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Orientations et contenusdâune nouvelle grammaire
pour lâĂ©cole
Pourquoi un nouvel enseignementgrammatical?Suzanne-G. Chartrand
INTRODUCTIONLe prĂ©sent ouvrage est nĂ© dâun constat et dâune nĂ©cessitĂ©: la faillitede lâenseignement de la grammaire scolaire et lâurgence dâĂ©laborer des propositions alternatives pour lâenseignement de la grammaire française Ă lâĂ©cole.Actuellement, les contenus enseignĂ©s sont ceux de la gram
maire scolaire, une vulgate grammaticale bricolĂ©e il y aplus dâunsiĂšcle afin de justifier auprĂšs des Ă©lĂšves francophones les rĂšglesorthographiques du français dont la maĂźtrise est exigĂ©e et valorisĂ©e.La critique Ă©pistĂ©mologique et didactique de cette grammaire
scolaire a commencĂ© il y a trois quarts de siĂšcle. FerdinandBrunot, un des plus illustres thĂ©oriciens de la langue française,sâest insurgĂ© contre les mĂ©thodes de lâenseignement grammatical en france et ajetĂ© les bases dâune didactique de la grammaire(Brunot, 1922). Bien que notre ouvrage soit rĂ©solument tournĂ©vers lâavenir, il nous est apparu nĂ©cessaire dâexposer les fondements de cette critique. Auparavant, nous examinerons deux questions: quâen est-il de lâenseignement grammatical aujourdâhuidans les classes du secondaire au QuĂ©bec et quâentendons-nous
1. Ce texte est une version entiÚrement revue. Je remercie François Morin pour ses précieuxconseils.
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par grammaire scolaire?
1. UN CONSTAT DâĂCHECUn nouvel enseignement grammatical est indispensable, car lâenseignement actuel, autant dans sa version traditionnelle que moderne, Ă©choue. Ni sa finalitĂ© â celle qui nâest pas avouĂ©e,câest-Ă -dire la maĂźtrise de lâorthographe grammaticale (Chervel,1977) â ni ses objectifs officiels â amener les Ă©lĂšves Ă utiliserune langue correcte Ă lâoral et Ă lâĂ©crit et contribuer Ă la formation dâune pensĂ©e rigoureuse â ne sont atteints.Il est probable que les causes comme les manifestations de cet
Ă©chec soient les mĂȘmes dans toute la francophonie. Cependant,la recherche dans le domaine de la didactique nous enseigne quelâenvironnement social, culturel et institutionnel façonne toujoursde façon trĂšs singuliĂšre les rapports qui se nouent entre lâenseignant, les apprenants et la discipline enseignĂ©e, les trois pĂŽles dutriangle didactique (Chartrand et Simard, 1996). Aussi, câest Ă partir dâun ancrage particulier, Ă savoir la situation de lâenseignement de la grammaire aux Ă©lĂšves du secondaire du QuĂ©bec,que nous dressons ce constat.Constat dâĂ©chec donc. Mais comment sâexplique-t-il? Depuis
plus de vingt ans, les mĂ©dias vĂ©hiculent le mĂȘme message: le«drame» provient du quasi-abandon de lâenseignement grammatical. On ne ferait plus de grammaire Ă lâĂ©cole depuis lâadoptionde programmes dâĂ©tudes qui prĂŽnent une pĂ©dagogie de la communication pour lâenseignement du français. Pourtant, uneconnaissance empirique du milieu, de mĂȘme que les donnĂ©es dâenquĂȘtes conduites selon des standards scientifiques permettent derĂ©futer cette affirmation.
7.1 On fait encore beaucoup de grammaire dans lesclasses du Québec
Soyons clairs, aucune Ă©tude scientifique ne permettra jamaisdâĂ©valuer rigoureusement lâatteinte des objectifs officiels assignĂ©sĂ lâenseignement dâune discipline; jamais non plus on ne dĂ©crira
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avec prĂ©cision et exactitude ce qui se fait rĂ©ellement en grammaire dans toutes les classes de français du secondaire, mĂȘme Ă une Ă©chelle rĂ©duite, en synchronie ou en diachronie, sur cinq, dixou quinze ans. NĂ©anmoins, des observations menĂ©es dans le milieu, des Ă©valuations partielles (MEQ, 1989) et, surtout, les rĂ©sultats de ces enquĂȘtes nous donnent une idĂ©e assez juste de ce quise fait en classe.La premiĂšre enquĂȘte fut menĂ©e en 1985 Ă la demande du
Conseil de la langue française. Elle nous livre une foule dâinformations inĂ©dites sur les perceptions du public en gĂ©nĂ©ral, de parents, dâenseignants de français du secondaire, dâenseignants desautres disciplines du secondaire, dâenseignants du primaire, dâĂ©lĂšves de 4 et de 5e secondaire en particulier sur ce qui se fait enfrançais et sur les attentes de ces diverses populations Ă proposde lâenseignement du français (Bibeau, Lessard, Paret et ThĂ©-rien, 1987). Les donnĂ©es indiquent que les enseignantes et lesenseignants de français faisaient de la grammaire plusieurs foispar semaine dans les classes du primaire et du secondaire en1985.1985. Câest cinq ans aprĂšs la sanction officielle du programme
quĂ©bĂ©cois de français pour le secondaire qui prĂ©conisait une pĂ©dagogie de la communication et exigeait quâon mettĂ© la grammaire au service de la communication. 1985, câest un an avantque ne soit imposĂ© Ă tous les Ă©lĂšves de la derniĂšre annĂ©e du secondaire un examen ministĂ©riel destinĂ© Ă mesurer leur compĂ©tence en Ă©criture aprĂšs onze annĂ©es de scolaritĂ©. La publicationen 1987 des rĂ©sultats de cet examen ministĂ©riel eut un effet choc.Le ministĂšre de lâĂducation (MEQ) lança, en 1988, un plan dâaction visant Ă accroĂźtre la maĂźtrise du français Ă©crit des Ă©lĂšves dusecondaire. Sous les pressions de lâopinion publique et du MEQ,le corps enseignant augmenta le nombre dâheures de grammaireen classe. ParallĂšlement, on assista Ă lâentrĂ©e massive dâouvrages de grammaire et de cahiers dâexercices de grammaire dansles classes. Lâimpressionnante production de matĂ©riel didactiqueen grammaire par des maisons dâĂ©dition Ă but bien lucratif est un
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signe plutĂŽt fiable quâun marchĂ© existait et quâil Ă©tait exploitable.La seconde enquĂȘte est une Ă©tude comparative sur les condi
tions et les pratiques de lâenseignementlapprentissage de lâexpression Ă©crite Ă lâissue de la scolaritĂ© obligatoire dans quatrepopulations scolaires francophones (Groupe Diepe, 1995). Il enressort que les enseignants du QuĂ©bec valorisent lâenseignementgrammatical et y accordent beaucoup de temps. Enfin, lâenquĂȘtemenĂ©e par lâAssociation quĂ©bĂ©coise des professeurs de français(AQPF) auprĂšs dâun Ă©chantillon reprĂ©sentant 20 % de la population des enseignants de français (Baribeau, Lacroix et Simard,1996) indique que 38,1 % du temps en classe de français estrĂ©servĂ© Ă la grammaire (leçons, activitĂ©s de grammaire et de conjugaison, dictĂ©es).Ainsi, malgrĂ© la rumeur persistante, il est Ă©vident que les piĂš
tres connaissances des Ă©lĂšves du secondaire et du collĂ©gial engrammaire et leur maĂźtrise plus que vacillante en orthographegrammaticale2, en ponctuation et en syntaxe ne sont pas imputables Ă lâabandon ou au rĂ©trĂ©cissement des activitĂ©s de grammairedans les classes de 1980 Ă 1995.Donc, beaucoup dâheures sont consacrĂ©es Ă lâapprentissage de
la grammaire, mais avec quels rĂ©sultats? Depuis trois ans, nousavons interrogĂ© sur leur formation grammaticale environ 400 jeunes francophones de 21 Ă 26 ans, Ă©tudiantes et Ă©tudiants inscritsdans un programme universitaire en enseignement du français ausecondaire. Bien sĂ»r, leurs souvenirs se sont estompĂ©s, mais ilssont indicatifs de ce qui a eu de lâimportance Ă leurs yeux. Comme ces jeunes se destinent Ă lâenseignement du français au secondaire, on peut imaginer que, Ă©lĂšves, ils avaient dĂ©jĂ un certainintĂ©rĂȘt pour le français. «Oui, nous avons fait de la grammaire,disent-ils, et nous avons eu notre ration de dictĂ©es, mais nousavons peu Ă©crit. Oui, on nous a exposĂ©, voire expliquĂ©, des rĂšglesdâorthographe Ă plusieurs reprises et nous les avons mises en
2. Voir les conclusions des Ă©ludes portant sur la maĂźtrise de lâorthographe chez les jeunes, duprimaire Ă lâuniversitĂ©, auxquelles Claude Simard fait rĂ©fĂ©rence ici-mĂȘme.
