival de l’Imaginaire »204. Dans l’éditorial de
la 15ème édition du FI, on retrouve la même référence à Segalen, mobilisé ici à
nouveau pour légitimer la défense de la diversité culturelle : « Dans son Essai sur
l’exotisme, Segalen évoque (…) la notion du différent ; la perception du Divers ; la
connaissance que quelque chose n’est pas soi-même. Ce poète disait déjà : ‘Ne nous
flattons pas d’assimiler les mœurs, les races, les nations, les autres ; mais au contraire
réjouissons-nous de ne le pouvoir jamais ; nous réservant ainsi la perdurabilité du
plaisir de sentir le Divers’ »205.
En ce qui concerne l’inédit, Khaznadar signale que :
202 KHAZNADAR Chérif, « Festival de l’Imaginaire : 3ème émission », in Les chemins de la musique, France Culture, 10 mai 2000, Archives de l’INA 203 Victor Segalen (1878-1919) était un médecin, romancier, poète, ethnographe et archéologue français qui a séduit les créateurs du Festival de l’Imaginaire en raison de ces écrits sur les voyages et les séjours qu’il a réalisé au cours de sa vie en Polynésie Française, en Tahiti, aux Îles Marquises, en Chine, entre autres pays. 204 DUVIGNAUD Jean et al., « Festival de l’Imaginaire », in Premier festival de l’Imaginaire, mémoire et créations du monde, Paris, Maison des Cultures du Monde, 1997, p. 5, Document en possession de l’auteur 205 ESBER Arwad, « Édito », in 15e Festival de l'imaginaire, du 10 mars au 15 juin 2011, s.l.n.d., p. 1, Document en possession de l’auteur
69
« De nombreuses régions du monde recèlent encore des formes musicales, théâtrales ou
plastiques qu’il n’a pas été jusqu’ici donné au public européen de connaître. Tel est le
cas des polyphonies des peuples forestiers de Guinée, des danses Sameri d’Arabie
Saoudite, des chants bédouins de Jordanie, de nombreuses musiques et danses du
Yémen, de l’œuvre peinte du Taïwanais A-sun Wu. (…) Mais sans aller nécessairement
sur la route des épices ou celle de la soie, plus près de nous, dans les Balkans, nous
pouvons découvrir des chants exceptionnels, en Croatie, par exemple »206.
Par ailleurs, dans le souci de conquérir une nouvelle génération de spectateurs, le FI a
proposé dès ces débuts des manifestations qui revenaient après plusieurs années
d’absence. Par exemple, en 1998 le Festival de l’Imaginaire a programmé le
Kathakali, une forme de théâtre dansé du Kerala, au sud de l’Inde, qui n’était plus
revenue en France depuis 1985207.
b- Un dispositif pour la pénétration des pratiques spectaculaires principalement extra-occidentales
D’un autre côté, le Festival de l’Imaginaire a poursuivi le travail de
pénétration, en France, des formes spectaculaires des cultures du monde comprises
comme l’ensemble des sociétés principalement extra-occidentales.
Parmi les aires culturelles explorées entre 1997 et 2013 afin de construire la
programmation du Festival de l’Imaginaire, on peut citer, en particulier, le Pacifique,
l’Extrême-Orient, l’Asie, la Russie, le Monde arabe, la Turquie, le Monde juif,
l’Europe, l’Afrique Noire ainsi que les trois Amériques (figure 3)208. Entre 1997 et
2013, le Festival de l’Imaginaire, et avec lui la France, a rayonné dans plus de 96 pays
(figures 4 à 20)209 et a accueilli plus de 289 fois autant de peuples et de sociétés du
monde qui sont venues témoigner de leur existence en donnant à voir et à entendre
leurs formes spectaculaires. Les pays qui on circulé le plus souvent ont été l’Inde, la
206 KHAZNADAR Chérif, « Le monde et son imaginaire », in Festival de l’Imaginaire : théâtre, danse, chant, musique, exposition, colloques, films, du 13 février au 4 avril 1998, s.l.n.d., (sans pagination), Document en possession de l’auteur 207 Op. cit. 208 Voir l’annexe 3 209 Voir l’annexe 4
70
Syrie, l’Indonésie, l’Iran, Taïwan et Corée. Au sujet du rôle protagoniste de l’Inde et
de l’ombre protée sur les autres cultures, Khaznadar expliquait que :
« Depuis des années, tout un travail a[vait] été fait à propos de l’Inde ; des modes
sont passées, un engouement s’est crée. (…) D’une manière plus générale, certaines
civilisations, certaines cultures, [ont été] occultées ; soit qu’elles aient été écartées,
soit que, d’elles mêmes, elles aient choisi de rester en dehors des courants
d’exploration »210.
D’autre part, la raison pour laquelle le Festival de l’Imaginaire est un festival
principalement de formes extra-occidentales est que ses programmateurs se sont
attachés à révéler des imaginaires autres que ceux avec lesquels les Français étaient
déjà familiarisés.
Par exemple, lors de la première édition du festival, dix formes spectaculaires
se sont confrontées entre elles. J’en citerai deux. D’un côté, le Festival de
l’Imaginaire a présenté les orgues à bouche des Murung, un peuple établi au sud du
Bangladesh, à la frontière de la Birmanie. Dans le cadre du FI, les Murung ont
exécuté des polyphonies sur des ensembles d’orgues à bouches qu’ils exécutent lors
de « grandes fêtes comme le sachiakum (le sacrifice de la vache) ou le champua
(coupes des feuilles de bananier) »211. D’un autre côté, le Festival de l’Imaginaire a
invité un ensemble musical allemand, le Schnaftl Ufftschick,
« un groupe de jeunes musiciens qui s’est constitué en fanfare et qui essaye de créer
avec beaucoup d’humour mais aussi avec beaucoup de distanciation, à la
Brechtienne, (…) une sorte d’ethnomystique européenne. Ils plongent dans les
racines musicales européennes, c’est à dire, aussi bien dans Mozart, dans Wagner,
dans les chants populaires etc., et ils forment à travers ces musiques une sorte de clin
d’œil [à la] une musique écrite européenne »212.
Il est évident que le public français est plus familiarisé avec la forme « fanfare »
qu’avec la forme « ensemble d’orgues à bouche ». Dans ce sens, on comprend que le 210 GEORGEL Jacques, op. cit., p. 106 211 Premier festival de l’Imaginaire, mémoire et créations du monde, Paris, Maison des Cultures du Monde, 1997, p. 29 212 KHAZNADAR Chérif, Dépêche notes, France Musique, 19 février 1997, Archives de l’INA
71
Festival de l’Imaginaire a œuvré à faire prendre conscience au public français de sa
propre culture, mais aussi de la richesse des expressions culturelles et de la relativité
des expressions et des valeurs occidentales. On peut aussi voir ici la continuité du
projet d’action culturelle que Gründ et Khaznadar avaient initié avec la création de la
Maison des Cultures du Monde en 1982. Gründ affirmait qu’il fallait « s’interdire (…)
toute comparaison de valeur entre la culture esquimaux et celle des Aborigènes
d’Australie. Ce qui aujourd’hui compte, c’est que toutes ces formes puissent
s’exprimer, être connues, dans le respect de ce qu’elles sont, dans le respect de ce que
les générations ont fabriqué »213.
Par ailleurs, si on devait regrouper les formes spectaculaires présentées dans le
cadre du Festival de l’Imaginaire afin de pouvoir se faire une idée de celles qui ont
circulé le plus, on pourrait compter plus de 150 formes musicales, plus de 29
cérémonies et rituels et autant de formes théâtrales et chorégraphiques (figures 21 à
24)214. Les formes qui ont circulé le moins ont été les marionnettes, les ombres, la
pantomime et les contes. Cependant, il faut signaler que pour Khaznadar « le festival
s’est voulu un temps fort au cours duquel le public pourrait découvrir des formes
d’expression diverses des hommes de la planète. Pas de thème, pas de ligne directrice
autre que celle de la recherche de ces coups de cœur que peuvent provoquer des
artistes qui maîtrisent leur art au point de rendre le particulier universel. (…) »215.
Donc, les formes moins représentées ne sont pas moins ou plus importantes que celles
qui ont circulé plus fréquemment à l’intérieur de ce dispositif.
c- Les arts vivants, traditionnels et contemporains
Le Festival de l’Imaginaire a contribué à représenter les cultures du monde
comme étant des sociétés qui possèdent un répertoire d’arts vivants et traditionnels
qui se transmet de génération en génération et qui s’actualise au quotidien, en
s’adaptant au monde contemporain dans lequel ce répertoire continue à vivre.
213 GEORGEL Jacques, op. cit., p. 118 214 Voir l’annexe 5 215 KHAZNADAR Chérif, « Édito », Festival de l’Imaginaire, 8 mars - 17 avril 2005, s.l.n.d., p. 1, Document en possession de l’auteur
72
Il est important de s’arrêter ici sur la notion de tradition et sur sa relation avec le
contemporain puisque le Festival de l’Imaginaire s’est attaché à transformer l’image
stéréotypée dans laquelle on enferme parfois les sociétés traditionnelles. Cette image
stéréotypée est à l’origine du fait que, comme le faisait remarquer Gründ, pour un
ministre de la Culture, il existe une « culture à privilégier » et une « culture à
oublier », celle qui ne serait pas « présentable »216.
La programmation du Festival de l’Imaginaire comprend des formes
spectaculaires qui s’enracinent dans la tradition des peuples et des sociétés. Dans ce
sens, le Festival de l’Imaginaire, tout comme son ancêtre, le Festival des Arts
Traditionnels, est un festival d’arts traditionnels.
Ici, la tradition est comprise comme étant « un processus de transmission, une
chaîne reliant le passé au présent »217. Et ce qui se transmet dans la tradition c’est « un
patrimoine propre à une collectivité donnée »218. Dans ce sens, le Festival de
l’Imaginaire est un dispositif de transmission des patrimoines propres à des
collectivités données. Pour Aubert, les traditions scéniques et musicales que le
Festival de l’Imaginaire réunit depuis 1997, font référence à des arts d’origine
ancienne, fidèles à leurs sources dans leurs principes ou dans leurs formes et dans
leurs occasions de jeu. Ces traditions sont basées sur une transmission orale de leurs
règles, de leurs techniques et de leurs répertoires. Elles sont liées à un contexte
culturel où elles ont une place et souvent une fonction précise.
Par ailleurs, ces traditions sont porteuses d’un ensemble de valeurs et de vertus
qui leur donnent leur sens et leur efficacité au sein de ce contexte. Aussi, ces
traditions sont liées à un réseau de croyances et de pratiques, parfois rituelles, dont
elles tirent leur substance et leur raison d’être.219 Aubert signale également que
tradition ne veut pas dire pureté originelle, ni passé intact, ni absence d’évolution ou
de développement ; les formes traditionnelles sont vivantes, elles changent, elles
216 GEORGEL Jacques, op. cit., p.114 217 AUBERT Laurent, La Musique de l’autre. Les nouveaux défis de l’ethnomusicologie, Genève, Georg, 2001, p. 34 218 AUBERT Laurent, op. cit. 219 Op. cit., p. 39
73
expriment leur époque en manifestant les confluences et les étapes qui ont marqué
leur production. 220
D’un autre côté, les arts traditionnels impliquent un ensemble de savoirs, de
pratiques et de répertoires scéniques d’un peuple qui ont une signification et un rôle
au sein de leur contexte de création. Ces traditions se développent au cours du temps
et les connaître, c’est savoir identifier leurs stades d’évolution, leurs mutations, les
événements et les influences qui les ont marquées. 221
- Le cas des marionnettes sur eau du Viêt-Nam
Figure 29 : Marionnettes sur Eau du Viêt-Nam à l’honneur au Festival de l’Imaginaire222
L’importance accordée par le Festival de l’Imaginaire à cette association entre
la tradition et la transmission au moyen de la création contemporaine apparaît
clairement dans le travail que Gründ et Khaznadar ont réalisé avec les marionnettes 220 Op. cit 221 Op. cit., p. 34 222 VN84 2862, Vietnam. Mua Roi Nûoc, Marionnettes sur eau, Archives de la Maison des Cultures du Monde
74
sur eau du Vietnam. Cette forme a été à l’honneur dans le cadre du 10ème Festival de
l’Imaginaire (2006). Il s’agit d’une forme spectaculaire qui s’était présentée pour la
première fois en France en 1984223 dans le cadre de la programmation de la Maison
des Cultures du Monde. Khaznadar signale que « les autorités vietnamiennes, à
l’époque, ne considéraient absolument pas cette forme comme pouvant représenter la
culture vietnamienne et (...) refusaient systématiquement d’avoir accès à elle et
surtout de la faire venir » 224.
Cependant, après plusieurs années de négociations avec le gouvernement du
Viêt-Nam, Khaznadar a réussi à les convaincre de la valeur que les marionnettes sur
eau représentaient vis-à-vis de la richesse des expressions culturelles de l’humanité.
De nos jours, « on sait le succès qu’a eu ce spectacle à travers le monde et le nombre
de troupes qui, aujourd’hui, toutes très officiellement, représentent le Viêt-Nam à
l’étranger »225.
À partir de cette expérience, Khaznadar affirme que le mépris manifesté vis-à-
vis des formes traditionnelles d’un pays est dû à un :
« Complexe chez certains intellectuels qui sont très souvent (…) hauts responsables,
dans leur pays d’origine, (…) qui ont gardé comme critère de ce qui est la culture, la
culture occidentale. C’est comme ça qu’on a vu se développer à travers le monde des
orchestres symphoniques à l’occidentale, des théâtres à l’occidentale, alors que sur
place les musiques traditionnelles, les musiques locales, les musiques du pays
n’étaient pas enseignées et étaient laissées à l’abandon parce que ça ne faisait pas
chic » 226.
Enfin, Khaznadar signale qu’ « [on] ne pouvez être [soi] même que si [on]
respecte [son] patrimoine et c’est la diversité de ce patrimoine qui fait la richesse de la
culture et pas cette tendance, cette volonté à vouloir copier le modèle dominant qui
223 « Mua roi nuo c, Les marionnettes sur eau du Viêt-nam », in Festival de l’Imaginaire, du 23 février au 9 avril 2006, s.l.n.d., p. 32, Document en possession de l’auteur 224 KHAZNADAR Chérif, « Françoise Gründ et Chérif Khaznadar », in Agora, France Culture, 01 janvier 1997, Archives de l’INA 225 Op. cit. 226 Op. cit.
75
actuellement est celui occidental »227. Afin d’éviter le piège de l’hégémonie du
modèle culturel occidental, le Festival de l’Imaginaire brandit le drapeau de la
diversité culturelle ainsi que celui d’un dialogue permanent des cultures. L’exemple
des marionnettes sur eau du Viêt-Nam permet de signaler l’importance pour les États
de disposer d’un espace permanent à l’étranger où ils puissent exprimer leur culture
et, de ce fait, rayonner. C’est le modèle de domination culturelle au moyen
d’institutions telles que l’Alliance française ou le Goethe Institute qui est utilisé ici au
profit des pays dits « Émergeants ». De plus, l’hégémonie du modèle culturel
occidental va être combattu en créant une nouvelle discipline scientifique,
l’ethnoscénologie.
d- Un dispositif pour l’étude des pratiques spectaculaires extra-occidentales
Le Festival de l’Imaginaire a également continué à provoquer l’étude des
formes spectaculaires des cultures du monde. Cependant, le pari de l’équipe du
Festival de l’Imaginaire était de faire comprendre que les arts vivants et traditionnels
des sociétés extra-occidentales ne pouvaient pas être étudiés en projetant sur eux une
vision eurocentrique. Ces préoccupations ont donné lieu à l’émergence d’une nouvelle
discipline : l’ethnoscénologie.
Cette discipline a été fondée en 1995 par la Maison des Cultures du Monde en
collaboration avec l’Université Paris VIII Vincennes-Saint-Denis afin « d’étudier les
pratiques spectaculaires du monde dans leur diversité, sans prendre (…) le théâtre
occidental comme critère »228. Dans l’acte de fondation du Centre international
d’ethnoscénologie, Khaznadar signalait que « cette initiative [était] née (…) d’une
vingtaine d’années de contact, de recherches, de demandes, de volontés exprimées par
des dizaines d’amis, de partenaires, de créateurs, à travers le monde (…) » 229. Donc,
227 Op. cit. 228 KHAZNADAR Chérif, « Les arts Traditionnels », in Les spectacles des autres, questions d’ethnoscénologie II, Revue Internationale de l’Imaginaire n. 15, Maison des Cultures du Monde, Babel, 2001, pp. 17-23 229 KHAZNADAR Chérif, Acte de fondation du Centre international d’ethnoscénologie, in La scène et la terre. Questions d’ethnoscénologie, Internationale de l’Imaginaire, n. 5, Paris, Actes Sud, Babel, 1996, p. 278
76
l’éthnosénologie a été créée par la volonté d’un groupe de personnes soucieuses
d’élargir le champ des études théâtrales.
En 1996, l’ethnoscénologie a été définie comme une discipline qui permet
d’« élargir l’étude du théâtre occidental aux pratiques spectaculaires du monde entier,
en particulier celles relevant du rite [et] du cérémoniel (…), sans projeter sur ces
pratiques une vision européocentriste » 230.
Par ailleurs, en créant cette nouvelle discipline, Gründ et Khaznadar ont
préfiguré la raison d’être du Festival de l’Imaginaire pendant ses premières années,
celle de réunir les « pratiques spectaculaires du monde entier, en particulier celles qui
relèvent du rite, du cérémonial, des cultural performances (pratiques culturelles) »231 .
Ceci afin de les présenter au public français, certes, mais aussi afin de les étudier et de
susciter leur appropriation à partir d’un point de vue non européocentriste.
Lors de la présentation du colloque d’inauguration du Centre International
d’Ethnoscénologie232, on affirmait que « les formes de spectacles aussi différentes que
le Nô des sept cerfs ou le Kagura du Japon, le Kut ou le Pansori de Corée, le Gambuh
ou le Calonarang de Bali, le Teyyam ou le Yakshgana de l’Inde, le Tchiloli de Sao
Tomé, la Chronique des sultans Bamum du Cameroun (…) seront, lors de leur
présentation à la Maison des Cultures du Monde, systématiquement explorées par une
équipe de chercheurs qui en établiront un relevé ainsi qu’une analyse structurelle »233.
Autant de formes spectaculaires que le Festival de l’Imaginaire a réunies, non
seulement au profit des chercheurs en ethnoscénologie, mais aussi toujours dans un
souci de faire prendre conscience du fait que la diversité culturelle peut s’exprimer et
être comprise au travers des formes spectaculaires que chaque société a développées
en son sein.
Aussi, c’est par ce volet didactique du Festival de l’Imaginaire, celui qui
permet de mieux comprendre que les sociétés extra-occidentales ont développé leur 230 PAVIS Patrick, « Ethnoscénologie », op. cit., p. 125 231 Ibid. 232 Le colloque d’inauguration du Centre International d’Ethnoscénologie s’est déroulé le 3 et 4 mai 1995 à l’UNESCO et à la Maison des Cultures du Monde 233 Colloque de création du Centre International d’Ethnoscénologie, les 3 mai et 4 mai 1995, s.l.n.d., 6 p., P.INT.8/7, Archives de la Maison des Cultures du Monde
77
propre imaginaire, que celui-ci peut être saisi au travers de leurs arts vivants mais
surtout que l’imaginaire est une des sources de la diversité culturelle.
Un exemple de développement des imaginaires des sociétés extra-occidentales peut
être celui, cité par Gründ au milieu des années 1980 :
« (Même si tous les peuples ont érigé, en forme exceptionnelle, la musique et la
parole, puis la gestuelle), dans une société centre-africaine, chez les Gbaya Bodoe en
particulier, il n’existe aucun mot pour désigner la musique, le chant. Ces gens
constituent une société collectiviste où l’anonymat est la règle primordiale (…). Pas
de mot pour « auditeur », non plus, et pas davantage pour « spectateur » »234.
Le volet didactique du Festival de l’Imaginaire s’est aussi exprimé au travers
de l’organisation de colloques, tables rondes et rencontres qui ont abordé des
questions relatives à la diversité et à l’identité culturelle via les arts du spectacle
vivant. Une vision sur l’ensemble des thématiques abordées (figure 28)235 lors des
différentes rencontres qui se sont organisées dans le cadre du FI montre une
préoccupation de donner les clés qui permettent de déchiffrer les pratiques
spectaculaires des cultures du monde ainsi que de comprendre qu’il n’existe pas que
les grilles de lecture imaginées par la civilisation occidentale, afin de comprendre le
monde. Une analyse détaillée des rencontres qui ont été organisées autour de sujets
tels que « le corps caché » (1997), « la voix transformée » (1998), « Identité et les
nationalismes » (1998), « la tradition et la création » (2002), « l’influence du Japon
sur la scène occidentale » (2004), « le patrimoine culturel immatériel en France
d’Outre-mer » (2006), entre autres, pourrait enrichir davantage la compréhension sur
la manière dont le Festival de l’Imaginaire a abordé le phénomène des cultures du
monde entre 1997 et 2013.
En 2010, Arwad Esber, directrice du Festival de l’Imaginaire depuis 2007,
signalait l’importance du volet didactique du festival :
234 GEORGEL, Jacques, op. cit., p. 112 235 Voir l’annexe 9
78
« Il faut avoir des codes; les codes nous les donnons. Le principe c’est de ne pas être
dans un regard exotique. Il faut comprendre un peu, avoir quelques clés pour pouvoir
appréhender, pour comprendre. Sinon, on est en train d’admirer quelque chose qu’on
trouve beau, qu’on ne comprend pas. Et là on tombe complètement dans l’exotisme.
Il n’est pas du tout question d’exotisme. Il est question de connaissance et de savoir.
Et ces clés nous les donnons que se soit dans les programmes que nous distribuons au
public, que se soit dans une présentation que nous faisons en amont »236.
e- Un espace pour contribuer à la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel
Enfin, le Festival de l’Imaginaire a continué à sensibiliser le public aux
dangers que la mondialisation culturelle fait peser sur la diversité des formes
spectaculaires des cultures du monde.
À partir de 2004, le point de vue adopté afin de mobiliser le public du festival
autour des problématiques de la mondialisation culturelle s’est transformé. Au début
du XXIe siècle, le Festival de l’Imaginaire est devenu un espace pour la réflexion sur
les enjeux et les problématiques soulevés par la Convention de l’UNESCO pour la
sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, élaborée en 2003. Les
formes spectaculaires présentées dans le cadre du FI ont commencé à être diffusées
non seulement à partir du discours de l’ethnoscénologie mais aussi et surtout à partir
du discours relatif au patrimoine culturel immatériel.
236 ESBER Arwad, Culture vive, France Inter, 18 mars 2009, Archives de l’INA
79
III. LE FESTIVAL DE L’IMAGINAIRE, VECTEUR DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL DE L’HUMANITÉ
Pendant ses premières années d’existence, le Festival de l’Imaginaire se
définissait comme une « scène ouverte aux peuples et civilisations du monde
contemporain et à leurs formes d’expression les moins connues ou les plus rares »237.
