Naissance de Vénus -...
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__________Une nouvelle lecture de l'histoire de l'art __________
Mathématiques - Histoire de l'art - Ésotérisme - Arts plastiques
Naissancede Vénus
ÉLÉMENTS DE COMPOSITION
------------ Yvo Jacquier --------------------------------------------------------------------------
GÉOMÉTRIE COMPARÉE ------------------------------------------------------------------------------------ Avril 2015 ------
Yvo Jacquier - Éléments de composition - Sandro Botticelli - « La Naissance de Vénus » 1 on 50
PART I –PRÉSENTATION
Yvo Jacquier - Éléments de composition - Sandro Botticelli - « La Naissance de Vénus » 2 on 50
I – LE TABLEAU
La naissance de VénusFlorence - 1485/86
Sandro Botticelli (1445-1510)Le fichier en lien @ panoramadelart.com
ou Vénus anadyomène (sortie des eaux)
Technique Tempera sur toile
Format actuel 172.5 × 278.5 cm
Date 1486 (parfois 1485)
Galerie des Offices (Uffizi), Florence
Modèle posthume Simonetta Vespucci (1453-1476)
Commanditaire Lorenzo de Médicis (1463-1503)
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II – CONTEXTES
Les articles sur la « Naissance de Vénus »
http://www.art-renaissance.net/Botticelli/Venus/Elements_biographiques.pdf
http://www.art-renaissance.net/Botticelli/Venus/Elements_d_observation.pdf
http://www.art-renaissance.net/Botticelli/Venus/Elements_mythologiques.pdf
http://www.art-renaissance.net/Botticelli/Venus/Elements_de_Composition.pdf <• Toute étude de composition s'appuie sur des éléments d'observation.
Nous allons tenter le résumé de l'article qui lui est consacré.
Les trois grandes équations
La peinture affronte trois questions essentielles : 1 - Qu'est-ce que Dieu ?
Andreï Rublev botte littéralement son Prince Vassili en touche avec sa
« Sainte Trinité ». 2 - Qu'est-ce que la figuration ?
Dürer y répond à travers un « projet didactique » qui comprend quatre
gravures sur cuivre, les Meisterstiche, et les gravures sur bois d'un jeu
entier de tarots (le modèle de Nicolas Conver). 3 - « Qu'est-ce que la beauté ? »
Avant Dürer, Botticelli répond à cette question. Sa « Naissance de
Vénus » porte cette équation jusqu'à sa périhélie. Cette réponse prend
l'allure d'une révélation à plus d'un titre.
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III – OBSERVATION
1 – Un cadre doré
Résumé de l'article. La taille comme la proportion du cadre de cette
œuvre sont inhabituels. La naissance de Vénus est le premier grand nu
de la Renaissance, et le rapport entre sa largeur (278,5 cm) et sa
hauteur (172,5 cm) est très proche du nombre d'or (φ ≈ 1,618 à 2‰).
Les formats des œuvres sont rarement irrationnels. Même chez Dürer
et ses Meisterstiche, l'on est habitué à trouver des fractions de type 9/7.
Le tableau est organisé autour
du nombril de Vénus, symbole
naissance s'il en est, et Botticelli
énonce verticalement le principe
majeur de la section dorée (φ). Selon la règle d'Euclide, le point
sépare en verticale les segments
de petite (2) et de moyenne
raison (2φ). Selon Euclide, la
grande raison est la somme de la moyenne raison ( 2φ) et de la petite
(2). Ici, l'équation est visuelle.
L'équation : φ2 = φ +1 avec φ = (1+ √5)/2
Sur le tableau : (2φ +2) / 2φ = 2φ/2 Dans l'autre sens, à l'horizontale, Botticelli sépare 2φ3 en sa part
rationnelle (4) et en sa part irrationnelle (2√5), en fait deux fois la
diagonale d'un double-carré. Encore une fois, la traduction se fait à la
règle et au compas. Bien évidemment, le cadre de l'oeuvre est doré,
même s'il manque 6 mm en largeur au bout de cinq siècles.
Cette grande croix porte une preuve implicite
du format doré de l'oeuvre. Peut-on imaginer
que Botticelli ait énoncé le nombre d'or en
verticale et qu'il l'ait loupé de 6 mm à
l'horizontale ?
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2 – La dénonciation du code vitruvien
Au premier contact de l'oeuvre, nous trouvons le nombre d'or, ses
propriétés et sa construction géométrique. L'irrationalité du format ne
concerne pas ici l'arithmétique : elle ne fait pas référence à la grande
crise qui secoua le monde Grec. Sandro Botticelli revendique une
« géométrie avec les yeux » qui évite le calcul grâce à l'utilisation
savante du quadrillage.
Cette pratique s'oppose à la « comptabilité vitruvienne », qui pense
l'harmonie comme une série de fractions, ou canons. Or ces
« proportions congrues » anéantissent toute possibilité de construire les
figures géométriques en dehors des rectangles et des cercles. Ainsi en
géométrie symbolique, la √3 se développe selon le triangle équilatéral,
ou la Vesica Piscis. Le nombre d'or engendre des triangles dorés, des
spirales et des pentagrammes. La « Naissance de Vénus » ne cessera de démonter le discours des
disciples de Vitruve, architecte romain mort quinze siècles avant eux. Il
est à noter que les artistes de la Renaissance, comme Botticelli et
Dürer, ne reprochent pas aux fractions leur approximation numérique —
elle peut être extrême.
3 – Le contrapposto de Vénus
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L'attitude dite de contrapposto adoptée par Vénus se rappelle de la
sculpture grecque de la fin du VIème Siècle av. J-C. Le « contrapposto »
marque la transition entre l'art archaïque et le premier classicisme (c'est
à dire entre l'époque de Thalès et de Pythagore, et celle de Phidias,
Socrate, Platon et Aristote).
Contrapposto ou hanchement
◊ La jambe d'appui perche une hanche quand l'autre, libre,
montre sa décontraction jusqu'à plier le pied en arrière.
◊ La ligne des épaules oppose une inclinaison symétrique à celle
des pointes iliaques jusqu'à provoquer un léger pli à la taille. Botticelli organise géométriquement la position en plaçant un angle de
36° entre les deux lignes (épaules et hanches). C'est la pointe d'un
pentagramme, une autre expression du nombre d'or. Les lignes
semblent trouver des points du quadrillage sur le bord droit du tableau.
Le point où se croisent les lignes sert de centre à plusieurs cercles,
notamment les diamètres de 3, 4 et 2√5. Ils vont organiser la disposition
du personnage de Vénus : sa tête, ses cheveux, ses mains. Le couple
de Zéphyr et Chloris plonge dans se cône, et cette dynamique renforce
les lignes du contrapposto.
4 – Vénus la sirène
Botticelli, comme tous les descendants de Brunelleschi à Florence,
maîtrise les règles de la perspective. Or dans ce tableau, on est frappé
par le contraste du soin réaliste apporté aux personnages face à
l'expression sommaire et même naïve du décor. Plus encore par son
oubli des principes élémentaires de la perspective.
