Notre Amitié n°109 septembre 2006

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Table des matières Edito 2 C’est à Gentioux, dans la Creuse. 3 Ma première maîtresse 4 Les années folles 6 « Notre Amitié » n°109 Bulletin Anaaj Région Parisienne septembre 2006 page 1/6

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Journal trimestriel des anciens et amis des auberges de jeunesse de la Région parisienne. Reflète la vie de l'association, mais apporte aussi des témoignages sur les mouvements ajistes, et l'histoire des auberges de jeunesse en France et dans le monde, hier et aujourd'hui.

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Table des matières

Edito! 2

C’est à Gentioux, dans la Creuse.! 3

Ma première maîtresse ! 4

Les années folles ! 6

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Edito

Nous z’aut’ des Auberges

Il arrive parfois que l’on dise, à l’évocation d’un grand nom de la scène, de l’écran, de la politique : « Tiens, on le connaît, c’est un ancien Ajiste ! » Le nom de Jacques Piraux n’apparaît pas dans les médias.

Sous le titre Le dernier soldat du plomb, Le Monde daté du 30-31 juillet nous présente un journal et son animateur : Le Démocrate de l’Aisne, dernier titre composé au plomb dans ce pays. Son rédacteur-compositeur-imprimeur-diffuseur, Jacques Piraux, 65 ans, prend une retraite méritée. Homme haut en couleurs, il parle peu de lui, il traite surtout du journal qu’il anime, créé au début du siècle dernier, et de l’atelier dont il voudrait faire un musée.

C’est un humble, un besogneux, un rat d’atelier porté par sa vocation, sa foi, son envie de transmettre la connaissance du langage, du théâtre de quartier, du patrimoine, de la nature. Le journaliste qui l’a rencontré en dresse un portrait puis il le laisse s’exprimer : « Mon école, ce furent les Auberges de Jeunesse, Léo Lagrange, l’antiracisme, l’Internationale, le pacifisme, la nature, la fraternité, la mixité. Tout ça m’a forgé un petit côté anarchiste. »

Comme lui, ancien de la profession, ancien des Auberges, je voulais parler de Jacques Piraux. Je suis donc de parti-pris et je propose – non, je demande – qu’il soit consenti un abonnement d’honneur à Notre Amitié pour cet homme qui a œuvré pour répandre le savoir, la connaissance, la culture, l’éducation populaire.

G. Brenier.

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C’est à Gentioux, dans la Creuse.

A l’heure où le nouvel ordre mondial imposé par Washington et le FMI avec le soutien des gouvernements occidentaux se met en place à coups de canon, de frappes aériennes et de massacres de populations civiles, le Comité Laïque du Monument aux Morts de Gentioux invite chaque année les pacifistes à se rassembler autour du monument tous les 11 novembre pour manifester leur attachement à la paix, à la fraternité entre les peuples.

A Gentioux, dans la Creuse, au retour de la guerre, les anciens combattants, les survivants de la grande boucherie de 14-18 ont constitué un comité pour l’érection d’un monument aux morts afin d’honorer la mémoire des disparus à la guerre. Ils ont refusé les formules hypocrites telles que « Morts au champ d’honneur » ou « Morts pour la France ». Comme si ces malheureux avaient pu choisir.

Le sujet représente un enfant orphelin. Il est revêtu d’une blouse, chaussé de sabots. Il tient une casquette à une main et lève le poing en signe de révolte en montrant l’inscription « Maudite soit la guerre » écrite sous la liste des morts de la localité. Cinquante-huit noms de jeunes hommes figurent sur la stèle, chiffre considérable pour cette petite commune rurale.

Les autorités civiles et militaires ont ostensiblement boycotté ce monument, le considérant sacrilège. Il est seulement inscrit depuis 1990 au titre des lieux de mémoire.

Durant le 2e conflit mondial, la région Limousin a payé un lourd tribut pour la libération du pays occupé par les nazis. C’est l’action héroïque de la Résistance, c’est le génocide de la déportation, c’est le martyre de la population civile prise en otage comme le 8 juin 1944, alors que le maquis vient de libérer Tulle. Les Allemands reprennent la ville et pendent dans les rues 99 de ses habitants ; comme le 10 juin 1944, à Oradour-sur-Glane, où la population innocente – dont 247 enfants – est massacrée par les SS de la division das Reich qui incendient le village. Souvenons-nous tous, amis.