Sa vocation était de réunir « de grands maîtres de la tradition et de jeunes artistes
soucieux d’enrichir et de renouveler un art souvent séculaire »238. À la fin de la
première décennie du XXIe siècle, cette définition s’est quelque peu transformée sans
que la vocation de ce festival ne cesse d’être la même pour autant. Aujourd’hui, le
Festival de l’Imaginaire réuni « de grands maîtres du patrimoine dans les domaines de
la musique, de la danse, du théâtre et des performances rituelles [ainsi que] leurs
jeunes disciples » 239. Ce qui interpelle c’est que la notion de « tradition » a été
remplacée par celle de « patrimoine ». Bien que présente dans le discours qui encadre
le Festival de l’Imaginaire depuis ces origines, ce n’est qu’au début du XXIe siècle
que cette notion a commencé à être fortement mobilisée pour définir le contenu de ce
festival, notamment après l’adoption, en 2003, de la Convention de l’UNESCO pour
la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
Afin de rendre compte de cette transformation récente, dans une première
partie, je m’interrogerai sur le lien qui existe aujourd’hui entre le Festival de
l’Imaginaire et le patrimoine culturel immatériel en tant que notion mobilisée par
l’UNESCO. J’étudierai principalement la façon dont la notion de patrimoine culturel
immatériel a été adoptée par le Festival de l’Imaginaire comme une nouvelle clé mise
à disposition de son public afin de continuer à connaître les cultures étrangères au
237 « Le Festival de l’Imaginaire », in La Maison des Cultures du Monde, s.l.n.d., (sans pagination), non coté, Archives de la Maison des Cultures du Monde 238 « Le Festival de l’Imaginaire », in Maison des Cultures du Monde, Paris, mars 1999, (sans pagination), non coté, Archives de la Maison des Cultures du Monde 239 « Le grand rendez-vous annuel : Le Festival de l’Imaginaire », in Mission et histoire de la Maison des cultures du Monde, l’association référente en France en matière de patrimoine culturel immatériel, disponible sur <http://www.festivaldelimaginaire.com/-Presentation-.html>, consulté le 11 avril 2013
80
travers de leurs formes spectaculaires. D’autre part, dans le but rendre compte du
mode de fonctionnement du Festival de l’Imaginaire en tant que dispositif
d’illustration, de diffusion et de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, je
prendrai l’exemple de la prospection puis de la postérieur présentation des Pleureuses
de Colombie dans le cadre du 10ème Festival de l’Imaginaire (2006).
1. Le Festival de l’Imaginaire et le patrimoine culturel immatériel
a- Une nouvelle clé pour sensibiliser le public
Le Festival de l’Imaginaire s’est attaché à construire une image des cultures
étrangères autour de leurs pratiques spectaculaires. On peut distinguer deux temps
dans le développement de l’image que ce festival a véhiculé vis-à-vis de ces cultures.
Un premier temps pendant lequel le public du festival a été sensibilisé au
développement des arts traditionnels et vivants des cultures étrangères. Puis, un
deuxième temps pendant lequel le Festival de l’Imaginaire à fait prendre conscience
de la valeur du patrimoine culturel immatériel des cultures étrangères.
Le Festival de l’Imaginaire a tout d’abord voulu faire comprendre que les arts
traditionnels des cultures étrangères faisaient partie de la création contemporaine,
qu’ils étaient vivants et qu’ils ne représentaient pas que des objets de musée. En
même temps, la notion de formes spectaculaires a pris le dessus par rapport aux
notions d’arts traditionnels ou d’expressions culturelles qui avaient été mobilisées
auparavant. Dans l’éditorial de la première édition, les festivaliers étaient conviés à
vivre avec intensité le rassemblement de « quelques-unes [des] manifestations du
génie des peuples »240. Dans ce même éditorial, on affirmait que le « Festival de
l’Imaginaire s’appu[yait] autant sur les expressions de la mémoire que sur celles de la
créativité actuelle »241. La 3ème édition du Festival de l’Imaginaire, quant à elle,
insistait à nouveau sur le lien entre la tradition et le monde contemporain. L’éditorial
exhortait les festivaliers à la découverte : « Découverte est le maître mot du Festival 240 DUVIGNAUD Jean et al., « Festival de l’Imaginaire », in Premier Festival de l’Imaginaire, mémoire et créations du monde, Paris, Maison des Cultures du Monde, 1997, p. 5, Document en possession de l’auteur 241 Ibid
81
de l’Imaginaire. Découverte d’expressions vivantes de la mémoire et de la créativité
(…), découverte de formes spectaculaires »242 . Enfin, en 2002, le Festival de
l’Imaginaire a organisé trois tables rondes autour de la relation entre tradition et
création. Un des fil conducteurs qui a guidé ces rencontres consistait à interroger les
formes traditionnelles en tant que « création[s] permanente[s] de leurs interprètes à
partir d’un savoir-faire que leur ont transmis leurs ancêtres »243. Dans cette première
étape du Festival de l’Imaginaire, la création artistique a été au cœur de la
construction de l’image des cultures étrangères.
À partir de 2004, un changement est survenu au niveau de l’image des cultures
étrangères diffusée par le Festival de l’Imaginaire. L’éditorial de la 8ème édition de ce
festival précisait que ce dernier était « dédié encore une fois au patrimoine culturel en
renouvellement constant de l’humanité »244. Cependant, aucune mention explicite au
patrimoine culturel n’avait été faite auparavant dans les éditoriaux du Festival de
l’Imaginaire. Cela témoigne d’un virage terminologique qui indique l’émergence
d’une nouvelle sensibilité envers les cultures étrangères. Au cours de la première
décennie du XXIe siècle, le Festival de l’Imaginaire a été réorienté dans le but de
sensibiliser son public au fait que les formes spectaculaires des cultures étrangères
relèvent du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Le Festival de l’Imaginaire
a ainsi renoncé à se positionner dans le créneau des arts contemporains pour se faire
une place dans le domaine du patrimoine culturel immatériel. Ceci est en relation avec
l’adoption par l’UNESCO, en 2003, de la Convention pour la sauvegarde du
patrimoine culturel immatériel. Avant d’aborder la relation entre la Convention de
l’UNESCO et le Festival de l’Imaginaire, il est intéressant de rendre compte ici la
façon dont la notion de patrimoine culturel avait été mobilisée par les créateurs du
Festival de l’Imaginaire dès leur action à Rennes, dans les années 1970.
En 1974, Khaznadar affirmait, au sujet du Festival des Arts Traditionnels de
Rennes : « Nous puiserons aux sources vives du patrimoine culturel universel et à
celles, ardentes, de la création contemporaine qui recèle les promesses de la culture de 242 « Festival de l’Imaginaire 1999 », in Festival de l’Imaginaire, 11 mars - 16 avril, s.l., Maison des Cultures du Monde, 1999, p. 3, Document en possession de l’auteur 243 « Trois tables rondes. Tradition-Création », in 6ème Festival de l’Imaginaire, 5 mars - 7 avril 2002, s.l., Maison des Cultures du Monde, 2001, p. 11, Document en possession de l’auteur 244 KHAZNADAR Chérif, « Édito », in 8ème Festival de l’Imaginaire, 3 mars - 4 avril 2004, s.l., Maison des Cultures du Monde, 2004, p. 3, Document en possession de l’auteur
82
demain »245. Par ailleurs, en 1985, Gründ et Khaznadar manifestaient leur intérêt pour
continuer à « inventorier le patrimoine global des cultures de l’humanité »246 au
travers de la Maison des Cultures du Monde. Cette association « compt[ait] aborder
les cultures étrangères [par] la présentation ponctuelle de spectacles traditionnels ou
contemporains, témoins du patrimoine et de la créativité des autres pays »247. Puis, en
1998, Khaznadar expliquait que le Festival de l’Imaginaire réunissait des formes
spectaculaires « qui font partie des grandes formes mythiques du patrimoine culturel
de l’humanité »248.
Depuis les années 1970, les différents dispositifs dirigés par Khaznadar
portaient en eux l’idée que les formes d’expression des cultures étrangères faisaient
partie du patrimoine culturel de l’humanité. À partir des années 2000, cette idée est
devenue le fil conducteur du Festival de l’Imaginaire. Se pose alors la question de
savoir comment est-ce que ce dispositif a adopté la notion de patrimoine culturel
immatériel afin de continuer à sensibiliser son public à la diversité culturelle ?
b- Une notion de l’UNESCO
Au premier abord, le terme de patrimoine connote l’idée d’un bien. Or, la
notion de bien se réfère plutôt au domaine du matériel. Le fait que des formes
spectaculaires soient considérées comme un patrimoine – donc comme des biens –
s’explique, en partie, en raison du travail effectué par l’UNESCO dans le domaine des
politiques de la culture. Afin de comprendre comment le Festival de l’Imaginaire s’est
attaché à émettre l’idée que les cultures du monde possèdent un patrimoine culturel
qu’il est important de connaître et de reconnaître, il est nécessaire de se référer à
l’apparition de la notion de patrimoine culturel au sein de l’UNESCO.
245 KHAZNADAR Chérif, « Liberté, culture et ennui », in Confluent, n.1, janvier 1974, (sans pagination), non coté, Archives de la Maison des Cultures du Monde 246 GEORGEL Jacques, Sur la piste des cultures du monde, Paris, Pierre Marcel Favre, 1985, p. 112 247 « Lieu de rencontres et de confrontations : La Maison des Cultures du monde va ouvrir ces portes à Paris », in Est Républicain, 27 juillet 1982, Revue de presse MCM 1982, non coté, Archives de la Maison des Cultures du Monde 248 KHAZNADAR Chérif, « Les magiciens de la Terre », in Transversales, 01 mars 1998, non coté, Revue de presse FI 1998, Archives de la Maison des Cultures du Monde
83
En 1966, l’UNESCO a adopté la Déclaration de principes de la coopération
culturelle internationale « en déclarant que chaque culture avait une dignité et une
valeur qui devait être respectée et préservée, que chaque personne avait le droit et le
devoir de développer sa culture et que toutes les cultures faisaient partie du
patrimoine commun appartenant à toute l’humanité » 249. Cette Déclaration est à
l’origine du fait que la notion de patrimoine culturel de l’humanité soit devenue
centrale dans les politiques de l’UNESCO250. Au début du XXIe siècle, cette notion
est également devenue centrale dans la vie du Festival de l’Imaginaire.
Une des premières actions de sensibilisation à un patrimoine culturel de l’humanité
menée par l’UNESCO a été celle qui a concerné la sauvegarde des monuments de
Nubie, en Egypte (1960). Au début, la notion de patrimoine culturel de l’humanité a
donc été rattachée au domaine du patrimoine bâti, c’est à dire au patrimoine matériel.
Or, dans le cadre du Festival de l’Imaginaire, il est plutôt question d’un patrimoine
immatériel.
La notion de patrimoine culturel immatériel est apparue suite à la Convention
de l’UNESCO concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel
(1972). Bien que cet instrument législatif ait été limité « aux monuments, aux groupes
de bâtiments et aux sites » 251, les discussions qui ont précédé son adoption ont
soulevé la question de la protection du patrimoine immatériel. Cependant, « les
aspects juridiques des droits de la propriété intellectuelle collective n’ayant pas été
clairement définis, il fut décidé de ne pas [y] inscrire les expressions du patrimoine
culturel immatériel » 252. La question de ce patrimoine ne fut rediscutée que lors de la
Conférence mondiale sur les politiques culturelles (1982) suite à laquelle la notion de
culture a été élargie aux « visions du monde, [aux] systèmes de valeurs et [aux]
croyances (…) [ainsi qu’aux] formes d’expression à travers lesquels ces valeurs sont
transmises » 253 . En conséquence, cette conférence a approuvé « une nouvelle
249 « L’élaboration d’une convention », in Patrimoine Culturel Immatériel, Paris, UNESCO, s.d., (sans pagination) 250 Ibid 251 Ibid 252 Ibid 253 Ibid
84
définition du patrimoine culturel, englobant les œuvres tant matérielles
qu’immatérielles (…) » 254.
Il est important de signaler ici que lors de cette conférence François Mitterrand a
annoncé la création à Paris de la Maison des Cultures du Monde et de sa mission :
« favoriser les échanges et les dialogues entre les formes d’expression et les identités
culturelles des peuples du monde »255. En 1997, la Maison des Cultures du Monde a
crée le Festival de l’Imaginaire et, à partir de 2004, ce festival a commencé à
sensibiliser son public au patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
c- Un dispositif pour l’illustration, la diffusion et la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel
- Illustrer le patrimoine culturel immatériel
Le Festival de l’Imaginaire est une émanation de la Maison des Cultures du
Monde tout comme un dispositif qui véhicule et met en pratique les politiques
internationales de promotion de la diversité culturelle prônées par l’UNESCO. En
2003, cette organisation a adopté la Convention pour la sauvegarde du patrimoine
culturel immatériel. Cette Convention est le résultat des réflexions de l’UNESCO
concernant les politiques de protection du patrimoine vivant de l’humanité « compte
tenu des menaces que peuvent induire les modes de vie contemporains et les
processus de mondialisation » 256 même si ceux-ci peuvent également provoquer « un
dialogue renouvelé entre les communautés »257. Cette Convention « met l’accent sur
la reconnaissance légale des expressions et des traditions, sans distinction
hiérarchique entre celles-ci » 258. Cette reconnaissance « repose sur l’importance de ce
patrimoine vivant pour le sentiment d’identité et de continuité des communautés au
254 Ibid 255 Publication dans le Journal officiel de la République française du 13 mai 1982, in Dossier « Documents pour le Centre de documentation », 1 p., non coté, Archives de la Maison des Cultures du Monde 256 « L’élaboration d’une convention », op. cit. 257 « Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel », in Textes fondamentaux de la Convention de 2003 pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, Paris, UNESCO, 2012, p. 3 258 Op. cit.
85
sein desquelles il est créé, transmis et recrée » 259. Mais surtout, cette Convention
exhorte les États qui la ratifient à reconnaître que la diversité culturelle existe dans la
mesure où les différentes communautés établies à l’intérieur du territoire qui est sous
leur autorité, existent aussi. De ce fait, les États qui ratifient la Convention s’engagent
à protéger leurs communautés en adoptant des mesures qui permettent de les
répertorier puis de sauvegarder leur culture. L’importance de cette Convention repose,
en partie, sur le fait qu’elle induit une prise de conscience, à l’échelle internationale,
de la valeur, non hiérarchisée, des créations spectaculaires des individus et de la
collectivité à laquelle ils appartiennent.
En 2004, l’éditorial du 8ème Festival de l’Imaginaire signalait l’importance de
cette Convention et soulignait le fait que la Maison des Cultures du Monde, depuis sa
création, avait consacré tous ces efforts « à l’illustration, la diffusion et la
sauvegarde de ce patrimoine »260. Le Festival de l’Imaginaire, en tant que vitrine de la
Maison des Cultures du Monde, s’est également attaché à illustrer, diffuser et
sauvegarder le patrimoine culturel immatériel au travers des présentations de
traditions et expressions orales, arts du spectacle et pratiques sociales, rituels et
événement festifs. Or, la Convention signale que le patrimoine culturel immatériel se
manifeste dans tous ces domaines ainsi que dans le champ des connaissances et des
pratiques concernant la nature et l’univers et les savoir-faire liés à l’artisanat
traditionnel261.
Entre 1997 et 2013, le Festival de l’Imaginaire a donné à voir et à entendre
plus de 30 formes spectaculaires qui ont été inscrites, par la suite, soit dans la Liste
représentative du patrimoine culturel immatériel, soit dans la Liste du patrimoine
culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente. En effet, afin d’« assurer une
meilleure visibilité du patrimoine culturel immatériel, faire prendre davantage
conscience de son importance et favoriser le dialogue dans le respect de la diversité
culturelle » 262, la Convention a prévu de tenir à jour et de publier une Liste
représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Cette liste est
259 Ibid 260 KHAZNADAR Chérif, « Édito », in 8e Festival de l’Imaginaire, 3 mars - 4 avril 2004, s.l., Maison des Cultures du Monde, 2004, p. 3, Document en possession de l’auteur 261 « Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel », op. cit., p. 5 262 Ibid, p. 11
86
conformée par les éléments du PCI que le Comité intergouvernemental de sauvegarde
de ce patrimoine a sélectionné suite aux propositions d’inscriptions d’éléments du PCI
réalisées par les États parties. De 2008 à 2012, le Comité a inscrit 257 éléments sur
cette liste.
D’autre part, la Convention a prévu d’élaborer une seconde liste, la Liste du
patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente. Le but de cette
deuxième liste est de « mobiliser les efforts concertés de diverses parties prenantes en
vue de sauvegarder le patrimoine culturel immatériel en péril par des mesures
d’urgence culturellement adaptées »263. Il s’agit d’une liste d’éléments nécessitants
des mesures de sauvegarde urgente pour assurer leur transmission. De 2009 à 2012, le
Comité a inscrit 31 éléments sur cette liste.
Parmi les formes spectaculaires qui ont été présentées dans le cadre du
Festival de l’Imaginaire et qui ont été inscrites, par la suite, dans une des listes de
l’UNESCO, on peut citer la musique Marimba et les chants traditionnels de la région
sud du Pacifique colombien, les dessins sur le sable du Vanuatu ou l’art des Akyn,
conteurs épiques Kirghiz du Kirghizistan.264
En 2013, l’articulation entre le Festival de l’Imaginaire et le patrimoine
culturel immatériel est évidente. La presse a intégré la nouvelle identité du festival et
des formules telles que « Le patrimoine culturel de l’humanité a son festival »265
s’utilisent pour en parler. Dans cet article, on affirme que « la Maison des cultures du
monde qui organise le Festival de l’imaginaire fut l’une des premières institutions
culturelles à reconnaître l’importance de la diversité des expressions culturelles sur la
planète. L’une des premières aussi à se prononcer en faveur de leur reconnaissance
par les Nations unies » 266.
263 « Introduction », in Liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente, 2010-2011, UNESCO, s.d.n.l 264 Voir l’annexe 10 265 DANA Jean Yves, « le patrimoine culturel de l’humanité a son festival », in La Croix, 15 mars 2013, disponible sur <http://www.la-croix.com/Culture/Actualite/Le-patrimoine-immateriel-de-l-humanite-a-son-Festival-_NG_-2013-03-15-921342>, consulté le 2 juin 2013 266 Ibid
87
Il est important de rappeler ici que le Festival de l’Imaginaire porte en lui
l’empreinte des relations antérieures que les dispositifs dont il prolonge la mémoire
ont maintenu avec l’UNESCO. D’abord, en tant qu’héritier du festival du Théâtre des
Nations, créé à Paris, sous la commande de l’UNESCO et dirigé par Claude Planson,
entre 1957 et 1965. Puis, en tant que reflet du Festival des Arts Traditionnels de
Rennes, dirigé par Gründ et Khaznadar entre 1974 et 1982. À cette époque,
Khaznadar avait été élu Conseiller permanent du Théâtre du « Tiers-Monde » auprès
de l’Institut International du Théâtre 267, une organisation non gouvernementale
accréditée par l’UNESCO en 1948.
Aujourd’hui, le Festival de l’Imaginaire maintient une relation avec
l’UNESCO au travers de la présence que Chérif Khaznadar – directeur de la Maison
des Cultures du Monde entre 1982 et 2007, directeur du Festival de l’Imaginaire entre
1997 et 2007, puis Président de la Maison des Cultures du Monde depuis 2007 –
continue à assurer auprès de cette organisation. D’une part, en 1993, Khaznadar a
participé à la Conférence internationale sur les nouvelles perspectives du Programme
du patrimoine immatériel de l’UNESCO, conférence qui a fait partie des instances de
réflexions antérieures à l’élaboration de la Convention de 2003. Khaznadar signale
que, lors de cette Conférence, l’ensemble des participants « ont conseillé à
l’UNESCO d’être vigilante sur une série de points qui préfiguraient déjà l’esprit de la
Convention qui sera établie dix ans plus tard »268. De ce fait, Khaznadar se pose
comme garant de l’esprit de cette Convention, mais aussi comme expert du
patrimoine culturel immatériel. Aussi, depuis 1997, Khaznadar est Président du
Comité Culture de la Commission Nationale Française pour l'UNESCO. Dès lors, il
participe en tant qu’expert gouvernemental aux rencontres internationales sur le
patrimoine culturel immatériel. On peut comprendre que les relations entretenues par
Khaznadar avec l’UNESCO ont contribué, en partie, au fait que le Festival de
l’Imaginaire soit devenu un dispositif de diffusion du patrimoine culturel immatériel.
267 GUIARD Hippolyte, « Une page se tourne », in Confluent, n. 1, janvier 1974 (sans pagination), non coté, Archives de la Maison des Cultures du Monde 268 KHAZNADAR Chérif, « Avant-propos », in Le patrimoine culturel immatériel. Premières expériences en France, Internationale de l’Imaginaire, n. 25, Paris, Actes Sud, Babel, 2011, p. 12
88
- Diffuser le patrimoine culturel immatériel
En raison de sa filiation au label de l’UNESCO de patrimoine culturel
immatériel, le Festival de l’Imaginaire a quelque peu abandonné sa stratégie de
diffusion et de sensibilisation aux formes spectaculaires au travers de
l’ethnoscénologie. Bien le Colloque International d’Ethnoscénologie s’organise
toujours dans le cadre du Festival de l’Imaginaire, l’espace ouvert par la Convention
de 2003 a pris le dessus sur celui qui avait été consacré à l’ethnoscénologie les années
précédentes.
À partir de 2004, le Festival de l’Imaginaire a accueilli les Journées du
patrimoine culturel immatériel. Il s’agit de journées « de réflexion et de travail avec
les professions concernées par la convention [de 2003] et soucieuses d’illustrer et de
promouvoir la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel »269. Au sujet de ces
rencontres, Khaznadar, en tant que président de la Commission national française
pour l’UNESCO, signale que :
« L’une des missions de [cette] Commission (…) étant d’établir un lien entre la
société civile et les programmes de l’Unesco, [il] décidai d’organiser le 6 avril 2004,
(…) dans le cadre du Festival de l’Imaginaire, et de bénéficier ainsi de la médiation
de ce festival, une première Journée du patrimoine culturel immatériel afin de faire
connaître à tous ceux qui pouvaient être concernés par le Convention cette dernière.
(…) L’intérêt suscité par cette première journée [l’a mené] à la renouveler tous les
ans depuis, abordant à chaque fois un thème de réflexion différent » 270.
Entre 2005 et 2013, lors de ces rencontres, le patrimoine culturel immatériel a
été exploré au niveau de sa définition271, de ses effets272, des modalités de sa
transmission273 et des raisons pour sa sauvegarde274, mais aussi au niveau des enjeux
269 « Patrimoine culturel immatériel. Une table ronde CNF/UNESCO », in Festival de l’Imaginaire, 8 mars - 17 avril 2005, s.l.n.d., p. 11 270 KHAZNADAR Chérif, « Avant-propos », op. cit., p. 16 271 2ème Journées du Patrimoine Culturel Immatériel, 2005 : Qu’est-ce que le patrimoine culturel immatériel ? et 9ème Journées du Patrimoine Culturel Immatériel, 2012 : Le patrimoine, oui, mais quel patrimoine ? 272 7ème Journées du Patrimoine Culturel Immatériel, 2010 : Les effets pervers 273 8ème Journées du Patrimoine Culturel Immatériel, 2011 : Transmettre, oui, mais comment ? 274 6ème Journées du Patrimoine Culturel Immatériel, 2009 : Sauvegarder ? Pourquoi ?