Vénus ne tient pas debout : elle flotte dans
les eaux, son milieu naturel. Le pied de la
Belle ne repose pas sur la partie nacrée de
la conque. Le background est une illusion de
théâtre, un « effet d'aquarium », une toile
tendue derrière les personnages en
suspension. Les chevelures et les drapés se
meuvent dans l'espace avec une sorte de
mollesse caractéristique. Titre original de l'oeuvre :« Vénus anadyomène » i.e. sortie des eaux
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PART II – L'ÉQUATIONDE VÉNUS
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I – PRÉSENTATION SYNTHÉTIQUE
Quand Botticelli entreprend son
tableau, sa modèle (Simonetta
Vespucci) est morte depuis dix ans,
fauchée en pleine jeunesse. Un
pentagramme inversé, qui couvre la
hauteur du tableau, lui tape sur
l'épaule et se plante en terre. L'espoir
va naître du pentagramme debout,
qui propose un vaste triangle doré...
Simonetta a la peau laiteuse des
marbres grecs. Sandro les a étudiés
dans la collection des Médicis. Elle va
renaître sous les traits d'une Déesse.
Vénus est la fille d'Ouranos. Une
spirale dorée se perd dans son Ciel.
La semence divine va croiser l'écume
qu'elle fécondera telle une laitance
alevine. Chloris court sur ce chemin.
Vénus est marine. Une Vesica Piscis
prend son corps de sirène, et lui offre
toute l'harmonie du monde. Les deux
cercles ont pour diamètre 5, et deux
rectangles de 3x4 s'inclinent. Leurs
bords croisés rejoignent les angles
jumeaux. Comment le triangle 3-4-5
réussit-il ce mariage avec la Vesica ?
C'est la leçon du pentagramme...
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Cette composition est un ensemble de figures superposées. Elles se
lient entre elles avec une logique imparable, et irriguent toute la toile de
leur franche volonté. Plusieurs figures clés parachèvent le système.
Nous ne présentons que les plus accessibles au discours.
Deux foyers portent un éventail de
droites au rythme de 9°. Ces baleines
tiennent la sirène. Le mouvement des
personnages se lie à cette trame, et
plus ils se rapprochent des foyers,
plus ils s'y accordent. Tout
particulièrement les pieds de Zéphyr,
de Chloris et de l'Heure.
La spirale du pentagramme boucle la
composition, telle une signature. Elle
entre dans la vulve déïque et sort à
son sommet. Ouranos féconde
l'écume, non sans avoir goûté aux
joies de la féminité.
Les leçons métaphysiques de cette œuvre sont désormais sous la
responsabilité d'une plume d'auteur. Je n'apporte que les écailles de ce
merveilleux poisson, et je souhaite qu'elles brillent à la lumière d'un
authentique talent, et selon d'autres yeux que les miens.
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II – ÉTUDE APPROFONDIE
L'histoire que nous venons de découvrir est écrite avec une géométrie
digne de l'aérospatiale ; depuis l'Égypte, elle parle au Ciel sans le calcul
des Grecs, elle se pratique avec les yeux, sur un quadrillage. Cette
formidable technologie accoste en Italie du nord à la chute de
Constantinople. La culture byzantine, chargée de cinq millénaires de
sagesse, irrigue les guildes de Venise et Florence. Peintres et
architectes y feront la Renaissance. On peut se reporter aux chapitre III
pour le cadre, le quadrillage et la position du contrapposto.
1 – Le grand pentagramme
L'origine du quadrillage est tout en haut à droite. Commençons par
tracer un cercle de diamètre φ2 , soit φ+1, tel qu'il touche à droite la
verticale des 2 carreaux, et en bas l'horizontale des 2 carreaux
également. Son centre est situé à :
• 2 + ( φ+1)/2 du bord droit soit : (11+ √5)/4
• 2 - ( φ+1)/2 du bord supérieur soit : (5 - √5)/4 C'est l'extrémité de la coquille, ou cyprée, que tient l'Heure entre ses
doigts. Une mèche de la belle pénètre le coquillage en une symbolique
sexuelle à peine voilée, qui se rappelle du serpent et de l'oiseau (la
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coque est en l'air, comme les cheveux au vent). Le serpent et l'oiseau
se conjuguent pour orienter verticalement l'espace... Cherchons le sol. Le pentagramme est un développement du nombre d'or comme la
Vesica Piscis est une expression symbolique de la racine de trois. φ est
masculin et actif, et √3 est féminine et passive. Comme nous le verrons,
les deux valeurs vont entrer en dialogue à travers leurs figures et « se
rencontrer » en des points précis du tableau. La cyprée a la forme d'une vulve et Botticelli va s'empresser de l'écrire
avec des cercles de diamètre φ et φ2. À partir de deux centres.
L'amande en son milieu est une Vesica Piscis...
Nous avons placé le premier centre sous la cyprée. Sur la gauche,
nous trouvons un deuxième centre à la distance de φ/2. Nous traçons
en jaune les deux cercles de diamètre φ, puis nous développons les
cercles de diamètre φ+1 à partir des mêmes centres.
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Trois points d'intersection sont alignés sur la figure et définissent une
droite où l'on reporte en rouge, la distance de (φ+1)/2, ou φ2/2. De là il
est possible de tracer un cercle de diamètre φ3. Puis de constituer sa
Vesica Piscis. Elle est en effet très liée au pentagramme :
La version de Botticelli est
exhaustive. Et elle nous donne
une étape de plus en
descendant dans l'échelle des
multiples du nombre d'or. On
voit apparaître ici le 1/2
carreau, division selon φ du
côté du pentagone central. Le
pentagramme est orienté. E,
voici les deux versions.
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2 – Mort
Un triangle d'argent du Pentagramme inversé pointe l'épaule de Vénus,
et l'interpèle. Une mèche de cheveux en forme de serpent touche ce
sommet, comme s'il en venait, et il se tord au cou de la Belle. Simonetta
Vespucci va mourir de la tuberculose. La couleur dominante du tableau
est l'écho du bleu de méthylène, qui permet d'identifier la maladie.
Cette vision étrange n'invente aucune des lignes qui la constitue.
Seules les ombres sont choisies pour souligner ce propos macabre.
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3 – Conception
Le triangle d'argent avait emporté la Belle, le triangle d'or va l'inviter à
renaître. Le pentagramme debout pointe l'écume que touchera
Ouranos. La semence divine va croiser l'écume qu'elle fécondera telle
une laitance alevine. Une légende prétend, au Moyen-Âge, que la rosée
féconde les coquillages. Ces mythes se conjuguent au naturalisme.
Simonetta a la peau laiteuse des marbres grecs. Sandro les a étudiés
dans la collection des Médicis. Elle renaît sous les traits d'une Déesse.
Vénus, fille d'Ouranos. Une spirale dorée se perd dans son Ciel. Chloris
court sur ce chemin à la recherche d'une éternelle beauté, de nymphe.
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Les pentagrammes inscrits ont également un rôle dans la composition.
Clin d'oeil : le pentagramme interne de second ordre (rotation de 90°)
laisse son empreinte sur la terre (changement de couleur).
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4 – Renaissance
Traçons un cercle à mi-hauteur de diamètre 5, dont le centre est à la
verticale de la cyprée (point de départ de la précédente construction).
