OCP onchocercose Préserver les acquis d’une lutte ......Sciences au Sud- Le journal de l’IRD -...
Transcript of OCP onchocercose Préserver les acquis d’une lutte ......Sciences au Sud- Le journal de l’IRD -...
o n c h o c e r c o s e
Préserver les acquisd’une lutte exemplaire
Sciences au Sud - Le journal de l’IRD - n° 44 - avril/mai/juin 2008
7
De la maîtrise des vecteurs…Parmi les grandes endémies africaines,l’onchocercose tient une place particu-lière. En effet, c’est contre cette affec-tion que s’est mis en place, dès 1974,un des premiers programmes de luttecontre une maladie tropicale. L’objectifde ce Programme de lutte contre l’on-chocercose en Afrique de l’ouest (OCP)
était d’interrompre la transmission duparasite par l’élimination de son vecteur(les simulies) et de maintenir ce résultatpendant au moins 14 ans, jusqu’àextinction naturelle des vers adulteschez les sujets infestés, tout en empê-chant la réinvasion des zones traitées.Les simulies pouvant migrer sur plus de300 km, le programme ne pouvait seconcevoir qu’à une échelle régionale.Grâce à une coopération internationaleexemplaire, 11 pays furent couverts jus-qu’à l’achèvement du programme en2002. À cette date, un million de per-sonnes avaient été débarrassées deleurs parasites, 600 000 cas de cécitéavaient été prévenus et 18 millionsd’enfants étaient nés dans des régionslibérées du risque de cécité onchocer-quienne. Ces résultats font de l’OCP undes programmes de santé publique lesplus efficaces parmi ceux de l’OMS.
… au contrôledes parasitesPar ailleurs, c’est également pour com-battre l’onchocercose que les Labo-ratoires Merck & Co ont créé, en 1987,le premier programme de donation d’unmédicament. L’ivermectine1, seule molé-cule filaricide utilisable à large échelle,peut ainsi être distribuée en campagnede masse dans toutes les zones où l’on-chocercose est endémique, y compris les19 pays africains qui n’avaient pas béné-ficié de l’OCP. Néanmoins, si l’ivermectineest efficace contre le stade embryonnairedu parasite responsable des manifesta-tions cliniques, son effet sur les versadultes est limité. Les traitements doi-vent donc être répétés tous les ans. Pourassurer une telle continuité de distribu-tion, une méthode innovante de « traite-ment sous directives communautaires »a été développée dans le cadre duProgramme africain de lutte contre l’on-chocercose (APOC) lancé en 1995. Cettestratégie fondée sur un partenariat avecles communautés touchées a fait lapreuve de son efficacité puisque chaqueannée 50 millions de personnes reçoi-vent de l’ivermectine. Mieux, ce conceptest actuellement repris pour combattred’autres endémies. La lutte contrel’onchocercose pourrait ainsi constituerune « locomotive » pour le contrôle deplusieurs autres maladies tropicalesnégligées. ●
1. Découverte à la fin des années 1970,l’ivermectine permet d’abaisser et de main-tenir pendant plusieurs mois la densité demicrofilaires à un niveau très faible qui n’oc-casionne pas de troubles cliniques.
d’autres espèces de nématodes
parasites du bétail. En parallèle, ils
ont suivi l’évolution de deux gènes
témoins connus pour leur grande
stabilité évolutive. Alors que la pro-
portion d’homozygotes et d’hété-
rozygotes pour ces deux gènes est
restée stable, il en est allé tout
autrement pour le gène de la
β-tubuline.
Entre 1994 et 1998, le pourcentage
de parasites présentant un génotype
homozygote pour ce gène est en effet
passé de 79 à 31% chez les sujets
traités par l’ivermectine tous les
trois mois. Ce résultat pourrait être
le signe d’une adaptation progres-
sive des populations d’O. volvulus au
médicament. Les parasites homo-
zygotes pour la β-tubuline pour-
raient en effet être plus sensibles à
epuis 1994, des cher-
cheurs de l’unité Épidé-miologie et prévention(Epiprev) de l’IRD, en col-
laboration avec des partenaires du
Cameroun et de l’université McGill
de Montréal, suit une cohorte de
patients camerounais bénéficiant de
traitements annuels par l’ivermec-
tine. Les scientifiques ont prélevé
régulièrement chez ces personnes
des échantillons de parasites afin de
mesurer l’évolution de la structure
génétique des populations d’Oncho-cerca volvulus. Ils ont déterminé la
fréquence respective des hétérozy-
gotes et des homozygotes pour le
gène codant la β-tubuline, une pro-
téine de structure des cellules du
parasite connue comme marqueur
de résistance à l’ivermectine chez
Rech
erches
l’ivermectine et disparaître pro-
gressivement au profit des hétéro-
zygotes.