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application dans des exercices conçus Ă cet effet. Oui, nous avenseu de bonnes notes lors des contrĂŽles de nos connaissances grammaticales. Mais... mĂȘme quand nous savions que quelque chosenâallait pas dans nos textes ou dans celui dâun ami, sur le plansyntaxique par exemple, nous ne pouvions expliquer pourquoi.Aujourdâhui, nous ne savons pas ce qui distingue une relativedâune complĂ©tive. Nous pouvons nommer plusieurs rĂ©alitĂ©s grammaticales, mais nous pouvons difficilemĂ©nt les dĂ©finir et en expliquer le fonctionnement. Par exemple, nous ne pourrions dĂ©finirle mĂ©canisme de la coordination et nous sommes incapablesdâĂ©numĂ©rer les rĂšgles dâemploi de la virgule. Et pourtant... »
1.2 En 1995, un enseignement traditionnel...Ces tĂ©moignages et bien dâautres indices, par exemple les locauxdâenseignants de français oĂč sont empilĂ©es des photocopiesdâexercices tirĂ©s de Bled, de Grevisse ou de tel ou tel cahier (<nouveau genre», indiquent que le type dâenseignement grammaticaldominant dans les classes du secondaire aujourdâhui (et nouspourrions en dire autant de la trĂšs grande majoritĂ© des cours derattrapage en français Ă©crit des collĂšges et des universitĂ©s) est unenseignement traditionnel (Chartrand, 1996a).On se demande bien, dâailleurs, comment les enseignantes et
les enseignants du secondaire auraient pu faire autrement. FormĂ©s Ă ce type dâenseignement et, pour, un bon nombre dâentreeux, convaincus de sa supĂ©rioritĂ©, comment auraient-ils pu Ă©laborer une approche pour lâenseignement de la grammaire enconformitĂ© avec un programme dâĂ©tudes qui ne prĂ©sentait aucune orientation mĂ©thodologique Ă cette fin? Dans un article de prĂ©-Ssentation du programme ministĂ©riel, J.-G. Milot, le principalconcepteur, concluait: «Il nây a pas lieu ici de traiter du commentfaire acquĂ©rir des connaissances. Disons globalement quâon peutle faire par dĂ©monstration, par manipulation, par induction, parexercices...» (1980: 24). Or, en lâabsence de conseils mĂ©thodologiques et sans une formation adĂ©quate, les enseignantes et lesenseignants continuĂšrent Ă faire ce quâils avaient toujours fait:
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démonstrations... exercices..., bref, la bonne vieille méthode!Cet enseignement traditionnel procÚde globalement ainsi. Il y
a transmission par le maĂźtre Ă lâĂ©lĂšve dâinformations grammaticales accompagnĂ©es dâexplications ou de dĂ©monstrations. Cesinformations prennent gĂ©nĂ©ralement la forme de rĂšgles orthographiques et de dĂ©finitions. LâĂ©lĂšve doit mĂ©moriser ces connaissances dĂ©claratives, puis les mettre en application (exercices).Lâenseignement sâarrĂȘte lĂ . On prĂ©sume que les rĂšgles apprisesseront automatiquement appliquĂ©es en situation dâĂ©criture. Cependant, cela nâĂ©tant que rarement le cas, lâenseignant est amenĂ©soit Ă pĂ©naliser ou Ă culpabiliser lâĂ©lĂšve qui ne «respecte» pas lesrĂšgles, soit Ă recommencer le mĂȘme enseignement dâannĂ©e enannĂ©e.Cet enseignement traditionnel nâest pas seulement dĂ©ficient
en termes de stratĂ©gies pĂ©dagogiques, il transmet aussi un corpsde connaissances prĂ©scientifiques dont plusieurs sont trĂšs discutables. De fait, il nâest aucune autre discipline scolaire qui ne SoitenseignĂ©e aussi peu rigoureusement et qui ne se fonde autant surdes connaissances dĂ©passĂ©es et considĂ©rĂ©es comme inacceptables par la communautĂ© scientifique.
1.3 ... dâune vulgate grammaticale, la grammairescolai te
Lâhistorien AndrĂ© Chervel a retracĂ© la genĂšse et le parcours de lagrammaire scolaire (Chervel, 1977). CommencĂ©e en 1780 avecla grammaire de Lhomond et achevĂ©e dans ses grandes articulations vers 1870, cette grammaire, qui a mis un siĂšcle Ă se construire, est centenaire! Câest elle qui constitue la base du savoirgrammatical vĂ©hiculĂ© dans les Ă©coles aujourdâhui.On appelle grammaire scolaire un ensemble de savoirs â ainsi
que lâouvrage qui les contient, que ce dernier soit utilisĂ© dans lesĂ©coles ou non, quâil date de 1920, de 1965 ou de 1995 â quicorrespond Ă la vulgate grammaticale Ă©laborĂ©e pour lâenseignement des rĂšgles prescriptives du français Ă©crit normĂ©. Cettegrammaire, qui nâest pas «la» grammaire du français, mais «une»
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grammaire, présente les caractéristiques suivantes (Huot 1981):
Confusion entre synchronie et diachronieLa grammaire scolaire ignore la distinction opĂ©rĂ©e en linguistique au dĂ©but du siĂšcle entre lâĂ©tude du fonctionnement de la langue Ă un moment de son Ă©volution ou en synchronie, et celle delâĂ©volution dâune langue sur une pĂ©riode plus ou moins longueou en diachronie. Alors quâelle rĂ©pertorie des rĂšgles et des normes hĂ©ritĂ©es des usages du passĂ©, elle plaque sa terminologie etses analyses sur le français contemporain, ce qui aboutit Ă desdescriptions qui sont en porte-Ă -faux. En revanche, elle ignoreou condamne des constructions contemporaines, telles que lesstructures disloquĂ©es, les phrases emphatiques, les phrases Ă prĂ©sentatif, etc.