89
qu’il peut représenter pour les pays européens275. D’autre part, d’autres modèles de
sauvegarde ont été étudiés, notamment ceux qui ont été mis en place par les pays
d’Extrême-Orient276, pays précurseurs dans les modèles de préservation du patrimoine
culturel immatériel. Enfin, la réflexion a été orientée vers des cas spécifiques tels que
le patrimoine culturel immatériel des départements et territoires d’outre-mer277 ou
bien vers la relation entre le patrimoine culturel immatériel et une de ses
composantes, comme par exemple, sa relation avec les animaux278.
Ainsi, au cours de la première décennie du XXIe siècle, le Festival de
l’Imaginaire s’est affiché comme un dispositif pour la diffusion du patrimoine culturel
immatériel. Ce tournant vers le domaine du patrimoine culturel immatériel est
palpable lorsqu’on compare les thématiques abordées avant et après 2004 dans le
cadre des différentes rencontres organisées par le Festival de l’Imaginaire (figure
28)279.
- Sauvegarder le patrimoine culturel immatériel
D’autre part, le Festival de l’Imaginaire a également contribué à la sauvegarde
des cultures menacées par les effets contreproductifs de la mondialisation de la
culture. Tout comme la fonction de diffusion du patrimoine culturel immatériel, la
vocation de sauvegarde de ce festival s’est exprimée à plusieurs reprises avant que la
Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel soit adoptée.
À la fin des années 1990, Gründ et Khaznadar rappelaient un des défis
majeurs auquel ils avaient décidé de se confronter, motivés par les apprentissages que
Claude Planson leur avait livré : « (…) affronter en permanence ce qu’il appel[ait] le
vrai dilemme : Comment conserver sans pétrifier ? Comment métisser sans dominer ?
Comment changer sans trahir ? Comment créer sans fixer dans le temps ce qui
275 4ème Journées du Patrimoine Culturel Immatériel, 2007 : Mise en œuvre de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel : des enjeux spécifiques pour les pays européens 276 5ème Journées du Patrimoine Culturel Immatériel, 2008 : L’immatériel à la lumière de l’Extrême-Orient 277 3ème Journées du Patrimoine Culturel Immatériel, 2006 : Le patrimoine des départements et territoires d’outre-mer 278 10ème Journées du Patrimoine Culturel Immatériel, 2013 : Patrimoine : Et les animaux ? 279 Voir l’annexe 9
90
préexistait ? »280. En conséquence, en 2004, Khaznadar réagissait aux enjeux soulevés
par la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel en signalant
son principal danger : cette Convention « peut devenir un outil de muséification et de
mort pour les cultures et pour la diversité culturelle » 281. Et il ajoutait :
« Il est urgent de prendre conscience de la valeur de chacune des cultures de la
planète et de l’impérieuse nécessité de faire en sorte que ces cultures perdurent dans
leurs diversités, qu’elles s’enrichissent et se fécondent mutuellement de leurs
différences, que tant de peuples colonisés, de minorités opprimées aient le droit de
vivre dans la culture qui est la leur. (…) Répertoriées, classées, protégées, les cultures
muséifiées se trouveront transformées en attractions touristiques qui, très vite,
mourront » 282.
Dans ce sens, la Convention de 2003 a facilité la tâche du Festival de
l’Imaginaire en tant que dispositif pour former l’œil critique de son public par rapport
aux effets pervers de la mondialisation culturelle et à être attentifs aux instruments
qu’elle fabrique afin de se réaliser. En conséquence, Khaznadar n’a pas manqué de
signaler les effets positifs de la Convention de 2003 : « le fait qu’il y [ait eu] cette
Convention (…) a soudain éveillé des consciences (…) [et a] donné (…) une sorte de
noblesse à ces formes d’expression, à ces savoir-faire, et aujourd’hui je peux dire
qu’il y a maintenant des initiatives qui fusent de partout pour sauvegarder ce
patrimoine parce que c’est devenu du ‘patrimoine’ »283. D’autre part, il reconnaissait
que grâce à la Convention « ces formes qu’[ils avaient] eu du mal à mettre en valeur
aujourd’hui le seront beaucoup plus facilement »284.
Depuis sa création, le Festival de l’Imaginaire a mis en valeur des formes
spectaculaires en danger, souvent méprisées et persécutées par certains
gouvernements, en invitant les exécutants et les interprètes de ces formes à porter
280 GRÜND Françoise et KHAZNADAR Chérif, « Postface », in Atlas de l’Imaginaire, Paris, Favre, Maison des Cultures du Monde, 1996, p. 201 281 KHAZNADAR Chérif, « Patrimoine culturel immatériel : les problématiques », in Le patrimoine culturel immatériel, les enjeux, les problématiques, les pratiques, Internationale de l’Imaginaire, n. 17, Paris, Actes Sud, Babel, Maison des Cultures du Monde, 2004, p. 57 282 Ibid., pp. 57 et 58. 283 KHAZNADAR Chérif, « Le sauvetage des formes culturelles en danger », in Cultures de soi, cultures des autres, questions de sens, France Culture, 11 novembre 2009, Archives de l’INA 284 KHAZNADAR Chérif, « Chérif Khaznadar », in Quand j’s’rai grand, France Inter, 27 février, 2006, Archives de l’INA
91
témoignage de leur existence auprès du public français. À ce sujet, dans les années
2000, Khaznadar signalait que le Festival de l’Imaginaire aidait à faire connaître au
public français des formes d’expression qui étaient menacées de disparition ou de
déformation285.
La tradition musicale des ouïgours du Xinjiang
Figure 30 : Le muqam des Dolan, musiques et danses ouïgours à l’honneur au Festival de l’Imaginaire286
Parmi les formes menacées de disparition, on peut citer l’exemple des
ouïgours, un des 56 peuples établis en Chine, invités au 7ème Festival de l’Imaginaire
(2002) à témoigner de « leur volonté de créer, de vivre, dans un monde qui saurait
respecter, comprendre leur différence »287. Lors de ce même festival, les artistes
ouïgours ont confronté leurs traditions musicales, qui remontent au XVe siècle, à
celles du peuple afghan et du peuple tchétchène, dont la transmission a été mise en
péril à cause des guerres qui se sont succédées dans leur territoire ou bien en raison de
285 KHAZNADAR Chérif, « Festival de l’Imaginaire : 2ème émission », in Les chemins de la musique, France Culture, 09 mai 2000, Archives de l’INA 286 © MCM, Festival de l’Imaginaire, du 20 mars au 29 juin 2013, s.l.n.d., p. 10, Document en possession de l’auteur 287 KHAZNADAR Chérif, « Édito », in 7ème Festival de l’Imaginaire, 24 février - 6 avril 2003, s.l., Maison des Cultures du Monde, 2003, p. 3, Document en possession de l’auteur
92
mesures officielles de répression, telles que l’interdiction de s’exprimer au travers de
leurs pratiques spectaculaires.
Pour ce qui est des ouïgours, à l’époque de la Chine soviétique, plusieurs
membres de ce peuple ont émigré en Ouzbékistan et au Kirghizstan, où ils ont
perpétué leurs traditions musicales « libres de toutes les contraintes imposées par la
politique culturelle chinoise »288. En effet, la musique traditionnelle ouïgour est
persécutée par les Han, majorité au pouvoir, qui considère les ouïgours comme un
mouvement réactionnaire et qui souhaite réduire leurs pratiques spectaculaires à du
folklore. Khaznadar expliquait que leurs traditions musicales voulaient être passées
par le conservatoire afin d’en faire un produit supportable, représentable et donc
déculturalisé289. Pour Khaznadar, face à ce genre de menaces, le rôle du Festival de
l’Imaginaire et de la Maison des Cultures du Monde était de « faire connaître les
cultures des autres [et] essayer de mettre en valeur ces cultures telles qu’elles sont,
telles qu’elles sont pratiquées [afin de] dire : ‘attention, on ne touche pas à ces
cultures, le gouvernement n’a pas le droit de modifier ce qui est l’expression des
individus, ce qui est leur vie’ » 290. En 2008, le muqam291 ouïgour du Xinjiang a été
inscrit sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
D’autres exemples de cultures menacées qui ont porté témoignage de leurs
traditions spectaculaires en participant au Festival de l’Imaginaire illustrent la
contribution de ce festival à la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de
l’humanité.
Le Yakshagana Gombeyataa de l’Inde
En 1999, le Festival de l’Imaginaire a présenté le Yakshagana de l’Inde, une
forme spectaculaire datant du milieu du XVIIIe siècle, une drame dansé qui peut être
288 DURING Jean, « Ouïgours. Musique de la tradition d’Ili d’Asie Centrale », in 7ème Festival de l’Imaginaire, 24 février - 6 avril 2003, s.l., Maison des Cultures du Monde, 2003, p. 8, non coté, Archives de la Maison des Cultures du Monde 289 KHAZNADAR Chérif, « Le sauvetage des formes culturelles en danger », in Cultures de soi, cultures des autres, questions de sens, France Culture, 11 novembre 2009, Archives de l’INA 290 Ibid 291 Le muqam ouïgour du Xinjiang est un mélange de chants, de danses, et de musiques populaires et classiques.
93
interprété par des acteurs (Bayalaata) ou qui peut être exécuté au moyen de grandes
marionnettes en bois (Gombeyataa).
Figure 31 : Le Yakshagana sous sa forme Gombeyataa (exécuté au moyen de grandes marionnettes en bois) à l’honneur au Festival de l’Imaginaire292
Khaznadar raconte que cette forme spectaculaire, sous sa forme Gombeyataa,
avait failli disparaître. L’anecdote date des années 1970, lorsque Gründ et Khaznadar
étaient en prospection au sud-ouest de l’Inde à la recherche des formes spectaculaires
de ce pays. À cette époque, un fonctionnaire indien qui « était venu de la capitale, de
Dehli, avait vu (…) ce théâtre de marionnettes et avait trouvé les marionnettes
tellement belles qu’il a dit que c’était dommage qu’elles restent dans ce village, qu’il
fallait absolument les mettre au musée, et il avait acheté (…) au montreur ses
marionnettes »293. Et pour Khaznadar, « ce qu’on met au musé est mort, et, en
l’occurrence, la forme était morte puisque le marionnettiste n’avait plus ses
marionnettes, il ne pouvait plus travailler » 294.
292 IN2012Yaksha_07745, Yakshagana Gombeyata. Choodamani - Lanka Dahana. Le joyau et l'incendie de Lanka. Marionnettes à fils du Karnataka, Inde, Archives de la Maison des Cultures du Monde 293 KHAZNADAR Chérif, « Le sauvetage des formes culturelles en danger », op. cit. 294 Ibid
94
Cependant, la tradition du Yakshagana sous sa forme Gombeyataa veut que le
montreur soit également le facteur des marionnettes. Seulement, le montreur en
question, dépourvu de son théâtre de marionnettes, était obligé de s’employer s’il
voulait assurer sa survie et peut-être avoir assez d’argent de côté pour pouvoir
reconstruire son théâtre. Khaznadar lui a donc proposé un arrangement : il lui
donnerait un salaire pendant six mois afin qu’il reconstruise ses marionnettes dans la
perspective de donner à voir cette pratique spectaculaire de l’Inde dans le cadre du
Festival des Arts Traditionnels de Rennes295. Le marionnettiste a accepté, il s’est
présenté avec sa troupe, pour la première fois en France, en 1978, et le spectacle a eu
un grand succès, des articles de presse l’avaient fortement exalté. En conséquence,
« Les autorités [indiennes] se sont intéressées à ce théâtre, deux ans plus tard ils ont
eu le prix de Sangeet Natak, le marionnettiste s’est consacré à nouveau à ces
marionnettes, il a formé ces disciples [et] ce spectacle sort maintenant partout dans le
monde et ai reconnu comme une des formes importantes des marionnettes indiennes,
alors qu’à quelques mois près, il aurait pu totalement disparaître »296.
Avec l’exemple du Yakshagana de l’Inde on comprend l’importance de l’existence
d’un dispositif tel que le Festival de l’Imaginaire. On voit ici les bénéfices que
peuvent tirer les États lorsqu’ils disposent en permanence – en dehors de leur
territoire – d’un espace pour faire rayonner leur culture.
Aussi, cet exemple nous permet de comprendre la façon dont l’équipe de
prospection du Festival de l’Imaginaire envisage son travail afin de faire de ce festival
un dispositif pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Pour Khaznadar,
« la sauvegarde peut intervenir, quand une forme est toujours vivante, qu’elle n’a pas
complètement disparue (…) et qu’il suffit qu’on crée les conditions qui lui permettent
de survivre à des évolutions sociales parce que les sociétés changent, donc les formes
évoluent avec la société » 297. Dans ce sens, les prospections organisées dans le cadre
d’un dispositif pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel doivent être
295 Ibid 296 KHAZNADAR Chérif, « Françoise Gründ et Chérif Khaznadar », in Agora, France Culture, 01 janvier 1997, Archives de l’INA 297 KHAZNADAR Chérif, « Le sauvetage des formes culturelles en danger », op. cit.
95
orientées vers la recherche de ce patrimoine vivant qui peut encore être réhabilité et
remis en circulation.
En 2012, le Yakshagana s’est présenté à nouveau, dans le cadre du Festival de
l’Imaginaire, sous la houlette du fils du montreur que Gründ et Khaznadar avaient
invité pour la première fois dans les années 1970298. Ainsi, chaque fois qu’une
représentation du Yakshagana est donnée, cette forme a l’opportunité de continuer à
exister pour la communauté dont elle est l’expression culturelle, mais aussi pour
l’humanité qui devient témoin des différentes façons dont les cultures du monde on
développé leur imaginaire. Car, au fond, le pari d’un dispositif de diffusion des
formes spectaculaires des cultures étrangères tel que le Festival de l’Imaginaire est
celui d’enrichir l’imaginaire de l’humanité et de l’élargir au delà de l’imaginaire
dominant, celui qui a été développé par la civilisation occidentale.
Figure 32 : Bhaskar Kogga Kamath, maître de marionettes, exécutant une marionette en bois du Yakshagana299
298 La brochure de présentation du Yakshagana Gombeyatta dans le cadre du 16ème Festival de l’Imaginaire (2012) peut être consulté en annexe 11 299 INT2012Yaksha_0501, Yakshagana Gombeyata, Karnataka, Inde. Musiciens et marionnettistes, Archives de la Maison des Cultures du Monde
96
À côté des menaces évoquées, le processus de mondialisation que connaissent
actuellement les sociétés contemporaines n’est pas sans risques pour la richesse et
pour la diversité de l’imaginaire de l’humanité, source de créativité. Les formes
spectaculaires que les différentes cultures ont crées jusqu’à présent, en puissant dans
un imaginaire qui leur est propre, sont exposées à un contact de plus en plus rapide
avec d’autres imaginaires. Pour Khaznadar, toutes les formes spectaculaires :
« Sont l’objet de métissages, de rencontres, d’assimilations, d’influences, mais jamais
il ne s’est produit une telle modification de ces formes dans un temps aussi court.
C’est à dire, les formes [spectaculaires] s’imprégnaient les unes les autres, cela
pouvait prendre quelques années, quelques décennies, quelques siècles, parfois. Alors
qu’aujourd’hui elles sont confrontées à une accélération dans le temps qui fait
qu’elles se dénaturent très vite »300.
Le risque de dénaturation, donc de déformation, des formes spectaculaires, perçues
collectivement comme faisant partie du patrimoine culturel immatériel de l’humanité
depuis la Convention de 2003, repose principalement sur les menaces
d’uniformisation des imaginaires. Pour Gründ, les ennemis majeurs du patrimoine
culturel immatériel sont, d’une part, « la pensée rentable et spéculative » qui risque
de prendre le dessus face à la pensée mythique qui est celle qui génère les formes
spectaculaires d’un peuple, ces trouvailles « symboliques et valorisantes » 301.
D’autre part, le patrimoine culturel immatériel est menacé par les apports du
modernisme et de la technologie qui peuvent nuire à la mémoire du peuple porteur de
ce patrimoine. En effet, les porteurs d’un patrimoine culturel immatériel sont exposés
à d’autres modes d’appréhender le monde qui peuvent les séduire et les éloigner de
leur propre mode de vie. Certes, les cultures se sont influencées les unes aux autres de
tous temps. Cependant, les questions que le Festival de l’Imaginaire nous interroge :
Faut-il, pour autant, laisser mourir une culture ? Comment pouvons-nous contribuer à
la transmission des imaginaires qui nourrissent une culture et ainsi œuvré pour sa
300 KHAZNADAR Chérif, « Festival de l’Imaginaire : 2ème émission », in Les chemins de la musique, France Culture, 09 mai 2000, Archives de l’INA 301 GRÜND Françoise, « La tentation de préserver ou le temps des maladies de la mémoire », in Le patrimoine culturel immatériel. Les enjeux, les problématiques, les pratiques, Internationale de l’Imaginaire, n. 17, Paris, Actes Sud, Babel, 2004, p. 106
97
survie ? L’exemple du théâtre d’ombre d’Indonésie nous permet d’apporter quelques
éléments de réponse à ces questions.
Le Wayang Kulit, théâtre d’ombres d’Indonésie
Les organisateurs du Festival de l’Imaginaire prennent le soin de respecter
autant que possible les conventions de temps et d’espace dans lesquelles les formes
spectaculaires se déroulent dans leur contexte originel. Ainsi, le Festival de
l’Imaginaire évite de les contraindre aux conventions d’espace et de temps qui
encadrent les arts vivants de la civilisation occidentale. Cela permet de sensibiliser le
public à l’existence d’autres perceptions spatio-temporelles aussi respectables que
celles de la civilisation occidentale.
Figure 33 : Le Wayang Kulit à l’honneur au Festival de l’Imaginaire302
Par exemple, le Festival de l’Imaginaire a présenté le Wayang Kulit, un théâtre
d’ombres d’Indonésie dont la tradition remonte à un millier d’années et dont les
représentations durent toute la nuit. En effet, le Wayang Kulit n’est pas « un simple
302 WALANG 6293, Indonésie. Wayang Kulit, théâtre d'ombres de Solo, Archives de la Maison des Cultures du Monde
98
spectacle de divertissement, mais un rituel propitiatoire et purificateur à l’occasion
d’une fête religieuse, d’un mariage, d’une circoncision, de l’inauguration d’un
édifice »303. En 2009, le FI a présenté cette forme pendant 3 heures et en 2013, la
représentation a durée une nuit entière.
Comme les marionnettes wayang, inscrites en 2008 sur la Liste représentative
du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, il existe une multitude de formes
spectaculaires qui dépassent les normes de présentation standardisées qu’impose
l’industrie culturelle, fille de la mondialisation culturelle qui caractérise le mode
d’organisation des sociétés du début du XXIe siècle. Le Festival de l’Imaginaire s’est
attaché à exalter l’existence de ces formes conçues, pour la plupart d’entre elles, pour
être présentées lors de pratiques festives, de rituels et de cérémonies et non pas pour
tourner dans des salles de spectacles ou dans le but d’être sélectionnés pour faire
partie des temps forts d’une programmation. Ces pratiques spectaculaires font partie
de la vie quotidienne des communautés. C’est le cas, par exemple, du Teru Koothu,
drame dansé rituel du Tamil Nadu en Inde qui fait partie des cérémonies qui durent
plusieurs jours et qui se déroulent après la récolte du riz304 ou du Sameri d’Unayzah
en Arabie Saoudite, une forme de chants et de danses qui se pratiquent lors de
rassemblements nocturnes des villageois dans le cadre de fêtes, d’événements
importants ou de veilles de week-end305.
De ce fait, les programmateurs du Festival de l’Imaginaire se sont spécialisés
dans la présentation de ces pratiques spectaculaires pour un public non initié, en
l’occurrence le public français, dans le but de lui faire prendre conscience de la
diversité culturelle qui existe actuellement dans le monde ainsi que pour les
sensibiliser au besoin de préserver la vie de cette diversité en œuvrant en faveur de sa
sauvegarde tout en évitant de la folkloriser ou de l’exposer dans un musée.
303 ESBER Arwad, « Wayang Kulit, théâtre d’ombre de Solo », in 13e Festival de l’Imaginaire, du 3 mars au 10 avril 2009, s.l.n.d, p. 22, Document en possession de l’auteur 304 « Teru Koothu, drame rituel dansé du Tamil Nadu », in Premier Festival de l’Imaginaire, mémoire et créations du monde, Paris, Maison des Cultures du Monde, 1997, p. 8, Document en possession de l’auteur 305 « Arabie Saoudite, le Sameri d’Unayzah », in Festival de l’Imaginaire : théâtre, danse, chant, musique, exposition, colloques, films, du 13 février au 4 avril 1998, s.l.n.d., (sans pagination), Document en possession de l’auteur
99
Le Festival de l’Imaginaire contribue donc de plusieurs façons à sauvegarder
les éléments du patrimoine culturel immatériel des cultures étrangères. Tout d’abord,
le FI est un dispositif de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel dans la mesure
où, depuis sa création en 1997, il a identifié quelques unes des communautés
porteuses de ce patrimoine, tout en identifiant leurs pratiques spectaculaires. Aussi,
les programmateurs de ce festival réalisent des prospections sur le terrain afin de
vérifier que la forme spectaculaire identifiée fait encore partie de la vie quotidienne
d’une communauté et qu’elle donne un sens profond à son existence. Le Festival de
l’Imaginaire fait également œuvre de sauvegarde en invitant les porteurs de ce
patrimoine immatériel à porter témoignage de leur culture au travers de la
présentation, en France, d’une de leurs formes spectaculaires. Dans la mesure du
possible, ces présentations se déroulent dans les conditions d’espace et de temps
propre au contexte culturel dans lequel elles existent. De plus, chaque présentation est
l’occasion pour ces porteurs de transmettre leur art : toutes les présentations du
Festival de l’Imaginaire sont documentées. Les vidéos, les photographies et les
enregistrements sonores qui en résultent sont aujourd’hui conservés par le Centre
français du patrimoine culturel immatériel.
Il est important de signaler ici que le Centre français du patrimoine culturel
immatériel est l’ancien Centre de documentation sur les spectacles du monde, crée en
2004 par la Maison des Cultures du Monde, à Vitré (Bretagne). En effet, en 2011, le
ministère de la Culture a désigné la MCM comme organisme compétent pour la
sauvegarde du patrimoine culturel immatériel présent sur le territoire national, en
application de la Convention de 2003306. Suite à cette désignation, le Centre de
documentation de la MCM est devenu le Centre français du patrimoine culturel
immatériel, chargé d’informer, documenter, débattre et valoriser le patrimoine
culturel immatériel mais aussi de sensibiliser et de former le public à la sauvegarde de
ce patrimoine. En raison de cette nouvelle désignation, le Festival de l’Imaginaire,
étant une émanation de la MCM, est devenu également un vecteur de sensibilisation à
la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel.