Traçons les deux angles d'or (137,5°), descendant en jaune et montant
en bleu. Voici plusieurs coïncidences troublantes, graphiques et
géométriques. Toutes ont la conscience du maître Sandro Botticelli. Le
pied de la belle s'appuie sur l'angle descendant tandis que la spirale
dorée s'appuie sur l'angle montant, qui par ailleurs coiffe les cheveux
du couple Zéphyr et Chloris. Le cercle épouse la nervure de la coquille,
comme la courbe de la spirale épouse l'écume.
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Construisons une Vesica Piscis avec le double de ce premier cercle. Le
triangle d'argent qui avait dénoncé la Belle pointe le cercle de gauche,
et l'angle d'or montant accroche sa chevelure. Enfin, la spirale trouve
miraculeusement le sommet de l'amande !
Construisons deux rectangles de 3x4 dans les cercles de 5. Cela
revient à assembler deux triangles 3-4-5 (le centre du cercle circonscrit
est le milieu de leur hypoténuse). Particularité : si on les incline de 27°,
le bord central de l'un va chercher un angle droit de l'autre.
Yvo Jacquier - Éléments de composition - Sandro Botticelli - « La Naissance de Vénus » 18 on 50
Une queue de poisson se dessine. Vénus est marine. La Vesica Piscis
prend son corps de sirène, et lui offre toute l'harmonie du monde. Deux
droites à 45° depuis le sommet de l'amande indiquent deux foyers...
Un éventail de droites, au rythme de 9°, irradie le tableau. Ces baleines
tiennent la sirène. Le mouvement des personnages se lie à cette trame,
et plus ils se rapprochent des foyers, plus ils s'y accordent. Tout
particulièrement les pieds de Zéphyr, de Chloris et de l'Heure.
Yvo Jacquier - Éléments de composition - Sandro Botticelli - « La Naissance de Vénus » 19 on 50
Rappel
La spirale du pentagramme boucle la composition, telle une signature.
Elle entre dans la vulve déïque et sort à son sommet. Ouranos féconde
l'écume, non sans avoir goûté aux joies de la féminité.
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PART III –CONSTRUCTIONS
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I – LE SECOND PENTAGRAMME
1 – Le pentagramme de cercle 2φ2
Nous allons construire un pentagramme dans un cercle de même
hauteur que le cadre, qui mesure 2xφ2. En largeur, nous partirons de la
verticale au foyer gauche (qui permet de construire l'éventail des 9° ;
Part II, Chap II, 4). Soit un rectangle d'or de hauteur φ2 et de largeur φ3.
Calé en haut du cadre et à gauche sur la verticale du foyer, il définit le
centre du cercle. Vénus se glisse dans ce pentagramme et son inverse.
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2 – Deuxième position du pentagramme
Ce nouveau pentagramme va subir une translation vers la gauche.
Cette fois on se servira directement de la grande Vesica Piscis (au
même chapitre que l'éventail). On part du milieu de son cercle droit, sur
l'amande. Ce point sera l'angle inférieur gauche d'un rectangle doré. Ce
rectangle va chercher, en haut, le sommet de l'amande. Sa hauteur est
donc de 5√3/2 et sa largeur est, par conséquent : 5√3/2φ. Le centre du
cercle est l'angle inférieur droit du rectangle doré. Il est « presque » sur
l'axe de l'amande de la Vesica, mais plus près de la cuisse de la Belle.
Cette fois, c'est le pentagramme inversé qui parle le plus.
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3 – Association des pentagrammes
La rosace ainsi constituée semble tracer le 'V' de Vénus. Une foule de
détails s'appuient sur ces lignes. Les deux centres indiquent la place de
la jarretière de la mariée, et les cheveux de la belle prennent à cet
endroit la forme d'une chausse. Le grand anneau que figurent les
cercles, le diamant de la bague, évoquent également le mariage.
La spirale s'insinue entre ces lignes avec élégance, et elle achève sa
course dans le couloir où le bras de la Belle semble se tendre à la
façon d'Adam, dans la fresque de Michel-Ange.
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Voici les deux pentagrammes majeurs de la composition et leurs petits.
Il est à noter que le rayon de leur cercle est 1. Nous découvrons que
celui de droite trouve le centre de celui de gauche s'il tourne de 90°. Un
calcul nous permettra de savoir si cette rencontre est précise ou exacte.
4 – Notes sur l'interprétation
La première étude de cette œuvre interprétait ce double pentagramme
comme une représentation dynamique du sujet, en quelque sorte
stroboscopique. Le mouvement prend désormais la forme d'une
« intention », avec les symboles réunis de la jarretière, de la bague et
du diamant, et du couple de l'air Zéphyr et Chloris. Par ailleurs nombre d'éléments de ce tableau seront repris par Albrecht
Dürer dans sa « Vierge au Rosaire » exécutée à Venise en 1506. Les
roses, l'explication didactique et exhaustive de la logique dorée, enfin
les entrelacs du pentagramme.
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II – LE TRIANGLE SACRÉ
Zéphyr et Chloris
Chloris, nymphe à la beauté éternelle, est la véritable femme du
tableau. Elle court sur la spirale dorée à la recherche du secret de
Vénus. Ils forment un couple avec le dieu du vent, Zéphyr.
Deux triangles 3-4-5, construits à même le quadrillage, croisent leurs
cercles inscrits pour former une Vesica Piscis. La hauteur de son
amande est le produit du rayon du cercle, c'est à dire 1, par √3. Les
visages du couple sont dans cette lentille. Les cercles circonscrits aux triangles forment également une Vesica
Piscis, du même type que celle que nous avons étudiée en Part II. La
force de cette composition est dans les lignes internes des triangles :
En vert, les bissectrices d'ordre 1 (diagonale d'un simple carré pour
l'angle droit) et d'ordre 2 (diagonale d'un double carré) venant de
l'extérieur. Elles se croisent sur les cercles noirs, circonscrits, selon un
principe de complémentarité (l'ordre 2 pour l'une, et l'ordre 1 pour
l'autre). Cette rencontre se fait notamment sur le nombril de Vénus. Le
couple se trouve ainsi lié au symbole de la naissance.
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III – L'ARC DE CUPIDON
1 – Prolongation du message précédent
Il m'est impossible de raconter le long chemin de cette reconstitution.
Tout a commencé quand j'ai remarqué la forme que prend la cape : elle
évoque celle d'un arc. Au final, seul le résultat compte, et nous le
constaterons, Sandro Botticelli y tenait vraiment. Soit une droite à ≈ 14,04° de l'horizontale, c'est à dire de tangente 1/4.
Traçons celle qui passe par le milieu de l'hypoténuse du précédent
triangle 3-4-5 – c'est le centre de son cercle circonscrit. Cette droite va servir d'axe à deux types d'angles. Ils se rappellent de la
√3 féminine et de φ, masculin : 30° pour la logique féminine (triangle
équilatéral) et 36° pour la logique masculine (pentagramme). Ces
angles se développent de part et d'autre de l'axe de la flèche, comme
nous pourrions le nommer. À partir du point de la cyprée, l'on trace alors un cercle de rayon 1 qui
coupe la droite en un point Ω. Le même cercle, à partir du point Ω,
touche pratiquement celui du couple.