Une grammaire dâĂ©liteEn outre, non seulement la grammaire scolaire ne dĂ©crit pas adĂ©quatement la langue contemporaine, mais elle ne traite que dâunseul registre de la langue, quâelle prĂ©sente comme le seul valable, celui des «grands auteurs» qui, comme on le sait, sont Ă©ternels! Elle ne rend compte que dâune partie de la langue Ă©crite, lefrançais littĂ©raire, prĂ©cisĂ©ment celui oĂč le «bon usage» est consacrĂ©. Il est tout de mĂȘme remarquable quâun tiers des exemples duPrĂ©cis de grammaire française de Grevisse (quâon remet actuellement Ă lâhonneur dans plusieurs Ă©coles du QuĂ©bec pourjuguler«la crise») soit constituĂ© de citations des «grands auteurs», dontla moitiĂ© sont des Ă©crivains du XVTIe siĂšcle.Et on prĂ©tend faire maĂźtriser la langue dâaujourdâhui Ă des
masses de jeunes Ă partir dâun ouvrage qui, dâune part, glorifieune culture dâĂ©lite totalement diffĂ©rente de la leur et de celle deleur milieu et qui, dâautre part, ne leur est pas destinĂ©. En effet, lePrĂ©cis sâadresse Ă des sujets qui ont dĂ©jĂ maĂźtrisĂ© lâessentiel desstructures et des formes de la langue, «à des usagers ayant dĂ©jĂ une certaine compĂ©tence» (Grevisse et Goosse, 1980). Câestpourquoi cet ouvrage propose surtout un traitement dĂ©taillĂ© des
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exceptions plutĂŽt que des illustrations des rĂ©gularitĂ©s profondesde la langue. Son caractĂšre essentiellement normatif fait en sortequâil accorde une place primordiale aux exceptions et aux «fautes» Ă Ă©viter. Ainsi lâessentiel se noie dans lâaccessoire.
Une grammaire pourjustifier les rĂšgles dâorthographeLâaccent mis sur les irrĂ©gularitĂ©s du systĂšme linguistique est consĂ©quent avec la «visĂ©e orthographique» de cette doctrine grammaticale, comme lâa dĂ©montrĂ© Chervel (1977). Cette grammairea effectivement pour objet essentiel la maĂźtrise de lâorthographegrammaticale jusque dans ses moindres subtilitĂ©s. La morphologie des noms, des pronoms et des adjectifs, les rĂšgles dâaccorddu sujet et du verbe et celles, nombreuses, du participe passĂ©,occupent tout lâespace ou presque. Dans cette grammaire, la langue orale nâa pas droit Ă une description de ses structures. Sansdoute considĂšre-t-on quâelle est soit une transcription oralisĂ©e delâĂ©crit, soit une forme bĂątarde dĂ©rivĂ©e de lâĂ©crit, donc indignedâĂȘtre Ă©tudiĂ©e.Ainsi, la grammaire scolaire sâest constituĂ©e non pas pour as
surer Ă tous la maĂźtrise de la langue orale et Ă©crite, comme plusieurs le croient, mais comme «auto-justification» des normes etrĂšgles de lâorthographe imposĂ©es de façon souvent arbitraire ettoujours autoritaire. Câest «une thĂ©orie ad hoc, elle nâest pas autrechose que la mise en forme thĂ©orique de lâorthographe grammaticale» (Chervel, 1977: 2$). Aussi nâest-il pas Ă©tonnant quâelleprivilĂ©gie la morphologie et fasse peu de cas de la syntaxe.
Place dâhonneur faite Ă la morphologieLa grammaire scolaire est dâabord une grammaire du mot, des«parties du discours»; la part accordĂ©e Ă la phrase y est congrue.Quant Ă la grammaire du texte, elle y est inexistante. Observantle traitement rĂ©servĂ© au verbe dans le PrĂ©cis, le linguiste et didacticien E. Roulet (1972) constate quâune quarantaine de pagessont consacrĂ©es Ă la morphologie verbale alors quâaucune nedonne dâinformations syntaxiques sur le rĂ©gime des verbes3, pour-
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tant capitales pour construire des phrases correctes. On sait, eneffet, combien dâerreurs sont dues au mauvais emploi des prĂ©positions rĂ©gies par les verbes. Faute dâapprentissages sur cette question, les Ă©lĂšves ne font que reproduire Ă lâĂ©crit les erreurs entenduesdans la langue orale de tous les jours.Cette lacune observĂ©e dans le PrĂ©cis nâa rien dâĂ©tonnant puis
que, comme nous lâavons expliquĂ©, cet ouvrage sâadresse Ă ceuxqui maĂźtrisent dĂ©jĂ la langue orale et Ă©crite standard. Cette mĂȘmelacune devient toutefois incomprĂ©hensible lorsquâelle est le faitde grammaires scolaires approuvĂ©es par le MEQ pour lâapprentissage de la langue Ă©crite au secondaire4.Et combien dâomissions de ce genre observe-t-on? Les con
traintes rĂ©gissant le bon emploi des pronoms et des dĂ©terminants,les rĂšgles de construction des phrases, les restrictions sâexerçantsur la coordination, etc., rien de tout cela nâest Ă©tudiĂ© dans lesgrammaires scolaires actuellement rĂ©pandues dans les Ă©coles.Comment prĂ©tendre alors que lâenseignement de la grammairevise la maĂźtrise de la langue? Quelle peut ĂȘtre lâutilitĂ© de cesgrammaires pour les Ă©lĂšves qui veulent corriger leurs textes? Files ne leur apportent pratiquement quâun secours orthographique, et encore, pas des plus exhaustifs. OĂč sont-elles, en effet, lesgrammaires qui montreraient Ă lâĂ©lĂšve que, par exemple, Ă©toileprend un «s» dans une nuit sans Ă©toiles?
3. Le terme rĂ©gime est ici employĂ© dans le sens de «ensemble des diffĂ©rentes constructionspossibles dâun verbe, Ă savoir lâensemble des contraintes pesant sur les types de sujets et decomplĂ©ments qui sont susceptibles de lâaccompagner».
