École pratique des hautes études.4e section, Sciences historiques

et philologiques

Les créatures composites en Mésopotamie, des origines à la fin destemps présargoniquesNathalie Berset

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Berset Nathalie. Les créatures composites en Mésopotamie, des origines à la fin des temps présargoniques. In: École pratique

des hautes études. 4e section, Sciences historiques et philologiques. Annuaire 1970-1971. 1971. pp. 805-807.

doi : 10.3406/ephe.1971.5545

http://www.persee.fr/doc/ephe_0000-0001_1970_num_1_1_5545

Document généré le 24/09/2015

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LES CRÉATURES COMPOSITES EN MÉSOPOTAMIE DES ORIGINES

A LA FIN DES TEMPS PRÉSARGONIQUES

par Nathalie Berset

Directeur d'études : Jean Bottéro (1)

Dès les premiers ouvrages consacrés aux antiquités assyro-babyloniennes, nous rencontrons chez leurs auteurs une vive curiosité devant certaines figures de l'iconographie mésopotamienne, qualifiées alors de « monstres ». Un premier contact avec les créatures fantastiques de la Mésopotamie donne en effet l'impression d'un monde étrange et désordonné, dont il semble difficile de déceler les lignes directrices. L'observation, puis l'analyse de quelque huit cents documents appartenant à toutes les techniques, avec une majorité de sceaux-cylindres, s'éta- lant du Ve millénaire à l'époque d'Akkad (env. 2340), nous ont permis d'en distinguer les structures, camouflées derrière un apparent enchevêtrement. Pour ce faire, nous avons eu recours à une méthode codée permettant de décomposer simultanément chaque créature figurée : 1° en divers éléments anatomiques ; 2° en différentes espèces animales.

Contrairement à l'impression première, qui nous laissait entrevoir un ensemble confus de créatures monstrueuses, le résultat de notre analyse est tout différent : ce monde foisonnant peut s'ordonner, se soumettre à une classification, et sa composition suit des règles probablement

(1) Cette thèse, déposée le 26 avril 1970 par M. Jean Bottéro, directeur d'études, a valu à Mlle Nathalie Berset, par délibération de l'Assemblée de la Section en date du 21 juin 1970, rendue sur le rapport de M. Labat et Mme Helena Cassin, le titre d'élève diplômée de la IVe Section de l'École pratique des Hautes Études.

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insoupçonnées des Mésopotamiens, ainsi qu'une loi de la nature rendant impossible la création d'un monstre constitué d'éléments qui ne sont pas empruntés à cette même nature.

Nos créatures, en effet, sont toutes composées d'éléments humains et animaux ; il semble que les anciens Orientaux ne se soient pas beaucoup préoccupés de l'originalité de leur choix, puisque l'ensemble de ces emprunts ne dépassent pas la quinzaine, et qu'ils appartiennent tous à la faune sauvage et domestique de la Mésopotamie.

Ces animaux, ainsi que l'homme, constituent l'ensemble des éléments entrant dans la composition de nos documents ; ajoutons-y le seul élément inanimé rencontré : le bateau. L'ensemble des modes de combinaisons aboutissant aux créatures composites se résume à trois systèmes : le mélange Homme /Animal ; Animal /Animal ; et Homme / Inanimé.

A partir de ce schéma sommaire, nous pouvons diviser l'ensemble en deux groupes : l'un, à dominante humaine ; le second, à dominante animale.

En nous basant sur l'analyse détaillée de ces deux groupes, nous pouvons observer que l'ensemble des procédés entrant dans la composition des « monstres » se limite en fait à

— l'adjonction d'éléments appartenant à une autre espèce (cornes, oreilles, queue, ailes) ;

— la juxtaposition d'éléments Homme /Animal, Animal / Animal, ou Homme /Inanimé ;

— la déformation morphologique faite dans un but décoratif ou résultant d'un goût pour la symétrie ; les anomalies dues à une convention stylistique.

Parmi les nombreux types figurant au catalogue, certains se sont répandus dans toute la Mésopotamie, et à des époques successives, alors que d'autres ne font qu'une apparition épisodique, pour disparaître ensuite entièrement de l'iconographie.

D'autre part, certains sites ont, plus que d'autres, connu une phase particulièrement prospère, qui a permis à la production artistique de s'épanouir, et, ayant pu bénéficier de ces périodes privilégiées, ont témoigné d'un style particulier et d'une grande originalité. Cet épanouissement,

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propice à la prolifération de créatures fantastiques, est particulièrement remarquable dans deux sites, et à deux époques différentes : à Suse, à l'époque dite Protoliterate ; à Fara, à l'époque dite Early Dynastie II.

Notons encore que le choix de l'élément humain ou animal dans les différentes parties du corps (tête, buste, bas du corps) peut déterminer le rôle de la figure. Contrairement à toute attente, l'humanisation de la tête ne semble pas conférer un pouvoir particulier à l'animal, et le taureau androcéphale, comme le lion androcéphale, sont des créatures passives. Le buste humain, par contre, est un élément important, et les créatures qui en sont pourvues, alors que la partie inférieure de leur corps reste animale, ont un comportement humain, peut-être dû à leur station verticale et leur faculté de préhension. Quant aux animaux en posture humaine, ils acquièrent de ce fait tous les caractères de leur modèle.

De cela nous déduisons que l'attitude est essentielle, que le buste et surtout les bras sont déterminants dans le rôle de la créature (le passage du taureau à l'Homme- Taureau s'effectue par la transformation des membres antérieurs en bras, et par la station verticale). C'est l'attitude qui sépare les créatures en posture animale, passives, de celles en posture humaine, qui allient à leur caractère héroïque la force et la vitalité de l'animal.

Si les créatures à dominante humaine représentent des héros ayant leur existence propre, indépendamment de leur fonction occasionnelle de gardiens (d'un dieu, d'une porte) ou d'atlantes, les créatures à dominante animale semblent souvent liées à une divinité, et peuvent être figurées, surtout à partir de l'époque d'Akkad, en relation avec des dieux anthropomorphes.

D'une manière générale, pourtant, le rôle des créatures composites est encore trop indistinct, aux temps présar- goniques, pour que l'on puisse en donner une interprétation qui serait forcément par trop hasardeuse.

L'étude des époques ultérieures, que nous comptons poursuivre par la suite, nous permettra sans doute de nous avancer plus sûrement dans ce domaine.