Outre son effet direct sur les micro-
filaires, l’ivermectine empêche leur
sortie des utérus des vers adultes
pendant plusieurs mois après le trai-
tement : c’est l’action embryosta-
tique. Or les chercheurs ont constaté
que les vers femelles hétérozygotes
contenaient moins de microfilaires
dans les utérus que les parasites
homozygotes. Les vers hétérozygotes
pourraient donc être moins sensibles
à l’effet embryostatique de l’iver-
mectine. Les traitements répétés
conduiraient ainsi à une sélection de
vers plus à même de maintenir la
production de nouvelles générations.
Toutefois, l’action directe du médica-
ment sur les microfilaires ne sem-
blant pas altérée, il n’y a donc, pour
l’heure, aucune raison de remettre
en cause la stratégie actuelle de
lutte. Mais ces résultats devraient
susciter des investigations supplé-
mentaires et la mise en place d’un
réseau de surveillance.
Une étude coordonnée par l’IRD et
financée par l’Agence nationale de la
recherche (ANR), visant à confronter
la réponse au traitement par iver-
mectine et le génotype de deux popu-
lations de parasites : l’une soumise à
des traitements annuels depuis plus
de 10 ans, et l’autre soumise à une
très faible pression de sélection, est
actuellement conduite au Cameroun
en collaboration avec une équipe de
l’Inra, des chercheurs des universi-
tés de Yaoundé I et de Buea
(Cameroun), le ministère de la Santé
publique du Cameroun, l’université
McGill de Montréal (Canada) et
l’Imperial College de Londres
(Royaume-Uni). ●
Femme atteinte de cécitéonchocerquienne.
© IR
D/M
. Bou
ssin
esq
© IR
D/B
. Phi
lippo
n
Prospection de gîtes de reproduction des simulies
en Guinée lors du programme OCP.
Loa loa : le ver de trop lusieurs cas de réactions
neurologiques graves ont
été décrits à la suite d’un
traitement par ivermec-
tine. Ces accidents, parfois mortels,
sont exceptionnels, mais ont des
répercussions négatives sur les cam-
pagnes de distribution du médicament
sous directives communautaires. Des
chercheurs de l’IRD ont montré, au
Cameroun, que ces événements sur-
viennent chez les personnes qui pré-
sentent une très forte infestation par
un autre parasite, la filaire Loa loa1.
L’action du médicament sur les
microfilaires circulant dans le sang
entraîne un blocage des parasites
dans les capillaires, notamment céré-
braux, conduisant à leur obstruction.
Les travaux menés par l’IRD ont per-
mis d’identifier un signe d’alarme
permettant de repérer, peu de temps
après traitement, les personnes sus-
ceptibles de développer une telle
réaction. Les facteurs influençant la
répartition du parasite dans la popu-
lation humaine (y com-
pris une susceptibi-
lité génétique des
individus condi-
tionnant la pré-
sence des microfi-
laires dans le sang)
ont été recherchés.
Un modèle prédictif de
l’ampleur de l’endémie de
Loa (et donc du risque de sur-
venue des réactions graves), fondé
sur l’altitude et les indices de végéta-
tion, a également été mis au point. Ce
modèle est utilisé en routine pour déli-
miter les zones où des mesures de
surveillance particulières doivent être
mises en place. Des travaux sont
aussi menés pour identifier un traite-
ment permettant d’abaisser progres-
sivement les charges de Loa et qui
pourrait être appliqué avant les distri-
butions d’ivermectine pour prévenir
les réactions à ce médicament. Les
recherches devraient aussi s’orienter
dans deux directions : la définition
d ’ u n
protocole optimal
de prise en charge des patients pré-
sentant une encéphalopathie à Loa, et
la mise au point d’une méthode qui
permettrait aux distributeurs commu-
nautaires de détecter les individus à
risque avant traitement. ●
1. Loa Loa est un nématode filiforme trans-mis par des taons de l’espèce Chrysops. Lesadultes ne mesurent que 3 à 7 cm. Moinspathogènes qu’O. volvulus, Loa Loa pro-voque habituellement des manifestationsbénignes : œdèmes transitoires et passagedu ver adulte sous la conjonctive de l’œil.
ContactMichel Boussinesq
� Une des principales manifestations dela loase : l’œdème de Calabar, œdème
transitoire qui touche souventl’avant-bras ou le poignet.
� Une goutte épaisse coloréeau Giemsa, avec denombreuses microfilaires deLoa loa. Le patient présenteun risque d’encéphalopathiepost-ivermectine.
© J
osep
h K
amgn
o
© J
osep
h K
amgn
o
� Partie postérieured’une femelled’Onchocerca
volvulus, avec ledébut du premier
ovaire visible.
� Embryogramme (étalement du contenu des utérus, après broyage duver). On voit des microfilaires normales et des microfilaires en voie dedégénérescence (avec des vacuoles) à cause de leur accumulation dans lesutérus, conséquence de l’action embryostatique de l’ivermectine.
Les programmes de lutte contre l’onchocercose initiés depuis les années 1970 constituent deformidables succès et l’onchocercose est souvent considérée comme une maladie du passé.