4. Il sâagit de six ouvrages parmi la dizaine dâ»ouvrages de rĂ©fĂ©rence dâusage courant enmatiĂšre de grammaire» approuvĂ©s par le MEQ pour les deux cycles du secondaire, cf. Niedoba(1994): La grammairefrançaise (Dubois, Jouannon et Lagane, t984), Guide de grammaire frun.çaise (Cherdon, 1985), Le Petit Code (Martin et Issenthuth, 1986), La grammaire par lâexemple(Mareuil et Langlois-Choquette, 1987), Code grammaticalfondamenral (VĂ©zina, 1989), La grammaire pour tous (Bescherelle, 1994).
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Une grammaire prisonniĂšre de la grammairelatine et de la logiqueDerniĂšre caractĂ©ristique de cette grammaire scolaire, elle «restepĂ©nĂ©trĂ©e du point de vue logique Ă©tabli dans lâAntiquitĂ© grecque,prisonniĂšre par la filiation de la grammaire latine» (Court, 1971:12). Bien quâelle ait reniĂ© une bonne partie de lâhĂ©ritage du latin,la grammaire scolaire qui sâest constituĂ©e au cours de la secondemoitiĂ© du XIXe siĂšcle en porte encore des traces (voir lâexempledonnĂ© par Gobbe dans le prĂ©sent ouvrage). Or, en dĂ©pit de sesorigines latines, le français contemporain a un fonctionnementsyntaxique tout Ă fait diffĂ©rent de celui du latin, de souligner Huot(1981: 55).De lâAntiquitĂ© grĂ©co-romaine, cette grammaire retient surtout
sa conception de la langue qui, elle, a Ă©tĂ© reprise et raffinĂ©e auXVIIe siĂšcle par la grammaire dite de Port-Royal, oĂč «le sensdevient premier et lâĂ©tude des logiques prĂ©vaut sur celle des formes» (Chevalier, 196$: 491). La langue y apparaĂźt comme le reflet de la logique universelle, cet «art de raisonner», câest-Ă -dire,en clair, lâutilisation rationnelle et Ă©clairĂ©e des catĂ©gories logiques dĂ©terminĂ©es par Aristote. La langue ne serait alors quâunĂ©tiquetage de lâunivers de la Raison. Les encyclopĂ©distes nâaffirmeront-ils pas quâelle est le miroir de la pensĂ©e? Cette conception mentaliste est encore bien enracinĂ©e dans lâenseignement.Nâentend-on pas quotidiennement les enseignants de français etles gens «cultivĂ©s» vanter la logique de la grammaire et de lalangue françaises et se plaindre du manque de logique des Ă©lĂšveset des gens du peuple?Or, la langue française, comme toutes les langues dâailleurs,
nâa que faire des catĂ©gories philosophiques hĂ©ritĂ©es dâAristote.Elle a sa logique propre, si on entend par lĂ une organisationsystĂ©matique de ses constituants, dont la description de plus enplus minutieuse est assurĂ©e par la recherche linguistique en syntaxe et en lexique, notamment. En revanche, oui, la langue française, comme toutes les langues, permet de mettre en mots toutraisonnement logique, câest-Ă -dire rigoureux et cohĂ©rent, produitpar un sujet; elle peut lâexprimer, mais nâen est pas le reflet. Elle
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permet tout aussi bien de crĂ©er des Ă©noncĂ©s contraires Ă la logique, qui non seulement ont du sens, mais qui possĂšdent une forceinouĂŻe, celle de remettre en question.lâemploi trivial du langage.Cet emploi carnavalesque du langage, si bien dĂ©crit par le thĂ©oricien russe Bakhtine dans son Ă©tude sur Rabelais, ne constitue-t-ilpas une partie de lâart dâun Raymond Devos ou dâun Sol? AprĂšsavoir proposĂ© moult exemples de la grammaire scolaire qui dĂ©fient toute logique, M. Yaguello (1987: 123) conclut: «Il est toutaussi vain de se lamenter sur tel ou tel illogisme dans la langueque dâexalter son caractĂšre pseudo-logique».
«La grammaire scolaire, un obstacle Ă la construction demĂ©canismes intelligents» (Bronckart, 7983: 70)Ă cause de ces diverses caractĂ©ristiques, la grammaire scolairene constitue pas lâoutil par excellence pour la formation dâunepensĂ©e rigoureuse et dâun sens critique, elle est plutĂŽt un obstacle, comme lâaffirme catĂ©goriquement un des plus importantsthĂ©oriciens de la didactique du français, Jean-Paul Bronckart, delâUniversitĂ© de GenĂšve. Ce jugement, trĂšs sĂ©vĂšre, nous oblige Ă remettre en question une bonne partie de notre culture scolaire etune de nos certitudes. Dans un article sur la nĂ©cessaire ruptureavec cet enseignement traditionnel, Bronckart rappelle que «lâintelligence se dĂ©veloppe par gĂ©nĂ©ralisation de procĂ©dures et derĂšgles, par leur intĂ©gration dans des ensembles plus vastes et plusexplicatifs». Aussi, ce nâest pas par la masse de ses particularismes, de ses fameuses exceptions et de ses normes arbitraires quela grammaire scolaire peut contribuer Ă dĂ©velopper les capacitĂ©sdâanalyse et de synthĂšse nĂ©cessaires Ă une pensĂ©e un tant soit peurigoureuse, ni Ă forger le raisonnement (Bronckart, 1983: 10).
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2. CRITIQUE ĂPISTĂMOLOGIQUE DELA GRAMMAIRE SCOLAIRE
2.7 Un métalangage éclectique, flouet souvent incohérent
La grammaire scolaire classe les mots du français en parties dudiscours; chacune ayant une «nature» diffĂ©rente5. Ce travail classificatoire des catĂ©gories ou des classes grammaticales devraitsâopĂ©rer Ă partir de critĂšres rigoureux. Le premier principe detoute classification exige que les classes constituĂ©es soient mutuellement exclusives. Ainsi, les mots de la classe des noms devraient avoir des propriĂ©tĂ©s ou des caractĂ©ristiques qui lesdistinguent des mots de la classe des adjectifs, etc. En chimie, uncorps ne saurait ĂȘtre une base et un acide Ă la fois. En plus delâĂ©tanchĂ©itĂ© des classes, les critĂšres employĂ©s pour dĂ©finir les classes de mots devraient ĂȘtre du mĂȘme type, soit de type sĂ©mantique(sens), soit de type morphologique (forme), soit de type syntaxique (relation). Si la classification sâopĂšre Ă partir dâun critĂšreuniquement sĂ©mantique, on aura une grammaire du sens(cf. Charaudeau, 1992); si le principe classificatoire est morphosyntaxique, on aura une grammaire pour lâorthographe; sâil estsyntaxique, on aura une grammaire qui non seulement rendracompte de lâorganisation des mots dans la phrase, de leur combinatoire et de leurs rapports, mais aussi des rĂšgles orthographiques relevant dâun mĂ©canisme syntaxique, lâaccord du verbe, parexemple. Ces deux conditions Ă la base de tout travail sĂ©rieux declassification, lâĂ©tanchĂ©itĂ© des classes et lâhomogĂ©nĂ©itĂ© des critĂšresde classement ne sont pas respectĂ©es par la grammaire scolaire.Dans cette grammaire, en effet, la plupart des classes sont
dâabord Ă©tablies Ă partir du sens. Les adjectifs, appelĂ©s qualificatifs,sont dĂ©finis comme ce qui indique une qualitĂ©, une maniĂšre dâĂȘtre
5. Le recours Ă la notion de nature est particuliĂšrement malheureux, car quoi de plus social,donc de moins naturel, que les faits langagiers. De plus, on sait quâun mĂȘme mot peut ĂȘtre de«nature diffĂ©rente selon les contextes oĂč il apparaĂźt.