306 « Centre français du PCI » in Disciplines et secteurs : patrimoine culturel immatériel, disponible sur <http://www.culturecommunication.gouv.fr/Disciplines-et-secteurs/Patrimoine-culturel-immateriel/Centre-Francais-du-PCI>, consulté le 7 juin 2013
100
Ainsi, au cours de la première décennie du XXIe, le Festival de l’Imaginaire a
subi un certain nombre de transformations liées, principalement, à l’émergence d’un
nouveau concept, celui de patrimoine culturel immatériel. Ce concept a été mobilisé
par l’UNESCO, en 2003, au travers de la Convention pour la sauvegarde du
patrimoine culturel immatériel. Aujourd’hui, cette Convention a été ratifiée par 150
Etats parties et adoptée par 156 Organisations Non Gouvernementales accréditées par
l’UNESCO pour assurer des fonctions consultatives auprès du Comité
intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Cela témoigne
du succès de cette notion ainsi que de l’émergence d’une nouvelle façon de
représenter les cultures étrangères.
Sensibles à ces changements, les membres du Conseil d’Administration de la
Maison des Cultures du Monde ont décidé, en 2010, que « la Maison des Cultures du
Monde [devait] se consacrer au patrimoine culturel immatériel et renoncer à se
positionner sur le créneau contemporain, réservé à d’autres institutions »307. Cette
directive ainsi que les liens qui se sont tissés, depuis 2004, entre le Festival de
l’Imaginaire et l’UNESCO, au travers de la Convention de 2003 pour la sauvegarde
du patrimoine culturel immatériel, expliquent en partie le fait que la 17ème édition du
Festival de l’Imaginaire fut consacrée au 10ème anniversaire de cette Convention.
Pendant ces premières années d’existence, celles qui correspondent à la fin du
XXe siècle, le Festival de l’Imaginaire est apparu dans le paysage culturel français
comme un dispositif pour la diffusion des cultures étrangères. Héritier du festival du
Théâtre des Nations et du Festival des Arts Traditionnels de Rennes, le Festival de
l’Imaginaire a poursuivi le travail de sensibilisation que ces deux dispositifs antérieurs
avaient entamé en direction des musiques, des danses et des théâtres du monde. Un
premier travail a consisté à sensibiliser le public du Festival de l’Imaginaire au
caractère vivant et contemporain des arts traditionnels des cultures étrangères. Dans
un deuxième temps, au cours de la première décennie du XXIe siècle, ce festival s’est
attaché à sensibiliser son public au fait que les arts traditionnels et vivants des cultures
étrangères font partie du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
307 CONSEIL D’ADMINISTRATION de la Maison des Cultures du Monde, « Procès Verbal du 22 avril 2010 », in 11V0411/13, Maison des Cultures du Monde MCM (2010), Mission des archives du ministère de la Culture et de la Communication, BG
101
Ainsi, le Festival de l’Imaginaire apparaît comme un dispositif complexe.
D’une part, il maintient un dialogue avec le passé, en prolongeant la mémoire des
dispositifs auquel il a succédé. D’autre part, en s’attachant à la diffusion du
patrimoine culturel immatériel, il est au cœur des principaux débats qui animent
aujourd’hui les politiques culturelles des États membres de l’UNESCO. Enfin, le
Festival de l’Imaginaire s’efforce d’interroger le devenir de la société contemporaine
dans laquelle il évolue en provoquant une réflexion sur le besoin de sauvegarder le
patrimoine culturel immatériel mis en péril par les effets pervers du processus de
mondialisation culturelle dans un contexte de décolonisation territoriale.
Pour finir, une étude de cas me permettra de rendre compte de la façon dont le
Festival de l’Imaginaire prolonge la mémoire de ses ancêtres, se place a cœur du
débat actuel sur la patrimonialisation de ce qui relève de l’immatériel dans les cultures
et engage une réflexion sur les effets du colonialisme culturel impliqué dans un
processus de mondialisation. À titre d’exemple, j’interrogerai le cas des Pleureuses de
Colombie, une forme spectaculaire à l’honneur lors du 10ème Festival de l’Imaginaire.
2. Étude de cas : les Pleureuses de Colombie
En 2010, la musique Marimba et les chants traditionnels de la région sud du
Pacifique colombien ont été inscrits sur la liste représentative du patrimoine culturel
immatériel de l’humanité. En 2006, ces chants traditionnels ont fait partie de la
programmation du 10ème Festival de l’Imaginaire. À cette occasion, les Pleureuses de
Guapi ont été invitées à interpréter des Guali et des Alabaos. Pour la communauté à
laquelle appartiennent ces femmes afro-colombiennes, la mort d’un enfant et la mort
d’un adulte font l’objet de deux rituels funéraires différents. « À la mort d’un enfant,
on célèbre un Guali qui se doit d’être joyeux. (…) À la mort d’un adulte sont célébrés
les Alabaos (…), chants de louanges polyphoniques a capella »308.
308 TRIANA Gloria, « Les Joyeuses ambulances, ‘Guali et Alabaos’ de Guapi », in Festival de l’Imaginaire, du 23 février au 9 avril 2006, s.l.n.d., p. 16
102
Figure 34 : Un groupe de pleureuses de Colombie à l’honneur au Festival de l’Imaginaire
(2006)309
Le choix de cette forme spectaculaire répond aux critères de sélection du
Festival de l’Imaginaire que nous avons évoqué par ailleurs dans ce travail. D’une
part, il s’agit d’une pratique culturelle en vigueur qui donne un sens à la communauté
afro-colombienne à laquelle elle appartient. D’autre part, étant donné qu’il s’agit
d’une pratique vivante qui implique des éléments musicaux, théâtraux et
chorégraphique, il s’agit d’une forme d’art traditionnel contemporain. Aussi, cet
exemple illustre la façon dont une culture extra-occidentale a puisé dans son
imaginaire pour créer une forme spectaculaire qui leur est propre.
Cette forme spectaculaire avait été prospectée par Chérif Khaznadar en 1976
puis par Françoise Gründ en 1981 et fut présentée pour la première fois en France en
1982, dans le cadre du Panorama d’Amérique Latine (mai 1982), puis dans le cadre
du 9ème Festival des Arts Traditionnels de Rennes (mars 1982).
309 C006-249, Colombie. « Guali » de Guapi. Chigualo (chants funéraires pour les enfants) Bunde (chant pour les saints) Juga (rythme de fête), in Archives de la Maison des Cultures du Monde
103
a- Esquisse d’un projet d’échange culturel
Chérif Khaznadar a visité la Colombie au début de l’année 1976. À cette
époque, Khaznadar était Conseiller permanent du Théâtre du Tiers-Monde auprès de
l’Institut International du Théâtre ainsi que directeur de la Maison de la Culture de
Rennes et du Festival des Arts Traditionnels de cette ville. Lors de sa visite, il a
rencontré Enrique Buenaventura (1925-2003), directeur du TEC, Teatro Experimental
de Cali310, avec qui il s’est entretenu au sujet de la participation de ce groupe au 4ème
Festival des Arts Traditionnels de Rennes (mars 1977) ainsi que sur la participation
d’une deuxième troupe, la « troupe de Mercedes »311, au 2ème Festival-colloque des
Théâtres du Tiers Monde (mars 1977). Dans une lettre datée du 22 mai 1976,
Khaznadar a donné suite à cet entretien avec Buenaventura tout en lui confiant l’idée
d’un projet.
Khaznadar avait pensé que le TEC et la « troupe de Mercedes »312 pouvaient
se présenter dans le cadre d’une seule manifestation qui ferait :
« Connaître au public et à la critique deux formes extrêmement différentes
(mais (…) complémentaires) de l’expression latino-américaine : d’une part la
survivance d’une tradition ayant encore une réalité sociale et culturelle
contemporaine, d’autre part, une forme de théâtre directement engagée dans la réalité
culturelle et politique de [l’] époque » 313.
Donc, dès la fin des années 1970, Khaznadar avait envisagé la mise en place
d’un dispositif pour la diffusion des cultures étrangères au travers duquel pourraient
se confronter les arts vivants traditionnels et contemporains. C’est ce à quoi s’est
attaché le Festival de l’Imaginaire au cours de ses premières années d’existence. Le
Festival de l’Imaginaire peut être considéré comme le résultat de l’idée de Khaznadar
de fusionner le Festival des Arts Traditionnels avec le Festival-colloque des Théâtres
du Tiers-Monde. En effet, le Festival de l’Imaginaire présente principalement des
310 Théâtre Expérimental de Cali, traduction de l’auteur 311 KHAZNADAR Chérif, Lettre n. 3560, Rennes, 22 mai 1976, in Dossier « Colombie », 1976-1997, non coté, Archives de la Maison des Cultures du Monde 312 Nous n’avons pas trouvé de traces dans ce dossier du nom exact de cette deuxième troupe. C’est pourquoi dans ce travail on se réfèrera à cette troupe comme « troupe de Mercedes ». 313 KHAZNADAR Chérif, op. cit.
104
formes spectaculaires extra-occidentales. Les pays concernés par ce critère sont, pour
la plupart d’entre eux, des pays aujourd’hui décolonisés et, de ce fait, ayant fait partie
des pays du « Tiers-Monde ».
D’autre part, la volonté exprimée par Khaznadar dans les années 1970 de faire
connaître « la survivance d’une tradition ayant encore une réalité sociale et culturelle
contemporaine » 314 s’exprime aujourd’hui au travers du Festival de l’Imaginaire dans
la mesure où celui-ci donne à voir des formes spectaculaires ancrées dans la tradition,
mais qui ne sont pas mortes pour autant. Ce sont des formes vivantes car elles font
partie des cérémonies, des rituels ou des festivités que les communautés mettent en
œuvre comme étant des pratiques inhérentes à leur existence.
Aussi, dans les années 1970, Khaznadar voulait faire connaître « une forme de
théâtre directement engagée dans la réalité culturelle et politique de [l’] époque » 315 .
Ce projet s’est également vu réalisé par le Festival de l’Imaginaire dont un des
critères est de présenter des créations contemporaines en lien avec l’époque de ces
créateurs, mais aussi qui instaurent un dialogue direct avec les arts vivants
traditionnels de la culture de ses exécutants et interprètes.
Néanmoins, à différence du projet exprimé par Khaznadar dans les années
1970, le Festival de l’Imaginaire ne se centre pas sur le phénomène théâtral. En effet,
ce festival s’est attaché à diffuser des formes spectaculaires, aujourd’hui présentées
comme des éléments du patrimoine culturel de l’humanité, ce qui traduit un
élargissement de la notion de théâtre par rapport à la façon dont on l’entendait dans
les années 1970. En effet, les formes spectaculaires, mais aussi le patrimoine culturel
immatériel, incluent non seulement le théâtre mais aussi la danse, la musique ainsi
que les pratiques spectaculaires dans lesquels tous les arts vivants sont impliqués,
comme c’est le cas dans les cérémonies, les rites ou les événements festifs, mais aussi
dans des formes spectaculaires telles que le théâtre dansé ou les danses masquées.
314 Ibid 315 Ibid
105
Par ailleurs, c’est avec le directeur du TEC que Khaznadar a fait la
prospection des Pleureuses de la côte pacifique sud de la Colombie316, une forme dont
Gründ avait pris connaissance car elle « avai[t] lu une étude d’un chercheur américain
sur les polyphonies des anciens esclaves sur [la] côte [pacifique de la Colombie] » 317.
Gründ explique qu’il lui fallait « être constamment à l’affût des publications qui
surgiss[ai]ent soit par le canal de l’UNESCO, soit par celui du CNRS, ou encore par
celui d’instituts similaires à l’étranger »318.
Toutefois, si un premier contact avec les Pleureuses s’était établi grâce au
directeur du TEC en 1976, leur présentation en France ne s’est réalisée qu’en 1982.
Pendant ce lapse de temps, tout un travail de relations publiques et diplomatiques a
été réalisé auprès de divers acteurs institutionnels et non institutionnels de France et
de Colombie.
b- Les Pleureuses de Colombie à Rennes et en Europe en 1982 En août 1981, Gründ s’est rendue en Colombie. Pendant sa mission de
prospection, elle a rencontré l’assistante de la directrice de Colcultura319 « qui [lui] a
permis de visionner les bandes vidéo « Noches de Colombia »320 [à partir desquelles
elle] a été très vivement intéressée par « El Alabao » chanté par trois femmes noires
de Buenaventura : Anita Hernández, Juanita Angulo et Carlina Andrade »321. Cette
prise de contact était primordiale dans la mesure où la participation des Chanteuses
faisait partie des accords de coopération culturelle engagés entre la France et la
Colombie322.
Dans une lettre datée du 7 octobre 1981, adressée à la directrice de Colcultura,
Gründ lui indiquait que « le Ministère des Relations Extérieurs de Paris [lui] fera[i] 316 KHAZNADAR Chérif, Entretien avec l’auteur, 11 avril 2012 317 GEORGEL, Jacques, Sur la piste des cultures du monde, Paris, Pierre Marcel Favre, 1985, p. 129 318 Ibid 319 Colcultura était l’entité en charge de l’élaboration et la mise en œuvre des politiques culturelles de Colombie entre 1968 et 1997. 320 Nuits de Colombie, traduction de l’auteur 321 GRÜND Françoise, Lettre n. 35530, 7 octobre 1981, in Dossier « Colombie », (1976-1997), non coté, Archives de la Maison des Cultures du Monde 322 GRÜND Françoise, Lettre n. 38374, Rennes, 26 mai 1982, in Dossier « Colombie », (1976-1997), non coté, Archives de la Maison des Cultures du Monde
106
parvenir dans les prochains jours une invitation officielle concernant le groupe
composé par ces trois femmes »323. Aussi, dans cette même lettre, Gründ signalait
qu’elle « essa[yait] de faire participer plusieurs de [s]es partenaires européens à cette
opération « Panorama des Cultures d’Amérique Latine » » 324. Elle soulignait que
cette manifestation aurait lieu « dans des structures d’accueil les plus
prestigieuses »325 et elle citait les villes dans lesquelles pourraient éventuellement
tourner les chanteuses de « Alabaos » : Paris, Rennes, Genève, Amsterdam, Berlin,
Milan, Turin, Modène et Venise. Aussi, elle demandait à ce qu’on lui envoie la
cassette « Noches de Colombia » afin de pouvoir la visionner avec ses partenaires.
Une première réponse de la part des autorités colombiennes s’est produite en
novembre 1981. La directrice de Colcultura faisait savoir au Conseiller Culturel et de
Coopération Scientifique et Technique de l’Ambassade de France en Colombie que de
« très importantes restrictions budgétaires qui [avaient] affecté l’Institut [les avait]
obligés à travailler dans de difficiles conditions financières qui (…) [les]
empêch[ai]ent d’assurer les frais de voyage d’une représentation Colombienne »326.
Cette lettre fait partie des pièces jointes d’une lettre rédigée par la sous-direction des
échanges artistiques du ministère des Relations Extérieurs. Dans cette lettre, il était
question de « précisions communiquées par [les] postes [du ministère] à Bogota,
Panama et Saint Domingue relatives aux Semaines culturelles d’Amérique Latine
prévues à Rennes en 1982 »327.
Cette première réponse négative s’est suivie d’une seconde lettre rédigée par
la responsable du service Folklor y Festivales328 qui signalait que Colcultura était
« très flattée par le choix réalisée »329 et joignait la cassette du programme « Noches
de Colombia » dans le but de faire apprécier « l’originalité de [leurs] traditions » par
les partenaires signalés par Gründ. En réponse, Gründ a insisté sur les villes et les 323 Ibid 324 Ibid 325 Ibid 326 ZEA Gloria, Lettre n. 8785, 6 novembre 1981, sceau daté du 18 novembre 1981, traduction datée du 20 novembre 1981, in Dossier « Colombie », (1976-1997), non coté, Archives de la Maison des Cultures du Monde 327 GADAUD A., Lettre n. 8076, Paris, 20 novembre 1981, in Dossier « Colombie », (1976-1997), non coté, Archives de la Maison des Cultures du Monde 328 Folklore et festivals, traduction de l’auteur 329 TRUJILLO Magdalena de, Lettre n. 9958, Bogota, 11 décembre 1981 (traduction de l’auteur), in Dossier « Colombie », (1976-1997), non coté, Archives de la Maison des Cultures du Monde
107
structures d’accueil où les chanteuses allaient se produire afin de justifier la
collaboration financière qui été demandée à Colcultura pour que l’opération puisse
aboutir330.
Parallèlement, Gründ avait choisi un deuxième groupe, « Colombia Negra »,
qu’elle avait eu l’occasion de voir se produire à l’Alliance française de Bogota331 lors
de la mission qu’elle avait effectuée en août 1981. Il s’agissait « d’un groupe
populaire qui a[vait] fait subir à la tradition rurale pure, une légère
rethéâtralisation »332. Dans une lettre du 8 mars 1982, Colcultura a tenu à lui préciser
que « ce groupe ne compt[ait] pas avec [leur] soutien car [ils] considéraient qu’il
n’[était] pas le plus représentatif des traditions folkloriques de cette région
colombienne »333. Ce à quoi Gründ a répondu qu’ « étant donné qu’il ne [leur]
semblait pas possible de prendre en charge les trois billets d’avion (…) elle s’[était]
avait fait le choix d’un deuxième groupe, moins représentatif d’une forme culturelle
colombienne (…) qui [a] financ[é] seul son voyage »334. Gründ signalait qu’elle
tenait tout de même aux trois chanteuses de « Alabao » et encourageait Colcultura à
trouver un financement. Pour Gründ « cette opération pourrait constituer une
collaboration heureuse dans le domaine des échanges culturels artistiques entre la
Colombie et la France » 335.
La participation des « Cantadoras de Alabados » était envisagée dans le cadre
du Panorama Culturel d’Amérique Latine qui était prévu à Rennes pour le mois de
mai de l’année 1982. Une lettre datée du 24 mai 1982, rédigée par la responsable du
service Folklor y Festivales, confirmait la participation d’une délégation formée par
les trois chanteuses que Gründ avait sélectionnées. Colcultura avait finalement
financé les fais de transport de ces trois chanteuses qui ont été accueilli à Rennes et
qui ont été « totalement prises en charge aussi bien à Rennes qu’à Genève, Bonn,
330 GRÜND Françoise, Lettre n. 36380, Rennes, 29 décembre 1981, in Dossier « Colombie », (1976-1997), non coté, Archives de la Maison des Cultures du Monde 331 GRÜND Françoise, Lettre n. 38374, op. cit. 332 GRÜND Françoise, Colombia Negra, s.d.n.l (document d’une page), in Dossier « Colombie », (1976-1997), non coté, Archives de la Maison des Cultures du Monde 333 TRUJILLO Magdalena de, Lettre n. 1476, Bogota, 8 mars 1982, (traduction de l’auteur), in Dossier « Colombie », (1976-1997), non coté, Archives de la Maison des Cultures du Monde 334 GRÜND Françoise, Lettre n. 37632, Rennes, 17 mars 1982, in Dossier « Colombie », (1976-1997), non coté, Archives de la Maison des Cultures du Monde 335 Ibid
108
Berlin, Amsterdam, Milan et Florence »336. De ce fait, cette opération a pu rentrer
dans le cadre des accords culturels entre la France et la Colombie, ce qui a été registré
par la presse colombienne de l’époque337.
Enfin, Gründ a tenu à remercier le délégué général de l’Alliance Française de
Bogota. Dans sa lettre de remerciement, elle se dit également « disponible pour
chacune des propositions d’expression traditionnelle ou de création contemporaine
qu’il [lui] plaira[it] de [lui] conseiller »338.
Cette mise en récit de la prospection et de la postérieure présentation des
Pleureuses de Colombie entre 1976 et 1982 permet de mieux saisir la façon dont le
Festival de l’Imaginaire a hérité du travail réalisé au moyen du dispositif Festival des
Arts Traditionnels. Lorsque les Pleureuses de Colombie ont été à l’honneur encore
une fois en 2006, dans le cadre du Festival de l’Imaginaire, les relations avec les
acteurs institutionnels et non institutionnels avaient déjà était établies depuis trente
années.
D’autre part, le Festival de l’Imaginaire a également hérité de l’expérience
acquise par le Festival des Arts Traditionnels en terme création de réseau de
partenaires. En effet, en 1986, grâce à un réseau de directeurs d’institutions culturelles
constitué par Gründ et Khaznadar, ce fut l’occasion pour les Pleureuses de se
présenter dans d’autres villes d’Europe.
Le Comité des Arts Extra-européens
Le Festival des Arts Traditionnels avait besoin de beaucoup de moyens mais
aussi de beaucoup de contacts pour sa réalisation. Il fallait souvent faire venir à
Rennes des troupes de plusieurs personnes en provenance de pays assez éloignés de la
France. À l’occasion de la venue des chanteuses de « Alabados » de Colombie et du
336 GRÜND Françoise, Lettre n. 38415, Rennes, 1er juin 1982, in Dossier « Colombie », (1976-1997), non coté, Archives de la Maison des Cultures du Monde 337 « Han triunfado las Cantadoras de Buenaventura », in El Tiempo, 26 juin 1982, in Dossier « Colombie », (1976-1997), non coté, Archives de la Maison des Cultures du Monde 338 GRÜND Françoise, Lettre n. 38374, Rennes, 26 mai 1982, in Dossier « Colombie », (1976-1997), non coté, Archives de la Maison des Cultures du Monde
109
groupe « Colombia Negra », huit personnes avaient été accueillies pour faire partie du
4ème Festival des Arts Traditionnels (mars 1982), du Panorama des Cultures
d’Amérique Latine (mai 1982), ainsi que pour une tournée dans plusieurs villes
d’Europe, prévue pour le mois de juin 1982. Mais il fallait non seulement prendre en
charge la venue de la délégation colombienne mais aussi celle des autres pays à
l’honneur lors de ce festival, ce qui représentait une grande partie des frais
d’opération de ce festival.
Alors, en 1977, Gründ et Khaznadar ont décidé de fonder le Comité des Arts
Extra-européens en réunissant un certain nombre de directeurs d’institutions avec qui
ils étaient rentrés en contact lors des trois premières éditions du FAT339. Il s’agissait
de : Habib Touma, ethnomusicologue et chercheur à l’Institut des Musiques
Comparées de Berlin ; Frans de Ruiter, directeur du Festival de Hollande ; Robert
Atkins, membre du Commonwealth Institute de Londres ; Franco Laera, directeur du
Centre de Recherche Théâtrale de Milan et Laurent Auber, chercheur au Musée
d’Ethnologie de Genève. Ce Comité était également constitué par plusieurs
chercheurs du Royal Tropical Institute d’Amsterdam. Pour Khaznadar, ce comité était
constitué par des personnes qui partageaient une même sensibilité pour la musique et
le théâtre et qu’il ressemblait plus à un « club d’amis, prêts à monter une entreprise
chaque année, à l’époque du Festival » 340 sans la rigidité qui caractérisait les
institutions internationales de ce type.
Le Comité fonctionnait par rencontres entre les directeurs organisées « deux
ou trois fois par an, (…) [pour] échanger des informations mais aussi des outils
méthodologiques. [Ils se] propos[aient] encore de réaliser des tournées de groupes ou
d’artistes individuels. [Leur] travail (…) [leur] permettait (…) la réduction des
budgets de déplacements internationaux »341.