Malheureusement, ces résultats, fruits de circonstances particulièrement favorables, restent fragiles. Dans l’attente d’un médicament actif sur le ver adulte, l’avenir dépend
de deux facteurs : le maintien de l’engagement des distributeurs d’ivermectine, généralement bénévoles, et le maintien de l’efficacité de ce médicament.
L’onchocercoseL’onchocercose, ou cécité des rivières est une maladie para-sitaire provoquée par Onchocerca volvulus, un ver néma-
tode transmis par des moucherons piqueurs, les simuliesdont les larves se développent dans les rivières à courantrapide. Les parasites adultes, qui mesurent plus de50 cm et peuvent survivre 14 ans chez l’homme, pro-duisent des millions de microfilaires (larves microsco-piques) qui migrent à travers l’organisme en provo-quant lésions cutanées sévères et atteintesoculaires pouvant conduire à la cécité.L’Afrique subsaharienne concentre 99 % des
37 millions de sujets infestés. Parmieux, six millions souffrent d’un pruritintense ou d’une dermatite, 800 000de troubles oculaires et 350 000 ontperdu la vue. Au total 120 millions
de personnes sontexposées au risque
d’onchocercose.( d o n n é e s
OMS).Chef du village de Madina Diassa au Mali, gravementatteint par l’onchocercose.
© IR
D/H
. Gui
llaum
e
© IR
D/M
. Bou
ssin
esq
© IR
D/M
. Bou
ssin
esq
q g
Sciences au Sud - Le journal de l’IRD - n° 44 - avril/mai/juin 2008
8ans la région de
l’Altiplano, les cher-
cheurs de l’unité GreatIce ont révélé l’existence
voilà plus de 24 000 ans de méga-
lacs. L’un d’eux baptisé Tauca cou-
vrait près de 50 000 km2 et attei-
gnait en certains endroits une
profondeur de plus de 100 mètres.
Deux périodes encadrant le Dernier
Maximum Glacière (DMG) ont tout
particulièrement vu ce type de lacs.
Aujourd’hui, les témoins de Tauca
sont des lacs asséchés recouverts
d’une croûte de sel, les salars, en
particulier ceux de Uyuni et Coipasa.
Des calculs de bilan hydrologique
associés à des analyses géochi-
miques sur des échantillons d’eau et
de roche récoltés par les membres
de Great Ice et ses partenaires de
l’université Mayor San Andres de la
Paz ont permis de délimiter les pos-
sibles conditions hydroclimatiques
associées à un tel méga-lac. La
forme en assiette plate de l’Altiplano
sud, véritable bac d’évaporation,
n’autorise la pérennité d’un méga-
lac tel le Tauca que si les précipi-
tations sont abondantes. Du fait de
cette forme, le Tauca a pu s’assécher
en seulement quelques dizaines d’an-
nées après une diminution des préci-
pitations et/ou un réchauffement.
Ces calculs ont montré le rôle pré-
pondérant de la saisonnalité des pré-
cipitations, qui, si elles étaient éga-
lement distribuées sur tous les mois
de l’année, entraîneraient une baisse
du niveau du lac Titicaca de plu-
sieurs dizaines de mètres. Ces
études hydrologiques corroborent les
résultats d’analyses isotopiques de
carottes de glace rapportées par les
glaciologues-andinistes de Great Iceselon lesquelles les précipitations
Quand lesarchives climatiquesnous parlentde demainLes récents travaux du GroupeInternational d’Étude du Climat(Giec 2007) mettent en avant deschangements importants à veniren Amérique du Sud tropicale.Dans les Andes centrales, uneaugmentation des précipitationsannuelles de l’ordre de 5 à 10 %et une élévation de la tempéra-ture de 2 à 3° C par rapport à lafin du siècle dernier sont prédites.D’ici la fin du XXIe siècle, les gla-ciers des Andes centrales vont-ilsdisparaître, dans le prolongementde leur recul observé depuis plu-sieurs décennies, ou bien aucontraire vont-ils ré-avancer ?En travaillant sur les archives cli-matiques des derniers milliersd’années, les chercheurs de l’uni-té Great Ice ont mis en évidencel’existence de plusieurs périodeshumides de même amplitude quecelles attendues pour la fin dusiècle.
Localisation des zones d’étudemontrant la circulationatmosphérique en Amériquedu Sud tropicale.Aujourd’hui, à l’est des Andes,les précipitations sontrégulées par le balancementsaisonnier de la ZCIT et de laMousson d’été.
Cependant, contrairement à cequi est pressenti, ces périodessont toutes accompagnées d’unediminution des températures(Petit Âge de Glace, DernierMaximum Glaciaire).De plus, ces archives ont montréla forte hétérogénéité spatiale desvariations de conditions clima-tiques ainsi que des décalagestemporels des maxima et minimade ces variations selon les régions.Les mécanismes climatiques recons-titués par les chercheurs lors desvariations de régime de précipita-tion doivent donc à présent êtrere-examinés en regard des récentsrésultats du Giec, pour faire le lienentre ce qui est prévu par lesmodèles climatiques actuels (plushumide associé à plus chaud) etce qui a toujours été reconstituésur les derniers millénaires (plushumide associé à plus froid).Tout laisse à penser que les simu-lations climatiques du passé nouséclaireront sur ces questions ! ●
Contactwww.greatice.ird.fr
dans les Andes centrales ont été de
l’ordre de 10 % plus abondantes
pendant le DMG qu’aujourd’hui. Elles
ont ensuite diminué progressivement
pendant la déglaciation.