Denise Bloch.

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Ma première maîtresse

A l’heure où l’on s’entre-tue dans la déraison pour savoir qui aura raison, où fuient des milliers de Libanais pris sous l’étau, je serais partisan. Alors je choisis le refuge du dérisoire.

On massacre aussi le français. Mon institutrice est devenue professeure des écoles. Elle est auteure d’un livre de récitations. Sa sœur, officière de réserve, a été nommée lieutenante-colonelle par décret paru au JO, signé de la ministre. Sa fille, engagée dans la Marine nationale, vient d’être promue première maîtresse en attendant d’être quartière-maîtresse. Le 14 juillet, on a vu défiler madame la médecine générale inspectrice du service de Santé des armées. Elles deviennent ingénieures, chauffeures, pasteures, pourquoi pas scieures de long ou tueures à gages ? Soyons logiques et écrivons alors un fourgonnet, un camionnet, du vinaigret puisque fourgon, camion et vinaigre sont masculins.

On jargonne avec les z’euros : vingt z’euros et trois cents t’euros sont devenus courants. On jargonne avec les mots comme initier (pour débuter, entreprendre, commencer), le défi est devenu un challenge, le commerce devient merchandising et management remplace la gestion. On jargonne avec le mot citoyen pour en faire un article publicitaire : une voiture citoyenne, le tri citoyen des déchets ménagers. Pour flatter l’acheteur on jargonne avec des expressions comme « à l’ancienne » (vu sur une boîte de Wiskas !). On jargonne en appelant technicienne de surface la femme de ménage qui se tape les bureaux dès potron-minet, en appelant préposé le facteur et en disant d’un sourd qu’il est malentendant. Si de surcroît ce dernier est nain, il devient, par respect, une personne de petite taille. A ce régime, est-ce que le con borné est un mal-comprenant ? Et j’imagine La Fontaine rebaptisant sa fable : Le non-voyant et la personne à mobilité réduite. On jargonne avec les mots comme solution : on ne résout plus un problème, on le solutionne. C’est-à-dire que l’on pratique le solution-nement. On va aller jusqu’à solutionner une problématisation, ça sera aussi abscons que le vocabulaire des maths modernes.

Ecoutons la radio : nous avons entendu les quatre z’autres, on nous lance ensuite les quatre-vingts t’appareils. On nous inflige en Avignon (pourquoi pas en Amiens, en Arras, en Amboise et en Annemasse ?) et, dans le même temps, on donne la parole au maire de Le Raincy (pourquoi pas à le maire ?) à qui l’on demande ce qui s’est passé à Le Blanc-Mesnil Sans oublier qu’au Par-queu des Princes il a course-gagnée (probablement malgré qu’il ait pied-mal dans ses neuves-chaussures ?) On ne peut plus écouter un disque, c’est un album qu’on nous présente en praime-taème et en baisse-toffe, enregistré en la-ève parce que ça ne pouvait attendre et que ça fait mieux que de

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l’exprimer en français. Certains, comme Stéphane Bern dans Le fou du roi, sont passés maîtres dans cet art de nous noyer dans les anglicismes au point qu’il se fait si souvent reprendre par les auditeurs (il a reçu de moi un i-mêle surchargé de ses propres bons mots), si souvent qu’il s’en excuse parfois à l’antenne. Quand la presse écrite s’en mêle… Là, n’en parlons pas ! Mais ce sont les blogs, ces messages lancés au vent d’Internet, qui offrent le plus bel échantillon de ce qu’apprennent et retiennent ceux à qui la « Toile » permet d’exprimer n’importe quoi. Je cite : J’ai admirer… Tu dit dans ta phrase… La deuzième photo… On a coucher à… J’ai écris sa dans la fouler… A la plasse de… Après mon bac j’ai passer… Vener voir sur mon blog et répondé moi… Ce ne sont pas toujours des élèves de CM1 qui écrivent ainsi, les offres de services de personnages avec bac + 2 à la recherche d’un emploi donnent le degré de ce qu’ils ont retenu et de ce qu’ils ont lu. Y z’écrivent comme y causent. On ne leur a pas appris l’usage des prépositions ni la concordance des temps. Pire : ils pensent en texto, ce sabir fonétik traduit en signes qui fait écrire fo pour faute, il faut, foot, faux et faux. Leurs lectures se limitent aux bulles des BD et à Da Vinci Code, beste-sèlaire, non, meilleure vente, de la FNAC. A propos d’Internet, le comble est atteint avec l’un des hommes les plus fortunés et les plus adulés de France qui écrit (je ne change pas un signe !) :