À l’occasion de la tournée des chanteuses de « Alabaos », Gründ a partagé les
résultats de sa mission de prospection en Colombie avec plusieurs membres du
Comité afin de les préparer à les recevoir dans leurs structures respectives. C’est dans
339 GEORGEL Jacques, op. cit., p. 101 340 Ibid 341 GRÜND Françoise, « Le Festival d’Arts Traditionnels », in MUSSAT, op. cit., p. 133
110
cette perspective que le 8 octobre 1981 elle envoyait une lettre à Laurent Aubert afin
de lui « faire une brève narration de toutes les formes de musiques traditionnelles de
Colombie »342. Aussi, elle a envoyé « les notes qu’elle avait rédigé juste avant le
spectacle pour présenter les deux groupes » 343 à Gilberto Giunti. Enfin, le 22
décembre 1981, elle écrivait à Habib Touma qui envisageait de voyager en Colombie,
pour lui faciliter les contacts qu’elle avait établit avec « Colombia Negra » et avec
Colcultura au sujet des chanteuses de « Alabados ». Elle lui expliquait que « le
premier était plus populaire avec un mélange de musiques, chansons et danses [et
que] le deuxième (…) était très authentique »344.
c- Un deuxième concert des Pleureuses de Colombie prévu en 1984
En 1984, lorsque Khaznadar était directeur de la Maison des Cultures du
Monde, il a repris contact avec le Conseiller Culturel de l’Ambassade de France en
Colombie. Khaznadar envisageait de se rendre à nouveau en mission dans ce pays
« pour des réunions de travail et de prospection [dans le but de] faire progresser le
projet d’accueil par la Maison des Culture du Monde de manifestations colombiennes
en France en 1985 »345. Un concert des chanteuses de « Alabados » avait été prévu
pour le mois d’octobre 1986. Une commande de 1000 exemplaires d’affiches avait été
réalisée346. Une de leurs informatrices leur avait envoyé un texte de présentation sur le
Lamento de Colombie. Dans sa lettre, elle leur signalait qu’elle se préparait « à partir
avec Gloria Triana dans le Chocó assister à des « cérémonies » à l’occasion de la
Semaine Sainte à Toló. (…) [Elle leur enverrait] des compte-rendu ainsi qu’autres
renseignements sur les noirs de la côte Pacifique »347. À cette occasion, en raison d’un
342 GRÜND Françoise, Lettre n. 35541, Rennes, 8 octobre 1981, in Dossier « Colombie », (1976-1997), non coté, Archives de la Maison des Cultures du Monde 343 GRÜND Françoise, Lettre n. 38413, Rennes, 1er juin 1982, in Dossier « Colombie », (1976-1997), non coté, Archives de la Maison des Cultures du Monde 344 GRÜND Françoise, Lettre n. 36376, Rennes, 28 décembre 1981, in Dossier « Colombie », (1976-1997), non coté, Archives de la Maison des Cultures du Monde 345 KHAZNADAR Chérif, Lettre n.1040.84, Paris, 16 novembre 1984, in Dossier « Colombie », (1976-1997), non coté, Archives de la Maison des Cultures du Monde 346 GRÜND Françoise, Lettre n. 193, Paris, 5 mars 1986, in Dossier « Colombie », (1976-1997), non coté, Archives de la Maison des Cultures du Monde 347 LE BRUN-VANHOVE Brigitte, Lettre manuscrite, Bogota, 19 février 1986, in Dossier « Colombie », (1976-1997), non coté, Archives de la Maison des Cultures du Monde
111
désengagement à la dernière minute de la part du Ministère des Relations
Extérieures348, la présentation du Lamento de Colombie a été annulée349.
d- Les Pleureuses de Colombie à Paris en 2006
Néanmoins, Khaznadar a maintenu le contact et le 25 mars 1997, il a adressé
une lettre à Colcultura « afin de leur faire part de son intérêt de compter avec la
présence de groupes de chants funéraires de la côte Pacifique et Caraïbe de Colombie,
dans le cadre du Festival de l’Imaginaire »350. En réponse, Colcultura a signalé qu’il
existait encore en Colombie des groupes de « Cantadoras » tel que « Les Pleureuses
de Guapi », qui était le groupe le plus important et celui avec lequel ils avaient
travaillé à plusieurs reprises351. La directrice signalait également l’existence de
« plañideras de lumbalú » de Palenque de San Basilio, territoire afro-colombien situé
sur la côte Caraïbe du pays. À leur sujet, elle soulignait que Colcultura « savait qu’il
existait quelques femmes qui connaissaient encore ce chant mais [qu’il s’agissait] de
personnes d’un certain âge et qu’[ils] ne savaient pas si elles pourraient se déplacer en
Europe » 352. Colculura signalait également qu’il fallait prévoir la présentation de ces
deux groupes pendant l’exposition mondiale « Expolisboa’98 » qui allait se dérouler
entre mai et août 1998, « étant donné qu’ils ne pourraient pas mobiliser ces deux
groupes en mars puis ensuite en mai ou en juin » 353.
Finalement, les Pleureuses de Guapi et le groupe « Les Joyeuses
Ambulances » ont été invités dans le cadre de 10ème Festival de l’Imaginaire (2006).
Les Pleureuses de Guapi ont interprété des « Alabaos », des chants funéraires
exécutés lors de la mort d’un adulte, mais aussi des « Guali », des chants interprétés
lors de la mort d’un enfant. En 1982, seule les chants « Alabados » avaient été
interprétés par les Pleureuses qui avaient été invitées à cette occasion. Le deuxième
groupe, les Joyeuses Ambulances, ont interprété un « lumbalú », « un rite funèbre 348 Les éléments du dossier « Colombie » que nous avons consulté ne nous donne pas plus d’information sur les raisons pour lesquelles cette présentation a été annulée. 349 « Pas de Pleureuses colombiennes à Paris », in Le quotidien de Paris, mardi 14 octobre 1986, in Dossier « Colombie », (1976-1997), non coté, Archives de la Maison des Cultures du Monde 350 NORDEN Isadora de, Lettre passée par fax, Bogota, 7 avril 1997, (traduction de l’auteur), in Dossier « Colombie », (1976-1997), non coté, Archives de la Maison des Cultures du Monde 351 Ibid 352 Ibid 353 Ibid
112
d’origine bantoue qui regroupe des chants de femmes, des danses et des percussions
au rythme d’une grande complexité »354.
e- Remarques
Cette étude de cas m’a donc permis d’approcher le fonctionnement du Festival
de l’Imaginaire au travers de ses relations avec le festival le Festival des Arts
Traditionnels de Rennes (1974-1982), dispositif dont le Festival de l’Imaginaire a
prolongé la mémoire jusqu’à nos jours. Elle permet également de mettre en évidence
le rôle joué par les différents acteurs institutionnels et non institutionnels dans le cadre
de la coopération culturelle internationale dans laquelle s’inscrit la démarche qui
anime le Festival de l’Imaginaire. Enfin, l’étude du Festival de l’Imaginaire en tant
que dispositif de diffusion des chants traditionnels de la communauté afro-
colombienne permet de mieux saisir la contribution de ce festival au processus de
patrimonialisation et de sauvegarde de la culture immatérielle des sociétés
contemporaines, enclenché suite à la proclamation, en 2003, de la Convention de
l’UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
En 2010, les chants traditionnels de la région sud du Pacifique colombien ont
été inscrits dans la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de
l’humanité de l’UNESCO355. Cette inscription témoigne, d’une part, du processus de
d’institutionnalisation du patrimoine culturel immatériel des sociétés contemporaines
que nous avons évoqué dans ce travail. Aussi, cette inscription témoigne du rôle du
Festival de l’Imaginaire en tant que dispositif d’illustration, de diffusion et de
sauvegarde de ce patrimoine. En effet, prospectées par Gründ et Khaznadar dès 1976,
puis présentées par ces mêmes passeurs dans le cadre du Festival de l’Imaginaire
trente ans après, les chants interprétés par les Pleureuses de Colombie répondent aux
critères qui déterminent aujourd’hui ce qui fait œuvre de patrimoine culturel
immatériel. L’UNESCO a justifié le choix d’inclure les chants traditionnels de la
région sud du Pacifique colombien sur la Liste représentative du patrimoine culturel
354 TRIANA Gloria, « Les Joyeuses ambulances, ‘Guali et Alabaos’ de Guapi », in Festival de l’Imaginaire, du 23 février au 9 avril 2006, s.l.n.d., p. 16 355 Liste Représentative du Patrimoine Culturel Immatériel de l’Humanité 2010-2011, Paris, UNESCO, 2012, pp. 46 et 47
113
immatériel parce qu’il s’agit d’une expression culturelle transmise de génération en
génération, ancrée dans la vie quotidienne des sociétés afro-colombiennes,
provoquant en elles un sentiment d’appartenance mais aussi car il s’agit d’une forme
spectaculaire qui contribue à promouvoir la diversité culturelle ainsi que les valeurs
de la créativité humaine356. Les exemples de participation d’éléments inscrits dans les
Listes de l’UNESCO dans le cadre du Festival de l’Imaginaire son nombreux357.
D’ailleurs, ils se sont intensifiés à la fin de la première décennie du XXIe siècle,
comme il a été démontré au cours de ce travail.
356 UNESCO, « Décision 5.COM 6.8 », in La musique Marimba et les chants traditionnels de la région sud du Pacifique colombien, disponible sur <http://www.unesco.org/culture/ich/index.php?lg=fr&pg=00011&RL=0043>, consulté le 12 mai 2013 357 Voir annexe 10
114
CONCLUSIONS
L’étude du Festival de l’Imaginaire s’est révélée vaste et complexe. Plusieurs
points peuvent être retenus de cette étude réalisée dans la perspective de révéler le
Festival de l’Imaginaire en tant que dispositif destiné à l’accueil des cultures
étrangères en France ainsi qu’à illustrer, diffuser et sauvegarder leur patrimoine
culturel immatériel. Aussi, le Festival de l’Imaginaire s’est révélé comme un
dispositif de pénétration, en France, des formes spectaculaires imaginées par des
cultures étrangères.
Au travers de la mise en récit de l’histoire du Festival de l’Imaginaire (depuis
ses origines, qui remontent au milieu du XXe, jusqu’à nos jours) ainsi qu’à partir de
l’exploration des conditions qui ont rendu possible son apparition et son
développement, j’ai pu observer la mise en œuvre du projet culturel et politique qui
encadrent le Festival de l’Imaginaire et qui lui donne un sens.
À partir de l’étude des ancêtres du Festival de l’imaginaire, il a été possible de
comprendre que l’accueil des cultures étrangères en France s’est réalisé grâce à la
mise en œuvre de politiques de gestion culturelle et, plus précisément, de politiques
de gestion des cultures étrangères. Ces politiques sont le résultat soit d’initiatives
privées, soit d’initiatives publiques, soit de celles d’organisations telles que
l’UNESCO. Dans tous les cas, l’histoire du Festival de l’Imaginaire est, dans ce sens,
l’histoire des dispositifs qui ont favorisé les échanges et les dialogues entre la culture
française et les cultures étrangères.
Un des ancêtres du Festival de l’Imaginaire identifié dans ce travail c’est le
festival du Théâtre des Nations (1954-1976). Ce festival a été le résultat de la
conjonction entre l’initiative privée de Claude Planson et celle de l’Institut
International du Théâtre, organisme accrédité par l’UNESCO en 1948. Ce festival est
né de la volonté d’instaurer un dialogue entre les cultures au travers du théâtre.
115
La politique de dialogue des cultures a été imaginée par l’UNESCO comme
un moyen d’exhorter les États à ne pas se replier sur eux mêmes et à œuvrer pour le
maintien de la paix après la Seconde Guerre mondiale. Au cours de ce travail, il a été
démontré que le Festival de l’Imaginaire, en tant qu’héritier direct du festival du
Théâtre des Nations, met lui aussi en œuvre le dialogue des cultures pour le maintien
de la paix.
Entre 1997 et 2013, 96 pays ont été, une ou plusieurs fois, à l’honneur dans le
Festival de l’Imaginaire. Des expressions culturelles multiples et diverses, inventées
par les communautés autochtones que ces pays abritent, se sont confrontées entre elles
en se donnant à voir et à entendre dans les différents espaces où se produit le Festival
de l’Imaginaire (plus de 30 espaces à Paris, en région parisienne et en France). Cette
confrontation des expressions culturelles au sein du Festival de l’Imaginaire est un
pari sur la possibilité de conjurer d’autres besoins de confrontations de tout temps
ressentis par les groupes humains.
Dans ce sens, le Festival de l’Imaginaire rappelle constamment les dangers de
repli sur soi-même auquel peuvent conduire des expériences traumatiques comme
celles de la guerre. En même temps, afin de conjurer ce danger, ce festival propose de
recourir au dialogue avec les cultures qui nous sont étrangères afin de ne pas les
ignorées ni les mépriser. D’autre part, le Festival de l’Imaginaire témoigne de
l’initiative du gouvernement français de mise en place, d’abord, d’une politique
culturelle de rayonnement et ensuite, d’une politique culturelle de réciprocité dans les
relations internationales.
En effet, le Festival de l’Imaginaire témoigne de la mise en place, dans les
années 1970, de la politique de rayonnement culturel358 qui a donné lieu aux Maisons
de la Culture. Cette politique consistait à assurer une présence en permanence du
patrimoine culturel français à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Au cours de ce
travail il a été démontré que le Festival de l’Imaginaire a hérité de l’expérience du
Festival des Arts Traditionnels de Rennes (1974-1982). 358 La politique culturelle de rayonnement a été créé afin de mettre en œuvre le décret du 24 juillet 1959 qui attribuait au ministère de la Culture la « mission de rendre accessibles les œuvres capitales de l’humanité, et d’abord de la France, au plus grand nombre possible de Français, d'assurer la plus vaste audience à notre patrimoine culturel et de favoriser la création de l'art et de l'esprit qui l'enrichisse »
116
Le Festival des Arts Traditionnels de Rennes s’est réalisé par l’initiative de
Chérif Khaznadar, directeur de la Maison de la Culture de Rennes entre 1974 et 1982,
qui a voulu compléter la politique de rayonnement culturel des chefs d’œuvre de la
culture française par ceux des cultures étrangères.
Donc, la façon dont le Festival de l’Imaginaire témoigne de la politique de
rayonnement culturel des années 1970, c’est en rappelant que le rayonnement de la
culture française peut être accompagné de celui des cultures étrangères. De ce fait, le
Festival de l’Imaginaire est en quelque sorte l’alter-ego des institutions françaises qui
se sont implantées à l’extérieur du pays. Le raisonnement du directeur de la Maison
de la Culture de Rennes a été le suivant : si la culture française est présente dans
plusieurs pays, au travers de différentes dispositifs (tels que les Alliances françaises,
par exemple), alors, en application du principe de réciprocité, il faut que la culture de
ces pays puisse également rayonner en France.
Mais ce n’est qu’au début des années 1980, presque dix ans après la naissance
du Festival des Arts Traditionnels de Rennes, que la France a décidé de mener ses
relations culturelles internationales à partir du principe de réciprocité359. Il faut
signaler que la politique de rayonnement et de réciprocité s’est inspirée de la politique
de dialogue des cultures qui a animé le festival du Théâtre des Nations que j’ai
évoqué plus haut.
Enfin, le Festival de l’Imaginaire ne se contente pas seulement de maintenir en
vigueur la politique du dialogue des cultures, dictée par l’UNESCO dans les années
1950, ainsi que la politique de rayonnement et de réciprocité dans les relations
culturelles internationales de la France, imaginée par le gouvernement français dans
les années 1980.
359 La politique de rayonnement et de réciprocité a répondu à ce qui a été exhorté par le décret du 10 mai 1982, relatif a l’organisation du ministère de la Culture : « le ministère chargé de la culture a pour mission (…) de contribuer au rayonnement de la culture et de l’art français dans le libre dialogue des cultures du monde », in Décret n. 82-394 du 10 mai 1982 relatif a l'organisation du ministère de la culture, Journal Officiel de la République Française du 11 mai 1982 page 1346, disponible sur < http://legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000335808>, consulté le 27 mai 2013
117
Au cours de la première décennie des années 2000, le Festival de l’Imaginaire
s’est articulé avec une troisième politique de gestion des cultures étrangères. Ce
travail a démontré que l’histoire récente du Festival de l’Imaginaire est marquée par le
fait que ce dispositif a été mis au service de la mise en place de la politique de
sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, dictée par l’UNESCO en
2003360. En effet, le Festival de l’Imaginaire s’est reconnu dans cette politique dans le
sens où depuis sa création en 1997, il se spécialise dans l’illustration et la diffusion du
patrimoine culturel des cultures étrangères.
Dans ce travail, il a été démontré qu’au cours de son histoire, le Festival de
l’Imaginaire s’est attaché à donner à voir et à entendre – mais aussi à faire circuler
dans Paris, dans sa région et dans certaines régions de France – les créations et les
traditions musicales, théâtrales et chorégraphiques des cultures étrangères ainsi que
leurs cérémonies et rituels. Or, en 2003, l’UNESCO déclarait que ce qui fait œuvre de
patrimoine culturel immatériel ce sont les « traditions [et] les expressions vivantes
héritées de nos ancêtres et transmises à nos descendants, comme les traditions orales,
les arts du spectacle [ainsi que] les pratiques sociales, [les] rituels et [les] événements
festifs (…) » 361. La coïncidence entre le projet culturel et politique du Festival de
l’Imaginaire avec celui de l’UNESCO se manifestait aussi à propos de la sauvegarde
du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
Cette étude a rendu compte de quelques exemples qui permettent de
comprendre le rôle du Festival de l’Imaginaire en tant que dispositif de sauvegarde du
patrimoine culturel immatériel. Principalement, le Festival de l’Imaginaire fait œuvre
de sauvegarde à chaque fois qu’il donne à voir et à entendre une forme spectaculaire
qui appartient à la tradition vivante d’une culture menacée de disparition. Étant donné
qu’il s’agit de cultures vivantes et de ce fait d’expressions culturelles vivantes
(certaines millénaires, d’autres centenaires) qui se transmettent de génération en
génération, leur sauvegarde doit pouvoir garantir leur survie.
360 La politique de l’UNESCO ici évoquée est contenue par la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, adoptée par l’UNESCO en 2003, et ratifiée, au 8 juin 2013, par 150 pays. 361 Textes fondamentaux de la Convention de 2003 pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, Paris, UNESCO, 2012, p. 12
118
Dans ce sens, il ne s’agit pas de muséifier ces cultures et les pratiques
spectaculaires qui leur donnent un sens. Il s’agit plutôt de leur offrir des espaces où
elles puissent s’exprimer, porter témoignage de leur existence et transmettre leurs
pratiques spectaculaires. Cette étude a permis de démontrer que parmi les cultures
étrangères à l’honneur au Festival de l’Imaginaire, beaucoup sont menacées de
disparition, d’autres ont échappé à leur désintégration. Cependant, leur passage par le
Festival de l’Imaginaire leur a souvent permis de se mettre en valeur et de faire en
sorte que leurs États respectifs prennent conscience de leur valeur.
Par ailleurs, le dispositif festival n’est pas le seul mécanisme qui permet de
valoriser ces cultures. La Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel
immatériel de l’UNESCO a prévu de tenir à jour une liste dans laquelle sont inscrits
les éléments relevant de ce patrimoine. Parmi les 257 éléments inscrits sur cette liste
de l’UNESCO, plus de 50 ont témoigné de leur existence dans le cadre du Festival de
l’Imaginaire.
Un dernier point à signaler en guise de conclusion de cette étude c’est que le
Festival de l’Imaginaire est un dispositif qui a hérité de l’élargissement progressif de
la notion de théâtre avec laquelle ses ancêtres se sont définis. En effet, entre les
années 1950 et 2000, période dans laquelle s’inscrit l’histoire du Festival de
l’Imaginaire, il a été question d’abord de théâtre, ensuite d’arts traditionnels, de
formes spectaculaires après, de patrimoine culturel immatériel, enfin.
L’élargissement de la notion de théâtre correspond au souhait des créateurs du
Festival de l’Imaginaire de relativiser le théâtre occidental et d’inclure les formes
théâtrales développées par d’autres cultures. Cette étude a montré que pour cela, le
Festival de l’Imaginaire a fonctionné, pendant ses premières années, comme
laboratoire de l’ethnoscénologie. Cette discipline a été créée en 1995 par Françoise
Gründ et Chérif Khaznadar, créateurs du Festival de l’Imaginaire, en collaboration
avec l’université Paris VIII Vincennes-Saint-Denis. Rappelons-ici que
l’ethnoscénologie permet d’« élargir l’étude du théâtre occidental [à celui des]
pratiques spectaculaires du monde entier, en particulier celles relevant du rite [et] du
119
cérémoniel (…), sans projeter sur ces pratiques une vision européocentriste » 362.
Aujourd’hui, les ethnoscénologues font partie des experts qui réfléchissent à la notion
de patrimoine culturel immatériel, en collaboration avec des ethnologues, des
anthropologues et des musicologues, entre autres.
Enfin, le Festival de l’Imaginaire est un dispositif qui s’inscrit dans les
logiques de temps et d’espaces propres au XXe et au XXIe siècles. Au cours de cette
période, et au travers du Festival de l’Imaginaire, ce qu’on observe c’est le processus
de construction de la politique de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Dans
ce sens, la pratique de la sauvegarde dans nos sociétés contemporaines mériterait
d’être étudiée à profondeur. Surtout en raison de l’inclusion de cette notion dans les
missions du ministère de la Culture. En effet, depuis 2012, si bien ce ministère a
toujours pour mission de « rendre accessibles au plus grand nombre les œuvres
capitales de l'humanité et d'abord de la France », il a aussi pour mission de conduire
« la politique de sauvegarde, de protection et de mise en valeur du patrimoine culturel
dans toutes ses composantes »363.
Par ailleurs, ce serait également pertinent d’explorer la circulation des
éléments inscrits dans la Liste représentative du patrimoine culturelle immatérielle de
l’UNESCO ainsi que ceux inscrits sur la Liste de sauvegarde urgente. Ces éléments
révèlent l’existence de traditions spectaculaires millénaires d’aires culturelles telles
que le Pacifique, l’Extrême-Orient, l’Asie, le Monde arabe ou bien celle des trois
Amériques. Une étude sur la circulation, la réception ou l’appropriation en France des
éléments de patrimoine culturel immatériel de ces cultures permettrait de révéler leur
impact sur les créations spectaculaires françaises. Par exemple, une étude pourrait être
faite sur l’influence de la tradition indienne et japonaise dans les créations collectives
du Théâtre du Soleil dirigé par Ariane Mnouchkine depuis 1964.
362 PAVIS Patrick, « Ethnoscénologie », op. cit., p. 125 363 Décret n° 2012-776 du 24 mai 2012 relatif aux attributions du ministre de la culture et de la communication, disponible sur <http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000025915890&dateTexte=&categorieLien=id>, consulté le 27 mai 2013
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135
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137
ANNEXES
138
ANNEXE 1
Figure 1 : Affiches du Festival de l’Imaginaire (2002-2012)
De gauche à droite, en commençant par le haut, affiches du Festival de l’Imaginaire des éditions 2012, 2011, 2010, 2009, 2008, 2007, 2006, 2005, 2004 et 2003. L’auteur de l’affiche de l’édition 2012 est inconnu. Les affiches des éditions 2010 et 2011 ont été réalisées par www.ranasalam.com Les affiches des éditions de 2003 à 2009 on été réalisées à partir de dessins originaux de Françoise Gründ.