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2 – Le message de Cupidon
En plus des quatre droites présentées plus haut, toutes se croisant en
Ω, voici la complémentaire à l'axe de la flèche, à angle droit. Ensuite,
depuis le point de la cyprée on a ajouté le cercle de diamètre 2φ, en
filigrane. Enfin, un cercle de diamètre φ+1 complète celui de 2 en Ω. L'interprétation est très délicate. On constate l'existence d'une logique
symbolique. La précision du rapport géométrie-dessin rend cette
mission incontournable, donc encore plus délicate... Cette composition est liée au triangle du couple Zéphyr et Chloris. Il est
naturel de leur prêter un discours. Concentrons-nous sur l'espace de 6°
qui sépare les droites. En partant du bas sur la gauche, on trouve le
bord de la grande coquille et plus haut, la cyprée, petite coquille. Nous
parle-t-on de faire un petit ? Les deux cercles que nous avons ajouté touchent les deux ailes qui
dépassent à l'arrière. Or elles ne peuvent pas être celles de Chloris.
Dans la position où elle se présente, elles sortiraient du tableau en bas,
et leur sommet pointerait vers le haut plus que sur la droite en
plongeant ! On a tellement l'habitude de regarder les tableaux avec des
yeux d'historien (l'art est subjectif etc) qu'on en perd tout réflexe de bon
sens. Vasari aurait tenté de substituer Aura, une Titanide, à Chloris. Je
ne sais si cette inspiration lui donne des ailes, mais elles ne vont pas
dans le bon sens (stérilité). En réalité, ces ailes sont celles de Carpos
(le fruit), le bambino du couple, et il est sur le dos de ses parents !
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3 – L'extraordinaire précision de la composition
Observons point par point les rencontres
du dessin avec la géométrie. Elles sont
toutes en quelque sorte « appuyées » par
un détail de la peinture.
1 – La grande coquille (à gauche)
Pour s'assurer que la ligne soit identifiée,
Botticelli peint un éclat sur son bord.
2 – Le ventre de Zéphyr (à droite)
Que dire de plus ? Constatons !
3 – Le couple (ci-dessous)
Le trait qui passe sur les paupières de Zéphyr et Chloris est si lisible sur
l'oeuvre que l'on croirait qu'il a été ajouté par l'infographie. Or sur ce
visuel, le trait rouge a été gommé au niveau des yeux !
La bouche de Zéphir souffle
depuis la ligne, Chloris y
pose sa lèvre supérieure. Ligne rouge, masculine et
active : l'oreille et les yeux,
particulièrement attentifs. Ligne blanche, féminine et
passive : l e s b o u c h e s .
Monsieur souffle et Madame
est bouche bée. N'est-ce pas l'attitude que
l'on adopte devant une
naissance ?
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4 – La petite coquille (à gauche)
•Le point de la cyprée est sur le cercle et la
ligne blanche (point immobile).
•Une mèche de Vénus pointe la ligne rouge
(point mobile).
5 – La cape (à droite)
Cette ligne blanche qui
colle au vêtement est l'un
des indices qui a incité à
restituer cette nouvelle
composition.
4 – Le col de la cape (à gauche)
Une telle précision n'est pas gratuite. Elle
est le gage de l'importance que l'auteur
accorde à cette composition. Il veut
absolument que l'on trouve le « fruit » des
amours de Zéphyr et Chloris. Sandro Botticelli et son disciple Albrecht
Dürer ont ce point commun : ils n'ont pas
eu d'enfants.
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IV – LES RECTANGLES D'OR
1 – Deux lignes majeures du tableau
Plaçons le le carré inscrit au rectangle en son centre. Côté 2φ2.
Sa division dorée donne deux lignes à 2φ du haut et du bas. Nous
avons vu en introduction que la seconde est la ligne d'horizon
« idéale », ou à marée haute si vous préférez. La première coiffe la
coquille saint-Jacques, ce qui confirme l'intention de l'auteur quant au
format, organisé par les propriétés de φ. Les diagonales du carré sont signifiantes. La droite blanche
descendante trouve en haut les époux, et en bas le bord de la coquille
et le bout du pied de l'heure.
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2 – L'ensemble des lignes dorées
Rectangles dorés, obtenus par les retraits successifs des carrés
inscrits, diagonales dorées... Ce visuel rassemble l'essentiel de ses
lignes. L'on sent qu'elles opèrent davantage avec les personnages
secondaires qu'avec Vénus, déjà servie par multe systèmes.
Une étude attentive permet de distinguer les lignes dorées les plus
significatives. Voici les principales ; elles dessinent deux flèches qui
soulignent le mouvement des personnages (vers le bas pour le couple,
et horizontalement pour l'Heure).
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PART IV – CANONS
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BOTTICELLI VS VITRUVE
1 – Le chef de Vénus
La hauteur hors tout de la Belle est celle de la grande Vesica Piscis,
soit 5√3/2. Ses cheveux entrent en bien des figures, telles des racines
tendues vers le Céleste. Déesse oblige. Cependant, cette mesure ne
concerne pas les fameuses « proportions » auxquelles l'on rattache
sommairement la beauté des femmes... Attention, intelligence ! J'ai longtemps hésité sur la valeur exacte de Vénus sur cette toile. Deux
expressions se disputent à ≈ un pixel près. 1 + √2 + √3 et 1 + π.
√2 + √3 ≈ π à 1,4 10-3 (en valeur relative).
Sur la toile, la différence des propositions est de 1,5 mm.
Comptons plus sur notre logique que sur la mesure physique : dans cet
exercice, les cheveux ne sont pas les meilleurs repères. « 1 + √2 + √3 » est recevable symboliquement, bien que l'on ait plus
l'habitude de voir ces racines multipliées qu'additionnées. L'autre
option, π, est transcendante, et c'est si je puis dire une classe au-
dessus. Or l'opération de ce tableau est comparable à une
transfiguration. Une simple mortelle y renaît par la magie de Botticelli
pour représenter une déesse.
Yvo Jacquier - Éléments de composition - Sandro Botticelli - « La Naissance de Vénus » 34 on 50
Ce choix est digne d'un débat d'école. Le courant vitruvien, abordé
dans la partie observation de l'étude, entend réduire la géométrie à un
simple problème de proportions. Or il n'est pas possible de construire
une géométrie symbolique avec des fractions. La pratique du
quadrillage prend au compas des valeurs très souvent irrationnelles,
telle la diagonale d'un double carré qui mesure √5. C'est plus une
question de nature que de précision. Les traits du dessin peuvent
avaler bien des approximations, mais ils ne peuvent pas construire une
Vesica Piscis ou un pentagramme à partir de vulgaires fractions. La subtilité, la complexité et aussi la ferveur de Botticelli se révèlent
dans toutes les œuvres étudiées. Ainsi, dans son dessin des « Six
géants autour d'un puits » illustrant l'Enfer de Dante, il expose
clairement un 2 symbolique attaché au principe de la trinité, et pas au
gnostiscisme dualiste. Sa démonstration est d'une force et d'une
complexité époustouflantes. La fraction 13/9 y est elle même conçue
comme la contraction de 265/153, approximation biblique de la √3.
Chez Sandro Botticelli, les fractions conduisent immanquablement à
l'irrationnel. Les éléments mythologiques viennent toujours renforcer et
confirmer son propos géométrique. Dans le cas qui nous occupe, la clé
magique du cercle convient parfaitement.