Je part en vacance. Je vous remercier pour vous commentaires et pour les visites (sur le site) et je vous souhaite a bonn vacances a tous et moi lundi je pare au maroc pour 1mois a bientots grand bisous je vous aimes merci. Z.Z.

A ce constat de faillite, j’ajoute que les tirages additionnés de la presse pipeule diffusée égalent en nombre le reste de la presse quotidienne régionale, c’est dire le haut niveau intellectuel du peuple qui se dit le plus cultivé de la terre.

Les ministres de l’Education nationale et ceux de la Culture qui se sont succédé depuis des décennies, relayés par les enseignants de la République qui ne réagissent pas, portent une lourde responsabilité devant ce négatif constat. Continuez, messieurs, nous parlerons bientôt tous l’américain politiquement correct, le basic french language.

L’In-Secte.

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Les années follesC’est dans les environs de 1930, je devais avoir huit ans et ma mémoire me fait défaut sur les événements. Le Front Populaire ne laisse guère de trace artistique, il n’a pas engagé de grands travaux. Je vais essayer en évoquant les bribes des faits marquants de ces moments-là.

L’automne 1929 commence à peine. Qui va diriger ? Supprimer l’exploitation du peuple et supprimer même la guerre. La décennie qui commence sera en effet celle des foules réunies, prolétariennes ou fascistes.

Quelques jours plus tard, le jeudi 24 juin 1929 dit « jeudi noir » la bourse de New York s’écroule, les banques font faillite, l’Amérique est à vendre.

A l’autre bout du monde, le régime soviétique, installé depuis à peine douze ans, se frotte les mains. La crise est l’abou-tissement inexorable du capitalisme.

Dans la France de 1930, n’est que la version dégradée, pétainiste avant la lettre, de la lutte entre les dictateurs qui dominent l’Europe. Chez Staline ou chez Hitler, les choses se montrent à cru. L’artiste est au service des foules. On ne construit plus de bâtiments mais des monuments. On ne peint plus, on représente. On ne raconte plus d’histoire mais d’histoires offi-cielles. Les peintures quittent la taille du chevalet pour devenir murales. De même sur les frontons de Moscou, de Berlin et de Rome, reparaît la maladroite copie du style antique. Tout cet art des années 1930 culmine d’ailleurs dans Le défilé, version animée de l’architecture où cent mille personnes s’enivrent d’elles-mêmes. De Leni Riefenthal, la cinéaste officielle du nazisme aux processions du 1er mai sur la place Rouge, le combat est le même : éliminer l’individu au profit de la masse. Glorifier le travail, l’usine, le kolkhoze.

Hitler se pavane sur l’autoroute toute neuve que le Reich vient de faire construire pour résoudre le chômage. A Moscou, églises et maisons s’écroulent en silence : c’est Staline qui élargit les rues pour copier le Paris du baron Haussmann. Mussolini lance l’aménagement des villes nouvelles qui prendront la place dans les marais insalubres. Dans le Nevada, c’est Roosevelt qui tourne la vanne du barrage Boulder, lancé pour lutter contre la crise de 1929.

Face à ce monde violent, les artistes jouent comme ils peuvent. Le Corbusier propose ses services à tous les pouvoirs, même aux dictatures, heureusement pour lui, on le refuse. Picasso s’en tient à son apolitisme, même s’il en sort glorieusement pour peindre Guernica. Aragon parvient à concilier une adhésion sincère au communisme. Quant à tout ce que l’Europe centrale comptait de talents, ils se posent la question depuis qu’ils ont pris, pour la plupart d’entre eux, le chemin de New York.

J’ai recueilli le plus de renseignements possible, ceux qui furent dans ma tendre jeunesse les faits marquants des événements.

Thomé Maurice.

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