139
ANNEXE 2
Figure 2 : Périodicité du Festival de l’Imaginaire (1997-2013)
Convention de lecture : Le 1er Festival de l’Imaginaire s’est réalisé en 1997, du 21 février au 27 mars.
140
ANNEXE 3 Figure 3 : Rayonnement du Festival de l’Imaginaire dans le monde (1997-2013)
Convention : Le chiffre représente le nombre de fois que chaque pays a été à l’honneur au Festival de l’Imaginaire, entre 1997 et 2013. Les flèches indiquent les aires culturelles explorées. Plus de 96 pays ont été à l’honneur au Festival de l’Imaginaire, entre 1997 et 2013. Il s’agit, dans la plupart des cas, de pays qui ont été à l’honneur une seule fois, comme pour le Venezuela, par exemple. Cependant, il y a des pays qui reviennent plus de 4 fois (le Mexique, par exemple), ou même plus de 9 fois (la Corée par exemple). De ce fait, les pays qui ont été à l’honneur le plus souvent sont l’Inde, la Syrie, l’Indonésie, l’Iran, Taïwan et la Corée. Par ailleurs, parmi les aires culturelles explorées, ont peut citer : le Pacifique, l’Extrême-Orient, l’Asie, la Russie, le Monde arabe, la Turquie, le Monde juif, l’Europe, l’Afrique Noire ainsi que les trois Amériques.
141
ANNEXE 4 Rayonnement du Festival de l’Imaginaire dans le monde par année d’édition : de 1997 à 2013364 Figure 4 : 1er Festival de l’Imaginaire, du 21 février au 27 mars 1997
364 Nous avons travaillé à partir de la carte “Political Map of the World, septembre 2008”. Scale 1: 35 000 000. Robinson projection. Standard paralels 38° N and 38° S. Disponible sur: <http://www.coladaweb.com/mapas/mapa-mundi>.
142
En 1997, 10 pays ont été à l’honneur au Festival de l’Imaginaire : L’Allemagne, le Bangladesh, l’Éthiopie, l’Inde, le Japon, Madagascar, le Niger, la Palestine, la Russie et la Turquie. Figure 5 : 2ème Festival de l’Imaginaire, du 13 février au 14 avril 1998
En 1998, 12 pays ont été à l’honneur au Festival de l’Imaginaire : l’Azaerbaïdjan, la Croatie, la Guinée, l’Inde, l’Irak, la Jordanie, le Liban, l’Ouzbékistan, le Taïwan, le Turkménistan, le Viêt-Nam et le Yémen.
143
Figure 6 : 3ème Festival de l’Imaginaire, du 11 mars au 16 avril 1999
En 1999, 16 pays ont été à l’honneur au Festival de l’Imaginaire : La Bosnie-Herzégovine, la Corée, les Émirats Arabes Unis, la France, la Géorgie, Haïti, l’Inde, le Japon, le Mali, la Namibie, le Pakistan, Taïwan, la Turquie et le Zimbabwe.
144
Figure 7 : 4ème Festival de l’Imaginaire, du 24 février au 25 juin 2000
En 2000, 13 pays ont été à l’honneur au Festival de l’Imaginaire : Le Brésil, le Cameroun, la Chine, l’Espagne, l’Inde, l’Indonésie, le Japon, le Liban, le Maroc, São Tomé, la Slovaquie, le Yémen et le Zimbabwe.
145
Figure 8 : 5ème Festival de l’Imaginaire, du 27 février au 07 avril 2001
En 2001, 13 pays ont été à l’honneur au Festival de l’Imaginaire : l’Allemagne, la Bulgarie, la Corée, la Croatie, les Etats-Unis, la Hongrie, l’Inde, le Japon, le Nigéria, l’Ouzbékistan, le Sri Lanka, la Syrie et la Tunisie.
146
Figure 9 : 6ème Festival de l’Imaginaire, du 5 mars au 7 avril 2002
En 2002, 16 pays ont été à l’honneur au Festival de l’Imaginaire : l’Afghanistan, l’Algérie, l’Arménie, le Brésil, le Cameroun, la Corée, l’Égypte, l’Éthiopie, l’Inde, l’Iran, le Mali, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, le Sénégal, la Syrie, la Russie (la Tchétchénie) et la Tunisie.
147
Figure 10 : 7ème Festival de l’Imaginaire, du 24 février au 6 avril 2003
En 2003, 12 pays ont été à l’honneur au Festival de l’Imaginaire : le Cambodge, le Cap-Vert, le Congo, l’Inde, l’Indonésie, l’Iran, le Mozambique, l’Ouzbékistan, la Serbie, la Syrie et la Thaïlande.
148
Figure 11 : 8ème Festival de l’Imaginaire, du 3 mars au 4 avril 2004
En 2004, 14 pays ont été à l’honneur au Festival de l’Imaginaire : la Chine, la Colombie, la Corée, les Etats-Unis, la Grèce, l’Inde, l’Iran, le Japon, le Kazakhstan, le France (la Mayotte), le Mexique, le Royaume-Uni (Les Îles Hébrides d’Écosse), le Soudan et la Syrie.
149
Figure 12 : 9ème Festival de l’Imaginaire, du 8 mars au 17 avril 2005
En 2005, 11 pays ont été à l’honneur au Festival de l’Imaginaire : le Brésil, la Chine, la Colombie, la Corée, l’Espagne, l’Indonésie, le Maroc, le Nigéria, le Pérou, le Portugal, Taïwan. Par ailleurs, la culture juive a également été représentée lors de ce festival.
150
Figure 13 : 10ème Festival de l’Imaginaire, du 23 février au 9 avril 2006
En 2006, 18 pays ont été à l’honneur au Festival de l’Imaginaire : la Colombie, la Corée, l’Égypte, la France, l’Indonésie, l’Iran, le Japon, le Liban, le Mali, le Mexique, la Nouvelle-Calédonie, Ouganda, Roumanie, São Tomé, la Syrie, la Turquie, le Vanuatu et le Viêt-Nam.
151
Figure 14 : 11ème Festival de l’Imaginaire, du 6 mars au 6 avril 2007
En 2007, 10 pays ont été à l’honneur au Festival de l’Imaginaire : l’Azerbaïdjan, l’Espagne, l’Inde, l’Iran, la Malaisie, le Mozambique, le Pakistan, la Syrie et le Vénézuela.
152
Figure 15 : 12ème Festival de l’Imaginaire, du 18 mars au 18 avril 2008
En 2008, 16 pays ont été à l’honneur au Festival de l’Imaginaire : l’Algérie, l’Azerbaïdjan, le Chine, la Colombie, la Corée, l’Espagne, la Finlande, l’Irak, l’Italie, le Japon, le Kirghizistan, le Mali, le Maroc, la Syrie, le Tadjikistan, Taïwan et la Turquie.
153
Figure 16 : 13ème Festival de l’Imaginaire, du 3 mars au 10 avril 2009
En 2009, 15 pays ont été à l’honneur au Festival de l’Imaginaire : l’Algérie, l’Argentine, l’Azerbaïdjan, la Corée, la France, l’Indonésie, l’Italie, le Laos, le Mexique, l’Ouganda, le Pakistan, la Pologne, la Syrie, la Tunisie et la Zambie.
154
Figure 17 : 14ème Festival de l’Imaginaire, du 3 mars au 25 avril 2010
En 2010, 14 pays ont été à l’honneur au Festival de l’Imaginaire : l’Argentine, l’Azerbaïdjan, la Corée, l’Espagne, l’Inde, l’Italie, la Jamaïque, le Mexique, le Paraguay, la Russie, la Syrie, Taïwan et la Turquie.
155
Figure 18 : 15ème Festival de l’Imaginaire, du 10 mars au 15 juin 2011
En 2011, 12 pays ont été à l’honneur au Festival de l’Imaginaire : le Bahreïn, les Émirats Arabes Unis, la France (Guyane et Île de la Réunion), les îles Marquises, l’Inde, le Japon, le Maroc, la Mauritanie, le Mexique, l’Ouzbékistan et le Yémen.
156
Figure 19 : 16ème Festival de l’Imaginaire, du 9 mars au 17 juin 2012
En 2012, 10 pays ont été à l’honneur au Festival de l’Imaginaire : l’Albanie, l’Algérie, le Bahamas, le Cap-Vert, la Corée, l’Inde, l’Italie, le Maroc, le Pérou et le Viêt-Nam.
157
Figure 20 : 17ème Festival de l’Imaginaire, du 20 mars au 29 juin 2013
En 2013, 9 pays ont été à l’honneur au Festival de l’Imaginaire : la Turquie, le Mali, le Japon, l’Irak, l’Indonésie, la Géorgie, la France, la Corée et la Chine.
158
ANNEXE 5 Formes spectaculaires présentées dans le cadre du Festival de l’Imaginaire (1997-2013) Les formes spectaculaires présentées dans le cadre du Festival de l’Imaginaire peuvent être regroupées en trois catégories : les formes musicales (Figure, tableaux 1 à 5), les formes théâtrales et chorégraphiques (Figure, tableaux 1 et 2) et les formes cérémonielles, rituelles et festives (Figure). Cependant, cette classification est aléatoire. Elle permet, ici, de saisir le contenu de ce festival et d’illustrer le concept de formes spectaculaires. Figure 21 a : Formes musicales exposées dans le cadre du Festival de l’Imaginaire entre 1997 et 2013 (Tableau 1)
159
Parmi les formes musicales qui ont été exposées entre 1997 et 2013, dans le cadre du Festival de l’Imaginaire, on peut citer les chants des pêcheurs de perles du Bahreïn, les polyphonies vocales de Haute-Svanétie ou le Al-Âla, une forme de musique classique du Maroc. Figure 21 b: Formes musicales exposées dans le cadre du Festival de l’Imaginaire entre 1997 et 2013 (Tableau 2)
160
Figure 21 c : Formes musicales exposées dans le cadre du Festival de l’Imaginaire entre 1997 et 2013 (Tableau 3)
161
Figure 21 d : Formes musicales exposées dans le cadre du Festival de l’Imaginaire entre 1997 et 2013 (Tableau 4)
162
Figure 21 e : Formes musicales exposées dans le cadre du Festival de l’Imaginaire entre 1997 et 2013 (Tableau 5)
163
Figure 22 : Formes théâtrales et chorégraphiques exposées dans le cadre du Festival de l’Imaginaire entre 1997 et 2013 (Tableau 1)
Les danses masquées, les drames dansés ou le théâtre d’ombres sont quelques unes des formes théâtrales et chorégraphiques réunies dans le cadre du Festival de l’Imaginaire, entre 1997 et 2013. Ces formes spectaculaires relèvent en même temps de la danse, du théâtre et de la musique. C’est le cas des danses guerrières des Pwöppwöp, des chants et musiques du nord de la Chine, des chants, musiques et danses des Antandroy de Madagascar ou encore du flamenco.
164
Figure 23 : Formes théâtrales et chorégraphiques exposées dans le cadre du Festival de l’Imaginaire entre 1997 et 2013 (Tableau 2)
165
Figure 24 : Formes cérémonielles, rituelles et festives exposées dans le cadre du Festival de l’Imaginaire entre 1997 et 2013
Cérémonies, rituels et fêtes font également partie de la programmation du Festival de l’Imaginaire.
166
ANNEXE 6 Espaces de présentation du Festival de l’Imaginaire entre 1997 et 2013 Figure 25 : Le Festival de l’Imaginaire dans Paris et sa région (1997-2013)
Les équipements culturels de Paris et sa région où a eu lieu le Festival de l’Imaginaire entre 1997 et 2013 sont les suivants :
Maison Des Cultures Du Monde
La Cartoucherie
Zingaro
Institut du monde arabe (IMA)
Musée des Arts Africains et Océaniens
Le 104
Musée du Louvre
Musée national des arts asiatiques Guimet
Auditorium Saint-Germain
Paroisse Sainte Elisabeth
Centre Culturel Jacques Duhamel
Le Plateau
Opéra Bastille
Librairie du Musée national de la Marine
Château de Bagatelle
Grande Halle de la Villette
Musée du quai Branly Association Centre Mandapa
Musée des Oudayas
Theatre Du Soleil
Cirque d'hiver Bouglione
La Caserne Ephémère
Maison des Etudiants d'Asie Sud Est - CIUP Galerie Frédéric Moisan
Les Voutes
Église Saint-Roch
Église Notre Dame Maison des Métallos
La Bellevilloise
Maison des Cultures du Monde
167
Figure 26 : Le Festival de l’Imaginaire en France (1997-2013)
Les équipements culturels de France où a eu lieu le Festival de l’Imaginaire entre 1997 et 2013 sont les suivants : Centre Culturel Jacques Duhamel, Vitré Théâtre Duchamp Villon, Rouen L’Heure Bleue, Grenoble Triangle, Rennes T.N.B, Rennes Hexagone Scène National, Meylan Église Saint Jean de Caen
168
ANNEXE 7 Figure 27 : Subventions de la Maison des Cultures du Monde (1983-2008)365
HT : Hors taxes DAI : Département des affaires internationales DTS : Direction du théâtre et des spectacles DMD : Direction de la musique et de la danse DAP : Direction des arts plastiques Les chiffres expriment des milliers d’euros. Le Festival de l’Imaginaire a été crée en 1997 par la Maison des Cultures du Monde. Ce tableau illustre le désengagement progressif de l’État envers cette association culturelle, entre 1983 et 2008.
365 11V0007/13, Subventions du ministère de la Culture, Section spectacles, de septembre 1982 à 2008, in MCM (2009), Mission des archives du ministère de la Culture et de la Communication BG
169
ANNEXE 8 Principaux festivals ‘cultures du monde’ créés en France entre 1990 et 2000366
- Le festival Paris, quartier d’été [1990]
- Le festival Les Escales de Saint-Nazaire [1990]
- Le festival Rencontres et Racines d’Audincourt [1990]
- Le festival Voix des femmes, à Liège [1991]
- Le festival Les Orientales à St-Florent-le-Vieil [1999]
- Le festival Les Nuits atypiques de Langon [1992]
édito de 1992 : « (…) l’idéologie ultralibérale fait des ravages…la question du sens
est de moins en moins posée »
- Le Festival fenêtres au Sud (Cergy) [1993]
- Le festival Nuits Métis à Marseille [1993]
- le festival Rencontres du Sud (Arles) [1996]
- le festival Autres Rivages (Uzès) [1996]
- Le festival Les Temps Chauds à Bourg en Bresse [1996]
- Le festival Correspondances (Mulhouse) [1997]
- Le Festival Musiques du Sud (Nanterre) [1997]
- Festival des Villes des Musiques du Monde d’Aubervilliers [1997]
- Le festival Métissons à Marseille [1997]
- Le Festival 6ème Continent à Lyon [1998]
- Le festival Africolor autour du Monde [1998]
- Le Festival Planètes musiques à Paris [2000]
- Le festival Rencontres Nomades à Vizille [2000]
Date de création entre crochets
366 TOULA-BREYSSE Jean-Luc, Cultures du monde en France : Le guide, Plume, Maison des Cultures du Monde, 1999
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ANNEXE 9 Figure 28 : Colloques, tables-rondes et conférences réalisées dans le cadre du Festival de l’Imaginaire (1997-2013)
Entre 1997 et 2013, le Festival de l’Imaginaire a développé son volet didactique en organisant, à chaque édition, des colloques, tables-rondes, rencontres et conférences. À partir de 2004, les thèmes abordés pivotent autour de celui du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
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ANNEXE 10 Formes spectaculaires accueillies par le Festival de l’Imaginaire, entre 1997 et 2013, inscrites dans les Listes de l’UNESCO Depuis sa création, le Festival de l’Imaginaire a œuvré pour défendre et accueillir un nombre important d’expressions culturelles du monde entier. Plusieurs d’entre elles furent inscrites (après l’adoption en 2003 de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel) sur les listes de cette convention. Parmi ces formes à l’honneur au Festival de l’Imaginaire, citons : - L’art des Ashiqs d’Azerbaïdjan (FI 2009 et 2010), inscrit en 2009
- Le théâtre de marionnettes wayang – Indonésie (FI 2009), inscrit en 2008
- Le Gule Wamkulu – Zambie (FI 2009), inscrit en 2008
- La musique Marimba et les chants traditionnels de la région sud du Pacifique colombien (FI
2006), inscit en 2010
- Le Yeongsanjae – Corée (FI 2008), inscrit en 2009
- Le théâtre des marionnettes sicilien Opera dei Pupi–Italie (FI 2008), inscrits en 2008
- Le Chopi Timbila – Mozambique (FI 2007), inscrit en 2008
- Le Théâtre Mak Yong – Malaisie (FI 2007), inscrit en 2008
- Les dessins sur le sable du Vanuatu (FI 2006), inscrit en 2008
- Le muqam ouïgour du Xinjiang – Chine (FI 2005), inscrit en 2008
- La musique des Bakhshis du Khorasan - Iran (FI 2003 et 2004), inscrit en 2010
- Le Duduk et sa musique – Arménie (2002)
- Le Mudiyettu, théâtre rituel et drame dansé du Kerala–Inde (2001)
- La procession Za Krizen (« chemin de croix ») sur l’île de Hvar – Croatie (2001)
- La Fujara et sa musique – Slovaquie (FI 2000), inscrit en 2008
- Le Kumiodori, théâtre traditionnel musical d’Okinawa–Japon (FI 1999), inscrit en 2010
- Le chant polyphonique géorgien (FI 1999 et 2013), inscrit en 2008
FI : Festival de l’Imaginaire Entre parenthèse, date de présentation dans le cadre du FI
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ANNEXE 11 Brochure de présentation du Yakshagana Gombeyatta au 16ème Festival de l’Imaginaire (2012)
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ANNEXE 12
TRANSCRIPTION Entretien avec Chérif Khaznadar Réalisée par Yamila Wahba Montoya Maison des Cultures du Monde - Paris 11 avril 2012 durée : 1:05 min Yamila Wahba Montoya : Comment sont nés la Maison des Cultures du Monde et le Festival de l’Imaginaire ? Chérif Khaznadar : Alors, la Maison des Cultures du Monde est née en 1982, essentiellement à cause du Festival des Arts traditionnels que j’avais crée à Rennes en 1974 et qui avait eu beaucoup de succès. C’était la première fois où vraiment, institutionnellement, je veux dire, il y a eu des manifestations du monde entier de cultures étrangères qui sont venues accueillies en France. Ce festival a ouvert la voie à ce genre de travail. Et en raison de ce succès à Rennes, donc, en province, j’ai proposé au Ministère de la Culture de créer une structure à Paris qui fasse la même chose mais toute l’année et qui accueil les cultures étrangères. Et donc c’est comme cela qu’est née la Maison des Cultures du Monde. Donc, née d’un festival. Et donc en 1982, lorsqu’on a crée cette maison, j’ai décidé qu’à Paris il ne fallait pas faire un Festival parce qu’il fallait mener une action permanente, quotidienne, de présence des cultures étrangères et ne pas les avoir comme les autres festivals deux jours par ans, trois jours par an. Et donc on a mené une action quotidienne de présentation de ces cultures de 1982 à 1992. A l’époque, donc, j’ai été nommé directeur du Théâtre du Rond. C’est au rond point des Champs Élysées. Et donc cela devenait une deuxième salle de la MCM. Nous avons fait notre activité sur les deux théâtres et pendant trois ans. Et au bout de trois ans, mon contrat s’est terminé et la droite été revenue au pouvoir et donc avait repris le Théâtre du Rond-Point. On est revenu dans ce petit théâtre ici. Avec des moyens très limités. Entre temps, le coût de la promotion de chaque spectacle augmentait, augmentait, augmentait, augmentait. Si vous voulez, pour vous donnez une idée, je m’arrête là à 1995. Quand on faisait des spectacles toutes les semaines, tous les quinze jours, j’essayais même d’avoir des spectacles sur un mois, des théâtres étrangers, des théâtres en langue étrangère, en langue arabe, en japonais, sur un mois, comme un spectacle francelais…Mon souhait était de faire que ces cultures existent au même titre que les autres. Je veux dire que, il n’y a pas de raison, parce que c’est une pièce de théâtre qui vient de…du Maroc, qu’elle ne se joue qu’un soir dans un festival. Elle a son public, elle peut rester aussi deux, trois semaines à l’affiche. Et donc il fallait faire des affiches, payer les frais de l’affiche, payer le graphiste, coller les affiches…à l’époque on pouvait encore les coller sur les murs, dans la rue, mais même cela a était payant, louer des emplacements pour mettre les affiches, ensuite, passer dans la presse des petits encarts pour annoncer tel ou tel
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spectacle, tel date, etc. Donc, pour chaque spectacle il y avait une campagne de presse qui était indispensable pour faire connaître. Et quand on multiplie ces spectacles, il y en a toutes les semaines, tous les quinze jours, toutes les trois semaines, c’est autant de campagnes différentes. Parce que les spectacles…ce n’est pas la même publicité qu’on peut faire pour un spectacle qui vient de…du Japon que pour un spectacle qui vient d’Afrique. C’est des supports différents, c’est des journaux différents, c’est des…c’est une activité auprès de la radio, etc. Et donc, progressivement, ces frais ont augmenté parce que les coûts de la publicité ont augmenté, les possibilités, par exemple, parce ce qu’on pouvait, à l’époque encore coller des affiches sur les murs, cela a été interdit, donc il fallait louer des emplacements, de plus en plus chers. Il fallait distribuer des tracts, cela a été interdit, il fallait payer des taxes. Et on est arrivé à un moment où finalement le coût de la publicité et la promotion pour un spectacle été supérieur à tout ce qu’on pouvait espérer comme recette du spectacle. Alors cela devenait complètement absurde. C’est à dire que qu’on était subventionné pour faire venir des spectacles mais que cet argent il partait dans la publicité et on avait plus les moyens de faire venir des spectacles parce qu’il fallait faire la promotion. Alors je me suis dis, bon, comment faire pour pouvoir continuer à travailler ? Parce que le budget n’a pas augmenté pendant toutes ces années, donc, regroupons ces spectacles, créons un événement, parce que Paris fonctionne par événements, créons un événement qui fasse qu’on fasse une campagne publicitaire pour un ensemble d’événements. Alors, si on fait une campagne publicitaire pour dire bon, la MCM, la saison 2012-2013, il y a cela, cela et cela, cela ne porte pas. Donc, il fallait regrouper tout cela sous un chapeau et c’est comme cela qu’on a crée le Festival de l’Imaginaire, pour faire face à cette situation et faire ce que je ne voulais pas faire, dix ans plus tôt, créer un festival. Et malheureusement, je dirais que ce que j’avais prévu est arrivé. C’est à dire qu’aujourd’hui, on connaît la MCM essentiellement à cause du Festival de l’Imaginaire et non plus à cause de toutes les activités qu’elle mène parallèlement. On oublie les disques, la revue, les livres, les rencontres et tout cela, etc, enfin, tout ce travail de formation…parce qu’il y a le festival et la presse, les médias, et tous ces publics, ce qui les intéresse c’est le Festival. Voilà donc comment le Festival a été crée, pourquoi ? Tout simplement parce qu’on devait faire face à une contrainte financière grave. YWM : Quelle est l’orientation du Festival de l’Imaginaire ? Il y a-t-il une différence avec l’orientation de la Maison des Cultures du Monde ? CK : On a voulu pour ce festival la même orientation qu’avait la Maison avant. C’est à dire, de programmer pendant trois jours un spectacle de Colombie, la semaine d’après un spectacle du Maroc, la semaine d’après un spectacle de Mozambique, etc. On a regroupé tout cela sous le titre Festival de l’Imaginaire. Mais l’activité, l’orientation est restée la même, on n’a pas changé d’orientation, ni de recherches, ni de spectacles qu’on voulait faire venir en raison de l’appellation. C’est simplement un regroupement qui permettait de faire une campagne de presse, une affiche, pour quinze spectacles plutôt que quinze affiches et…