Concrètement, le pied droit donne la ligne de sol. L'inclinaison de la tête
correspond à l'angle aigu d'un triangle de côté 2 en hauteur, et 2 φ3 – 3
en largeur, soit 20,08°. L'habile disposition du tableau nous invite à
trouver cet angle.
Yvo Jacquier - Éléments de composition - Sandro Botticelli - « La Naissance de Vénus » 35 on 50
Pour une fois, une fois seulement, Botticelli va être d'accord avec les
écoliers de Vitruve. Dans son célèbre traité sur l'architecture, « De
Architectura, III, 1 », traduit par Pierre Gros, Paris, les belles lettres,
2003, l'on peut lire ceci :
« La nature a en effet ordonné le corps humain selon les normes
suivantes : le visage, depuis le menton jusqu'au sommet du
front et a la racine des cheveux vaut le dixieme de sa hauteur,
de même que la main ouverte, depuis l'articulation du poignet
jusqu'à l'extrémité du majeur : la tete, depuis le menton jusqu'au
sommet du crane, vaut un huitieme; du sommet de la poitrine
mesuré à la base du cou jusqu'à la racine des cheveux on compte
un sixième ; du milieu de la poitrine au sommet du crâne, un quart.
Quant au visage, le tiers de sa hauteur se mesure de la base du
menton à la base du nez ; le nez, de la base des narines jusqu'au
milieu de la ligne des sourcils, en vaut autant ; de cette limite
jusqu'à la racine des cheveux on défini le front qui constitue ainsi
le troisième tiers. Le pied correspond à un sixième de la hauteur
du corps, l'avant-bras à un quart, ainsi que la poitrine. Les autres
membres ont également des proportions spécifiques, qui les
rendent commensurables entre eux.... »
En effet, la tête de Vénus représente 1/8e de la hauteur de son
personnage. Maintenant, que se passe-t-il si elle se redresse ? Cet
exercice n'est vraiment parfait (et recevable) que s'il s'applique à des
carcasses minéralisées (si possible allongées sur une table de
dissection). Le cercle de rayon 1/8e trouve sa place sur le nombril de
Yvo Jacquier - Éléments de composition - Sandro Botticelli - « La Naissance de Vénus » 36 on 50
Vénus, comme pour nous rassurer, ainsi que l'angle de 20,08°, par la
main délicate de la Belle. En revanche, la Vénus de Botticelli n'a pas la
face qui sied aux canons de Vitruve. Le point qui représente le 10e de la
hauteur doit, selon l'architecte Romain, se situer à la frontière des
cheveux. Or dans ce tableau, cette insertion se produit beaucoup plus
haut. Botticelli permet à la nature de développer son plus bel attribut
culturel : le front. Et le point vert fluo de Vitruve se retrouve au beau
milieu d'une réflexion inattendue. Avec ces deux cercles en forme de
chapeau, Simonetta annonce les « Incoyables et les Meveilleuses » du
futur. En revanche, le cercle du 10e donne satisfaction à sa main, pour
peu qu'elle plie légèrement les doigts...
Chacun est libre d'apprécier selon son goût, y compris la vulgarité.
Sandro Botticelli comme tant d'autres artistes de la Renaissance
appréciait l'intelligence des femmes. Vinci rendra ainsi hommage à
Isabelle d'Este. La mode sera plus tard chez les aristocrates de se
tondre le front pour en souligner l'importance.
Yvo Jacquier - Éléments de composition - Sandro Botticelli - « La Naissance de Vénus » 37 on 50
Confrontation finale entre les visions de deux artistes que tout sépare.
La gravure est extraite de : « Les proportions du corps humain,
Architecture ou art de bien bastir » Marc Vitruve Pollion, par Jean
Martin, 1547. Est-il besoin d'une description ou d'un commentaire ? L'affirmation du Maître florentin est très claire dans ses oeuvres. La
Beauté ne saurait être mesurée : elle se manifeste. La Géométrie peut
guider le peintre, aider à l'interprétation également, dès lors qu'elle est
vivante, nourrie du mouvement de l'esprit et du corps. La brutale
logique des canons va contre ces manifestations. Dürer reprendra cette
idée à travers cette phrase devenue célèbre : « Il n'appartient qu'à Dieu
de soumettre à la mesure la beauté absolue. ». Vénus est belle dans sa
façon d'être dessinée, comme dans sa façon de vivre. La beauté est
une révélation fugitive que l'oeil ne capte que s'il est ouvert et pas
fermé pour pratiquer une comptabilité sordide. Cette beauté ne se livre
qu'à des esprits préparés, voire en état de grâce. Les canons n'ont
jamais respecté la chair plus que l'humain. Pour exemple, les
magazines de mode produisent aujourd'hui des anorexiques !
Yvo Jacquier - Éléments de composition - Sandro Botticelli - « La Naissance de Vénus » 38 on 50
2 – Autres mensurations
Évitant soigneusement le
nombre 7, Vitruve précise
deux autres proportions dont
nous allons reprendre la
transcription. Confrontons les
mesures dont il parle au chef
d'oeuvre de Botticelli : • En jaune, le cercle de rayon
H/6 (H = hauteur de Vénus) • En rouge, le cercle de
rayon H/4. En termes de diamètres,
jaune = H/3 et rouge = H/2
Que préconise le texte
vitruvien ?
« La nature a en effet ordonné le corps humain selon les normes
suivantes : le visage, depuis le menton jusqu'au sommet du front
et à la racine des cheveux vaut le dixième de sa hauteur, de
même que la main ouverte, depuis l'articulation du poignet jusqu'à
l'extrémité du majeur :
• la tete, depuis le menton jusqu'au sommet du crane, vaut un
huitieme; du sommet de la poitrine mesuré a la base du cou
jusqu'a la racine des cheveux on compte un sixieme ;
• du milieu de la poitrine au sommet du crane, un quart.
Quant au visage, le tiers de sa hauteur se mesure de la base du
menton à la base du nez ; le nez, de la base des narines jusqu'au
milieu de la ligne des sourcils, en vaut autant ; de cette limite
jusqu'à la racine des cheveux on défini le front qui constitue ainsi
le troisième tiers. Le pied correspond à un sixième de la hauteur
du corps, l'avant-bras à un quart, ainsi que la poitrine. Les autres
membres ont également des proportions spécifiques, qui les
rendent commensurables entre eux.... »
Yvo Jacquier - Éléments de composition - Sandro Botticelli - « La Naissance de Vénus » 39 on 50
Jaune R =1/6
La Vénus de Botticelli est connue pour son cou démesurément long.
Les ordres de Vitruve ont ici un effet de guillotine. Un point noir précise
la « base du cou ».
Rouge R = 1/4
Le point de rendez-vous est au sommet de la poitrine, et pas au milieu.
Idem, un point noir marque ce rendez-vous manqué. On ne peut
rattraper l'affaire en prétextant la haute implantation des cheveux. La
tête et le cou sont pliés, et s'ils se mettent « au garde à vous », ils
récupèreront amplement le terrain perdu !