Un tout autre paysageAu pied des Andes, voilà 25 000 ans,
la forêt amazonienne était moins
dense et de composition floristique
différente avec l’incorporation de cer-
taines espèces andines. Les carot-
tages sédimentaires réalisés par les
chercheurs de l’IRD et leurs parte-
naires au Brésil ont montré que le
DMG s’y caractérise par une absence
de dépôt sédimentaire (des hiatus
sédimentaires attribués à des fortes
érosions). Par ailleurs, au cours de la
déglaciation, il y a 17 000 ans, les
analyses des pollens déposés dans les
sédiments, menées par les cher-
cheurs ont montré que des forêts tro-
picales humides de basse altitude
dites « forêt de nuages » s’étendent
sur tout le nord du Brésil.
Plus loin, au sud de 15 degrés de lati-
tude sud, une toute autre situation est
observée. Une « forêt de nuages »
était très étendue jusqu’au début de
la déglaciation. Puis, au cours de
cette période, les niveaux des lacs ont
fortement baissé et les forêts
humides ont disparu de cette région,
alors que les lacs de l’Altiplano se
remplissaient à nouveau. Les simula-
tions climatiques du dernier maxi-
mum glaciaire montrent que l’ampli-
tude du balancement saisonnier de la
Zone de Convergence Inter Tropicale
était plus restreinte et localisée d’au
moins 4 degrés plus au Sud avant et
pendant une partie du Dernier
Maximum Glaciaire). D’autres simu-
lations sont attendues pour retracer
la saisonnalité de cette époque. ●
Les progrès des méthodes de datation ont permis d’affiner les connaissances sur le Dernier MaximumGlaciaire. Au cours de cette période (entre 24 000 et 18 000 ans) les calottes glaciaires ont atteint
leur extension maximale et les océans leur niveau le plus bas. Les chercheurs de l’équipe Great Ice ontnotamment pu reconsidérer l’évolution du climat en Amérique du Sud tropicale dans ces époques lointaines.
Rec
her
ches
© IR
D/T
.Con
dom
© IR
D/M
-P. L
edru
Vallée glaciaire à l’Altar, Équateur. On distingue au fond les moraines
témoins de la déglaciation de la fin du Pléistocène.
p a l é o c l i m a t o l o g i e
Sur les traces dSur les traces d
L’Holocène : un assèchementrégional progressif
es carottes de glace, les
archives sédimentaires et
hydrogéologiques mon-
trent que l’Holocène
(1 1500 – 500 ans) se caractérise
dans les Andes tropicales par une
relative stabilité des températures et
une forte fluctuation des précipita-
tions. Cette variabilité des précipita-
tions a été mise en évidence par les
chercheurs de Great Ice à partir des
archives sédimentaires des lacs
Titicaca et Siberia et de la composition
chimique de l’eau souterraine en
Bolivie.
Au milieu de l’Holocène, le lac Titicaca
a atteint son plus bas niveau, à 100 m
en dessous de son niveau actuel.
D’autre part, la présence de micro-
charbons caractérisés dans les sédi-
ments lacustres par les paléoclimato-
logues de l’IRD atteste d’une
augmentation de la fréquence des
incendies dans ces régions au cours
de la deuxième moitié de l’Holocène. À
Telata, en Bolivie, les chercheurs ont
défini les chronologies des moraines à
partir notamment de la lichénométrie.
Ils montrent une succession de
67 fronts glaciaires au cours des
7 000 dernières années attestant d’un
recul progressif du front du glacier
alors que le lac Titicaca, proche se
remplissait à nouveau.
Au sud du Pérou, des analyses de pol-
len menées en collaboration avec
l’Institut Français d’études andines et
les chercheurs de l’Université
d’Arequipa ont montré que les forêts
de Polylepis, ces arbres-papier qui se
développent jusqu’à 4 500 m d’alti-
tude, étaient bien développées voilà
encore 6 000 ans puis ont fortement
régressé dans la deuxième partie de
l’Holocène. Ces importants contrastes
régionaux caractérisent les fluctua-
tions climatiques de l’Holocène. Ces
situations particulières sont encore
mal expliquées du fait de leur rapidité
d’installation et de leur grande varia-
bilité spatiale, elles pourraient être
associées à des événements El Niño
répétés ou prolongés, qui ont pu se
superposer à l’augmentation impor-
tante de l’activité humaine. ●
es simulations clima-
tiques et les interpréta-
tions des paléoclimato-
logues de Great Icereposent entièrement sur l’existence
de réseaux de mesure et de bases de
données. Les données recueillies par
ces chercheurs sont très diverses.
Les plus anciennes remontent aux
années 50. Certaines sont recueillies
toutes les 5 minutes dans des stations
météo installées sur des glaciers.