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YWM : Et est-ce que vous aviez envisagé d’autres solutions, à part celle de la création d’un festival, afin de face à la situation difficule que vois éviquez ? CK : Non, on a tout essayé, on a pensé à tout, il n’y avait pas. Du point de vue…quand il y a une contrainte financière elle est là. On ne peut pas la contourner. YWM : Qu’est-ce qui a changé pour la Maison des Cultures du Monde après la création du Festival de l’Imaginaire? CK : Non, le reste de la Maison a continué à fonctionner normalement sauf que progressivement le festival il était limité à six semaines. On l’avait limité dans le temps pour ne pas faire un événement ponctuel. C’était une période où il n’y avait pas grande chose à Paris. Parce que l’important à Paris aussi c’est de trouver des périodes où il n’y a pas une programmation très forte en d’autres lieux, pour pouvoir s’insérer. Pour créer un événement, il faut pouvoir trouver des dates, le calendrier pour la presse, pour les médias, etc. Et donc on avait pris cette période entre les vacances de février et les vacances de pâques où il n’y avait pas de grands événements. Mais avec le temps cette période, comme elle était bonne pour cela, tout le monde s’est mis dans cette même période. C’est ce qu’il se passe à Paris. Quand on fait une chose, tout le monde fonce après. « Ah, cela marche comme cela ? Alors on fait pareil ». Et donc même cette période n’était plus une période idéale pour le festival. Mais nous avons continué, au début, des activités en dehors du festival, dans la Maison. Mais petit à petit, avec les moyens qui diminuaient, les frais qui augmentent, toujours, on a concentré le budget sur le festival et on a accueilli des spectacles en dehors du festival. C’est à dire que le reste de l’année, c’était plus une programmation qui était décidée et voulu par la maison, c’était une ouverture à d’autres associations, à d’autres institutions qui voulaient faire des spectacles et chercher un théâtre. Alors, on a accueilli les spectacles qui correspondaient quand même à l’orientation de la Maison. Donc, on les accueillait soit gratuitement, soit, parfois, quand ils avaient un peu de moyens, ils participaient aux frais, des frais de personnel, des frais de billetterie, etc. Donc, il y a eu ce changement dans la politique. C’est à dire, pendant dix ans on était…on prenait tout en charge, on programmait que ce qu’on avait décidé de programmer. Avec la création du festival, petit à petit, on a commencé à accueillir des choses qu’on avait pas choisit nous même mais qui nous semblaient aller dans le sens de notre activité. Et jusqu’à l’année dernière où finalement on s’est dit que se limiter sur une période de cinq semaines ou six semaines dans l’année devenait très compliqué dans le mesure où il y avait beaucoup, beaucoup, beaucoup d’offre sur Paris, beaucoup de spectacles, et qu’il y avait beaucoup de plaintes de gens qui disaient « on ne peut pas venir six fois dans le mois à la Maison des Cultures du Monde voir vos spectacles, on peut venir une fois, deux fois, mais six fois dans le mois, on ne peut pas ». Parce qu’il a eu la crise, il y a eu…les gens n’ont pas le temps, etc, etc. Donc, on s’est dit, on va essayer d’élargir le temps et au lieu de programmer tous les jours, pendant six semaines, ou cinq semaines, ou six semaines, on va
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programmer les week-end pendant six mois. Et c’est ce qu’on a fait cette année. C’est la première année où il y a cette tentative de programmer uniquement des week-end pour permettre au public de pouvoir choisir dans l’année deux ou trois spectacles, ne plus être limité à une période très courte. Donc ceci pour vous dire que l’action culturelle est toujours liée aux conditions administratives et financières de l’institution. Quand vous pensez une action culturelle, en la dissociant de la réalité du terrain….La réalité du terrain c’est avant tout, les moyens budgétaires, et ensuite c’est à qui s’adresse-t-on ? quel est le public qu’on veut toucher ? et comment est-ce que ce public est disponible ? quels sont ces moyens ? quand est-ce qu’on peut le toucher ? etc, etc. Donc il faut combiner tous ces éléments pour faire un événement. YWM : Quel a été la relation du Festival et de la Maison avec l’État ? Est-ce que vous êtes subventionnés ? Par exemple, est-ce que l’Etat vous facilite l’accès à des espaces dans la ville pour coller les affiches ? CK : La MCM est une institution qui a toujours été subventionnée. Et nous avons tenu toujours, étant subventionnés, toujours à respecter les lois, quelques qu’elles étaient. Donc, au début, c’était tout à fait légal et autorisé de coller des affiches. Il y avait des équipes, des boîtes, qu’on engageait pour coller à des endroits, etc. Après, cela a été interdit. Donc, après il fallait se limiter aux panneaux, vous savez, les colonnes Maurice ? Les panneaux, les spot publicitaires, qui coûtent beaucoup, beaucoup, beaucoup plus cher que nous coûtaient avant les affichages qui étaient autorisés. C’est à dire que, dans la ville, il y avait des espaces, des murs, des trucs, qu’on disait « là vous pouvez afficher », c’était gratuit. Juste il fallait payer la colle et la personne qui affiche. Et petit à petit, la ville a vendu ces espaces ou donné l’exclusivité à des boîtes commerciales qu’il faut payer très cher. YWM : Cela répond plus à une logique commerciale de la part de l’Etat pour mettre un petit peu des filtres aux initiatives d’offre de programmation culturelle ? CK : Oui, oui. Bien sûr, le prétexte est que c’est pour que la ville soit propre, qu’il n’y ai pas tout et n’importe quoi. Mais cela a pénalisé beaucoup de petites institutions qui n’ont plus les moyens de faire des affiches. YWM : Et dans se sens là, est-ce qu’il a existé, au long de toutes ces années, d’autres pénalisations, peut-être beaucoup plus importantes, à part celle de ne pas pouvoir coller des affiches ? CK : Il y en a tout le temps…La TVA, qu’on doit payer sur les subventions, c’est à dire que quand on nous donne cent francs on doit payer tant de TVA, le rendre à l’Etat, ce qui est totalement absurde, il vaut mieux donner quatre vingt dix francs plutôt que de donner cent, en prendre dix, etc, etc, etc. Donc, pour dire, il y a beaucoup, de plus en plus, de contraintes qui rendent très, très, difficiles les initiatives
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individuelles, privées. Je veux dire, si quelqu’un n’a pas vraiment des moyens solides pour pouvoir faire une activité culturelle, il ne peut pas. D’ailleurs, on voit, là, des petites compagnies qui se créent, quand elles veulent…quand elles sont deux ou trois, parce qu’une association c’est généralement trois personnes, le mal qu’ils ont pour pouvoir faire tous les papiers, les déclarations de salaires, les déclarations de cachets, toutes les institutions auxquelles il faut s’adresser c’est énorme, c’est énorme. Les demandes pour les subventions deviennent de plus en plus compliquées, les appels d’offre auxquels il faut répondre, etc, cela devient de plus en plus difficile et c’est les jeunes qui essaient de faire quelque chose qu’ils ne peuvent plus tellement. YWM : Pouvez-vous me parler de votre rôle de directeur du Festival? Vous avez fondé la MCM… CK : J’ai dirigé la MCM jusqu’en 2007. En 2007, je suis devenu président, j’ai quitté…maintenant je ne m’en occupe plus que de loin. Mais pendant le temps où j’étais directeur, je dirigeais la Maison, c’est moi qui étais responsable du choix des programmes, etc, avec mes collaborateurs. Ce que je voulais faire passer c’est toujours la même chose, c’est faire connaître les autres cultures, faire que les gens s’intéressent à ce que les autres ont comme culture. J’essaye de continuer, malgré tout, les autres activités qui étaient plus essentielles, je dirais, parce que le spectacle c’est la partie apparente de l’iceberg. Il y a le spectacle, bon, il n’y a pas que le spectacle, il a tout le travail qui se fait derrière. Donc nous avons crée à l’époque aussi une discipline qui s’appelle l’ethnoscénologie qui est une approche des cultures par leur essence même, je veux dire, qui ne nous donne pas une vision uniquement occidentale des autres cultures. Donc cela, cela nous a pris du temps, on a fait des publications, on a fait des colloques, on a…j’ai beaucoup travaillé aussi dans tout ce qui est le patrimoine immatériel. Là aussi qui est une approche plus théorique de tout cela. Pareillement, cela prend aussi beaucoup de temps et d’effort. Bon, comme je vous dis, la publication de disques, d’ouvrages et surtout on a crée un…ce centre de documentation à Vitré pour créer une mémoire de tout ce qui a été fait au point de vue film, enregistrement audio, courrier, etc, etc, enfin, toute l’historique de ces échanges depuis 1974 et bon, je crois que cela c’était le pendant pour maintenir cette action qu’on avait avant. Donc, il y avait le festival qui est l’action apparente et tout le reste qui est l’action qui n’était pas nécessairement publique mais qui maintenait la recherche qu’on voulait faire. YWM : Pouvez-vous évoquer la programmation du Festival ? Comment elle se construit ? Comment vous faites pour choisir les spectacles ? Comment cela s’est passé pendant votre direction et après, aussi. CK : Cela c’est très long parce que il y a un lien…c’est dans le même esprit de ce que j’avais crée en 1974. C’était…c’était d’aller à la recherche de ce qui n’était pas connu en France, que le public ne connaissait pas. C’est à dire, jusqu’à tout récemment, on s’est interdit de présenter des choses qui par ailleurs étaient connues.
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Par exemple, vous verrez qu’on a fait très peu de cinéma parce que le cinéma existe, il y a beaucoup de salles de cinéma, il y a beaucoup de clubs, etc, qui présentent le cinéma étranger, donc on n’a pas besoin de nous pour le présenter. On n’a pas fait beaucoup de jazz, par exemple, parce que le jazz, il existe, à Paris, en France, il existe. Il y a des gens qui le connaissent bien et qui le font. Donc, on a fait ce que les autres ne pouvaient pas faire, ou ne savaient pas faire et ne le faisaient pas. Donc, cela a touché, bien sûr, toutes les formes théâtrales ou para théâtrales qu’on appelle maintenant des formes spectaculaires qui ne venaient pas parce qu’il y a des problèmes de langues, parce que les gens ne connaissaient pas, parce que c’était pas nécessairement…bon, les gens, le public, il vient sur des vedettes, sur des gens connus. Là c’était des vedettes dans leurs pays mais pas nécessairement en France, mais c’était important de les connaître, de voir ce qu’ils faisaient. Donc, on a commencé par aller chercher dans les théâtres, dans les formes de ce genre là, celles qu’il fallait absolument montrer. Ensuite on a abordé tout se domaine alors des formes populaires, des formes traditionnelles qu’on appelle maintenant patrimoine immatériel. Et là aussi d’aller chercher les sonorités, les sons, les instruments, les types de chants, les types de voix, etc, etc, qui n’étaient pas connues. Et donc, on présentaient cela mais en même temps, on ne voulait pas en faire une…un commerce, c’est à dire que quand on présentait un artiste, un très grand artiste dans son pays, qu’on faisait découvrir en France, que cela marchait très, très fort, on se refusait de l’inviter une deuxième fois. C’était d’autres théâtres qui l’invitaient. Et ensuite, alors, si vous voulez, au point de vue administratif, quand on va chercher le truc qui n’est pas connu, un artiste qui n’est pas connu, quand on le fait venir, on prend tout en charge, on prend la prospection, ensuite le voyage, le cachet, les frais, la publicité, le théâtre, etc, pour toucher 150, 200, 300 personnes. Donc c’est un investissement énorme qui est fait. Mais après, cet artiste il arrive, les gens découvrent un excellent artiste, ce que nous savions, mais les gens ne savaient pas, ils découvrent…arrive un autre théâtre qui dit « ah moi je l’engage », il va prendre cet artiste, le met dans une salle de mille personnes et gagne beaucoup d’argent puis etc, etc. Si on avait fait cela au début, on aurait maintenant une grande boîte avec pleins d’artistes du monde qu’on pouvait programmer avec beaucoup d’argent. Mais ce n’était pas notre mission. Moi je considère que notre mission c’était de faire connaître, et donc de faire venir ces artistes, ils viennent une fois chez nous, une fois qu’ils venaient, après c’est à eux…après c’est tant mieux pour eux s’ils continuent à être connus, etc, dans les autres théâtres. C’est ce qu’il s’est passé puisque depuis 1982, il y a beaucoup de lieux qui se sont crées en France, beaucoup de théâtres qui accueillent les artistes étrangers, dont la plupart, au début étaient passés par ici. YWM : Est-ce que vous facilitiez la rencontre de ces artistes avec les programmateurs de ces autres salles ? CK : Oui, cela se faisait comme cela ou alors on facilitait, si les gens nous demandaient, par exemple…pendant très longtemps, les gens venaient nous
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demander : « on veut faire venir une troupe de tel pays, est-ce que vous pouvez nous aider ? », on leur disait « voilà l’adresse, voilà le contact ». YWM : Vous mentionniez à l’instant qu’il s’agissait devedettes, des vedettes dans leurs pays d’origine mais qui n’étaient pas forcément connus ici en France, est-ce que cela a toujours été le cas ? CK : Non, quand je dis « très connus dans leur pays d’origine », cela ne veut pas dire qu’ils étaient des vedettes…des grandes vedettes…il y en a qui étaient…qui étaient de grandes vedettes, mais il y en a qui étaient très connus dans leur village. Mais pas du tout dans la capitale, dans les autres villes. Très souvent on a présenté beaucoup d’artistes qui avaient des choses très importantes mais que le gouvernement du pays en question ne connaissait pas. Et donc, on nous disait « mais pourquoi faites-vous venir ces artistes sur des gens plus connus ? ». Non, parce que ceux-là ils ont quelque chose, cela ils ont…il nous paraissait important que se soit ceux-là qui viennent et pas les artistes officiels. Dans beaucoup de pays il y a des artistes officiels, qu’on envoi toujours en tournée à l’étranger et pas nécessairement des gens qui font quelque chose de particulier. YWM : Comment vous sélectionniez ces personnes ? CK : Par exemple, en Colombie, au début, pendant très longtemps on n’a pas fait appel à l’Etat. On passait par des amis. J’avais un très bon ami qui s’appelle Enrique Buenaventura, un homme de théâtre. C’était un très bon ami et c’était avec lui que j’allais, qui me présentait telle chanteuse, tel chose, tout cela, bon…On a été chercher les Pleureuses sur la côte, à Buenaventura, justement, c’est cette petite ville…et des choses comme cela. Bon, c’était avec lui, donc, en dehors de tout ce qui était gouvernement. Après, il y a eu…il s’est trouvé….des liens qui se sont fait avec d’autres personnes qui sont entrée au ministère, qui étaient au ministère. Donc, c’était avec d’autres personnes qui étaient au. Et comme elles étaient là-bas, il y en a certaines qui nous ont aidé. Et donc, j’allais avec elles pour faire des prospections, pour chercher des choses qui pouvaient nous intéresser. Et cela s’est toujours fait par ces liens, je dirais. Rarement officiellement. A la fin cela devenait plus officiel parce que, bon, les mentalités ont évolués, c’est à dire qu’on avait des interlocuteurs au ministère qui savaient ce qu’on cherchait, qui s’intéressaient maintenant aussi à ces mêmes choses. Donc, avant ce n’était pas évident. Et progressivement, donc, les dernières choses on les a faites avec les ministères. Oui, dans l’esprit que nous on voulait, c’est à dire, cet esprit de recherche. YWM : Pouvez-vous me parler de l’équipe du Festival ? Qui était en charge de la prospection ? CK : Toujours une petite équipe et l’essentielle de la recherche de spectacles c’était mon épouse, Françoise Gründ, et moi, qui faisions cela. Et après, progressivement, se
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sont joint d’autres personnes, comme la directrice actuelle qui, pendant un moment, quand Françoise Gründ a quitté, elle a pris la relève pour faire des recherches. YWM : Comment cela se passait au niveau de la prise de décisions ? Je veux dire, quelle est la politique de la Maison ? CK : Nous faisons le point à chaque fois au Conseil d’Administration tous les deux, trois, mois. Nous faisons le point sur comment se présentent les choses, qu’est-ce qu’il faut améliorer ou pas. Par exemple, c’est là qu’on a décidé là il y a deux ans d’étaler le festival sur les week-ends, pour essayer de faire face, justement, à ce fait que les gens ne pouvaient plus voir plusieurs choses en quelques jours. Ce qui se passe en Province mais pas à Paris : essayer de sortir de la Maison, d’avoir des spectacles dans d’autres institutions, ce qui est très important c’est d’aller ailleurs pour faire des collaborations. Et…d’ailleurs, cela rejoint un peu l’esprit du Festival, au tout début, quand on a fait ce festival, on s’est dit que peut-être, à ce moment là, on pourrait créer un temps fort sur Paris, avec toutes les institutions qui s’intéressent aux cultures étrangères qui programmeraient, en même temps, des spectacles. Mais, malheureusement, les autres n’ont pas voulu suivre. C’est à dire qu’il y a une grosse différence entre la MCM et toutes les autres institutions en France. C’est que comme on est toujours à la recherche de spectacles, on ne peut pas les programmer deux ou trois ans à l’avance. On programme dans la même année. Au mieux. On ne peut pas dire…aller dans un village, par exemple en Colombie, et trouver un…une chanteuse qu’on trouve formidable et lui dire, « bon, dans deux ans on vous invitera à Paris ». Pour elle deux ans, qu’est-ce que cela veut dire ? cela ne veut rien dire. Dans deux ans elle ne sera plus là, elle fera autre chose, etc. Il faut lui dire « maintenant, dans trois mois, dans quatre mois, vous venez ». Et c’est ce qu’on a essayé de faire dans le festival. Donc, les autres institutions c’est dans deux ans, dans trois ans, dans quatre ans. Ce qui fait qu’on a beaucoup de mal à dire à une institution « bon, l’année prochaine, est-ce que vous pouvez accueillir un spectacle de Colombie ? », « oui, mais qui ? », « on ne sait pas qui, on va les voir », « alors, ce sera comment, combien de personnes ? », « on ne sait pas combien de personnes, cela peut être trois, cela peut être douze, il faut qu’on fasse la recherche », « non, nous il faut qu’on sache parce que… ». Donc, voilà, toujours on a eu ce mal. Alors, maintenant, par exemple, les salles où on programme, ils nous laissent carte blanche. C’est à dire, ils savent qu’il y aura un programme du Festival de l’Imaginaire. YWM : Mais il ne vous exige pas que se soit arrêté… CK : Voilà. On ne peut pas leur dire « aujourd’hui ce sera telle troupe ». On peut leur dire : « telle forme », on peut leur dire, par exemple, « ce sera de la musique de Colombie. Parce que…on est…on a des pistes, on est en train de chercher dans ce domaine. Mais vous dire que ce sera tel artiste avec tel accompagnateur, nous même on ne le sait pas des fois une semaine avant parce qu’ils peuvent changer ».
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YWM : Qui sont ces salles avec qui vous collaborez ? D’autre part, vous parlez d’un Conseil administratif : qui fait partie de ce Conseil ? Puis j’aimerais qu’on évoque peut-être un peut plus ces formes dont vous parlez…Donc, pour commencer, qui sont ces autres institutions qui s’intéressent aux cultures étrangères ? CK : Celles avec qui on collabore maintenant, il y a le Louvre, qui reçoit, il y a l’Opéra Bastille qui reçoit tous les ans un spectacle, il y a le musée du Quai Branly, bien sûr, il y a maintenant, depuis cette année, c’est tout nouveau, le Théâtre de la Ville, qui, lui, c’était intéressé longtemps mais qui ne voulait pas collaborer. Maintenant ils acceptent de collaborer. Il y a le musée Guimet, il y a l’Institut du Monde Arabe. Donc, c’est ce genre d’institutions qui son, par ailleurs, intéressées, je dirais, à ce genre de prestations. Le Théâtre du Soleil, Zingaro, pendant longtemps on a travaillé avec Zingaro, pour faire des spectacles chez eux. Sinon, le Conseil d’administration…C’est une association, la MCM. Donc, elle a un conseil d’administration qui est composé de personnalités. Avant c’était les ministères….Mais, aujourd’hui ce n’est plus possible, parce qu’ils n’ont plus le droit. Quand ils donnent de l’argent, ils ne peuvent pas être dans le conseil d’administration. YWM : Et cela depuis quand ? CK : C’est une loi qui est passée il y a déjà quelques années mais qui a mi beaucoup de temps à s’appliquer. Depuis l’année dernière, non, c’est fini, ils ne peuvent plus. Donc, ils ne sont plus là. Donc, c’est des personnalités amis, ou des représentants d’institutions, de partenaires, ou alors, des…des…professeurs, des chercheurs, des gens comme cela. On a un petit conseil. On est une douzaine de personnes. Et, voilà, c’est le même pour la Maison et pour le Festival qui est une des activités de la Maison. Donc, cela couvre l’ensemble. YWM : Vous me disiez que ces institutions qui se réunissent autour de ces cultures étrangères doivent collaborer. Dans quel sens elles collaborent ? CK : Leur collaboration principale c’est d’associer leurs efforts pour informer le public. C’est surtout cela, si vous voulez, à la base des problèmes ou des solutions des gros problèmes, c’est le public. Donc, quand on est tout seul pour faire une activité de promotion, de publicité, si on est deux, cela double. Et cela touche d’autres publics. C’est à dire, quand on va, par exemple, à l’Institut du Monde Arabe, bon, on touche d’autres publics, mais on touche aussi l’Institut du Monde Arabe. Et eux, s’ils reçoivent le spectacle, ils reçoivent le public qui ne va pas nécessairement les voir et que chez, nous, pareil, il y a un autre public qui vient mais leur public vient toujours aussi avec. Donc, cela fait toujours des échanges et si cela va dans plusieurs sens, cela ne fait que multiplier les publics.