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du nom, ils disent «comment est quelque chose»; ils seraient lemoyen par excellence de la qualification. Or, cette dĂ©finition delâadjectif et lâĂ©tiquette dâadjectif qualificatif prĂ©sentent deux problĂšmes majeurs.Dâune part, la qualification a recours Ă dâautres ressources lan
gagiĂšres. Dans ta maison aux volets verts; lâhomme qtti hantemes rĂȘves; le bistrot du coin; cet enfant, te souffre-douteur de taclasse, les Ă©lĂ©ments en gras ne sont pas des adjectifs qualificatifs,mais ils qualifient bien le nom. Dâautre part, selon la grammairescolaire, les adjectifs ont le pouvoir dâĂȘtre modifiĂ©s par une marque de degrĂ©. Pourtant, il y a bien une sous-catĂ©gorie dâadjectifsdits qualificatifs qui ne partagent pas cette propriĂ©tĂ©: ils sont appelĂ©s tantĂŽt classifiants (Genevay, 1994: 71), tantĂŽt relationnels(Charaudeau, 1992: 324; Riegel, Pellat et Rioul, 1994: 357) dansla grammaire moderne. En effet, ces adjectifs, nombreux, ne sâemploient que dans le groupe du nom; ils ne peuvent pas apparaĂźtredans un groupe verbal pour y remplir la fonction dâattribut dusujet; ils sont toujours immĂ©diatement postposĂ©s au nom et nepeuvent prendre une expression de degrĂ© (du vin rouge, lâassemblĂ©e syndicale, une Ă©cole secondaire, une boucherie chevaline).Nous avons bel et bien affaire Ă une sous-catĂ©gorie dâadjectifsimproprement appelĂ©s qualificatifs qui ont des propriĂ©tĂ©s syntaxiques particuliĂšres. Une ex-ministre de lâĂducation du QuĂ©bec sâexclama, un jour, excĂ©dĂ©e par les innovations pĂ©dagogiques:«Il faudra bien que les Ă©lĂšves apprennent Ă appeler les choses parleur nom; un adjectif qualificatif est un adjectif qualificatif.» Ehnon, madame, un adjectif nâest pas toujours qualificatif! LesĂ©tiquettes donnĂ©es aux classes de mots nâont rien dâĂ©ternel etdemandent constamment Ă ĂȘtre rĂ©yisĂ©es.Toutes les classes grammaticales pourraient ainsi ĂȘtre passĂ©es
en revue et nous verrions que, traditionnellement, elles sont surtout dĂ©finies par un critĂšre de sens (le nom, lâadjectif, le pronom,le verbe), mĂȘme si certaines nĂ©cessitent un double critĂšre tantelles regroupent des Ă©lĂ©ments disparates; câest le cas notammentde lâadverbe ou de la conjonction.
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Dans cet ouvrage, Ăric Genevay montre que la classe traditionnelle de la conjonction de coordination est trĂšs discutable etDanielle Leeman fait observer que la distinction entre verbes dâĂ©tatet verbes dâ action ne repose ni sur une catĂ©gorisation sĂ©mantiquevalable, ni sur une catĂ©gorisation syntaxique: des verbes dâactioncon-u-ne dâĂ©tat peuvent se construire avec des attributs.Dans la grammaire scolaire, les mots ne sont pas seulement
classĂ©s selon leur «nature», ils le sont aussi dâaprĂšs leur fonction.Cette notion constitue le deuxiĂšme pilier de cet Ă©difice grammatical. Apparue plus tardivement (Chervel, 1979), elle nâen recourtpas moins Ă un mĂ©talangage boiteux, non fonctionnel et largement incohĂ©rent. Prenons, par exemple, les complĂ©ments du verbe; ici encore, le critĂšre classificatoire, massivement Ă basesĂ©mantico-logique ou rhĂ©torique (notion dâobjet, dâagent ou decirconstanciel), est ad hoc et dĂ©fie toute comprĂ©hension des propriĂ©tĂ©s syntaxiques de cette fonction. Il conduit ta nuit de la Saint-Jean! Il conduit te camion de son pĂšre: deux constructionsidentiques, mais deux types de complĂ©ments, le premier Ă©tantappelĂ© circonstanciel et le second, objet direct. Il va Ă Paris! iltravaille Ă Paris: deux constructions identiques, mais un seul typede complĂ©ments appelĂ©s circonstanciels.Dans la grammaire scolaire, la dĂ©signation des complĂ©ments
du verbe ne repose pas sur leurs propriĂ©tĂ©s formelles mais sĂ©mantiques. Or, en dehors du sens, quâont en commun les complĂ©ments «circonstanciels» Paris dans les exemples prĂ©cĂ©dents?Rien. Le premier est un complĂ©ment obligatoire du verbe alterqui rĂ©git la prĂ©position Ă , avec une valeur de lieu. Rien de teldans le second exemple, oĂč Ă Paris nâ est pas un complĂ©ment obligatoire du verbe; il ne dĂ©pend pas structurellement du verbe, câestpourquoi ce nâest pas un complĂ©ment du verbe. Sa mobilitĂ© parrapport au verbe, son caractĂšre souvent effaçable et dâautres propriĂ©tĂ©s le distinguent du complĂ©ment du verbe, prĂ©positionnel oupas (Gobbe, 1980; Gobbe et Tordoir, 1987). Dans la grammairemoderne, on lâappelle, faute de mieux, un complĂ©ment de phrase. Cela dit, nous laissons Ă Danielle Leeman le soin de critiquer
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le traitement que la grammaire scolaire rĂ©serve Ă la fonction dâattribut du sujet!La classification des groupes de mots Ă partir dâun faisceau de
critĂšres formels, câest-Ă -dire de leurs propriĂ©tĂ©s syntaxiques etmorphologiques, est combien plus cohĂ©rente, fonctionnelle etĂ©conomique. Tous les mots du lexique peuvent ĂȘtre classĂ©s enhuit catĂ©gories dâaprĂšs leurs propriĂ©tĂ©s syntaxiques et chacunede ces catĂ©gories (sauf la conjonction, le dĂ©terminant et le pronom) peut constituer la base dâun groupe syntaxique (groupe dunom, du verbe, de lâadjectif, de lâadverbe, de la prĂ©position). Letexte de Marie-Christine Paret illustre bien lâintĂ©rĂȘt didactiquedâune telle catĂ©gorisation qui obĂ©it Ă des choix didactiques fondĂ©s sur des principes dâĂ©conomie, de pertinence et de cohĂ©rence.