D’autres, photos, images satellites,
cartes sont des archives uniques sur
le climat du passé. Aujourd’hui l’enjeu
est de pouvoir conserver ces données
uniques tout en les rendant acces-
sibles à la communauté scientifique.
Et pour cause, l’information clima-
tique contenue dans l’épaisseur de la
glace disparaît irrémédiablement
avec la fonte des glaciers… ●
ContactsÉric Cadier – [email protected]
Régis Hocdé – [email protected]
La pérennisation des données
� Partie de carotte de glaceextraite du glacier Sajama. ©
IRD
/B. P
ouya
ud
Au-dessus de l’actuel Salar de Uyuni la ligne blanche souligne la présencede paléo-biohermes témoin d’un haut niveau lacustre voilà 16 000 ans.
q g
Sciences au Sud - Le journal de l’IRD - n° 44 - avril/mai/juin 2008
9
Rech
erches
e terme de Petit Âge de
Glace (PAG) a été proposé
au début du siècle der-
nier pour rendre compte
d’une phase d’avancée des glaciers
entre le XIVe et le milieu du XIXe siècle
en Europe et en Amérique du Nord.
Les variations des isotopes de l’oxy-
gène analysés sur une carotte de
glace située à Quelcaya au Pérou
ainsi que des textes sur l’histoire du
climat de Potosi en Bolivie ont montré
qu’un refroidissement, contemporain
du PAG, était aussi enregistré dans les
Andes. Toutefois ces résultats res-
taient très localisés et ne permet-
taient pas de conclure sur l’ampleur
globale ou non de ce refroidissement.
Depuis 2004, l’équipe Great Ice a
sélectionné une cinquantaine de gla-
ciers répartis dans les différentes
cordillères andines afin de caractéri-
ser le PAG dans les Andes tropicales.
Les surfaces qui étaient englacées
ont été reconstituées pour chaque
glacier à différentes dates à l’aide de
la cartographie des moraines et de la
datation par lichénométrie à laquelle
s’ajoute celle étayée par la consulta-
tion de documents écrits anciens, tels
que les récits d’expéditions scienti-
fiques ou les archives municipales,
paroissiales et météorologiques. Les
résultats de ces chercheurs révèlent
que globalement la plus forte avancée
glaciaire des Andes tropicales est
synchrone de la première décrite
dans les massifs des moyennes et
hautes latitudes, soit autour du début
du XVIIIe siècle. Toutefois, les glaciers
andins ont globalement reculé pro-
gressivement alors que, dans les
Alpes, au moins trois avancées
d’amplitude comparables se sont
succédé entre le XVIIe et début du
XXe siècle pour certains glaciers.
De plus, la date d’extension maximale
des glaciers tropicaux présente des
variations latitudinales: le maximum
d’extension est atteint entre 1630 et
1680 au Pérou et en Bolivie et vers
1720 en Équateur. Le recul, plutôt
lent entre les XVIIe et XVIIIe siècles,
s’est ensuite accéléré au cours du XXe
siècle et a été accompagné d’une
remontée du front glaciaire de plus
de 200 mètres, soit une étendue
réduite de 30 %. Cette phase froide
et humide à l’origine des extensions
glaciaires est suivie d’une période
plus froide et plus sèche au XIXe siècle.
Les archives témoignent d’une pé-
riode de crise climatique et éco-
nomique marquée par une forte
diminution de l’élevage et de la pro-
duction agricole au Pérou et en
Bolivie. Des épisodes climatiques du
type El Niño ou La Niña ont tendance
à se succéder à des intervalles
proches dans le temps. Le croise-
ment des données géomorpholo-
giques et des archives a montré que
les fluctuations glaciaires des cinq
derniers siècles pourraient être liées
à des variations du déplacement sai-
sonnier de la Zone de Convergence
Inter Tropicale – correspond à l’équa-
teur météorologique –, à des change-
ments d’insolation ou à El Niño
Southern Oscillation. ●
La lichénométrieLa lichénométrie est une méthode dedatation relative qui est utilisée pourdater d’anciens monuments ou dessurfaces rocheuses. Elle consiste àmesurer le diamètre de certainesespèces de lichens qui colonisent unsubstrat rocheux. Plus la surface recou-verte par ce lichen est large plus laroche est ancienne. Le genreRhizocarpon, le plus fréquemment uti-lisé, résiste aux conditions climatiquesdifficiles comme les milieux de hautealtitude. Il se développe de manière cir-culaire et sa longévité couvre plusieursmilliers d’années. La lichénométrie estsurtout très efficace sur les dernierssiècles, période pour laquelle les data-tions absolues au radiocarbone ontune très faible précision. ●
Le partenariatLes nombreux partenaires sud améri-cains de Great Ice ont permis l’installa-tion de réseaux andins de surveillancejournalière et mensuelle des glaciers etdes ressources hydrologiques. Alorsqu’au début de leur installation, en1991, l’on ne parlait pas encore duchangement climatique et des simula-tions pour le futur, la pertinence de cesréseaux s’est accrue au cours des der-nières années. La pérennité de ceux-ciapparaît comme une garantie essen-tielle de l’action de l’IRD dans cetterégion du monde. ●
les pollens dansles glaciersAprès avoir été transportés par lesvents, les grains de pollen sont déposésavec les précipitations sur les sommetsdes nevados. Dans le Sud du Pérou surle glacier du Coropuna, la présence depollens de Nothofagus (les hêtres del’hémisphère sud) a mis en évidence, àcinq reprises, l’arrivée de masses d’airen provenance de Patagonie, et l’aug-mentation de pollens de chêne (sur lesversants de Colombie) ou dePodocarpus (conifères de la forêtandine) au cours des dernières décen-nies attestent de l’augmentationrécente des précipitations d’origineNord-Atlantique dans ces régionstropicales. ●
des glaciers andinsdes glaciers andinsLes Andes au Petit Âge de Glace
Les glaciologues sur la base d’écrits anciens etde techniques de datation physique dévoilent le
climat des siècles passés.