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YWM : Et au niveau du Conseil d’Administration, pouvez-vous préciser quels étaient les intérêts du Ministère de la Culture, par exemple ou du Ministère des Affaires Étrangères ? CK : Leurs intérêts c’était de savoir justement ce qu’on faisait de l’argent qu’ils nous donnaient. C’est un suivi de l’argent. C’est à dire, ils nous donnent tant d’argent. Le Conseil d’Administration pouvait vérifier que les comptes étaient bon, etc. Ce qu’on faisait de l’argent. Ils ne pouvaient pas donner des orientations. J’ai toujours refusé. Le Ministère n’a pas le droit d’intervenir dans ce qu’on fait. YWM : Dans la programmation ? CK : Dans la programmation. YWM : Peut-être nous pouvons évoquer le public du Festival. Est-ce que vous avez eu des retours du public depuis toutes ces années de Festival et d’activité de la MCM? CK : Oui, on a essayé de…assez régulièrement on fait des enquêtes auprès du public sur des choses différentes, sur, des fois ,des détails techniques sur le sous-titrage, ou des choses comme cela du spectacle, ou sur le prix des places. Tout cela…il y a toujours une tentative d’échange. Le retour c’est le nombre de public qui vient. C’est tout. Je crois que c’est cela. C’est le fait le plus véritable… YWM : Vous signaliez il y a un moment que la mission de la MCM et aussi celle du le Festival était de faire connaître ces autres cultures…Comment est-ce que le public a réagi à votre programmation ? CK : Des retours dans ce sens on en a beaucoup. On a beaucoup de gens qui viennent, vingt ans plus tard, nous dire « vous savez, moi j’ai découvert tel truc », « cela a changé ma vie », il y a même des gens qui se sont rencontré ici qui se sont marié, il y a des…bon…cela a beaucoup, beaucoup touché beaucoup de gens. Mais, à Paris, c’est plus difficile à quantifier qu’en province. Quand j’étais à Rennes, pendant dix ans on a fait cette action, là-bas on savait…c’était…une génération était marquée par cela, marquée. Pour eux c’était…le Festival des Arts Traditionnels c’était vraiment la marque d’une génération. A Paris, c’est tellement grand et il y a tellement de choses…mais il y a beaucoup de gens parmi ceux qui ont suivi ou même des fois qui ne sont venus qu’une fois et cela a suffit pour que ce soit l’éblouissement, pour se dire « tiens, je découvre la culture japonaise, je découvre une chose», et je crois que c’est cela le but de notre action. Et c’est difficilement quantifiable, à partir du moment où cela commence à…et…j’ai découvert par exemple sans le savoir, j’étais l’année dernière à un festival á…Saint Nazaire, que je suis allé voir, et le directeur du festival a fait un petit discours en disant qu’il avait fait toute cette action depuis des années, des années, des années, parce qu’il avait été une fois à un Festival à Rennes, il avait
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vu quelque chose qui l’avait frappé et cela a changé sa vie. Moi, je l’ignorait, jusqu’à il y a…maintenant, cela fait trente ans de cela, voilà. On a souvent des témoignages de ce genre, de gens que cela a complètement…cela a apporte quelque chose, c’est comme…nous on a eu ce choc à un moment... YWM : Je vous propose qu’on revienne sur le sujet de la programmation. Vous m’avez dit que vous pouviez donner des pistes sur la forme qui allait se présenter mais que vous ne pouviez pas dire avec certitude…Quelles sont ces formes ? CK : Ce sont, en partie, des formes théâtrales qui, bien sûr…En occident, cela a un certain sens, le théâtre, et puis après ce sens n’est pas vrai pour les autres cultures. Donc, on va plus vers des formes spectaculaires qui incluent aussi bien les rituels que les…Vous avez un très bel exemple, je ne sais pas si vous êtes trop jeune pour avoir connu des spectacles d’Enrique Buenaventura ? YWM : Je n’ai malheureusement pas eu l’occasion voir des pièces de Buenaventura pendant qu’il était encore en vie…mais je connais un peu son répertoire… CK : Voilà, c’est cela, cela a des éléments qui permettent de voir un peu ce vers quoi nous allions, c’est à dire, cette rencontre de formes. Parce que chez Enrique, il y avait aussi bien le conte, la légende que l’engagement politique, que la musique, que la danse, que la scénographie, que tout cela. C’est ce qu’on appelait un théâtre total à l’époque mais c’est bien sûr une expression…mais…voilà, c’est…Et on a été de plus en plus vers ces formes spectaculaires, ces formes spectaculaires qui sont…qu’on va retrouver dans toutes les cultures, sont basées beaucoup sur la musique, le mouvement, etc. Et donc à partir de là aussi on peut aller vers chacune de ces composantes de ces formes là. Voilà. Et vous verrez que dans la programmation de la Maison, il y a toujours eu un certain équilibre de rechercher entre ce qui était parlé, ce qui était chanté, ce qui était musique, etc, etc, pour pouvoir, en effet, toucher des publics différents. Parce que, à Paris, le public est très coupé en catégories. Il y a ceux qui vont voir des spectacles de danse, qui ne vont pas voir un spectacle de musique…donc, on s’est dit « il ne faut pas négliger un de ces publics ». Et donc c’était intéressant aussi de présenter des spectacles à dominante dansé, pour toucher ce public là, qui allait, en même temps, découvrir autre chose et l’amener à découvrir autre chose. YWM : Est-ce que vous partez toujours en mission ? CK : Non, je ne pars plus, maintenant je me consacre aux rencontres, aux colloques, aux séminaires, des choses comme cela, je ne vais plus sur le terrain. YWM : Pourquoi avez-vous intitulé le festival, le festival de l’imaginaire ?
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CK : Parce que l’imaginaire est quelque chose…dès le départ, dans cette Maison, on a eu le premier président de la maison, qui été un ami, qui est un grand sociologue qui s’appelait Jean Duvignaud, qui a beaucoup travaillé sur l’imaginaire. Et l’imaginaire c’est un peu tout ce qu’on fait, enfin, c’est…c’est…ce qui regroupe…Tout ce qu’on fait ici, cela part de l’imaginaire des individus et on est dans cet imaginaire, on vit dans cet imaginaire qui est différent. Chaque individu a son imaginaire et donc on a pris un peu ce terme un peu comme leitmotiv. On a fait un Atlas de l’imaginaire, on a le festival de l’imaginaire, on a notre revue qui s’appelle Internationale de l’Imaginaire, c’était aussi une formule de Jean Duvignaud qui disait qu’il faut créer une Internationale de l’Imaginaire, c’est à dire que tous les gens qui justement cherchent autre chose à part la société mercantile, qui veulent et pensent à autre chose, se retrouvent ensemble, et donc c’est pour cela qu’on a cette collection de revue qui s’appelle Internationale de l’Imaginaire. Et donc, quand on a voulu faire le Festival, on s’est dit « comment on l’appelle », « le festival de l’imaginaire », cela allait de soi. YWM : Pouvez-vous précisez un peu plus cette notion? CK : C’est cela, c’est tout ce qu’on a chacun en soi qui est fait de tout ce qu’on est, de nos racines, de nous mêmes, et qui va et qui s’ouvre vers les autres. C’est à dire, c’est plus que l’identité individuelle, c’est celle qui va…comme une fleure qui éclos, qui est bien plantée en soi et qui s’ouvre vers les autres. Et si on arrive à faire se rencontrer tous ces imaginaires, on arrive à…voilà, à un rêve, à une utopie. YWM: Est-ce que je peux me permettre de vous demander comment est-ce que vous vous définissez vous-même par rapport à l’action que vous avez mené depuis les années 1970 ? CK : Des gens ont essayé de me définir des fois dans des articles comme un passeur. Voilà, je suis passeur, je fais passer des choses. J’aime faire connaître aux autres ce que j’aime moi. C’est à dire, passer…quand je trouve quelque chose qui me plaît, j’aime faire partager ce plaisir avec les autres. Ce que j’ai fait c’est par passion, simplement. C’est…voilà…j’aimais cette musique, je voulais que les autres entendent… YWM : Est-ce qu’il y a eu, peut-être des moments où le Festival a du s’arrêter ? CK : Non, non. On a tenu bon. YWM : Est-ce qu’il existe une association de spectateurs de la Maison des Cultures du Monde ? CK : Non, non.
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YWM : Vous considériez que ce serait intéressant ? CK : C’était quelque chose qui existait il y a très longtemps. En France. Et surtout en province. Des associations, des regroupements. Mais qui disparaissent. Cela disparaît au fur et à mesure. A Paris il n’y a pratiquement plus. Il y a très longtemps c’était comme cela qu’on créait les théâtres. Il y avait les amis de tel théâtre, ils aimaient tel chose, etc. En province où j’avais des associations d’amis qui nourrissaient tous les spectacles que je faisais à l’Opéra ou ailleurs. Mais à Paris cela ne fonctionne plus comme cela. Avant il y avait aussi les syndicats qui amenaient des gens dans…dans les usines, dans les écoles. Il y avait des groupes qui venaient, des groupes. De moins en moins. Les gens sont beaucoup plus individuels maintenant. YWM : Est-ce qu’il a été question de changer de ville ? Rennes, Paris puis une autre ville ou bien… ? CK : Non, non, parce que...voilà, pourquoi à Paris ? À Rennes on avait des locaux beaucoup plus importants qu’à Paris, on avait des immenses locaux. On avait des moyens beaucoup plus important qu’à Paris. On avait un soutien du public beaucoup plus important qu’à Paris. Mais pour les acteurs étrangers, tout cela, pour eux, la reconnaissance internationale c’était Paris. On s’est très vite rendu compte que, quelque soit le succès qu’ils pouvaient avoir à Rennes, etc, s’ils n’allaient pas à Paris, ils manquaient quelque chose. Et donc c’est ce label assez vite qu’il fallait trouver. Et pour un acteur, d’où qu’il vienne, un musicien, chanteur, quand il dit « j’ai été à Paris », c’est autre chose que s’il a été à Lyon, à Limoges, à Grenoble, à Rennes, ou à…voilà. Malheureusement il y a cette image je dirais qui reste qui est celle de Paris. D’où le fait qu’on a des locaux beaucoup plus petit à Paris, moins de moyens, etc, mais c’est important pour eux que ce soit ici. YWM : Est-ce que le projet de la Maison des Cultures du Monde a été reproduit ailleurs ? CK : Alors, il y a eu des tentatives. A Berlin il y en a eu une qui s’appelle comme cela, d’ailleurs, Maison des Cultures du Monde. Et qui a été crée quatre ou cinq ans après la notre, mais qui est beaucoup plus gouvernementale. Elle est dirigée par le Goethe Institut, donc elle représente l’Etat. Et elle a, donc, comme c’est une institution, ce n’est pas des individus qui l’ont créé, c’est des fonctionnaires qui viennent là pour trois ans à chaque fois et qui changent tous les trois ans, etc. Et dans d’autres pays, il y a eu des tentatives mais elles sont…ou bien elles existent sous forme…avec cette même appellation ou approximative, mais elles se heurtent toujours à un avantage que nous avons ici, qui est exceptionnel, c’est qu’on peut faire ce qu’on veut faire. Et que dans beaucoup de pays, c’est…dès qu’on touche à l’étranger, on se heurte à des contraintes. Par exemple, dans un pays où ils ont voulu faire un festival, on a participé à un festival, un festival de conteurs, c’est un petit festival, de conteurs du monde. Ils font cela au Liban. Et ils voulaient vraiment faire
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un festival, faire venir des conteurs. Et très vite ils ont été obligés de passer par les ambassades pour pouvoir avoir un conteur. Parce que les ambassades payaient le voyage, payaient le séjour, etc. Et comme ils n’avaient pas suffisamment de moyens…Alors, finalement, cela devient un festival où c’est les ambassades qui programment. Et, c’est un petit exemple, les conteurs c’est une personne ou deux. Alors, quand cela touche un festival un peu plus grand, c’est aussi les échanges officiels qui se passent. Dans la plus part des pays du monde, cela reste des échanges officiels? Par exemple, ce grand festival de théâtre organisé en Colombie…J’ai bien connu sa directrice, à un moment, une des directrices, une grande amie. Bon, ils étaient obligés, aussi, pour pouvoir avoir des choses, de passer par les contacts des ambassades. Donc, des cultures officielles. Ils ne pouvaient pas avoir vraiment tout ce qu’ils voulaient parce qu’à un certain moment, quand on doit faire venir cinquante personnes, cinquante voyages, tout cela, on n’a pas toujours les budgets. Et donc c’est le…c’est la grosse difficulté, je dirais…l’institution. Que nous ici, on n’a pas beaucoup d’argent, on n’a pas beaucoup de moyens, mais on tient à cette liberté. C’est à dire qu’on ne prend pas des troupes qui sont…parce qu’on nous offre…les ambassades vont venir et dire « tenez, prenez telle troupe », « non, on veut cela mais pas cela, non ». YWM : Et le rôle de la France ? Elle a quand même des intérêts vis à vis de l’action internationale… CK : Mais la France elle sait que ce n’est pas avec la Maison des Cultures du Monde, qu’elle peut le faire. Avec d’autres théâtres, avec d’autres institutions, mais pas avec nous. Quand elle veut faire venir une troupe officielle d’un autre pays, ce n’est pas à nous à qui elle demande. YWM : Par ailleurs, j’ai remarqué que récemment votre antenne à Vitré avait été déclarée Centre français du patrimoine immatériel…Quels en sont les implications ? Pouvez-vous évoquer ce concept de patrimoine immatériel… CK : Oui…alors, bon. C’est quelque chose de récent qui est entrain de s’organiser pour justement être ce centre que pour l’instant il n’y a que dix éléments inscrits en France sur le patrimoine immatériel. Donc on doit commencer par regrouper ces éléments, participer à des manifestations comme celle qu’on a faite l’autre jour de réflexion, d’édition, de recherche. Faire connaître…là ils préparent une exposition, la semaine prochaine, dans dix jours, sur qu’est-ce que le patrimoine immatériel pour la faire circuler en France pour que les gens…les sensibiliser là dessus, faire…ils préparent l’édition d’un ouvrage pour les enfants, dans les écoles, sur le patrimoine immatériel. Faire tout ce travail de sensibilisation autour du patrimoine immatériel, d’information des communautés, des individus qui veulent faire quelque chose, voilà, c’est cela son rôle dans ce domaine.
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YWM : Quel rôle joue le Festival par rapport au patrimoine culturel immatériel ? CK : Il y a…beaucoup de gens reconnaissent que ce travail qui est fait sur l’immatériel aujourd’hui en France, un des pionniers a été la Maison des Cultures du Monde. On l’a fait il y a trente ans à l’époque où personne…cela n’intéressait personne. Donc… YWM : Est-ce que c’est un discours qui commence par l’UNESCO ? CK : Oui, beaucoup plus tard. Cela a commencé…la première fois qu’on a utilisé le terme officiellement c’est en…1995. YWM : Est-ce que vous avez toujours utilisé la notion de patrimoine ? CK : Non, pas du matériel…on parlait des formes traditionnelles, des arts traditionnelles, des formes populaires, etc… YWM : Dans quel genre on peut classifier le Festival de l’Imaginaire alors ? Est-ce que c’est un festival d’arts traditionnels comme l’était le FAT ? Où est-ce qu’on classifierai le Festival de l’Imaginaire ? CK : Maintenant que le terme existe on peut le classifier dans le patrimoine immatériel parce que se sont des formes qui sont vivantes, donc qui évoluent, donc qui ont leur forme ancienne mais qui sont…qui évoluent avec la société et qui aujourd’hui sont présentent dans ces sociétés. YWM : Cependant, nous, comme spectateurs, on ne se dit pas encore « j’aimerais aller à un festival du patrimoine immatériel ». On connaît les festivals traditionnels, on connaît les festival des musiques du monde…les festivals de théâtre… CK : Alors, mais c’est…ce serait plutôt…Nous on n’aime pas l’expression « musique du monde » mais cela aurait pu être des musiques du monde mais pas dans le sens commercial. On aimerait toujours rester sur ces expressions, de l’imaginaire, de…traditionnel. Connaissez-vous les ouvrages qui ont été fait ? YWM : Et bien, je commence à m’y intéresser… CK : Parce que l’Atlas de l’imaginaire malheureusement il est épuisé pratiquement, je crois. CK : Vous voyez, ça c’est un vieux livre. C’est Jean Duvignaud, le président et lui c’est Claude Planson, qui était directeur du Théâtre des Nations. C’est là où Françoise
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et moi avons été formés, au départ, dans les années soixante. Là vous verrez bon, la diversité des choses qu’on a présenté. C’est une sorte d’Atlas des cultures du monde à partir des spectacles qui ont été présentés ici. Donc il y a une grande introduction qui a été faite par Bernard Piniau qui est quelqu’un qui travaillait avec nous qui malheureusement, est décédé. Et qui raconte un peu justement le début…comment on a fait tout cela. Ensuite, voilà, à partir du Pacifique…toutes ces formes qui étaient totalement inconnues en France. Toutes celles qu’on a fait venir. Alors, ce livre a servi pendant longtemps pour les gens qui voulaient inviter des spectacles, ils venaient là et ils savaient qu’l y avait cela en Chine, qu’il y a avait cela dans tel pays. Vous voyez, donc, c’est par continents…. YWM : À ce sujet, d’ailleurs, est-ce qu’il y a des pays beaucoup plus représentés que d’autres, des zones géographiques…des régions, dans le Festival ? CK : Oui. Oui. Bien sûr…c’est l’Asie, parce que l’Asie, elle a une telle richesse de formes. L’Afrique a beaucoup de choses mais c’est beaucoup plus difficile d’arriver à organiser la venue des africains. L’Amérique Latine c’est…alors, c’est vraiment dans le métissage…Au début ce n’était pas facile mais progressivement, maintenant, cela s’ouvre bien et puis il y a des choses vraiment à faire. On a fait beaucoup sur le Brésil, à un moment, là je vois le Pérou, le Brésil, la Bolivie… YWM : Est-ce qu’il existe déjà une histoire du Festival des Arts Traditionnels ? CK : Une partie, une partie…il y a un livre sur la Maison de la Culture de Rennes qui raconte une partie du Festival. Et donc, le Festival de l’Imaginaire complète cela. Il vient après parce que c’est les premières années, je crois. On va y voir les autres spectacles qui sont venus. Voilà. YWM : Merci beaucoup pour cet entretien Monsieur Khaznadar.
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TABLE DES MATIÈRES
SOMMAIRE ................................................................................................................. 3 INTRODUCTION ........................................................................................................ 5
- Contributions à l’histoire des festivals du XXe et du XXIe siècle .................................... 9
a. L’histoire culturelle d’un festival .................................................................................................... 9 b. L’histoire des festivals contemporains ........................................................................................ 10 c. Un festival du XXIe siècle ............................................................................................................... 11
- Sources et méthode .................................................................................................................. 12 I. AUX ORIGINES DU FESTIVAL DE L’IMAGINAIRE ................................... 17
1. Le festival du Théâtre des Nations (1957-1965) .............................................................. 18
a- Création du festival du Théâtre des Nations ............................................................................. 19 b- Françoise Gründ, Chérif Khaznadar et Claude Planson ....................................................... 20 c- Premier festival d’après-guerre pour le dialogue des cultures ............................................ 24 d- Une commande de l’UNESCO ..................................................................................................... 27 e- Espace permanent pour l’accueil d’expressions théâtrales étrangères ............................. 30 -‐ Les trois missions du festival du Théâtre des Nations .................................................................. 31 Consacrer les troupes de théâtre les plus prestigieuses du monde ...................................... 31 Découvrir les théâtres traditionnels du monde ............................................................................. 32 Rechercher de nouvelles formes de l’art théâtral ......................................................................... 34
-‐ Le Festival de l’Imaginaire et les trois missions du festival du Théâtre des Nations ....... 35 f- Dernières années du festival du Théâtre des Nations à Paris ............................................... 38
2. Le Festival des Arts Traditionnels de Rennes (1974-1982) ........................................... 39
a- Un festival d’arts traditionnels ....................................................................................................... 40 b- Un dispositif pour la tradition et la réciprocité ........................................................................ 41 c- Un espace pour la confrontation culturelle dans un pays pluriculturel ............................ 44 d- Les clés de lecture de l’art traditionnel ....................................................................................... 46 e- Bilan du Festival des Arts Traditionnels .................................................................................... 47
II. CONDITIONS DE CRÉATION ET AXES DE DÉVELOPPEMENT DU FESTIVAL DE L’IMAGINAIRE ............................................................................ 50
1. Le Festival de l’Imaginaire : Écho de la Maison des Cultures du Monde ................. 50
a- Une politique d’action culturelle à Paris .................................................................................... 51 b- Politique de rayonnement dans le libre dialogue des cultures ............................................ 55 c- Le dialogue des cultures : une préoccupation de l’UNESCO ............................................. 56
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d- Une politique internationale de rayonnement et de réciprocité .......................................... 58 e- Bilan des activités de la Maison des Cultures du Monde ..................................................... 61 f- Difficultés éprouvées par la Maison des Cultures du Monde .............................................. 62
2. La création du Festival de l’Imaginaire ........................................................................... 64
-‐ Un moment difficile pour la Maison des Cultures du Monde ...................................................... 64 -‐ L’engouement pour les cultures du monde ........................................................................................ 66
a- Un espace pour la circulation des imaginaires des cultures étrangères ............................ 67 b- Un dispositif pour la pénétration des pratiques spectaculaires principalement extra-occidentales ............................................................................................................................................... 69 c- Les arts vivants, traditionnels et contemporains ...................................................................... 71 -‐ Le cas des marionnettes sur eau du Viêt-‐Nam .................................................................................. 73
d- Un dispositif pour l’étude des pratiques spectaculaires extra-occidentales ................... 75 e- Un espace pour contribuer à la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel ............ 78
III. LE FESTIVAL DE L’IMAGINAIRE, VECTEUR DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL DE L’HUMANITÉ ................................................. 79
1. Le Festival de l’Imaginaire et le patrimoine culturel immatériel ............................... 80
a- Une nouvelle clé pour sensibiliser le public .............................................................................. 80 b- Une notion de l’UNESCO .............................................................................................................. 82 c- Un dispositif pour l’illustration, la diffusion et la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel .................................................................................................................................................. 84 -‐ Illustrer le patrimoine culturel immatériel ........................................................................................ 84 -‐ Diffuser le patrimoine culturel immatériel ......................................................................................... 88 -‐ Sauvegarder le patrimoine culturel immatériel ............................................................................... 89 La tradition musicale des ouïgours du Xinjiang ............................................................................ 91 Le Yakshagana Gombeyataa de l’Inde ................................................................................................ 92 Le Wayang Kulit, théâtre d’ombres d’Indonésie ........................................................................... 97
2. Étude de cas : les Pleureuses de Colombie .................................................................... 101
a- Esquisse d’un projet d’échange culturel .................................................................................. 103 b- Les Pleureuses de Colombie à Rennes et en Europe en 1982 .......................................... 105
Le Comité des Arts Extra-‐européens ............................................................................................... 108 c- Un deuxième concert des Pleureuses de Colombie prévu en 1984 ................................ 110 d- Les Pleureuses de Colombie à Paris en 2006 ........................................................................ 111 e- Remarques ......................................................................................................................................... 112
CONCLUSIONS ...................................................................................................... 114 SOURCES ................................................................................................................. 120 BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................... 131 ANNEXES ................................................................................................................ 137 TABLE DES MATIÈRES ....................................................................................... 192