2.2 Comment se retrouver dans la jungle desdescriptions grarnmatĂŻcales?
Les expansions du groupe du nomLa grammaire scolaire recense plusieurs constructions susceptibles de constituer des expansions du nom, ou plus exactement,du groupe nominal minimal dont la structure la plus courante estun nom commun prĂ©cĂ©dĂ© dâun dĂ©terminant. Ces mots ou ces groupes de mots qui sont des expansions facultatives du groupe dunom sont subordonnĂ©s au nom. Ils exercent la fonction de complĂ©ment du nom. Ils portent nĂ©anmoins des appellations tellement diverses quâil est impossible pour lâĂ©lĂšve de comprendrequâil a affaire Ă une mĂȘme fonction syntaxique sous des rĂ©alisations diverses. Le texte de Roger Gobbe, ici mĂȘme, montre Ă quelpoint les descriptions de ces constructions sont incomplĂštes, prĂ©sentent de graves lacunes et comment les Ă©tiquettes utilisĂ©es parla grammaire scolaire pour dĂ©signer des mots ou des groupes demots qui ont tous la mĂȘme fonction syntaxique sont dĂ©routantespour lâĂ©lĂšve.
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Le fouillis dans les propositions subordonnĂ©esLa notion de proposition, hĂ©ritĂ©e de la logique classique oĂč ellecorrespond Ă une unitĂ© exprimant un jugement, est au coeur delâanalyse linguistique de la grammaire scolaire qui distingue lespropositions indĂ©pendantes, principales et subordonnĂ©es, ainsiquâun certain nombre dâautres, inclassables, par exemple lâincise. Cette derniĂšre ne serait ni principale ni subordonnĂ©e; elle doitĂȘtre considĂ©rĂ©e comme une indĂ©pendante selon Le Petit Code(1987: 138). En effet, syntaxiquement, elle lâest. Mais câest toutde mĂȘme bizarre que, dans ce cas prĂ©cis, la grammaire scolairerecoure Ă un critĂšre formel qui fait fi du sens alors que pourdâautres propositions, les circonstancielles, par exemple, elle nâutilise quâun critĂšre de sens et gomme toutes les particularitĂ©s syntaxiques.Il est en effet impossible de trouver le principe classificatoire
des subordonnĂ©es Ă lâintĂ©rieur de cette doctrine grammaticale.Ni la prĂ©sence dâun terme subordonnant, ni une dĂ©finition de ladĂ©pendance (est-elle sĂ©mantique, syntaxique ou les deux?), ni leconstituant auquel serait subordonnĂ©e la proposition ne permettent de comprendre les distinctions proposĂ©es. La typologie dessubordonnĂ©es dans les ouvrages scolaires consultĂ©s laisse voirdes principes classificatoires trĂšs hĂ©tĂ©rogĂšnes.Les relatives et les conjonctives sont dĂ©finies dâaprĂšs le type
de leur subordonnant, les complĂ©tives Ă partir de leur fonctionsyntaxique, les circonstancielles Ă partir de leur sens et de leurfonction (complĂ©ment du verbe - sic!), enfin les infinitives et lesparticipiales dâaprĂšs le mode de leur verbe.
Les circonstanciellesDe toutes les catĂ©gories de subordonnĂ©es, celle des circonstancielles est la plus problĂ©matique. Comme ĂŽn le sait, ces subordonnĂ©es sont censĂ©es exprimer les circonstances de lâactiondĂ©signĂ©e par le verbe. Il faut reconnaĂźtre que tel est bien le cas,en effet, pour certaines dâentre elles qui expriment une circonstance, le temps, par exemple: Luc sortira lorsquâil aura terminĂ©
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son travail. On peut mĂȘme, Ă la rigueur, considĂ©rer que le but, laconsĂ©quence et la condition sont des «circonstances dâune action», si lâon donne Ă ce mot une apprĂ©ciable extension de sens.Mais la comparaison, en quoi serait-elle une «circonstance» delâaction exprimĂ©e par le verbe dans Je te retrouve comme tu Ă©taisquandje tâai quittĂ©? Par ailleurs, on constate en contrepartie quedâautres subordonnĂ©es expriment des circonstances sans pourautant ĂȘtre appelĂ©es circonstancielles. Câest le cas notammentdes subordonnĂ©es en oĂč, dites relatives mĂȘme si elles exprimentune idĂ©e de lieu. Dans Jâirai oĂč tu iras, la subordonnĂ©e fonctionne exactement comme dans Je partirai quand tu partiras.Pourtant, la premiĂšre est appelĂ©e relative et la seconde, circonstancielle... Autres exemples: Je cherche un livre qui soit instructif et distrayant Ă tafois (relative exprimant une idĂ©e de but); Celivre ayant dĂ©jĂ Ă©tĂ© empruntĂ©, j âai dĂ» en choisir un autre («participiale» exprimant une idĂ©e de cause); Jâai lu ce livre deuxfoisavant de te remettre («infinitive» exprimant une idĂ©e de temps);etc. On voit bien les difficultĂ©s que peut poser Ă lâĂ©lĂšve cettehabitude dâanalyser les subordonnĂ©es «circonstancielles» dâaprĂšsleur sens et les autres subordonnĂ©es dâaprĂšs leur forme.Il faudrait donc se rabattre sur le critĂšre syntaxique. Cepen
dant, le subordonnant des «circonstancielles» est trĂšs divers:conjonction (que), pronom relatif ou adverbe relatif (oĂč), adverbe corrĂ©latif (tant... que), combinaison de prĂ©positions et deconjonctions (aprĂšs... que), etc., si on maintient la terminologietraditionnelle. Difficile, donc, de les reconnaĂźtre par leur Ă©lĂ©mentsubordonnant. Quant Ă leur fonction, on les dit complĂ©ments circonstanciels du verbe. Or, la plupart remplissent la fonction decomplĂ©ment de phrase, vu leur caractĂšre facultatif et leur trĂšsgrande mobilitĂ©. Mais certaines remplissent dâautres fonctions.Elles se situent sur un autre plan Ă©nonciatif et sont en relationdâinterdĂ©pendance avec la phrase (fais-le donc puisque tu es sibon). Câest pourquoi certains grammairiens les nomment subordonnĂ©es adjointes (Genevay, 1994). Dâautres subordonnĂ©es sontinterdĂ©pendantes avec un Ă©lĂ©ment de la principale, par exemple,
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les subordonnĂ©es Ă corrĂ©latifs (Il a tant plu que ta riviĂšre a dĂ©bordĂ©; La riviĂšre estplus haute quâelle ne lâĂ©tait ta semainepassĂ©e). Par consĂ©quent, ce nâest pas non plus avec la notion decomplĂ©ment circonstanciel que lâĂ©lĂšve pourra identifier cessubordonnĂ©es. Quoi quâil en soit, si on reste Ă lâintĂ©rieur de lâĂ©difice conceptuel de la grammaire scolaire, il est impossible de trouver un minimum dâhomogĂ©nĂ©itĂ© Ă ce que cette grammaire rĂ©unitsous lâappellation de «subordonnĂ©es circonstancielles».Pourtant, dĂšs quâil est question dâabandonner cette Ă©tiquette,
de renommer et de reclasser ces subordonnĂ©es, on se heurte Ă une levĂ©e de boucliers mĂȘme de la part de ceux qui entendentdĂ©fendre la cohĂ©rence et la logique de la grammaire6.