Les 120 dernières années : le recul des glaciers et le changement global
epuis 1991, deux types
d’approche guident l’étude
de l’impact actuel du cli-
mat et de l’homme sur la
réponse des glaciers andins. La pre-
mière consiste en des mesures régu-
lières réalisées sur des glaciers
pilotes et leur bassin hydrologique.
Les mesures de variation de surface
de trois glaciers (Antizana, Chacal-
taya, Zongo), analysées par les
chercheurs de Great Ice et leurs
partenaires des Andes centrales,
montrent que les glaciers andins
subissent une accélération marquée
depuis les années 1980. Grâce au
regroupement des données météoro-
logiques locales et des données cli-
matiques plus régionales, et aux
mesures des glaciers effectuées en
réseaux, les glaciologues et les cli-
matologues ont montré que le bilan
de masse de tous ces glaciers est
bien corrélé à l’anomalie de tempé-
rature de surface de l’océan
Pacifique, El Niño Southern Oscil-
lation (ENSO). Pendant les événe-
ments El Niño ( réchauffement de la
température du Pacifique) les gla-
ciers Zongo et Chacaltayade situés
en Bolivie diminuent en volume en
raison de précipitations annuelles
déficitaires, et d’une saison des
pluies tardive. En Équateur, les
observations sur les glaciers
Antizana ont mis en évidence une
remontée du front glacière. De fait,
les glaciers captent mieux le rayon-
nement solaire et enregistrent alors
un déficit de masse significatif. Les
chercheurs ont montré que l’aug-
mentation de la fréquence des évè-
nements El Niño expliquent l’accélé-
ration du retrait glaciaire andin
depuis 1976-80. Au contraire l’avan-
cée du glacier de l’Antizana en Équa-
teur est liée aux événements La Niña
(refroidissement de la température
du pacifique) en 1999-2000.
La deuxième approche développée
par ces scientifiques consiste à inter-
préter l’évolution de marqueurs indi-
rects le long d’une carotte de glace
(stratigraphie, composition chimique
et isotopique, pollens….) comme
celle prélevée sur l’Illimani en
Bolovie en 1999 à 6 330 mètres. À
cette échelle de temps les cher-
cheurs déterminent des variabilités
saisonnières à interannuelles (cycle
des précipitations, flux atmosphé-
riques…). Ils reconstruisent un cer-
tain nombre d’informations clima-
tiques et environnementales telle que
l’accumulation annuelle de neige
depuis 150 ans, les sources d’humi-
dité et les trajectoires de masses
d’air provenant de l’Atlantique tropi-
cale ou de Patagonie. Ils reconsti-
tuent également l’effet anthropique
sur l’environnement marqué par
l’augmentation d’émissions pol-
luantes depuis quelques décennies
grâce à une datation absolue des
strates de glace. Ainsi l’équipe de l’IRD
a montré que les variations de tempé-
rature du Pacifique contrôlent aujour-
d’hui les précipitations en Amazonie
et sur les sommets Andins. ●
Adaptée de Hoffmann et al. 2003 : enregistrements isotopiques sur le dernier siècle issus de quatre foragesandins entre 10 et 20 degrés de latitude sud environ.
Le lichenRhyzocarpon,utilisé enlichénométrie, se développe très vite sur les blocs rocheuxdes morainesglaciaires
© IR
D/ V
.Jom
elli
q g
Sciences au Sud - Le journal de l’IRD - n° 44 - avril/mai/juin 2008
10le bilan est lourd, s’établissant à plus
de 1 500 morts et 300 000 déplacés
à la fin des deux premiers mois de
l’année 2008.
Un aspect caractéristique de ces vio-
lences, commun avec celles qu’a
connu le pays dans les années 1990,
est l’enracinement local des conflits,
autour d’enjeux politiques et fon-
ciers, par rapport à un scrutin natio-
nal. En outre, cet épisode revêt une
dimension urbaine, inédite lors des
flambées passées. Ces ancrages ter-
ritoriaux, qui confèrent à la crise une
autonomie locale potentielle, portent
la double marque de l’histoire colo-
niale et de celle des régimes poli-
tiques qui lui ont succédé.