Le point rouge est à dessin placé sur l'annulaire (étymologiquement le
doigt de la bague). Et ce, précisément entre le noble front de la pensée,
et ce sexe que l'on ne saurait voir.
Les proportions ou canons de Vitruve sont tout simplement inadaptées
à cette peinture. De nombreuses réflexions sont placées dans la partie
qu'il leur revient.
Yvo Jacquier - Éléments de composition - Sandro Botticelli - « La Naissance de Vénus » 40 on 50
PART V - RÉFLEXIONS
Yvo Jacquier - Éléments de composition - Sandro Botticelli - « La Naissance de Vénus » 41 on 50
MÉTHODOLOGIE
1 – La Les preuves
L'étude d'une œuvre comprend plusieurs chapitres complémentaires. L'aspect biographique (historique) est pour l'instant le seul à mériter la
considération des auteurs. C'est le seul plan qui soit entrepris avec
sérieux. Cependant, l'on attribue à Trithème et Agrippa l'introduction
des carrés magiques byzantins, dits astrologiques. Or c'est faux, les
spécialistes n'avaient pas recoupé toutes les informations. C'est Pacioli
qui a initié l'Italie, et l'Europe du nord par voie de conséquence. Ensuite, l'observation des œuvres souffre de lacunes qui confinent à la
cécité. Le culte des sources écrites multiplie les erreurs au lieu de les
pondérer. Par exemple, l'ange de Melencolia est devenu le portrait
psychologique de Dürer. Le statut des anges est à cette époque
imprescriptible. Il suffit d'observer la gravure : cet ange lévite. Un dogme curieux, très contemporain, achève de nous égarer : « L'art
est subjectif parce qu'il est subjectif. La preuve : il est subjectif. ». Une
façon de se débarrasser des esprits scientifiques. Le poisson soluble
de Breton est plus à l'aise dans cette eau-là que la sirène de Botticelli. L'étude de la Mythologie associée à l'Esotérisme des nombres (leur
traduction en langage humain) est réservée à une élite. En tous cas,
elle s'auto-définit comme telle. Au final personne n'y comprend rien et
c'est le seul authentique mystère de cette discipline. Les pyramides de
Gizeh sont l'enjeu de spéculations farfelues et pseudo-scientifiques.
Pourtant, il suffit de considérer les noms des trois grands édifices pour
comprendre qu'elles nous exposent avant tout une histoire de famille
(père, fils, petit-fils). La petite pyramide de la reine Hénoutsen est
classée comme « satellite», alors que la construction de cette digne
épouse de Khéops sort du champ... Enfin, la géométrie de composition n'entre plus en tant que matière
dans les écoles d'art et d'architecture. Parallèlement, la géométrie
disparaît tel un poisson soluble des programmes scolaires. On pourrait
soupçonner une volonté de nuire (complotisme). Les erreurs historiques
n'ont pas besoin d'intention, la bêtise suffit amplement.
Yvo Jacquier - Éléments de composition - Sandro Botticelli - « La Naissance de Vénus » 42 on 50
Progres de l'étude
La composition est le point fort de mes études. J'ai abordé « La
naissance de Vénus » en 2010, et différents pointages dans mon travail
de recherche m'ont permis à cette époque d'évaluer mes progrès. En
sept ans, ma capacité de précision s'était multipliée par cinq (parfois
sept). L'appréciation des coïncidences et des écarts avait réduit ses
marges d'autant. Depuis j'ai progressé, peut-être de deux fois. Les progrès de cette seconde époque se sont produits ailleurs. La
reconstitution du corpus de « géométrie avec les yeux » change la
donne. Merci à Jean-Paul Guichard et à l'IREM ! Le répertoire des
figures de de leur impeccable logique constitue désormais une
référence. On voit notamment émerger la notion de clé géométrique.
Une figure non triviale, douée de propriétés non ordinaires, qui donne
un sens à l'ensemble des autres, vérifiable par l'interprétation. L'appréciation des compositions n'étant plus sujette à une double
caution (la part théorique étant fiable), l'étude peut se concentrer sur
l'appréciation des lignes. Les différents aspects de l'étude que nous venons de présenter doivent
subir une confrontation permanente. Tous les propos doivent rester
cohérents, et même homogènes. Ensuite, le discours final de
l'interprétation comprendra deux parts. La première entre dans la
tradition (ce qui était établi), l'autre livrera ce que les études classiques
ne peuvent pas aborder. En termes clairs, la composition ne sert pas
uniquement l'aspect narratif d'une œuvre, elle porte une symbolique qui
permet à l'artiste d'aller au-delà. Cette part du message peut être
ésotérique, mais il serait plus juste de dire que c'est le refuge du point
de vue personnel de l'artiste, son intime conception.
2 – La naissance de Vénus
La première étude a mis en évidence plusieurs systèmes de
composition. Ils tiennent toujours. Leurs propriétés mathématiques
étonnantes en expliquent la raison. Il ne serait pas possible de voir ces
propriétés dans les œuvres tout en les « inventant ». On peut envisager
ce type de découverte théorique à part des œuvres. Un travail de
mathématicien. En revanche, inventer de telles propriétés sur les
œuvres réclamerait une intelligence sur-humaine où les cerveaux de
Vinci, Champollion et Einstein seraient réunis sous le nom de Jacquier !
Yvo Jacquier - Éléments de composition - Sandro Botticelli - « La Naissance de Vénus » 43 on 50
Je ne suis pas contre, mais permettez-moi d'en douter. En revanche, le placement des systèmes a totalement changé. Sur les
œuvres, on s'en rend à peine compte, mais les constructions ne se
justifient plus de la même façon. La première option de recherche était
de bonne foi. Les différentes couches de la composition se rejoignent
« dans l'épaisseur du trait ». Les quelques pixels en largeur avalent les
différences. L'expérience montre que les coïncidences sont recevables
pour l'oeil jusqu'à environ 4‰. Cependant cette approche repose sur une idée erronée de la culture
des Anciens, où la notion d'empirisme croise ses gènes avec ceux de la
croyance. Une telle méconnaissance confine au mépris. Ô divin
progrès ! La réflexion sur la « géométrie avec les yeux » a fait
lentement évoluer la conscience, et donc l'approche des systèmes de
composition. En fait, tout y est extrêmement solide, clair, et chargé de
sens. Les coïncidences ne cessent pour autant d'exister, mais elles
sont assimilables aux « harmoniques » en musique (ces notes non
écrites qui se produisent quand les vibrations accordent leurs courbes). Les récents progrès de la recherche mathématique pure, en partenariat
avec l'IREM, n'ont pas seulement resserré les critères d'exigence et
augmenté le vocabulaire potentiel de l'étude. La logique a en quelque
sorte franchi un cap. Cette nouvelle étude du tableau de Botticelli
justifie la place des systèmes sur leur quadrillage commun, à partir de
quelques points parfaitement identifiés. Le point de la cyprée, et le
nombril de Vénus, si ostensibles, sont les principaux repères de
construction. Ensuite, un système se démarque, Vénus oblige, et c'est
une grande Vesica Piscis : son symbole. Ce tableau est le parfait exemple de ce qui est affirmé plus haut. Un
discours narratif classique et un discours plus intime. L'histoire de
Vénus en tant que mythe, et l'histoire de Simonetta par Sandro. Sans la
géométrie, l'essentiel de l'oeuvre pourtant si aimée du public, échappait
à notre compréhension. La question se pose de savoir si Botticelli
souhaitait que l'on entre dans son intimité. La réponse est OUI. Il s'est
fait enterrer au pied de la Belle, il a posé un trait au sommet de son
nombril et une cyprée telle une lanterne dominant son tableau. Cette
voie que nous suivons a été tracée par le maître.