2.3 Une grammaire qui ne traite que dâune infimepartie de la langue
La grammaire scolaire est dâabord morphologique et sĂ©mantique, son intĂ©rĂȘt pour la syntaxe de la phrase Ă©tant trĂšs limitĂ©. EtmĂȘme lorsquâelle traite dâun mĂ©canisme syntaxique, comme lacoordination, elle se limite Ă prĂ©senter une rĂšgle qui Ă©nonce cequi peut ĂȘtre coordonnĂ©, sans expliquer la mĂ©canique assez complexe de la coordination, en particulier en ce qui concerne lespossibilitĂ©s et les contraintes dâeffacement et la mobilitĂ© ou nondes coordonnants.7 Il en est de mĂȘme pour les constructions destypes et des formes de phrases, dont elle ne prĂ©sente quâun nombre trĂšs rĂ©duit, celles qui sont gĂ©nĂ©ralement maĂźtrisĂ©es par lesĂ©lĂšves. Travailler Ă lâapprentissage des types de phrases avecles Ă©lĂšves deviendrait pertinent si on dĂ©crivait les diffĂ©rentesconstructions possibles pour en apprĂ©cier lâeffet discursif, donc
6. Les conceptrices du programme ministĂ©riel de grammaire Ont dĂ» maintenir cette Ă©tiquettede subordonnĂ©e circonstancielle pour les subordonnĂ©es complĂ©ments de phrase en dĂ©pit de touterigueur afin de rĂ©pondre Ă une exigence ministĂ©rielle. Les enseignants nâauraient jamais acceptĂ©la disparition de cette Ă©tiquette, nous affirmait-on.
7. La plupart des ouvrages de grammaire scolaire que nous avons consultés énoncent desrÚgles soit fausses, soit trÚs incomplÚtes; pour un traitement intéressant de la coordination, voirGobbe etTordoir, 1987 et Riegel, Peltat et Rioul, 1994.
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si on les Ă©tudiait comme une ressource stylistique, au service dela continuitĂ© thĂ©matique par exemple.Autre paradoxe, si la morphologie verbale est trĂšs âdĂ©veloppĂ©e
dans la grammaire scolaire, lâĂ©lĂšve y cherchera toutefois en vaindes indications ou desrĂšgles pour lâutilisation des temps et modes les uns par rapport aux autres dans des genres textuels prĂ©cis.La grammaire scolaire est impuissante Ă traiter ce phĂ©nomĂšnegrammatical. Il en est de mĂȘme des contraintes dâemploi des pronoms et des dĂ©terminants pour assurer la cohĂ©rence dâun texte,ou encore des variations du sens des mots en fonction de leurutilisation grammaticale. Par exemple, le mĂȘme lexĂšme jouerchange de sens selon quâil est employĂ© avec un sujet animĂ© oupas et selon le type de complĂ©ment qui le suit (Simard, 1995). Laliste des phĂ©nomĂšnes grammaticaux courants dont la grammairescolaire ne dit mot est longue. On le voit, elle ne saurait servir deguide pour lâexpression Ă©crite correcte, mis Ă part lâorthographegrammaticale, ce qui accrĂ©dite la thĂšse de Chervel. La grammaire scolaire est une grammaire du mot, quelquefois de la phrase,mais elle ne dĂ©crit ni nâexplique les phĂ©nomĂšnes grammaticauxsur le plan textuel (Chartrand, 1996b).
3. CRITIQUE DIDACTIQUE DE LAGRAMMAIRE SCOLAIRE
Un enseignement dogmatiqueLâenseignement actuel de la grammaire souffre des lacunes etdes incohĂ©rences de la grammaire scolaire traditionnelle. Lâenseignement renouvelĂ© propose aux Ă©lĂšves un cadre dâanalyse dela langue plus cohĂ©rent, plus rigoureux, plus exhaustif.Seulement, jamais le systĂšme de la langue ne sera dĂ©crit dans
sa totalitĂ©, sous ses multiples facettes: oral versus Ă©crit, registresde langue, etc. Jamais, non plus, les connaissances vĂ©hiculĂ©espar lâĂ©cole ne seront conformes en tous points aux connaissancesscientifiques. Il faut accepter de ne connaĂźtre et expliquer quâunepartie de lâutilisation de la langue; il faut admettre le fait que
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lâenseignement du fonctionnement de la langue et du langagesera toujours parcellaire.Aussi, lâenseignant de français, comme celui des sciences par
exemple, doit faire preuve de modestie et reconnaĂźtre que sonsavoir est limitĂ© et fatalement en retard sur les avancĂ©es de larecherche scientifique. Cela doit lâinciter Ă abandonner toute attitude dogmatique face au savoir grammatical et Ă adopter unesprit dâouverture et de recherche quâil tendra Ă faire partager Ă ses Ă©lĂšves. Câest dâabord sur le plan des attitudes quâil faut critiquer lâenseignement traditionnel de la grammaire scolaire, car iltransmet un savoir prĂ©sentĂ© comme immanent et sĂ»r, alorsquâil est un produit des connaissances du passĂ©, un agglomĂ©ratprĂ©scientifique parcellaire et souvent trĂšs discutable.