Le rôle de la colonisation
L’idée de territoires ethniques exclu-
sifs, qui se traduit aujourd’hui par le
concept de préférence régionale ou
majimbo (cf. encadré), n’est pas nou-
velle au Kenya. En son temps, l’admi-
nistration coloniale avait assigné aux
populations africaines des réserves
rurales et des quartiers bien précis
dans les villes, restreignant leur
circulation hors de ces zones. Par
commodité, le domaine africain avait
été divisé en réserves ethniques.
Ainsi, l’intervention coloniale a
contribué à forger de nouvelles ethni-
cités en leur conférant un fondement
territorial et une permanence qui
n’existaient pas dans le système anté-
rieur. En effet, l’organisation tradi-
tionnelle des groupes reposait sur
une occupation spatiale plus flexible,
ès la proclamation des
résultats des élections
présidentielles, le 29 dé-
cembre 2007, qui ont vu
la réélection contestée du président
sortant Mwai Kibaki, les circonscrip-
tions contrôlées par l’opposition
s’embrasent. Le parti d’opposition,
l’ODM (Orange Democratic Move-ment), dispose d’un important sou-
tien dans l’ouest, en pays luo, région
d’origine du dirigeant et candidat
Raila Odinga, en pays kalenjin, fief du
numéro deux du mouvement, et en
pays luhya. Dans toutes les villes de
l’ouest du Kenya, y compris dans les
plus petits villages, les Kikuyu, qui
appartiennent à l’ethnie du président
Kibaki, sont traqués, leurs habita-
tions incendiées. En certains lieux,
d’autres groupes parmi lesquels des
Luhya et des Kisii, trop tièdes dans
leur soutien à l’ODM, sont aussi la
cible de miliciens kalenjin.
En représailles, les ethnies suppo-
sées soutenir l’opposition sont à leur
tour victimes de violences dans la
capitale et dans la province du
centre, en pays kikuyu. Après une
accalmie, une seconde phase, à l’ini-
tiative de miliciens kikuyu, prend
pour cible les populations kalenjin et
luo et luyha autour des villes Nakuru
et Naivasha, et gagne la capitale,
aboutissant à une ségrégation spa-
tiale ethnique entre quartiers popu-
laires. Tandis qu’un accord entre le
pouvoir et l’opposition semble devoir
prendre forme, sous l’égide de l’an-
cien secrétaire général de l’Organi-
sation des Nations unies, Kofi Annan,
Les graves violences autour de l’élection présidentielle contestée de décembre 2007 au Kenya s’inscrivent dans un contexte
mêlant construction identitaire, lutte territoriale et conquête politique. Les travaux d’une chercheuse de l’IRD en éclairent les mécanismes. R
ech
erch
es
K e n y a
Entre crise territoriale et identitaire
répondant à des impératifs fonction-
nels susceptibles d’évolutions et de
renégociations. Après l’indépen-
dance, les frontières intérieures ins-
taurées par la colonie sont renégo-
ciées entre construction nationale et
velléités d’appropriation du formi-
dable patrimoine foncier européen.
Tandis que Jomo Kenyatta, le premier
président1, veut la fin du comparti-
mentage ethnique, Daniel Arap Moi,
qui lui succèdera2, défend activement
l’idée d’un partage territorial de la
nation. Il s’emploie à promouvoir une
ethnicité kalenjin englobante, dans
laquelle différentes micro-ethnicités
sont fédérées autour de revendica-
tions portant sur le domaine foncier
européen. Lorsqu’il accède effective-
ment au pouvoir, il maintient dans un
premier temps le statu quo ante.