Yvo Jacquier - Éléments de composition - Sandro Botticelli - « La Naissance de Vénus » 44 on 50
DE VITRUVE
1 – La nature de « l'objet »
Peut-on appliquer le même raisonnement quand il s'agit d'un modèle,
un corps humain, une sculpture qui le représente en trois dimensions,
et une peinture qui par nature pratique la projection et le raccourci ?
Pour la peinture tout le monde en conviendra, les canons appliqués au
modèle souffriront de sa mise en page. La sculpture semblerait plus
proche de la réalité si l'objet pouvait se mouvoir à sa guise.
Malheureusement c'est le spectateur qui se déplace, dans la mesure de
ce qui lui est permis. Cette contrainte est inhérente aux pièces
monumentales, parfois juchées au sommet d'une colonne. L'histoire
rapporte ainsi qu'une œuvre du grand Phidias fut mal accueillie par le
public, jusqu'à ce que la représentation d'Athéna trouve sa place finale
en hauteur. Un tout autre point de vue ! Nombre d'oeuvres sont connues pour les libertés qu'elles prennent
avec la réalité. Les chevaux d'Eugène Delacroix sont des cas de
réforme (menant directement à la boucherie). La « grande Odalisque »
de son éternel concurrent, Jean-Dominique Ingres, s'invente des
vertèbres. Plus près de nous, les amants du « baiser » de Rodin ont
des bras démesurés. Ils ne desserrent pas leur étreinte par peur de
trahir leurs origines darwiniennes.. Face à ces anomalies, les
philosophes évoquent l'illusion de l'art. De cette façon, ils n'ont pas à en
expliquer la puissance. Le succès d'une œuvre ne dépend pas de son
exagération mais de sa pertinence, n'en déplaise à un monde
contemporain qui use et abuse de toutes formes de provocation. La
leçon de Gauguin est même interprétée à l'inverse. Quand il invite les
peintres à souligner les couleurs qu'ils perçoivent avec une acuité qui
participe du métier, l'historien d'art ne retient que la « liberté » dont on
peut tirer profit, « au nom du grand manitou ». Désormais, l'on peut
mettre la couleur qu'on veut, le propos n'est pas d'observer plus que de
comprendre, mais de s'exprimer. Nous sommes dans l'ère d'une
« psychanalyse inversée » où le patient a l'ambition d'être payé. Une
affirmation achève la quasi-totalité des discours : de toutes façons, l'art
est subjectif. Heureusement, la Vénus de Botticelli conserve sa place
de chouchoute numéro un au hit parade.
Yvo Jacquier - Éléments de composition - Sandro Botticelli - « La Naissance de Vénus » 45 on 50
Étudions la leçon de Sandro
Son art continue de nous émouvoir en refusant les critères du
mannequinat de mode. Les canons ont avant tout des vertus
bouchères, et c'est en consommateurs de viande fraîche que l'on
conçoit la chose. Par exemple, l'on farde les yeux des femmes pour
qu'elles ressemblent à des biches, oui : à des proies potentielles pour
l'homme devenu tigre... Le temps d'un flash photographique ! Le fait
d'éclaircir les paupières à l'intérieur et de les obscurcir à l'extérieur
provoque une illusion, les yeux passent littéralement sur le côté au lieu
de faire face. Cet art-là, en résumé celui de la séduction ordinaire,
provoque l'excitation plus que l'émotion, et la Vénus de Sandro est une
déesse face aux héroïnes de boîte de nuit. Ce débat n'est certainement pas nouveau, et une chose est sûre : on
ne peut transposer bêtement des critères qui valent dans un cadre en
n'importe quelles circonstances. Ce qui vaut pour les podiums de mode
ne vaut pas forcément pour l'art. De même, l'architecture n'est pas la
peinture. En réciproque, la leçon de Sandro s'adresse à la vie, elle ne
concerne pas uniquement Simonetta Vespucci, fauchée en pleine
jeunesse dix ans avant qu'elle ne prenne une place éternelle sur la
toile. Et son succès en témoigne. La beauté sublime de cette œuvre a
du sens aujourd'hui. Or comme nous l'avons vu au cours de l'étude,
l'artiste y met à mal les canons de Vitruve pour nous livrer l'essentiel de
ce qui fait la beauté : l'émotion. Un principe dont les philosophes ont
bien du mal à s'emparer.
2 – Divorce ou partage de Yalta ?
Botticelli ne veut pas des canons de Vitruve. Pour autant, lui donne-t-il
tort ? Certes sa Vénus bêche les règles de la perspective, mais est-ce
dans un esprit de contradiction ? Jusqu'à la Renaissance, les peintres
et les architectes « tournent avec la même essence ». Il n'y a pas
d'architecte au sens moderne du terme. Une série de corps de métiers
mutualisent leurs efforts et leurs compétences. De même, il n'y a pas
de peintre, mais un atelier de peinture. L'histoire y voit des grouillots
s'affairer, qui préparent les couleurs et nettoient les pinceaux. Elle ne
voit pas les chercheurs en géométrie qui prolongent une tradition vieille
de cinq millénaires ! Sur ce plan, Giorgio Vasari n'a consigné que des
anecdotes, et Luca Pacioli, lui, a véritablement fait l'histoire.
Yvo Jacquier - Éléments de composition - Sandro Botticelli - « La Naissance de Vénus » 46 on 50
Comme le Néolithique, la Renaissance ne saurait se résumer à une
cause qui produirait un unique effet. Il est plus juste de parler de
faisceau. Une forme de progrès fait néanmoins l'unanimité : la
technologie. Sans télescope, pas de Copernic ni de Kepler.
L'architecture va profiter de cet alizé. L'architecte, Brunelleschi en
premier, va naître des exigences de l'ingénieur. Et il est tout à fait
légitime qu'il se tourne vers le passé pour progresser. L'architecte romain Vitruve (Ier Siècle av. J.-C.) est l’auteur d’un traité
nommé « De architectura », qui va considérablement influencer la
Renaissance. Leone Battista Alberti (1404-1472) le redécouvre dès les
années 1420, et la première édition est imprimée à Rome en 1486,
année où Botticelli produit sa Vénus. Alberti gagne sa reconnaissance à
Florence à la fin de sa vie, où il est en relation avec Laurent le
Magnifique, le protecteur et mécène de Sandro. Tant que l'architecture ne souffrait que de la gravité dans sa pierre, elle
pouvait se fier aux symboles de Sisyphe et d'Atlas. Mais les
développements de ses voûtes et de ses arcs pouvaient-ils désormais
se contenter de systèmes qui certes, avaient permis au Gothique de
caresser les nuages, mais devenaient un véritable fardeau ? La Renaissance voit fleurir les constructions à caractère profane. Le
château de Chambord est un des symboles de cette nouvelle vague. Il
n'est pas habitable, mais on peut descendre discrètement grâce à la
spirale d'ADN qu'à dessiné Vinci avec son escalier (un pour papa, un
pour maman). Les préoccupations ne sont dans ce cas pas les mêmes
que celles d'une cathédrale, et l'approche analytique qui vaut pour les
édifices sacrés jusqu'à la fin du Moyen-Âge n'opère plus de façon
satisfaisante à partir de la Renaissance. Pour autant doit-on transposer ce qui relève de l'architecture et même
de la littérature à la peinture ? Si l'esprit de proportion se suffit de
quelques fractions, nous savons qu'elles ne permettent pas de
comprendre Botticelli et Dürer. D'ailleurs, les architectes de l'époque
eux-mêmes prétendent-ils comprendre la peinture de cette façon ?