Un enseignement qui ne se soucie pas de lâapprenantDe plus, parce quâil ignore lâessentiel des donnĂ©es scientifiquesrelatives Ă lâapprentissage de concepts et de procĂ©dures, cet enseignement procĂšde selon une mĂ©thode qui le voue Ă lâĂ©chec.Chaque individu construit ses reprĂ©sentations des nĂŽtions grammaticales de façon originale, modelant les informations qui luisont transmises Ă partir de ses connaissances antĂ©rieures. Aussi,il nâest pas Ă©tonnant que chaque Ă©lĂšve se façonne des connaissances composites plus ou moins proches de celles enseignĂ©es(voir Fisher, ici mĂȘme). Si lâenseignant ne se soucie pas des reprĂ©sentations de ses Ă©lĂšves et nâamĂšne pas ces derniers Ă les objectiver et Ă les confronter avec dâautres, il ne permet pas laconstruction de nouvelles connaissances solides. Ainsi lâenseignement traditionnel, qui consiste Ă transmettre des connaissances dĂ©claratives sans effectuer un travail sur les modesdâappropriation de ces connaissances, nâarrive que trĂšs partiellement Ă gĂ©nĂ©rer des connaissances qui ont une certaine stabilitĂ©dans la mĂ©moire de lâĂ©lĂšve. De plus, pour arriver Ă maĂźtriser unsavoir grammatical, il faut plus que des connaissances dĂ©claratives, il en faut dâautres, de type procĂ©dural et conditionnel(voir notre texte dans la deuxiĂšme partie de lâouvrage). Or,
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celles-ci sont systĂ©matiquement nĂ©gligĂ©es dans lâenseignementtraditionnel.Enfin, derniĂšre lacune fondamentale de cet enseignement, il
nâa que peu de rapport avec les besoins des jeunes en train dâapprendre Ă maĂźtriser la langue Ă©crite. Dâune part, il propose certains savoirs parfaitement inutiles et inutilisables; dâautre part, ilnâoffre aucune ressource pour rĂ©soudre de nombreux problĂšmesliĂ©s Ă lâexpression. Il ne part pas des difficultĂ©s des Ă©lĂšves pourleur offrir les moyens de les rĂ©soudre; il dĂ©crĂšte o priori que cesderniers ont besoin de certaines connaissances, celles qui consistent Ă Ă©tiqueter les unitĂ©s linguistiques, par exemple. En consĂ©quence, il propose des activitĂ©s dâĂ©tiquetage, plutĂŽt que dâanalyse,mĂȘme si elles en portent le nom.Les pratiques de lâanalyse grammaticale et de lâanalyse logi
que, ces piliers, avec la dictĂ©e, de lâenseignement traditionnel(Chevalier, 1979), font quotidiennement la preuve de leur inefficacitĂ©. Car il ne sâagit pas dâactivitĂ©s dâanalyse, câest-Ă -dire dedĂ©construction et de reconstruction des structures permettant dâencomprendre le fonctionnement, mais uniquement dâexercicesdâĂ©tiquetage. Pourtant, lâanalyse est une activitĂ© fondamentale etnĂ©cessaire, si certaines conditions sont rĂ©alisĂ©es. II faudrait prĂ©ciser la finalitĂ© de cette activitĂ©, changer lâobjet de lâanalyse etenfin enseigner des procĂ©dures dâanalyse. Dâabord, quâentendons-nous par analyse? Analyser veut dire repĂ©rer les divers constituants dâune phrase, dĂ©crire leurs relations syntaxiques de mĂȘmeque la structure de chacun, afin de pouvoirjuger de la gi-ammaticalitĂ© de la phrase ainsi que de lâintĂ©rĂȘt discursif de son organisation, et de la transformer, au besoin. Ainsi, la pratique de lâanalysedoit avoir pour principal objet les phrases que les Ă©lĂšves rĂ©digent. Car comment lâĂ©lĂšve peut-il se corriger sâil ne peut Ă©valuerses phrases? Par consĂ©quent, le travail dâanalyse ne devrait passeulement consister Ă Ă©tiqueter, mais bien Ă dĂ©crire pour Ă©valuer,et il ne devrait pas porter principalement sur des phrases stĂ©rĂ©otypĂ©es et simplifiĂ©es. De plus, le travail en classe devrait autantporter sur les procĂ©dures Ă utiliser au moment de lâanalyse que
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sur le rĂ©sultat, autant de conditions didactiques qui ne sont pasremplies dans lâexercice traditionnel de lâanalyse.
CONCLUSION: LA NĂCESSITĂ DâUN VĂRITABLERENOUVELLEMENTLa grammaire scolaire change progressivement depuis un siĂšcle,modifiant peu Ă peu son mĂ©talangage, ses descriptions, ses activitĂ©s. La trĂšs grande majoritĂ© de ses avatars rĂ©cents qui se prĂ©tendent «inspirĂ©s de la linguistique et de la didactique», ne prĂ©sentequâun ravalement de façade qui est un clin dâoeil Ă la mode dujour plutĂŽt quâune vĂ©ritable remise en question.8 Dans sa tentative de faire peau neuve, peu Ă peu la grammaire scolaire perd unepartie du peu de cohĂ©rence interne quâelle possĂšde. Plusieursouvrages rĂ©cents sont plus incohĂ©rents que les anciens; bien desgrammaires scolaires utilisĂ©es actuellement dans les classes duQuĂ©bec nâont pas la qualitĂ© de la grammaire de Laurence de 1959.Câest sans doute en partie pour cette raison que certains enseignants de français ayant une culture grammaticale traditionnellesont peu enclins Ă donner leur aval Ă ces «innovations». La plupart des maisons dâĂ©dition de matĂ©riel scolaire ici et en Europe,allĂ©guant des contraintes financiĂšres et institutionnelles (le typede formation du corps enseignant, ses habitudes, le nombre dâheures consacrĂ©es Ă la grammaire, etc.), concoctent un subtil mĂ©lange de tradition et de modernitĂ© qui peut Ă©blouir, mais qui neprĂ©sente aucune garantie de rigueur. Rares sont celles qui optentpour une rĂ©novation en profondeur.Nos analyses de manuels de français pour les classes quĂ©bĂ©
coises de 3e et de 4 annĂ©es du secondaire ont mis au jour unsyncrĂ©tisme tous azimuts oĂč les contenus de la grammĂ ire traditionnelle sous ses aspects les plus critiquables voisinent avec despropositions nouvelles (Chartrand, 1989 et 1993). Un examen
8. Cette remarque ne concerne ni les importantes mises à jour faites par A. Goosse (et M.Grevisse) au Bon Usage ni la «nouvelle version» du Précis qui porte le nom de Nouvelle grammairefrançaise, publiée depuis 1980 sous les noms de M. Grevisse etA. Goosse.
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dâouvrages de rĂ©fĂ©rence en grammair approuvĂ©s par le MEQrĂ©vĂšle bien quelques changements de contenu sous lâinfluencede propositions de la didactique du français ou de grammairesscientifiques contemporaines, mais ces innovations se font Ă lapiĂšce, sans une sĂ©rieuse remise en question des assises de la grammaire scolaire. On sape ainsi toute possibilitĂ© dâun renouvellement didactique valable et contrĂŽlĂ© scientifiquement.Rompre avec la grammaire scolaire et son enseignement ne
veut pas dire quâon fasse tabula rasa, quâon dĂ©niĂš les acquis dupassĂ© et quâon se retrouve dans le vide. Des propositions alternatives en ce qui concerne les contenus et les dĂ©marches existent.Le prĂ©sent ouvrage en rĂ©unit quelques-unes mises Ă lâĂ©preuveavec bonheur depuis un bon moment ici et en Europe; dâautressuivront, rĂ©sultant dâexpĂ©rimentations dans les classes au moment de lâimplantation de programmes de français qui optent enfinpour un nouvel enseignement de la grammaire, comme câest lecas au QuĂ©bec et en Belgique.Chose certaine, on ne peut plus enseigner des notions confu
ses bricolĂ©es il y a plus de cent ans, faire fi des recherches menĂ©es depuis le dĂ©but du siĂšcle dans les sciences du langage enignorant les descriptions grammaticales quâelles proposent et refuser de sâinterroger sur les conditions dâun apprentissage rĂ©ussi.La pĂ©dagogie des mathĂ©matiques a Ă©voluĂ© avec les dĂ©veloppements issus de la communautĂ© scientifique. Pourquoi nâen seraitil pas ainsi de celle de la grammaire? Avec modestie et prudence,nous pouvons explorer de nouvelles voies qui, sans renier lesacquis du passĂ©, lointain ou rĂ©cent, amĂšneront les Ă©lĂšves Ă trouver un sens dans ce que leur propose lâĂ©cole et singuliĂšrementdans le cours de français et ses ateliers de grammaire.
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