Puis, tandis que son régime connaît
une crise sérieuse dans les années
1990, les frontières d’anciennes
réserves coloniales sont réactivées,
de nouvelles apparaissent. À l’inté-
rieur de la Rift Valley, une frontière defacto vient à séparer un domaine
kalenjin, à l’ouest, et un domaine
kikuyu, à l’est. Le régime Moi, qui
recourt à la propagande politique et
ethnique pour conquérir et conserver
le pouvoir, notamment lorsqu’il se
sent menacé par la poussée démocra-
tique des années 1990, installe dura-
blement la violence dans le pays et
aboutit à la constitution de fiefs élec-
toraux et ethniques. L’alternance poli-
tique, issue de l’élection de Mwai
Kibaki en 2002, n’a pas pris la réelle
mesure de la crise de légitimité de
l’État et n’a pas su le réformer en
profondeur. Lors de la récente cam-
pagne électorale, l’ODM a exploité à
son tour le ressort ethnique pour
fédérer l’opposition et permettre une
alliance entre Luo, Luhya, Kalenjin de
l’ouest et Mijikenda de la côte, contre
un gouvernement présenté comme
kikuyu. Au-delà de positions contras-
tées sur la nation kenyane, il faut
noter que les pratiques politiques
successives ont consacré le clienté-
lisme ethnique dans l’accès aux res-
sources et le contrôle territorial. Si
l’accord qui se profile aujourd’hui
parvient à éviter une guerre déclarée,
la construction de territoires et d’eth-
nicités au Kenya semble devoir se
faire sur le mode de l’exclusion. ●
1. Au pouvoir entre 1963 et 1978.2. Au pouvoir entre 1978 et 2002.
ContactClaire Médard – [email protected]
Des déplacés… mais aussi des réfugiés
a crise politique ac-
tuelle au Kenya a pro-
voqué le départ forcé
de plusieurs milliers
de « déplacés internes » chassés
de leurs lieux de résidence. Mais
le Kenya accueille également
sur son sol une « moyenne » de
250 000 réfugiés originaires des
pays voisins. Depuis le début des
années 1990, ce chiffre a très peu
varié ; il montre ainsi que ce sont
davantage les capacités limitées
de l’aide humanitaire internatio-
nale que l’évolution mouvementée
et toujours incertaine des conflits
armés dans les pays de la région,
qui déterminent le nombre de réfu-
giés accueillis sur le territoire
kenyan.
En position charnière entre la
Région des Grands Lacs et la
Corne de l’Afrique, le Kenya se
situe au centre de plusieurs
régions connaissant depuis des
années, voire des décennies, des
conflits dramatiques poussant à
l’exode des millions de réfugiés
dans les pays limitrophes. D’un
côté, les conséquences du génocide
du Rwanda de 1994, puis l’exten-
sion des violences à la plupart des
pays voisins, a provoqué l’arrivée
vers ce pays de plusieurs milliers
de réfugiés rwandais, burundais ou
congolais (d’ailleurs souvent clan-
destins). Mais on doit surtout
l’existence permanente depuis
1992 de quatre grands camps de
réfugiés à la guerre civile en
Somalie et aux revendications
autonomistes du Sud Soudan1. À
l’est, les trois camps de Dadaab
(Ifo, Dagahaley, Hagadera) abri-
tent les quelques 174 000 réfugiés
somaliens. Au nord-ouest, en pays
Turkana, le camp de Kakuma (l’un
des plus grands du monde)
accueille l’essentiel des 73 000 ré-
fugiés soudanais enregistrés
(Sources HCR, 2006).Situés à proximité des frontières
de ces deux pays, dans des régions
arides, isolées et très marginales,
ces camps ont un fort impact local.
Mais avec la crise politique que
connaît ce pays depuis le début de
l’année 2008, c’est maintenant le
« Kenya utile » qui se trouve
confronté au problème majeur de
l’instrumentalisation des apparte-
nances ethniques. Le Kenya rejoint
ainsi la situation malheureuse-
ment rencontrée dans nombre de
pays voisins. Les déplacés s’ajou-
tent désormais aux réfugiés et ce,
pour d’aussi mauvaises raisons. ●
1. Malgré les distances considérables quiséparent la région du Darfour du Kenya,on signale depuis quelques mois l’arrivéede réfugiés soudanais après plusieursmois de marche au camp de Kakuma.
ContactLuc Cambrézy (UMR Ceped)
Majimbo, la préférence régionale’idéologie majimbo, qui tire son nom du mot « région » en
swahili, est une forme de régionalisme associant affirmation
autochtone et revendication exclusive de ressources locali-
sées et délimitées de manière territoriale. Elle a connu plu-
sieurs temps forts à différents moments de l’histoire du Kenya, en par-
ticulier dans les années 1960 et dans les années 1990, revêtant un sens
spécifique à chaque époque. Durant les années 1960, les ethnies mino-
ritaires au Kenya s’associent pour réclamer une dévolution des pouvoirs
à l’échelon régional. Une alliance kalenjin se constitue pour faire valoir
un droit territorial sur l’ensemble du domaine foncier européen situé
dans la province de la Rift Valley, où sont également rassemblés les prin-
cipaux districts kalenjin.
L’adoption d’une constitution majimbo, qui institue un niveau de gouverne-
ment régional (avec un contrôle sur la terre), se situe dans ce contexte de
la décolonisation et exprime un rapport de force en faveur des « ethnies
minoritaires », même si politiquement les « ethnies majoritaires » (en par-
ticulier les Kikuyu et les Luo) finissent par l’emporter. Rapidement, sous
le régime Kenyatta, la centralisation du pouvoir dénature la constitution
majimbo. Au cours des années 1990, au moment de remise en question du
régime Moi, la minorité kalenjin des années 1960 qui préconisait un sys-
tème majimbo est au pouvoir. La promotion de certaines revendications
autochtones se fait dans le cadre d’une idéologie « majimbo » revisitée,
promue par le pouvoir Moi durant les années 1990, et réinvestie aujour-
d’hui par le candidat Odinga et son allié Ruto. ●
Réfugiés de Chepkurkur à Saboti dans le district de TransNzoia,
au Kenya en mai 2007.
© IR
D/C
.Méd
ard
Massif du montElgon, Kenya et Ouganda.
© IR
D/C
.Méd
ard
q g