Peut-être Vasari, et cela pose sans doute problème... Mais je ne crois
pas que de façon collective, les architectes aient considéré leur art
comme supérieur aux autres, au point de les ignorer. Dernière considération, qui peut paraître poétique alors que c'est un
fondamental : l'architecture ne pratique pas nécessairement la
figuration comme la peinture et la sculpture. Les personnages
Yvo Jacquier - Éléments de composition - Sandro Botticelli - « La Naissance de Vénus » 47 on 50
représentent la vie, et pour les peintres de la Renaissance, la nature
(humaine) est encore un temple. Pour autant, cela ne confine pas
l'architecture dans un rôle matérialiste face à l'art, idéaliste.
3 – Mais que s'est-il passé ?
Les hommes qui ont produit de véritables cages de torture pour les
personnages n'avaient pas de mauvaises intentions. Ils voulaient capter
l'harmonie en prenant exemple sur un monde qui malheureusement est
minéral. Tout y est plus rangé qu'harmonieux, en dépit des
quasicristaux. L'alchimie devrait également se montrer modeste. Une
opération de catalyse reste une pirouette mécanique.
Plomb + Argent donne Or + Étain
C'est parfaitement équilibré, mais ça ne donne pas des ailes à l'Amour.
Pour approcher la nature dont parle Vitruve avec tant d'assurance, le
chêne est un sujet didactique. Il pousse pendant que nous le
regardons, et continue quand nous lui tournons le dos... En fait, il profite
de notre égarement pour tordre ses branches dans tous les sens. Les
peintres, aussi vifs soient-ils, sont incapables de capturer les chênes –
qui n'ont même pas besoin de courir. Et la cacophonie de leurs formes
trouve un parfait équilibre entre le Ciel et la Terre : c'est tout le
problème. Et si nous constatons que l'être humain grandit quand nous
le considérons, jamais il ne pousse selon notre volonté ! Nous abordons la Renaissance comme un tout cohérent et homogène,
dont le cœur serait la science et son âme l'humanisme. J'ai renoncé à
définir ce terme, tant les peintres sont exclus des débats. Non, Botticelli
n'est pas un illustrateur ; sa Vénus est un symbole et pas une allégorie.
Dans cette nuance, il y a cinq millénaires de civilisation. La Renaissance est un faisceau de phénomènes et de courants, parfois
opposés. La technologie va permettre l'avènement de la science quand
une nouvelle architecture va se développer. Cependant le système
perspectif, si utile au réalisme, va peu à peu faire oublier la géométrie
sacrée. Seule une petite élite sera capable d'assumer les deux
« programmes » de concert. De même l'explosion de l'écrit, boosté par
l'imprimerie, va permettre de propager des idées. Qu'elles soient
nouvelles n'est pas la première préoccupation, preuve en est de
l'hellénisme. Les échanges se multiplient, mais le solde pour la peinture
est lourd : elle perd sa primauté et se met plus ou moins directement au
Yvo Jacquier - Éléments de composition - Sandro Botticelli - « La Naissance de Vénus » 48 on 50
service de l'écrit. Quelques siècles plus tard, on lit Vasari, qui enfonce
méchamment Botticelli autant que son maître Verrocchio. On lit les
textes d'un mauvais peintre (voir à ce propos la description de
Stendhal), et on ne sait plus lire les bons parce qu'ils ont tout écrit dans
leurs œuvres. Pour autant cette mort à l'étouffée de la culture des
Anciens s'est produite sans intention de la donner. Sept guerres émaillent la Renaissance italienne (au XVIe siècle), et si
l'on en croit Albrecht Dürer, il ne fait pas bon manger n'importe quoi
avec n'importe qui. Son voyage à Venise, en 1506, se cale entre la 3e
et la 4e guerre. Ensuite, quand un dialogue s'installe entre des courants
séparés par leur domaine d'activité (philosophie, art, architecture)
l'écoute n'est pas forcément réciproque.
4 – Une approche chronologique
Il est important de considérer les générations successives des
protagonistes qui ont fait la Renaissance. Il faut distinguer notamment
la période qui précède la chute de Constantinople, en 1453, et celle qui
lui succède. Le massif exode les élites byzantines va impulser les
courants existants par un apport de savoir considérable, mais aussi des
projets comme celui des tarots, encyclopédie de la symbolique. Filippo Brunelleschi (1377 – 1446) et Leon Battista Alberti (1404 –
1472) sont de la première époque, celle des pionniers – ils
entreprennent la perspective. Ces architectes ont une nouvelle façon
d'assumer leur liberté de créer. Le traité « De Pictura » de Alberti (écrit
en 1436) est une des références de la Renaissance et de l'Humanisme.
La peinture s'y démontre comme un plaisir de l'esprit et à ce titre, elle
revendique une place dans les arts libéraux. Pour autant, les références
de cette génération sont antiques, on le voit avec la redécouverte de
Vitruve, architecte Romain du premier siècle avant Jésus-Christ. Le mathématicien Luca Pacioli (1445 – 1517) est un contemporain de
Sandro Botticelli (1445 – 1510). C'est par lui que passera le savoir
byzantin en Italie du nord. Il ne s'agit plus seulement d'expérimenter de
nouveaux espaces de liberté, comme la perspective, le profane,
l'antiquité romaine ou hellénistique, il s'agit d'assumer les cinq
millénaires de symbolique jusque là concentrés à Constantinople. Le
penseur Ange Politien (1454 – 1494) est l'un des grands connaisseurs
de l'oeuvre d'Alberti, et il aurait soufflé à Sandro Botticelli plusieurs de
Yvo Jacquier - Éléments de composition - Sandro Botticelli - « La Naissance de Vénus » 49 on 50
ces sujets, notamment sa « Naissance de Vénus » et, dix ans plus tard,
« La Calomnie d'Apelle ». Sandro Botticelli était à l'écoute de ses aînés,
mais rien ne transpire de ses secrets d'atelier, sévèrement préservés
sans doute. Albrecht Dürer (1471 – 1528) est l'acheveur du grand projet
des tarots, qui vise à synthétiser tout le savoir symbolique. Il fallait un
graveur hors pair, féru de géométrie... Mais ce savoir n'est plus
forcément celui des architectes, trop occupés à maîtriser leurs arcs de
décharge et les nouvelles contraintes de leurs édifices profanes.
Yvo Jacquier - Éléments de composition - Sandro Botticelli - « La Naissance de Vénus » 50 on 50